Et dans cette grande mutation, on a donc assisté à un phénomène nouveau : après les pantouflages (les départs du public vers le privé), une nouvelle mode, très récente, est survenue, celle des rétro-pantouflages (des passages ou des retours du privé vers le public).
[...] Le code pénal encadre les pantouflages, en interdisant qu’un haut fonctionnaire ayant usé de l’autorité publique sur une entreprise privée soit embauché par elle sous trois ans. Certes, la loi a été, ces dernières années, très malmenée. Depuis que François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy, a été acquitté par la cour d’appel de Paris malgré son passage à la présidence de BPCE, on ne voit pas bien quel haut fonctionnaire pourrait se faire condamner pour prise illégale d’intérêt. Et dans cette affaire, emblématique entre toutes, qui a ébranlé la commission de déontologie de la fonction publique, c’est tout le code éthique de cette même fonction publique qui a volé en éclats. Mais au moins la loi existe, même si c’est de manière largement virtuelle.
Mais la loi n’encadre en aucune façon les rétro-pantouflages, et les problèmes d’éventuels conflits d’intérêts qu’ils peuvent soulever. Il y a de ce point de vue un vide juridique – comblé, mais seulement en partie, depuis que la Haute autorité pour la transparence de la vie publie a vu le jour dans le prolongement du scandale Cahuzac ; un vide pour le moins préoccupant puisque les rétro-pantouflages sont de plus en plus fréquents.
Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’annonce du nom d’Éric Lombard pour le poste de la Caisse a tellement tardé. C’est que, lorsque Emmanuel Macron a envisagé cette solution, un problème potentiel de conflit d’intérêts a été découvert. L’actuel président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, le député (LREM) Gilles Legendre, a en effet confirmé dans un communiqué qu’il avait été le conseil en communication de Generali France pendant dix ans, entre mai 2007 et juin 2017, société dont Éric Lombard a été le directeur général puis président-directeur général d’octobre 2013 à mai 2017. Alors, Gilles Legendre peut-il présider une commission chargée de « surveiller » la CDC et son directeur général, alors qu’il a été dans le passé rémunéré par ce dernier ? On conviendra que la question pose problème.