person:françois hollande

  • Indemnités prud’homales : le plafonnement de nouveau jugé contraire au droit international
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/01/06/indemnites-prud-homales-le-plafonnement-de-nouveau-juge-contraire-au-droit-i

    Deux jugements en six jours écartent cette disposition s’appliquant à un salarié victime d’un licenciement injustifié et à laquelle Macron est très attaché.

    Des juges sont-ils entrés en rébellion contre les ordonnances de septembre 2017 sur le code du travail ? Pour la deuxième fois en quelques jours, un tribunal a estimé contraire aux engagements internationaux de la France une des mesures emblématiques de cette réforme : le plafonnement des indemnités accordées par la justice à un salarié victime d’un « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». C’est le conseil de prud’hommes d’Amiens qui a rendu cette décision, le 19 décembre 2018, comme le signale le site d’informations Actuel RH. Le jugement, que Le Monde a pu consulter, est similaire à celui rendu six jours auparavant par les conseillers prud’homaux de Troyes. Il a pour effet d’écarter une disposition à laquelle Emmanuel Macron est très attaché puisqu’elle figurait dans son programme de campagne.

    L’affaire tranchée à Amiens concerne Fidèle T., employé dans un commerce d’alimentation générale. Celui-ci avait saisi les prud’hommes en février 2018 après avoir appris que son patron voulait le licencier pour faute grave. Les juges ont considéré que la rupture du contrat de travail était infondée et qu’il fallait dès lors dédommager le salarié pour le préjudice subi. Or, ont-ils rappelé dans leur décision, la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) indique qu’une juridiction nationale, en cas de congédiement injustifié, doit pouvoir ordonner l’octroi d’une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de réparation « appropriée ».

    Dans le cas de Fidèle T., le barème prévoit « une indemnité à hauteur d’un demi-mois de salaire », selon le conseil de prud’hommes d’Amiens. Cette somme ne peut être vue « comme étant appropriée et réparatrice ». A l’appui de leur démonstration, les juges soulignent que « dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié subit irrémédiablement un dommage (…), d’ordre psychique mais également (…) financier » puisque ses revenus baissent de façon substantielle, une fois qu’il est privé d’emploi.

    Conclusion, pour les conseillers prud’homaux d’Amiens : les textes issus de la réforme de 2017 « sont contraires à la convention 158 de l’OIT » et l’entreprise est condamnée à verser à un dédommagement de 2 000 euros, soit un montant dont les juges sous-entendent qu’il est supérieur à ce qui est fixé dans les ordonnances.

    Précision importante : le jugement du 19 décembre 2018 a été rendu par une formation dans laquelle siégeaient deux conseillers salariés et deux conseillers employeurs, ce qui signifie que l’un de ces derniers, au moins, adhérait à l’analyse juridique développée dans la décision.

    • Le plafonnement des indemnités prud’homales jugé contraire au droit international
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/14/le-plafonnement-des-indemnites-prud-homales-juge-contraire-au-droit-internat

      Instauré en 2017 par les ordonnances Macron, ce dispositif, qui s’applique à un salarié qui aurait été licencié de manière infondée, serait contraire à la convention de l’Organisation internationale du travail.

      Le débat sur la réforme du code du travail, qui fit rage en 2017, vient de rebondir devant le conseil de prud’hommes de Troyes. Dans cinq litiges, cette juridiction vient de juger contraire aux engagements internationaux de la France une des mesures les plus importantes adoptées l’an passé : le plafonnement des dommages-intérêts qu’un tribunal accorde à un salarié victime d’un licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».

      Une disposition très controversée à laquelle Emmanuel Macron tient beaucoup : il l’avait inscrite dans son programme de campagne après avoir – vainement – tenté de la mettre en place quand il était ministre de l’économie, sous le quinquennat de François Hollande.

      Les jugements rendus jeudi 13 décembre constituent une première. L’un d’eux, que Le Monde a pu consulter, fait suite à un différend entre un homme et l’ancienne entreprise où il travaillait. Jean-Paul G. avait saisi les prud’hommes de Troyes, courant février, quelques jours après avoir appris que son employeur voulait le congédier, en raison de difficultés économiques.

      Dans sa demande, le salarié avait – notamment – exprimé le souhait que soit écarté le barème obligatoire instauré en 2017, au motif que celui-ci ne respecte pas deux textes : la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne. Celles-ci prévoient qu’une juridiction, en cas de licenciement infondé, doit pouvoir ordonner le versement au salarié d’une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de réparation « appropriée ».

      Les prud’hommes ont donné gain de cause à Jean-Paul G. Pour eux, la réforme de 2017 a eu comme effet d’introduire « un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales [qui] ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi ».

      En outre, les montants maximaux fixés dans le barème « ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse » : ils « sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ».

      Une précision importante : la décision de jeudi a été rendue par une formation collégiale, composée de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs, ce qui signifie que l’un de ces derniers, au moins, était favorable à l’analyse juridique développée dans le jugement.
      « Elle me paraît très pertinente », commente Pascal Lokiec, professeur à l’école de droit de la Sorbonne. A ses yeux, la réforme de 2017 a fixé des niveaux d’indemnité minimaux et maximaux qui laissent très peu de « marge d’appréciation » au juge dans certaines situations.

    • Prud’hommes : le barème Macron a-t-il du plomb dans l’aile ? - L’Express L’Entreprise
      https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/prud-hommes-le-bareme-macron-a-t-il-du-plomb-dans-l-aile_205618

      Le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif a encore été retoqué par des juges prud’homaux. Le début d’une série ?

      Après le conseil des prud’hommes de Troyes (13 décembre), deux autres tribunaux viennent de contester l’une des mesures phares des ordonnances Travail de 2017 que constitue le barème Macron, plafonnant les indemnités accordées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Il s’agit de celui d’Amiens (19 décembre) et de celui de Lyon* (21 décembre). De quoi donner de l’espoir aux opposants à cette disposition. Même si le débat reste entier.
      […]
      Mais d’autres ont pris des décisions inverses.

      Le 26 septembre dernier, le conseil des prud’hommes du Mans a validé le même barème. Chaque décision peut être brandie par les deux camps adverses et rien ne permet de préjuger des positionnements à venir des autres conseils de prud’hommes appelés à se prononcer sur des licenciements abusifs. Avec trois conseils des prud’hommes « anti-barème », on peut néanmoins déjà noter une certaine rébellion qui pourrait faire contagion.

    • On nous en a informé dans les rubriques “faits divers”, c’est pourtant d’un meurtre qu’il s’agit : un ouvrier de 68 ans, auto-entrepreneur, est tombé d’un toit et mort de ses suites de ces blessures à Versailles. Ce lieu emblématique du mal que les puissants font au travail – le fameux palais de Louis XIV a provoqué la mort de milliers d’ouvriers durant sa construction – n’est pas le seul indice qui nous doit pousser à voir des responsabilités hauts placés derrière cette mort injuste. Qui a tué cet homme ? Plusieurs décideurs politiques peuvent être directement reliés à cet accident mortel :

      Nicolas Sarkozy, président de la République, et son ministre du travail Eric Woerth sont les artisans de la dernière grande réforme des retraites, qui repousse de deux ans l’âge de départ, avec ce message, si cher aux gens de droite “le travail c’est la santé”. C’est à cause de cette augmentation de la durée de cotisation que des gens sont contraints de travailler plus longtemps s’ils ont mal ou peu cotisé au cours de leur vie, et se retrouver, à 68 ans, sur un toit. Et c’est aussi cette réforme qui explique en partie la baisse de l’espérance de vie que nous avons connu en 2016 : en travaillant plus longtemps, notre santé se dégrade plus vite.

      On peut ajouter à la responsabilité de Sarkozy et ses sbires la création du statut d’auto-entrepreneur : il a permis à nombre d’entreprises, notamment dans le BTP, de sous-traiter à leurs propres salariés des responsabilités qui leur incombaient jusqu’alors, de tout ce qui est lié au rôle d’un employeur, dont l’obligation de veiller à la santé et la sécurité des salariés…

      François Hollande, président de la République, et sa ministre du travail Myriam El Khomri ont aussi pris leur lot de décisions qui ont conduit à ce que la mortalité au travail soit celle-ci : dans la loi de réforme du code du travail de 2016, ils ont totalement diminué le rôle de la médecine du travail. Moins de visites médicales, moins de contrôles, moins de professionnels qualifiés : la médecine du travail, conquête sociale essentielle, a été vidée de sa substance. De quand date le dernier contrôle médicale de cet ouvrier de 68 ans ? Certainement pas récent, vu les changements pris en 2016.

      Emmanuel Macron, président de la République, et sa ministre du travail Muriel Pénicaud ont parachevé la démolition des gardes-fous et des protections qui auraient été susceptibles d’empêcher qu’un ouvrier de 68 ans se retrouve seul sur un toit, et y trouve la mort. Dans leur réforme prise par ordonnances en septembre 2017, ils ont supprimé le compte pénibilité, qui permettait de prendre en compte la dureté et la dangerosité d’un travail pour partir en retraite anticipée : cet ouvrier y était certainement éligible, mais ce dispositif, mis en place sous Hollande pour compenser les effets les plus dramatiques de la réforme de Sarkozy, a été tué dans l’oeuf sur demande du MEDEF. N’était-ce pas Macron qui avait dit devant les patrons français « Je n’aime pas le mot de pénibilité, car il induit que le travail est une douleur » ?

      Et ils ne se sont pas arrêtés là : en refusant toute remise en cause du statut d’auto-entrepreneur, malgré ses dérives patentes (les coursiers à vélo, qui n’ont aucune protection maladie, en sont l’un des exemples les plus parlant), en supprimant les Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), Macron et Pénicaud ont réalisé le rêve du patronat : faire en sorte que la santé au travail devienne la seule responsabilité du travailleur, “auto-entrepreneur” ou salarié sans droit, et qu’un accident du travail devienne un fait divers tragique et non un fait de société qui mérite débat et sanctions.

      A lire les comptes-rendus laconiques et froid sur la mort injuste de cet ouvrier à Versailles, on se dirait presque qu’ils ont réussi. Mais ils n’en sont pas moins coupables, et si leurs décisions sont discutées dans le cadre doré et tout plein de velours de l’Assemblée et des cabinets ministériels, leurs résultats sont bien là, sur le bitume glacé de Versailles, dans le sang déjà froid d’un homme qui travaillait pour manger, vivait dans le monde qu’ils ont fait pour lui, est mort à cause de ce qu’ils ont décidé.

  • Effet « #gilets_jaunes » oblige, les politiques français lâchent le CES de Las Vegas
    https://www.latribune.fr/technos-medias/effet-gilets-jaunes-oblige-les-politiques-francais-lachent-le-ces-802590.h


    Emmanuel Macron, alors en pleine campagne présidentielle, avait fait en personne le déplacement en 2017 au CES de Las Vegas, pour bénéficier de l’image alors positive de la "startup nation".
    Crédits : REUTERS/Steve Marcus

    Malgré la présence d’un nombre record de startups françaises (plus de 420) au CES de Las Vegas, qui se tient du 8 au 11 janvier, aucun ministre ni président de Région, pas même le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi, ne fera le déplacement. Un contraste saisissant avec les éditions précédentes, qui s’explique par la disgrâce dans l’opinion de la "#startup_nation" dans le contexte social tendu des "Gilets jaunes".

    Le CES de Las Vegas devient-il infréquentable ? Le mouvement des « Gilets jaunes », qui a fragilisé le pouvoir cet automne, a une conséquence inattendue : le plus grand salon technologique au monde, qui attirait pourtant depuis quelques années la crème de la crème des politiques, tombe totalement en disgrâce. Dans un contexte social très tendu où les fins de mois difficiles reviennent au cœur des débats, la « startup nation » n’a plus le vent en poupe auprès des élus et du gouvernement.

    « Personne ne veut s’afficher aux côtés de la France privilégiée qui crée des gadgets high-tech, dans la capitale mondiale du bling-bling. Ce serait complètement déconnecté », confie, sous couvert d’anonymat, un membre d’un cabinet ministériel à Bercy.

    Un constat valable aussi pour l’opposition et les présidents de régions, mais surtout pour la Macronie, traumatisée à l’idée que « l’affaire #Pénicaud  » (une coûteuse soirée en marge du CES en 2016 autour d’Emmanuel Macron, organisée par Business France sans appel d’offre) revienne encore hanter le président…

    • CES 2019 : un Mounir Mahjoubi virtuel confirme le « Next 40 », le CAC 40 de la French Tech
      https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/ces-2019-un-mounir-mahjoubi-virtuel-confirme-le-next-40-le-cac-40-de-la-fr

      Le secrétaire d’État au Numérique va venir trois fois au CES... de manière virtuelle, sous la forme d’un robot de téléconférence créé par la startup française Awabot. Lors de la soirée francophone en marge du salon, il a confirmé le lancement cette année d’un tout nouvel indice pour les startups, le Next 40.

      Cette année, aucun membre du gouvernement ni président de Région n’a fait le déplacement au CES. Et pour cause : dans le contexte social tendu des « Gilets jaunes », le plus grand salon technologique au monde, situé dans la capitale mondiale du bling-bling à Las Vegas, est devenu complètement infréquentable. Une situation délicate pour le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, peu enclin au risque politique de s’exhiber au milieu de la « startup nation » si impopulaire en ce moment, mais dont la présence était pourtant attendue de pied ferme par l’écosystème de la French Tech.

      Comme en son temps François Hollande, Mounir Mahjoubi a donc décidé de pratiquer l’art de la synthèse. Mardi 8 janvier, il a bien fait une apparition au CES... depuis Paris, de manière virtuelle. Une manière d’être là sans vraiment être là, de montrer son soutien à l’écosystème sans prêter le flanc à la critique d’un coûteux voyage.

  • Des mésaventures de Monsieur « S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher » en 2018 : Les Champs Elysées, théâtre du pouvoir macronien, de l’investiture aux « gilets jaunes », Ariane Chemin, 29 décembre 2018

    En décembre, retranché à l’Elysée, il a renoncé aux bains de foule et autres déambulations. Pour les fêtes, il s’est privé de vacances au ski, à La Mongie dans les Htes-Pyrénées, où il va depuis son enfance, pour ne pas attiser encore l’exaspération de ses concitoyens. (ailleurs dans le même journal)

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/28/aux-champs-elysees-splendeurs-et-miseres-d-emmanuel-macron_5402911_4500055.h

    L’ostentatoire avenue parisienne s’est transformée en rendez-vous des « #gilets_jaunes ». Un retour de bâton pour le président qui y a régulièrement mis en scène son pouvoir « jupitérien ».

    Raide comme un lancier dans son command car , Emmanuel Macron remonte les Champs-Elysées. Il a posé sa main sur l’arceau du véhicule militaire. Derrière lui, le Louvre et sa Pyramide, point de départ de la fameuse « voie royale », perspective esquissée au XVIIe siècle par le jardinier Le Nôtre, qui file désormais sans obstacles jusqu’au quartier d’affaires de la Défense. Un sourire pincé assouplit légèrement les lèvres du héros. Regard martial, maxillaires saillants, il faut clore la séquence du « président normal ». Représenter les Français, mais d’abord incarner la France.

    À chaque président, son mini-coup d’Etat dans des protocoles trop huilés. Ce dimanche 14 mai 2017, la passation des pouvoirs s’est déroulée selon le rituel constitutionnel : tapis rouge, garde républicaine, tête-à-tête avec François Hollande, visite du PC Jupiter, ce bunker réservé au commandement militaire. Emmanuel Macron est devenu à 39 ans le 25e président de la République française.

    Mais, au moment de quitter l’Elysée pour gagner la place de l’Etoile et raviver la flamme du tombeau du Soldat inconnu, surprise : ce n’est pas la traditionnelle Citroën qui patiente devant la grille du Coq, sortie la plus discrète du Palais. Emmanuel Macron n’a pas fait son service militaire mais raffole de l’uniforme. Sa griffe, ce sera ce VLRA (véhicule léger de reconnaissance et d’appui) en « livrée camouflage ».

    Ce jour-là, les Champs-Élysées s’imposent comme la scène politique du pouvoir macronien

    Hormis les cordons de chevaux et de motards de la garde républicaine, rien ne protège le nouveau président des spectateurs postés le long des trottoirs. De quoi aurait-il peur ? On ne hait pas un inconnu. À mi-parcours, plusieurs chevaux se cabrent brusquement, manquant de semer la panique dans le cortège, mais les ruades sont vite oubliées, un épiphénomène dans ce cours radieux. Qu’importe s’il a été élu par moins de 21 millions d’électeurs [8 657 000 au premier tour, ndc] : Macron a conquis le pouvoir à la vitesse d’un Rafale, sans mandat ni parti. Il a raflé 66 % des voix au second tour, face à Marine Le Pen, et savoure son apothéose sur l’avenue de la mémoire nationale.

    Le pays tout entier a pris l’habitude de s’y rassembler pour fêter ses triomphes, deux millions de personnes pour la libération de la capitale en août 1944, un million et demi pour la victoire des Bleus de Zidane en juillet 1998. Ce 14 mai 2017, dans l’objectif des photographes, le visage juvénile du président sur « la-plus-belle-avenue-du-monde », encadré par l’écarlate des plumets, le cuivre des casques, le bleu des gyrophares, symphonie de couleurs devenue spécialité française, offre des clichés de rêve. Comment imaginer que l’avenue de son sacre deviendra bientôt le théâtre de sa disgrâce, l’artère d’une tragédie en plusieurs actes ? Ce jour-là, les Champs-Élysées s’imposent comme la scène politique du pouvoir macronien.

    Un spectacle en trompe-l’œil

    14 juillet 2017. C’est encore l’état de grâce. Le lendemain de son investiture, Emmanuel Macron a rendu visite à Angela Merkel, puis reçu Vladimir Poutine à Versailles. Pour son premier défilé militaire, il a même convaincu le président des États-Unis, installé six mois plus tôt à la Maison Blanche, de traverser l’Atlantique. Comme pour chaque fête nationale, les Champs ont sorti le grand jeu. Tout au long de ses deux kilomètres, l’avenue est pavoisée, drapeaux, fourreaux et kakémonos. Le président savoure le spectacle. On lui donne même les clés des jardins des Tuileries, qu’il traversera à pied, sous la lune, le 8 mars 2018, au retour d’un dîner officiel.

    Cette année, centenaire de l’engagement américain dans la guerre de 1914-1918 oblige, cinq militaires en uniforme de « Sammies » défilent avec l’armée française. Somptueux. Des chars vieux d’un siècle descendent les pavés de l’avenue. « Il y avait beaucoup d’avions », commente Donald Trump, emballé. « Les gens ne savent pas quels grands guerriers il y a en France », s’émerveille le chef d’Etat américain. Il repart même à Washington avec un projet fou : copier ce défilé sur Pennsylvania Avenue, entre le Capitole et la Maison Blanche. « France is back », se réjouissent les diplomates.

    Seuls quelques gradés le savent, les Champs-Elysées offrent ce jour-là un spectacle en trompe-l’œil. En arrivant place de l’Etoile, le président a tapé en souriant sur l’épaule galonnée du chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, comme si de rien n’était. Après son élection, Emmanuel Macron a souhaité garder près de lui le général de 60 ans une année supplémentaire. Mais, deux jours plus tôt, on a rapporté au locataire de l’Elysée le coup de gueule du haut gradé devant la commission défense de l’Assemblée à l’annonce de coupes programmées dans le budget militaire : « Je ne vais pas me faire baiser comme ça ! »

    Macron n’a pas apprécié. Villiers veut faire de la politique ? O.K., il va comprendre. Le nouveau chef de l’Etat l’a recadré lors de la traditionnelle garden-party du ministère des armées, la veille du défilé. « Il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’aime le sens du devoir. J’aime le sens de la réserve. » Réserve, devoir, le président reprend à son compte les obligations des militaires pour mieux mettre au sol le chef des armées. « Je suis votre chef ! », claque aussi Macron en poussant les octaves jusqu’au fond des jardins de l’hôtel de Brienne.

    Macron tremble un court moment

    Depuis, les deux hommes n’ont pas échangé un mot. Sur le command car, le visage de Villiers reste blanc comme la nuit qu’il vient de passer. Seule son épouse a pu le convaincre d’aller défiler. Il est seul à savoir que cette revue des troupes est sa ronde d’adieu : allez, se persuade en effet l’Elysée, il ne partira pas, aucun chef des armées n’a osé le faire depuis 1958. La Macronie se trompe. Les militaires ont l’habitude de se faire broyer le dos par des rangers, pas par des souliers vernis, et Villiers est une sacrée tête de lard. Cinq jours après la parade sur les Champs, le général cinq étoiles démissionne.

    Macron tremble un court moment, à l’automne, en apprenant que son ancien chef d’état-major s’apprête à publier un livre : il se rassure en notant que l’ouvrage ne comporte aucune petite phrase ou règlement de comptes. Un coursier a d’ailleurs apporté courtoisement le premier exemplaire de l’ouvrage dédicacé à l’Elysée.

    Dans les jours suivants, Servir (Fayard) est dans toutes les librairies. Depuis les années 1970, les salles de cinéma de l’avenue demeurent, chaque mercredi, le meilleur baromètre du succès d’un film, et le drugstore Publicis, au pied de l’Arc de triomphe, est un bon sismographe des ventes de livres. Dès le 8 novembre, les écrits du général y font chauffer les étals.

    Le grondement de 700 bikers déboulant sur les Champs, le 9 décembre, couvre heureusement cette onde de choc. Johnny Hallyday, ce morceau du patrimoine français, est mort. C’est l’une des dernières mythologies nationales qu’on enterre. L’Elysée a décidé de lui offrir des obsèques XXL. Des dizaines de milliers de fans patientent entre l’Etoile et la Concorde. Des motards venus de tous les pays se joignent aux Harley rutilantes qui escortent le cercueil blanc du rocker. « Johnny était là pour vous, vous êtes là pour lui » : pour mettre en mots les liens tissés par un autre, Macron, ce jour-là, est très bon. Jeunes, vieux, femmes et hommes, urbains et « périphériques », une foule accourue de toute la France pleure un gilet de cuir sur l’avenue la plus courue de France.

    Ici siègent l’argent, le pouvoir, la réussite

    C’est ici, en 2015, qu’Emmanuel Macron a testé pour la première fois sa popularité. Manuel Valls avait pris l’habitude chaque 11-Novembre de prendre un verre avec quelques-uns de ses ministres sur une terrasse des Champs-Élysées. Mais sur BFM-TV, autour de la table du bistrot, c’est le tout frais patron de Bercy qui prend la lumière. Il a l’habileté de descendre seul le trottoir des Champs. « Vous êtes le seul intelligent de ce gouvernement, les autres on ne veut pas en entendre parler », lance une vendeuse de chaussures. Cette fois, la caméra du « Petit journal » est là et immortalise ce premier bain de foule, sa première échappée.

    Vuitton et ses monogrammes dorés, Ladurée et ses macarons parfumés, Lancel, Guerlain, Cartier… Entre l’avenue Montaigne et l’avenue George-V, le « triangle d’or » des Champs-Elysées concentre toutes les griffes du luxe français. Ici siègent l’argent, le pouvoir, la réussite. Le chef de l’Etat connaît bien le quartier. C’est là que banquiers et avocats d’affaires se donnent rendez-vous. Là qu’ils ont leurs bureaux. À l’été 2014, lorsqu’Emmanuel Macron avait quitté le secrétariat général de l’Elysée et réfléchissait à se lancer dans les affaires, Antoine Gosset-Grainville l’avait hébergé quelques semaines dans son cabinet, au 44 de l’avenue.

    Les Champs, c’étaient surtout Henry Hermand. Le mécène d’Emmanuel Macron donnait ses rendez-vous au Lancaster, un palace de la rue de Berri, l’adresse de ses premiers bureaux avant d’emménager rue Lamennais. Le vieux monsieur s’était entiché d’« Emmanuel » en 2002, et le président sait bien que son « casse » électoral aurait été impossible sans ce généreux patron de la grande distribution. Hermand s’est éteint quelques mois avant la présidentielle, au 288e rang des fortunes françaises, sans avoir vu son protégé au faîte de la gloire.

    Les gênantes punchlines du président

    L’aurait-il mis en garde, cet homme de la « deuxième gauche », contre ses saillies de plus en plus gênantes, de plus en plus voyantes ? Ces « gens qui ne sont rien », « le Gaulois réfractaire au changement », « les fainéants, les cyniques, les extrêmes ». Et puis cette phrase volée à de Gaulle : « La seule chose qu’on n’a pas le droit de faire, c’est de se plaindre. » Un festival.

    Les punchlines présidentielles glissent sur les pavés des Champs-Elysées, mais pas sur le bitume des nationales et des départementales, ces routes des triangles de détresse que déploie la France des vieux diesels, des petites retraites, cette France des cuves à fioul qu’il va falloir remplacer au plus vite pour se mettre aux normes.

    Le pays silencieux a la mémoire longue. Les formules tournent dans les têtes et les groupes Facebook, prêtes à surgir sous un gros feutre ou une bombe de peinture. Tout cloche dans les phrases de ce président-là, même le « pognon de dingue ». Pognon, c’est de l’argot de riches, un mot de tradeurs ou de théoriciens de la « société inclusive » encanaillés devant les films d’Audiard, de jeunes banquiers qui fument sur les trottoirs au coin des Champs-Élysées, en bras de chemise et pantalons slimissimes.

    L’été 2018 approche. 2017 avait laissé croire au retour de la croissance, mais elle semble désormais un brin compromise. En bas des Champs, côté pair – celui que préfère la banlieue –, les galeries et boutiques de prêt-à-porter notent que l’économie nationale donne des signes de faiblesse. Mais la veine sourit au président. Dimanche 15 juillet, l’équipe de France de football remporte le Mondial 2018. Dans les loges du stade Loujniki, à Moscou, Macron bondit en l’air comme un coach sur le bord du terrain. Voilà à nouveau la place de l’Etoile au cœur de la folie qui s’empare du pays. La foule entonne même un chant à la gloire du milieu de terrain N’Golo Kanté sur l’air des « Champs Elysées » de Joe Dassin : « Il est petit, il est gentil, il a stoppé Leo Messi, mais on sait tous c’est un tricheur, N’Golo Kanté… »

    Le bus accélère, le quinquennat s’emballe

    En écho aux réseaux sociaux, la RATP rebaptise la station de métro en bas de l’avenue « Deschamps-Elysées Clémenceau », spéciale dédicace au sélectionneur des Bleus. Les noms des vingt-trois joueurs s’affichent sur le fronton de l’Arc de triomphe. Ces dernières années, hélas, le monument a surtout servi d’épitaphe : « Paris est Charlie », pleurait en janvier 2015 une bannière noire projetée sur le monument. Deux ans plus tard, un policier, le capitaine Xavier Jugelé, mourait sous les balles d’un islamiste au 104 de l’avenue, entre les magasins Marionnaud et Yves Rocher. Ce dimanche d’été 2018, le triomphe des hommes de Didier Deschamps permet de retrouver la légèreté oubliée. De l’avenue Marigny au Grand Palais s’improvise une samba endiablée.

    Les champions sont attendus le lendemain, au même endroit. Ce lundi 16 juillet, l’avion de l’équipe de France a atterri à 17 heures à l’aéroport Charles-de-Gaulle, avec pas mal de retard. Quand, à 19 h 20, les héros atteignent enfin la place de l’Etoile, la foule des supporteurs cuit depuis des heures dans une chaleur d’étuve. D’un coup, dans le halo des fumigènes, apparaît le bus à impériale. L’avenue s’efface dans une brume rose, presque un spectacle de Disney. Trop courte extase.

    Jean Lassalle inscrit le « scandale des Champs » aux questions d’actualité de l’Assemblée. « M. Macron a voulu accaparer [les joueurs] à l’Elysée. Résultat : un peuple entièrement déçu, moins de dix heures après avoir dansé tous ensemble. »

    Il y a vingt ans, le bain de foule de l’équipe d’Aimé Jacquet avait duré quatre heures. Cette fois, les groupies de Kylian Mbappé et d’Antoine Griezmann n’ont droit qu’à une parade express. À l’avant de l’autocar, un jeune homme a l’oreille vissée à son portable. Il raccroche et fait un geste au conducteur. Le bus accélère, et c’est tout le quinquennat qui s’emballe avec lui.

    Les 1 700 mètres du parcours prévu sont bouclés en vingt minutes. Tant pis pour la foule massée le long des trottoirs : le couple Macron guette les joueurs sur le perron de l’Elysée et aimerait faire profiter les JT de 20 heures de leurs retrouvailles. À 19 h 51, les Bleus prennent la pose entre coupe et président. Place de l’Etoile, la fan-zone commence à comprendre qu’elle s’est fait voler ses champions.

    Furieux qu’on soit « capable de faire tourner au vinaigre ce qu’il y a de plus beau », le député Jean Lassalle, fils de bergers occitans de la vallée d’Aspe, un fort en gueule réélu sans souci depuis 2002, inscrit le « scandale des Champs » au menu des questions d’actualité de l’Assemblée nationale. « M. Macron a voulu accaparer [les joueurs] à l’Elysée. Résultat : un peuple entièrement déçu, moins de dix heures après avoir dansé tous ensemble. (…) le petit peuple [n’aurait] pas le droit de voir l’équipe qui vient de triompher en son nom devant la planète tout entière ? Il est trop petit, le peuple, trop petit ! »
    Jamais sans Benalla

    Même la coupe a été dérobée aux regards. « On la cherchait partout », a dit Philippe Tournon, l’attaché de presse de l’équipe de France. Le jeune inconnu du bus l’a gardée avec lui et trimballe pendant quelques jours et quelques nuits le trophée dans une malle en aluminium. Il la montre à ses amis de l’Elysée et de la Préfecture de police de Paris, la pose fièrement sur le bureau du commandant Jean-Yves Hunault, propose à Laurent Simonin, autre ponte de la « préf », de l’admirer à son tour.

    Le nom de ce conseiller ? Alexandre Benalla. Depuis la campagne, cet adjoint au chef du cabinet d’Emmanuel Macron ne compte pas ses heures et peut tout dire ou presque au chef de l’Etat. Brigitte Macron a « Mimi » (Marchand), le président peut compter sur Alex. Dans les moments délicats, Benalla sait tout faire, même faire accélérer le bus des Bleus sur les Champs-Elysées.

    Emmanuel Macron a pourtant failli le perdre. Le 1er mai 2018, Benalla a été autorisé à assister en « observateur » aux manifestations aux côtés des forces de l’ordre. Bien qu’il ne soit pas policier, il portait ce jour-là un casque et un brassard. Face à un manifestant, puis à un couple lançant des bouteilles sur des agents, place de la Contrescarpe, il n’a pu se retenir d’intervenir, avec balayette et clés de bras. Suffisant en principe pour saisir la justice. Mais, en un an à l’Elysée, Benalla a tout vu, tout su, et s’est rendu indispensable : le chef de l’Etat a choisi d’étouffer la faute.

    « S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher », lance, fin juillet, Emmanuel Macron devant les députés de sa majorité.

    Le 18 juillet, trois jours après la victoire des Bleus, le chauffeur de Laurent Simonin est occupé à admirer la Coupe du monde quand il entend Benalla souffler : « Mon affaire va sortir. C’est une question d’heures. » Dès le lendemain, l’« affaire » vire au scandale. Le parquet de Paris ouvre une information judiciaire, le Parlement deux commissions d’enquête. « S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher », lance, fin juillet, Emmanuel Macron devant les députés de sa majorité. Etrange formule, aussitôt moquée sur les réseaux sociaux et qui ne tombe pas dans l’oreille de sourds.

    Le 11-Novembre, Donald Trump est de retour sur la place de l’Etoile, pour célébrer le centenaire de l’armistice de 1918. Il a cette fois sa tête des mauvais jours : Emmanuel Macron vient d’avancer sur CNN l’idée d’une « armée européenne », un projet « très insultant », a tweeté, de son avion, le président américain. Il sèche la remontée des Champs, comme Vladimir Poutine.

    Un souci de plus pour Emmanuel Macron qui sort à peine d’une minitornade médiatique : il s’est englué tout seul dans un débat sur l’opportunité d’un hommage au maréchal Pétain, choquant pas mal de Français et, surtout, d’historiens. La chanteuse béninoise Angélique Kidjo peine à détendre l’atmosphère. L’ambiance a bien changé depuis juillet 2017.

    Et les « gilets jaunes » vinrent chercher Macron…

    Six jours plus tard, les premiers « gilets jaunes » fleurissent sur l’avenue. Ils n’ont pas supporté l’annonce de la hausse du prix des carburants. Ils se donnent rendez-vous sur Facebook et sur les ronds-points des zones commerciales. Parmi eux, peu d’ouvriers, peu d’habitants des quartiers, mais des tas de gens qui se sentent seuls et viennent se réchauffer autour des flammes des braseros. Beaucoup pensent que tous les journalistes et tous les politiques mentent. Ils ont la rage.

    Qu’ils viennent me chercher, disait Macron. « On vient te chercher chez toi ! », crient les manifestants. Ils ont l’intention d’approcher aussi près que possible du palais de l’Elysée. Les rues qui bordent le Faubourg-Saint-Honoré sont bloquées ; le repli se fait donc sur les Champs. Le samedi 17 novembre, ce ne sont que de petites grappes, du côté de la Concorde. Le 24, ils investissent la place de l’Etoile, sur du Joe Dassin encore : « J’manifestais sur l’avenue, mais mon gilet leur a pas plu… ».

    Sur leurs dossards fluo, des doléances sur la vie chère, le smic, l’ISF. « Macron, invite-nous au Fouquet’s ! » Il y a surtout le RIC, ce référendum d’initiative citoyenne, qui pourrait peut-être permettre de renverser le président. L’un des porte-parole du mouvement rêve tout haut du général de Villiers à l’Elysée ; d’autres crient « All cops are Benalla » (« tous les flics sont des Benalla »), détournement improvisé de « All cops are bastards ». Tout s’emmêle, mais un slogan, « Macron démission », fédère les participants, et l’arrière-plan demeure le même : les Champs-Elysées.

    Début décembre, cette fois, ce sont des blindés de la gendarmerie qui encerclent la place de l’Etoile, du jamais-vu depuis la guerre. Le samedi précédent, l’Arc de triomphe a en effet été vandalisé. De Tokyo à New York, la photo fait la « une » des magazines de la planète, qui racontent même que Paris brûle. Dans les entrailles de son musée, la réplique en plâtre d’une statue de François Rude a perdu un œil.
    Le lendemain, Macron s’y rend à pied. Se recueille devant le Soldat inconnu. Ne dit rien. Sauf ces quelques mots, glissés au président du Centre des monuments nationaux : « Rouvrez le plus vite possible. » En s’éloignant, il peut voir des touristes faire des selfies devant les piliers de l’Arc tagués d’insultes. Le 15 mai 2017, l’avenue était le champ d’honneur d’un jeune président. Aujourd’hui, on photographie les stigmates d’un champ de bataille.

  • Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron

    Insultes, huées, menaces… Quand il sort, désormais, cela tourne mal. Depuis le début de la mobilisation des « gilets jaunes », pour le président qui aimait tant les promenades, elles sont devenues rares (et discrètes). Comme les visites.

    De l’aéroport de Loudes, en Haute-Loire, jusqu’au Puy-en-Velay, il y a 10 km, un quart d’heure en voiture. Ce 4 décembre, pour rejoindre la préfecture incendiée trois jours plus tôt par les « gilets jaunes », Emmanuel Macron n’a heureusement pas besoin de passer par le rond-point de Lachamp, sur la commune de Saint-Pierre-Eynac. C’est là, sur la RN88, que des manifestants avaient cousu un pantin de taille humaine, posé sur un échafaud plus vrai que nature. Sur le billot était écrit : « Te guillotiner c’est notre projet. »

    Le président de la République file vers la préfecture. En route, il discute avec les passagers en gilet jaune d’une voiture croisée par hasard. Aucune image, aucune vidéo. Le 3 décembre, il n’a aussi passé qu’une tête dans le bureau de l’un de ses collaborateurs qui recevait un « gilet » venu de Chalon-sur-Saône à pied. Ces gens seront parmi les rares protestataires qu’Emmanuel Macron a rencontrés durant cette crise ouverte le 17 novembre, où sa capacité à réformer et sa popularité se sont abîmées, mais où il a aussi perdu une part de sa liberté.

    Sans prévenir les élus, il est venu au Puy apporter son soutien au préfet. Celui-ci montre les armoires en cendres, les vitres brisées, les bureaux noircis par la suie. Il conte au chef de l’Etat ce samedi où le « portail a été pété », les pneus entassés et enflammés, et cette bataille inégale entre les « trente » de la préfecture et les deux cents manifestants empêchant les pompiers d’accéder au bâtiment. Bilan : trente-huit blessés… « Ils criaient : “Vous allez tous griller comme des poulets ! », termine le préfet. « Vous les connaissez ? », interroge Emmanuel Macron, incrédule.

    Dès que l’avion présidentiel s’est posé à Loudes, la nouvelle de sa visite s’est ébruitée. Un message posté sur Facebook a réveillé quelques « gilets jaunes ». Une vingtaine d’hommes et de femmes attendent le chef de l’État à la sortie de la préfecture. « Ouuuuuh ! Démission ! », « Enculé ! », « Président des riches ! » Pas encore de quoi trop s’émouvoir. C’est sur la route de la caserne de gendarmerie que tout va basculer…

    « On vous hait ! »

    M. Macron commence par traverser Le Puy vitre ouverte, pour dire bonjour. Des insultes lui répondent, il doit vite la remonter. Un homme se jette ensuite devant la voiture. En sortant de la caserne, cinquante manifestants l’injurient encore : « On vous hait ! »

    L’échange promis à la presse locale est annulé. Les services de sécurité exfiltrent le président par une sortie annexe. De la séquence ne reste que l’image d’un démarrage en trombe sous les huées. Quelques jours plus tard, le chef de l’État racontera au président du MoDem François Bayrou que, de la voiture, il a entendu une femme lancer : « Salope, j’espère que tu vas crever sur la route ! »

    Emmanuel Macron aime pourtant les promenades. Dès son arrivée au ministère de l’économie, en 2014, il avait fait de ces échappées sa griffe. Elles étaient à la fois le thermomètre de sa popularité et un moyen d’asseoir sa notoriété. « Il est où, Emmanuel ? », s’agaçait François Hollande à chaque déplacement avec lui. « Emmanuel » traînait derrière. Selfies, autographes, bisous, il se régalait. Mais, depuis que les « gilets jaunes » le traquent sur Facebook, ces déambulations sont impensables. Il voyage incognito, ou alors sans caméras.

    Jeudi 20 décembre, c’est avec l’AFP et France-info, ces médias de « l’ancien monde », qu’il est allé à Soissons, dans l’Aisne, visiter sans prévenir un centre pour enfants victimes de maltraitance. Officiellement, personne n’a été exclu du voyage, mais il fallait éviter les caméras, en cas d’incident. « S’il ne prévient pas avant de partir, c’est qu’il sait déjà qu’il risque de s’en prendre plein la figure », confirme un conseiller. Sa photographe officielle, Soazig de la Moissonnière, envoie seule quelques clichés où le président, décontracté au milieu de son équipe, rit à la table d’un restaurant Courtepaille, à Mareuil-lès-Meaux (Seine-et-Marne).

    Gibets, cibles et cercueils

    Deux jours avant les injures du Puy-en-Velay, sa petite promenade à pied au milieu des vitrines fracassées de l’avenue Kléber, à Paris, avait déjà mal tourné. Il revenait alors d’Argentine, où il avait participé au G20. Sur les portables de ses collaborateurs, il a découvert de Buenos Aires les images des violences du 1er décembre et il se rend à l’Arc de triomphe saccagé avant de partir à la rencontre des commerçants. Mais des « gilets jaunes » débarquent. Copieusement sifflé, il doit s’éclipser sous la protection des policiers.

    Avant le 11-Novembre, « il était déjà revenu de son périple dans l’est de la France très conscient qu’une colère grondait », assure Philippe Grangeon, l’un de ses conseillers. Mais c’était au temps où l’Élysée pouvait encore accuser les médias de grossir le trait. « Je parle aux gens, ça se passe bien, mais les journalistes écrivent à l’avance un scénario où je me ferais sans cesse alpaguer, comme si j’étais un personnage de télé-réalité ! », se plaint Emmanuel Macron devant les ministres Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Jean-Michel Blanquer et François de Rugy qu’il reçoit à l’Élysée au retour de sa fameuse « itinérance mémorielle » dans onze départements. Ce n’est qu’à la deuxième journée de mobilisation des « gilets jaunes », le 24 novembre, qu’il évoque des « scènes de guerre ». Une semaine plus tard, l’Arc de triomphe est pris d’assaut.

    « Je connais cette violence et cette vulgarité, ce sont les mêmes qui étaient déposées dans la boîte aux lettres de mes parents, lorsque j’ai rencontré Emmanuel », assure Brigitte Macron à ses conseillers désolés. Sauf qu’à l’époque les insultes n’étaient pas si menaçantes. Désormais, les manifestants crachent sur les vitrines et prennent à partie les employés de la chocolaterie familiale d’Amiens. « J’ai l’impression d’être un bouc émissaire, un défouloir » : le 4 décembre, Jean-Alexandre Trogneux, propriétaire du commerce, se fend d’une mise au point : la boutique n’appartient pas au président, son oncle par alliance. Un internaute de la Somme, terre des plus farouches ennemis du président – le député François Ruffin et l’écrivain Edouard Louis –, est placé en garde à vue.

    Dans les « manifs », l’effigie du président est lardée de coups de couteau, ligotée par des chaînes, ensanglantée. Gibets, cibles, cercueils trônent devant les cahutes de bord de route. Sur les sites des manifestants, on parle de lui « jeter des pierres » et même de « le pendre ». Quant aux comptes Facebook d’Eric Drouet et de Priscillia Ludosky, deux des initiateurs du mouvement, ils relaient un faux « mandat d’arrêt » contre Emmanuel Macron, coupable de « haute trahison. »

    Déplacements officiels annulés

    Il n’y a pas que les coups de menton ou de gueule sur les réseaux sociaux. Dans la nuit du 14 au 15 décembre, le député (La République en marche, LRM) de l’Eure Bruno Questel voit débouler devant chez lui « un groupe d’hommes, mais aussi de femmes, largement alcoolisés ». Des visages déjà croisés dix fois dans cette circonscription où il a été élu maire en 2002, conseiller général et enfin parlementaire.

    « Ils voulaient s’installer chez moi », raconte le député au téléphone à Emmanuel Macron et à son premier ministre, Edouard Philippe, après que la police a retrouvé six douilles de cartouches tirées devant sa maison. Même le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, pratiquement inconnu du grand public, a vu ses enfants menacés.

    A Paris, les époux Macron aimaient improviser un dîner à La Rotonde, cette brasserie de Montparnasse où les patrons leur arrangent toujours une table au fond du restaurant. Ils étaient même allés voir Le Grand Bain, le « feel good movie » de Gilles Lellouche, dans une « vraie » salle de cinéma. Trop dangereux aujourd’hui. Depuis le 1er décembre, Brigitte Macron n’a pas franchi les limites du périphérique, se contentant, sans aucune publicité, d’une visite à l’hôpital des Invalides, d’une autre à Necker, d’une troisième à l’Institut de la mémoire de la Pitié-Salpêtrière.

    Adieu les longs week-ends à la Lanterne, aux confins du parc du château de Versailles, où Brigitte Macron a l’habitude d’acheter son pain dans les boulangeries avoisinantes : depuis la mi-novembre, les séjours sont brefs et rares. Hormis sa visite surprise à Soissons, le président lui-même est peu sorti de l’Élysée. Le ministère de l’intérieur craint des bousculades, une agression, voire bien pire. Ses agendas ont été vidés, des déplacements officiels annulés : sa visite en Serbie, les 5 et 6 décembre, puis son séjour à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), le 18 décembre, afin de préparer le G7 de 2019 en compagnie de 150 ambassadeurs. L’agenda officiel est loin d’être rempli. « Il est en réunion interne », répond son service de communication.

    Aucun de ceux qui l’entourent n’a souvenir d’un tel rejet sur le terrain. Seul Bruno Le Maire, lorsqu’il était le ministre de l’agriculture de Nicolas Sarkozy, a connu les quolibets et les tas de fumier déversés sur son passage. Pour les jeunes conseillers de l’Élysée, l’expérience est inédite. « On ne va pas finir le quinquennat dans un abri antiatomique », expliquait au Monde le chargé de la communication de l’Élysée, Sylvain Fort, en prenant ses fonctions après l’« affaire » Benalla. « Débunkériser », disait-on alors au Palais. Devant l’association de la presse présidentielle, à la Maison des polytechniciens, le 17 décembre, il détaille cette fois la menace que fait peser sur le président une « défiance transformée en sécession ».

    « Il ne sort plus sans se maquiller »

    Devant les députés LRM, ou en conseil des ministres, Emmanuel Macron ne laisse échapper aucune fébrilité. Occupé à ne pas imposer ses certitudes, il laisse les autres parler. Mais ceux qui le croisent notent sa fatigue. « Il ne sort plus sans se maquiller tellement il est marqué. Il se maquille même les mains », assure un député LRM qui a l’oreille du chef de l’État. Lors de son allocution enregistrée à l’Élysée, le 10 décembre, plus de 23 millions de téléspectateurs découvrent un président mal rasé et amaigri.

    L’Élysée est devenu un huis clos où les corps étrangers sont de plus en plus rares. Le président (Les Républicains) du Sénat, Gérard Larcher, ou l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy ont été reçus les 4 et 7 décembre. Le jeudi, John Chambers, l’ex-patron du groupe informatique Cisco devenu ambassadeur de la French Tech à l’international, a aussi franchi le perron du Palais avec une quarantaine de « capital-risqueurs » et d’investisseurs venus découvrir de prometteuses jeunes pousses françaises. Mais le chef de l’État a surtout consulté son premier cercle.

    Depuis que les présidents communiquent par messagerie privée, les « visiteurs du soir » sont rares, ou plus exactement leurs visites sont désormais virtuelles. Emmanuel Macron possède deux téléphones et passe de l’un à l’autre. Naguère, les conseillers ou les gardes guettaient l’heure à laquelle il quittait son bureau et éteignait les lumières. Aujourd’hui, ceux qui communiquent avec lui par Telegram notent l’heure à laquelle il cesse ses consultations : 2 heures, 3 heures du matin…

    Il échange évidemment avec son secrétaire général et son premier ministre, qui ont longtemps plaidé que des concessions aux « gilets jaunes » obéreraient la capacité de réforme du gouvernement. Mais ces dernières semaines, Philippe Grangeon, François Bayrou et Richard Ferrand (président de l’Assemblée nationale), les « sociaux », comme on les appelle, ont joué les premiers rôles dans l’entourage du chef de l’État. Avec Jean-Paul Delevoye (haut-commissaire à la réforme des retraites), ces trois-là ont participé à la vidéoconférence qu’Emmanuel Macron a organisée le 8 décembre à l’Élysée afin de réfléchir à la sortie de crise. C’est avec eux, ces représentants du vieux monde, qu’il s’est convaincu de lâcher plus de 10 milliards d’euros pour « sauver le capital des réformes ».

    Pas de trêve pour son anniversaire

    Insulté sur les réseaux sociaux, le président n’ignore pas la tentation et les références révolutionnaires d’une partie des émeutiers. « Le référendum d’initiative citoyenne n’est pas conçu par ses initiateurs – qui ne sont pas des gentils “gilets jaunes”, mais des complotistes de la pire espèce – comme un outil démocratique mais comme un outil de sédition », a encore confié Sylvain Fort, lundi 17 décembre.

    Quand une partie de l’extrême gauche s’est mise à espérer tout haut que la police rejoigne le mouvement de contestation, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a été prié d’éteindre au plus vite la sourde fronde au sein des forces de l’ordre. Une prime de 300 euros a été attribuée à 110 000 policiers et gendarmes, ainsi qu’une hausse de salaire de 150 euros.

    Même au sein de l’armée, il a fallu menacer de sanctions une dizaine de généraux, un amiral et un colonel de la 2e section, c’est-à-dire retraités mais encore mobilisables, après qu’ils ont signé une lettre ouverte sur un site d’extrême droite.

    « Vous ne pouvez pas décider seul d’effacer nos repères civilisationnels et nous priver de notre patrie charnelle, disait le texte, en s’insurgeant de la signature par la France du pacte de Marrakech (Maroc) sur les migrations. Vous êtes comptable devant les Français de vos actions. Votre élection ne constitue pas un blanc-seing. » Des airs de putsch ? En tout cas un affront pour le président, qui est aussi le chef des armées, et déteste qu’elles le contestent.

    Vendredi 21 décembre, c’était son anniversaire. Quarante et un ans. Encore une jeunesse. Évidemment, Facebook a repéré l’événement et appelé à « pourrir la fête ». Pas de trêve, au contraire. « A bas sa majesté Macron ! », « Dégage Macron Ier ! », continuent de crier les « gilets jaunes » sur les ronds-points rasés puis reconstruits. Rond-point de la Jaunaie, à Redon, en Ille-et-Vilaine, une nouvelle guillotine vient d’être installée : « On veut juste qu’il comprenne qu’il faut qu’il s’en aille », explique une manifestante.

    Voilà le jeune président rattrapé par le fameux « dégagisme » qui l’a aidé à se hisser à la tête du pouvoir, mais aussi par ses analyses historiques et ses critiques sur la « normalisation » progressive des présidents de la Ve République. En juillet 2015, dans l’hebdomadaire Le 1, il assurait que le grand « absent » de « la politique française » était « la figure du roi », dont « fondamentalement le peuple français n’a [vait] pas voulu la mort ». A l’époque, il pensait encore qu’il manquait un roi à la France.

    Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin, Virginie Maling . Publié dans #LeMonde.
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/emmanuel-macron-a-huis-clos-en-son-palais_5401266_823448.html

  • De nouvelles actions pour les « gilets jaunes »
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/12/16/01016-20181216ARTFIG00160-de-nouvelles-actions-pour-les-gilets-jaunes.php

    Avec la double casquette de manifestant et de représentant du mouvement, Steven Lebee, qui a pris, samedi, la parole dans un cortège du quartier de l’Opéra à Paris aux côtés de Priscillia Ludosky, met en garde contre des apparences trompeuses. Dans le bus du retour, ce dimanche, ce père au foyer de 31 ans vivant en Haute-Savoie raconte comment nombre de cars transportant des « gilets jaunes », stoppés aux entrées de la capitale, ont dû faire demi-tour. « Il n’y avait pas moins de monde mais on a refoulé des bus entiers », assure-t-il.

    • « Gilets jaunes » : la mobilisation s’essouffle, particulièrement à Paris [ce titre dessert l’article ; plus bas : « Gilets jaunes » : l’exécutif répond et tente une sortie de crise]
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/17/la-mobilisation-des-gilets-jaunes-s-essouffle-particulierement-a-paris_53986

      [...] Samedi matin, en haut des Champs-Elysées, le contraste avec les semaines passées était #spectaculaire : quelques centaines de personnes tout au plus. Ces dernières se refusaient de se rendre à l’évidence, en reprochant aux #forces_de_l’ordre – avec des #interpellations_préventives ou des barrages – d’avoir freiné les manifestants. Le nombre d’interpellations a pourtant chuté drastiquement : 179 pour la journée de samedi à Paris, contre 1 082 le 8 décembre.

      Des échauffourées, avec gaz lacrymogène et jets de projectiles, suivis de mises en garde à vue ont eu lieu à Bordeaux, Saint-Etienne, Toulouse, Nantes, Besançon, Nancy ou Lyon. Et plusieurs zones de péages dans le sud, de Perpignan à Orange, ont de nouveau été touchées par des incendies et dégradations. Mais on déplore globalement beaucoup moins d’incidents et de blessés, partout en France.
      Venu de Douai (Nord) manifester à Paris, Jean-Luc, technicien de 29 ans, se doutait bien qu’il y aurait moins de monde : « Certains sont satisfaits des annonces de Macron, il y a eu l’attentat de Strasbourg, les violences, certains ont pris peur… Et puis, ça fait cinq semaines qu’on est sur les ronds-points, les gens sont fatigués. »

      Cette occupation des #ronds-points est le cœur battant du mouvement. C’est là qu’on réinvente le monde autour d’un feu de bois et qu’on fait vivre la lutte localement. Du maintien de ces places fortes dépend désormais la poursuite de la mobilisation. Les responsables de la majorité l’ont bien compris, à l’instar du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui n’a pas exclu, dimanche sur France 3, l’envoi de « CRS ou de gendarmes à la campagne » pour « libérer l’espace public » .

      Depuis le 17 novembre, ceux qui mènent des opérations de #blocage ont déjà été régulièrement délogés. Affectés dans leur activité économique, des commerçants et des exploitants d’autoroutes ont saisi la voie judiciaire et obtenu gain de cause : dans l’Eure, cinq ordonnances ont ainsi été rendues, obligeant des « #gilets_jaunes » à quitter les lieux, sous astreinte financière.

      Mais ces derniers jours, des « gilets jaunes » pacifiques et ne menant aucune action de blocage sont, eux aussi, sous pression. Dans l’Yonne, certains ont été sommés par le préfet de réduire la taille de leur #campement à un simple abri contre la pluie. « C’était un petit village qui commençait à se construire », déplore le préfet de l’Yonne, Patrice Latron auprès du Monde. Moins confortable, l’occupation en ce mois de décembre pourrait s’avérer plus difficile.

      Dimanche soir, à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), les « gilets jaunes » qui avaient installé buvette et canapé sur l’échangeur du Magny étaient en émoi. « On s’attend à être évacué mardi ou mercredi, tempêtait ainsi l’un d’eux, Pierre-Gaël Laveder. Ils veulent étouffer le mouvement ! » Lui craignait que ces représailles rendent la mobilisation plus violente samedi prochain. C’est un risque. Car même moins nombreux, les « gilets jaunes » n’ont pas tout à fait rendu les armes. A Montceau-les-Mines, comme ailleurs en France, certains veulent croire à un acte VI, le 22 décembre, y compris à Paris.

      « Gilets jaunes » : l’exécutif répond et tente une sortie de crise, Cédric Pietralunga et Bertrand Bissuel
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/17/l-executif-au-defi-d-une-delicate-sortie-de-crise_5398679_823448.html

      Edouard Philippe a détaillé des mesures sociales qui seront examinées dans la semaine par les élus, alors que la mobilisation semble s’essoufler.

      Pas question de fanfaronner. Même si le mouvement des « gilets jaunes » semble marquer le pas, avec seulement 66 000 #manifestants à travers la France samedi 15 décembre, soit deux fois moins qu’une semaine plus tôt, l’exécutif se garde bien de crier victoire. « La participation [aux manifestations] est moindre, mais les questions posées sont toujours là », a reconnu François Bayrou, le président du MoDem, dimanche, sur BFM-TV.

      Au bout de cinq semaines de mobilisation, les « gilets jaunes » ont fait vaciller le pouvoir. Pour la première fois depuis le début de son mandat, le président de la République a été contraint de reculer, en abandonnant la hausse de la taxe carbone prévue en 2019, qui devait à nouveau faire augmenter le prix du litre de diesel (de 6 centimes) et celui de l’essence (de 3 centimes) le 1er janvier.

      S’il a réussi à calmer tout ou partie de la colère, en annonçant pour environ 10 milliards d’euros de mesures sociales [sic] le 10 décembre, Emmanuel Macron sait qu’il ne peut pas faillir dans l’exécution. Qu’il donne le sentiment de tergiverser ou de renoncer à une partie de ses promesses, et les ronds-points pourraient très vite se colorer de nouveau de jaune. « On n’a pas le droit à l’erreur », reconnaît un conseiller de l’exécutif. « 

      L’engagement du président sera tenu (…), il n’y aura pas de #carabistouille », s’est engagé Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, très proche du chef de l’Etat, dans Le JDD du 16 décembre.

      Critiques de l’opposition

      Alors que nombre d’observateurs s’inquiètent de la capacité du #gouvernement à mettre en musique les engagements d’Emmanuel Macron, le premier ministre Edouard Philippe a tenté d’en préciser les modalités, dans un entretien aux Echos, lundi. S’agissant des 100 euros supplémentaires pour les #travailleurs modestes, le dispositif finalement retenu a encore évolué par rapport à ce que l’exécutif en avait dit, il y a quelques jours.

      La hausse de #revenu, promise par Emmanuel Macron, reposera finalement sur deux éléments : la revalorisation légale du #smic, au 1er janvier 2019, ce qui ne figurait pas dans le schéma de départ, et une forte amélioration de la #prime_d’activité (PA) – celle-ci pouvant désormais être versée à quelque 5 millions de ménages (contre 3,8 millions à l’heure actuelle, selon le ministère du travail).

      Mais avec ce dispositif, seulement un peu plus de la moitié des smicards seront éligibles aux 100 euros en plus ; les autres ne seront pas concernés, du fait des conditions d’attribution de la PA puisque celle-ci tient compte des ressources ainsi que de la composition du foyer, et non pas des revenus de la personne seule. Un pari risqué : en évinçant un certain nombre de smicards de la mesure, Emmanuel Macron prête le flanc aux critiques de l’opposition et des « gilets jaunes », qui pourront railler la promesse non vraiment tenue du chef de l’Etat.

      Le détail des mesures : ce qu’Edouard Philippe a répondu aux « gilets jaunes »

      Néanmoins, la mesure pourra s’appliquer à des personnes dont la rémunération est un peu au-dessus du smic. Un exemple, évoqué par Edouard Philippe dans Les Echos : un célibataire sans enfant, dont les ressources mensuelles nettes vont jusqu’à 1 560 euros, touchera le surcroît de 100 euros. Les sommes tomberont dans la poche des bénéficiaires début février 2019. Montant total de la dépense : 2,5 milliards d’euros.

      Autre coup de pouce en faveur du pouvoir d’achat : dès le 1er janvier 2019, les heures supplémentaires seront exonérées de l’impôt sur le revenu et de cotisations salariales (mais pas des charges patronales [sic] , contrairement à ce qui avait été indiqué dans un premier temps). Les allégements cesseront de s’appliquer si les gains dépassent 5 000 euros par an. La facture pour les finances publiques devrait s’élever à environ 2,5 milliards d’euros l’an prochain.

      « Faire vite »

      Le premier ministre a également confirmé l’annulation de la hausse de la CSG qui était entrée en vigueur, début 2018, pour une partie des #retraités. A l’avenir, ceux dont le revenu fiscal de référence est de 22 580 euros par an (pour une personne seule) repasseront au taux de 6,6 % (contre 8,3 % depuis janvier 2018). D’après l’entourage de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, quelque 3,7 millions de ménages vont profiter de cette décision, soit environ la moitié de ceux qui avaient subi la majoration du taux de CSG en début d’année. Coût de ce geste : 1,5 milliard d’euros.

      Enfin, jusqu’à la fin mars 2019, les entreprises auront la possibilité d’octroyer une prime exceptionnelle à leurs personnels. Cette gratification sera entièrement défiscalisée et exonérée de tout prélèvement (cotisations sociales, CSG, CRDS), dans la limite de 1 000 euros et pour ceux dont le salaire mensuel ne dépasse pas trois smic.

      Au-delà des inquiétudes techniques, les #macronistes s’interrogent sur la capacité du Parlement à légiférer rapidement pour que les mesures annoncées par le chef de l’Etat puissent s’appliquer dès janvier. Le projet de loi, qui doit servir de véhicule à ces dispositions, sera présenté mercredi en conseil des ministres et l’Assemblée nationale l’examinera dès le lendemain. Le Sénat devrait suivre vendredi. Mais que les députés de l’opposition multiplient les amendements ou que le Sénat – où les macronistes ne sont pas majoritaires – rechigne à voter le texte en l’état, et c’est tout le bel ordonnancement de l’exécutif qui tombe à l’eau.

      « J’en appelle à la responsabilité des parlementaires, a plaidé M. Ferrand dans Le JDD. La liberté de débattre et d’amender est essentielle, mais il serait paradoxal de retarder volontairement l’adoption de mesures sociales urgentes – surtout de la part de partis politiques qui ont soutenu les “gilets jaunes” ! » « 

      L’objectif n’est pas de pinailler mais de faire vite ce qui a été annoncé », a abondé Marc Fesneau, le ministre des relations avec le Parlement, dimanche dans Le Parisien.

      Cela suffira-t-il pour permettre à l’exécutif de se projeter dans « l’après » ? Le bon accueil réservé au chef de l’Etat à Strasbourg, où il s’est rendu vendredi soir pour rendre hommage aux victimes de l’attaque terroriste du 11 décembre, a rasséréné les soutiens du président. « C’est la preuve qu’il n’est pas empêché, qu’il peut continuer à sortir de l’Elysée », estime un familier du Château. La venue d’Emmanuel Macron à Biarritz, où il doit se rendre mardi 18 décembre pour préparer la réunion du G7 que la France organise dans la ville basque l’été prochain, sera un autre test de la capacité du chef de l’Etat à renouer avec les Français.

      D’autres veulent croire que le « grand débat annoncé par le président de la République permettra de faire baisser la pression. Mais celui-ci a déjà pris du retard. Son lancement, prévu le 14 décembre, a été retardé et un premier couac sur l’ajout puis le retrait de l’immigration parmi les thèmes prévus de la consultation interroge. La commission nationale du débat public, présidée par Chantal Jouanno, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, doit présenter cette semaine les modalités de l’événement. En attendant, certains ministres ont déjà annoncé leur présence à des débats, comme la secrétaire d’Etat à la transition écologique, Brune Poirson, qui devait échanger avec des associations, lundi, à Carpentras.

      Seule certitude : « Le chemin sera long » pour reconquérir l’opinion, anticipe un très proche du chef de l’Etat. Selon le baromètre mensuel de l’IFOP, publié dimanche 16 décembre, les Français ne sont plus que 23 % à se dire satisfaits de l’action d’Emmanuel Macron. A titre de comparaison, au même moment de son mandat, Nicolas Sarkozy comptait 44 % d’opinions favorables, tandis que François Hollande ne donnait satisfaction qu’à 22 % des Français, selon l’institut. En un an, la cote de popularité de l’actuel chef de l’Etat a été divisée par plus de deux.

  • L’éternel retour de la loi anticasseurs
    https://www.nouvelobs.com/justice/20181210.OBS6865/tribune-gilets-jaunes-l-eternel-retour-de-la-loi-anticasseurs.html

    Par Vincent Tolédano, avocat au barreau de Paris.

    Qui s’en souvient ? Le 5 mai 2009, Christian Estrosi et un groupe de députés UMP, dont son ancien collaborateur Eric Ciotti, déposent sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi « renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ».

    Un an plus tard, la proposition des parlementaires devient la loi du 2 mars 2010 promulguée sous la signature de Nicolas Sarkozy, François Fillon, Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux. Elle insère dans le Code pénal un article 222-14-2 ainsi rédigé :

    « Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

    A défaut des 35 heures, la droite vient de renverser l’un des totems de la gauche en rétablissant de fait la loi anticasseurs dont l’abrogation en décembre 1981 réalisait l’une des 101 propositions de François Mitterrand.

    Elu deux ans après, François Hollande n’abrogera pas le texte qui permet aujourd’hui d’arrêter et poursuivre les « gilets jaunes » pourtant soutenus par Christian Estrosi et Eric Ciotti, qui ne sont plus amis, du seul fait de leur présence à une manifestation. Et tant pis si les « faits matériels » sont des plus ténus. A charge pour les juges, dernier rempart de la démocratie, de faire primer les principes fondamentaux du droit sur la communication du pouvoir exécutif. « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre », dit aussi le Code pénal.

    En finir avec la chienlit

    Promulguée sous la signature de Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas et René Pleven, la loi du 8 juin 1970 tendait « à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance ». Elle punissait jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, outre les organisateurs, les participants volontaires à une manifestation ayant entraîné des violences ou des dégradations. Après le joli mois de mai, le retour à l’ordre. Sous les pavés, la prison.

    « Les casseurs seront les payeurs », plaidait Chaban. Cette mauvaise loi limite le droit de manifester en introduisant une responsabilité collective, répondit Mitterrand qui fit de l’abrogation de la loi anticasseurs l’un de ses chevaux de bataille vers la victoire finale.

    Après les violences du 1er mai 2018, la droite qui a la mémoire courte demandait encore le rétablissement de la loi anticasseurs pourtant effectué huit ans plus tôt par Nicolas Sarkozy. Eternel retour. Président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau qui vote la loi mais ne la lit pas, proposait d’introduire « dans notre droit une responsabilité pénale et pécuniaire collective de ceux qui, en bande, cassent et brûlent ce qui leur tombe sous la main ». Les Black Blocs seront les payeurs. Il faut en finir avec la chienlit.

    50 ans après mai 68, le débat demeure. Responsabilité collective ou personnelle. Délit intentionnel ou restriction du droit de manifester. Politique pénale ou communication gouvernementale. Les arrestations « préventives » du week-end dernier réalisent la prophétie du François Mitterrand de 1970 qui sonne comme un avertissement à Emmanuel Macron : « Craignez que demain l’opinion ne se retourne contre vous. Un jour, elle saura qu’elle a été trompée. Elle voulait réduire la violence. Vous lui avez offert en prime la fin du droit de rassemblement. Bientôt la somme des injustices réveillera ceux qui vous approuvent aujourd’hui ».

    #gilets_jaune #état_d'urgence

  • Une action en Sarthe devant l’usine de bombes lacrymo
    https://www.ouest-france.fr/societe/gilets-jaunes/gilets-jaunes-une-action-en-sarthe-devant-l-usine-de-bombes-lacrymo-611
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/5e0e366f4d123990ee1849d4f62adf30-gilets-jaunes-une-action-en-sart

    C’était hier

    Une cinquantaine de #Gilets_jaunes s’est postée devant l’usine Alsetex, à Précigné (Sarthe), ce vendredi 7 décembre. Aucun bloquage, mais une présence pour dénoncer les violences et soutenir les personnes blessées lors les manifestations.

    « C’est un site très sécurisé, sensible, on connaît son importance et on sait ce qu’ils font », assène Patrick. Comme une cinquantaine d’autres Gilets jaunes, il a mené une action éclair, ce vendredi 7 décembre, dans l’après-midi, devant #Alsetex, près de #Sablé-sur-Sarthe.

    L’entreprise, classée Seveso (site industriel présentant des risques d’accident majeur), fabrique notamment des #grenades_assourdissantes et #lacrymogènes pour les forces de l’ordre.

  • L’Assemblée entérine 40 milliards d’euros de cadeau fiscal au patronat | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/lassemblee-enterine-40-milliards-deuros-de-cadeau-fiscal-au-patronat-664562

    Complètement à rebours des revendications sociales qui montent dans le pays depuis quelques semaines, l’Assemblée nationale entérinait, hier, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, dont le contenu ne fait que confirmer l’orientation austéritaire et pro-patronale poursuivie par le gouvernement. À côté des restrictions posées aux budgets des hôpitaux, la majorité LaREM ne bouge pas d’un cheveu sur sa politique de cadeaux aux grandes entreprises en adoptant en lecture définitive le versement de 20 milliards d’euros de CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et de CITS (crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires) au titre de l’année 2018, mais également la transformation de ces avantages en allégements pérennes de cotisations patronales d’assurance maladie de 6 points pour les rémunérations allant jusqu’à 2,5 Smic au 1er janvier 2019. Puis dans un second temps, à compter du 1er octobre 2019, un allégement supplémentaire de 4 points imputés sur l’assurance chômage et les retraites complémentaires pour les salaires au niveau du Smic et de manière dégressive jusqu’à 1,6 Smic. Une facture salée pour les caisses de l’État et disproportionnée par rapport aux effets de ce dispositif observés sur l’emploi. « La transformation du CICE en réductions de cotisations sociales se traduit en 2019 par un quasi-doublement du coût budgétaire, avec, d’un côté, la créance de CICE au titre des années précédentes et, de l’autre, la dépense fiscale due à la réduction des cotisations sociales équivalentes pour les salaires de 2019 », soulignaient, en octobre, des économistes de l’Institut des politiques publiques (IPP), chiffrant par ailleurs à 0,8 point de PIB l’impact d’une telle mesure sur le déficit public. La transformation de cette aide en allégement de cotisation devrait, par ailleurs, bénéficier aux secteurs intensifs en main-d’œuvre peu qualifiée comme l’hôtellerie et la restauration, les services administratifs ou encore la santé et l’action sociale, d’après l’IPP.

    Créé fin 2012 par le gouvernement de François Hollande pour « alléger le coût du travail » et relancer la création d’emplois, le CICE n’a eu de cesse de monter en puissance, passant de 4 % à 6 % de la masse salariale en 2014, sans pourtant jamais faire la preuve de son efficacité macroéconomique. « Les évaluations de l’impact du CICE ont été plutôt mitigées, avec des effets positifs sur les marges des entreprises, mais des effets modestes sur l’emploi, et quasi nuls sur l’investissement », rappelait l’IPP. Vu son mode de calcul, le dispositif a essentiellement profité aux grands groupes. Chez Carrefour, premier employeur privé de France, la CGT estime à 744 millions d’euros le montant du #CICE versé ces cinq dernières années au poids lourd de la grande distribution. La Poste et la SNCF touchent chacune environ 300 millions d’euros annuels au titre de ce cadeau fiscal. Le groupe Banque Populaire – Caisse d’Épargne en tire, de son côté, environ 100 millions d’euros par an. Mais plutôt que d’utiliser cette manne pour créer des emplois, ces groupes ont en grande partie favorisé la restauration de leurs marges et le gonflement de leurs bénéfices. Un pur « effet d’aubaine », pour la CGT.

    Ironie cruelle de l’affaire, à l’heure où les taxes sur les carburants augmentent pour le commun des consommateurs au nom de la transition écologique, c’est justement ces recettes issues de la fiscalité écologique qui seront censées compenser en partie les trous budgétaires laissés par la transformation du CICE en baisse de cotisations. De quoi jeter encore #de_l’huile_sur_le_feu.

    Loan Nguyen

  • Tout le monde s’en fout, mais #Didier_Porte a des nouvelles de François Hollande
    https://la-bas.org/5362

    Amie abonnée, si tu as été légitimement révulsée par l’infâme sujet odieusement sexiste (malheureusement encore en ligne) sournoisement intitulé « consensus », et comportant de nombreux extraits de film porno, ce qui constitue une authentique aberration sur un site tel que Là-bas si j’y suis, réputé pour son exigence éditoriale, sache que ton serviteur partage ton indignation et qu’il remet vertement à sa place l’auteur de cette horreur dans cet épisode de notre revue de presse. D’autant que c’est une femme, autant dire qu’elle prend cher, la bougresse !Continuer la lecture…

    #Vidéo #Médias #Environnement

  • Economie solidaire : Jean-Marc Borello, l’homme qui fait du social un business, Isabelle Rey-Lefebvre et Denis Cosnard, Le Monde (qui lâche son canasson)

    Ce proche d’Emmanuel #Macron préside aux destinées du groupe SOS d’économie solidaire dont le chiffre d’affaires frôle le milliard d’euros.


    Jean Marc Borello à son arrivée pour une réunion avec les candidats du mouvement « En marche ! », à Paris, le 13 mai 2017.

    Et un #hôpital de plus ! Le neuvième à tomber dans l’escarcelle de SOS. Le groupe français d’économie sociale a annoncé, début novembre, la reprise du centre médical La Source, à Saint-Léger-les-Mélèzes (Hautes-Alpes). Au même moment, à Marseille, il a été choisi par la ville pour restaurer et exploiter durant quarante ans le fort d’Entrecasteaux, un site militaire du XVIIe siècle fermé depuis des années. Dans un ou deux ans, il devrait être transformé en lieu d’innovation culturelle. A la clé, 300 emplois, notamment pour des jeunes en difficulté.

    C’est encore le Groupe SOS qui a été désigné, en septembre, par le gouvernement pour prendre en charge des personnes radicalisées, notamment celles de retour de Syrie. Objectif : les sortir de leur parcours extrémiste et les réinsérer. Un centre a ouvert à Paris fin septembre, un deuxième est prévu à Marseille.

    Plus discrètement, SOS a été retenu par le groupe parlementaire La République en marche (#LRM) pour apprendre à une partie de ses députés à s’exprimer dans les médias. Et dans quelques jours, il devrait reprendre Les Brigades vertes, une grosse association de Dardilly (Rhône) chargée d’aider des personnes au revenu de solidarité active (RSA) à trouver un avenir, elle-même en grand péril.

    Un hôpital à redresser, un monument historique à restaurer, des islamistes radicalisés à remettre dans le droit chemin, des élus à former, des réfugiés à héberger… De mois en mois, SOS n’en finit pas de remporter les appels d’offres les plus divers, et de grandir, grandir.

    Au total, le groupe associatif affirme employer à présent près de 18 000 salariés dans 500 établissements, et table, pour 2018, sur un chiffre d’affaires de 948 millions d’euros. Le cap du milliard est en vue. « Cela fera une croissance de 10 % à 15 %, comme les années précédentes », évalue Jean-Marc Borello, installé dans son bureau du 11e arrondissement de Paris. En France, jamais une entreprise de l’économie sociale et solidaire n’avait atteint pareille taille.

    Association milliardaire

    Soudain, le patron de 60 ans se lève et ouvre la fenêtre, histoire de fumer une cigarette en mesurant le chemin accompli depuis la création des premières associations fondatrices de SOS, en #1984. « La valeur liquidative du groupe est désormais voisine de 1 milliard d’euros, notamment parce que notre “truc associatif” est propriétaire de ses murs, glisse-t-il avec satisfaction. Cela veut dire que, si demain on arrêtait tout, on se retrouverait avec 1 milliard. Mais qu’est-ce qu’on en ferait ? »

    Une association milliardaire ! Joli succès pour cet ancien éducateur spécialisé, devenu gestionnaire de boîtes de nuit aux côtés de Régine, puis figure de proue de l’économie sociale, et désormais l’un des #patrons les plus proches d’Emmanuel Macron. Après l’avoir eu comme élève à Sciences Po, le dirigeant de SOS s’est mis à son service durant la campagne présidentielle. Dans la foulée, deux anciens du groupe, Pacôme Rupin et Aurélien Taché, ont été élus à l’Assemblée.

    Quatre mois après l’élection, le président-fondateur lui-même s’est vu confier par le gouvernement une mission sur « l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion ». Membre du bureau exécutif de LRM, l’homme fort de SOS préside aujourd’hui la commission chargée de choisir les candidats pour les élections européennes, un poste de confiance. Dans certaines réunions, « il arrive que M. Borello surplombe les ministres, leur coupe la parole », constate Louis Gallois, ancien patron de la SNCF et actuel président de la Fédération des acteurs de la solidarité.

    Mais ce succès ne va pas sans susciter des critiques. M. Borello s’est vu qualifier de « Bernard Tapie », d’« industriel du social ». Certains l’accusent de reproduire dans le monde associatif les logiques prédatrices du capitalisme classique. Et d’avoir constitué, avec SOS, un petit empire géré de façon clanique.

    Pouvoir concentré

    De fait, l’association est verrouillée. Pas de bénévoles, pas d’adhérents hormis une centaine de membres triés sur le volet : magistrats, hauts fonctionnaires, professeurs de médecine qui doivent être parrainés par les trente membres du conseil d’administration… qu’ils ont élus. Le circuit est ainsi bouclé, ce qu’admet le patron. « Bien sûr, il ne suffit pas de payer sa cotisation pour entrer : il faut avoir rendu des services éminents ou être ancien responsable des associations passées dans le groupe. » Le conseil, réuni trois ou quatre fois l’an, a d’ailleurs un rôle mineur, affirme un administrateur des premiers jours.

    « Cette absence de contrôle démocratique, de contre-pouvoir, pose problème dans un domaine comme l’action sociale », juge Patrick Doutreligne, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. M. Borello se défend : « C’est une association de gestion, elle reste fermée et à l’abri d’une OPA associative. »

    En pratique, le pouvoir paraît concentré entre les mains du président et de quelques dirigeants, liés pour certains d’entre eux par des relations affectives ou familiales. « Oui, il y a autour de Jean-Marc une forme de cour, dont j’ai fait partie, et qui bénéficie parfois de privilèges, notamment d’appartements rachetés au groupe », reconnaît, un peu gêné, un ancien responsable.

    Un château avec piscine et kangourous dans le parc

    Le patron se déplace en voiture avec chauffeur. Il passe des week-ends dans une propriété du groupe, Les Tournelles, à Hautefeuille (Seine-et-Marne), un château avec piscine, jacuzzi, salle de projection, et même des kangourous dans le parc.
    Des signes qui passent mal dans le milieu de l’action sociale et qui contrastent avec le sort des salariés de base. « En fin d’année 2017, j’ai voulu remercier mon équipe qui s’est démenée pour remettre sur pied notre accueil, témoigne une directrice. La hiérarchie a royalement proposé une prime humiliante de 50 euros... »

    Et puis, il y a la façon dont Jean-Marc Borello se comporte avec certains hommes. La scène s’est répétée à de nombreuses reprises. « C’est une sorte de tradition », racontent des habitués. Lors des grandes fêtes qui ponctuent la vie du groupe, M. Borello ouvre le bal sur Gigi L’Amoroso, de Dalida. Lorsque résonnent les premières notes de piano et de mandoline, le patron de SOS choisit dans l’assemblée un des membres du personnel, un beau jeune homme en général, l’entraîne sur la piste et danse avec lui. Quand la chanson s’arrête, il embrasse son partenaire. Parfois sur la bouche.
    « Moi, il m’a même roulé une pelle en public, par surprise, alors que je n’avais rien demandé », témoigne un de ceux passés entre ses bras, encore sidéré. « Il a essayé, mais j’ai tourné la tête à temps pour éviter son baiser », confie un autre. « Comme ses habitudes sont connues dans le groupe, les garçons qui ne veulent pas être pris pour cible sortent de la salle à ce moment-là, ajoutent trois anciens cadres. Mais tous ne sont pas avertis. »

    « Je ne force personne »
    Des baisers ? Jean-Marc Borello assume. « Cela peut choquer, mais nous savons d’où nous venons, c’est-à-dire d’Arcat, du Kiosque, des premières associations de lutte contre le sida. » Du baiser sur la bouche conçu comme un acte militant, et de la fête antidote à la mort. En revanche, il dément tout harcèlement. « Je ne force personne, se défend-il. Cette maison a été fondée sur la protection des plus faibles, et nous avons des procédures très rigoureuses contre ce genre de choses. » Aucune plainte n’a d’ailleurs été déposée.

    « Tous les garçons ne sont pas consentants, corrige un de ceux qui ont assisté à ce type de scène. Mais comment voulez-vous qu’ils se rebellent ? Ils ont face à eux le patron du groupe, un homme imposant, charismatique, qui pourrait être leur père. Le pape de l’économie sociale et solidaire ! S’ils veulent faire carrière dans le secteur, ils n’ont aucun intérêt à ruer dans les brancards. »
    « Je me suis senti agressé, mais je ne voulais pas être à l’origine d’une crise dans notre petit milieu », confirme un des hommes concernés, qui souhaite rester anonyme, comme les neuf témoins qui nous ont décrit ces situations. Et puis, autour d’eux, personne ne semble choqué. « Tu connais Jean-Marc, il est comme ça, avec ses excès… »

    Quant à la stratégie tous azimuts du groupe, elle peut dérouter, elle aussi. Le patron assume. « Certains groupes veulent se concentrer sur leur “core business”. Nous, on en a soixante, de corps, et quand on en a marre, on en change ! », s’exclame-t-il en riant.

    « Dans le domaine social au sens large »

    Aux centres de soin pour les drogués ou les personnes handicapées, aux maisons pour les enfants de la Ddass, se sont ajoutés au fil des ans des hôpitaux, des crèches, des maisons de retraite, des chantiers d’insertion, des boutiques de produits équitables, deux journaux (Respect Mag, Up le mag), une radio (Raje), une agence de média training, un restaurant à Saint-Denis, ou encore le Pavillon Elysée, un lieu de réception ultrachic qui vient de rouvrir après un an de travaux, en bas des Champs-Elysées.

    Derrière cet empilement, il y a une logique, plaide M. Borello : « inventer la société de demain » en multipliant les initiatives « dans le domaine social au sens large ».
    De même, l’ex-patron du Palace revendique l’efficacité économique. « Dans de nombreux secteurs, nous sommes en concurrence directe avec le privé, par exemple dans les maisons de retraite, et on ne peut pas se louper », souligne-t-il. A ses yeux, gagner de l’argent est la clé pour continuer à assurer ses missions au profit d’un public toujours plus large.

    Pour y parvenir, le groupe emploie une méthode bien rodée. D’abord, il dépense moins que d’autres pour payer son personnel, même si les écarts de salaires, initialement limités de 1 à 4, vont désormais de 1 à 15, en comptant certains chirurgiens. « Comme on donne du sens à leur job, on attire les meilleurs élèves des meilleures écoles, sourit le président du directoire. Ils viennent ici travailler plus et gagner moins ! »
    Ensuite, parmi toutes les structures mal en point qui frappent à la porte, il ne reprend que celles qui bénéficient de #subventions sûres ou, surtout, disposent d’un #patrimoine_immobilier. « C’est le critère numéro un », assurent des anciens. Une fois dans le giron du groupe, les structures font l’objet d’une reprise en main vigoureuse. Les dirigeants sont remplacés par de jeunes diplômés des meilleures écoles.

    Gestion par courriel
    Pour Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’avenir, association qui prône une agriculture biologique, cela s’est bien passé, même s’il a dû lâcher la direction : « Nous avons longuement réfléchi avant d’adhérer à SOS, nous avons eu toutes les réponses à nos questions et, surtout, des moyens financiers pour un tour de France qui a permis de développer le concept », raconte-t-il.
    Une autre association de producteurs, Bio Normandie, a, elle, renoncé au mariage malgré une mauvaise passe financière : « Nous avons tout de suite senti que la seule chose qui intéressait les émissaires de SOS était notre réseau de producteurs et transformateurs, bâti en vingt ans d’activité, mais pas notre fonctionnement ni nos valeurs, et que nous y perdrions notre identité », confie Grégory Tierce, responsable du pôle production.
    Pour l’association bordelaise Mana, spécialisée dans les soins aux réfugiés les plus traumatisés, l’intégration, depuis juillet 2017, se révèle douloureuse. Les traducteurs du bulgare, du roumain, de l’albanais, de l’afghan, qui viennent à l’appui des médecins lors de consultations, ont été priés, pour certains, de devenir #auto-entrepreneurs, d’accepter des #missions facturées à la minute, sans prise en charge de leurs déplacements, sans rétribution si le rendez-vous est annulé, sans protection s’ils doivent se rendre dans des squats où peuvent sévir tuberculose, gale et rougeole… La gestion se passe désormais par courriel et plate-forme informatique, sans contacts humains, ce qui heurte ces travailleurs sociaux très impliqués dans leur tâche.

    Economies d’échelle
    Face aux tensions, Guy Sebbah, le directeur de SOS Solidarités est venu de Paris fin octobre en réunion de crise pour « écouter les salariés », constitués en collectif. Quatre jours plus tard, celle qui avait pris la parole au nom des autres, la psychologue Zineb Mantrach, était remerciée et son contrat non renouvelé à quatre jours de son échéance : « J’ai dû interrompre toutes mes séances et ateliers qui s’adressent à des réfugiés en grande souffrance, traumatisés par des viols, des tortures. »

    Durant notre entretien, elle reçoit un texto : « J’ai besoin de vous. Quand revenez-vous ? », demande une ancienne patiente, enceinte à la suite d’un viol. « Je reçois plein de messages de ce type », explique en pleurant la psychologue.
    Autre levier, le groupe joue la carte des économies d’échelle, en particulier au niveau des achats. A Douai (Nord), où SOS a repris en 2015 un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « on a pu économiser 70 000 euros par an grâce aux tarifs négociés par le groupe », relate ainsi M. Borello. La même mécanique devrait permettre d’améliorer les comptes des quatre #Ehpad que la SNCF doit transférer à SOS au 1er janvier.

    Groupe SOS : un trésor immobilier évalué à 500 millions d’euros , Isabelle Rey-Lefebvre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/05/groupe-sos-un-tresor-immobilier-evalue-a-500-millions-d-euros_5392949_3224.h

    Groupe SOS : un trésor immobilier évalué à 500 millions d’euros
    Certains dirigeants de SOS ont pu racheter au groupe des appartements à des prix très avantageux.

    Depuis une trentaine d’années, le Groupe SOS s’est constitué un petit empire #immobilier évalué à 500 millions d’euros. Il repose sur un portefeuille hétéroclite de 455 #logements_sociaux et très sociaux principalement situés à Paris, 26 commerces, deux garages, des châteaux, des bureaux à Metz, Marseille et Casablanca, et 48 structures du type résidences sociales, crèches, maisons-relais, foyers de jeunes travailleurs… Tout est logé dans Alterna, filiale à statut coopératif de SOS, dirigée par Frédéric Bailly. « Centraliser l’immobilier permet de mutualiser des compétences pour réaliser des travaux, et de mieux convaincre les banques de nous accorder des prêts », explique Jean-Marc Borello, président du directoire du groupe.

    Un trésor dont les dirigeants de SOS ont parfois su profiter. C’est ainsi qu’un bel immeuble en pierre de taille, au cœur de Paris, destiné initialement à du logement très social, s’est ainsi retrouvé pour moitié la propriété d’Eric Teboul, alors gérant d’Alterna. En juin 2004 et juin 2006, en pleine flambée des prix, il y a acquis cinq appartements pour 2 500 et 3 000 euros le mètre carré, bien en dessous des prix de marché. Guy Sebbah, directeur de SOS Solidarités, y a, lui, acheté, en 2004, un appartement de 74 mètres carrés au prix de 157 000 euros, qu’il a revendu 710 000 euros en 2015. Frédéric Bailly, l’actuel gérant d’Alterna, a pu bénéficier en 2004, dans le même immeuble, d’un appartement de 47 mètres carrés achetés 2 143 euros le mètre carré. A l’époque, le prix moyen dans l’arrondissement s’établissait à 4 910 euros. Une opération similaire a porté sur un appartement d’un immeuble du 18e arrondissement, vendu au directeur de la communication de SOS, Nicolas Froissard.

    « Risque de conflit d’intérêts »

    L’Agence nationale de contrôle du logement social, qui a étudié l’affaire, relève : « En décidant de vendre à des personnes travaillant au sein du Groupe SOS, Alliance Immobilière [ancien nom d’Alterna] a écarté des acheteurs offrant un meilleur prix. Ceci illustre le risque de conflit d’intérêts d’autant que deux de ces ventes se sont traduites par une moins-value pour Alliance Immobilière. » Le groupe se défend en affirmant avoir respecté la valeur donnée par l’administration des Domaines.

    D’où vient le patrimoine d’Alterna ? Il a grandi au fil des acquisitions réalisées pour mener à bien les projets sociaux et financées par d’abondantes subventions (36,1 millions d’euros en 2017), mais aussi de l’intégration d’associations. En rejoignant SOS, elles lui transfèrent leurs actifs, terrains, bâtiments, etc. C’est le cas, par exemple, des Œuvres sociales d’Ormesson et de Villiers, vieille fondation datant du XIXe siècle destinée à l’origine au soin des tuberculeux, à la tête de deux établissements dans le Val-de-Marne, dont une maison d’accueil de 50 places pour personnes lourdement handicapées à Ormesson-sur-Marne.

    La fondation a rejoint SOS en 2010 et son patrimoine immobilier, évalué à 6,5 millions d’euros, a été transféré à Alterna en juillet 2015 : « Très vite, nous avons senti l’intérêt du Groupe SOS pour ce terrain, en plein centre-ville, raconte Jean-Luc Lefeuvre, président du conseil de la vie sociale de l’établissement. Depuis qu’il a mis la main sur cette propriété sans débourser un sou, le président de SOS qui nous avait promis de la maintenir et la réhabiliter veut transférer l’établissement à Villiers, dans un nouveau bâtiment, et vendre le terrain de d’Ormesson, un parc de trois hectares, mitoyen de la mairie ». M. Borello se défend : « Nous discutons avec la maire de l’utilisation future de ce terrain, dont la vente financerait tout juste la construction d’un nouveau bâtiment à Villiers. »

    Mélange des genres

    Alterna vend aussi beaucoup de biens dont elle n’a plus l’usage. Elle a ainsi, entre 2015 et 2017, cédé dix immeubles à la régie immobilière de la ville de Paris, dégageant de belles plus-values, par exemple de 5,4 millions d’euros rien qu’avec les deux immeubles et trois appartements vendus en 2017. Grâce à ces gains et malgré une exploitation déficitaire, les comptes d’Alterna sont bénéficiaires, d’environ 2 millions d’euros en 2017, pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros.

    Cela permet à la société de transférer, chaque année, entre 1 et 2 millions d’euros à des entités du groupe à statut commercial, telles que le Comptoir de l’innovation, la société d’événementiel Event It, des incubateurs d’entreprises, la société de BTP Exigences ou encore la société holding SOS Participations.
    Ce mélange des genres a le don d’irriter les contrôleurs de l’Ancols qui, dans leurs rapports de 2003, 2011 et 2016, critiquent ces mouvements de fonds et l’absence de comptabilités séparées sans, toutefois, les sanctionner : « L’activité de logement social, qui bénéficie d’aides publiques sous forme de subventions et d’exemptions fiscales, ne doit pas permettre le soutien d’autres activités même s’il s’agit de l’intérêt général », jugeaient-ils en 2011. « Il faut bien aider au démarrage de ces entreprises d’insertion », justifie M. Borello.

    Isabelle Rey-Lefebvre

    Jean-Marc Borello, l’atout social d’Emmanuel Macron , Patrick Roger, le 17 janvier 2017

    Le président de SOS, numéro un de l’économie sociale et solidaire, est l’un des neuf délégués nationaux du candidat d’En marche !

    Le siège du groupe SOS ne paye pas de mine. Niché au fond d’un passage du quartier de la République, à Paris (11e), à deux pas du Cirque d’hiver, le lieu n’a rien à voir avec ces luxueux bureaux d’affaires dont le clinquant et le tape-à-l’œil font office de carte de visite. Le hall d’accueil a des allures de ruche affairée. C’est le cœur névralgique d’un géant de l’économie sociale et solidaire, qui regroupe plus de 400 établissements, emploie 15 000 salariés et devrait franchir en 2017 le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires.

    A peine son visiteur lui a-t-il été annoncé que le président fondateur, Jean-Marc Borello, surgit, la main tendue, la poignée de main ferme. Il revient tout juste d’un déplacement à Mayotte, où le groupe gère trois établissements, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance. En jean et chemise, ce « grand patron » à la carrure de rugbyman et à l’accent méridional, né en 1957 à Gardanne (Bouches-du-Rhône), ne colle pas aux canons du genre.

    Depuis la fin octobre 2016, Emmanuel Macron en a fait un des neuf délégués nationaux de son mouvement, En marche !, de même que Catherine Barbaroux, la présidente de l’Adie, première association de microcrédit en France. Ce sont ainsi deux des principaux acteurs de l’économie sociale et solidaire, connus pour leurs engagements de longue date aux côtés des exclus et leur enracinement à gauche, qui figurent dans le cercle rapproché des « ambassadeurs » du mouvement.

    « Je suis irréductiblement de gauche »

    Voilà qui ne cadre guère avec le cliché abondamment reproduit de l’ex-banquier d’affaires de chez Rothschild, estampillé libéral et voué aux gémonies par une partie de la gauche. C’est pourtant une des facettes méconnues du personnage, qui en nourrissent la complexité. « Bien avant En marche !, j’ai amené Emmanuel voir ce qui se passait dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, il y a quinze ans déjà », raconte Jean-Marc Borello, qui l’a eu comme élève à Sciences Po, où l’ancien éducateur spécialisé prodiguait des enseignements.
    Les deux hommes se sont revus lorsque Emmanuel Macron est devenu ministre de l’économie, en août 2014. Le président du groupe SOS avait préalablement pas mal travaillé sur l’élaboration de la loi de juillet 2014 avec Benoît Hamon, lorsque celui-ci était ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. Ils ont alors recommencé à travailler ensemble. Et le voilà à présent intégré dans l’équipe d’En marche !
    « Macron, c’est un vrai bénéfice pour amener les jeunes à réinvestir le débat politique. C’est franchement une belle histoire, s’enthousiasme Jean-Marc Borello. C’est formidable de repartir sur une aventure comme ça. »

    Il avoue avoir toujours à affronter le scepticisme d’une partie de son entourage, notamment parmi ceux qui ont suivi sa trajectoire depuis qu’il intervenait à la fin des années 1970 auprès de jeunes délinquants en région parisienne, aux Ulis (Essonne), avant d’intégrer, après l’arrivée de la gauche au pouvoir, en #1981, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies.

    « Je suis irréductiblement de gauche et je suis trop vieux pour changer, se défend-il. Mais on ne pourra pas faire face aux besoins de solidarité, qui sont immenses, si on ne crée pas au préalable de la richesse. » Cette vision, il la développe dans un ouvrage à paraître le 19 janvier, au titre en forme d’oxymore, Pour un capitalisme d’intérêt général (Débats publics, 193 p., 18 euros).

    « Aller voir tout ce qui fonctionne très bien »

    Quel peut être le rôle de ces délégués nationaux issus de l’économie sociale et solidaire dans l’élaboration du projet d’Emmanuel Macron, outre le fait qu’ils disposent d’un important réseau ? « Notre domaine d’intervention, c’est la #lutte_contre_les_exclusions, comment gérer les politiques publiques autour de l’exclusion, du logement, etc., explique Jean-Marc Borello. Je fais remonter les propositions et les demandes du secteur. Il y a des groupes qui travaillent sur le logement, la grande exclusion, l’immigration, le droit d’asile… » Il n’ira pas, toutefois, jusqu’à lever le voile sur ce qui pourrait irriguer les engagements du candidat Macron, que ce dernier devrait présenter le 4 février à Lyon.
    « Nous sommes dans l’idée d’aller voir tout ce qui fonctionne très bien et qu’on n’a jamais été foutu de développer à l’échelle nationale, comment, avec toutes ces initiatives qui ont fait leurs preuves sur le terrain, monter des dispositifs ambitieux, comment faire pour desserrer l’étau administratif et réglementaire pour permettre aux gens d’innover », reprend le patron de SOS.

    Il cite en exemple l’expérience de Cuisine mode d’emploi(s), créée par le chef Thierry Marx pour permettre à des jeunes sans qualification ou à des chômeurs de longue durée d’intégrer les métiers de la restauration. Ou encore celle de Mozaïk RH, fondée par Saïd Hammouche pour aider les jeunes diplômés des quartiers défavorisés à intégrer le monde de l’entreprise.

    Mauvaise polémique
    Et, quand Emmanuel Macron se déplace dans le Pas-de-Calais, rencontre des acteurs locaux intervenant dans le domaine de l’habitat social ou de la précarité, décrit les conséquences sanitaires de la paupérisation de certains territoires, il parle en connaissance de cause, nourri précisément par ces expériences de terrain. Il décrit une réalité qui perdure et, même, va en s’aggravant. Cela lui a valu un tombereau de critiques. Une bien mauvaise polémique, en fait : cette réalité, les acteurs de l’économie sociale et de la prévention ne la connaissent que trop bien.

    « Il y a un vrai mouvement mondial autour de l’entrepreneuriat social, 40 % des sortants de grandes écoles veulent travailler dans l’économie sociale , assure Jean-Marc Borello. Là-dessus, Emmanuel Macron est absolument convaincu. » Ses propositions dans ce domaine pourraient contribuer à rééquilibrer l’image et le corpus programmatique du candidat d’En marche ! Et aussi exercer un réel pouvoir de séduction auprès d’une partie de l’électorat jeune – et moins jeune – à la recherche de nouveaux modes d’engagement.

    #histoire #socialisme #Borello

    • Jean-Marc Borello : itinéraire d’un patron, du milieu de la nuit à la macronie, Laure Bretton et Gurvan Kristanadjaja

      Le fondateur du groupe SOS assiste à une réunion à l’ELysée, le 12 décembre. Photo Bruno Lévy. Divergence
      https://medias.liberation.fr/photo/1181893-le-president-de-la-republique-m-emmanuel-macron-reaoit-une

      Avant de construire son empire, Jean-Marc Borello s’est engagé contre le sida. Celui qui a toujours flirté avec la politique est décrit comme un personnage fascinant.

      Colosse culminant à près de deux mètres, voix rocailleuse et accent marseillais, Jean-Marc Borello, 61 ans, est un #patron déroutant. En trente ans, l’ancien éducateur de rue est devenu le pape - laïc - de l’économie sociale et solidaire (#ESS), un secteur passé à la postérité depuis que François Hollande lui a dédié un ministère, niché au cœur de la forteresse de Bercy. Depuis, toutes les formules superlatives ont été tentées pour décrire Jean-Marc Borello, sorti de l’ombre associative pour devenir un acteur politico-économique majeur. « Bill Gates de l’ESS » quand on veut être gentil. « Bernard Tapie du #social », quand on a quelques doutes sur le bonhomme quand même. Chez Borello, les cheveux mi-longs ont cédé la place à une coupe en brosse grisonnante avec raie sur le côté, le blouson en cuir a été remplacé par un costard. Comme un dernier îlot de résistance au conformisme bourgeois, la cravate se fait rare. Parti d’un engagement militant et personnel - lutter contre les toxicomanies et le sida - il a construit un petit empire comptant aujourd’hui plus de 17 000 personnes . Homme d’affaires accompli, le patron du groupe SOS tranche par une familiarité devenue marque de fabrique. « Jean-Marc », lance-t-il simplement en tendant la main quand on le rencontre.

      A l’origine, rien ne prédestine Jean-Marc Borello à être un homme de pouvoir. Né en 1957 d’un père militaire et d’une mère ouvrière à Aix-en-Provence, il grandit à Gardanne. Pensionnaire et délégué de classe, il se fait renvoyer. Meneur d’hommes mais pas dans les clous. En 1982, sa vision de l’éducation de jeunes en détresse le fait remarquer : il entre à la Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies (Mildeca), nommé par le gouvernement #Mauroy. Le compagnonnage socialiste ne fait que commencer. Deux ans plus tard, il fonde sa propre association, SOS drogue international. [...]

      Depuis trente ans, Jean-Marc Borello a toujours flirté avec la politique. D’abord à Marseille en 1981. Mitterandiste, il entre au cabinet de Gaston Defferre, maireemblématique. Entre 1984 et 1986, il est chef de cabinet de Gilles Trigano, alors délégué aux nouvelles formations auprès du Premier ministre Laurent Fabius. Gravitant dans la galaxie #socialiste parisienne, Jean-Marc Borello rencontre #Bertrand_Delanoë puis #Anne_Hidalgo. SOS coche toutes les cases pour la gauche : le groupe s’occupe de publics défavorisés, s’investit dans l’insertion professionnelle.

      #Harcèlement_sexuel : « Je ne voulais pas de ce baiser mais Borello a le bras long » , Laure Bretton et Gurvan Kristanadjaja —
      https://www.liberation.fr/france/2018/12/20/harcelement-sexuel-je-ne-voulais-pas-de-ce-baiser-mais-borello-a-le-bras-

      Pilier de la #macronie, figure du milieu de l’économie sociale et solidaire ne cachant pas son homosexualité, le président du groupe SOS est accusé de harcèlement et d’#agressions_sexuelles dans son #entreprise. Il se défend en invoquant la « culture du groupe ». « Libération » a recueilli le témoignage d’anciens employés décrivant les comportements déplacés de leur patron, au vu et au su de tous.

      L’idée venait d’en haut, le timing était parfait. Juste avant la journée de lutte contre les violences sexistes et sexuelles du 25 novembre, les milliers de collaborateurs du groupe SOS, géant français de l’économie sociale et solidaire, ont reçu une invitation de leur direction. L’idée ? S’engager personnellement contre le harcèlement et les agressions, notamment homophobes. Depuis trente ans, la lutte contre les inégalités et la solidarité font l’ADN du groupe SOS. Le défi ? Poster sur les réseaux sociaux des photos d’un baiser entre salariés - homme-homme, femme-femme, femme-homme - accompagnées du hashtag #FraternitéChallenge. « Chaque agression est une agression de trop. Il n’est pas question ni de capituler ni de nous y habituer », souligne la newsletter envoyée par le service communication. La direction montre l’exemple, joignant deux clichés d’hommes s’embrassant sur la bouche. Sur l’une des images, le porte-parole LGBT du groupe dépose un baiser sur les lèvres du président du directoire, Jean-Marc Borello. « La liberté c’est le droit. L’égalité, c’est le fait. La fraternité c’est le devoir », souligne le grand patron dans un tweet lançant l’opération. [...]

      Ce qui fait tiquer dans ce #FraternitéChallenge apparu fin novembre, c’est qu’il coïncide avec les avancées d’une enquête que Libération a entamée au début de l’été : plusieurs anciens #salariés accusent Jean-Marc Borello de faits relevant, selon le code pénal, de harcèlement, d’atteintes ou d’agressions sexuelles. Si elle correspond à la raison d’être du groupe SOS, cette campagne de communication virale ressemble aussi à un début de contre-attaque médiatique : fournir des images d’embrassades volontaires pour noyer d’autres gestes non consentis.

      [... ]La scène est devenue un classique des soirées SOS. Du genre que l’on ressasse à la machine à café le lendemain.

      Ce soir de septembre il y a quatre ans, le choix de Borello se porte sur Antoine (1), 22 ans, qui termine un #stage à SOS : « Il m’a invité à danser, en insistant. Il ne voulait pas me lâcher. Je savais ce qui pouvait arriver. On était près du bar, il y avait plein de monde autour. J’ai essayé de résister. Il savait très bien ce qu’il faisait puisque quand il m’a lâché, il a dit à la cantonade : "T’as mis la langue en plus, coquine". » Sauf qu’Antoine ne voulait pas de ce baiser et que personne n’a bronché autour de lui, même si certains des convives ont pu faire des photos de la scène, que Libération s’est procurées. « J’ai assisté au baiser d’Antoine ce soir-là. Nous savions tous que ce n’était pas consenti. Ce genre de comportements était régulier de la part de Jean-Marc Borello », souligne un invité de la soirée baptisée « I love 1984 ».

    • Muriel Pénicaud et Jean-Marc Borello : coup de foudre en macronie
      https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Muriel-Penicaud-et-Jean-Marc-Borello-coup-de-foudre-en-macronie-1642582#

      Ils se sont découverts en juin 2017. Jean-Marc Borello, l’un des fondateurs d’En marche !, tutoie le président de la République depuis Sciences po, quand il lui enseignait les questions sociales pendant la préparation à l’Ena. Muriel Pénicaud vient d’être nommée ministre du Travail. Elle lui commande un rapport sur l’inclusion et l’avenir des emplois aidés. Il accepte : « On m’avait demandé vingt fois, vingt fois j’avais refusé. Là, au lieu de caler une armoire, il a été entièrement appliqué, même ce qui impliquait de modifier la loi. » (...)
      L’AMITIÉ EN POLITIQUE
      Muriel Pénicaud et Jean-Marc Borello : coup de foudre en macronie
      Paris Match | Publié le 19/08/2019 à 12h53
      Anne-Sophie Lechevallier
      Jean-Marc Borello et Muriel Pénicaud le 19 juillet sur le quai d’Orsay, à Paris. Jean-Marc Borello et Muriel Pénicaud le 19 juillet sur le quai d’Orsay, à Paris.
      Frédéric Lafargue / Paris Match
      La ministre du Travail et le président du groupe SOS, un des fondateurs d’En marche !, se sont rencontrés grâce au chef de l’Etat et ne se quittent plus.

      « On est des amis de trente ans qui se connaissent depuis deux ans », s’exclame Muriel Pénicaud, 64 ans. « A partir du moment où on s’est croisés, on a rattrapé le temps perdu », complète Jean-Marc Borello, 61 ans. Ces deux-là auraient pu se rencontrer des milliers de fois durant leurs quarante années de vie professionnelle. Il a fallu attendre Emmanuel Macron. « Nos styles sont très compatibles. Nous sommes libres, définitivement, irréductiblement libres. Et profondément attachés à Emmanuel Macron », constatent-ils, l’un complétant la phrase de l’autre.

      Ils se sont découverts en juin 2017. Jean-Marc Borello, l’un des fondateurs d’En marche !, tutoie le président de la République depuis Sciences po, quand il lui enseignait les questions sociales pendant la préparation à l’Ena. Muriel Pénicaud vient d’être nommée ministre du Travail. Elle lui commande un rapport sur l’inclusion et l’avenir des emplois aidés. Il accepte : « On m’avait demandé vingt fois, vingt fois j’avais refusé. Là, au lieu de caler une armoire, il a été entièrement appliqué, même ce qui impliquait de modifier la loi. »

      Série d’été :L’amitié en politique, version haute fidélité entre Hollande et Sapin

      Un soir, lors d’un dîner organisé chez leur ami commun le chef Thierry Marx, ils se sont raconté leurs vies. Elles ont plus d’un point commun. La ministre du Travail et le président du groupe SOS partagent des « parcours atypiques, loin des chemins académiques ». Pas de grandes écoles. Un engagement précoce pour les jeunes en difficulté (lui comme éducateur, elle dans les missions locales d’insertion). Quelques mois passés dans les cabinets socialistes époque Mitterrand (celui de Martine Aubry pour l’une, de Gaston Defferre pour l’autre). Plusieurs années à la tête d’entreprises (DRH de Danone notamment pour elle et, pour lui, gérant des établissements du groupe Régine, puis fondateur du géant de l’économie sociale et solidaire SOS). Une carte au syndicat, une autre au PS… qu’ils ont chacun gardée six mois. Elle avait 20 ans et est partie quand elle a constaté la place qui était alors réservée aux femmes. Lui, parce que Bertrand Delanoë se présentait à la Mairie de Paris : « Cela m’a ennuyé, profondément, il y avait trop de règles, je n’étais pas fait pour un parti ! »

      "La patience n’est pas notre qualité principale"

      Ils se parlent presque chaque jour, dès six heures du matin. Elle : « Nous sommes sparring partners. La patience n’est pas notre qualité principale. Disons qu’on ne se modère pas du tout l’un l’autre : on s’amplifie, on en rajoute. » Les brunchs du dimanche deviennent des moments de travail « au bout de trois minutes ». Rarement, ils invitent un troisième convive. De toute façon, « on ennuierait le monde entier, se marre Borello, ou alors il en faudrait un troisième passionné par l’entreprise, l’insertion et la réussite du quinquennat ». Ils s’amusent de leur âge, de leur amitié récente (« une amitié politique, ça a l’air d’un oxymore, mais ça peut exister ») et de la politique. « Un monde, considère-t-il, terriblement violent, injuste, pas passionnant, qui rend fou et dont il faut être capable de s’extraire. » Devenue « icône » des Jeunes avec Macron (Les Jam !) depuis qu’elle a posé pour Match en position de tai-chi dans le jardin de l’hôtel du Châtelet, elle a créé avec Jean-Marc Borello et Philippe Grangeon (qui a rejoint l’Elysée) le club des « Vam », Les Vieux avec Macron. « Cent vingt ans d’expérience professionnelle à nous trois ! Cela nous permet d’échanger nos vues sur la société. »

    • ça m’a fait tiquer aussi @colporteur

      Article qui détaille ses démêlées avec la justice dont sa direction du Palace de l’infect Bergé + un extrait wikipedia

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/11/jean-marc-borello-un-patron-sans-but-lucratif_1205675_3234.html

      Jean-Marc Borello est dans les années 1990 administrateur de l’institut des Tournelles, association de protection de l’#enfance. Alors que le directeur de l’institut est soupçonné de viol sur un mineur, Jean-Marc Borello le défend à la barre, convaincu de l’impossibilité d’« histoires de pédophilie » dans cette institution. Le directeur sera condamné à douze ans de prison en 2004.

    • @touti la page que tu indiques (pas wikipedia) exige un login...
      mais voilà l’article

      Jean-Marc Borello : un patron sans but lucratif , 11 juin 2009

      Il fut éducateur spécialisé et homme d’affaires dans le show-biz. Il use aujourd’hui de ses compétences multiples pour développer Groupe SOS, une entreprise en forte croissance qui oeuvre dans le social.

      Carrure de rugbyman, accent chantant du sud de la France, Jean-Marc Borello sait repérer les occasions, foncer et transformer tous ses essais. Tout en jouant collectif. Jeudi 4 juin, il était l’une des vedettes du colloque Entrepreneurs d’avenir, à l’Assemblée nationale. Son Groupe SOS connaît un développement digne des start-up de la belle époque de la Silicon Valley. De 300 salariés fin 2001, il est passé à 2 500 aujourd’hui. Les jeunes les plus diplômés rêvent de se faire embaucher chez lui.

      L’innovation est au coeur de sa réussite. Alors que la crise affecte la plupart des secteurs d’activité, elle est pour lui un accélérateur. « Nous risquons de passer de 25 % à 35 % de croissance », dit-il sans ostentation, dans les vastes combles d’un immeuble du 11e arrondissement, siège du Groupe SOS. A la différence des autres entrepreneurs, Jean-Marc Borello, 52 ans, a choisi le secteur social. Or la crise réduit, certes, le pouvoir d’achat des consommateurs, mais pas « les besoins fondamentaux » des habitants les plus démunis, cibles du Groupe SOS. Des toxicomanes, des sans-abri, des jeunes sans diplôme et sans emploi, sans papiers parfois. Des détenus malades, qui n’ont nulle part où aller quand ils sortent de prison.

      Plutôt que de maximiser le profit pour ses actionnaires, il maximise le service rendu. Le Groupe appartient à des associations sans but lucratif. Lui-même se contente d’un train de vie modeste, disent ses proches. Quand il est devenu salarié du Groupe SOS, il a divisé son salaire par sept.

      C’était en 1998. Avant, il dirigeait bénévolement SOS Drogue international, une association créée en 1984 avec Régine Choukroun, connue pour ses boîtes de nuit, ses restaurants et ses hôtels. Parallèlement, pour gagner sa vie, il dirige le Groupe Régine. Il reprend, à ce titre, le Pavillon Ledoyen, un grand restaurant situé sur les Champs-Elysées, à Paris. Cette expérience s’avère un excellent moyen d’apprendre la direction d’entreprise. Sur le tas et en potassant le « Que sais-je ? » sur les sociétés commerciales, explique-t-il. « Régine n’y comprenait rien non plus. On avait tout pour réussir ! », s’amuse-t-il. « J’étais sur deux univers border line : les exclus et le show-biz », ajoute-t-il, soucieux de donner une certaine cohérence à un parcours des plus atypiques.

      Sa formation d’éducateur spécialisé ne l’avait pas préparé à la gestion d’entreprises. Mais, au lycée d’Aix-en-Provence, ce fils d’un père « militaire de carrière » et d’une mère « catholique, cheftaine scoute et ouvrière » avait développé ses talents d’organisateur. « Pensionnaire, j’ai été renvoyé pour avoir organisé une grève. J’étais de toute façon chef de classe, forcément en première ligne des comités d’action lycéens et tout le temps en bagarre contre le modèle établi », raconte-t-il dans le livre-entretien SOS contre toute attente (Rue de l’Echiquier, 160 p., 14 euros).

      Educateur, Jean-Marc Borello s’intéresse aux cas extrêmes, et en particulier à un jeune déclaré « inassumable en milieu carcéral ». Ses résultats le font remarquer. En 1982, il est nommé chargé de mission à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Il y apprend comment fonctionne l’administration, ses besoins et ses rouages, comment s’y tissent des relations à haut niveau, rencontre Régine, venue offrir ses services et ses moyens pour aider les toxicomanes. Elle lui propose, quelques années plus tard, en 1986, de l’embaucher, alors que la droite revient au pouvoir et qu’il sait ses jours comptés dans un gouvernement de gauche. Mais, dix ans plus tard, en 1996, il écope de six mois de prison avec sursis, en tant que président du Palace. Un réseau de jeunes vendait de l’ecstasy dans son établissement. Le Palace est fermé. Le Groupe Régine ne s’en remet pas.

      C’est l’occasion pour Jean-Marc Borello de se consacrer à plein-temps au Groupe SOS et de l’ouvrir à tous les secteurs de l’économie sociale. Il crée des sociétés d’insertion : un traiteur éthique, un restaurant, L’Usine, une société de location de voitures avec chauffeur, entre autres. « Il casse le stéréotype du demandeur d’emploi perdu pour la société en employant des personnes en insertion dans un groupe événementiel haut de gamme », apprécie Adèle Haentjens, responsable de la Fondation d’entreprise de la Société générale. Il remporte des appels d’offres face à d’autres associations, mais aussi à des groupes privés ayant pignon sur rue.

      Ses sociétés d’insertion se financent à 95 %. En revanche, les associations de service public vivent à 80 % de contrats avec l’administration ou les collectivités locales. Pas de la générosité du public : « La charité, j’exècre », explique Jean-Marc Borello. « C’est une tête chercheuse, toujours en avance », estime-t-on dans l’entourage de Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. « Il donne de son temps pour aider les autres entrepreneurs sociaux à réussir », constate Arnaud Mourot, de l’organisation internationale Ashoka.

      En revanche, les associations plus traditionnelles critiquent « ses visées hégémoniques ». Les rumeurs circulent. « En 2001, quand j’ai dit que je rejoignais SOS, on m’a dit de me méfier, que j’allais chez le Bernard Tapie du social », raconte Guy Sebbah, médecin, délégué général Ile-de-France du Groupe SOS. « Le personnage alimente tous les fantasmes. C’est la soutane qui s’émeut des paillettes », résume un bon connaisseur du milieu associatif.

      Les inspections administratives de ses associations se multiplient. Sans que jamais aucune irrégularité n’ait pu être constatée. « Depuis quinze ans que j’entends parler de lui, je n’ai jamais douté de sa profonde honnêteté. C’est un être profondément altruiste », affirme avec force Alain Régnier, préfet et délégué général pour la coordination de l’hébergement des sans-abri auprès du premier ministre.
      Le professionnalisme de ses équipes incite élus et administrations à leur confier de plus en plus de missions. A droite comme à gauche. « Ce n’est pas la politique qui l’intéresse, mais ce qu’on peut en faire », analyse Guy Sebbah. Jean-Marc Borello dit néanmoins qu’il s’engagerait bien à nouveau, mais seulement pour « un sarkozyste de gauche » ! Autre provocation.

      Sans attendre cet événement improbable, il continue d’ouvrir de nouvelles pistes. Comme la création d’une holding pour reprendre des PME en difficulté et les transformer en entreprises d’insertion. Pour maintenir l’emploi, le moyen de lutter le plus efficace contre l’exclusion.

    • Jean-Marc Borello: «Le scandale Orpea est impossible chez Groupe SOS»
      https://www.challenges.fr/politique/borello-le-scandale-orpea-est-impossible-chez-sos_799170

      Le président du Groupe SOS, leader européen de l’économie sociale, publie Mon Bonheur c’est les autres (Débats Publics éd.). Ce patron atypique, natif d’Aix-en-Provence, grande gueule et grand ami d’Emmanuel Macron, y retrace son parcours et son engagement.

    • #Marseille, le labo social de Macron (avec Borello comme ingénieur)
      https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/lopa-risquee-de-macron-sur-marseille-1384528

      Un homme-clef joue les hôtes de service ce soir-là. C’est Jean-Marc Borello, l’influent président-fondateur du groupe SOS, un poids lourd de l’économie solidaire. Très présent à Marseille, son groupe a signé un bail emphytéotique de quarante ans avec la municipalité pour faire de la citadelle un espace culturel et le « plus beau rooftop de la ville » d’ici à 2024.
      Macroniste de la première heure, Borello est délégué général adjoint du mouvement En Marche. A ce titre, il a participé à la sélection des candidats aux élections législatives de juin 2017. « Borello est le grand protecteur de Payan », souffle un élu marseillais, ce qu’écarte, toutefois, le maire de la ville d’un revers de main. Même si son groupe ne brille pas toujours par la transparence, l’homme a de l’entregent à revendre et l’oreille d’Emmanuel Macron. Au début des années 2000, il a été son prof à Sciences po, où il était maître de conférences sur les affaires sociales dans la préparation à l’ENA. « Indépendamment de son intelligence brillante, Emmanuel Macron se singularisait par son souci de vérifier, de connaître, de comprendre », se souvient-il.
      Quant à Borello et Payan, ils se connaissent depuis l’époque du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), où ils croisaient William Elman, un Marseillais directeur du cabinet d’Elisabeth Moreno à l’Egalité entre les femmes et les hommes, ou Maxance Barré, l’actuel conseiller politique du président et ancien patron du MJS de la Vienne.

      #culture #économie_solidaire

    • Campagne présidentielle : Jean-Marc Borello, le Bernard Tapie de Macron (dans un canard faf)
      https://lemediaen442.fr/campagne-presidentielle-jean-marc-borello-le-bernard-tapie-de-macron

      Marché des transports à Marseille : c’est cadeau !

      Le 2 septembre 2021, Macron, en pleine campagne électorale non déclarée, met sur la table un milliard pour développer les transports à Marseille. Et hop ! le 15 septembre 2021, Wimoov (Groupe SOS) inaugure sa plateforme marseillaise pour « répondre aux besoins de mobilité des publics les plus fragiles », comme l’indique son directeur régional. Une manière, selon lui, d’accompagner une insertion professionnelle et sociale.

      Parmi les philanthropes partenaires de Wimoov, figurent AGR2 La Mondiale, BNP, Total, divers ministères, GMF, Norauto…

      à rapprocher de la ligne de bus privé vers des quartiers sud financée publiquement

  • Benalla, Ferrand, Sarkozy et Darmanin se retrouvent aux 70 ans du JDD 28 Novembre 2018 - Marianne
    https://www.marianne.net/politique/alexandre-benalla-sarkozy-darmanin-ferrand-70-ans-jdd

    La fête anniversaire du « Journal du dimanche » a sidéré bon nombre de ses journalistes, ce mardi 27 novembre à Paris. Ils y ont en effet vu un joyeux mélange de personnalités de pouvoir, dont Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin, Valérie Pécresse ou Richard Ferrand, frayer dans une salle où se trouvait également un certain Alexandre Benalla…

    Petite sauterie entre soi… A l’occasion d’une fête organisée pour les 70 ans du Journal du dimanche ce mardi 27 novembre, dans le 8e arrondissement de Paris, les patrons du journal ont pu trinquer joyeusement avec un joli monde issu des cercles du pouvoir… Selon nos informations, y ont ainsi été vus, pêle-mêle, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy mais aussi l’actuel ministre du Budget Gérald Darmanin, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, ainsi qu’un certain… Alexandre Benalla !

    Alexandre Benalla vu discutant "longuement avec Richard Ferrand
    Que faisait le paria de la Macronie au milieu de cette soirée, en compagnie de quelques uns des plus hauts personnages de l’Etat ? Au Monde, qui révèle également l’information, un membre du groupe Lagardère rapporte : « On nous a expliqué qu’il dînait ce soir-là à l’étage, par hasard ». Un autre, qui se dit « effaré » par ce qu’il a vu dans cette soirée, confie à Marianne que cet heureux « hasard » a été mis à profit, Alexandre Benalla ayant discuté « longuement » avec Richard Ferrand.

    Outre les premiers de cordée de la Macronie, ont aussi été vus à la soirée Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste de François Hollande, François Baroin ou encore la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.

    Marc Francelet présent
    Hors politiques, un nom moins connu du grand public mais tout aussi intéressant figurait parmi les invités : Marc Francelet. Souvenez-vous, nous vous en parlions cet été lors de l’éclatement de l’affaire Benalla : ce lobbyiste à la réputation sulfureuse avait participé au plan com’ très bien huilé d’Alexandre Benalla. Contacté par Marianne, il confirme sa venue à la soirée mais assure que ce n’est pas lui qui a fait venir son ancien protégé : « Je suis venu avec Laurence Piau, directrice de la rédaction de ’Closer’. Alexandre Benalla, je l’ai croisé dans l’escalier alors que je partais », affirme-t-il.

    Dans une période de défiance de l’opinion vis-à-vis de la presse, le gâteau d’Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du JDD, a un petit goût étrange de mélange des genres…

    #presse #presse_a_gages #collusion #macronie #caste #Nicolas_Sarkozy #Gérald_Darmanin #Arnaud_Montebourg #Valérie_Pécresse #Richard_Ferrand #Alexandre_Benalla #médias #journalisme #François_Baroin #Marc_Francelet #en_vedette

  • Pour Julian Assange
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/12/HALIMI/59366

    Fier comme Artaban, souriant, entouré d’une cinquantaine de photographes et de cadreurs, Jim Acosta a opéré, le 16 novembre dernier, son retour en fanfare à la Maison Blanche. Quelques jours plus tôt, il avait perdu son accréditation de correspondant de Cable News Network (CNN), mais la justice américaine a obligé le président Donald Trump à annuler la sanction. « C’était un test, et nous l’avons passé avec succès, a fanfaronné Acosta. Les journalistes doivent savoir que, dans ce pays, la liberté de la presse est sacrée, et qu’ils sont protégés par la Constitution [pour] enquêter sur ce que font nos gouvernants et nos dirigeants. » Fondu enchaîné, musique, happy end…


    Réfugié depuis six ans à l’ambassade d’Équateur à Londres, M. Julian Assange n’a sans doute pas pu suivre en direct sur CNN un dénouement aussi émouvant. Car son existence à lui ressemble à celle d’un prisonnier. Interdiction de sortir, sous peine d’être arrêté par les autorités britanniques, puis, sans doute, extradé vers les États-Unis ; communications réduites et brimades de toutes sortes depuis que, pour complaire à Washington, le président équatorien Lenín Moreno a résolu de durcir les conditions de séjour de son « hôte » (lire « En Équateur, le néolibéralisme par surprise »).

    La détention de M. Assange ainsi que la menace de quelques dizaines d’années de prison dans un pénitencier américain (en 2010, M. Trump avait souhaité qu’il soit exécuté) doivent tout au site d’information qu’il a fondé. WikiLeaks est à l’origine des principales révélations qui ont indisposé les puissants de ce monde depuis une dizaine d’années : images des crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak, espionnage industriel des États-Unis, comptes secrets aux îles Caïmans. La dictature du président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali fut ébranlée par la divulgation d’une communication secrète du département d’État américain qualifiant cette kleptocratie amie de Washington de « régime sclérosé » et de « quasi-mafia ». C’est également WikiLeaks qui révéla que deux dirigeants socialistes français, MM. François Hollande et Pierre Moscovici, s’étaient rendus, le 8 juin 2006, à l’ambassade des États-Unis à Paris pour y regretter la vigueur de l’opposition du président Jacques Chirac à l’invasion de l’Irak.

    Mais ce que la « gauche » pardonne moins que tout à M. Assange, c’est la publication par son site des courriels piratés de la campagne de Mme Hillary Clinton. Estimant que cette affaire a favorisé les desseins russes et l’élection de M. Trump, elle oublie que WikiLeaks a alors dévoilé les manœuvres de la candidate démocrate pour saboter la campagne de M. Bernie Sanders durant les primaires de leur parti. À l’époque, les médias du monde entier ne s’étaient pas privés de reprendre ces informations, comme ils l’avaient fait pour les précédentes, sans pour autant que leurs directeurs de publication soient assimilés à des espions étrangers et menacés de prison.

    L’acharnement des autorités américaines contre M. Assange est encouragé par la lâcheté des journalistes qui l’abandonnent à son sort, voire se délectent de son infortune. Ainsi, sur la chaîne MSNBC, l’animateur-vedette Christopher Matthews, ancien cacique du Parti démocrate, n’a pas hésité à suggérer que les services secrets américains devraient « agir à l’israélienne et enlever Assange »…

    Serge Halimi

    #Julian_Assange

  • Maroc-Israël: Hassan II, la grande imposture, par René Naba – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/22/maroc-israel-hassan-ii-la-grande-imposture-par-rene-naba

    Le Roi Hassan II du Maroc, Président du Comité Al Qods » (Jérusalem), hôte du premier sommet islamique de l’époque contemporaine (Rabat 1969), apparaît rétrospectivement comme l‘un des grands traîtres à la cause arabe et son long règne de 38 ans (Mars 1961-Juillet 1999) une vaste supercherie, si toutefois sont avérées les révélations contenues dans le livre du journaliste israélien Ronen Bergman « Rise and Kill First : The secret History of Israel’s targeted assassinations », ED. Penguin Random House.

    LES DIRIGEANTS ARABES PLACÉS SUR ÉCOUTE SUR ORDRE DE RABAT
    Réputé pour son sérieux, chroniqueur militaire de Yedioth Aharonoth et du New York Times, l’auteur soutient que les dirigeants arabes ont été placés sur écoute des services israéliens grâce à la connivence marocaine lors du Sommet arabe de Casablanca de septembre 1965. Du jamais vu même dans les fictions les plus satiriques, cette trahison dénote la désinvolture du monarque chérifien à l’égard de ses pairs et de son mépris pour la cause palestinienne.

    Version arabe de ce récit selon la recension de l’ouvrage établi par le site en ligne Ar Rai Al Yom à l’intention du locuteur arabophone.
    https://www.raialyoum.com/?p=821705

    La date n’est pas anodine. Scellé par la signature d’un pacte de solidarité et de coexistence pacifique entre régimes arabes, ce sommet s’est tenu en septembre 1965, au terme d’un été particulièrement brûlant au Maroc, marqué par la terrible répression de la révolte étudiante de Casablanca (23 mars 1965) qui fit officiellement 7 morts et 168 blessés. En fait 400 morts selon l’ambassade de France à Rabat.

    Sentant le vent du boulet, le jeune monarque a eu la lumineuse idée de se tourner alors vers les Israéliens, comme garde fou aux débordements de son opposition interne et externe. Autrement dit, contre la volonté de son peuple, il s’allia aux ennemis du Monde arabe pour la survie de son trône, dans la pure tradition de la servitude coloniale. Un schéma identique sera observé 70 ans plus tard par le trône wahhabite, bradant la Palestine, par une alliance ouverte avec Israël.

    Dans une sorte d’échange de bons procédés, Hassan II percevra le prix de sa forfaiture au plan arabe, un mois plus tard, par l’élimination d’un des espoirs de la renaissance arabe, Mehdi Ben Barka.

    Figure mythique de l’opposition démocratique marocaine, l’ancien professeur de mathématiques d’Hassan II sera enlevé en octobre 1965 à Paris avec la complicité du Mossad, et carbonisé par des sbires marocains, un mois après la tenue du sommet de Casablanca.

    Principal opposant socialiste au roi Hassan II et leader du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste, Mehdi Ben Barka a été enlevé le 29 octobre 1965 à Paris alors qu’il tentait, en sa qualité de « commis-voyageur de la révolution », de fédérer les mouvements révolutionnaires du tiers-monde en vue de la Conférence Tri-continentale devant se tenir en janvier 1966 à la Havane en vue de faire converger « les deux courants de la révolution mondiale : le courant surgi avec la révolution d’Octobre et celui de la révolution nationale libératrice ». Pour l’historien René Galissot, « c’est dans cet élan révolutionnaire de la Tri-continentale que se trouve la cause profonde de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka ».

    Sur ce lien, Le rôle de Mehdi Ben Barka et de la tri-continentale dans le réveil des peuples colonisés

    https://www.madaniya.info/2015/12/20/non-alignes-tricontinentale-60-eme-anniversaire-1-2
    https://www.madaniya.info/2015/12/26/non-alignes-tri-continentale-60-eme-anniversaire-2-2
    La mise sur écoute des dirigeants arabes a permis aux Israéliens de prendre note de la stratégie de reconquête de la Palestine, comme des divergences inter arabes. La décision marocaine aura constitué « Le plus grand trésor stratégique d’Israël ». Le journaliste israélien a estimé que cette information était « la raison principale qui a poussé Israël à prendre la décision de faire la guerre aux États arabes en Juin 1967 », deux ans après le sommet de Casablanca, et qui a infligé une terrible défaite à l’Égypte, à la Syrie et à la Jordanie.

    L’incendie de la Mosquée Al Aqsa par un illuminé israélien, en 1969, donne l’occasion au souverain chérifien de se refaire une virginité politique à l’occasion du sommet Islamique de Rabat, en 1969. Deux ans après la défaite de juin 1967, dont il en a été indirectement responsable, le « Commandeur des Croyants » va cumuler cette fonction spirituelle avec celle plus politique de président du « Comité Al Qods ».

    Le sommet islamique de Rabat a marqué, sur le plan idéologique, le début de l’instrumentalisation de l’Islam comme arme politique contre l’athéisme soviétique et le nationalisme arabe, et, sur le plan stratégique, le détournement du combat pour la libération de la Palestine, vers des contrées périphériques, à des milliers de km du champ de bataille de la Palestine, avec Al Qaida en Afghanistan et les djihadistes arabo afghans au Caucase et en Bosnie au Kosovo, avant d’être dirigé contre les pays arabes à structure républicaine (Libye, Syrie) à l’occasion du déclenchement de la séquence dite du « printemps arabe » et le surgissement de groupements terroristes islamistes Daech, Jabat An Nosra, Jaych al Islam, opérant, dans le sud de la Syrie, en coopération avec Israël.

    Le Maroc figurera lors de cette séquence comme l’un des plus gros exportateurs du terrorisme islamique vers l’Europe occidentale (Attentat de Madrid 2004 qui a fait 200 morts, l’assassinat de Théo Van Gogh, les attentats de Bruxelles en 2015 et les attentats de Barcelone en 2017).

    Pour aller plus loin sur ce thème

    http://www.renenaba.com/de-l-instrumentalisation-de-l-islam-comme-arme-de-combat-politique

    Nonobstant la coopération sécuritaire entre le Maroc et Israël, Hassan II, fait rarissime dans les annales, devra faire face à deux séditions militaires, à son palais de Skhirat, le 10 juillet 1971, jour de son anniversaire, puis l’année suivante contre son propre Boeing par un groupe d’aviateurs ; indice d’un fort ressentiment à son égard, deux ans après son sacre de Rabat.

    Au delà du rôle du Mossad dans l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, la vassalité du trône alaouite à l’égard de l’État Hébreu s’est concrétisée sous le règne de son successeur Mohammad VI avec le scandale du « Collier de la Reine » dans sa version tropicale ; un scandale qui titre son nom du bijou offert par l’épouse du Roi à Tzipi Livni, ancien ministre israélien des Affaires étrangères, dans la foulée de la destruction de la bande de Gaza (2007-2008), dont l’ancienne agent du Mossad en Europe en a été la coordonnatrice.

    Pour aller plus loin sur l’affaire du collier de la reine
    http://www.renenaba.com/le-collier-de-la-reine

    LE MAROC, PIVOT CENTRAL DU DISPOSITIF OCCIDENTAL EN AFRIQUE VIA LE SAFARI CLUB
    Pivot central du dispositif occidental en Afrique, le Royaume fondera, en 1976, avec la France, l’Egypte, l’Iran et l’Arabie saoudite, le « Safari Club », se donnant ainsi l’illusion de « jouer dans la cour des grands ». En pleine négociation de paix égypto-israélienne, il assumera le rôle de gendarme, non sur le champ de la confrontation israélo-arabe, mais à des milliers de kilomètres de là, non pour la récupération des Lieux Saints de l’Islam, mais pour le maintien au pouvoir d’un des dictateurs les plus corrompus de la planète le Zaïrois Mobutu, agent attitré des Américains dans la zone centrale de l’Afrique, l’assassin de Patrice Lumumba, le chef charismatique de l’Indépendance du Congo ex belge.

    En soutien à Jonas Savimbi, l’agent de la CIA en Angola ; ou encore l’ivoirien Félix Houphouet Boigny, le principal pourvoyeur des djembés et des mallettes à une caste politico médiatique française vénale.

    Le Maroc était représenté au sein de cette structure par le général Ahmad Dlimi, un des artisans de la liquidation de Mehdi Ben Barka, l’ancien lieutenant du général Mohamad Oufkir, l’homme des basses oeuvres de la dynastie alaouite, tous les deux liquidés sans autre forme de procès sur ordre du Palais royal.

    À propos du safari Club

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Safari_Club

    La dynastie chérifienne a constamment justifié sa relation privilégiée avec Israël par la spécificité du judaïsme marocain.

    Cf sur ce point, l’analyse d’Abraham Sarfati, l’un des plus célèbres opposants marocain à Hassan II.
    http://www.renenaba.com/jordanie-et-maroc-additif

    Il n’en demeure pas moins que le règne d’Hassan II, malgré les prosternations d’une presse française vénale, sera néanmoins qualifié de « Règne du Bagne et de la Terreur », dont le cas le plus illustre aura été le bagne de Tazmamart et l’arbitraire qui frappa notamment les Frères Bourequat.

    Pour aller plus loin sur cette affaire, cf le lien suivant
    http://www.renenaba.com/maroc-les-trois-freres-bourequat-40-ans-apres-le-retour-des-fantomes-vivan

    LE MAROC, POURVOYEUR DE PROSTITUÉES POUR LES PÉTROMONARCHIES ET REFUGE DE LA MAFIA ISRAÉLIENNE
    Un des principaux pourvoyeurs de la prostitution à destination du Golfe pétro monarchique, où près de vingt mille marocaines y font l’objet d’exploitations sexuelles, le Maroc passe de surcroît pour être un refuge pour la mafia israélienne. Le royaume aurait accueilli plusieurs anciens membres de la mafia israélienne, selon le quotidien israélien Haaretz, en date du vendredi 14 septembre 2012.

    Gabriel Ben-Harush et Shalom Domrani, deux figures puissantes de la mafia israélienne, recherchées depuis des années par l’Interpol, figuraient parmi les noms cités par le journal. Cf à ce propos : http://www.yabiladi.com/articles/details/12903/maroc-refuge-pour-mafia-israelienne.html

    Pour aller plus loin sur ce sujet cf :
    http://www.renenaba.com/yves-mamou-et-le-phenomene-de-serendipite

    Ronen Bergman mentionne 2700 assassinats ciblés orchestrés par Israël ; soit en moyenne 40 opérations par an. Les Israéliens n’auront fait que reprendre les méthodes en vigueur en Palestine par les britanniques, notamment le général Orde Wingate, qui avait créé dans la décennie 1930 les « Special Night Squads », les « Escadrons Nocturnes Spéciaux » composés de combattants juifs chargés des raids contre les villages arabes en procédant à l’élimination des meneurs.

    La France en a fait usage pendant la guerre d’Algérie et François Hollande a même admis que Paris y avait eu recours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les deux derniers présidents américains ont eu également recours aux « assassinats extrajudiciaires », George W. Bush jr, après les attentats terroristes du 11 Septembre 2001, et Barack Obama a ordonné plusieurs centaines d’exécutions ciblées par drones.

    YASSER ARAFAT, CHEIKH AHMAD YASSINE, ABDEL AZIZ RANTISSI
    La connivence israélo-marocaine s’est poursuivie en dépit de la décapitation du leadership palestinien, par les Israéliens, et le recours aux assassinats « extra judiciaires » des deux principaux dirigeants du Hamas, Cheikh Ahmad Yassine et son successeur Abdel Aziz Rantissi. Une collision qui acte une forme de forfaiture de la part du pouvoir chérifien.

    Le livre suggère aussi clairement qu’Israël a utilisé un poison radioactif pour tuer Yasser Arafat, le chef historique palestinien, ce que les dirigeants israéliens ont toujours nié. Bergman écrit que la mort d’Arafat en 2004 correspondait à un modèle et avait des partisans. Mais il évite d’affirmer clairement ce qui s’est passé, expliquant que la censure militaire israélienne l’empêche de révéler ce qu’il pourrait savoir.

    Deux monuments ont été édifiés au Maroc pour immortaliser l’oeuvre d’Hassan II : son mausolée à Rabat et la Mosquée de Casablanca, l’une des plus grandes du monde, qui porte son nom. Mais celui que la presse occidentale, particulièrement la presse française engourdie par la diplomatie de la Mamouniya, encensait comme un « Machiavel arabe doté de la baraka », se révélera être, à la lecture des révélations du livre de Ronen Bergman, un mauvais génie, une imposture.

    Et les deux monuments édifiés à la gloire posthume du Commandeur des Croyants et Président du comité Al Qods, -mais néanmoins un des principaux artisans du bradage de la Palestine, au même titre que l’Arabie saoudite-, se perçoivent, rétrospectivement, comme les stigmates du règne hideux d’un parfait sous traitant de l’impérium israélo-occidental. D’un être maléfique. D’un souverain vil et servile.

    Source : Madaniya, René Naba, 17-11-2018                                           https://www.les-crises.fr/maroc-israel-hassan-ii-la-grande-imposture-par-rene-naba

  • « La pacification de l’Algérie n’a pas été un long fleuve tranquille, bien au contraire » – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/07/la-pacification-de-lalgerie-na-pas-ete-un-long-fleuve-tranqu

    Mohsen Abdelmoumen : Vous avez écrit « Coloniser. Exterminer ». D’après vous, l’Algérie a-t-elle été un laboratoire colonial ?

    Dr. Olivier Le Cour Grandmaison : Oui, on peut effectivement considérer que l’Algérie a été une sorte de laboratoire pour l’élaboration d’un certain nombre de techniques de la guerre que l’on peut qualifier de guerre contre-révolutionnaire et de techniques répressives, notamment après la nomination de Bugeaud au poste de gouverneur général de l’Algérie en 1840. La nomination a pour objectif de mener à bien ce que les militaires et les responsables politiques de l’époque nomment déjà « la pacification de l’Algérie » et pour ce faire, le général Bugeaud va employer un certain nombre de méthodes de guerre et de techniques répressives parmi lesquelles les razzias dont il faut préciser qu’elles débouchent parfois sur la destruction de villages et d’oasis entiers, l’objectif étant d’expulser les populations « indigènes », comme on le dit à l’époque, et, comme cela se dit aussi très couramment, de procéder ainsi au refoulement des « Arabes », de les chasser des territoires qu’ils occupaient jusqu’à présent de façon à pouvoir faire en sorte que les Européens en général et les Français en particulier, les colons, puissent s’installer dans un environnement « pacifié ». Par ailleurs, on sait, et c’est parfaitement établi, que le général Bugeaud a également contribué à développer des techniques répressives comme l’internement administratif et la responsabilité collective qui vont être utilisés par la suite sous la IIIe République lors de la construction de l’empire entre 1881 et 1912 et enfin lors de la dernière guerre d’Algérie, à partir du 1er Novembre 1954 et jusqu’en 1962. Des officiers supérieurs de l’armée française vont rendre des hommages tout à fait officiels au général Bugeaud qu’ils considèrent comme un père fondateur des guerres coloniales.

    Je trouve qu’il y a une similitude entre le sort du peuple algérien et celui des Amérindiens. Ne pensez-vous pas que les deux ont subi une extermination d’État ?

    Il faut préciser tout d’abord que jusqu’en 1945, le terme « extermination » n’est pas du tout synonyme de « génocide » qui désigne les massacres de masse. Il est utilisé effectivement par des philosophes écrivains et par des écrivains, je pense en particulier à Tocqueville qui parle en effet d’extermination à propos des Indiens d’Amérique. Je pense à Émile Zola qui parle d’extermination à propos de la Commune de Paris. On peut et on doit d’ailleurs établir un parallèle, ce qui ne veut pas dire forcément que tout est similaire, mais effectivement entre les méthodes de conquête coloniale développées par la France en Algérie et le processus d’expansion de la démocratie américaine à l’Ouest des États-Unis, dans les deux cas en effet, les populations autochtones ont été refoulées, exterminées, c’est-à-dire massacrées en masse et privées de tout ou partie de leur territoire.

    Tous vos ouvrages sont extrêmement intéressants et référentiels. Ainsi, dans votre livre La République impériale, vous évoquez le concept d’impérialisation des institutions. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce concept ?

    En ce qui concerne le concept d’impérialisation que j’ai forgé, il s’agissait pour moi de rendre compte des effets de la construction de l’empire sur la IIIe République, donc entre 1881 et 1912, sur les institutions à la fois politiques, académiques, et universitaires de la IIIe République, mais aussi sur les différentes sciences qui ont progressivement émergé et notamment ce qui va assez rapidement s’appeler les sciences dites « coloniales ». On s’aperçoit en effet que précisément parce que la France est devenue très rapidement la seconde puissance impériale du monde, il a fallu mettre en place un certain nombre d’institutions politiques et juridiques en métropole, dont la fonction est de gérer les territoires et les populations de l’empire, et il a fallu également développer un droit particulier, le droit colonial, et développer des sciences singulières et spécifiques, les sciences dites coloniales qui sont doublement coloniales, une première fois parce qu’elles prennent pour objet les colonies et les populations qui y vivent, et une seconde fois parce qu’au fond, ces sciences coloniales ont pour objectif d’aider les responsables de la IIIe République de mener à bien la gestion des populations indigènes, comme on le dit à l’époque.

    Ne pensez-vous pas que le Code de l’indigénat est une aberration ?

    Il faut rappeler que le Code de l’indigénat a été mis en place en 1875 et n’a été véritablement aboli qu’à la Libération, et rappeler que c’est un code qui réunit un certain nombre de dispositions d’exception discriminatoires et racistes. C’est évidemment très important de le préciser puisque ce code, comme son nom l’indique d’ailleurs, n’est appliqué qu’aux seuls indigènes algériens, et plus tard aux seuls indigènes de l’empire. Il faut rappeler aussi que son caractère exceptionnel, les contemporains en étaient parfaitement conscients puisque certains d’entre eux, y compris ceux qui étaient favorables à ce code, ont nommé ce Code de l’indigénat « monstre juridique ». Parce qu’effectivement, il contrevient à tous les principes républicains et à tous les principes démocratiques garantis et établis en métropole mais qui, dans les colonies, sont violés de façon substantielle entre autres par ce Code de l’indigénat et un certain nombre d’autres dispositions d’exception du droit colonial.

    Dans votre livre « De l’indigénat : Anatomie d’un monstre juridique », vous introduisez la notion de racisme d’État. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce racisme d’État ?

    En ce qui concerne le racisme d’État, il me paraît parfaitement établi d’une part dans le droit colonial qui est un droit de part en part raciste et discriminatoire, qui repose fondamentalement sur une représentation du genre humain hiérarchisée et sur la thèse – partagée par beaucoup – selon laquelle les peuples et les races inférieurs de l’empire ne sauraient être soumis à des dispositions démocratiques et républicaines équivalentes à celles qui sont établies en métropole. Et par ailleurs, pour revenir au Code de l’indigénat, on est parfaitement en droit et l’on peut considérer que l’un des monuments de ce racisme d’État, c’est évidemment le Code de l’indigénat auquel il faut ajouter le principe de la responsabilité collective appliqué jusqu’à la Libération, ainsi que l’internement administratif et toute une série de dispositions qui, une fois encore, sont des dispositions d’exception qui ont été votées par les parlementaires sous la IIIe République et qui ont perduré jusqu’à la Libération et n’ont été abolies qu’à ce moment-là.

    Vous avez aussi écrit « L’empire des hygiénistes » dans lequel vous dites que même la science était mise au service du colonialisme. Pourquoi les scientifiques et les écrivains nous ont-ils refusé d’être des humains et d’avoir une histoire et une civilisation ?

    Effectivement, pour beaucoup de contemporains de la IIIe République, à la fin du XIXe et au début du XXesiècle, qu’ils soient savants, ethnologues, historiens, responsables politiques, tous ou beaucoup d’entre eux partagent une même conviction qui est la suivante : les Arabes et les musulmans appartiennent certes à une civilisation mais à une civilisation qui est considérée non seulement comme inférieure mais également dangereuse, c’est pourquoi il est impossible de lui appliquer des dispositions institutionnelles, politiques et juridiques, équivalentes à celles qui valent en Europe. C’est pourquoi aussi il est nécessaire d’établir un État colonial que l’on peut et que l’on doit qualifier d’état d’exception permanent avec, évidemment, un certain nombre de dispositions juridiques qui sont cohérentes avec cet état d’exception permanent. Et donc, au cœur de l’ensemble de ces représentations et institutions, il y a cette conviction d’un genre humain hiérarchisé, les Arabes et les musulmans se trouvant dans une position intermédiaire, supérieure à ceux que l’on qualifie de « sauvages » – et l’incarnation la plus emblématique du sauvage à l’époque, c’est le noir – et évidemment inférieur aux Européens qui pensent occuper le sommet de la hiérarchie des races, des peuples, et des civilisations.

    L’Algérie revient souvent dans la sémantique pour désigner « l’ennemi ». D’après vous, la France a-t-elle guéri de son passé colonial ?

    Je ne pense pas que la France soit particulièrement guérie de son passé colonial. J’en veux pour preuve notamment, que comparativement à d’autres anciennes puissances coloniales, c’est vrai pour la Grande-Bretagne, c’est vrai pour l’Allemagne, pour une part aussi des États-Unis, du Canada, de la Nouvelle Zélande et de l’Australie, et relativement au sort indigne qui a été réservé aux populations dites autochtones, la France jusqu’à présent, par la voix des plus hautes autorités de l’État, n’a jamais véritablement reconnu les crimes coloniaux commis en Algérie depuis l’occupation d’Alger en 1830, pas plus d’ailleurs que la France n’a reconnu les crimes coloniaux commis dans l’ensemble des territoires de l’empire sous la IIIe République, et de ce point de vue-là, contrairement à l’image que cherchent à donner les responsables politiques de droite comme de gauche, en ces matières, la France n’est pas à l’avant-garde, elle occupe au contraire le dernier wagon de queue.

    La reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française n’est-elle pas une diversion d’Emmanuel Macron pour ne pas reconnaître la souffrance de tout le peuple algérien ?

    En ce qui concerne la reconnaissance par Emmanuel Macron du sort tragique qui a effectivement été réservé à Maurice Audin, arrêté, torturé, et « disparu » par la faute militaire, il faut dire deux choses : d’une part, pour la famille d’Audin, pour la vérité et la justice, c’est évidemment un pas très important, reste effectivement que l’on peut dire qu’il y a, au-delà de la personne de Maurice Audin, des dizaines de milliers, sans doute, de Maurice Audin algériens, français musulmans d’Algérie, pour lesquels, pour le moment, il n’y a aucune déclaration officielle des plus hautes autorités de l’État. Et d’ailleurs, la déclaration d’Emmanuel Macron est tout à la fois contradictoire et oublieuse. Contradictoire justement parce qu’il qualifie la torture en Algérie de systématique, mais si elle est systématique, alors il faut reconnaître qu’elle a été employée bien plus largement et cela exigerait effectivement une déclaration générale relativement à celles et ceux qui ont été arrêtés de façon arbitraire, torturés et qui sont, jusqu’à ce jour, portés disparus. Par ailleurs, cette déclaration est oublieuse aussi parce qu’à aucun moment celles et ceux qui ont rédigé ce texte, et Emmanuel Macron qui en porte la responsabilité politique, n’ont utilisé cette qualification juridique de « crime contre l’humanité » alors même que nous savons que la disparition forcée est bien un crime contre l’humanité. En ce qui me concerne, je pense qu’il ne s’agit pas d’un oubli, il s’agit d’une volonté tout à fait assumée afin d’éviter d’une part un tollé de la droite et de l’extrême-droite, et sans doute aussi d’éviter des actions contre l’État français dans la mesure où l’une des caractéristiques essentielles du crime contre l’humanité, c’est d’être imprescriptible.

    Dans la même semaine où il reconnait l’assassinat de notre camarade Maurice Audin, Emmanuel Macron rend hommage aux harkis. J’ai parlé un jour avec le général Meyer et je lui ai dit que l’affaire des harkis était une affaire franco-française et il m’a concédé que la France avait abandonné ses soldats, les harkis, n’ayant pas l’intention d’embarquer tout le monde. Pourquoi les responsables politiques français nous sortent-ils les harkis – qui ne concernent que la France puisque ce sont des soldats supplétifs qui ont choisi la France – à chaque fois que l’on parle de l’Algérie ?

    Parce que, fondamentalement, ces affaires de reconnaissance, du point de vue d’Emmanuel Macron et des responsables politiques antérieurs, notamment François Hollande, sont moins un souci de vérité qu’un souci politique visant à plaire à une partie de leur électorat et à ne pas s’aliéner certains électeurs français, d’où cette impression effectivement que le chef de l’État satisfait certains à gauche et satisfait ensuite certains à droite.

    Notamment les Pieds noirs.

    Et ce qui en pâtit à chaque fois, c’est évidemment une reconnaissance plus globale et un souci plus précis et particulier de la vérité historique et de la reconnaissance que cette vérité historique impliquerait.

    C’est-à-dire que la victime de cette instrumentalisation électoraliste est la vérité historique ?

    C’est à la fois la vérité historique et à la fois celles et ceux qui ont été victimes des violences coloniales, leurs descendants et les héritiers de l’immigration coloniale et postcoloniale qui sont bien forcés de constater une fois encore qu’ils sont victimes d’une discrimination mémorielle et commémorielle.

    Vous êtes président de l’association 17 Octobre 1961 contre l’oubli, pensez-vous que cette date est connue du peuple français ?

    Cette date commence à être connue plus largement en effet grâce à la mobilisation de très nombreuses associations de partis politiques et d’organisations syndicales qui, à chaque date anniversaire, le 17 octobre, et encore il y a quelques jours le 17 octobre 2018, se réunissent au Pont St Michel, mais il y a également des rassemblements dans plusieurs villes de banlieue et en province qui ne se contentent pas de commémorer mais d’exiger que des reconnaissances soient faites, d’exiger aussi l’ouverture des archives, exiger enfin la construction d’un lieu de mémoire à la mémoire de ceux qui ont été arrêtés, massacrés, torturés et assassinés le 17 octobre 1961, dans les jours précédents et dans les jours qui ont suivi cette date sinistre, ce qui fait qu’effectivement, une partie de l’opinion publique sait ce qui a été perpétré à l’époque par la police française qui agissait sous les ordres du préfet de police de l’époque Maurice Papon.

    Je n’ai jamais compris pourquoi on nous appelait « les musulmans » au lieu de dire « les Algériens ». Pourquoi la France coloniale nous a-t-elle refusé notre algérianité et nous renvoyait-elle vers une confession ?

    Pour des raisons, me semble-t-il, qui ne sont pas forcément simples mais qui sont aisées à comprendre. Qualifier les populations indigènes et les populations autochtones d’Algériens, comme on l’a vu après 1945, entraînait quasiment immédiatement la reconnaissance du peuple algérien. C’est exactement ce que les responsables de la IVe République, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne voulaient pas, d’où effectivement l’appellation tout à fait singulière de « Français musulmans d’Algérie », d’autant plus singulière sous la IVeRépublique que celle-ci venait de rappeler qu’elle condamnait toute discrimination de quelque origine que ce soit, or, à l’évidence, l’appellation « Français musulmans d’Algérie » visait à distinguer au sein de celles et ceux qui vivaient en Algérie, une catégorie particulière, de la distinguer des Français venus de métropole et, au fond, de constituer ces Français musulmans d’Algérie comme un corps spécifique d’exception sur lequel va s’appliquer, après le déclenchement de la Guerre d’Algérie, de nouveau, hélas, des dispositions et des principes d’exception, dispositions juridiques et pratiques d’exceptions relatives à la guerre et contre-révolutionnaires.

    Nous sommes là, je pense, au cœur du concept « racisme d’État ».

    C’est l’une des manifestations, effectivement, du racisme d’État et qui va perdurer sous la IVe et sous la VeRépublique au moins jusqu’à 1962.

    Le colonialisme n’est-il pas une aberration ?

    Ce jugement peut être porté de façon rétrospective sans doute, mais du point de vue des contemporains, le colonialisme n’était pas du tout pour eux une aberration, c’était au contraire un moyen absolument essentiel, et notamment pour les fondateurs de la IIIe République et pour la France en particulier, de rétablir la France comme grande puissance européenne parce que grande puissance coloniale et, pour eux, il s’agissait donc d’une entreprise à laquelle ils accordaient la plus grande importance parce qu’ils étaient convaincus que c’était la seule façon d’éviter une décadence à la fois économique, sociale, politique, de la France, comparativement aux autres États européens et de cela, ils étaient extrêmement fiers puisque ce sont les républicains qui ont permis à la France de devenir la seconde puissance impériale du monde. Et donc, d’un point de vue économique, politique, et géopolitique, pour eux et à leurs yeux, ce n’était absolument pas une aberration mais une nécessité nationale, internationale et géopolitique.

    D’après vous, pourquoi le mensonge est-il structurel dans l’histoire coloniale ?

    Il l’est en partie parce qu’un certain nombre de dispositions juridiques et de dispositions répressives, de techniques de répression et de techniques de guerre sont évidemment absolument contraires aux principes républicains et aux principes démocratiques. D’où la nécessité, pour éventuellement occulter ces contradictions, de forger un grand récit impérial républicain qui est évidemment un grand récit mythologique et, dans les cas les plus graves, de forger ce qu’il faut effectivement appeler un véritable mensonge d’État. Je pense à deux événements particulièrement terribles : les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata et, évidemment, même si les massacres sont beaucoup moins importants, au massacre du 17 octobre 1961 pour lequel va être forgé, effectivement, ce qu’il faut bien appeler un véritable mensonge d’État tendant à accréditer l’idée que ce sont les manifestants pacifiques appelés par le FLN qui portent la responsabilité des morts et à minimiser de façon très spectaculaire le nombre de morts algériens à l’époque, par conséquent, à minimiser aussi la responsabilité de l’État en général et de Maurice Papon en particulier.

    À propos de Maurice Papon, ne pensez-vous pas qu’il est un criminel contre l’humanité ?

    Il faut tout d’abord rappeler que Maurice Papon a effectivement été condamné pour complicité de crimes et de génocide en raison de ses responsabilités pendant la période de Vichy. Relativement au 17 octobre 1961, il faut rappeler et ce sera une façon de lui rendre hommage, qu’un certain nombre d’avocats et notamment Maître Nicole Dreyfus considéraient que les massacres du 17 octobre 1961 étaient constitués d’un crime contre l’humanité et qu’à ce titre, Maurice Papon portait une responsabilité politique, policière et personnelle écrasante et qu’on était en droit effectivement de considérer qu’il avait commis là un crime contre l’humanité.

    La responsabilité de François Mitterrand est aussi établie, notamment dans l’affaire Fernand Iveton, notre camarade qui a été guillotiné. Mitterrand était Ministre de la Justice à l’époque et a refusé sa grâce. N’est-ce pas toute l’administration française qui est impliquée dans la politique répressive ?

    En ce qui concerne le 17 octobre 1961, Mitterrand n’est pas aux affaires. Ceux qui sont impliqués sont le ministre de l’Intérieur Roger Frey, le Premier ministre Michel Debré, mais, vous avez raison, je n’oublie pas les responsabilités de François Mitterrand en tant que ministre sous la IVe République, et qui a déclaré que la France s’étendait de Dunkerque à Tamanrasset et, effectivement, sa responsabilité dans l’exécution d’un certain nombre de militants du FLN et, comme vous l’avez cité précédemment, de Fernand Iveton.

    Aujourd’hui, l’Algérie fait face comme certains autres pays, à un néocolonialisme déchaîné ; je pense à l’attaque de l’OTAN sur la Libye, de la déstabilisation de la Syrie, etc. D’après vous, toutes ces guerres ne sont-elles pas une continuation des guerres coloniales ?

    Il y a effectivement des phénomènes de continuité entre le passé colonial de la France et un certain nombre de ses interventions militaires actuelles assurément, mais il y a aussi des phénomènes de discontinuité et dans un certain nombre d’États africains et anciennes colonies françaises, qui se trouvent dans un état économique, social et financier absolument catastrophique, on ne peut pas exempter les responsables de ces États de leurs responsabilités. Ils portent une responsabilité première et on pourrait ajouter que la France est souvent complice de l’état dans lequel se trouvent ces pays.

    Il y a un courant révisionniste sur les deux rives de la Méditerranée, en France et en Algérie, qui veut blanchir le colonialisme. Ne pensez-vous pas que ces personnalités qui ont pignon sur rue poursuivent l’œuvre de nombreux intellectuels tels que Victor Hugo, par exemple, en prétendant que le colonialisme était un bienfait ? Comment expliquez-vous le retour du révisionnisme en Algérie et en France ?

    Pour ce qui est de la France, il faut rappeler que cette offensive du révisionnisme de l’histoire coloniale débute notamment avec la loi du 23 février 2005, qui est une entreprise politique et juridique de réhabilitation sans précédent du passé colonial français, et rappeler que contrairement à ce que beaucoup pensent encore aujourd’hui, cette loi n’a toujours pas été abrogée et donc, on est en droit de considérer que cette loi est une loi scélérate parce qu’elle porte atteinte à des droits et à des principes démocratiques élémentaires et notamment un principe démocratique élémentaire qui est que l’État, quelle que soit sa nature et à fortiori si c’est un État qui se dit démocratique, ne peut pas et ne doit pas intervenir dans l’Histoire et moins encore chercher à établir une version officielle de l’Histoire en général et de l’histoire coloniale en particulier.

    Que signifie pour vous les insurrections de l’émir Abdelkader, des Bouamama, des Mokrani, etc. et de mes ancêtres, les Abdelmoumen, qui ont tenu le siège de Constantine en 1830 ?

    Contrairement au discours officiel des responsables politiques de l’époque et des militaires, la pacification de l’Algérie n’a pas été un long fleuve tranquille, bien au contraire, puisque, effectivement, les autorités politiques et militaires françaises n’ont pas cessé de se heurter à des résistances, des insurrections, qui prouvent que, contrairement à ce qui est dit parfois, ceux qu’on appelait à l’époque « les indigènes » avec beaucoup de mépris n’étaient pas du tout résignés mais ont cherché, à chaque fois que cela était possible et en dépit des risques qu’ils encourraient pour leur liberté et pour leur vie, à s’opposer à l’entreprise impériale et coloniale française.

    Que signifie pour vous la Révolution algérienne du 1er Novembre 1954 ?

    Cela signifie très clairement que les dirigeants de l’époque ayant acquis la conviction parfaitement établie et légitime que le colonialisme français en Algérie ne céderait pas d’un pouce par la voie pacifique et la voie des négociations, et qu’il était nécessaire de combattre ce colonialisme par la force des armes afin de faire triompher ce qui est pourtant acquis pour cette même république mais refusé aux Algériens, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Comment expliquez-vous que des résistants au nazisme pendant la guerre 39-45 aient pu commettre, pour certains d’entre eux, les crimes du 8 mai 1945, qu’ils soient de gauche ou de droite ?

    C’est effectivement assez difficile à comprendre aujourd’hui, ceux qui avaient pris les armes contre l’occupant ne considéraient pas moins que pour défendre la France, son autorité européenne et son autorité internationale, il fallait défendre coûte que coûte l’empire colonial français en général et l’Algérie française en particulier. Ce qui permet effectivement de comprendre pourquoi des forces de droite comme de gauche, parti communiste compris, se sont engagées pour défendre l’empire au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, parce que, encore une fois, par la défense de l’empire, il s’agissait de rétablir la France comme grande puissance européenne et mondiale et de rétablir la France dans le camp des vainqueurs.

    La France d’aujourd’hui ne doit-elle pas cesser de soutenir des régimes africains, y compris le pouvoir algérien, pour ses propres intérêts même si cela va à l’encontre de l’intérêt des peuples ?

    Il me semble relativement clair que dans un certain nombre de cas d’anciennes colonies françaises dirigées par des dictateurs ou des régimes autoritaires, la France porte encore aujourd’hui une responsabilité écrasante ne serait-ce que parce que, pour des raisons géopolitiques, économiques, financières, militaires, la France soutient effectivement ces régimes et, une fois encore, se moque des intérêts des peuples concernés.

    Est-ce une continuité de son passé colonial ou est-ce juste par intérêt géopolitique et économique ?

    Je pense qu’il y a des deux en ce sens que la France entretient des relations privilégiées avec un certain nombre d’États au Maghreb et en Afrique noire subsaharienne parce que ce sont des anciennes colonies et donc évidemment ce passé est un passé qui pèse sur les relations franco-africaines, pour le dire très largement, et par ailleurs, il y a aussi des enjeux géopolitiques, économiques, financiers et militaires qui déterminent le maintien de ces relations et le soutien appuyé, y compris militaire, à des régimes notoirement autoritaires et notoirement dictatoriaux.

    Vous êtes un intellectuel engagé et un Juste, je tiens à le préciser, et un porteur de lumière. Ne pensez-vous pas que votre engagement doit être un modèle pour les jeunes générations ? Ne doivent-ils pas s’inspirer des parcours comme le vôtre ?

    Je me garderais bien de conclure en ce sens. Chaque génération doit affronter les problèmes qui sont les siens avec les instruments intellectuels et politiques à sa disposition.

    Avez-vous connu des pressions dans votre travail ?

    Je n’ai eu aucune pression quelconque en ce qui concerne l’élaboration, la rédaction et la publication des ouvrages qui sont les miens.

    En tant qu’anticolonialiste, que pouvez-vous dire à tous les résistants anticolonialistes et anti-impérialistes qui résistent dans le monde ?

    Que la lutte continue pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre les dictatures et les régimes autoritaires quels qu’ils soient et pour l’émancipation et contre l’exploitation.

    Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

    Qui est le Dr. Olivier Le Cour Grandmaison ?

    Olivier Le Cour Grandmaison est un politologue et historien français spécialiste des questions de citoyenneté sous la Révolution française et des questions qui ont trait à l’histoire coloniale. Il est professeur de sciences politiques à l’Université d’Évry-Val d’Essonne et a dirigé et animé plusieurs séminaires au Collège international de philosophie.

    Il est président de l’association « 17 octobre 1961 : contre l’oubli » qui préconise la reconnaissance officielle des crimes commis par la Ve République lors du massacre des manifestants pacifiques algériens le 17 octobre 1961 à Paris.

    Il est aussi juge-assesseur désigné par le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), à la cour nationale du droit d’asile (CNDA). Par ailleurs, il appartient au comité de soutien de l’Association Primo Levi à Paris qui est un centre de soins et de soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique.

    Le Dr. Le Cour Grandmaison est l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels « Les Citoyennetés en Révolution (1789-1794) », Paris, PUF, 1992 ; « Les Constitutions françaises », Paris, La Découverte, 1996, « Haine(s) : Philosophie et politique », avant-propos d’Étienne Balibar, Paris, PUF, 2002 ; « Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l’État colonial », Paris, Fayard, 2005 (édité en arabe en 2007, Algérie) ; « Le Retour des camps ? Sangatte, Lampedusa, Guantanamo » avec G. Lhuilier et J. Valluy, Autrement, 2007 ; « La République impériale : politique et racisme d’État », Paris, Fayard, 2009 (édité en arabe en 2009, Algérie) ; « Douce France. Rafles, rétentions, expulsions », collectif, Le Seuil/Resf, 2009 ; « De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’empire français », Paris, Zones/La Découverte, 2010 (édité en arabe) ; « L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies », Paris, Fayard, 2014.

     » » https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2018/10/28/dr-olivier-le-cour-
    URL de cet article 34034
    https://www.legrandsoir.info/la-pacification-de-l-algerie-n-a-pas-ete-un-long-fleuve-tranquille-bie

    • Y-a des gens qui médisent. Il paraîtrait que le procureur en charge de ces affaires aurait été nommé directement par l’exécutif. Il paraîtrait même qu’il serait sous les ordres de l’exécutif.
      Mais à quoi bon s’intéresser à ces choses là quand l’accusé s’en prend aux accents des journalistes. On le sait pourtant que l’extrême-républicain JLM est contre les particularismes régionaux...

    • Mémoire de poisson rouge de la part de « ceux qui savent » et qui aujourd’hui t’expliquent que l’autre là, il « beugle sa mère », alors que bon, tout est réglo quoi...

      JLM sur FB :

      Pour information : Le cadre juridique dans lequel se sont menées les perquisitions de mardi date de 2004 et le vote de la loi « Perben II ». Cette loi a notamment élargi les pouvoirs du procureur pour mener des perquisitions et des saisies dans le cadre d’une enquête préliminaire (comme la possibilité de le mener en se passant du consentement des personnes visées). A l’époque cette loi avait été largement dénoncée comme attentatoire aux libertés. « Le Monde » titrait : « inquiétant pour les libertés publiques » dans un article du 27 janvier 2004. La ligue des droits de l’Homme qualifiait la loi comme « un grave recul de l’État de droit ». Un recours au conseil constitutionnel contre la loi Perben II avait à l’époque été signé par, entre autres : Martine Billard, Robert Badinter, Manuel Valls, François Hollande, Gérard Collomb…

    • Perquisition Mélenchon : un souvenir d’il y a trois semaines... - Par Daniel Schneidermann | Arrêt sur images
      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/perquisition-melenchon-un-souvenir-dil-y-a-trois-semaines

      ""Vous avez la preuve que Mme Belloubet a donné l’ordre de ces perquisitions ?"" demande Léa Salamé à Alexis Corbière, au lendemain de l’orageuse perquisition dans les locaux de la France insoumise. Ah, chère Léa ! La preuve ! Bien sûr que non. Quelques souvenirs, en revanche. Pas très anciens : c’était il y a à peine un mois. La presse se faisait l’écho d’une information : Emmanuel Macron avait personnellement recalé trois candidats à la succession de François Molins au poste de procureur de Paris. Il avait récusé trois candidats issus de la procédure habituelle de nomination. ""L’Elysée prend la main sur les procureurs"" titrait Le Monde. ""Macron veut poser son parquet""titrait Libé. ""Macron veut choisir lui-même ses procureurs"", titrait Mediapart. Au vu et au su de tous, Macron faisait voler en éclats l’increvable fiction française de « l’indépendance de la Justice ». Et envoyait un signal clair : le procureur qui suivra les « affaires sensibles », à commencer par les instructions Benalla, aura réussi son examen de passage auprès de lui.

      Ce tir groupé d’articles date des 25, 26, 27 septembre. Trois semaines à peine. Il faut se souvenir de cet épisode, pour apprécier à leur juste valeur les questions, les éditos offusqués, aujourd’hui, de la même presse, devant les spectaculaires images de la confrontation physique entre Jean-Luc Mélenchon et les policiers qui lui interdisent de pénétrer dans le local de la France insoumise, en cours de perquisition. Confrontation physique qui s’est achevée par l’interruption prématurée de la perquisition, apparemment sans procès-verbal listant les pièces saisies, ce qui entrainera logiquement sa nullité.

    • L’ultra-violence des extrêmes

      « Malaise dans les rangs insoumis » :-) Enfin ! Il était temps que cesse cette béatification de notre Lider Maximo !

      JLM aurait subi le traitement fait à Adama Traoré et à tant d’autres dès qu’ils font mine de se rebeller, on pourrait découvrir des titres du genre « Troisième autopsie, JLM avait une maladie cachée, les policiers ne l’ont pas tué, il est mort de s’être énervé ».

    • Quand la communication en ligne de l’Insoumis dérape

      Sauf que cela ne passe pas, car de nouveaux harceleurs arrivent, de plus en plus virulents, de plus en plus haineux, de plus en plus inquiétants et l’absence de réponse est souvent interprétée comme la validation de la thèse d’un écart qui se creuse entre « les médias » et « les gens ». Théorie sur laquelle prospèrent les mêmes responsables qui ne le sont pas. Certains raids sur Twitter contre des journalistes paraissent à ce point synchronisés et identiques dans la forme qu’on en vient à se demander s’ils ne sont tout simplement organisés sur des salons de discussion fermés. On notera avec un certain amusement que ces militants n’hésitent d’ailleurs pas à brandir fièrement « Je suis Charlie » dans leur biographie de réseaux sociaux, tout en couvrant d’injures des journalistes.

      https://www.zdnet.fr/blogs/zapping-decrypte/quand-la-communication-en-ligne-de-l-insoumis-derape-39875217.htm

      ... et pendant ce temps à #Bure la répression-sans-limites explose tous les compteurs. Dommage de ne pas utiliser l’énergie de la #FI à défendre des droits plutôt que des personnes...

      #melenchonisme #culte_de_la_personnalité #personnification #trollage

    • J’avais déjà vu ça ici https://seenthis.net/messages/730273#message730321 @marielle et j’avais choisi de commenter la publie de @biggrizzly pour ne pas braquer les mélenchonistes... mais visiblement, oui, le #trollage se développe... Lorsqu’un media fera autant pour #Bure, pour #NDDL, pour plein d’autres combats encore, comme le fait #mediapart, peut-être je vous prendrai au sérieux. D’ailleurs ne citer que des hommes journalistes et ne pas tenir compte du travail incroyable et précieux de personnes comme Jade Lingaard, ça en dit long.
      En attendant, c’est pathétique de sur-réagir à ce point là...
      Et non, je ne veux pas débattre avec toi.

    • @val_k : note que je ne regroupe ces captures d’écran que pour en garder trace et en sourire (peut-être) plus tard quand ils seront tous passés à autre chose.

      Ce qu’il se passe à Bure ou NDDL fait partie de la même mission de l’Etat que ce qu’il se passe pour LFI : harcèlement et dénigrement.

      Troller, c’est la seule chose qu’il reste à beaucoup. Et c’est assurément triste. Mais c’est parfaitement indolore pour le pouvoir, on est bien d’accord.

  • La gauche française devrait-elle se détourner davantage de minorités qu’elle n’a jamais choyées ?
    https://www.liberation.fr/debats/2018/10/12/la-gauche-francaise-devrait-elle-se-detourner-davantage-de-minorites-qu-e

    La gauche française n’a aucun discours, aucune revendication en direction des minorités, et tout particulièrement des minorités ethno-raciales. L’enjeu des discriminations pourtant systémiques qui pèsent sur la société française n’est tout simplement pas discuté par la gauche partisane, qui n’a aucune proposition à faire sur la question. L’enjeu pour la gauche française n’est donc pas tant d’en faire moins pour les minorités que d’en dire un peu plus, si elle veut reconquérir un segment de l’électorat qu’elle a pour partie perdu et qui constitue une population largement abstentionniste. Où sont passés le droit de vote des étrangers et le récépissé d’identité pour freiner les contrôles au faciès par la police promis en 2012 par François Hollande dans un programme pour le moins frileux sur la question ? Si la gauche ne parvient plus non plus à parler aux classes populaires blanches, ce n’est pas tant parce qu’elle a trop choyé les minorités que parce qu’elle s’est concentrée sur les classes supérieures, et a délaissé ses horizons égalitaires en adoptant une théorie du ruissellement qui n’a pourtant jamais marché.

    • (tribune entière)

      Par #Julien_Talpin , Chercheur en sciences politiques — 12 octobre 2018 à 10:35

      Pour le chercheur au CNRS Julien Talpin, opposer revendications sociales et défense des droits minoritaires n’est pas une nécessité pour l’emporter électoralement comme le défend l’historien des idées américain Mark Lilla dans son dernier essai, « la Gauche identitaire ».

      L’essai de l’historien américain Mark Lilla, la Gauche identitaire (Stock), rencontre un certain succès éditorial depuis sa sortie en France. Ce qui surprend n’est pas tant son constat relatif à la fragmentation de la gauche américaine, qui est réelle, que l’importation de ses thèses pour penser les conditions de reconquête du pouvoir par la gauche française. La gauche devrait abandonner les minorités pour se concentrer sur des revendications de classe – et encore, le mot n’est pas formulé en ces termes – seules capables de rassembler largement et de permettre la construction d’une majorité électorale. Or il n’y a rien à abandonner, puisque la gauche française ne propose rien en direction des minorités. Si bien que l’invitation de Mark Lilla à approfondir le sillon républicain ne semble pas en mesure d’infléchir l’éloignement de la gauche française de toutes les classes populaires. Une autre voie, pleinement égalitaire, serait pourtant possible.

      Aux Etats-Unis comme en France, la race ne joue pas contre la classe

      La thèse de Mark Lilla est simple. Si Donald Trump a gagné, c’est qu’Hillary Clinton a perdu. Sa défaite serait liée à une focalisation excessive sur le vote des minorités et les revendications sociétales : en courtisant les suffrages des Noir·e·s et des Latinos, des femmes et des minorités sexuelles, la candidate démocrate aurait oublié les mesures sociales. A l’inverse, un candidat comme Bernie Sanders aurait pu l’emporter car il avançait de réelles propositions en direction des classes populaires. Cette thèse est malheureusement trop simple et déforme la réalité. S’il ne fait aucun doute qu’Hillary Clinton était une candidate de l’Amérique qui va bien, et s’est peu adressée aux classes populaires, en faire un héraut des revendications minoritaires est pour le moins osé tant elle a été attaquée à ce sujet par un mouvement comme Black Lives Matter par exemple. A l’inverse, Bernie Sanders, s’il a aussi fait l’objet de critiques sur ses positions en matière d’égalité raciale avait sur ce point des positions beaucoup plus progressistes qu’Hillary Clinton. Ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir de bons résultats dans la rust belt et auprès de la classe ouvrière blanche. Bref, opposer revendications sociales et défense des droits minoritaires n’est pas une nécessité pour l’emporter comme le défend Lilla. Barack Obama, en dépit de toutes les déceptions qui ont suivi, avait également réussi à forger une telle majorité électorale. La construction de majorités politiques, et plus encore d’une hégémonie, n’est en outre pas une simple question d’arithmétique électorale mais de travail politique et organisationnel pour façonner des intérêts communs entre des groupes sociaux qui se fréquentent peu.

      Quand la gauche française s’est-t-elle réellement préoccupée des minorités ?

      Tout n’est pas à jeter dans le livre de Mark Lilla. Il souligne à raison l’immense fragmentation de la gauche américaine et les difficultés de créer des alliances. Le problème essentiel vient davantage de sa réception française autour d’un message simple : ne prenez pas le même chemin que nous ! Attention à la politique identitaire ! Seule une politique républicaine, de défense du bien commun et d’invisibilisation de la question minoritaire permettra à la gauche de gagner les élections. Or ce parallèle est pour le moins discutable.

      Tout d’abord, les mouvements minoritaires pèsent bien moins auprès de la gauche française que ce n’est le cas aux Etats-Unis. Si le Parti démocrate a dans l’histoire pu être contraint de prendre en compte certaines revendications minoritaires – le droit de vote pour les Noir·e·s par exemple, la non-discrimination, la fin de la ségrégation, etc. – on en est loin en France. La gauche française n’a aucun discours, aucune revendication en direction des minorités, et tout particulièrement des minorités ethno-raciales. L’enjeu des discriminations pourtant systémiques qui pèsent sur la société française n’est tout simplement pas discuté par la gauche partisane, qui n’a aucune proposition à faire sur la question. L’enjeu pour la gauche française n’est donc pas tant d’en faire moins pour les minorités que d’en dire un peu plus, si elle veut reconquérir un segment de l’électorat qu’elle a pour partie perdu et qui constitue une population largement abstentionniste. Où sont passés le droit de vote des étrangers et le récépissé d’identité pour freiner les contrôles au faciès par la police promis en 2012 par François Hollande dans un programme pour le moins frileux sur la question ? Si la gauche ne parvient plus non plus à parler aux classes populaires blanches, ce n’est pas tant parce qu’elle a trop choyé les minorités que parce qu’elle s’est concentrée sur les classes supérieures, et a délaissé ses horizons égalitaires en adoptant une théorie du ruissellement qui n’a pourtant jamais marché.

      Refaire de l’égalité le cœur de la matrice à gauche

      Une façon de répondre à la désertion des classes populaires est de suivre la voie tracée par Mark Lilla, Laurent Bouvet ou Manuel Valls. Abandonner un peu plus les minorités, droitiser son discours pour tenter de reconquérir les classes populaires passées à l’extrême droite. Bref, choisir les bons pauvres contre les mauvais. Une autre option, celle de Jean-Luc Mélenchon, consiste à formuler une offre politique reposant essentiellement sur la classe : les problèmes sont essentiellement économiques et sociaux, c’est uniquement par un discours classiste qu’on pourra réunifier les classes populaires, majoritaires et minoritaires. Le problème d’un tel discours est qu’il a peu de chances de séduire ces dernières, qui verraient une nouvelle fois certains de leurs intérêts et de leurs problèmes passer à la trappe. Car si les pauvres minorisés sont (majoritairement) pauvres c’est certes pour des raisons sociales, mais également parce qu’ils sont discriminés à l’embauche, dans l’accès à des logements de qualité, par la police ou dans l’orientation scolaire. Les inégalités sociales et raciales ne s’annulent pas, elles se cumulent. Prendre en compte ces enjeux-là n’implique en rien de formuler des propositions particularistes ou « identitaires ».

      La troisième voie, alternative aux deux précédentes, consiste à défendre un discours d’égalité, sociale, territoriale et ethno-raciale. C’est à cette condition qu’une unification des classes populaires peut être possible, pas en choisissant les pauvres à qui l’on veut parler. Plus encore, croire que la reconquête des classes populaires n’est qu’une question d’offre politique et programmatique – c’est-à-dire de discours – c’est oublier un peu vite que la politisation est surtout une affaire pratique. Sans un travail politique, organisationnel et militant pour construire des intérêts communs, quelle que soit la voie choisie elle ne rencontrera que ce qu’elle a produit jusqu’à présent : le désintérêt et la résignation.

      #Mark_Lilla

  • Les anciens de Goodyear : que sont-ils devenus ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/les-anciens-de-goodyear-que-sont-ils-devenus

    En 2014, la fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens avait marqué le quinquennat de François Hollande. Alors que l’affaire arrive ce jeudi 4 octobre devant les prud’hommes, trois « anciens de Goodyear » racontent comment ils ont rebondi – ou pas - après la fermeture de l’usine. Source : Les Pieds sur terre

  • La #démocratie a un prix (et ceux qui ne peuvent pas payer prennent cher) ...

    Julia Cagé : « En France, les plus pauvres paient pour satisfaire les préférences politiques des plus riches » - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2018/09/07/julia-cage-en-france-les-plus-pauvres-paient-pour-satisfaire-les-preferen

    Le prix d’un vote ? 32 €. Dans son dernier livre, l’économiste soutient, chiffres inédits à l’appui, que l’argent a un rôle déterminant dans le résultat d’une élection. Pire : l’Etat subventionne davantage les orientations politiques des plus aisés, favorisant ainsi les partis de droite.

    Julia Cagé : « En France, les plus pauvres paient pour satisfaire les préférences politiques des plus riches »

    La France est-elle vraiment protégée des groupes de pression ? Sans doute moins qu’elle aimerait le croire. Notre démocratie repose-t-elle sur l’équation « un homme = une voix » ? Pas tout à fait, selon Julia Cagé. Après avoir étudié le financement des médias (Sauver les médias, Le Seuil, 2015), l’économiste, professeure à Sciences-Po Paris, poursuit son exploration des ressorts et des inégalités de notre système représentatif. A partir d’une base de données inédite des financements publics et privés de la vie politique, aux Etats-Unis, en France ou ailleurs en Europe, elle démontre dans son dernier livre, le Prix de la démocratie (Fayard), que ces questions, en apparence techniques, pourraient bien avoir leur rôle dans le sentiment d’abandon des classes moyennes et populaires, et dans la montée des populismes (1). Car, non seulement l’expression politique est capturée par les intérêts privés des plus riches, mais cette confiscation peut avoir un sacré impact sur le résultat des élections. En France, depuis les années 90, le financement de la vie politique est fondé sur quelques grands principes : les dons des particuliers sont encadrés (pas plus de 7 500 euros pour les partis par individu et par an, pas plus de 4 600 euros par élection) ; les entreprises ne peuvent verser des fonds aux candidats ; en contrepartie, l’Etat finance une grande partie de la vie politique. Un système bien imparfait, révèle Julia Cagé, qui subventionne en réalité les préférences politiques des plus riches et favorise donc les partis de droite.

    « Qui paie gagne », écrivez-vous : en France aussi, l’argent fait l’élection. Cela explique l’improbable accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, candidat sans parti ni élu ?

    C’est un cas exemplaire. J’ai commencé à travailler sur le financement de la vie politique en 2014. L’une de mes hypothèses était qu’il fallait une réforme urgente du système de financement public des partis politiques, car il favorise l’immobilisme : l’argent donné par l’Etat aux candidats dépend des résultats obtenus aux dernières législatives. Ça ne permet pas l’émergence de nouveaux mouvements… sauf à attirer suffisamment de dons privés pour compenser ce handicap. Ce n’était encore jamais arrivé en France. C’est exactement ce que Macron a réussi à faire. Fin 2016, En marche !, né en avril, a déjà réuni 4,9 millions d’euros de dons privés. Contre 7,45 millions d’euros pour Les Républicains et seulement 676 000 euros pour le PS. L’innovation politique ne peut pas naître sans être financée. Or, dans toutes les démocraties occidentales, les dons privés vont d’abord aux partis conservateurs qui prônent une politique économique favorable aux plus aisés.

    Quel est le profil des donateurs ?

    On pourrait imaginer que les classes populaires donnent massivement, même pour de faibles montants. Ce n’est pas le cas. En France - comme aux Etats-Unis, en Italie ou en Grande Bretagne -, ce sont les plus aisés qui financent la vie politique. Ils ne sont d’ailleurs pas nombreux. Chaque année, seuls 290 000 foyers fiscaux français font un don, 0,79 % des Français adultes. Mais si on regarde parmi les 0,01 % des Français aux revenus les plus élevés, on s’aperçoit que 10 % d’entre eux font un don. Et ces 0,01 % des Français les plus riches versent en moyenne 5 245 euros par an. Les 50 % des Français les plus pauvres donnent, eux, quand ils donnent, seulement 120 euros par an en moyenne. Mais le scandale, c’est que les dons privés des plus aisés sont financés par l’ensemble des citoyens.

    Pourquoi ?

    Il existe trois formes de financements publics de la démocratie. La première, c’est celui des partis politiques, déterminé tous les cinq ans en fonction des résultats aux législatives : il s’élève à 63 millions d’euros. La deuxième, c’est le remboursement des dépenses de campagnes : 52 millions d’euros par an en moyenne. Et la troisième, dont on ne parle jamais, ce sont les déductions fiscales : votre don à un parti politique est remboursé à 66 %, par le biais d’une réduction d’impôt. Ces réductions représentent 56 millions d’euros par an pour les seuls dons aux partis politiques ! 56 millions d’euros offerts à seulement 290 000 individus qui ont choisi de financer un parti ? Même pas ! Car on ne peut bénéficier de déductions d’impôt… que si on paie l’impôt sur le revenu, ce qui n’est le cas que d’un Français sur deux. Pour le dire autrement si vous êtes parmi les 10 % des Français les plus fortunés, et que vous faites un don de 7 500 euros, celui-ci vous reviendra au final à 2 500 euros. Et le coût de votre don pour l’ensemble des citoyens sera de 5 000 euros. Mais, si vous êtes smicard, étudiant ou travailleur précaire, et que vous donnez 600 euros à un parti, votre générosité vous reviendra à… 600 euros, puisque vous n’êtes pas imposable sur le revenu. Bref, en France, les plus pauvres paient pour satisfaire les préférences politiques des plus riches.

    Le financement de la vie politique expliquerait la « droitisation » des gauches occidentales ?

    Si tous les partis et les candidats recevaient autant de financements privés, ce ne serait pas forcément problématique. Mais ce n’est pas le cas. Les Républicains touchent en moyenne, en France, 11 fois plus de dons privés que le Parti socialiste. On retrouve exactement le même déficit dans les autres pays. Or, on s’aperçoit qu’au Royaume-Uni avec Tony Blair, aux Etats Unis avec Hillary Clinton, en Italie avec Renzi, les partis de gauche se sont engagés dans une course aux financements privés. Ils abandonnent leur électorat populaire pour promouvoir des politiques économiques favorables aux plus aisés.

    Un parti peut-il vraiment « acheter » les électeurs ?

    J’ai analysé, avec Yasmine Bekkouche, doctorante à l’Ecole d’économie de Paris, toutes les élections municipales et législatives en France depuis 1993. Le résultat est net : statistiquement, en moyenne, les candidats les plus dotés et qui dépensent le plus remportent les élections. Bien sûr il y a des exceptions - le cas de Benoît Hamon à la présidentielle le prouve. J’ai estimé le prix d’un vote à 32 euros. Si un candidat met 32 euros de plus que son concurrent dans une campagne, il récolte une voix de plus. Au fond, ce n’est pas très cher un vote…

    Mais la victoire d’un candidat plus riche peut aussi s’expliquer par son talent ?

    Nous avons neutralisé l’effet de la popularité d’un parti une année donnée, le taux de chômage local, le niveau d’éducation moyen et les revenus fiscaux de la circonscription, le nombre de créations d’entreprises localement, le niveau d’investissement de la municipalité, etc. Résultat : toutes choses égales par ailleurs, le budget d’une campagne a bien un impact sur le résultat d’une élection. Mieux, selon nos analyses, l’« étrange défaite » de la droite après la dissolution surprise de Jacques Chirac en 1997, pourrait s’expliquer par l’interdiction, en 1995, des dons des entreprises aux campagnes électorales. Elle n’a eu d’effet que pour les candidats de droite qui touchaient des dons importants venant d’entreprises.

    Comment expliquer que l’argent ait un tel rôle ?

    Les meetings coûtent chers, comme les frais de transports, les conseils en communication et toutes les stratégies qui reposent sur l’utilisation des big datas. Cette utilisation des réseaux sociaux a d’ailleurs un effet pervers. Dans un monde où un candidat pourrait cibler ses électeurs, et si quelques milliardaires peuvent aider une campagne plus sûrement que des milliers d’électeurs, c’est sur cette poignée de personnes qu’il ciblera sa campagne. Encore une fois, les politiques risquent de se couper des classes populaires et moyennes.

    Vous dites que les donateurs de Macron « en ont eu pour leur argent » avec la suppression de l’ISF. N’est ce pas un peu rapide ?

    Derrière la formule, il y a une évidence : une personne soumise à l’ISF qui a donné 7 500 euros à la République en marche, ce qui lui est revenu à 2 500 euros, et qui voit l’ISF supprimé a effectivement fait un bon investissement. Le politiste américain Martin Gilens a comparé les souhaits des citoyens américains exprimés dans les sondages depuis 1950 (sur la politique économique, étrangère ou sociale), à leur niveau de revenus, et aux politiques effectivement mises en œuvre. Il montre que lorsqu’il y a divergence entre les Américains les plus riches et la majorité des citoyens, les gouvernements tranchent systématiquement en faveur des 1 % les plus riches. Pourquoi n’y a-t-il pas de révolution ? Gilens a une formule extraordinaire : il parle de « démocratie par coïncidence ». Sur beaucoup de sujets - la légalisation de l’avortement ou l’intervention en Irak -, les plus riches sont en phase avec la majorité. Mais c’est pure coïncidence. Le salaire minimum réel, lui, a baissé depuis les années 50. Ce sentiment de dépossession alimente le populisme.

    Que proposez-vous pour y remédier ?

    Certainement pas de supprimer tout financement public des partis parce qu’ils seraient « pourris », comme l’a obtenu le mouvement Cinq Etoiles en Italie ! La démocratie a un prix. Si ce coût n’est pas porté de manière égalitaire par l’ensemble des citoyens, il sera capturé par les intérêts privés. Il faut au contraire renforcer le financement public de la démocratie. Je propose la création de « Bons pour l’égalité démocratique ». Il ne s’agit pas de dépenser plus, mais autrement : tous les ans, en cochant une case sur sa feuille d’impôt, chaque citoyen aura la possibilité d’allouer 7 euros au mouvement politique de son choix. Il ne les sort pas de sa poche, mais il demande à l’État de donner 7 euros du fonds pour le financement des partis à celui de son choix.

    Et quand on est abstentionniste ou anti-parti ?

    Alors vos 7 euros sont donnés en fonction des résultats aux dernières législatives. C’est une manière de favoriser l’émergence de nouveaux mouvements, et c’est égalitaire : un même montant fixe est alloué à chaque citoyen.

    Vous supprimez les dons privés ?

    Je les limite à 200 euros par an, c’est déjà beaucoup par rapport au revenu moyen français. Si on cherche l’égalité politique, on ne peut pas permettre aux citoyens de donner 7 500 euros à un parti puisque c’est un geste impossible à beaucoup.

    Vous prônez également la création d’une « Assemblée mixte » où seraient mieux représentés les ouvriers et les employés. Comment sera-t-elle élue ?

    Le Congrès américain compte moins de 5 % d’ouvriers et d’employés alors qu’ils représentent la moitié de la population. Aucun ouvrier ne siège aujourd’hui à l’Assemblée nationale française. Je propose de laisser inchangées les règles de l’élection des deux tiers des députés. Mais qu’un tiers de l’Assemblée soit élu à la proportionnelle intégrale, par scrutin de liste, où sera imposée une moitié de candidats ouvriers, employés, chômeurs ou travailleurs précaires. Comme pour la parité entre hommes et femmes il faut se saisir des outils de l’Etat de droit pour imposer l’égalité démocratique.

    (1) Voir aussi le site Leprixdelademocratie.fr, où sont recensées toutes les données du livre et où l’on peut « tester » les hypothèses de Julia Cagé sur son propre député.

    • #fausse_gauche_sociale-libérale

      Lors de l’élection présidentielle française de 2012, Julia Cagé signe l’appel des économistes en soutien au candidat François Hollande en raison de « la pertinence des options [proposées], en particulier pour ce qui concerne la reprise de la croissance et de l’emploi ».

      En janvier 2016, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017, Julia Cagé est l’un des onze initiateurs de l’appel « Notre primaire » pour une primaire à gauche.

      Le 24 janvier 2017, elle cosigne une tribune de soutien à Benoît Hamon en vue de la primaire citoyenne de 2017, intitulée « pour un revenu universel crédible et audacieux ». Elle s’indigne dans un tweet que le site La Tribune.fr ait défendu qu’il ne s’agissait pas, en réalité, d’un revenu universel.

      Le lendemain du second tour de la primaire et de l’élection de Benoît Hamon, Thomas Piketty explicite les modalités de versement de la proposition de revenu universel défendu par les 10 économistes signataires de la tribune.

      Après la victoire de Benoît Hamon à la primaire, elle devient responsable du pôle « économie » pour sa campagne présidentielle.

    • Démocratie ?
      Où ça ?
      C’est du libération.

      Bon, reconnaissons que l’on peut faire un choix parmi les oligarques qui nous sont présentés par cette presse libre et non faussée.
      De toutes façons les décisions sont prise ailleurs qu’au gouvernement.

      Exemple extrait d’un courrier du blog de Paul Jorion.
      https://www.pauljorion.com/blog/2018/09/24/a-propos-de-jorion-joue-cartes-sur-table-par-etienne-guillermaz/#more-106653

      Je vais moi aussi parler franchement.

      J’ai été invité aujourd’hui même à la journée d’ouverture de la semaine de la transition énergétique qui a lieu en Ardèche et plus précisément à Privas, la préfecture. Pendant toute la journée, de 9h00 du matin à 17h30 les intervenants et officiels se sont succédés pour nous expliquer en long, en large et en travers que la transition énergétique et écologique ne pouvait se faire que par un capitalisme vert et moralisé d’ici 2050. Connaissant et appréciant la profondeur de vos travaux je ne pouvais m’empêcher de tiquer à chaque fois que les entreprises étaient mises en avant en lieu et place de la vertu qui se trouve en chaque être humain (pour peu que ce dernier ait la volonté d’entretenir cette qualité).

      Durant l’atelier de l’après-midi, ayant pour thème « consommer moins, consommer mieux », et que la gentille organisatrice nous demandait de parler sans tabous j’évoquais votre essai « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » et que croyez-vous qu’il se passa ? On m’a ri au nez et les quelques chefs d’entreprises présents ont avancé qu’un programme d’écologie d’Etat coûterait bien trop cher au contribuable et que seul le privé pouvait assurer ce tournant. Et c’est sur ce point que l’atelier a fini par bloquer : combien la sauvegarde l’Humanité allait elle coûter ?

  • Torture en Algérie : la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, une salutaire vérité – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/09/14/torture-en-algerie-la-responsabilite-de-letat-dans-la-mort-d

    Torture en Algérie : la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, une salutaire vérité
    septembre 14, 2018 par salim sellami, publié dans uncategorized
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    EDITORIAL. MACRON PARACHÈVE LE « DEVOIR DE VÉRITÉ » QUE LA RÉPUBLIQUE A EU TANT DE MAL À ASSUMER                                                                           PHOTO DE MAURICE AUDIN PRISE DANS LES ANNÉES 1950. CE JEUNE PROFESSEUR DE MATHÉMATIQUES À L’UNIVERSITÉ D’ALGER, MILITANT COMMUNISTE ET ANTICOLONIALISTE, A ÉTÉ ARRÊTÉ EN 1957 PAR DES MILIATIRES FRANÇAIS ET A DISPARU SANS QUE LES CIRCONSTANCES DE SA MORT AIENT JAMAIS ÉTÉ OFFICIELLEMENT ÉTABLIES. STF / AFP                                
    Editorial du « Monde ». Pour les hommes comme pour les Etats, la vérité fait mal. Plus encore quand, honteuse et douloureuse, elle a été trop longtemps occultée ou refoulée. Pour les Etats comme pour les hommes, le travail de mémoire et la vérité qui en résulte sont pourtant les remèdes nécessaires aux traumatismes du passé.

    Il convient donc de saluer la déclaration faite par le président de la République, jeudi 13 septembre, à propos de Maurice Audin, ce jeune professeur de mathématiques à l’université d’Alger, militant communiste et anticolonialiste, arrêté le 11 juin 1957 par des militaires français et disparu sans que les circonstances de sa mort aient jamais été officiellement établies de façon crédible et sans que son corps ait été retrouvé.

    Soigneusement pesés, les mots d’Emmanuel Macron sont forts : il reconnaît que Maurice Audin « a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté ». Et il ajoute :

    « Sa disparition a été rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement, le système appelé arrestation-détention à l’époque, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger tout “suspect” dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire. Ce système s’est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux », votés par le Parlement en 1956. « Ce système a été le terreau malheureux d’actes parfois terribles, dont la torture, que l’affaire Audin a mis en lumière. »

    Cette reconnaissance n’effacera pas la part d’irréparable que comporte la « tragédie algérienne » – le mot est de Raymond Aron, dès 1957. Mais elle parachève le « devoir de vérité » que la République française a eu tant de mal à assumer. Ainsi, il avait fallu attendre 1999 pour que l’Assemblée nationale reconnaisse que les combats qui firent, de 1954 à 1962, plusieurs centaines de milliers de morts en Algérie furent bien une « guerre » et non de simples opérations de maintien de l’ordre contre des rebelles. Il avait fallu attendre 2007 pour qu’un président français, Nicolas Sarkozy, déplore, à Alger, la « profonde injustice » de la colonisation. En 2012, enfin, François Hollande condamnait, devant les députés algériens, « le système de la colonisation » et « la violence, les injustices, les massacres » – ainsi que la « torture » – qu’il avait engendrés.

    UN PAS DÉTERMINANT
    Conformément aux réalités dénoncées, dès l’époque de la guerre d’Algérie, par des journaux comme France observateur, L’Express ou Le Monde, et en s’appuyant sur les travaux menés par les historiens depuis des décennies, Emmanuel Macron a franchi un pas déterminant. Il a eu raison. Comme il a eu raison de saluer « l’honneur de tous les Français qui, civils ou militaires, ont désapprouvé la torture, ne s’y sont pas livrés ou s’y sont soustraits ». Comme, enfin, il a eu raison d’ouvrir « à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’Etat qui concernent ce sujet » afin que les historiens puissent approfondir leur travail salutaire.

    Récusons par avance les accusations de coupable « repentance » qui pourraient être adressées au président de la République par tous ceux qui préfèrent le déni à la vérité sur les pages sombres de l’histoire nationale. Concernant la guerre d’Algérie, les reconnaître et les assumer lucidement est la seule façon de réconcilier les mémoires des deux côtés de la Méditerranée et d’inviter les Algériens eux-mêmes à s’engager dans une démarche similaire.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/14/torture-en-algerie-salutaire-verite_

  • L’étonnant #pantouflage du mari de Fleur Pellerin
    Par Vincent Jauvert - Publié le 13 septembre 2018
    https://www.nouvelobs.com/economie/20180913.OBS2341/l-etonnant-pantouflage-du-mari-de-fleur-pellerin.html

    C’est l’un des « pantouflages » les plus problématiques de l’ère Macron. Condisciple de Bruno Le Maire à l’ENA, époux de l’ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin, Laurent Olléon est un haut fonctionnaire très en vue dans le cercle du pouvoir - surtout de gauche. Durant le quinquennat de François Hollande, ce conseiller d’Etat de 49 ans a été directeur de cabinet de plusieurs ministres, il a même été pressenti, en 2016, pour prendre la tête du cabinet du président de la République.

    Il a passé le reste de sa carrière au Conseil d’Etat, essentiellement dans le domaine fiscal - si sensible. Jusqu’en août dernier, il était assesseur à la section à la neuvième chambre du contentieux, chargée entre autres de fiscalité. Mieux : depuis plus de trois ans, il présidait (en tant que suppléant) la commission des infractions fiscales. Cette autorité indépendante est obligatoirement saisie par Bercy pour l’engagement de poursuite contre des fraudeurs. C’est dire son pouvoir. Voilà pourquoi un grand cabinet d’avocats d’affaires vient de recruter Laurent Olléon comme associé dans sa branche « Tax » - pour, admet-il, le plus grand bénéfice des clients de la firme, de grands groupes privés. (...)

    #fraudesfiscales

  • Au sommet : "Pour « démilitariser » les relations avec la presse", la #com' de l’#Élysée confiée à un Sylvain Fort qui manque de temps pour son projet de... Dictionnaire amoureux de l’armée française.
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/09/11/sylvain-fort-le-retour-d-un-fidele-de-macron-pour-demilitariser-les-relation

    Sylvain Fort, le retour d’un fidèle de Macron pour « démilitariser » les relations avec la presse, Ariane Chemin et François Krug, LE MONDE | 11.09.2018
    Jusqu’à présent chargé des discours, ce spécialiste de l’opéra va diriger le nouveau pôle communication de l’Elysée pour tenter de restaurer l’image du chef de l’Etat.

    Soudain, sa voix déraille, grimpe vers le ciel, ses yeux avec. Depuis une heure et demie, Emmanuel Macron expose son projet aux 15 000 personnes réunies au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. Mais au moment de conclure, le voilà qui se met à hurler d’une voix qu’on ne lui connaissait pas, hors portée, comme puisée en deçà de lui-même : « Ce que je veux, c’est que vous, partout, vous alliez le faire gagner ! Parce que c’est notre prooojet ! »

    Ce 10 décembre 2016, le candidat novice tient son premier grand meeting. Pour son équipe, c’est l’épreuve du feu. En coulisses, on croise sa jeune bande du ministère de l’économie et de nouvelles recrues aux parcours moins technocratiques. Comme Alexandre Benalla, le jeune patron du service d’ordre. Ou Sylvain Fort, le communicant catalogué « intello de droite » : un normalien agrégé de lettres classiques passé par la finance , un passionné d’opéra auteur de plusieurs livres salués par les connaisseurs.

    Devant sa télévision, un chanteur d’opéra suit justement avec attention les envolées d’Emmanuel Macron. Le baryton Jean-Philippe Lafont s’est produit à la Scala de Milan comme au Festival de Bayreuth. Quelques jours plus tôt, Sylvain Fort lui a proposé de devenir le coach vocal de son candidat. La rencontre est organisée au siège de campagne la veille du meeting. Lafont conseille à Macron de ne pas se laisser « submerger par la foule ». Après sa prestation, le candidat accepte le « programme de travail » que lui propose le chanteur.

    Conseiller discours et mémoire

    C’est aussi en se rendant utile aux moments-clés d’une campagne que, souvent, on gagne sa place à l’Elysée. Au soir de la victoire, le 7 mai 2017, le président de la République n’a plus besoin de baryton, mais Sylvain Fort a su une nouvelle fois se rendre précieux. Quelle version de l’Hymne à la joie pour accompagner la marche du vainqueur de la présidentielle à travers la cour carrée du Louvre ? Pendant que, hors du champ des caméras, Alexandre Benalla guide les pas d’Emmanuel Macron le long de la pyramide, Sylvain Fort impose sa baguette de chef d’orchestre à la cérémonie. Il choisit sans hésiter l’interprétation d’Herbert von Karajan, auquel il a consacré une biographie juste avant le lancement de la campagne présidentielle.

    Un an plus tard, alors qu’Alexandre Benalla a été chassé de l’Elysée et que la rentrée s’annonce difficile, c’est sur Sylvain Fort qu’Emmanuel Macron compte pour restaurer son image. Pendant la campagne, l’amateur d’opéra avait affronté la presse en duo avec Sibeth Ndiaye, une communicante venue de Bercy. Une fois à l’Elysée, il lui a volontiers cédé cette tâche. Il a repris sa plume et s’est installé dans un petit bureau du palais avec le titre de conseiller discours et mémoire .

    C’est à ce père de famille de 46 ans qu’on doit les discours qui ont marqué le début du quinquennat, comme celui destiné à rassurer les catholiques de France, au collège des Bernardins , ou les hommages aux personnalités défuntes, de Simone Veil à Jean d’Ormesson : le crayon posé par le président sur le cercueil de l’académicien dans la cour des Invalides, c’est lui qui est allé l’acheter le matin même chez Gibert, dans le Quartier latin.

    « On ne va pas finir dans un abri antiatomique »

    L’affaire Benalla a obligé l’Elysée à se réorganiser. Côté communication, exit Bruno Roger-Petit, l’ancien journaliste recruté comme porte-parole, une des têtes de Turc de Sylvain Fort. C’est lui qui avait été envoyé au feu au lendemain des révélations du Monde sur le comportement d’Alexandre Benalla lors de la manifestation du 1er-Mai à Paris, lisant laborieusement devant les caméras un texte préparé par le cabinet du chef de l’Etat.

    Dans les prochains jours, Sylvain Fort doit reprendre du service, chapeautant l’ensemble de la communication présidentielle. Il promet un changement de ton. Finies, à l’entendre, les engueulades avec la presse. « On ne pas va finir le quinquennat dans un abri antiatomique, explique Sylvain Fort au Monde. Il faut démilitariser notre communication. »

    C’est pourtant un homme prompt aux philippiques et aux croisades que racontent beaucoup de ceux qui l’ont croisé pendant la campagne, et surtout bien avant. Dans le petit monde de l’opéra, Sylvain Fort s’est fait connaître par des éditoriaux passionnés sur le site Forum Opéra, un webzine fondé en 1999 et qu’il a rejoint cinq ans plus tard en contactant ses fondateurs par e-mail. Il en est devenu rédacteur en chef avant de démissionner en 2007, après une première polémique provoquée par un article sur « la nouvelle école du chant français ».

    En 2015, il étrille dans un feuilleton à clés le directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, élégamment baptisé « Stephanov Sifilissner », et son numéro deux, Jean-Philippe Thiellay, alias « Fistule ». Trois ans après, Sylvain Fort ne comprend toujours pas l’émoi des intéressés. « De la pure satire dans la veine de Pétrone, balaie l’agrégé. Si on ne s’amusait pas la vie serait trop triste… »

    Fin 2015, nouvelle bagarre contre le directeur de l’Opéra. Stéphane Lissner a décidé d’installer des cloisons amovibles dans les loges historiques du Palais Garnier. Colère de Sylvain Fort. La pétition qu’il lance sur le site internet Change.org réunit 34 000 signataires. Même le New York Times s’y intéresse. Le communicant prouve qu’il sait ferrailler, mener des batailles d’opinion et des guerres d’influence. Des talents utiles à l’Elysée, lorsque l’expérience politique est à la fois brève et récente.

    Liens étroits

    La politique, il ne s’y est vraiment mis qu’en 2011, lorsque, « à raison d’une fois par mois », il fréquente le ministre de l’enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, qui s’est lancé quelques mois plus tôt dans sa bataille contre « le cancer de l’assistanat » . La même année, il participe au groupe Fourtou , un club de réflexion informel formé en 2011 par Jean-René Fourtou, patron de Vivendi, pour préparer la réélection de Nicolas Sarkozy. « A l’époque, je travaillais chez Michel Calzaroni, le fondateur du cabinet de conseil en communication DGM. Le groupe se réunissait dans nos locaux, ça m’intéressait d’écouter. »

    Il y croise de jeunes espoirs de l’UMP, comme Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, sympathise avec la plume de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Camille Pascal, qui lui rend hommage dans les remerciements du roman qu’il vient de publier. « Fort est conservateur comme moi car il est attaché à une culture qui n’est plus la culture dominante », explique cet autre amateur d’opéra. De cette époque datent aussi les liens étroits de Sylvain Fort avec un autre membre du groupe, Charles Villeneuve, ancienne star du magazine « Le Droit de savoir » sur TF1, au point de se lancer ensemble dans la rédaction d’un Dictionnaire amoureux de l’armée française pour Plon, projet aujourd’hui en suspens.

    Avec un autre ancien du groupe Fourtou, le journaliste Etienne Mougeotte, Charles Villeneuve a organisé la prise de contrôle par l’homme d’affaires d’origine libanaise Iskandar Safa de #Valeurs_actuelles, un hebdomadaire où Sylvain Fort compte des amis, comme Louis de Raguenel, ancien du cabinet de Claude Guéant au ministère de l’intérieur et désormais rédacteur en chef.

    « Le premier d’entre eux, c’est Sylvain Fort »

    A Normale Sup, vingt ans plus tôt, Sylvain Fort penchait alors pour Jean-Pierre Chevènement tout en se faisant remarquer pour sa voix de baryton, qu’il travaille au Club opérette. Agrégé de lettres classiques, germaniste, il enseigne durant huit ans. A 27 ans, il décroche sa propre collection à L’Arche, une maison d’édition théâtrale réputée. Outre ses traductions de l’allemand (Schiller) et de l’italien (Leonard de Vinci), il a signé une dizaine de livres bien accueillis par la critique. Parmi eux, une Leçon littéraire sur l’amitié aux Presses universitaires de France, un Puccini préfacé par le ténor Roberto Alagna chez Actes Sud ou en 2017, un livre sur Saint-Exupéry publié par la discrète et droitière maison Pierre-Guillaume de Roux. Quand L’Obs interrogera le candidat Macron sur les écrivains qui l’entourent durant sa campagne (Erik Orsenna, Philippe Besson), il répondra : « Le premier d’entre eux, c’est Sylvain Fort. »

    A l’université, le jeune homme finit par s’ennuyer. En 2002, il offre ses services au président de la banque BNP-Paribas, Michel Pébereau, longtemps un des parrains du monde des affaires français. « Le système académique ne me convenait pas, il est peu méritocratique, je suis devenu la plume de Pébereau comme tant de normaliens qui ne savent pas quoi faire de leurs dix doigts », élude Sylvain Fort.

    Il part en Italie participer au rachat de la banque BNL. Six ans plus tard, il est temps de changer à nouveau de carrière. Il entre donc chez DGM, le cabinet de communicants qui conseille des géants comme LVMH ou Bolloré. Et au printemps 2013, il crée finalement sa propre structure Steele & Holt. Un nom de cabinet anglo-saxon, mais en réalité une blague. C’est une référence à la série américaine des années 1980 qui a révélé Pierce Brosnan, Les Enquêtes de Remington Steele, mettant en scène un voleur devenu détective et son associée, Laura Holt.

    Spécialisée dans la finance, Steeve & Holt vise les gestionnaires d’actifs et les banquiers d’affaires, peu à l’aise avec les médias. La société a aussi des activités plus exotiques. On le voit à Genève, en 2016, lors des négociations sous l’égide de l’ONU sur la Syrie, aux côtés de l’opposition démocratique, qu’il conseille. En 2014, Steeve & Holt est recruté par les Saoudiens pour améliorer l’image du royaume en France, où on ne jure que par le Qatar. En janvier 2015, le cabinet se charge ainsi d’attirer les journalistes à un festival d’art contemporain à Djedda. Après le départ de son fondateur pour l’Elysée, Steele & Holt a continué à assurer la communication en France du prince héritier, Mohammed Ben Salman, et celle de son ministre de la culture, venu justement signer en avril un accord de partenariat avec l’opéra de Paris.

    Référence wagnérienne

    A l’été 2016, nouveau changement de cap, grâce à Emmanuel Macron. Sylvain Fort prend ses distances avec sa société. Sur le papier, d’abord, cédant la gérance de Steele & Holt à une société créée pour l’occasion et dont il reste le propriétaire. Cette fois, pas de blague sur les séries américaines : il la baptise Nibelungen, une référence wagnérienne, qu’il finira par dissoudre en novembre 2017, une fois installé à l’Elysée. Il a rencontré Emmanuel Macron au printemps 2016 grâce à un ami, collaborateur de Publicis, qui lui a soufflé que son patron Maurice Lévy cherchait un communicant pour un candidat à la présidentielle.

    « Le duel Sarko-Hollande, très peu pour moi. Je n’étais pas spécialement réjoui par le bilan du président socialiste et je trouvais le système rouillé. » Macron le convoque une seconde fois le jour où il annonce sa démission de Bercy. « Il m’a dit : assieds-toi là. La machine est partie, je n’en suis jamais redescendu. »

    Mieux, il y a pris goût et selon ses adversaires, il saurait parfois marier le pouvoir et sa passion pour la musique. Le 14 juillet, en clôture du défilé parisien, la soprano Julie Cherrier devait interpréter La Marseillaise et L’Hymne à l’amour de Piaf devant le président et des millions de téléspectateurs – un programme arrêté avec le gouverneur militaire de Paris depuis le printemps.

    Quelques jours avant le défilé, sa prestation est annulée sur décision de l’Elysée. La soprano vient justement d’épouser le chef d’orchestre Frédéric Chaslin qui a imprudemment partagé sur Facebook un message critiquant la campagne menée par Sylvain Fort contre le directeur de l’Opéra de Paris. Fort dément toute vengeance, mais assume l’annulation de la prestation : « La séquence a sauté car elle n’était pas au niveau. Et puis, on ne peut pas sortir quelqu’un de l’anonymat un 14-Juillet, une date pour une Jessye Norman ou un Roberto Alagna. »

    Pour qui voudrait s’en prendre au "Bastion social" où à la nouvelle librairie faf du 5eme
    https://www.lexpress.fr/actualite/societe/une-librairie-d-extreme-droite-a-l-assaut-du-quartier-latin_2034002.html

    ou encore se solidariser avec des étrangers démunis autant savoir de quels appuis peuvent bénéficier les fachos au sommet de l’état.

    Après l’affaire Benalla, Macron réorganise l’Elysée, LE MONDE | 11.09.2018, Cédric Pietralunga

    Le chef de l’Etat va nommer un directeur général des services pour chapeauter les 822 salariés de la présidence. Un cabinet de conseil a également audité le fonctionnement du Château.

    Les macronistes le martèlent depuis des semaines, refusant d’y voir une « affaire d’Etat », mais plutôt une simple « affaire d’été ». Révélée le 18 juillet par Le Monde, l’affaire Benalla, du nom de ce proche collaborateur d’Emmanuel Macron mis en examen pour des violences commises en marge du défilé parisien du 1er-Mai, pourrait en tout cas rebondir et se transformer en « affaire d’automne ».

    Alors que la commission d’enquête mise en place par l’Assemblée nationale s’est sabordée, à la suite d’un désaccord entre majorité et opposition sur la liste des personnes à entendre, celle du Sénat a décidé de reprendre ses auditions après la pause estivale, avec le risque, pour le chef de l’Etat, de braquer à nouveau le projecteur sur les dysfonctionnements de l’Elysée. Mercredi 12 septembre, François-Xavier Lauch, chef de cabinet du président, le général Eric Bio-Farina, commandant militaire de l’Elysée, et Maxence Creusat, commissaire à la Préfecture de police de Paris, seront ainsi entendus par les sénateurs de la commission des lois.

    Plus explosif, Alexandre Benalla lui-même devrait être auditionné. Une convocation lui a été adressée pour le 19 septembre. Ce sera la première fois qu’il répondra – sous serment – aux questions des parlementaires, dubitatifs sur les explications de l’exécutif. « La thèse officielle d’un employé qui se consacrait uniquement à une fonction d’organisation sans prendre part à la protection du président nous paraît pour le moins fragile », a estimé Philippe Bas, le président (LR) de la commission des lois du Sénat, dans Le Figaro du 6 septembre.

    A l’Elysée, l’entourage d’Emmanuel Macron se dit pourtant « serein » face à la reprise de ces auditions et de l’attention médiatique qui va de pair. Alexandre Benalla « a été sanctionné par l’Elysée dès le lendemain [des faits]. Il n’a pas été protégé. (…) On n’a rien caché. Il n’y a pas eu obstruction de la justice, je vous le dis les yeux dans les yeux », a lui-même assuré le président de la République, apostrophé le 7 septembre par un passant lors d’une promenade sur le Vieux-Port, à Marseille, à l’issue d’un dîner avec la chancelière allemande, Angela Merkel.

    Eviter que les dysfonctionnements ne se reproduisent

    Mais pas question de rester les bras ballants en attendant les conclusions du Sénat, dont le rapport ne devrait pas être rendu avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Après avoir longtemps hésité sur le calendrier, l’Elysée a décidé d’engager, la semaine prochaine, un vaste chantier de réorganisation des services de la présidence de la République, moyen de répondre aux interrogations de l’opinion publique. Les mauvais sondages qui se succèdent pour le chef de l’Etat en cette rentrée soulignent le trouble provoqué par l’affaire.

    Cette réorganisation commencera par la nomination d’un directeur général des services (DGS) chargé de chapeauter les salariés de l’Elysée. Selon nos informations, le choix d’Emmanuel Macron s’est porté sur Jérôme Rivoisy, actuel directeur général adjoint de Pôle emploi. L’homme n’est pas un inconnu pour le président de la République : MM. Macron et Rivoisy se sont côtoyés à l’ENA, au sein de la fameuse promotion Senghor de 2004, et sont tous les deux membres de l’Inspection générale des finances.

    Ce nouveau DGS travaillera sous l’autorité de Patrick Strzoda, le directeur de cabinet du président. Mis en cause lors de l’affaire Benalla, cet ancien préfet était annoncé sur le départ – il est admis à faire valoir ses droits à la retraite à partir du 6 octobre –, mais Emmanuel Macron, qui déteste se voir imposer le choix des hommes, lui a demandé de rester à son poste.

    Les quatorze services qui composent la présidence de la République (intendance, presse, protocole, décorations, conservation des résidences, etc.) et où travaillent 822 personnes devraient être également restructurés. Objectif : « homogénéiser la manière dont on travaille et améliorer la transversalité entre les services », explique l’entourage d’Emmanuel Macron. Un moyen surtout d’éviter que les dysfonctionnements révélés par l’affaire Benalla – le chargé de mission s’était, faute de contrôle, octroyé des pouvoirs sans commune mesure avec son poste – ne puissent se reproduire.

    Cette réorganisation doit s’étaler jusqu’à la fin de l’année et devrait débuter par la communication. Les services s’occupant de l’image du chef de l’Etat seront ainsi regroupés pour « unifier la manière dont le président de la République s’adresse aux Français ». Ce pôle sera dirigé par Sylvain Fort, un fidèle du président de la République, qui avait été son directeur de la communication lors de la campagne présidentielle et qui occupe actuellement le poste de conseiller discours et mémoire à l’Elysée.

    Sibeth Ndiaye, la conseillère presse et communication de M. Macron, sera son adjointe. En revanche, la fonction de porte-parole « sera supprimée » mais l’ancien journaliste Bruno Roger-Petit, qui occupe le poste depuis un an, « restera au cabinet comme conseiller », précise l’Elysée.

    Mission lancée en octobre 2017

    Paradoxalement, cette réorganisation est le fruit d’une réflexion engagée bien avant l’affaire Benalla. Instruit des errements de François Hollande lors du précédent quinquennat, Emmanuel Macron avait, dès le début de son mandat, conscience de devoir adapter le fonctionnement de l’Elysée, qu’il considérait comme « archaïque ». Dès octobre 2017, une mission avait été confiée en ce sens au contrôleur de gestion de l’Elysée afin de faire un état des lieux du fonctionnement de la présidence.

    « Il a rencontré une cinquantaine de personnes, et le constat a été que, si les employés de l’Elysée ont un fort attachement à ce qu’ils appellent eux-mêmes la “première maison de France”, leur fonctionnement n’était plus adapté », assure un membre du cabinet de M. Macron. De nombreux cas d’épuisement auraient été aussi rapportés. « Les gens sont fiers de travailler à l’Elysée mais il y a de la souffrance », reconnaît-on.

    Fort de ce constat, Emmanuel Macron a décidé, en janvier, de confier à Eurogroup Consulting, un cabinet de conseil en organisation, une « revue des missions » des services de l’Elysée. Objectif : proposer un nouveau mode de fonctionnement de la présidence. Durant six mois, trois consultants ont écumé les couloirs du Château pour « objectiver les choses ». Leur rapport a été rendu début juillet, avant que n’éclate l’affaire Benalla. « Cela nous a renforcés dans la conviction qu’il fallait faire bouger les choses », explique un proche du chef de l’Etat.

    Reste à savoir si cette réorganisation changera réellement le fonctionnement de l’Elysée. A son arrivée, en 2007, Nicolas Sarkozy avait tenté de structurer davantage les services de la présidence. Début 2008, il avait lui aussi nommé un directeur général des services, Charles-Edouard Tollu. Mais l’expérience avait tourné court au bout de deux ans. « On se détestait tellement dans l’entourage qu’il y avait des clans et de la rétention d’information partout, se souvient Emmanuelle Mignon, alors directrice de cabinet du chef de l’Etat. Pour que l’Elysée fonctionne, il faut de la fluidité et de la confiance dans le premier cercle. Et que le président accepte qu’on lui dise les choses, même si elles lui déplaisent

    . »