person:fred turner

  • Visages de la Silicon Valley, Fred Turner et Mary Beth Meehan -
    http://danactu-resistance.over-blog.com/2019/04/visages-de-la-silicon-valley-fred-turner-et-mary-beth-

    A l’automne dernier les éditions C&F, basées à Caen, ont publié un ouvrage d’une grande originalité, intitulé Visages de la Silicon Valley, un essai signé Fred Turner avec des photographies et récits de Mary Beth Meehan.

    Cela débute par Cristobal,vétéran de l’armée américaine durant sept ans, dont trois dans l’Irak en guerre, aujourd’hui agent de sécurité chez Facebook, il gagne une vingtaine de dollars de l’heure, et vu le prix de l’immobilier dans la Silicon Valley, il vit dans un abri au fond d’une cour à Mountain View ! Il constate que les immenses richesses des grandes entreprises ne ruissellent pas vraiment.

    Victor, 80 ans, qui survit dans une petite caravane, au milieu d’autres, non loin du magnifique campus de Google. Ni électricité, ni eau. Et aussi Mary, venue d’un village en Ouganda où elle enseignait l’anglais dans toute l’Afrique, venue rejoindre sa fille, et qui voudrait bien repartir : « C’est la solitude ici, tellement de solitude. »

    Ainsi se succèdent les portraits, magnifiques photographies et textes édifiants, matérialisme partout, spiritualité nulle part, argent coulant à flots mais pas pour tous. Précarité, pauvreté, invisibilité, et parfois peur, l’envers terrible de ce que l’on appelait jadis, le rêve américain !

    #Visages_Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan #C&F_éditions #Silicon_Valley

  • BALLAST | Visages de la Silicon Valley
    https://www.revue-ballast.fr/cartouches-40

    En quelques décennies, la Silicon Valley est devenue la terre promise du capitalisme technologique. Sur les trois dernières années, 19 000 brevets y ont été déposés, 47 000 nouveaux emplois créés et cinq millions et demi de mètres carrés de locaux commerciaux construits. Dans un essai introductif, Fred Turner la compare au Plymouth du XVIIe siècle, où les Pères pèlerins s’installèrent pour former une « communauté de saints », résolument tournés vers un « paradis à venir ». Mais sous le vernis de ce temple de l’innovation, créé pour des « entrepreneurs mâles et blancs », nul besoin de gratter longtemps pour découvrir une réalité peu reluisante. À travers une série de portraits d’habitants de la vallée, Mary Beth Meehan fait ressortir l’anxiété, l’insécurité et la solitude, omniprésentes, que ce soit pour ce vétéran agent de sécurité chez Facebook, obligé d’habiter un abri au fond d’un jardin, ce couple vivant dans un air pollué au TCE, solvant cancérogène utilisé en masse avant que la production de composants électroniques ne soit délocalisée en Asie, cet ouvrier qui a eu la mauvaise idée de parler de syndicalisme dans une usine Tesla, ou encore ces innombrables migrants qui viennent chercher un travail dans la restauration, le ménage, etc. Le modèle de société développé sur ce minuscule territoire a tout d’une dystopie obéissant aux préceptes du darwinisme social : les places de winner se font de plus en plus rares ; même la classe moyenne, incapable de suivre la flambée des prix de l’immobilier, est progressivement éjectée ; de nombreuses familles vivent sur des terres toxiques, provoquant fausses couches et maladies congénitales ; et un enfant sur dix vit dans la pauvreté, alors que le revenu moyen par habitant est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Comme le dit si bien Branton, passé par une usine Tesla : « Avec les conneries d’Elon [Musk], nous allons tous y perdre. » [M.H.]

    #Visages_Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan #C&F_éditions #Fred_Turner

  • Lu sur le Net : Visages de la Silicon Valley
    https://epi.asso.fr/revue/lu/l1812b.htm

    Visages de la Silicon Valley

    Fred Turner et Mary Beth Meehan, cf édition, novembre 2018, 33 euros.

    https://cfeditions.com

    « Si nous aspirons à l’excellence technologique, pourquoi n’avons-nous pas la même exigence en étant bons les uns envers les autres ? »

    Un rapport paru récemment aux États-Unis le souligne : la Silicon Valley, au delà de l’image mythique des « hommes dans un garage qui changent le monde » est avant tout un haut lieu de l’inégalité sociale, de l’exclusion et de la pollution. 90 % des employés de Californie gagnant aujourd’hui moins qu’en 1997 ! Ce qui renforce la vie sans logis et les autres formes de ségrégation que les photographies de Mary Beth Meehan donnent à voir concrètement.

    Fred Turner et Mary Beth Meehan ont choisi d’explorer la Silicon Valley par l’image. Une enquête de sociologie photographique sur les habitants réels de ce haut lieu technologique, accompagnée de récits de vie poignants.

    L’essai de Fred Turner, qui étudie l’évolution de la Silicon Valley depuis des années, pointe la responsabilité des entreprises de technologie et demande qu’un véritable grand dessein soit convoqué, capable d’améliorer vraiment la vie de tous.

    On peut lire un extrait spécimen de ce livre :
    https://cfeditions.com/visages/ressources/visages_specimen.pdf

    _________________
    Association EPI
    Décembre 2018

    #Visage_Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan #Fred_Turner #C&F_éditions

  • Silicon Valley sans fard | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/02/18/silicon-valley-sans-fard

    Visages de la Silicon Valley se veut un essai de Fred Turner, professeur de communication à la Stanford University, avec des photographies, qu’il faut prendre le temps de regarder, de de les scruter, de les contempler pour les faire « parler ». Mary Bett Mehan, la photographe, sait donner à voir comme le texte lui-même. Le tout se veut éclairages sur la réalité du mythe. Combinaison de diplômés et de pauvres qui dévoile une des réalités de la révolution numérique : l’approfondissement des inégalités entre les très qualifiés et les non-qualifiés lié à un éclatement des qualifications moyennes.

    Visage de la Silicon Valley est à la fois un « beau livre » – les images sont bien mises en valeur en affirmant leur nécessité esthétique – et une sorte de réquisitoire contre cette Amérique qui fait cohabiter extrême richesse et extrême pauvreté en perdant le sens même de la notion de solidarité. Ce livre indique simultanément les réactions, actions de résistance, de résilience pour éviter le délitement et dessiner un avenir différent – le socialisme redevient présent outre atlantique – par la lutte contre les mutations climatiques, la crise écologique.

    L’essai de Fred Turner, si américain dans ses références, donne à comprendre le concept de « Silicon Valley » et la réalité du piège qu’il comporte, piège de l’imagerie. Les photographies de Mary Bett Mehan deviennent fondamentales à ce niveau pour abandonner cette mythologie. Cet essai critique à deux voix permet de comprendre tout en laissant percevoir d’autres possibles.

    Fred Turner & Mary Bett Mehan : Visages de la Silicon Valley, C&F éditions, 33€

    Nicolas Béniès

  • Visages de la Silicon Valley
    Mary Beth Meehan (photographies et récits)
    et Fred Turner (essai)
    C&F éditions, octobre 2018.
    https://cfeditions.com/visages

    Cet ouvrage pourrait être qualifié de "sociologie par l’image" : en présentant des portraits et des récits de vie, en les insérant dans des photos de l’environnement (dégradé) de la Valley, il s’agit de comprendre le type d’inquiétude qui traverse tous les habitants de cette région.

    Alors que pour le monde entier, la Silicon Valley est associée à la richesse, à la liberté et à l’innovation, pour celles et ceux qui y vivent, c’est plutôt un monde stressant. En s’intéressant aux personnes qui font vivre la région, mais n’en tirent pas les bénéfices des milliardaires des licornes, on mesure les inégalités, mais aussi la dégradation de l’environnement, parmi les plus pollués des États-Unis.

    Mais c’est en photographiant les personnes qui s’en sortent bien que Mary Beth Meehan sait encore mieux montrer le caractère anxiogène et l’insécurité qui façonnent ce coin de terre.

    En reprenant la parabole des premiers "pilgrims" voulant construire en Amérique une "cité idéale", Fred Turner donne des clés prises dans l’histoire et la culture des États-Unis pour appréhender le "mythe" de la Silicon Valley.

    Mais au delà de la sociologie, c’est aussi à des rencontres très fortes que les photographies nous conduisent. Tous ces gens qui témoignent les yeux dans l’appareil photo d’un rêve devenu dystopie.

    A mettre dans toutes les mains.

    Bonne lecture,

    Quelques articles sur ce livre :

    Les ombres de la Silicon Valley | Portfolios | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/les-ombres-de-la-silicon-valley

    Les invisibles de la Silicon Valley
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/06/les-invisibles-de-la-silicon-valley_5393357_3232.html

    « La Silicon Valley nous montre à quoi ressemble le capitalisme déchaîné »
    https://usbeketrica.com/article/silicon-valley-capitalisme-dechaine

    Des histoires ou des expériences cachées et l’histoire publique d’un lieu | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/12/des-histoires-ou-des-experiences-cachees-et-lhistoire-p

    Silicon Valley : une artiste photographie ses communautés oubliées
    https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/oublies-silicon-valley

    Visages de la Silicon Valley | Cultures de l’Information
    https://cultinfo.hypotheses.org/407

    #Fred_Turner #Mary_Beth_Meehan #Visages_Silicon_Valey #Silicon_Valley #Photographie #C&F_éditions

  • Les ombres de la Silicon Valley | Portfolios | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/les-ombres-de-la-silicon-valley

    Photographe indépendante, Mary Beth Meehan saisit les habitants des États-Unis dans des portraits qui s’affichent en grande dimension. Professeur de communication à Stanford (Californie), ancien journaliste, Fred Turner se passionne pour les racines et ramifications idéologiques et culturelles de la Silicon Valley et pour ses inventeurs – souvent « des entrepreneurs mâles et blancs », écrit-il ici – qu’il a fait connaître dans une « histoire inédite de la culture numérique », publiée en français (en 2013) sous le titre Aux sources de l’utopie numérique. Les deux se sont associés pour composer une autre représentation de la région, quelques dizaines de kilomètres qui s’étirent au sud de San Francisco. Car il n’y aurait pas de Tesla « sans le travail des corps transpirants de milliers de riveteurs, emballeurs et chauffeurs », écrit Turner, pas de Google « sans des légions de codeurs, de cuisiniers, de concierges et d’employés de maison ». Avec 47 milliardaires recensés en 2018, la Silicon Valley « est l’une des régions les plus riches des États-Unis ». Mais malgré un salaire moyen deux fois plus élevé qu’ailleurs dans le pays, c’est aussi « l’une de celles où les inégalités sont les plus marquées ». Voyage aux portes du mythe.

    #Visages_silicon_valley #Mary_Beth_Meehan #C&F_éditions

  • [Essay] Machine Politics by Fred Turner | Harper’s Magazine
    https://harpers.org/archive/2019/01/machine-politics-facebook-political-polarization

    The rise of the internet and a new age of authoritarianism

    par Fred Turner

    “The Goliath of totalitarianism will be brought down by the David of the microchip,” Ronald Reagan said in 1989. He was speaking to a thousand British notables in London’s historic Guildhall, several months before the fall of the Berlin Wall. Reagan proclaimed that the world was on the precipice of “a new era in human history,” one that would bring “peace and freedom for all.” Communism was crumbling, just as fascism had before it. Liberal democracies would soon encircle the globe, thanks to the innovations of Silicon Valley. “I believe,” he said, “that more than armies, more than diplomacy, more than the best intentions of democratic nations, the communications revolution will be the greatest force for the advancement of human freedom the world has ever seen.”

    At the time, most everyone thought Reagan was right. The twentieth century had been dominated by media that delivered the same material to millions of people at the same time—radio and newspapers, movies and television. These were the kinds of one-to-many, top-down mass media that Orwell’s Big Brother had used to stay in power. Now, however, Americans were catching sight of the internet. They believed that it would do what earlier media could not: it would allow people to speak for themselves, directly to one another, around the world. “True personalization is now upon us,” wrote MIT professor Nicholas Negroponte in his 1995 bestseller Being Digital. Corporations, industries, and even whole nations would soon be transformed as centralized authorities were demolished. Hierarchies would dissolve and peer-to-peer collaborations would take their place. “Like a force of nature,” wrote Negroponte, “the digital age cannot be denied or stopped.”

    One of the deepest ironies of our current situation is that the modes of communication that enable today’s authoritarians were first dreamed up to defeat them. The same technologies that were meant to level the political playing field have brought troll farms and Russian bots to corrupt our elections. The same platforms of self-expression that we thought would let us empathize with one another and build a more harmonious society have been co-opted by figures such as Milo Yiannopoulos and, for that matter, Donald Trump, to turn white supremacy into a topic of dinner-­table conversation. And the same networked methods of organizing that so many thought would bring down malevolent states have not only failed to do so—think of the Arab Spring—but have instead empowered autocrats to more closely monitor protest and dissent.

    If we’re going to resist the rise of despotism, we need to understand how this happened and why we didn’t see it coming. We especially need to grapple with the fact that today’s right wing has taken advantage of a decades-long liberal effort to decentralize our media. That effort began at the start of the Second World War, came down to us through the counterculture of the 1960s, and flourishes today in the high-tech hothouse of Silicon Valley. It is animated by a deep faith that when engineering replaces politics, the alienation of mass society and the threat of totalitarianism will melt away. As Trump fumes on Twitter, and Facebook posts are linked to genocide in Myanmar, we are beginning to see just how misplaced that faith has been. Even as they grant us the power to communicate with others around the globe, our social-­media networks have spawned a new form of authoritarianism.

    #Fred_Turner #Autoritarisme #Médias_sociaux #Mobilisation #Extrême_droite

  • Des histoires ou des expériences cachées et l’histoire publique d’un lieu | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/12/des-histoires-ou-des-experiences-cachees-et-lhistoire-p

    par Didier Epsztajn

    Un livre à plusieurs voix. Fred Turner introduit par un court essai « Le mythe de la Silicon Valley », Mary Beth Meehan propose des photographies accompagnées ou non de récits. Loin des clichés et des images mythiques, un espace géographique et social incarné par des visages et des mots.

    Un lieu représentatif de « la mythologie américaine ». En fait de la mythologie étasunienne, les habitant·es des Usa semblent ne compter les autres américain·es que comme quantité négligeable. Fred Turner relie le mythe à d’autres mythes dans l’histoire de ce pays, « La Silicon Valley est « la cité sur la colline » de notre génération et les yeux du monde sont posés sur elle ». Les choses que l’on peut voir et ce qui est caché sous terre, les produits chimiques hautement toxiques enfouis par des entreprises locales entre les années 60 et 80 – la production est aujourd’hui externalisée et les déchets toxiques délocalisés… La terre empoisonnée, les effets sur la santé des habitant·es, les coûts du développement technologique comme effacé par l’enfouissement d’abord et la délocalisation ensuite. Derrière le soleil radieux et le vert des prairies des sources de mort, l’autre face de la technologie.

    Fred Turner revient sur l’histoire des Pères pèlerins, l’éthique protestante, « C’est au prix d’un rejet de leur propre humanité et de celle des peuples autochtones qui les avaient accueillis, que ces Puritains espéraient devenir une communauté de saints », la mainmise sur les richesses et la gloire « méritée », les puritains et la croyance en la prédestination. Aujourd’hui, des entrepreneurs de légende, les jeunes hommes blancs idéalisés de la valley, « Les connotations religieuses des histoires entrepreneuriales masquent la surreprésentation masculine et blanche parmi les élus de la vallée », dans l’oubli pour ne pas dire la négation des ouvrier·es qui ont construit ou entretenu les infrastructures et les bâtiments. L’auteur indique que plus de cinq cents mille migrant·es ont emménagé dans la zone de la baie de San Francisco durant les cinq dernières années et qu’en 2018, « 38% de la population vivant dans la vallée est née hors des Etats-Unis et plus de la moitié s’exprime à la maison dans une autre langue que l’anglais ». Il parle de l’extrême concentration de richesse, « La Silicon Valley n’est pas seulement l’une des régions les plus riches des Etats-Unis, c’est aussi l’une de celles où les inégalités sont les plus marquées », des prix exorbitants des logements, et, de la pauvreté qui touche un·e enfant sur dix, de déficits alimentaires, de celles et ceux dont les revenus ne leur permettent pas d’être « autosuffisants ». Pour reprendre le langage religieux des pères fondateurs, « Dieu a favorisé ceux qui pensaient ne pas avoir de race, ceux qui pouvaient tourner leur esprit vers l’étude de la Bible et leurs yeux vers le paradis à venir, dans lequel tous les corps se fondraient et seul l’esprit pur subsisterait »…

    N’essaye-t-on pas de nous faire croire à la « dématérialisation, » aux avenirs forcément radieux, aux possibilités soi-disant presque infinies des nouvelles technologies, dans le déni des conditions sociales de production, des matériaux dangereux utilisés, du gaspillage énergétique, des conditions de travail et d’exploitations des un·es et des dividendes d’autres…

    Les miroirs aux alouettes des Mark Zuckerberg ou des Steve Jobs et les exigences de nos concitoyen·nes, « Si nous voulons répondre à ces attentes, nous devons détourner notre regard du paradis et le poser sur terre ».

    Je conseille de lire le texte de Fred Turner, de regarder les photographies de Mary Beth Meehan en lisant les courts récits, « Si nous aspirons à l’excellence technologique, pourquoi n’avons-nous pas la même exigence en étant bons les uns envers les autres ? », puis de revenir à l’essai.

    Les images forment avec les mots un ensemble plus que signifiant… Et que dire du papier et des couleurs, de l’épaisseur du livre dans ces dimensions multiples, loin des réductions numériques ou de l’envahissement des technologies plus ou moins intrusives.

    Contre l’instant et les fantasmes technologiques, le temps du regard et de la réflexion.

    Mary Beth Meehan & Fred Turneur : Visages de la Silicon Valley

    Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valérie Peugeot

    Editions C&F, Caen 2018, 112 pages, 33 euros

    Didier Epsztajn

    #Visages_Silicon_Valley #C&F_éditions #Fred_Turner

  • Silicon Valley : une artiste photographie ses communautés oubliées
    https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/oublies-silicon-valley

    Malaise, pauvreté, inégalités, pollution… Derrière le mythe de la Silicon Valley se cache une réalité toxique que la photographe Mary Beth Meehan expose au grand jour. Dans un livre dédié, elle part à la rencontre des communautés vivant en marge de la révolution high-tech.

    Apple, Google, Facebook, Tesla… ces noms font rêver et ont bâti la renommée de la Silicon Valley. Ils évoquent, depuis des décennies, « des perspectives de richesses incommensurables, d’opportunités pour tous, et d’accès universel aux produits des industries les plus innovantes des États-Unis », écrit Fred Turner, professeur à l’Université de Stanford dans Visages de la Silicon Valley.

    Édité en novembre 2018, l’ouvrage raconte, en mots et en images, comment les populations vivent au cœur d’une région envahie par les géants de la tech. On y découvre une réalité « dystopique » où l’humain est négligé, fatigué par une course technologique effrénée à laquelle il ne peut participer.

    Pas de surprise, l’histoire racontée est la même que partout ailleurs : celle d’inégalités creusées par le capitalisme et d’un monde où l’on veut bien faire « dans l’humain » à condition que ça rapporte gros.

    Habituée à travailler en collaboration avec les communautés qu’elle rencontre, Mary Beth Meehan a réalisé sa première installation publique en 2011 à Brockton dans le Massachusetts. Elle dévoilait, à même les murs et en pleine rue, les portraits réalisés durant ses pérégrinations aux allures d’enquête sociologique. Elle a depuis exploré certaines communautés de la Nouvelle-Angleterre et du sud des États-Unis, puis en Californie.

    #Visages_Silicon_Valley #C&F_éditions

  • « La Silicon Valley nous montre à quoi ressemble le capitalisme déchaîné »
    https://usbeketrica.com/article/silicon-valley-capitalisme-dechaine

    A l’invitation de Fred Turner, professeur de Stanford qui a étudié - avec Aux sources de l’utopie numérique : de la contre culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence, C&F Editions, 2012) - la filiation entre les hippies et le rêve d’émancipation par la technologie, Mary Beth Meehan, s’est installée, en « résidence », à Menlo Park. Pendant cinq semaines, elle s’est présentée à des inconnus avec lesquels elle a passé plusieurs jours ou plusieurs heures, et le résultat, un livre de photographies et de témoignages percutant, Visages de la Silicon Valley, est paru le 9 novembre aux éditions C&F. Nous avons rencontré la photographe lors de son passage à Paris.

    #Silicon_Valley #Mary_Beth_Meehan

  • Fred Turner : Silicon Valley Thinks Politics Doesn’t Exist - 032c
    https://032c.com/fred-turner-silicon-valley-thinks-politics-doesnt-exist

    Une interview passionnante de Fred Turner sur l’art et la technologie

    Technology isn’t handed down to us by the gods. At 032c, we inspect the components of our digital reality, fully expecting to see ourselves reflected back. In this interview, excerpted from Rhizome’s Seven on Seven conference publication, What’s to be Done?, editor Nora Khan spoke to media theorist Fred Turner about the tech industry’s frontier puritanism, the myth of “neutrality,” and the idealist art on Facebook’s Menlo Park campus.

    #Fred_Turner #Art #Silicon_Valley #Idéologie_californienne

  • Des hippies aux Gafam : « L’utopie numérique doit être réenchantée »
    https://www.nouvelobs.com/societe/mai-68/20180511.OBS6527/des-hippies-aux-gafam-l-utopie-numerique-doit-etre-reenchantee.html

    Ce n’est pas un hasard si la Silicon Valley s’est implantée tout près de San Francisco, foyer de la contre-culture américaine des années 1960 : la pensée qui a présidé au développement de la micro-informatique puis d’Internet doit beaucoup aux hippies, comme l’a bien montré le sociologue américain Fred Turner. Mais les rêves des années 1970 et 1980, qui faisaient des technologies numériques une porte d’entrée vers un monde meilleur, ont volé en éclats face aux réalités de la nouvelle économie.

    Fred Turner est professeur de sciences de la communication et d’histoire des médias à l’université Stanford, en Californie. Outre « Aux sources de l’utopie numérique », un autre de ses ouvrages a été traduit en français : « le Cercle démocratique. Le design multimédia, de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques » (C&F Éditions, 2016).

    #Fred_Turner #C&F_éditions #Utopie #Silicon_Valley

  • Silicon Valley’s Sixty-Year Love Affair with the Word “Tool” | The New Yorker
    https://www.newyorker.com/tech/elements/silicon-valleys-sixty-year-love-affair-with-the-word-tool

    In the written remarks that Mark Zuckerberg, the C.E.O. of Facebook, submitted in advance of his testimony on Capitol Hill this week, he used the word “tool” eleven times. “As Facebook has grown, people everywhere have gotten a powerful new tool to stay connected to the people they love, make their voices heard, and build communities and businesses,” Zuckerberg wrote. “We have a responsibility to not just build tools, but to make sure those tools are used for good.” Later, he added, “I don’t want anyone to use our tools to undermine democracy.” In his testimony before the Senate Judiciary and Commerce Committees on Tuesday, Zuckerberg referred to “these tools,” “those tools, “any tool,” “technical tools,” and—thirteen times—“A.I. tools.” On Wednesday, at a separate hearing of the House Energy and Commerce Committee, a congressman from Florida told Zuckerberg, “Work on those tools as soon as possible, please.”

    What’s in a tool? The Oxford English Dictionary will tell you that the English word is more than a thousand years old and that, since the mid-sixteenth century, it has been used as the slur that we’re familiar with today.

    In Silicon Valley, according to Siva Vaidhyanathan, a professor at the University of Virginia whose book about Facebook, “Antisocial Media,” is due out in September, “Tools are technologies that generate other technologies.” When I asked an engineer friend who builds “developer tools” for his definition, he noted that a tool is distinct from a product, since a product is “experienced rather than used.” The iTunes Store, he said, is a product: “there are lots of songs you can download, but it’s just a static list.” A Web browser, by contrast, is a tool, because “the last mile of its use is underspecified.”

    Yesterday was not Zuckerberg’s first time being called in and interrogated about a Web site that he created. In the fall of 2003, when he was a sophomore at Harvard, a disciplinary body called the Ad Board summoned him to answer questions about Facemash, the Facebook precursor that he had just released. Using I.D. photos of female undergraduates scraped from the university’s online directories, Facemash presented users with pairs of women and asked them to rank who was “hotter.” (“Were we let in for our looks? No,” the site proclaimed. “Will we be judged on them? Yes.”) By 10 P.M. on the day Facemash launched, some four hundred and fifty visitors had cast at least twenty-two thousand votes. Several student groups, including Fuerza Latina and the Harvard Association of Black Women, led an outcry. But Zuckerberg insisted to the Ad Board that he had not intended to “insult” anyone. As the student newspaper, the Crimson, reported, “The programming and algorithms that made the site function were Zuckerberg’s primary interest in creating it.” The point of Facemash was to make a tool. The fact that it got sharpened on the faces of fellow-students was incidental.

    The exaltation of tools has a long history in the Bay Area, going back to the late nineteen-sixties, when hippie counterculture intersected with early experiments in personal computing. In particular, the word got its cachet from the “Whole Earth Catalog,” a compendium of product reviews for commune dwellers that appeared several times a year, starting in 1968, and then sporadically after 1972. Its slogan: “Access to tools.” The publisher of the “Catalog,” Stewart Brand—a Stanford-trained biologist turned hippie visionary and entrepreneur—would later call it “the first instance of desktop publishing.” Steve Jobs, in his 2005 commencement address at Stanford, described it as “one of the bibles of my generation.” The “Catalog,” Jobs said, was “Google in paperback form, thirty-five years before Google came along. It was idealistic, and overflowing with neat tools and notions.” Jobs’s biographer, Walter Isaacson, quotes Brand as saying that the Apple co-founder was a kindred spirit; in designing products, Jobs “got the notion of tools for human use.” With the rise of personal computing, the term “tools” migrated from communes to software. The generation of tech leaders who grew up taking P.C.s and the World Wide Web for granted nevertheless inherited an admiration for Brand. In 2016, for instance, Facebook’s head of product, Chris Cox, joined him onstage at the Aspen Ideas Festival to give a talk titled “Connecting the Next Billion.”

    Tool talk encodes an entire attitude to politics—namely, a rejection of politics in favor of tinkering. In the sixties, Brand and the “Whole Earth Catalog” presented tools as an alternative to activism. Unlike his contemporaries in the antiwar, civil-rights, and women’s movements, Brand was not interested in gender, race, class, or imperialism. The transformations that he sought were personal, not political. In defining the purpose of the “Catalog,” he wrote, “a realm of intimate, personal power is developing—power of the individual to conduct his own education, find his own inspiration, shape his own environment, and share his adventure with whoever is interested.” Like Zuckerberg, Brand saw tools as a neutral means to engage any and every user. “Whole Earth eschewed politics and pushed grassroots direct power—tools and skills,” he later wrote. If people got good enough tools to build the communities they wanted, politics would take care of itself.

    #Facebook #Fred_Turner #Stewart_Brand #Tools
    This idea became highly influential in the nineties, as the Stanford historian Fred Turner demonstrates in his book “From Counterculture to Cyberculture.” Through Wired magazine, which was founded by Brand’s collaborator Kevin Kelly, the message reached not just Silicon Valley but also Washington. The idea that tools were preferable to politics found a ready audience in a decade of deregulation. The sense that the Web was somehow above or beyond politics justified laws that privatized Internet infrastructure and exempted sites from the kinds of oversight that governed traditional publishers. In other words, Brand’s philosophy helped create the climate in which Facebook, Google, and Twitter could become the vast monopolies that they are today—a climate in which dubious political ads on these platforms, and their casual attitudes toward sharing user data, could pass mostly unnoticed. As Turner put it in a recent interview with Logic magazine (of which I am a co-founder), Brand and Wired persuaded lawmakers that Silicon Valley was the home of the future. “Why regulate the future?” Turner asked. “Who wants to do that?”

  • Le 1 hebdo - « La silicon valley est une île » - Fred Turner en interview
    https://le1hebdo.fr/journal/numero/192/la-silicon-valley-est-une-le-2701.html

    Fred Turner, historien

    Comment définir géographiquement la Silicon Valley ?

    Historiquement, ce qu’on appelle la Silicon Valley est une zone allant du sud de San Francisco jusqu’à la ville de San José. Mais, ces dernières années, elle s’est étendue au quartier de South of Market, au cœur de San Francisco, laquelle est accessoirement devenue la ville-dortoir des industries implantées dans la Silicon Valley.

    Quand la Silicon Valley est-elle née ?

    Tout a commencé au début du XXe siècle. La région, longtemps agricole, a vu s’installer une zone de développement des industries de radio entre 1900 et 1920.

    #Silicon_Valley #Fred_Turner

  • L’empire des GAFA
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-idees/le-journal-des-idees-du-mercredi-07-mars-2018


    Le Journal des idées par Jacques Munier

    La rencontre entre la culture militaire et la contre-culture

    Fred Turner, directeur du département des sciences de la communication de l’université Stanford retrace l’histoire de la Silicon Valley, ainsi nommée en référence au matériau de base des composants électroniques, le silicium. La côte ouest des Etats-Unis est traditionnellement investie par l’industrie militaire, dont la prospérité a largement bénéficié aux entreprises technologiques locales, c’est pourquoi l’historien résume l’efflorescence de l’économie numérique dans les années 60 comme le fruit paradoxal de « la rencontre entre la culture militaire et la contre-culture ». Ce sont des ingénieurs militaires qui ont fourni leurs premières puces électroniques à Steve Jobs et Steve Wozniak, les fondateurs d’Apple. « Historiquement, la culture militaire est bien plus ouverte que les gens ne l’imaginent – explique Fred Turner – et la contre-culture est, dans son versant californien, bien plus à l’aise avec l’idée de commerce que ce qu’on pense. » Mais pour le spécialiste d’histoire culturelle, si des sociétés comme Facebook et Google ont été créées au départ autour de l’idée de bien public, elles se sont progressivement enfermées dans un « palindrome protestant ». Fournir de l’information est bon pour le monde, mais puisque c’est Google qui la fournit, ce qui est bon pour le monde est bon pour Google et inversement. « Et l’argent que nous gagnons en faisant cela est un signe de notre bonté. » Une déclinaison à l’échelle planétaire de l’éthique protestante du capitalisme façon Max Weber, où le chiffre d’affaire est l’indice de l’impact positif sur le monde. Pourtant, observe Fred Turner, Apple, « l’un des membres les plus cyniques de la Vallée se vend comme une entreprise utopiste, alors qu’elle est tout sauf cela. Il suffit d’observer ses pratiques d’approvisionnement et le mal qu’elle fait à l’environnement pour construire les IPhone ».

    #Silicon_valley #Fred_Turner

  • (1) « Afrocyberféminismes » : des pionnières noires du Web aux afroféministes d’aujourd’hui - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2018/02/21/afrocyberfeminismes-des-pionnieres-noires-du-web-aux-afrofeministes-d-auj

    Oulimata Gueye déplore elle aussi le peu de place faite à la question raciale dans l’histoire des technologies de l’information et de la communication. « Le modèle utopique qui a prévalu, autour du livre de Fred Turner Aux sources de l’utopie numérique [dans lequel l’universitaire américain analyse l’impact de la contre-culture hippie sur la révolution numérique] abolit les différences de race, de genre et les frontières, alors que ces histoires restent très masculines, très blanches et classe moyenne », estime Oulimata Gueye, qui appelle à « déconstruire » cette mythologie.

    Je me suis permis d’ajouter un commentaire, car cette approche est biaisée : Fred Turner décrit, et si on lit son texte avec empathie, on voit bien que lui-même serait plutôt d’accord avec Oulimata Gueye.

    Voici le commentaire :
    Cet article est passionnant quand il montre que l’internet n’est pas un produit uniquement occidental.

    Je me permet toutefois de corriger un élément : Fred Turner ne défend pas une utopie numérique blanche et mâle... il la décrit d’une part, et la met en question d’autre part. Il ne faut pas confondre le messager et le message, l’historien qui décrit et l’idéologue qui défendrait. Tout au long de son livre, il articule description et mise en question... et à mon sens, c’est cela qui le rend intéressant.

    Extrait (p. 166) :

    Ce qui n’était pas dans le « Whole earth catalogue » :

    Finalement, quel genre de monde cette élite construirait-elle ? Dans la mesure où le Whole Earth Catalog servirait de modèle à suivre, ce monde serait audacieux, masculin, instruit et blanc. La théorie des systèmes et le pouvoir technologique y seraient vénérés comme vecteurs du changement social. Et il se détournerait des questions de genre, de race, de classe pour s’orienter vers une rhétorique d’émancipation des individus et de petits groupes de personnes.

    Bien que publié dans la période où les Black Panthers et l’American Indian Movement connaissaient leur apogée en tant que mouvements, le Catalogue n’abordait pas les questions d’origine ethnique...

    #Utopie_numérique #Fred_Turner

  • Bonjour,

    Comme vous l’avez peut-être appris, John Perry Barlow est décédé le 7 février des suites de ses problèmes cardiaques. Personnage flamboyant, auteur de la "Déclaration d’indépendance du cyberespace" (8 février 1996, hasard des dates), Barlow occupe une place à part dans la "mythologie" de l’internet. Bien que l’on puisse contester ses idées et son approche libertarienne, il faut lui reconnaître une plume, un style, une énergie hors du commun, qui a marqué très largement les discours sur l’internet et le cyberespace.

    L’auteur de science-fiction cyberpunk Bruce Sterling décrit Barlow en 1992 comme « un pur extraterrestre de la pratique des réseaux informatiques. Il avait une écriture de poète, concise et imagée. Il avait également la perspicacité d’un journaliste, ainsi qu’un esprit loufoque et le sens profond de l’autodérision. Enfin, il était tout simplement doué d’un charme personnel phénoménal. »

    Il est donc tout naturel que John Perry Barlow, et notamment son texte « La déclaration d’indépendance du cyberespace », ait été commenté par les auteur·e·s de C&F éditions. Quelques extraits ci-dessous.

    Olivier Ertzscheid : "L’appétit des géants : pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes"
    https://cfeditions.com/geants

    danah boyd : "C’est compliqué : les vies numériques des adolescents"
    https://cfeditions.com/boyd

    Fred Turner : "Aux sources de l’utopie numérique : de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand un homme d’influence"
    https://cfeditions.com/utopieNumerique

    Olivier Ertzscheid

    L’auteur de « L’appétit des géants » lui a rendu un hommage très particulier et significatif dans les colonnes de Libération du 9 février. Il propose de ré-écrire la « Déclaration d’indépendance du cyberespace » en version 2018... non plus en s’adressant aux tenants du monde industriel, comme le faisait Barlow en 1996, mais aux géants du monde numérique qui emprisonnent l’énergie des internautes dans leurs systèmes de contrôle et leurs espace privés.

    Extrait :

    « Plateformes aux tons pastels et aux logos colorés, vous géants fatigués aux CGU d’airain et aux algorithmes d’acier, je viens du temps des internets d’avant, où nous n’avions pas de "comptes" mais des pages, où chacun pouvait disposer d’une adresse et n’était pas contraint d’habiter par habitude et par lassitude sous le même grand F bleu qui orne votre jardin fermé, et de vivre dans cette fausse proximité que vous nous avez tant vanté et qui est d’abord une toxique promiscuité.

    Au nom du présent que vous avez institué, je vous demande à vous qui êtes désormais le passé, de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes plus les bienvenus parmi nous. Vous avez trop de souveraineté pour que celle-ci ne soit pas enfin questionnée et abolie. »

    On peut retrouver le texte complet et l’introduction/hommage sur Libération (http://www.liberation.fr/debats/2018/02/09/une-nouvelle-declaration-d-independance-du-cyberespace_1628377) et sur le blog Affordance (http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2018/02/nouvelle-declaration-independance-cyberespace-hommage-john-perry )

    danah boyd :

    C’est dans la « Déclaration d’indépendance du cyberespace » que John Perry Barlow utilisa le premier la notion de " digital natives ". Jeune geekette à l’époque de ce texte, danah boyd est resté frappée par la verve de Barlow... mais montre elle aussi combien les dynamiques ont changé, et combien cette notion de "digital natives" est devenu la tarte à la crème des spécialiste du marketing, mais ne représente rien pour les jeunes, ni pour les sociologues.

    extrait :

    « Des manifestes, à l’image de la "Déclaration d’indépendance du cyberespace" de John Perry Barlow en 1996, me parlaient profondément. Barlow disait alors devant les leaders économiques réunis au forum de Davos que la nouvelle « maison de l’Esprit » permettait des « identités sans corps ». J’étais fière d’être une de ces enfants dont il parlait, et qui se vivait comme « native » de cette nouvelle civilisation.

    Vingt ans après, les dynamiques de l’identité en ligne s’avèrent très largement différentes de ce que les premiers adeptes de l’internet avaient imaginé. Même si les jeux en ligne et les mondes virtuels sont populaires parmi certains groupes de jeunes, il existe une différence culturelle majeure entre les sites qui permettent d’endosser un rôle et les médias sociaux, largement plus fréquentés, qui tendent à encourager une atmosphère beaucoup moins fictionnelle. Même si les pseudonymes sont fréquents dans ces environnements, le type de travail de l’identité qui se déroule dans les médias sociaux tels Facebook est très différent de celui que Turkle avait imaginé au départ. De nombreux adolescents aujourd’hui vont en ligne pour socialiser avec des amis qu’ils connaissent dans le monde physique, et ils se définissent eux-mêmes dans des contextes en ligne qui interagissent fortement avec des communautés sociales non-médiées. Ces pratiques, qui encouragent une plus grande continuité entre les mondes en ligne et hors ligne des adolescents, étaient bien moins fréquentes quand j’étais jeune. »

    et

    « La notion de digital natives a des racines politiques, principalement issues du techno-idéalisme américain. Dans sa volonté de contraindre l’élite globale à reconnaître l’importance de la société numérique émergente, John Perry Barlow, un poète reconnu, par ailleurs cyberlibertarien notoire, a forgé ce concept pour diviser le monde entre « eux » et « nous ». Barlow, connu pour avoir été le parolier du groupe The Grateful Dead, savait facilement trouver des mots provocants pour exprimer ses opinions politiques. Ce manifeste lançait un défi explicite aux « gouvernements du monde industriel ». En plaçant ceux qui « venaient du cyberespace » en opposition au monde du passé, il organisait l’affrontement des « natifs » et des « immigrants ».

    Barlow n’était certainement pas le premier à suggérer que les jeunes sont, en raison de leur date de naissance, intimement partie prenante de ce paysage numérique émergent. Mais son langage poétique a mis en relief les craintes implicites d’une fracture générationnelle qui accompagnerait les technologies. En écrivant sa déclaration, il voulait susciter des réactions… et il y est parvenu. Mais beaucoup ont pris sa métaphore au premier degré. Il était fréquent de voir des discours publics mettre en avant l’idée que les « natifs » auraient des pouvoirs et des compétences techniques particulières. L’idée sous-jacente de ces lectures de Barlow est que les adultes doivent craindre ces jeunes qui auraient hérité d’un savoir à leur naissance. »

    Fred Turner

    C’est bien entendu l’historien de l’internet Fred Turner qui offre dans son livre « Aux sources de l’utopie numérique » les hommages comme les critiques les plus soutenues de l’oeuvre et de l’approche de John Perry Barlow.

    Extraits :

    « Barlow rappelait à ses lecteurs « Je vis à barlow@eff.org. C’est là où j’habite. C’est ma maison. Si vous voulez me parler, c’est le seul endroit où vous êtes sûrs de me trouver, à moins que vous ne soyez déjà en face de moi – physiquement. Il est impossible de savoir où je suis. Depuis avril, je ne suis pas resté plus de six jours dans un même lieu. » Dyson et Barlow s’étaient transformés en paquets d’informations, au sens métaphorique, naviguant de conseils d’administration en conférence et agences de presse. Leur perception de l’espace s’était disloquée et s’ils avaient toujours le sentiment d’avoir un foyer, ce dernier était devenu distribué, collant parfaitement à leur idée d’avoir une maison sur la toile.

    De prime abord, la représentation du monde en système d’information telle que le conçoit Kelly s’inscrit fortement dans la pensée d’une époque, celle des années quatre-vingt-dix. Une analogie entre réseaux d’entreprises et écosystèmes naturels sous-tend cette représentation. Une analogie qui imprègne la vision, commune à Barlow et Dyson, d’un monde libéré de sa bureaucratie et guéri de sa schizophrénie grâce à l’internet. Mais à y regarder de plus près, elle pose également une énigme historique. L’idée selon laquelle le monde matériel peut être comparé à un système d’information et modélisé par ordinateur ne date pas de l’internet, mais apparaît bien plus tôt, durant la Seconde Guerre mondiale, dans et autour des laboratoires de recherche financés par l’État, notamment le Radiation Laboratory du MIT. Ces laboratoires ont orienté le développement de l’informatique aux États-Unis.
    [...]
    En 1990, la technologie et les méthodes de management caractérisant le WELL, en sus des réseaux qui s’étaient regroupés autour du système et des organisations proches du Whole Earth, servirent de références pour redefinir le cyberespace lui-même. Cette année-là, John Perry Barlow, expert en informatique, fut unanimement désigné comme la première personne à avoir accolé le mot cyberespace à ce qui n’était encore que le croisement entre les télécommunications et les réseaux informatiques. Puisant largement dans son expérience du WELL, il décrivait ce nouveau cyberespace structuré autour de réseaux informatiques comme une « frontière électronique ». Ce faisant, il bousculait la représentation autrefois dystopienne d’une informatique interconnectée en un espace imaginé pour que les individus puissent se recréer et construire leurs communautés dans les termes provenant des idéaux néo-communalistes. À l’instar des territoires ruraux des années soixante, le cyberespace de Barlow demeurerait au-delà de tout contrôle gouvernemental. Et tout comme un happening ou un Acid Test, il fournirait le décor et les outils au travers desquels les individus entretiendraient des liens intimes et désincarnés entre eux. En invoquant l’image de la frontière électronique, Barlow métamorphosait les normes locales du WELL, notamment son éthique communautarienne dérivée du Whole Earth, son allégeance à une forme de gouvernance non hiérarchique et sa rhétorique cybernétique, en une métaphore universelle de l’informatique en réseau. Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, l’image du cyberespace telle que dessinée par Barlow était sans nul doute devenue l’emblème le plus populaire non seulement des formes émergentes de communication via réseaux informatiques, mais également des formes horizontales d’organisation sociale ou encore des modèles dérégulés de transactions économiques.
    [...]

    Durant l’été 90, Barlow se rendit dans les bureaux du VPL Research de Jaron Lanier et endossa une paire de visiophones et de gants de données VPL. Il publia dans Mondo la description suivante de son expérience : « Soudain, je n’ai plus de corps. Tout ce qui reste du fatras vieillissant qui constitue la plupart du temps mon enveloppe corporelle, c’est une main auréolée d’or qui flotte devant moi telle la dague de Macbeth. Je pointe un doigt vers l’étagère de livres accrochée au mur du bureau et la parcours lentement de haut en bas sur toute sa hauteur... Dans cet environnement palpitant d’inconnu, j’ai été réduit à un seul point de vue. Le sujet “moi” bée intégralement dans un abîme de questions brûlantes. Un véritable Dysneyland pour épistémologues. » Barlow aurait très bien pu décrire là un trip sous acide. Malgré toutes les technologies numériques impliquées, l’expérience dont Barlow fait le récit appartient autant aux années soixante qu’aux années quatre-vingt-dix. Et au cas où le lecteur n’aurait pas percuté, Barlow cite Lanier : « Je pense que c’est le truc le plus incroyable depuis notre virée sur la lune » .

    Barlow qui s’était converti plutôt tardivement à la puissance des technologies numériques, était cependant un vieux briscard du mysticisme et du LSD. Fils de propriétaires de ranch dans le Wyoming, il avait été élevé dans un esprit Mormon, attaché au Parti Républicain. Il n’avait pas été autorisé à regarder la télévision avant l’âge de 11 ans et lorsqu’il le put, il regarda essentiellement des programmes de télévangélistes. À 14 ans, il fut envoyé dans une école catholique et, ironie du sort, c’est à ce moment-là qu’il commença à perdre la foi. À la n des années soixante, alors qu’il fréquentait l’Université de Wesleyan dans le Connecticut, il prit régulièrement part aux activités du groupe de Timothy Leary situé à Millbrook, dans l’État de New York. Sa foi refit surface à l’issue de son premier voyage sous acide. « Le sentiment qu’il y avait quelque chose de sacré dans l’univers m’animait de nouveau », raconta-t-il plus tard. Mais cette présence sacrée ne pouvait être contenue dans un dogme en particulier. Barlow se tourna plutôt vers les inclinations mystiques de Pierre Teilhard de Chardin, prêtre catholique dont il avait découvert les œuvres lorsqu’il était à l’université, et de Gregory Bateson, dont il avait lu Steps to an Ecology of Mind au début des années soixante-dix.
    [...]

    Au début du mois de juin, peu de temps après avoir lu le récit de Barlow sur le WELL, dans un geste qui est depuis entré dans la légende de la cyberculture, Kapor qui se trouvait à proximité de Pinedale, Wyoming, à bord de son jet privé, appela Barlow depuis son avion et lui demanda s’il pouvait faire halte chez lui. Ils s’étaient rencontrés auparavant tant socialement que professionnellement (Barlow avait interviewé Kapor pour le compte d’un magazine informatique) mais ne se connaissaient pas vraiment pour autant. Cet après-midi-là, assis dans la cuisine de Barlow, ils échangèrent sur les différentes opérations répressives menées alors par le gouvernement. Ils décidèrent ensemble de créer une organisation nommée la Computer Liberty Foundation. [...]
    La première et la plus influente des métaphores auxquelles se référait Barlow fut celle de la « frontière électronique ». Kapor et Barlow, tous deux maîtres incontestés de la mise en réseau, obtinrent rapidement une couverture médiatique pour leur nouvelle organisation ainsi que des propositions de financement en provenance de Steve Wozniak, cofon- dateur d’Apple, et de John Gilmore de Sun Microsystems. Ils initièrent une conférence sur le WELL et recrutèrent Stewart Brand pour étoffer le conseil d’administration de la fondation
    [...]

    Tous ceux qui étaient présents au dîner s’accordèrent sur l’idée que l’informatique en réseau était selon les propres termes de Barlow « d’authentiques confins ». « J’ai proposé Electronic Frontier Foundation durant le repas », se souvint Barlow, « et tout le monde semblait trouver ça bien. »

    En dépit de leur orientation libertarienne, les plumes d’Esther Dyson, de John Perry Barlow et de Kevin Kelly exhalaient un parfum de nostalgie d’un monde égalitaire. Pour ces auteurs, et pour ceux que leurs écrits auront guidé, l’internet public des premiers temps semblait préfigurer et aider à faire naître un monde dans lequel chaque individu pourrait agir dans son propre intérêt et dans le même temps produire une sphère sociale unifiée, un monde dans lequel nous serions « tous un ». Cette sphère ne serait pas gouvernée par les décisions de politiques agonistiques, mais s’en détournerait pour suivre le chemin de la prise de pouvoir individuelle assistée par les technologies et l’établissement d’agoras en pair à pair. Pour les prophètes de l’internet, comme pour celles et ceux qui s’en retournèrent à la terre quelque trente ans plus tôt, c’était le gouvernement, imaginé en colosse bureaucratique écrasant, qui menaçait de détruire l’individu ; l’information, la technologie et le marché représentaient alors le salut. »

    La boucle est bouclée. Du Barlow prestidigitateur du discours de l’internet à la situation de concentration et de dépendance actuelle de l’internet à une poignée de géants, il était temps de faire revivre des utopies positives pour que l’internet redevienne ce compagnon de la liberté et de l’action collective. Ce qu’Olivier Ertzscheid a tenté de faire dans son hommage/pastiche de la « Déclaration d’indépendance du cyberespace - V2.0 »

    Bonnes lectures à vous.

    Hervé Le Crosnier

    #John_Perry_Barlow #Fred_Turner #danah_boyd #Olivier_Ertzscheid #C&F_éditions

  • Internet perd John Perry Barlow, l’un de ses plus grands défenseurs
    http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/02/09/32001-20180209ARTFIG00305-internet-perd-john-perry-barlow-l-un-de-ses-plus-

    L’histoire de l’informatique perd l’un de ses meilleurs conteurs. À 70 ans, John Perry Barlow s’est « tranquillement » éteint dans son sommeil, des suites de problèmes cardiaques qui l’avaient affaibli depuis 2015, selon le message commémoratif publié par l’association de défenses des libertés numériques Electronic Frontier Fondation ce 7 février. Celui qui se définissait avec dérision comme un « gourou d’Internet » a joué tout au long de sa vie un rôle de passeur essentiel dans le développement des technologies informatiques, faisant le pont entre des communautés techniques, académiques et le grand public grâce à sa maîtrise du langage et sa malice.

    Qualifié de « barde de la révolution numérique » par ses proches, il s’est rendu célèbre par sa déclaration d’indépendance du cyberespace, un texte écrit lors du forum de Davos de 1996 et repris de manière virale aux prémices du Web pour s’opposer aux tentatives de régulation d’Internet par l’establishment.

    Il a également participé dans les années 1990 à la création du magazine Wired, véritable organe de promotion de la « révolution numérique » qui a permis d’amener la contre-culture hackers aux premiers investisseurs libertariens conservateurs. L’un des premiers numéros envisageait d’ailleurs de le placer en Une. Sans ce type de personnalités, la conversion du sujet numérique en véritable secteur économique et mouvement culturel global n’aurait sans doute pas eu lieu, comme s’est attaché à le démontrer l’historien Fred Turner dans son ouvrage Aux sources de l’utopie numérique.

    #John_Perry_Barlow

  • Rencontre de cultures. Aux origines de la contre-culture aux Etats-Unis dans les sixties | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2018/02/02/rencontre-de-cultures-aux-origines-de-la-contr

    2017 a fêté un cinquantenaire un peu passé inaperçu sauf sur les lieux du crime. San Francisco, sur la Côte Ouest des Etats-Unis, a vu déferler tout ce que la Californie et au-delà comptaient de Hippies et autres survivants des années dites psychédéliques. 1967 est la date retenue pour la naissance de cette contre culture qui semble née de rien, sinon d’une réaction à la guerre du Viêt-Nam. Fred Turner, directeur du département des sciences de la communication à l’Université de Stanford et ancien journaliste a voulu comprendre les racines un peu cachées de cette émergence d’une culture de la jeunesse de ces sixties.

    Il propose, dans « Le cercle démocratique », une véritable enquête dans les soubassements culturels de la société américaine. Son point de départ : la réaction au fascisme et au nazisme qui se servent des nouveaux instruments de communication comme la radio pour embrigader les masses, les faire marcher au pas de l’Oie et tuer dans la répétition martiale tout esprit critique. Les intellectuels de toute sorte, surtout des ethnologues, Margaret Mead en particulier, vont se mobiliser pour lutter contre le fascisme extérieur et intérieur pour construire « l’être humain démocratique ». Construction qui passe par une réflexion sur tous les médias. La stratégie proposée sera celle de l’encerclement – « surround » – démocratique.

    Commencée dans les années 1930, cette stratégie rencontrera celle des créateurs du Bauhaus, à commencer par Grotius. C’est Noholy-Nagy qui jouera le rôle le plus importent en tant qu’ éducateur de cet esprit américain. Le Bauhaus, constitué après la Première Guerre Mondiale avait comme projet de s’inscrire dans l’industrialisation de la société pour, via le design, la contester de l’intérieur. L’objectif était de créer l’« homme nouveau » pour mettre en œuvre le socialisme. A l’épreuve de l’exil, cet « homme nouveau » deviendra « l’homme américain » porteur des valeurs démocratiques.

    L’auteur non seulement insiste sur cette rencontre permise par l’exil mais fait aussi la part de toutes les tentatives pour rompre avec la marchandisation, facteur de diffusion du fascisme. Ainsi la composition de John Cage, « Silence » mais un silence programmé de minutes et de secondes pour inciter les « auditeurs » à s’interroger sur l’organisation des sons.

    Il est donc question, comme le sous titre l’indique, du « design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques », une sorte d’histoire culturelle du 20e siècle fomentant toutes les révolutions numériques qui marquent ce 21e siècle.

    Fred Turner : Le cercle démocratique, traduit par Anne Lemoine, préface de Larisa Dryansky, C&F éditions.

    Nicolas Béniès

    #C&F_éditions #Fred_Turner #Cercle_démocratique

  • Le MoMA et le Cercle démocratique
    https://cfeditions.com/cercleDemocratique

    Bonjour,

    Vient de s’ouvrir à Paris une grande exposition à la Fondation Louis Vuitton avec des oeuvres majeures extraites des collections du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une magnifique collection d’œuvres du XXe siècle provenant d’un des musée majeur de la planète.

    Dans son ouvrage « Le Cercle démocratique », publié par C&F éditions en français, Fred Turner consacre une large part de son analyse au rôle démocratique joué par les musées et particulièrement par le MoMA.

    Herbert Bayer, membre éminent du Bauhaus a inventé pour le MoMA des espaces immersifs, des encerclements de textes, d’images, d’objets qui devaient permettre aux visiteurs de se questionner eux-mêmes à partir du « champ étendu de la vision ». Durant la Seconde Guerre mondiale, le MoMA a servir de repaire au Comitee for democratic morale, un groupe d’intellectuels qui voulaient mobiliser les américains contre le nazisme sans recourir aux méthodes de la « propagande » dont on avait mesuré les dégâts en Allemagne.

    L’exposition de 1941 « Road to victory » est ainsi conçue comme un multimédia, avec textes, images et films encerclant les visiteurs. Le livre montre à la fois l’impact et les théories derrière ces conceptions, mais également les usages détournés qui vont suivre. Car ce modèle immersif va, durant la guerre froide, servir la propagande américaine dans le monde. Les expositions universelles et la grande expo-photo « The family of man » sont ainsi de outils pour défendre the american way of life ... qui est surtout une défense et illustration de la société de consommation.

    Ce qui est passionnant dans ce plongeon dans l’histoire du multimédia avant le numérique, c’est de voir comment les techniques, les projets et les usages inventés alors se retrouvent dans le multimédia global d’aujourd’hui. Comment l’idée de permettre à chacun de décider en connaissance de cause se renverse en bulles de filtres et réseaux d’influence. Le multimédia numérique a commencé principalement avec des outils pédagogiques, de l’hypertexte organisant des connaissances... avant de devenir le support d’un « individualisme autoritaire » et la boîte à malice se situant « au delà de la vérité » qui existe aujourd’hui... et qui n’enlève pourtant rien à nos désirs d’utiliser le multimédia pour construire un monde plus démocratique.

    Jamais univoque et directif, le livre de Fred Turner permet de reconsidérer les événements du passés comme les tendances récentes. Ce livre a obtenu une bourse de soutien du College of American Art et de la Terra Foundation for American Art .

    Il fait un complément idéal pour tous les visiteurs de l’exposition des œuvres du MoMA de Paris qui dure jusqu’au mois de mars. Et pour tous, il pose des questions d’une brûlante actualité tout en replongeant dans l’histoire et le rôle de l’art, des intellectuels et des artistes

    Bonne lecture

    Hervé Le Crosnier

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    Le Cercle démocratique : Le design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques
    par Fred Turner, traduction par Anne Lemoine.
    390 p., 29 €

    https://cfeditions.com/cercleDemocratique

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    [Extraits de la première parties concernant le MoMA (il y a de nombreux endroits où l’on retrouve le MoMA dans ce livre)
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    Au cours de ses dix premières années d’existence, le Museum of Modern Art permet aux Américains de découvrir l’impressionnisme, le futurisme et le cubisme, mais aussi l’architecture moderne, la photographie et la typographie. En 1939, après l’invasion de la Pologne par Hitler, son directeur Alfred Barr et sa femme décident de porter immédiatement secours aux artistes avant-gardistes. Grâce au prestige du musée et du nom de la famille Rockefeller qui les soutient, ils réussissent à faire venir plusieurs artistes réputés aux États-Unis, parmi lesquels Marc Chagall, Max Ernst et Jacques Lipschitz. Avant même l’attaque de Pearl Harbor, Barr et les Rockefeller commencent à transformer le musée en une machine de production idéologique qui appuiera les efforts de propagande des États-Unis au cours de la guerre froide.
    Le champ étendu de la vision développé par Herbert Bayer jouera un rôle important dans ce processus.
    [...]
    Pour les critiques d’art américains, le point le plus surprenant de l’exposition n’est pas tant son contenu que la disposition de celui-ci. Puisque le nouveau bâtiment qui doit héberger le Museum of Modern Art est en cours de construction dans la 53e rue Ouest à Manhattan, Bayer installe l’exposition dans l’espace temporaire du musée, alors situé dans le hall du Rockefeller Center. Gropius et Bayer divisent l’exposition en six sections, chacune possédant sa propre galerie : « Le travail sur le cours élémentaire », « Les ateliers », « Typographie », « Architecture », « Peinture » et « Travaux d’écoles influencées par le Bauhaus ». Sous l’impulsion de Bayer, ces zones deviennent ensuite des variations des environnements visuels élargis qu’il a créés à Paris en 1930 et à Berlin en 1935.
    [...]
    Au gré de leurs déplacements de salle en salle, les visiteurs découvrent des empreintes sur le sol et des représentations graphiques de mains sur les murs qui les orientent vers de nouvelles parties de l’exposition. Un œuf géant est accroché à un mur ; il représente l’enseignement de la forme dans le programme de première année. Des photographies orientées vers le bas sont placées au-dessus des têtes des visiteurs ; des cercles chromatiques pendent du plafond. Dans une salle, un œil gigantesque dessiné sur un mur, juste en dessous d’une fente, observe le visiteur.
    [...]
    Selon l’idéologie du premier Bauhaus, la scénographie de Bayer transforme l’exposition en Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale). Conformément à ses théories de vision étendue, elle encercle les visiteurs, les pousse doucement dans l’une ou l’autre direction, les encourage à suivre le mouvement figuré sur les murs et le sol. Comme dans la psychologie gestaltiste qui sous-tend les théories de Bayer, les visiteurs doivent faire la synthèse des éléments qui leur sont présentés pour se les approprier en construisant des images internes cohérentes. L’exposition même peut suggérer, présenter, abriter ou encadrer mais, au final, il revient aux visiteurs d’agencer leurs propres images du Bauhaus pour qu’elles forment un tout.
    [...]
    Quelques années plus tard, le Museum of Modern Art devient une plate-forme de renforcement du moral américain. Associées à un mode environnemental de direction des mouvements des visiteurs, la flexibilité et l’indépendance offertes par Bayer à ses visiteurs deviendront alors aux yeux des critiques un mode de propagande typiquement pro-américain. La vision étendue de Bayer résout le problème posé par la propagande fasciste et les médias de masse. En effet, il accorde au visiteur un degré important d’agentivité par rapport aux éléments visuels qui l’entourent mais, dans le même temps, il contrôle la forme du champ dans lequel le visiteur est susceptible de rencontrer ces éléments. Grâce à cela, la vision étendue peut amener le visiteur américain à rétablir son propre moral dans des termes fixés par le champ qui l’entoure. Cela signifie qu’il peut exercer cette forme d’agentivité psychologique individuelle dont dépend la société démocratique, et qu’il peut ainsi éviter de devenir l’homme apathique de la masse qui caractérise l’Allemagne nazie. Néanmoins, cette agentivité lui est offerte dans des termes définis par les besoins de l’État américain, et articulés selon la diction visuelle du Bauhaus.
    [...]
    Malgré l’échec de For Us the Living, on ne saurait surestimer les liens étroits qui unissent le Museum of Modern Art au gouvernement américain, pas plus que l’intensité de ses efforts de propagande à la veille de la Seconde Guerre mondiale et au cours de celle-ci. Le musée ne se contente pas de préparer des expositions : il sert également de plate-forme intellectuelle et interinstitutionnelle. En son sein, les artistes rencontrent des diplomates, les anthropologues développent des supports de formation culturelle et les soldats viennent panser les blessures psychologiques que la guerre leur a infligées.
    [...]
    De tous les projets menés à bien, une exposition surtout fait la fierté des responsables du musée : le grand succès propagandiste de 1942, Road to Victory. L’exposition « n’est pas seulement un chef- d’œuvre d’art photographique, mais elle est une des expositions les plus émouvantes et les plus fascinantes jamais organisées au musée ».
    [...]
    En septembre 1941, alors que Margaret Mead et le Committee for National Morale s’efforcent de monter leur exposition sur la démocratie au Museum of Modern Art, l’administrateur David McAlpin se met en contact avec le photographe Edward Steichen. Le musée a commencé à accueillir de petites expositions consacrées à la guerre en Europe et aux idéaux américains au sein du pays, et McAlpin espère que Steichen pourrait en monter une autre dans la même veine.
    [...]
    L’exposition qui en résulte fusionne le photoréalisme familier du magazine Life avec les tactiques gestaltistes de la vision étendue développées par Bayer – et les idéaux utopiques du Bauhaus avec les impératifs propagandistes des États-Unis en guerre.
    Bayer conçoit l’exposition comme une route qui serpente à travers tout le premier étage du Museum of Modern Art en passant devant des images et des textes de tailles variables.

    On pourrais citer ainsi des pages entières du livre... mais je vous laisse les découvrir dans le flux même du texte de Fred Turner, avec des détails d’historiens et une visions globale sur l’importance des musées et des expositions dans la conception « multimédia » et son enjeu propagandiste. Et du rôle tout particulier que joue le MoMA et les artistes-théoriciens du Bauhaus dans ce projet.

    #C&Féditions #Fred_Turner #Cercle_démocratique #Bauhaus #MoMA #Propagande

  • TV : « Un monde sans travail »
    http://abonnes.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/10/11/tv-un-monde-sans-travail_5199546_1655027.html

    A quelques milliers de kilomètres de là, Fred Turner, professeur des sciences de la communication à l’université de Stanford, en ­Californie, se veut un peu plus confiant en l’avenir : « Notre plus grand défi est de faire comprendre que l’innovation technologique n’entraîne pas nécessairement ­l’accroissement des inégalités et l’appauvrissement des gens. Ce n’est pas une fatalité. Pour cela, il faudrait imposer des règles à des sociétés qui n’en veulent plus, comme le partage des bénéfices… Cela fait partie du boulot de ceux qui nous gouvernent. »

    #Fred_Turner #Travail

  • John Cage Performs His Avant-Garde Piano Piece 4’33" ... in 1’22" (Harvard Square, 1973) | Open Culture
    http://www.openculture.com/2016/04/john-cage-performs-his-avant-garde-piano-piece-433.html

    We’ve seen various performances of John Cage’s famous silent piece 4’33". But never during our decade digging up cultural curiosities have we encountered 4’33" performed by Cage himself. That is, until now. Above you can watch a video outtake from Nam June Paik’s Tribute to John Cage, filmed in 1973, in Harvard Square. Boston’s WBGH describes the scene:

    In the video he is seated at a piano, with spectators surrounding him. He toys with his viewer’s expectations by not playing the piano, which is what the general populace would expect from a performance involving a piano. On the piano shelf there are a pocket watch and a slip of paper. He keeps touching and looking at the pocket watch which draws the audience’s attention to the idea of time, and that they are waiting for something to happen, and he also raises and lowers the piano fallboard. There is also text that appears in this particular video that says “This is Zen for TV. Open your window and count the stars. If rainy count the raindrops on the puddle. Do you hear a cricket? …or a mouse.”

    Another unconventional item to add to the list: Cage performs 4’33" in 1’22"!

    Il y a un chapitre entier consacré à John Cage dans « Le cercle démocratique » de Fred Turner.

    #John_Cage #Musique #Silence #Nam_June_Paik

  • Le Cercle démocratique : quand l’histoire nous parle d’aujourd’hui

    [Mail de C&F éditions ]

    Bonjour,

    Avant de vous parler des nouveautés de C&F éditions qui vous attendent cet automne, je voudrais revenir sur les évènements qui ont marqué l’été qui vient de s’écouler.

    Le monde a été surpris par la mobilisation fasciste de l’extrême droite américaine, notamment la démonstration de force de Charlottesville. Et plus encore par la réaction de Donald Trump qui s’est refusé à condamner les néo-nazis armés qui défilaient.

    Mais pourtant, un regard historique nous aurais aidé à penser que ce n’est pas la première fois que les nazis se rassemblent aux États Unis. Fred Turner, l’auteur du livre « Le cercle démocratique » nous le rappelle : en 1939, 22 000 citoyens américains se sont retrouvés au Madison Square Garden pour y proférer les messages de haine du nazisme.

    Retrouvez Fred Turner en vidéo sous-titrée :
    https://youtu.be/0hJay3eprmI

    Mais à la différence de la période actuelle, le gouvernement de Franklin D. Roosevelt a su résister au fascisme. Il a été accompagné pour cela par des intellectuels et des artistes regroupés dans le "Comittee for national morale". C’est par l’histoire et les réflexions de ce comité que débute « Le cercle démocratique ».

    Toujours en vidéo sous-titrée :
    https://youtu.be/672wX13AZcQ

    De leurs idées vont naître les premières conception du "multimédia" : encercler le spectateur dans un ensemble de documents et d’images afin de lui laisser le libre-arbitre... le choix de s’engager contre les nazis, et plus tard de considérer la planète comme le lieu de la « family of man », titre d’une des expositions les plus célèbres des années cinquante.

    Malheureusement, ce rêve de l’autonomie organisée par le multimédia, s’il a perduré aux débuts de l’internet (voir l’autre ouvrage de Fred Turner : « Aux sources de l’utopie numérique ») est aujourd’hui caduc. Le modèle devenu dominant est selon Fred Turner celui de "l’individualisme autoritaire". Nous en voyons les effets dans les mobilisations de l’extrême droite aux États Unis.

    Le regard historique nous aide à comprendre aujourd’hui. Les développements de Fred Turner sur la naissance du multimédia et sur les formes de mobilisation des artistes et des intellectuels sont à cet égard d’une grande utilité. Y compris dans l’analyse des détournements que leurs idées peuvent subir quand les propagandes d’état s’en emparent.

    Retrouvez « Le Cercle démocratique : Le design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques » de Fred Turner
    http://cfeditions.com/cercleDemocratique

    (Sur cette page de présentation, des liens vers les nombreux articles et interviews sur ce livre et la situation du multimédia à l’ère "au delà de la vérité" que nous connaissons).

    Bonne lecture

    Hervé Le Crosnier

    #C&Féditions #Cercle_démocratique #Fred_Turner

  • 500 couvertures de comics, une époque où Hitler se faisait régulièrement démonter
    https://www.actualitte.com/article/bd-manga-comics/500-couvertures-de-comics-une-epoque-ou-hitler-se-faisait-regulierement-demonter/84394

    En cette période troublée, où les gouvernements vacillent quand la monnaie éternue, prise d’un petit rhume, il faut revenir aux bases. Depuis quelques mois, un ouvrage met du baume au cœur des Américains, et rend le sourire. Take That, Adolf !, réunit des centaines de couvertures de pulps et magazines, parus à une époque où l’ennemi était clairement identifié…

    Un bon complément au livre de Fred Turner sur la mobilisation anti-nazi des artistes et intellectuels à la même époque : « Le cercle démocratique » (http://cfeditions.com/cercleDemocratique)

    #Comics #Anti_nazi

  • Fred Turner : « Trump utilise un outil individuel, Twitter, pour promouvoir un monde essentiellement fasciste » - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2016/11/25/fred-turner-trump-utilise-un-outil-individuel-twitter-pour-promouvoir-un-

    Dans son dernier livre, cet universitaire américain poursuit son travail sur les origines de la cyberculture en remontant aux dispositifs multimédias des années 40. La pluralité des images et des médias devait produire des citoyens plus « démocratiques ». Une utopie pervertie.

    #C&Féditions #Fred_Turner #interview