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  • Une belle et longue interview de Raphaël Meltz, co-créateur du Tigre. Il y est assez acide avec la revue XXI, qui répond par ailleurs dans les commentaires.

    Un égo très créatif » OWNI, News, Augmented
    http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre

    En ce qui concerne XXI, mon sentiment est ambivalent : bien sûr qu’il y a quelque chose de réjouissant à voir le succès d’une aventure hors-norme, qui donne à lire de grands reportages écrits “à l’ancienne” (entendre : pas formatés comme on l’apprend dans les écoles de journalisme). Mais je suis gêné par pas mal de choses : le côté “empilement” des sujets, un aspect visuel que je trouve peu cohérent, le refus de “réenchanter” la presse (XXI n’est vendu qu’en librairies, affirmant ainsi que la presse en kiosque n’a plus vocation à croire en la qualité ; je pense au contraire qu’il est essentiel d’être présent à la fois en kiosques et en librairies : sinon la presse “différente” restera cantonnée dans ces lieux culturels relativement élitistes que sont, qu’on le veuille ou non, les librairies).

    Par ailleurs, je suis assez amusé de leur façon de se proclamer indépendant (avec le groupe Gallimard et Charles-Henri Flammarion au capital) et sans publicité (en nouant des partenariats, logos à l’appui, avec la Fnac et France Info)… Bien entendu qu’il y a une part de jalousie derrière tout ça : le succès qu’ils ont obtenu, nous ne l’avons jamais eu avec Le Tigre, alors que, honnêtement, notre projet est beaucoup mieux que le leur… Mais ce que ça montre surtout, c’est la différence entre des gens qui conçoivent leur projet également dans sa portée commerciale, et des clowns dans notre genre qui ne s’intéressent qu’à la beauté du geste – ni à sa réussite, ni à sa longévité. Et des lignes qui précèdent le lecteur conclura aisément que je préfère la compagnie d’un clown à celle d’un cadre commercial.

    La réponse de XXI :

    Petites précisions sur XXI pour prolonger ce débat intéressant et égotiste, comme le définit justement le titre.

    Je passe sur les jugements de valeur sur XXI, qui par définition sont respectables et discutables.

    Mais il y a deux erreurs dans le propos de Raphaël Meltz sur la revue.

    –1 “le refus de “réenchanter” la presse” en étant absent des kiosques

    XXI est vendu dans les rayons livres des Relay (10% des ventes totales), et les maisons de la presse dans les villages et petites villes (20% des ventes totales). La distinction kiosque populaire/librairie élite est peu pertinente car une diffusion en kiosque d’une revue cible justement les kiosques dans les quartiers CSP+.

    –2 “Par ailleurs, je suis assez amusé de leur façon de se proclamer indépendant (avec le groupe Gallimard et Charles-Henri Flammarion au capital) et sans publicité (en nouant des partenariats, logos à l’appui, avec la Fnac et France Info)”

    Avec Patrick de Saint-Exupéry, en tant que co-fondateurs nous détenons plus de 70% du capital. L’indépendance, c’est de maîtriser sa ligne éditoriale et toutes les décisions économiques. La holding familial de Gallimard a pris 20% du capital et Charles-Henri Flammarion, qui a vendu le groupe du même nom il y a quelques années, a pris 3% à titre personnel. Ces actionnaires, séparément ou ensemble, ne détiennent aucune minorité de blocage.

    En ce qui concerne le soupçon de double langage, il y a méprise. Depuis 2009, France Info interroge chaque dimanche matin pendant trois minutes l’auteur d’un reportage de XXI, qui raconte aux auditeurs ce qu’il a vu. Et en 2008, la première année d’existence, nous avons organisé 6 débats avec la Fnac autour des thèmes des dossiers de XXI prolongés par de très nombreuses rencontres dans les librairies indépendantes ou par des portes ouvertes dans nos bureaux en septembre. Raphaël Meltz tient-il ces rendez-vous avec les lecteurs pour de la publicité ?

    Depuis le 1er numéro, XXI ne comporte aucune page de pub. Les abonnements se font par les bulletins insérés dans la revue, sans campagne de recrutement ou marketing direct. Le bouche-à-oreille est notre seul moteur.

    Il n’y a pas d’autres lois pour un journal que celle-ci : être lu et aimé. Cela ne se commande pas. C’est mystérieux et précieux. Le Tigre a son alchimie, délicate et non reproductible. XXI aussi. Et personne ne gagne à baver sur autrui.

    Laurent Beccaria