person:françois héran

  • Les Africains qui migrent viennent de moins en moins en #France

    Selon la dernière note de l’#OCDE consacrée aux migrations africaines vers les pays développés entre 2001 et 2016, l’attractivité de l’Hexagone décroît sensiblement.

    Les tenants de la théorie du grand remplacement ou les agitateurs du spectre de la ruée africaine – vers l’Europe en général et la France en particulier – n’apprécieront sans doute pas la lecture de la dernière note de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) consacrée aux évolutions des migrations africaines vers les pays développés entre 2001 et 2016.

    On y lit en effet que « représentant un immigré sur dix, la migration africaine vers les pays de l’OCDE a vu son poids légèrement augmenter au cours des dernières années ; elle demeure toutefois faible par rapport à la part de l’Afrique dans la population mondiale […]. La France est toujours la principale destination, mais sa part se réduit. »

    Ces conclusions découlent de la dernière actualisation de la base de données développée depuis plusieurs années par l’OCDE, en coopération avec l’Agence française de développement (AFD), sur les immigrés dans les pays développés. Celle-ci compile des statistiques, par pays de naissance, des migrants internationaux, « définis comme les personnes [âgées de plus de 15 ans] résidant dans un pays autre que celui de leur naissance » sans tenir compte de leur « statut légal ou de la catégorie de migration. »
    « Pas de raz-de-marée annoncé »

    Ces données couvrent non seulement les effectifs d’immigrés par âge, sexe et niveau d’éducation, mais également des variables clés de l’analyse des migrations internationales et de l’intégration comme la nationalité, la durée de séjour, le statut dans l’emploi et la profession.

    Passées ces quelques précisions d’ordre méthodologique, il ressort de cette étude que « la part de la population originaire d’Afrique vivant dans un pays de l’OCDE a augmenté au cours des quinze dernières années, mais reste très modeste ». Le nombre de migrants africains y est en effet passé de 7,2 millions en 2000 à 12,5 millions en 2016. Mais ils ne représentent encore que 10,4 % des 121 millions de migrants répertoriés dans les pays développés, contre 9,2 % en 2000. A titre de comparaison, le nombre total de migrants venus du Mexique – pays classé en tête de liste des pays d’origine devant l’Inde et la Chine – s’établissait à 11,7 millions en 2016.

    L’OCDE remarque ainsi que « la croissance démographique africaine est encore loin de se traduire en un accroissement équivalent de la migration vers les pays de l’OCDE. » En marge de la polémique née de la publication en 2018 du livre de Stephen Smith – La Ruée vers l’Europe (éd. Grasset) –, le démographe François Héran remarquait également que « les projections démographiques de l’ONU actualisées tous les deux ans ont beau annoncer un peu plus qu’un doublement de la population subsaharienne d’ici à 2050 (elle passerait de 900 millions à 2,2 milliards dans le scénario médian), cela ne suffira pas à déclencher le raz-de-marée annoncé ». « Il n’existe pas de lien mécanique entre la croissance démographique et celle du taux de migration », ajoute Jean-Christophe Dumont, chef du département des migrations internationales à l’OCDE.

    #Féminisation et hausse du niveau d’éducation

    Et si la France demeure le principal pays de destination, « sa part s’est considérablement réduite, passant de 38 % des migrants africains installés dans les pays de l’OCDE en 2001 à 30 % en 2016 ». La part des immigrés dans la population totale (14 %), toutes origines confondues, a légèrement augmenté sur cette même période (environ 2 %), est supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE (12 %), mais demeure très inférieure à celle de pays comme la Suède, l’Irlande ou l’Autriche (20 %).

    La « préférence » française s’explique en partie par l’origine géographique des migrants africains. En effet, 54 % d’entre eux provenaient d’un pays francophone, notent les auteurs, or « les liens historiques et linguistiques restent des déterminants clés des migrations africaines ». Dans cet espace continental, les pays d’Afrique du Nord demeurent, de loin, les premiers pays d’origine (46 % de l’ensemble des migrants africains en 2016 contre 54 % en 2000). Le Maroc devançant tous les autres, étant « le pays de naissance de près d’un migrant africain sur quatre, devant l’Algérie (1 sur 8) ». Si la part de la France demeure prééminente, la surprise vient des Etats-Unis, dont la part est « en forte augmentation » avec l’accueil de 16 % des migrants africains en 2016 – notamment éthiopiens et nigérians – contre 12 % seize ans plus tôt. Les Etats-unis sont ainsi la deuxième destination devant le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, le Canada et l’Allemagne.

    Si la jeunesse des migrants africains par rapport aux autres continents d’origine demeure une constante, les évolutions de deux autres données sont plus notables : la féminisation et le niveau d’éducation. Concernant ce dernier point, plus de 60 % des migrants ont au moins un niveau de 2e cycle du secondaire (lycée), dont la moitié (30 %) sont diplômés de l’enseignement supérieur (contre 24 % en 2000). « Cette évolution s’explique en partie par la conjugaison de deux facteurs, note Jean-Christophe Dumont. D’une part, la compétition entre pays de l’OCDE pour attirer les talents. D’autre part, la baisse des besoins de main-d’œuvre non qualifiée dans les économies des pays développées ».

    La part des femmes augmente également sensiblement. Alors que celles-ci représentaient 46,7 % des migrants africains en 2000, elles étaient 48,2 % en 2016. « Dans des pays comme le Royaume-Uni, la France, l’Irlande, le Portugal, Israël, le Luxembourg ou encore l’Australie, les femmes sont même devenues majoritaires dans les diasporas africaines », note l’OCDE.

    Enfin, si la recherche d’un emploi et d’une vie meilleure figure parmi les motivations des candidats à l’émigration, cette quête s’avère difficile. « Sur le marché de l’emploi des pays de l’OCDE, les migrants africains sont fortement touchés par le chômage (13 %) et l’inactivité (28 %). » Surtout, une grande part de ceux qui trouvent un emploi doivent accepter une forme de relégation par rapport à leur niveau d’études. Le taux de déclassement professionnel était ainsi de 35 % en 2016. Concernant les raisons, l’OCDE se montre prudente : « Cette situation peut être due à une discrimination sur le marché du travail, mais aussi à des questions de qualité et de reconnaissance des diplômes. »

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/11/les-africains-qui-migrent-viennent-de-moins-en-moins-en-france_5474740_3212.
    #attractivité #Afrique #migrations #réfugiés #préjugés #grand_remplacement #statistiques #chiffres #femmes #ruée #ruée_vers_l'Europe

    Ajouté à la métaliste autour du #livre de #Stephen_Smith, La ruée vers l’Afrique :
    https://seenthis.net/messages/673774

  • CNRS | Les migrations à rebours des idées reçues
    https://asile.ch/2019/01/14/cnrs-les-migrations-a-rebours-des-idees-recues

    Le démographe François Héran bat en brèche nos idées reçues sur les migrations et explique à CNRS Le Journal pourquoi, avec plus de 800 autres chercheurs, il appelle à la création d’un Giec des migrations. Le chercheur évoque notamment la peur constante de l’invasion qui peut se réduire grâce aux données statistiques. De même, le […]

  • Diasporas à l’échelle des continents

    Attention, pépite.

    Dans De Facto, publié par l’Institut Convergences Migrations, François Héran (démographe) publie un graphique* fort intéressant, réalisé à partir des données de stocks de migrants internationaux (2018) des Nations unies.

    Les premières lignes indiquent que : « Le graphique remet en perspective les migrations africaines dans l’ensemble mondial des diasporas. Il ne s’agit pas de flux annuels mais d’effectifs accumulés au fil du temps (« international migrant stock » [...] ».

    Lire la suite, ici : http://icmigrations.fr/2018/11/14/0003

    *Il s’agit en fait de la seconde version d’un graphe de flux, désormais plaqué sur un fond de carte ; l’esthétique de la figure a également été modifiée.

    #migrants #migrations #flowmap #cartedeflux #cartostats #worldmap #diapora #ICmigrations

  • Démographie : les priorités de l’Afrique, loin de la migration, par Sabine Cessou (Les blogs du Diplo, 1er octobre 2018)
    https://blog.mondediplo.net/demographie-les-priorites-de-l-afrique-loin-de-la

    Vu d’Afrique, l’enjeu de la démographie africaine, clairement, ne porte pas sur la migration. D’autant moins que les flux migratoires se passent surtout à 70 % à l’intérieur du continent, à 15 % vers les Amériques et l’Asie et à 15 % vers l’Europe. Le « Vieux » continent, qui se croit toujours le centre du monde (1), a beau redouter une « invasion », la « ruée » n’aura pas lieu, soulignent les experts des deux rives de la Méditerranée, parmi lesquels le sociologue François Héran ou le démographe Hervé Le Bras. Et si « africanisation » il y a, elle sera mondiale au XXIe siècle, liée à l’essor démographique d’une Afrique que les multinationales ne peuvent déjà plus ignorer, parce qu’elle ouvre les perspectives de nouveaux marchés.

  • Comment se fabrique un oracle
    https://laviedesidees.fr/spip.php?article4169

    Les prédictions alarmistes sur les migrations africaines ont le vent en poupe. François Héran montre qu’elles ne reposent pas tant sur une approche démographique que sur une conjecture économique, et un sophisme : le développement de l’Afrique ne pourrait se faire qu’au détriment de l’Europe.

    #Essais

    / #statistiques, #démographie, #Afrique, #migration

  • Comment se fabrique un oracle
    http://www.laviedesidees.fr/Comment-se-fabrique-un-oracle.html

    Les prédictions alarmistes sur les migrations africaines ont le vent en poupe. François Héran montre qu’elles ne reposent pas tant sur une approche démographique que sur une conjecture économique, et un sophisme : le développement de l’Afrique ne pourrait se faire qu’au détriment de l’Europe.

    #Essais

    / #statistiques, #démographie, #Afrique, #migration

  • Population & sociétés | Les migrations subsahariennes, une forme ordinaire de mobilité humaine
    https://asile.ch/2018/09/13/population-societes-les-migrations-subsahariennes-une-forme-ordinaire-de-mobil

    François Héran publie une recherche qui permet de recontextualiser la projection supposée d’une “arrivée massive” de migrants subsahariens en Europe. Les Nations Unies ont en effet projeté qu’en 2050 la population subsaharienne représenterait le 22% de la population mondiale. Or, François Héran montre que cela ne se répercutera pas de manière proportionnelle sur leur présence […]

  • L’Europe et le spectre des migrations subsahariennes

    L’Afrique subsaharienne devrait représenter 22 % de la population mondiale vers 2050 au lieu de 14 % aujourd’hui. Le nombre de migrants originaires de cette région devrait donc augmenter. Mais de combien et vers quelles destinations ? François Héran replace les migrations africaines dans le tableau mondial des diasporas. Il montre que le scénario pour 2050 d’une Europe peuplée à 25 % d’immigrés subsahariens ne tient pas la route. L’ordre de grandeur le plus réaliste est cinq fois moindre.

    https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/europe-spectre--migrations-subsahariennes
    #invasion #mythe #asile #migrations #réfugiés #préjugés #démographie #Afrique #Europe #projection #François_Héran #ressources_pédagogiques
    cc @reka @isskein @simplicissimus

  • France Inter | Immigration et droit d’asile
    https://asile.ch/2018/05/29/france-inter-immigration-et-droit-dasile

    Dans son émission L’Heure bleue du 25 mai 2018, Laure Adler reçoit François Héran et Smaïn Laacher, tous deux sociologues et spécialistes de la question de l’immigration. Ensemble, ils soulèvent des enjeux de terminologie, mais aussi leurs parcours professionnels et privés. Leurs réflexions nous plongent dans des enjeux actuels qui dépassent la seule réalité française […]

  • http://www.multitudes.net/category/l-edition-papier-en-ligne/70-multitudes-70-printemps-2018

    Derrière ce #bloody_paywall se cache un excellent article de Yann Moulier Boutang que je copie-colle ici sans vergogne excessive, grâcieusement offert par quelque dysfonctionnement inopiné d’un agrégateur de flux rss.

    C’est assez clinique comme analyse et au delà de s’élever contre les futurs lois contre l’immigration, ça a le mérite supérieur de démontrer que cette politique est juste stupide, démonstration qui n’est finalement pas inutile.

    Je ne mets pas en citation pour éviter le rapetissement d’un texte inaccessible autrement

    Misère du monde ou misère des politiques migratoires ?

    Pour repousser une régularisation massive (de quelques dizaines de milliers de sans-papiers), Michel Rocard, loin d’être le plus bête ou le plus pusillanime des hommes politiques de la gauche française, avait lâché la célèbre bourde : « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde. » Pourquoi une bourde ? Parce que la misère du monde n’a pas la force physique et mentale de quitter son pays d’origine. Seuls ceux qui en veulent affrontent l’exil. Gérard Collomb, avec son projet de loi sur l’asile et l’immigration, vient de cumuler à peu près toutes les erreurs qu’on peut commettre en matière de migrations internationales : les termes dans lesquels il a posé les débats, les catégories (donc les différenciations qu’il entend introduire), les solutions prônées, les résultats, le ton, la méthode, les propositions, tout est bon à jeter au cabinet, comme on dit chez Molière. La Présidence Hollande s’était enlisée dans le grotesque projet de déchéance de nationalité. Visiblement la leçon n’a pas été tirée.

    Gérard Collomb peut se consoler sur un point : il est aussi nul que ses prédécesseurs de gauche et de droite passés, que les Insoumis, centristes, marinistes et autres philippotistes futurs . Au royaume des aveugles, les borgnes sont les rois. Les associations qui connaissent le terrain depuis plus d’un demi-siècle, quelques intellectuels pourtant conseillers ou soutiens d’Emmanuel Macron, comme Jean Pisan-Ferry, ont émis un timide « Non possumus ». Le Défenseur des droits, Jacques Toubon ; a mis les pieds dans le plat courageusement. Yann Moix a remis l’ancien maire de Lyon à sa place. Pour le reste, les critiques ou propositions de l’opposition interne ou externe au gouvernement ont été d’une rare insanité, y compris celles qui se réclament d’un « peu plus de tendresse dans un monde de brutes », confondant migrations et chocolat (Lindt) !

    Demandez à n’importe quel expert réel en matière de migrations internationales en France et ailleurs1 (pas ces jeunes conseillers de l’administration aux dents acérées mais aux idées courtes). Tous ont souligné le niveau lamentable du débat. Il y a de quoi enrager : répétez dix fois, vingt fois que s’abriter derrière la distinction entre réfugiés politiques, qu’on pourrait admettre, et migrants économiques, qu’il faudrait châtier et renvoyer séance tenante « chez eux », est une ânerie ; quand le problème à traiter est celui des réfugiés économiques, vous verrez réapparaître ce distinguo éculé, qui est réaffirmé avec un mélange insupportable de naïveté et de morgue.

    Tuez-vous à rabâcher méthodiquement depuis cinquante ans, que le durcissement des conditions d’accès au permis de séjour est à la fois injuste et parfaitement inefficace. Mieux, démontrez que le système lui-même de permis de travail est une forme de travail forcé et d’esclavage temporaire moderne (y compris par une thèse de 500 pages De l’esclavage au salariat, 1998, PUF), vous aurez toujours l’inertie des gratte-papier et des officiers de police administrative qui opposent aux droits fondamentaux de la personne, l’application de la énième circulaire ou pire, la haïssable pratique de l’état de fait : couper l’eau aux migrants puis la rétablir quand on a été désavoué par le Conseil d’État, à hauteur d’auges à cochons, gazer les couvertures de sans-abri, laisser mourir de froid des adolescents qui se lancent dans la traversée des cols des Alpes. On peut comprendre la rage qui saisit toute personne qui a vaguement une âme. Mais la rage contre des abrutis ou des canailles de petite volée n’est rien à côté de celle, métaphysique et purement intellectuelle, qui saisit le chercheur quand il voit un gouvernement s’asseoir sur tout élément de savoir rationnel.

    Prenons le grand argument de l’équilibre (à la française sans doute ?) de la loi en gestation

    Le couple humanisme-générosité pour l’asile versus réalisme-fermeté à l’égard des migrants économiques a été invoqué pour donner un fondement et un peu de hauteur à cette suite de bassesses indignes. Nous avons dit plus haut que cette dichotomie passait tout à fait à côté de la réalité. L’immense majorité des réfugiés politiques ne sont pas seulement des belles âmes à haute conscience politique et sans motivation économique. Croit-on que des familles d’Alep ou de la plaine de la Ghouta syrienne, qui croulent sous les bombes et prennent le chemin de l’exil vers la Turquie ou Lesbos, ne sont pas des réfugiés économiques ; c’est parce qu’elles n’ont plus de toit, plus d’argent, plus de quoi manger, et également plus d’hommes armés pour les protéger qu’elles partent. Et quand bien même elles ne seraient pas politisées, juchées sur des barricades ou inscrites dans un parti d’opposition officielle, ne supportant plus une situation intenable sur tous les plans, à commencer par celui de savoir si elles vont manger le soir, ou si leurs enfants vivront demain, en seraient-elles pour autant des bandes de délinquants pour ne pas entrer dans la catégorie de sacro-saintes circulaires qui ajoutent à l’outrage de ne pas leur offrir l’asile, l’insulte de les culpabiliser ?

    Les Tartuffes français de l’asile après avoir temporisé tout ce qu’ils pouvaient pendant 6 ans annoncent, avec un sérieux passablement comique, être prêts post festum à accueillir 150 000 réfugiés estampillés « pur jus », alors que l’Allemagne en a déjà reçu plus d’un million. Certes, la France peut trouver encore plus pingre qu’elle, du côté des Magyars, des Polonais et des pauvres Tchèques, dont on aurait pu penser que leur histoire ne les conduirait pas à une telle déchéance morale. Mais alors, que le coq gaulois étatique ne se dresse par sur ses ergots ni ne bombe le torse de la leçon. Seuls les humanitaires des associations nous sauvent de la honte nationale et européenne.

    Au passage puisque quelques esprits paraît-il littéraires (les Renaud Camus, les Houellbecq) parlent d’invasion, de soumission, il faudrait redresser leur sens des proportions, sens aviné autant perverti et avili : 550 millions d’Européens dans l’UE (je compte les Britanniques encore dans l’Union, car ils sont touchés eux aussi par le même syndrome) recevant 5 millions de réfugiés en un an, cela ne ferait que 0,9 % ou 9 pour 1 000. Pas grand-chose. L’UE pourrait recevoir sans problème 0,5 % de nouveaux arrivants soit 3 millions de personnes par an. Au terme de 10 ans d’entrées (en supposant qu’il n’y ait aucun retour ce qui est très irréaliste), ces trente millions d’entrants ne constitueraient que 5,4 % de la population totale actuelle. Dont au reste la natalité européenne a déjà bien besoin dans la plupart de ses États membres. La Hongrie est particulièrement touchée par ce syndrome paranoïaque, car la rançon de son refus depuis 1990 de toute immigration est que sa population diminue de 15 000 personnes par an. Son refus d’accueillir un sang neuf la condamne au suicide démographique. Avis à l’Autriche, à la République Tchèque ? Quant à la Pologne, la dégringolade de son taux de fertilité conduit ses hiérarques, obsédés par un nationalisme du XVIIIe siècle, à vouloir revenir sur le peu d’espace concédé à l’avortement.

    Mais il faut ajouter au manque risible de pertinence, la parfaite idiotie de ramer à contre-courant et à contretemps. La croissance économique repart dans toute l’Union Européenne. Chacun sait que pour le marché du travail banal et peu payé, ces centaines de milliers de migrants prêts à travailler n’importe où constituent une aubaine prodigieuse, ce que l’Allemagne a compris trois bonnes années avant la France. En revanche, les réfugiés politiques plus qualifiés, mieux dotés en argent, sont susceptibles d’entrer en concurrence avec les couches plus élevées de la main-d’œuvre. L’extrême droite, comme dans les années 1930, rejointe par ce qui reste des Républicains, pourrait ne pas tarder à réclamer des quotas pour protéger l’emploi « qualifié-de-souche ».

    Le réalisme censé équilibrer « en même temps » la générosité de l’asile n’est pas plus réaliste que l’asile concédé à dose homéopathique n’est humaniste et généreux.

    Demeure une question : ce n’est pas faute d’avoir été avertis que les gouvernements répètent à satiété les mêmes erreurs. Sont-ils purement et simplement bêtes et incompétents ? Ce serait trop simple. Nous avons suffisamment approché des hauts fonctionnaires de l’administration de la « chose migratoire » pour pouvoir avancer une autre explication. Les migrations internationales constituent pour eux un double défi culturel, à la fois pour le concept de souveraineté dont ils sont les produits défraîchis et pour la notion même de politique.

    Quiconque se frotte à la réalité des migrations internes ou transnationales s’aperçoit qu’elles ont une autonomie forte par rapport à leur inscription dans un espace institutionnel, aussi bien dans le pays de départ que dans celui d’arrivée. Adam Smith disait que de toutes les marchandises, la plus difficile à transporter, c’était l’homme ; à la fois parce qu’il refuse de bouger où l’on voudrait qu’il aille, mais aussi et surtout, parce qu’il bouge quand on veut le fixer. On ne règle pas le volume des entrées et des sorties comme on le ferait d’un débit d’eau au robinet. Quant au migrant, il n’est pas un pur produit de la réglementation, alors que la réglementation en revanche réagit aux mouvements des migrants et cherche à l’assujettir à des impératifs économiques ou bien à s’en servir symboliquement pour des motifs purement électoraux. Casser du migrant (clandestin, sans papiers, terroristes), ça paie toujours.

    L’administration d’État se trouve donc confrontée au fait migratoire et au système migratoire, produit de l’interaction des mouvements humains, des réglementations mais aussi de toutes les variables instables qui rentrent dans l’équation (les catastrophes politiques, climatiques, le regroupement familial, les pressions économiques, les organisations communautaires). La mondialisation troue la souveraineté : l’économique en est l’exemple toujours cité, mais les migrations humaines minent encore plus l’espace dévolu à la politique et à l’administration car, contrairement au marché, elles mettent en jeu des valeurs inconditionnelles que n’aime pas la loi « nationale » et encore moins la circulaire administrative.

    Pourtant, il est rigoureusement impossible de mélanger les ordres. La vie, le respect des personnes, la priorité des enfants et des femmes, sont des valeurs inconditionnelles. Aucune raison d’État ne peut avoir raison contre ces valeurs. Elles sont d’un autre ordre, dirait Pascal et approuverait Ricœur. La désobéissance civique est un impératif catégorique. Le respect de cette loi-là pose des problèmes mais pas ceux qu’on croit : pas celui de l’assujettissement provisoire, dans une « morale de provision », de ces valeurs à la raison d’État, encore moins à la raison raisonnable appuyée sur les sophismes comme le passage à la limite : mais si tout le monde désobéit... En fait, c’est à la politique de s’ajuster au corset de cette inconditionnalité. Le politique ne devrait s’aventurer sur ce terrain miné qu’avec une grande prudence et une humilité extrême. Et c’est ce bât-là qui blesse la haute fonction publique.

    Comme le « gros animal » de l’État n’a pas l’habitude de cet état de prudence, d’humilité, de modestie vis-à-vis de quelque chose qui le dépasse (quoi de plus étranger à l’État souverain qui régit un territoire que cette prétention des hommes sur la planète de traverser les pays, de changer de « souverain » ?), il faut que d’autres organes se chargent de le lui rappeler (Cour Constitutionnelle, le Conseil d’État) et à défaut les associations.

    Ce serait évidemment à l’Union Européenne de rappeler à l’ordre les États membres, mais on voit que cela supposerait qu’elle en finisse avec le concept de souveraineté illimitée.

    Alors souhaitons à Emmanuel Macron de l’audace, encore de l’audace, fédéraliste pour l’Union ; ce n’est pas avec la loi Collomb que le groupe de Visegrad va être mis au pas.

    Le projet de loi Collomb

    – Pénalisation croissante : les migrants obligés de laisser leurs empreintes dans les « hotspots » des pays d’entrée (Grèce, Italie, Espagne) seront mis en centre de rétention dès leur arrivée en France ; la durée de rétention administrative passera de 45 jours à 135 jours ; le franchissement non autorisé des frontières extérieures de l’espace Schengen sera puni d’un an de prison ; les déboutés de l’asile ne pourront plus demander d’autre titre de séjour.

    – Accélération des procédures : 90 jours pour déposer une demande au lieu de 120 jours aujourd’hui ; 15 jours pour déposer un recours au lieu de 30 jours aujourd’hui ; la décision pourra être prise par ordonnance, sans entretien avec le migrant ; le recours ne sera plus suspensif dans les cas de « procédure accélérée » ; les personnes pourront alors être expulsées du territoire sans délai.

    Cf. www.lacimade.org/decryptage-projet-de-loi-asile-immigration

    1 Pensons à Catherine Withold de Wenden, Patrick Weil, Jean-Pierre Garson, Roxane Silberman, Patrick Simon ou François Héran par exemple.

    • #misère #asile #migrations #réfugiés #loi_asile #France #valeurs #souveraineté #Etat-nation

      Je mets en relief ici un passage sur la #catégorisation #catégories :

      Le couple humanisme-générosité pour l’asile versus réalisme-fermeté à l’égard des migrants économiques a été invoqué pour donner un fondement et un peu de hauteur à cette suite de bassesses indignes. Nous avons dit plus haut que cette dichotomie passait tout à fait à côté de la réalité. L’immense majorité des réfugiés politiques ne sont pas seulement des belles âmes à haute conscience politique et sans motivation économique. Croit-on que des familles d’Alep ou de la plaine de la Ghouta syrienne, qui croulent sous les bombes et prennent le chemin de l’exil vers la Turquie ou Lesbos, ne sont pas des réfugiés économiques  ; c’est parce qu’elles n’ont plus de toit, plus d’argent, plus de quoi manger, et également plus d’hommes armés pour les protéger qu’elles partent. Et quand bien même elles ne seraient pas politisées, juchées sur des barricades ou inscrites dans un parti d’opposition officielle, ne supportant plus une situation intenable sur tous les plans, à commencer par celui de savoir si elles vont manger le soir, ou si leurs enfants vivront demain, en seraient-elles pour autant des bandes de délinquants pour ne pas entrer dans la catégorie de sacro-saintes circulaires qui ajoutent à l’outrage de ne pas leur offrir l’asile, l’insulte de les culpabiliser  ?

      Et la question liée aux #préjugés sur l’ #afflux et l’#invasion :

      Au passage puisque quelques esprits paraît-il littéraires (les Renaud Camus, les Houellbecq) parlent d’invasion, de soumission, il faudrait redresser leur sens des proportions, sens aviné autant perverti et avili  : 550 millions d’Européens dans l’UE (je compte les Britanniques encore dans l’Union, car ils sont touchés eux aussi par le même syndrome) recevant 5 millions de réfugiés en un an, cela ne ferait que 0,9 % ou 9 pour 1 000. Pas grand-chose. L’UE pourrait recevoir sans problème 0,5 % de nouveaux arrivants soit 3 millions de personnes par an. Au terme de 10 ans d’entrées (en supposant qu’il n’y ait aucun retour ce qui est très irréaliste), ces trente millions d’entrants ne constitueraient que 5,4 % de la population totale actuelle. Dont au reste la natalité européenne a déjà bien besoin dans la plupart de ses États membres. La Hongrie est particulièrement touchée par ce syndrome paranoïaque, car la rançon de son refus depuis 1990 de toute immigration est que sa population diminue de 15 000 personnes par an.

      #idées-reçues

      Et pourquoi, même les #murs et #barrières_frontalières ne marchent pas ?

      Quiconque se frotte à la réalité des migrations internes ou transnationales s’aperçoit qu’elles ont une autonomie forte par rapport à leur inscription dans un espace institutionnel, aussi bien dans le pays de départ que dans celui d’arrivée. Adam Smith disait que de toutes les marchandises, la plus difficile à transporter, c’était l’homme  ; à la fois parce qu’il refuse de bouger où l’on voudrait qu’il aille, mais aussi et surtout, parce qu’il bouge quand on veut le fixer. On ne règle pas le volume des entrées et des sorties comme on le ferait d’un débit d’eau au robinet.

      et #merci à @philippe_de_jonckheere

  • Paru dans Le Monde, 17.06.2017
    Qu’ils soient démographes, historiens, économistes, les chercheurs ès migrations peinent à influer sur les politiques françaises
    Sourd aux idées des experts

    Oui à l’immigration choisie, non à l’immigration subie. " Ce slogan de campagne, lancé par Nicolas Sarkozy en 2005, devait donner le ton de sa politique d’immigration une fois élu. Mais qu’aurait appris le président s’il avait écouté les chercheurs ? Qu’il tenait peut-être un bon " élément de langage " mais que sa formule n’avait aucun sens au regard des faits. " Vouloir n’est pas savoir ", aurait pu lui rétorquer le démographe François Héran.

    Dans son livre Avec l’immigration (La Découverte, 300 p., 21 euros), ce directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED) analyse la déconnexion entre le discours politique et la réalité en matière de migrations et d’intégration. Le rôle du chercheur n’est pas, précise-t-il, de " dicter une politique a priori " mais de " tracer la frontière entre le possible et l’impossible ". Encore faut-il que le politique veuille l’entendre. Car si l’immigration et l’intégration sont au cœur des débats depuis trente ans, le décalage " entre le savoir accumulé dans les recherches et les orientations prises par les politiques n’a jamais été aussi grand ", affirme l’INED.

    Les scientifiques sont pourtant nombreux à travailler sur ces thèmes, mais les universitaires, détenteurs d’un savoir, ont du mal à se faire entendre des décideurs, détenteurs du pouvoir. " Un préjugé répandu voudrait que les politiques aient le sens des réalités, tandis que les chercheurs vivraient en lévitation, analyse François Héran dans son ouvrage. C’est la science sociale qui ramène les politiques au principe de réalité, alors que ceux-ci commencent par vendre du rêve avant de courir après les chiffres. "

    Formation des élites
    Patrick Weil, historien spécialiste des questions d’immigration et de citoyenneté, est l’un des rares à avoir influencé une politique publique. Appelé par Lionel Jospin en 1997 pour piloter une mission sur le droit des étrangers, il a orienté par ses recommandations la réforme votée l’année suivante. Interrogé en 1998 par la revue Critique interna-tionale, il reconnaissait que la nomination d’un universitaire, choix atypique à l’époque, " n’avait pas, au départ, suscité l’enthousiasme " dans les services de l’Etat. " C’est quelque chose qu’on ne fait pas beaucoup en France ", ajoutait-il alors.

    A l’écouter, la situation n’a guère changé, -notamment à cause de la formation des élites. " L’ENA et Sciences Po ont le quasi-monopole du conseil au politique et de la mission politique, analyse-t-il. Pourtant, ce sont des formations qui favorisent le “savoir parler des choses” plutôt que le savoir en lui-même, c’est-à-dire l’apprentissage d’une discipline et son approfondissement. Nous, universitaires et chercheurs, avons une présence dans la sphère publique plus forte qu’ailleurs mais nous sommes négligés par la plupart des décideurs politiques au profit des énarques. "

    Cette culture politique explique que les evidence-based policies, les " politiques publiques appuyées sur la recherche ", se diffusent plus lentement en France que dans le monde anglo-saxon. " Ici, ce sont les valeurs qui comptent, pas les faits, analyse Hillel Rapoport, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et spécialiste des migrations internationales. Dans les pays anglo-saxons, on vous dit : “Show me it works”, montrez-moi que ça marche. En France, on vous dit : “Ce que vous proposez, c’est de gauche ou de droite ?” Mais qu’est-ce qu’on en sait ? Ce n’est pas notre problème ! Je grossis le trait, cela s’améliore, les frontières sont plus -poreuses, mais c’est encore présent. "

    Chercheur et enseignant pendant deux ans à la Kennedy School of Government de Harvard, il a constaté que dans ce lieu qui forme les futurs membres de la haute administration américaine, " l’evidence-based thinking est le b.a.-ba ". Ce n’est pas encore le cas en France, où l’évaluation des politiques publiques est rare : elle dépend du bon vouloir ou de la personnalité d’un directeur d’administration ou d’un ministre qui alloue, ou non, le budget nécessaire à ce travail.

    Si le monde de la recherche a rarement l’oreille des politiques, c’est aussi parce que le premier se nourrit du doute et de la prudence tandis que les seconds réclament des certitudes. Une différence que l’économiste Hillel -Rapoport aime illustrer par une anecdote. " Le président Truman disait vouloir des économistes manchots parce que chaque fois qu’il parlait à un économiste celui-ci lui répondait : “On one hand, on the other hand.” - “D’une part, d’autre part”, l’anglais hand signifiant “main”. - En politique, on veut “just one hand” ! C’est une différence fondamentale de culture entre la recherche et le politique, même si certaines personnes la gèrent mieux que d’autres. "

    Ces deux mondes, en outre, n’ont pas le même horizon. Le temps long de la recherche n’est pas celui du politique, qui est soumis à un calendrier électoral exigeant des solutions rapides. Et le principe de responsabilité ne joue pas de la même manière dans les deux champs. Il arrive néanmoins que l’actualité pousse les idées scientifiques jusqu’aux cénacles politiques.

    L’afflux de migrants en 2015 a ainsi donné un nouvel écho au travail universitaire publié en 2011 par Hillel Rapoport et Jesus Fernandez-Huertas Moraga, de l’université Carlos-III de Madrid. Leur sujet ? La gestion des flux migratoires par la méthode des quotas échangeables. Les deux économistes, qui ont adapté leur modèle à la situation européenne, ont été invités à le présenter au Parlement européen et – par deux fois – au cabinet du premier ministre suédois. Premier pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe, proportionnellement à sa population, la Suède était très en demande d’idées qui collaient à sa philosophie.

    Passerelles
    Hillel Rapoport sait cependant que les propositions des chercheurs ne peuvent pas toujours être appliquées telles quelles dans le monde réel. " Je n’ai pas d’illusion sur le fait que notre proposition pourrait être appliquée in extenso, reconnaît-il. Nos propositions ont pour but d’alimenter une réflexion générale. Je pense que nous allons vers quelque chose qui s’inspirera de nos travaux, mais qui les transformera et les adaptera de manière à ce qu’ils soient politiquement digérables, faisables et présentables. "

    Depuis quelques années, des passerelles permettent cependant aux chercheurs et aux politiques de dialoguer. Les think tanks sont le meilleur endroit pour faire réfléchir scientifiques et décideurs côte à côte, mais d’autres s’y attellent : l’ENA et l’Ecole normale supérieure ont inauguré en mars une chaire commune baptisée " Savoir, prévoir, pouvoir ". Cet enseignement entend explorer le rôle de l’expert dans le processus de décision et les attentes des pouvoirs publics à l’égard des chercheurs.

    En 2019, un nouveau centre interdisciplinaire consacré aux sciences des migrations verra en outre le jour à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Implanté sur le futur Campus Condorcet, cet institut baptisé " Convergences " abritera 200 scientifiques issus des sept institutions fondatrices (Inserm, CNRS, INED, EHESS, IRD, EPHE, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne) et proposera toute une gamme de cursus. L’institut veut offrir une meilleure visibilité aux résultats de la recherche et resserrer les liens avec la société civile, classe politique incluse.

    Il prévoit aussi, chose nouvelle, d’assumer une activité de fact-checking et de décryptage des données issues des ministères ou des organismes spécialisés (comme l’Office français des protection des réfugiés et apatrides). " Nous avons intérêt à ce que l’intervention des chercheurs dans le débat public ne soit pas que ponctuelle, livrée au bon vouloir de chacun, mais qu’on puisse devenir une référence forte, pourvue d’un certain crédit, vers qui on se tournera ", explique François Héran, le responsable du projet. L’ambition de cette sentinelle : devenir l’égale des grands instituts européens qui étudient les migrations, que ce soit à Oxford, Amsterdam ou Göttingen. " Les centres d’Oxford possèdent une aura et ils sont régulièrement consultés, conclut le démographe. Cela ne veut pas dire qu’ils influencent les politiques publiques. Mais il est incontestable qu’ils contribuent à structurer le débat sur les questions de migration. "

    Adelaïde Grobault

    #migrations #asile #réfugiés #politique #science #savoir #université #recherche #François_Héran

  • #Migrations, #réfugiés, exil (7/9) : Benjamin Stora, Sur les histoires de trois immigrations en France au XXe siècle, François Héran, De la « crise des migrants » à la crise de l’Europe. Approches démographiques...

    https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/migrations-refugies-exil-79-benjamin-stora-sur-les


    Quelle crise, aujourd’hui, pour l’Europe devenue un continent d’immigration ? Quelles identités de migrants ? Comment les Algériens − qui n’étaient pas encore les Algériens avant l’indépendance de l’Algérie, ont-ils pu être invisibles du point de vue juridique sur deux générations, pendant 50 ans ?

    #exil #cartographie #flêches

  • "Le véritable coût de l’immigration" : reportage sur la réalité de l’immigration en France

    L’idée dominante veut que les immigrés soient coupables de notre déficit budgétaire. Ils n’apporteraient rien, ou pas grand-chose, à notre économie, mais recevraient beaucoup de la part de l’Etat.

    Cette enquête bouscule les idées reçues sur les immigrés, à travers le parcours de Yazan, un jeune demandeur d’asile syrien ; Milli, une consultante péruvienne ; Mohamed, un médecin venu du Maroc ; Christian, un chef d’entreprise camerounais ; et Julia, une Polonaise arrivée par amour en France.

    https://www.youtube.com/watch?v=hNNqzwDGZCw

    #économie #coût #asile #migrations #réfugiés #préjugés #immigration #France #documentaire #film

    • Les comptes de l’immigration

      C’est une tendance dans le documentaire de société  : déconstruire les discours fallacieux, les données erronées qui alimentent les clichés et les préjugés, en s’appuyant sur les études des universitaires. Dans ce registre, on se souvient notamment de l’excellent travail mené par Christophe Nick, Gilles Cayatte et John Paul Lepers visant à démontrer qu’il n’existe aucun lien entre criminalité et immigration (Immigration et délinquance, l’enquête qui dérange, 2014). C’est dans cette même démarche de «  casser la machine à fantasmes  » que Martine Delumeau, à qui l’on doit entre autres Les Gueules de l’emploi (2001), sur la discrimination au travail, ou Travailler, c’est trop dur (2002) s’inscrit dans ce documentaire consacré au coût de l’immigration.

      http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/10/13/les-comptes-de-l-immigration_4788262_1655027.html

    • Et voilà, un petit travail de transcription des passages qui me semblaient intéressants...

      François HERAN, démographe :
      « Les plus pauvres ne migrent pas, ce sont les gens qui atteignent… qui commencent à atteindre un certain niveau de prospérité économique, qui ont les moyens de migrer, car pour migrer il faut avoir des moyens, il faut être informé, il faut avoir une idée un peu du monde, il faut avoir des contacts. Et les plus pauvres n’ont pas les contacts et les moyens nécessaires »

      Yannick IMBERT, Directeur de l’Office français d’immigration et d’intégration :
      « Les aides en France sont conditionnées par des questions de régularité du séjour, par des conditions de durée de séjour en France et par un certain nombre de critères qui sont appliqués à d’autres franges de la population française. Donc il n’y a pas une attraction supposée des dispositifs d’aide et d’allocation vis-à-vis de la population immigrée ».

      Xavier CHOJNICKI, économiste (Université de Lille) :
      « Les immigrés se retrouvent en règle générale surreprésentés dans un certain nombre de prestations, en particulier en matière de chômage, d’aide sociale, d’aide à la famille. Donc les immigrés sont surreprésentés dans les risques pour lesquels on dépense finalement le moins. C’est-à-dire hors santé et hors dépenses de retraite, qui représentent pas loin de 80% du total de la dépense de protection sociale en France »

      Ceci tout simplement parce que les immigrés sont jeunes et plutôt en bonne santé. Et quand ils travaillent, ils cotisent et de ce fait ils apportent leur part à notre économie.

      Si l’on calcule la différence entre ce que les immigrés versent en cotisations et en impôts et ce qu’ils reçoivent en prestations sociales, quel sera le résultat ?

      Jean-Christophe DUMONT, chef de la Division des migrations internationales, OCDE :
      « Dans la plupart des pays de l’OCDE, la contribution fiscale nette directe est positive pour les ménages immigrés (ménages dans lesquelles il y a au moins une personne immigrée). Elle est légèrement moins positive que pour les natifs. Ceci est dû au fait que les ménages immigrés contribuent moins au système mais pas au fait qu’ils reçoivent plus de prestations sociales. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’immigration contribue positivement ou négativement aux finances publiques, mais toujours de façon marginale. Cela représente en général moins d’un ½ point de PIL »

      Consommation :
      Les immigrés tout comme les natifs paient des taxes indirectes comme la TVA à chaque fois qu’ils achètent des produits ou des services. Les marques en profient aussi, en développant des produits dits « ethniques », qui coûtent en moyenne 10 à 20% plus cher.
      En 2005, les ménages immigrés ont versé près de 18,5 mia d’euros de taxes sur la consommation.

      François HERAN :
      « Les immigrés sont comme le reste de la population, nous coûtons à la société quand nous sommes enfants, nous rapportons quand nous travaillons et que nous cotisons, nous coûtons à nouveau quand nous sommes âgés. Tout cela dépend du cycle de vie »

      François HERAN :
      « Il y a à peu près 200’000 entrées en France qui sont accordées officiellement à des migrants non-européens. L’immense majorité des motifs sont des motifs qui ne sont pas économiques. La migration de travail représente maximum 10’000 personnes. Tout le reste c’est la migration estudiantine, la migration familiale (au sens du regroupement familial), les conjoints de Français, car toute personne a le droit d’épouser un étranger, et il y a enfin la migration d’asile. La majorité des migrants viennent parce qu’ils ont le droit ».

      Sur l’année 2010, 25’000 entreprises ont été créées par des immigrés, soit 7% de l’ensemble de la création.

      17,5% des femmes immigrées sont à la recherche d’un emploi, contre 9,7% pour les natives.
      De nombreux freins existent et expliquent la difficulté d’intégration de la population immigrée sur le marché du travail. C’est le revers de la médaille. La discrimination, mais aussi la reconnaissance des qualifications posent problème. Souvent, les immigrés sont obligés de repasser tout ou partie de leur diplôme, ce qui peut prendre plusieurs années.

      Entre 1931 et 1936, 140’000 il y a eu 140’000 expulsions : des mineurs et leurs familles furent renvoyés en Pologne, sur ordre des gouvernements successifs. Ces rapatriements étaient pris en charge par les compagnies minières, la crise économique faisait rage et ces travailleurs étaient vus comme les concurrents des Français. Des décennies plus tard, à la fin des années 1970, le gouvernement cherchera à réduire lui-aussi le nombre d’immigrés installés sur notre territoire, cela prendra la forme d’une incitation financière de 1000 francs d’aide au retour ou d’accord avec les anciennes colonies.
      → dans le documentaire on explique après ce qui peut se résumer en : « on pensait importer des bras, ce sont des personnes qui sont arrivées en fin de compte » (qui s’installent, notamment…).
      #François_Héran

  • Immigration : pourquoi les arguments rationnels ne passent pas

    2 septembre 2016 | Par Carine Fouteau

    L’émotion suscitée par la découverte du corps d’un enfant syrien sur une plage turque n’a pas duré. Un an plus tard, de Nicolas Sarkozy à Jean-Luc Mélenchon, les déclarations des premiers candidats à l’élection présidentielle révèlent à quel point la rhétorique politique constitue les migrants en problème. Cette vision univoque est pourtant contestée par les travaux scientifiques. Mediapart a essayé de comprendre pourquoi les arguments les plus étayés restent inaudibles.

    Les photos d’Aylan Kurdi, cet enfant retrouvé mort le 2 septembre 2015 sur une plage turque alors que sa famille tentait de se rendre en Europe, ont ému le monde entier. Il ne reste plus grand-chose de cette empathie un an plus tard.

    En France, à droite comme à gauche, les premières déclarations des candidats déjà engagés dans la course à l’Élysée témoignent, de Nicolas Sarkozy à François Fillon en passant par Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg, de ce que les migrants sont encore et toujours, élection après élection, considérés comme un problème, alors même que cette vision univoque est unanimement contestée par les travaux scientifiques. Sur ces questions qui promettent d’être au centre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017, l’extrémisme devient la norme. Dans l’espace public tel qu’il est façonné par les représentants politiques en France, le curseur plonge toujours plus à droite sans paraître rencontrer de butée.

    Le livre programmatique que le président des Républicains vient de publier en est le dernier exemple en date : lui qui a verrouillé les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France – en tant que ministre de l’intérieur de 2002 à 2007, puis en tant que président de la République jusqu’en 2012 – n’a pas l’intention de reconnaître qu’il a échoué, y compris au regard des objectifs qu’il s’était fixés. Au contraire, il pousse la surenchère toujours plus loin, calquant ses propositions sur celles du Front national.

    Lui qui a durci les critères d’accès au regroupement familial entend désormais le « suspendre » (ce qui est potentiellement contraire au principe du « droit à mener une vie familiale normale » inscrit à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des droits fondamentaux, et au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ») ; lui qui a vanté l’immigration « choisie » (de travail) veut aujourd’hui la « stopper » (ce qui est contestable au regard des perspectives économiques et démographiques du pays) ; alors qu’en 2007 et 2012, il fustigeait le concept d’« immigration zéro » cher à Marine Le Pen, il le promeut cinq ans plus tard, sans en prononcer le nom.

    L’incohérence ne le gêne pas : s’il entend bloquer l’immigration familiale et économique, il persiste à défendre l’instauration de quotas (pourtant anticonstitutionnelle) ; refusant jusqu’alors de remettre en cause l’aide médicale d’État (reconnue d’utilité publique pour éviter les épidémies et les surcoûts liés à une prise en charge tardive), il est maintenant favorable à sa suppression.

    Le corps échoué d’un enfant de trois ans retrouvé près de Bodrum en Turquie, le 2 septembre 2015. © AP Le corps échoué d’un enfant de trois ans retrouvé près de Bodrum en Turquie, le 2 septembre 2015. © AP
    La vision qu’il dessine est celle d’un pays où les immigrés seraient en trop grand nombre, consommateurs d’allocations, prenant leur travail aux Français ou dégradant les conditions d’emploi. Or une telle vision, il ne peut l’ignorer, repose sur un assemblage de contrevérités. En 2012, Mediapart s’était évertué à les démonter l’une après l’autre (retrouver ici l’argumentaire complet), en s’appuyant non pas sur les analyses d’experts autoproclamés, mais sur les recherches scientifiques réalisées à partir de données fiables, pour la plupart issues d’organismes publics tels que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Institut national d’études démographiques (Ined). Non, les immigrés ne sont pas si nombreux en France en comparaison de la plupart des pays européens, même si la part de certains d’entre eux, notamment les personnes originaires des anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, s’est accrue ; non, les nouveaux venus ne volent pas le travail des Français, mais il serait faux d’affirmer que les effets de leur présence sur le marché de l’emploi sont nuls ; non, ils ne profitent pas des aides sociales, beaucoup ignorant leurs droits en la matière, mais leur précarité fait qu’ils sont plus susceptibles de recevoir des prestations sociales que d’autres catégories de personnes ; non, ils ne sont pas tous chômeurs, au contraire, ils sont surreprésentés parmi les créateurs d’entreprise, même si beaucoup font faillite, comme n’importe quel auto-entrepreneur ; etc.

    Lire aussi

    Immigrés : une boîte à outils pour répondre à Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy Par Carine Fouteau
    Comment expliquer que les arguments rationnels, globalement valorisants à l’égard des migrants, ne parviennent pas à se faire entendre ? La question taraude non seulement le monde universitaire mais aussi le secteur associatif, qui contribue à compiler et diffuser la plupart des résultats des études scientifiques. « Entre collègues, nous nous désolons de cette déconnexion », indique François Gemenne, chercheur en science politique à l’université de Liège (CEDEM) et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC) et chercheur associé au CERI.

    Spécialiste à la fois des questions migratoires et environnementales, il observe une différence de taille dans la réception des enjeux propres à chacun de ces champs. « La rationalité scientifique a une certaine prise sur la décision politique en matière d’environnement, affirme-t-il, ce n’est pas le cas sur l’immigration. » Il y voit plusieurs raisons. Tout d’abord, rappelle-t-il, le savoir produit sur les migrations est un savoir principalement issu des sciences sociales. Or celles-ci, dans l’esprit des responsables politiques et, plus généralement, de l’opinion publique, continuent d’être perçues comme moins fiables et plus orientées idéologiquement que les sciences dites dures.

    Deuxième facteur : ce savoir pâtit de son manque d’organisation. « Il n’existe pas de structure internationale du type du Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », analyse-t-il. Pas de lieu, donc, pour poser des bases communes de compréhension du réel. « Le savoir est disparate, peu synthétisé et contesté par de faux experts auxquels les médias donnent la parole, faute de contradicteurs, ajoute-t-il. Alors que sur les questions d’environnement, les climato-sceptiques ont été marginalisés. »

    L’absence d’objectif social faisant consensus constitue une autre raison de l’imperméabilité entre les arguments politiques et scientifiques : « Tout le monde s’accorde, en matière d’environnement ou de santé, par exemple, pour dire qu’il faut trouver les moyens de mieux vivre en accord avec la nature ou mieux prévenir et traiter les maladies. Sur les questions migratoires, il n’y a aucun consensus sur l’objectif : faut-il plus ou moins de migrants ? Faut-il ouvrir ou fermer les frontières ? La question même de savoir s’il faut réduire le nombre de morts en Méditerranée n’est pas considérée comme une priorité partagée par tous. »

    « Les débats sont dominés par les croyances, les idéologies et les opinions », résume François Gemenne, qui rappelle que les immigrés sont en priorité perçus comme des intrus menaçant la façon dont chacun se représente sa place dans la société.

    « On nous accuse de minimiser les flux migratoires... ou alors de les amplifier »

    Le décalage est particulièrement manifeste avec les hommes politiques. La question identitaire s’est tellement imposée dans les discours, y compris à gauche, que les personnalités politiques prêtes à défendre une vision positive de l’immigration se font rares. Au PS, seul l’accueil des réfugiés est encore considéré comme acceptable. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, le repli l’emporte. Quand Le Monde, le 24 août, lui demande si « l’immigration peut être une chance pour la France », il répond que la question est « piégée ». Affirmant qu’il n’a jamais été « pour la liberté d’installation », il estime que les migrants feraient mieux de rester dans leur pays d’origine. « L’urgent est qu’ils n’aient plus besoin de partir de chez eux (…), déclare-t-il. Émigrer est une souffrance. »

    Cet écart n’est pas surprenant. Complexes, les enjeux liés aux déplacements de population se laissent difficilement saisir en quelques déclarations, remarque Claire Rodier, juriste au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), auteure de Migrants & réfugiés, Réponse aux indécis, aux inquiets et aux réticents (La Découverte, 2016). Déconstruire les préjugés, par exemple l’idée selon laquelle les femmes étrangères viendraient en France pour accoucher et ainsi obtenir des papiers, voire la nationalité française, suppose de mobiliser des références, ce qui prend du temps et demande de l’attention. « C’est ardu, et moins percutant qu’un discours démagogique soutenant que les étrangers représentent un danger pour la République », souligne-t-elle. Autre obstacle : les enjeux migratoires prennent tout leur sens sur un temps long, peu compatible avec les contraintes d’immédiateté inhérentes au système d’offre et de demande en politique.

    « Il n’est pas facile de lutter contre cette grande entreprise de simplification », reconnaît lui aussi François Héran, sociologue, anthropologue et démographe, ex-directeur de l’Ined, auteur de Parlons immigration en 30 questions (Documentation française, 2016). « Les hommes politiques, a fortiori lorsqu’ils sont populistes, pensent qu’ils communiquent directement avec le peuple parce qu’ils commandent des sondages à partir d’échantillons réduits, alors qu’ils ignorent les résultats de travaux réalisés à partir de plusieurs dizaines de milliers d’entretiens », regrette-t-il.

    Se concentrant sur le cas de Nicolas Sarkozy, il souligne l’« incapacité » de l’ex-chef d’État à analyser l’« échec » de sa politique. « Sa recherche de la formule-choc n’a d’égale que son refus de se confronter au réel », insiste-t-il. Même si l’actuel président de LR ne l’admet pas, il n’a pas réussi à réduire les flux migratoires comme il s’y était engagé : le nombre des entrées d’étrangers en France reste stable et constant, autour de 180 000 chaque année depuis plus d’une décennie. « Il n’a pas compris que les flux, en France, ne sont pas alimentés par le marché du travail, mais par le droit. Pour stopper les arrivées, comme il se propose de le faire, il faudrait résilier les conventions internationales ratifiées par la France. Or je ne suis pas certain qu’il soit prêt à aller jusqu’à cette extrémité. Mais, plutôt que de revoir son discours, et d’organiser les choses différemment, il se contente de le durcir, ce qui est inopérant », affirme-t-il. « Les marges d’action du politique sont faibles », insiste François Héran, principalement parce que la France n’est pas seule au monde. « Faire croire l’inverse, poursuit-il, c’est faire preuve d’irréalisme. » Mais comme le métier d’homme politique consiste à faire penser que le réel se « gère » et se « maîtrise », un tel argument passe mal.

    Ceux qui, éventuellement à gauche, seraient tentés, à l’inverse, de nier l’impact des migrations sur la société se tromperaient tout autant, prévient François Héran. « Le changement de visage de la société française au cours des dernières décennies n’est pas une vue de l’esprit », indique-t-il, rappelant les données : au recensement de 1975, 20 % seulement des immigrés vivant en France étaient originaires des anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, contre 43 % en 2011, tous âges confondus. « Il est évident que l’opinion publique perçoit cette évolution, refuser de la reconnaître serait contre-productif », affirme-t-il, précisant que l’explication tient principalement au tarissement des migrations ibériques (espagnole et portugaise) à partir des années 1980. Et si l’on regarde les « flux » et non plus le « stock », un autre aspect de la réalité apparaît : la part du Maghreb et du reste de l’Afrique dans les entrées a reculé au cours des dernières années pour se situer autour de 30 %.

    L’absence de terrain d’entente entre la sphère politique et le monde de la recherche se traduit de temps à autre par des bras de fer médiatiques. « Quand les démographes font remarquer que les entrées représentent 180 000 personnes par an, soit 0,3 % de la population, on nous accuse de minimiser les flux ; quand on rappelle qu’un quart de la population est soit immigrée, soit enfant d’immigrés, on nous accuse de les amplifier pour les rendre irréversibles », résume François Héran.

    De ce face-à-face, les arguments les plus solidement étayés sortent perdants aux yeux de l’opinion publique. Comme le rappelle chaque année le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la majorité des Français considèrent qu’il y a trop d’étrangers en France et que la plupart des immigrés viennent en France pour profiter de la protection sociale. Dans la construction de ces représentations négatives, Claire Rodier souligne le rôle dévastateur de certains médias, notamment d’information en continu. « Les migrants sont presque tout le temps représentés de manière effrayante. Les ressorts des reportages sont invariablement la compassion ou l’effroi. Cela ne laisse pas de place à la réflexion », observe-t-elle. Or ce registre de l’émotion est volatil, comme l’a cyniquement montré la diffusion de la photo du petit Aylan. Un consensus semblait s’être construit autour de la nécessité d’aider et de protéger les réfugiés plutôt que de les exclure. Mais, dès que l’empathie s’est effacée des écrans et a disparu des déclarations politiques, la parenthèse s’est refermée. « Ce renversement de l’opinion publique n’était pas rationnel, c’est pour cela qu’il a été de si courte durée », souligne-t-elle.

    Dans la palette des arguments susceptibles de combattre les contrevérités, certains passent toutefois mieux que d’autres : les raisonnements utilitaristes, tournant autour de l’idée que les immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent, sont parmi les plus audibles, selon François Gemenne, alors même qu’ils font partie des moins recevables éthiquement ; Claire Rodier souligne, de son côté, la force du droit pour rappeler les responsables politiques à leurs obligations. « Les succès judiciaires, par exemple à Calais dans la “jungle”, ont un effet mobilisateur qui se traduit par une plus grande visibilité dans l’espace public », note-t-elle, espérant qu’ils finissent par influencer l’opinion publique. Mais le contexte n’est pas propice, jusqu’à l’élection présidentielle tout du moins. La controverse sur le burkini, qui a montré à quel point une tenue manifestant une foi musulmane pouvait heurter viscéralement certaines personnes, augure mal de la suite de la campagne au cours de laquelle il est à prévoir que le rejet de l’autre charpente davantage de discours que la tolérance à l’égard de la différence.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020916/immigration-pourquoi-les-arguments-rationnels-ne-passent-pas?onglet=full
    #préjugés #asile #migrations #réfugiés #rationalité #irrationalité

  • Les mots qui manquent | Christine Delphy
    http://lmsi.net/Les-mots-qui-manquent

    On attendait depuis longtemps un rapport officiel qui reconnaisse les discriminations raciales. Mais l’Etat, soi-disant pressé de s’en défaire, les a combattues en s’en défaisant littéralement : en les niant. Et, entre autres manœuvres, en interdisant les « statistiques ethniques » qui risquaient de « créer » des races... Source : Les mots sont importants

    • Des « races » dans notre pays, qu’à Dieu ne plaise ! C’est bon pour les Américains ! Et comme ça, sans statistiques, eh bien on ne pouvait pas savoir ce qui se passe « en vrai », en particulier dans le domaine de la discrimination qui, appréhendée par des « cas singuliers », pouvait toujours être contestée par l’évocation d’autres « cas singuliers ». Pourtant, depuis les années 1990, des tentatives ont été faites (par Martine Aubry par exemple) d’établir des observatoires (à la suite de multiples injonctions faites à tous les pays d’Europe de lutter contre la discrimination raciale). Mais ceux-ci ont tous été démantelés dans les six mois suivant leur création. Les recherches des sociologues et démographes – comme celles de l’équipe de Patrick Simon de l’INED, « Trajectoires et origines » – sur un échantillon conséquent, montrent clairement la discrimination à l’oeuvre à l’égard des Africains du Nord et du Sud dans l’éducation nationale (seuls 50% des enfants d’Algériens réussissent le bac, soit deux fois moins que la population générale de l’échantillon). Mais les media, qui auraient dû se réjouir, ont ignoré ce travail de plusieurs années. Les mêmes media se moquent de la parole de François Héran, directeur de l’INED, selon qui les immigrants d’Afrique du Nord et leurs descendants composent aujourd’hui 40% de la population française.

  • Crise des migrants : décentrer le regard - Ined - Institut national d’études démographiques
    http://pole_suds.site.ined.fr/fr/les_journees/crise-migrants-decentrer-regard

    Vendredi 18 Mars 2016, 9h30-17h
    INED, 133 boulevard Davout - 75020 Paris

    L’année 2015 a vu l’arrivée en nombre dans l’espace européen de personnes provenant directement ou transitant par des pays meurtris et désorganisés par des guerres où les pays européens et les Etats-Unis sont parties prenantes (Libye, Syrie, Irak, Afghanistan). Au-delà des chiffres diffusés par la presse, que savons-nous de l’ampleur des flux migratoires à destination de l’Europe et de la France ? Que représentent-ils à l’échelle de la population mondiale, de la population européenne et des Etats membres dont la France ? Que penser des modes de classement mis en œuvre pour enregistrer et sélectionner les populations migrantes ? Que dire des catégories en usage dans le langage médiatique ou politique et de ses enjeux ? Que gagne-t-on à replacer les flux migratoires dans le temps de l’histoire ou dans une perspective géographique large ? Dans quelle mesure les expériences migratoires passées permettent-elles d’éclairer le présent et le débat public ? Quel lien ou quel rapport établir entre un savoir construit sur les migrations internationales et l’action étatique et politique dans ce domaine ? Que peut faire la recherche face à la crise des migrants et en situation d’urgence ? Quelle relation nouer entre la recherche et l’action solidaire et humanitaire ?

    Le vendredi 18 mars deux tables rondes permettront de dépasser les discours sensationnalistes et d’esquisser des réponses aux questions posées en vue de contribuer à l’élaboration et à la valorisation d’une connaissance rationnelle des phénomènes migratoires.

    Inscription (gratuite) avant le 11/03/16

    http://pole_suds.site.ined.fr/fichier/s_rubrique/25069/programme.provisoire.crise.migrants.fr.pdf

    Programme provisoire
    9h00. Accueil autour d’un café

    9h30-12h30. Mouvements et déplacements massifs de populations : un détour historique et géographique
    Cette première table-ronde vise à prendre du recul face à l’histoire immédiate et à dépasser la représentation unilatérale qui réduit les migrations internationales à des flux orientés des pays « pauvres » vers les pays « riches ». Elle s’appuiera sur l’exposé et l’analyse de plusieurs expériences passées ou distantes de migrations soudaines et massives consécutives à des crises, des conflits ou des persécutions. Les intervenant-e-s s’attacheront à rappeler les causes et l’ampleur des phénomènes, les conditions matérielles et politico-administratives de l’accueil des populations concernées dans les pays de destination et les effets sur les opinions, les discours, les politiques, la démographie ou les pratiques institutionnelles à l’échelle nationale ou internationale de ces déplacements brusques et rapides de populations.
    Elle réunira : Aline Angoustures (OFPRA, Chef de la Mission histoire et archives), Luc Cambrézy (IRD), Marie-Paule Couto (LSQ/CSU), Lama Kabbanji (IRD/ Ined).

    12h30-14h00. Buffet

    14h-17h. Classer, compter, agir : quelle implication de la recherche face à la crise des migrants ?
    Sans faire l’économie d’un examen critique des outils de la mesure et du classement des populations, cette table-ronde vise à déchiffrer les faits migratoires et les mouvements de populations que connaît actuellement l’Europe pour s’interroger sur l’apport et les limites de la recherche dans l’analyse et la compréhension de ces phénomènes migratoires (en l’occurrence des migrations de crise) et réfléchir aux éventuelles transformations à apporter aux outils de connaissance au regard des attentes des différents acteurs ainsi qu’aux relations à nouer entre la recherche et l’action envers les migrants.

    Elle réunira : Cris Beauchemin (Ined), Jean-Christophe Dumont (OCDE, Chef de la division des migrations internationales), François Héran (Ined, Direction Département SHS ANR) ; un-e- responsable de Médecins du Monde –MdM- (nom à confirmer).

    Les débats seront conduits et animés par Marie-Pierre Vérot, journaliste à France Culture.

  • François Héran : « Sur les réfugiés, l’Europe doit changer d’échelle et d’approche », Europe
    http://www.lesechos.fr/monde/europe/021301958236-francois-heran-sur-les-refugies-leurope-doit-changer-dechelle-
    François Heran est démographe et l’ancien directeur de l’Ined.

    Pensez-vous, comme Angela Merkel, que les blocages de certains pays européens sur les réfugiés remettent en question les fondements de l’Europe ?
    Le courage de Mme Merkel impressionne et laisse François Hollande sur place. Mais sa prise de position mêle la prédication, la stratégie et le réalisme. Elle veut doubler la suprématie économique de l’Allemagne d’un magistère moral, car elle sait qu’elle en a les moyens. Si elle prévoit sans frémir d’accueillir 800.000 réfugiés en 2015, c’est que ce chiffre a déjà été atteint en 1992. Cette année-là, comme les années suivantes, l’Allemagne accueillait à la fois les migrants fuyant les guerres de l’ex-Yougoslavie et les Russes ou Kazakhs d’origine allemande (ou supposés tels), qui bénéficiaient d’un droit au retour. Un tel surcroît dans un pays de 80 millions d’habitants augmente la population de 1 %. Angela Merkel sait aussi que, depuis les années 1970, l’Allemagne compte plus de décès que de naissances. Les projections démographiques annoncent une baisse de 20 % de la population active d’ici à quarante ans. L’intérêt se joint à la morale. L’Allemagne peut jouer sur les deux tableaux.

    Un tel afflux est-il soutenable dans une Europe en crise économique ?
    « Soutenable » est une notion relative. Sur les 4,5 millions de personnes qui ont fui la Syrie, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés, 40 % sont en Turquie, dans des conditions déplorables, et beaucoup d’autres en Jordanie, au Liban, en Egypte. N’arrivent en Europe que les plus jeunes et les plus instruits. Dans une Grèce en grande difficulté économique, l’afflux de réfugiés pose un sérieux problème. Mais pour l’Union européenne, avec ses 510 millions d’habitants, accueillir un million d’exilés, c’est seulement croître de 1/500. Ce qui me frappe, c’est de voir à quel point les politiques redoutent les mouvements de population sans avoir la moindre idée des ordres de grandeur. Alain Peyrefitte a rapporté la réaction horrifiée du général de Gaulle apprenant qu’on allait peut-être devoir accueillir 10.000 rapatriés à la fin de la guerre d’Algérie. Or ils ont été près d’un million à gagner la métropole, qui comptait alors 47 millions d’habitants ! Les chiffres absolus impressionnent, mais, en démographie, il faut raisonner en proportions.

  • Manifeste pour une république aux oreilles dégagées
    http://www.liberation.fr/societe/2013/10/08/manifeste-pour-une-republique-aux-oreilles-degagees_937972

    La méthode est bien éprouvée. Commander un rapport à un haut conseil savamment composé. Changer l’ordre de grandeur du phénomène en procédant à des auditions dont personne ne comprenne le mode de sélection. Débattre à longueur de colonnes sur l’égalité des sexes et le péril que fait courir l’islam à la république. Mais surtout : produire en fin de course un texte de loi qui s’abstienne de faire la moindre allusion à ces grands principes, faute de base juridique. (...) Source : (...)

  • Intégration en France : les mécomptes de Claude Guéant | François Héran (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/19/integration-en-france-les-mecomptes-de-claude-gueant_1509873_3232.html

    Les spécialistes des migrations le savent, la mesure de l’intégration n’est pas statique, elle doit tenir compte de l’évolution des situations. Si le taux d’emploi des immigrés se rapproche avec le temps de celui des natifs, l’intégration est en marche. On peut mesurer sa progression selon la durée de séjour, on peut la suivre aussi d’une génération à l’autre. Au vu des études attentives à ce facteur, l’intégration des migrants progresse bel et bien en France, qu’il s’agisse de l’emploi, du logement, de la langue ou des pratiques culturelles. (...)