person:george w. bush

  • Trump stoppe les financements pour l’agence de l’ONU en charge du planning familial

    http://www.slate.fr/story/142718/trump-coupe-financements-onu-planning-familial

    En 2016, les États-Unis avaient contribué 76 millions de dollars au Fonds des nations unies pour la population (FNUAP), une agence de planning familial et de santé reproductive qui aide des femmes dans plus de 150 pays. Selon l’organisation, cette somme avait permis à 800.000 femmes d’avoir accès à des contraceptifs, avait prévenu environ 100.000 avortements dangereux et 10.000 décès en couches.

    Or le gouvernement de Donald Trump vient d’annoncer que tout financement pour cette agence serait arrêté. Le motif mis en avant est que l’agence finance des programmes qui soutiennent « l’avortement coercitif et la stérilisation involontaire » en Chine. La même raison avait été invoquée par George W. Bush et Ronald Reagan.

    Pourtant, comme le rappelle Buzzfeed, le département d’État américain avait enquêté sur le sujet en 2001 et trouvé que le FNUAP ne finançait pas les mesures coercitives chinoises.

    « Le FNUAP ne procure plus aucun soutien financier aux mesures de planning familial du gouvernement chinois. Pas un dollar », a expliqué Peter Yeo, un vice-président de la Fondation pour les Nations Unies.

  • Armes chimiques : comment les espions français et israéliens ont manipulé un ingénieur syrien
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/03/25/le-mossad-les-services-secrets-francais-et-l-informateur-syrien_5100770_3224

    Comment la France et Israël ont manipulé une source pour qu’elle livre des secrets sur les armes chimiques dans le cadre de l’opération « Ratafia ».

    C’est une guerre secrète réservée aux espions. Ses batailles unissent, au sein d’alliances, des agences nationales de renseignement qui s’affrontent bloc contre bloc au nom d’une cause jugée vitale : la lutte contre la prolifération et l’utilisation des armes chimiques. Chose rare, Le Monde a eu accès aux détails d’une opération hautement confidentielle, baptisée « Ratafia » et menée, en France, par les services secrets français et leurs homologues israéliens du Mossad, contre le programme secret d’armes chimiques développé par le régime de Bachar Al-Assad. Elle a permis, avant et pendant la guerre civile en Syrie, qui a débuté en 2011, d’obtenir des informations précises sur l’arsenal syrien. Un travail de longue haleine consistant à identifier une source syrienne et à la manipuler.

    Les éléments dont Le Monde a eu connaissance auprès de sources judiciaires et issues de la communauté du renseignement et diplomatique permettent de lever le voile sur le degré de connaissance réel dont bénéficiaient, à cette date, les puissances occidentales sur le programme d’armes chimiques de Damas, trois ans avant qu’elles ne le dénoncent après des massacres perpétrés en 2013. La coopération entre proches alliés permettait, semble-t-il, dès 2011, de sensibiliser la communauté internationale sur la menace que constituait le régime syrien et de tenter de faire pression pour le démanteler.

    #ratafia #Damas #Syrie #Armes_chimiques

    • C’est une guerre secrète réservée aux espions. Ses batailles unissent, au sein d’alliances, des agences nationales de renseignement qui s’affrontent bloc contre bloc au nom d’une cause jugée vitale : la lutte contre la prolifération et l’utilisation des armes chimiques. Chose rare, Le Monde a eu accès aux détails d’une opération hautement confidentielle, baptisée « Ratafia » et menée, en France, par les services secrets français et leurs homologues israéliens du Mossad, contre le programme secret d’armes chimiques développé par le régime de Bachar Al-Assad. Elle a permis, avant et pendant la guerre civile en Syrie, qui a débuté en 2011, d’obtenir des informations précises sur l’arsenal syrien. Un travail de longue haleine consistant à identifier une source syrienne et à la manipuler.

      Les éléments dont Le Monde a eu connaissance auprès de sources judiciaires et issues de la communauté du renseignement et diplomatique permettent de lever le voile sur le degré de connaissance réel dont bénéficiaient, à cette date, les puissances occidentales sur le programme d’armes chimique de Damas, trois ans avant qu’elles ne le dénoncent après des massacres perpétrés en 2013. La coopération entre proches alliés permettait, semble-t-il, dès 2011, de sensibiliser la communauté internationale sur la menace que constituait le régime syrien et de tenter de faire pression pour le démanteler. Pour ne pas mettre en péril inutilement la sécurité d’agents de terrain ou d’opérations toujours en cours, Le Monde a sciemment choisi de ne pas évoquer certains aspects de cette mission.

      D’après les informations transmises, en 2010, par le Mossad à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI en 2014) et à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l’opération a démarré deux ans plus tôt, à Damas, par une longue approche d’un Syrien travaillant pour le programme de développement, de production et de stockage des armes chimiques et des missiles vecteurs. La surveillance de la Syrie est depuis longtemps une priorité pour l’Etat juif et ce programme, qui concerne alors près de 10 000 salariés, selon les chiffres échangés entre les principales chancelleries occidentales, est un objectif prioritaire pour le Mossad.
      Selon un diplomate français, les forts soupçons qui pesaient sur la responsabilité du renseignement israélien dans le grave accident survenu, en 2007, sur le site d’Al-Safir, lors de l’assemblage de missiles vecteurs de VX, le gaz le plus toxique des agents de guerre chimique connus, ont conduit Damas à renforcer le secret et les mesures de sécurité. De quoi inquiéter Israël. En 2010, le chef du bureau de lutte contre le terrorisme, Nitzan Nuriel, lors du 10e sommet sur le contre-terrorisme, accuse Damas de fournir des armes non conventionnelles au Hamas et au Hezbollah.

      Failles psychologiques

      L’objectif n’est donc pas d’éliminer des responsables du programme mais de trouver une source syrienne en matière d’armes chimiques, de connaître les liens, dans ce domaine, avec les alliés iranien, russe ou nord-coréen et d’identifier les filières d’approvisionnement. Pendant deux ans, le Mossad, par l’intermédiaire d’un contact local à Damas, entre en contact avec la cible, de quoi réunir suffisamment d’éléments pour créer de toutes pièces une histoire pouvant le convaincre de sortir de Syrie pour que le Mossad puisse l’approcher.
      Habitant à Damas, il intéresse d’autant plus les services qu’il jouit d’une grande proximité avec la fille d’un haut dignitaire du régime. Ayant analysé les failles psychologiques du personnage, rêveur et romantique, et senti qu’il souhaitait s’affranchir de l’administration syrienne, son interlocuteur à Damas parvient à le convaincre qu’un autre destin l’attend et qu’il pourrait monter ses propres affaires tout en continuant à servir son pays.

      Se dessine alors le scénario de voyages à l’étranger, notamment en France, un pays ami de la Syrie, en théorie sans risque pour lui, pour y faire fonctionner sa future société d’import-export. Mais l’homme n’est pas totalement libre. Pour des raisons de sécurité, son passeport est entre les mains du régime et ses voyages en France sont soumis à autorisation de sa hiérarchie. C’est là qu’entrent en jeu les services secrets français. Ils facilitent l’obtention de visas et ouvrent des portes sans que l’intéressé y voie malice. Lors de ses passages en France, une équipe de la DCRI et des agents de la DGSE sont intégrés dans le dispositif du Mossad. L’opération est intitulée « Ratafia ». Elle durera plusieurs années. La CIA et son homologue allemand, le BND, sont aussi dans la boucle.

      Train de vie

      Lorsqu’il atterrit à Paris, un homme le conduit dans un hôtel du 13e arrondissement. Le Mossad, au fait des habitudes de leurs homologues syriens dans la capitale française, assure qu’il n’y a pas à craindre de filature de l’ambassade de Syrie à Paris. La cible est désormais « traitée » par un faux homme d’affaires au nom italien devenu son confident et son mentor, qui le conseille et lui présente des contacts. Une grande part de ces interlocuteurs, des hommes d’affaires, des chauffeurs ou des intermédiaires, sont en réalité des agents du Mossad. La DCRI, elle, agit en protection et assure une partie de la logistique de surveillance technique, notamment les sonorisations de véhicules, de chambre d’hôtel ou les fouilles d’ordinateurs.
      Le premier rendez-vous a lieu dans un hôtel de luxe, le George-V, à Paris. La prise en main psychologique de la cible fonctionne à merveille dès le début, d’autant que son ami-mentor la fait profiter de sa voiture avec chauffeur et de son train de vie. Euphorique, impatient, presque nerveux, elle a été circonvenue par le Mossad parvenu à lui faire croire cette fable qu’elle pense être un tournant crucial de sa vie personnelle et professionnelle. Le Mossad confie à ses partenaires français que la cible ne se perçoit pas comme un traître et ne donne pas de renseignements facilement.

      Sérieux, même s’il montre d’un certain sens de l’humour, l’homme ne goûte guère le projet de ses hôtes de le conduire au Crazy Horse. Ces derniers ne réussiront à le traîner qu’à une représentation du spectacle musical Mamma Mia, qui sera déjà, dira-t-il, peu en accord avec son idée du divertissement. Ses accompagnateurs ont plus de succès lorsqu’ils lui apportent une chicha dans sa chambre d’hôtel. Parmi la dizaine d’agents du Mossad mobilisés pour la partie française de l’opération, les psychologues comptent autant, sinon plus, que les techniciens ou les anciens des forces spéciales.

      Le piège se referme

      Lors de ses séjours en France, les amis de son mentor au nom italien proposent de lui vendre du matériel ou de le mettre en contact avec des fournisseurs. En sachant ce qu’il cherche, le Mossad enrichit sa connaissance des programmes chimiques syriens. Dans la foulée, le Mossad, la DCRI et la DGSE découvrent les sous-traitants, intermédiaires et fabricants français et européens qui tentent de tirer profit de cette économie de la prolifération. La manipulation progresse.
      Il prend l’habitude de recevoir de l’argent en espèces et des cadeaux. Même si on lui recommande la discrétion à l’égard de son entourage, l’homme se prend au jeu et commence peu à peu à donner des informations tout en ayant le sentiment de rester loyal à Damas. L’emprise psychologique est telle qu’il reprend à son compte l’idée suggérée par les psychologues du Mossad d’aider la fille du dignitaire syrien à réaliser des projets personnels.

      La technique consiste à l’impliquer dans les discussions et les décisions prises, des plus anodines aux achats et recherches de matériels, de sorte qu’il saura par lui-même, affirment les psychologues du Mossad, qu’il aura franchi la ligne jaune. Le piège se referme. Il donne davantage d’informations, notamment sur l’arsenal d’armes chimiques dont dispose la Syrie, des tonnes d’ypérite et de VX. Plus inquiétant encore, le Mossad apprend l’existence d’un projet d’acquisition de camions lance-missiles, qui avortera sans que l’on sache aujourd’hui si le Mossad y est pour quelque chose.

      Une dangereuse source de prolifération

      En 2011, l’euphorie semble néanmoins retombée et la cible fait état, à haute voix, de doutes sur la réalité de l’identité de son protecteur au nom italien. Mais il est trop tard. L’argent reçu lui interdit toute reculade. Le Mossad, de son côté, a acquis des informations de premier choix lui permettant d’étayer son dossier contre la Syrie auprès des Américains, qui rechignent à s’engager de nouveau au Proche et Moyen-Orient.

      Les éléments transmis par les Israéliens aux Français et aux Allemands conduiront en 2011 au gel des avoirs du Centre syrien d’étude et de recherche scientifique (CERS), pilier du programme chimique syrien, par l’Union européenne au motif qu’il fournit à l’armée syrienne des moyens pour surveiller et réprimer de simples manifestants. Des mesures identiques seront prises, fin 2011, contre des sociétés-écrans utilisées par le CERS pour acheter du matériel sensible à l’étranger, tels que Syronics, l’Organization for Engineering Industries, Industrial Solutions ou encore Mechanical Construction Factory.
      En 2005, le président américain George W. Bush avait déjà désigné le CERS comme une dangereuse source de prolifération. En 2012, le président Barack Obama annonce, à son tour, que toute utilisation ou transfert des armes chimiques par le régime de Bachar Al-Assad reviendrait à franchir « la ligne rouge ». Les attaques chimiques du printemps et de l’été 2013 contraignent la communauté internationale à réagir. La France et les Etats-Unis, alimentés par le renseignement israélien, préparent une opération qui sera stoppée au tout dernier moment, fin août 2013, par M. Obama. Le 2 septembre 2013, la France rend publics ses propres renseignements sur le recours aux armes chimiques par Bachar Al-Assad, pointant le rôle central joué par le CERS dans leur production.

    • Associés dans l’opération « Ratafia », les espions français et israéliens se sont-ils espionnés entre eux ?

      Le Mossad aurait tenté d’infiltrer le service de contre-espionnage français dans le cadre de l’opération visant à lutter contre le programme d’armes chimiques syrien, à partir de 2010.

      LE MONDE | 25.03.2017 à 11h26 | Par Jacques Follorou
      http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/03/25/associes-dans-l-operation-ratafia-les-espions-francais-et-israeliens-se-sont

      Dans le monde de l’espionnage, si des services décident d’unir leurs efforts, cela n’en fait pas pour autant des amis. Rien ne les empêchera de s’espionner. Jamais. La preuve lors d’une opération qui a réuni, à partir de 2010, la sécurité intérieure française et le service secret israélien du Mossad pour lutter contre le programme d’armes chimiques développé par le régime syrien de Bachar Al-Assad.

      L’enquête de sécurité interne diligentée par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue Direction générale de la sécurité intérieure en 2014) sur la tentative du Mossad d’infiltrer, à cette occasion, le service de contre-espionnage français illustre ces pratiques. Lorsque l’opération ayant pour nom de code « Ratafia » débute, en 2010, c’est encore l’union sacrée pour prendre au piège un Syrien qui doit effectuer des séjours en France. Il s’agit de l’amener à livrer des secrets sur le programme d’armes chimiques syrien auquel il appartient.

      Lorsque le Mossad obtient le soutien de plusieurs groupes de la DCRI et d’agents de la DGSE, tous ses membres agissent sous de faux noms et une dizaine d’entre eux sont des clandestins à l’exception de D.K., chef de poste du Mossad à Paris. Selon les accusations de la DCRI, auxquelles Le Monde a eu accès, le Mossad aurait profité du contact quotidien avec ces agents français lors des séjours de la cible syrienne pour nouer des liens jugés suspects.

      L’un des agents français a ainsi été vu fêtant le shabbat avec le chef de poste du Mossad à Paris, il est également parti faire du tir à Dubaï puis a rejoint, en famille, ses camarades du Mossad à Jérusalem. Une proximité revenant, selon la DCRI, à franchir la ligne jaune. Des soupçons portent également sur le versement de sommes d’argent en espèces et l’existence de cadeaux contraire aux règles internes. Résultat, plusieurs agents français intégrés dans l’équipe conjointe avec le Mossad se verront retirer leur habilitation secret défense et seront mutés dans des services subalternes.

      L’enquête interne de la DGSI se garde cependant de rappeler qu’un autre groupe de la DCRI, chargé de contre-espionnage, s’est arrangé pour prendre en photo, à leur insu, les agents du Mossad qui travaillaient avec les Français. Un audit sera, enfin, déclenché sur l’utilisation des fonds de l’opération « Ratafia » après la découverte de demandes de remboursement de frais douteux.
      Compromission

      Cette enquête interne a été évoquée...

  • The Surprising History of the Infographic | History | Smithsonian
    http://www.smithsonianmag.com/history/surprising-history-infographic-180959563

    As the 2016 election approaches, we’re hearing a lot about “red states” and “blue states.” That idiom has become so ingrained that we’ve almost forgotten where it originally came from: a data visualization.

    In the 2000 presidential election, the race between Al Gore and George W. Bush was so razor close that broadcasters pored over electoral college maps—which they typically colored red and blue. What’s more, they talked about those shadings. NBC’s Tim Russert wondered aloud how George Bush would “get those remaining 61 electoral red states, if you will,” and that language became lodged in the popular imagination. America became divided into two colors—data spun into pure metaphor. Now Americans even talk routinely about “purple” states, a mental visualization of political information.

    #visualisation #cartoexperiment #précurseurs #cartographie #xartographie_thématique

  • Kenneth Roth : Aux Etats-Unis, « il sera de plus en plus difficile de rendre audible le message de la vérité »
    http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2017/03/10/kenneth-roth-aux-etats-unis-il-sera-de-plus-en-plus-difficile-de-ren

    Les institutions américaines peuvent-elles être un contre-pouvoir efficace ?

    Les checks and balances [l’équilibre des pouvoirs] ont bien fonctionné dans le cas du travel ban, mais je reste très inquiet. Qu’en sera-t-il à l’avenir, face à d’autres initiatives de cette administration ? Aussi efficaces que soient les institutions, nous nous trouvons dans une situation inédite, face à un président qui ne montre pas la moindre considération pour les normes de base de la gouvernance démocratique. Il pourfend publiquement le système d’équilibre des pouvoirs qui l’empêche de faire ce qu’il veut. Le Congrès, où les républicains sont majoritaires, n’est pas prêt, du moins pour le moment, à jouer ce rôle de contre-pouvoir. Il y a quelques velléités : on l’a vu lors des auditions du nouveau secrétaire d’Etat, Rex Tillerson [ex-PDG d’ExxonMobil], qui a passé sa vie à négocier des « accords » avec des dictateurs pour extraire du pétrole. Il n’a été confirmé dans ses nouvelles fonctions, par le Sénat, que d’une très courte majorité.

    Le plus préoccupant est le refus de Donald Trump d’accepter la réalité, ainsi que sa propension à tordre les faits dans le sens qui l’arrange. Il est tellement prolifique dans ses mensonges que la presse, je le crains, n’arrive plus à le suivre afin de rétablir la vérité, même si les grands médias se sont engagés dans une vérification des faits (fact checking) sans précédent, réagissant en temps réels aux affabulations présidentielles.

    En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous travaillons depuis longtemps sur les Etats-Unis. Il y a eu des jours difficiles par le passé, notamment pendant l’administration de George W. Bush. Mais cela s’annonce bien pire. Le président Bush reconnaissait l’existence d’un certain nombre de principes en matière de droits de l’homme, même s’il faisait tout pour les contourner. Pour Donald Trump, ces principes n’existent même pas et il ne voit pas en quoi ils pourraient concerner le travail de l’exécutif.

    #post-truth #droits_humains #Trump

    • Ancien magistrat, l’Américain Kenneth Roth est directeur exécutif de l’ONG internationale de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, depuis 1993.

      Comment jugez-vous les débuts de la présidence Trump ?

      Certains ont dit « attendons de voir ». Mon approche n’est pas celle du wait and see. Sa campagne était à ce point marquée par la xénophobie, que tout était déjà clair : il s’agissait de rendre acceptable l’inacceptable. Même si Donald Trump n’avait pas été élu, cette démagogie aurait quand même créé d’immenses dégâts. Aujourd’hui, il gouverne comme il a mené campagne. Mais au-delà de ses déclarations fracassantes et de ses multiples Tweet, Trump n’a pas fait grand-chose.
      Ce qu’il a fait de pire, outre le travel ban [l’interdiction d’entrée sur le territoire des ressortissants de sept pays musulmans], ce sont des nominations telle que celle de l’ex-général Michael Flynn comme conseiller à la sécurité nationale – même si celui-ci a dû depuis démissionner.

      Steve Bannon, le « conseiller stratégique » du président, est toujours en fonction, qui essaie d’influencer Trump avec sa vision extrémiste de suprémaciste blanc. Le travel ban a certes été bloqué par la justice, mais cette mesure absurde, prise sans considération pour ses terribles conséquences humaines, est révélatrice du style Trump. Ce président cherche plus un effet symbolique qu’à combattre efficacement le terrorisme. Aucun des ressortissants des pays visés n’a été responsable de la moindre attaque meurtrière sur le sol américain ces dernières décennies. La nouvelle mouture du décret signé cette semaine répond de fait aux obstacles juridiques que soulevait la version initiale, mais sur le principe, rien ne change. Trump assimile toujours la nationalité d’une personne originaire de certains pays à majorité musulmane à une menace terroriste, bien que cela ne corresponde en rien à la réalité aux Etats-Unis.

      Les institutions américaines peuvent-elles être un contre-pouvoir efficace ?

      Les checks and balances [l’équilibre des pouvoirs] ont bien fonctionné dans le cas du travel ban, mais je reste très inquiet. Qu’en sera-t-il à l’avenir, face à d’autres initiatives de cette administration ? Aussi efficaces que soient les institutions, nous nous trouvons dans une situation inédite, face à un président qui ne montre pas la moindre considération pour les normes de base de la gouvernance démocratique. Il pourfend publiquement le système d’équilibre des pouvoirs qui l’empêche de faire ce qu’il veut. Le Congrès, où les républicains sont majoritaires, n’est pas prêt, du moins pour le moment, à jouer ce rôle de contre-pouvoir. Il y a quelques velléités : on l’a vu lors des auditions du nouveau secrétaire d’Etat, Rex Tillerson [ex-PDG d’ExxonMobil], qui a passé sa vie à négocier des « accords » avec des dictateurs pour extraire du pétrole. Il n’a été confirmé dans ses nouvelles fonctions, par le Sénat, que d’une très courte majorité.

      Les risques de dérives sont donc réels ?



      Le plus préoccupant est le refus de Donald Trump d’accepter la réalité, ainsi que sa propension à tordre les faits dans le sens qui l’arrange. Il est tellement prolifique dans ses mensonges que la presse, je le crains, n’arrive plus à le suivre afin de rétablir la vérité, même si les grands médias se sont engagés dans une vérification des faits (fact checking) sans précédent, réagissant en temps réels aux affabulations présidentielles.
      En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous travaillons depuis longtemps sur les Etats-Unis. Il y a eu des jours difficiles par le passé, notamment pendant l’administration de George W. Bush. Mais cela s’annonce bien pire. Le président Bush reconnaissait l’existence d’un certain nombre de principes en matière de droits de l’homme, même s’il faisait tout pour les contourner. Pour Donald Trump, ces principes n’existent même pas et il ne voit pas en quoi ils pourraient concerner le travail de l’exécutif.

      Comment bloquer cette évolution ?

      Il y a eu de grandes manifestations contre le travel ban, mais une telle mobilisation sera difficile à tenir dans la durée. Car aux Etats-unis, cette tradition de descendre dans la rue n’existe pas comme en France. La seule chose à laquelle Trump pourrait être sensible est la pression de l’opinion, à travers les médias et les réseaux sociaux. Il est très peu sûr de lui et tient à son image publique. C’est un véritable « media addict ». Si la presse continue son travail éthique, elle pourra marquer des points. Mais cela ne sera pas simple. Il y a en effet un abîme entre les partisans de Donald Trump, qui croient à ses mensonges, et ses adversaires mobilisés vent debout contre tout ce qu’il peut dire ou faire. Dans un tel contexte, très polarisé, avec 40 % de l’opinion pro-Trump et un pourcentage équivalent d’anti-Trump, rendre audible le message de la vérité sera de plus en plus difficile, car les uns et les autres ne veulent entendre que ce qui correspond à leurs convictions. Il reste ces 20 % d’Américains qui n’ont pas de certitudes arrêtées et qu’il est encore possible de persuader en leur montrant les faits et en rappelant les principes fondamentaux de notre démocratie.

      Selon vous, l’Europe et la France sont-elles menacées d’une dérive similaire ?

      Quand on me dit, en France, que Marine Le Pen ne pourra jamais gagner, je réponds : on disait la même chose pour Trump ! Ce qui m’inquiète, c’est que le phénomène est beaucoup plus général. Nous assistons au même phénomène avec Geert Wilders aux Pays-Bas, Viktor Orban en Hongrie, Jaroslaw Kaczynski en Pologne et dans toute l’Europe. Ces mouvements populistes prétendent parler au nom du peuple et poussent vers la droite extrême les classes défavorisées. Cela est vrai des deux côtés de l’Atlantique, malgré de réelles différences.

      L’islamophobie des populistes européen n’est pas dominante dans le discours populiste américain, même si Trump joue sur cette corde. Ses électeurs se sentent plus concernés par la présence de la main-d’œuvre immigrée mexicaine, que par la menace d’une attaque terroriste. En Europe, les deux vont ensemble parce que beaucoup de migrants sont musulmans. En outre, il y a aussi une crainte de changements culturels. Pour les populistes, cette triple peur se focalise sur la même cible. La question de l’islam est prépondérante en Europe. Des gens comme Wilders utilisent des valeurs libérales, en prenant la défense des droits des femmes ou des gays, pour dénoncer la menace qu’il est censé représenter.

      Aux Etats-Unis, cette appréhension des changements culturels est moins forte. Mais le simple fait qu’un Afro-Américain ait pu devenir président des Etats-Unis représentait déjà un anathème pour ces courants populistes. Il y a un conservatisme culturel derrière le populisme de Trump.

      Le président Donald Trump à la Maison Blanche, le 31 janvier.
      Quels pays européens vous inquiètent le plus ?

      La Hongrie et la Pologne sont déjà sur le chemin de ce que l’on appelle ces « démocraties non libérales », où sont mis danger les principes de l’équilibre des pouvoirs. La réaction des institutions européennes a été pitoyable en ce qui concerne la Hongrie. Elles ont mieux réagi dans le cas de la Pologne quand le gouvernement [du Parti Droit et justice, PiS, droite conservatrice] a pris le contrôle du Tribunal constitutionnel. L’Union européenne (UE) a su imposer des standards des droits de l’homme pour les nouveaux entrants. Mais, maintenant que le populisme se déploie à l’intérieur même de l’Union, elle doit mieux défendre ses valeurs parmi ses Etats membres.

      Au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, le rôle de garant des valeurs universelles du trio Etats-Unis, Royaume-Uni, France ne vous semble-t-il pas menacé ?

      Le manque de leadership pour défendre les droits de l’homme dans le monde m’inquiète. Trump n’a envoyé son premier Tweet sur le sujet que tardivement, et sur le Venezuela ! Le Royaume-Uni a pratiquement déserté l’arène internationale : Theresa May veut quitter la Cour européenne des droits de l’homme et son ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, ne se préoccupe pas de cette thématique. [La chancelière allemande] Angela Merkel a été très courageuse lors de la crise des réfugiés. Elle a été forte face à la Russie, mais moins ferme à l’égard du président turc, Recep Tayyip Erdogan, car elle dépend de lui pour la lutte contre les passeurs.

      Mais on peut faire beaucoup avec des coalitions d’Etats, même quand les grandes puissances sont à la traîne. La campagne internationale contre les mines (lancée par HRW et cinq autres ONG), qui a remporté le prix Nobel de la paix [en 1997], avait été menée contre la volonté des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, grâce à une coalition de soixante gouvernements. En décembre 2016, a été mis en place un mécanisme d’enquête sur les crimes de guerre en Syrie en passant par l’Assemblée générale des Nations unies, pour circonvenir le veto de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité. Les deux pays qui ont été à l’initiative de ce texte sont le Canada et le Liechtenstein. Il a été voté par 105 voix pour – dont la France et le Royaume-Uni – et seulement 15 contre. On peut donc agir sans les superpuissances. Des coalitions de petits gouvernements peuvent changer le monde.

      Craignez-vous un rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine ?

      Vladimir Poutine aimerait revenir à un monde où les gouvernements discutent les uns avec les autres de la marche du monde, sans ingérence dans leurs affaires intérieures et sans chercher à savoir comment les peuples sont traités. Il ne veut surtout pas entendre parler de la destruction du pluralisme en Russie. Mais les standards internationaux et les institutions ont évolué. La façon dont un gouvernement traite sa population est devenue une préoccupation internationale depuis la seconde guerre mondiale. Les Etats-Unis ont joué un rôle déterminant dans cette évolution. Poutine n’aime pas ça, Trump non plus. Au nom de son credo America first, il ne veut pas qu’on se mêle de ses affaires. Cela pose des problèmes au sein de son propre parti, car cela touche aux fondements de la diplomatie américaine. Les relations internationales, le soutien des alliés, la défense des droits ne font pas partie de l’univers d’un magnat de l’immobilier. Nous allons devoir l’éduquer.

  • With Lebanon no longer hiding Hezbollah’s role, next war must hit civilians where it hurts, Israeli minister says
    http://www.haaretz.com/israel-news/.premium-1.776419

    présenté comme d’habitude, et pour la énième fois, par le propagandiste Amos Harel,

    Lebanese President Michel Aoun paid an official visit to Cairo a month ago, ahead of which he gave a number of interviews to the Egyptian media. Aoun was only elected president after a long power struggle in which Iran and Hezbollah finally held sway, and he spoke about the fact that the Shi’ite organization continues to be the only Lebanese militia that refuses outright to disarm.

    Hezbollah is a significant part of the Lebanese people, Aoun explained. “As long as Israel occupies land and covets the natural resources of Lebanon, and as long as the Lebanese military lacks the power to stand up to Israel, [Hezbollah’s] arms are essential, in that they complement the actions of the army and do not contradict them,” he said, adding, “They are a major part of Lebanon’s defense.”

    Brig. Gen. Assaf Orion from the Institute for National Security Studies wrote recently that Aoun’s comments were a “lifting of the official veil and tearing off of the mask of the well-known Lebanese reality – which widely accepted Western diplomacy tends to blur. The Lebanese president abolishes the forced distinction between the ostensibly sovereign state and Hezbollah. Thus, the Lebanese president takes official responsibility for any actions by Hezbollah, including against Israel.”

    Aoun’s declaration also tallies with the facts on the ground. At a meeting of the Knesset Foreign Affairs and Defense Committee this past week, Defense Minister Avigdor Lieberman said that the Lebanese army is now “a subsidiary unit of Hezbollah.”

    What does that mean with regard to an Israeli response against Hezbollah in case another war breaks out on the northern front? This column recently discussed the basic difficulty that faces the Israel Defense Forces in Lebanon: limited ability to deal with the threat of high-trajectory rockets directed against both the Israeli civilian population and the strategic infrastructure on the rear front. On the southern front, even though the air force lacks a proper offensive response to rockets, the missile intercept systems – chiefly the Iron Dome batteries – are enough to thwart most of the launches.

    In the north, with Hezbollah able to launch more than 1,000 rockets into Israel on a single day of fighting, the offensive solution seems partial and the defensive solution limited.

    The state comptroller’s report on the 2014 war in Gaza disappeared from the headlines within a few days, but the difficulties facing Israel in future conflicts in Gaza – and even more so in Lebanon – remain.

    At this point, it’s interesting to listen to security cabinet member Naftali Bennett (Habayit Hayehudi), whose opinions the state comptroller accepted with regard to disagreements with Prime Minister Benjamin Netanyahu over the Hamas attack tunnels in the Gaza Strip.

    While in the political realm Bennett seems determined to create unilateral facts on the ground (i.e., settlements in the territories) even at the risk of a potential face-off with the Europeans and embarrassing the Trump administration, it seems his positions on military issues are more complex. More than once he has shown healthy skepticism over positions taken by top defense officials, and he refuses to accept their insights as indisputable conclusions.

    Hunting rocket launchers during a war is almost impossible, Bennett told Haaretz this week, adding that he says this “as someone who specialized in hunting rocket launchers.”

    During the Second Lebanon War in 2006, when he served as a reserve officer, Bennett commanded an elite unit sent deep into southern Lebanon to find Hezbollah’s rocket-launching squads.

    “When we worked in a particular area, we did reduce the teams of rocket launchers there – but they simply moved a little farther north,” Bennett related. Since then, he said, 11 years have passed and Hezbollah has learned to deploy in a more sophisticated manner. “They moved their launchers from the nature reserves, outposts in open areas, to dense urban areas [ reconnaissance éhontée d’un mensonge passé et nouveau mensonge tout aussi éhonté ]. You can’t fight rockets with tweezers. If you can’t reach the house where the launcher is, you’re not effective, and the number of houses you have to get through is enormous,” he explained.

    “After I was released from reserve duty, I read all of the books you wrote about the war,” Bennett told me. “I understood in retrospect that the fundamental event of the war took place on its first day, in a phone call between [former Prime Minister] Ehud Olmert and Condoleezza Rice.” President George W. Bush’s secretary of state had asked the prime minister not to hit Lebanon’s infrastructure, and was given a positive response. As a result, “there was no way that Israel could win the war,” Bennett said.

    “Lebanon presented itself as a country that wants quiet, that has no influence over Hezbollah,” he continued. “Today, Hezbollah is embedded in sovereign Lebanon. It is part of the government and, according to the president, also part of its security forces. The organization has lost its ability to disguise itself as a rogue group.”

    Bennett believes this should be Israel’s official stance. “The Lebanese institutions, its infrastructure, airport, power stations, traffic junctions, Lebanese Army bases – they should all be legitimate targets if a war breaks out. That’s what we should already be saying to them and the world now. If Hezbollah fires missiles at the Israeli home front, this will mean sending Lebanon back to the Middle Ages,” he said. “Life in Lebanon today is not bad – certainly compared to what’s going on in Syria. Lebanon’s civilians, including the Shi’ite population, will understand that this is what lies in store for them if Hezbollah is entangling them for its own reasons, or even at the behest of Iran.”

    At the same time, he notes that this is not necessarily the plan for a future war, but instead an attempt to avoid one: “If we declare and market this message aggressively enough now, we might be able to prevent the next war. After all, we have no intention of attacking Lebanon.”

    According to Bennett, if war breaks out anyway, a massive attack on the civilian infrastructure – along with additional air and ground action by the IDF – will speed up international intervention and shorten the campaign. “That will lead them to stop it quickly – and we have an interest in the war being as short as possible,” he said. “I haven’t said these things publicly up until now. But it’s important that we convey the message and prepare to deal with the legal and diplomatic aspects. That is the best way to avoid a war.”

    Bennett’s approach is not entirely new. In 2008, the head of the IDF Northern Command (and today IDF chief of staff), Gadi Eisenkot, presented the “Dahiya doctrine.” He spoke of massive damage to buildings in areas identified with Hezbollah – as was done on a smaller scale in Beirut’s Shi’ite Dahiya quarter during the 2006 war – as a means of deterring the organization and shortening the war.

    That same year, Maj. Gen. (res.) Giora Eiland proposed striking at Lebanon’s state infrastructure. To this day, though, the approach has not been adopted as Israeli policy, open or covert. Bennett’s declaration reflects an attempt by a key member of the security cabinet (albeit Netanyahu’s declared political rival) to turn it into such policy.

    The fact that Israel only tied with Hamas in Gaza in 2014 only convinced Bennett that he is right. There, too, Hamas finally agreed to a cease-fire after 50 days of fighting only after the Israel Air Force systematically destroyed the high-rise apartment buildings where senior Hamas officials lived.

    #Liban #Israel #Israel #crimes #criminels #victimes_civiles #impunité #Eiland

  • The Rehabilitation of George W. #Bush, War Criminal | Alternet
    http://www.alternet.org/right-wing/rehabilitation-george-w-bush

    So, he’s back. George W. Bush leaves his Dallas attic and his paintbrushes to visit the television studios. He has a book to flog—Portraits of Courage: A Commander in Chief’s Tribute to America’s Warriors.

    #tragi_comédie #criminel #guerre

  • Stop comparing Trump to foreign leaders. He’s a distinctly American phenomenon
    http://www.latimes.com/opinion/op-ed/la-oe-johnson-trump-is-like-x-20170210-story.html

    Often, they prioritize adherence to norms and governing style over ideological goals, precisely because this approach allows them to, at the same time, praise George W. Bush while treating Trump as beyond the pale, despite the fact that the two men share many of the same political objectives, including a bloated military, economic policies that favor Wall Street and the installation of anti-choice judges on the Supreme Court.

    #Etats-Unis

  • Mexican Smuggler Says Trump’s Wall Won’t Stop Him — Here’s Why

    Everything from dogs and blimps to Gamma-ray imaging systems and video surveillance is used to prevent people from crossing the U.S.-Mexico border, making the prospect of a wall seem obsolete.

    http://www.seeker.com/mexican-smuggler-says-trumps-wall-wont-stop-him-heres-why-2260853414.html
    #passeurs #Trump #murs #barrières_frontalières #USA #Etats-Unis #fermeture_des_frontières #frontières

    cc @albertocampiphoto @daphne @marty

    • #Nogales wary about executive order to start building border wall

      NOGALES, ARIZONA – As President Donald Trump signed executive orders in Washington to build a wall and increase enforcement of the U.S.-Mexico border, Carlos Santa Cruz’s small section of fence behind his house was quiet and serene. A landscaper in Nogales and Rio Rico, he has lived right next to the border for 37 years and has seen the changes that have come with different presidential administrations.


      https://cronkitenews.azpbs.org/2017/01/25/nogales-wary-executive-order-building-border-wall

    • Au pied du mur

      Donald Trump veut construire un mur « impénétrable, beau et solide » à la frontière Sud des Etats-Unis. Sur les 3200 kilomètres de démarcation avec le Mexique, un tiers est déjà « barricadé ». Voyage dans un monde de migrants, de trafiquants et de séparations. En pleine canicule.

      Notre périple avait commencé à Phoenix, la capitale de l’Arizona, avec une petite angoisse. Malgré des contacts répétés avec un porte-parole de la Border Patrol – « Vous savez qu’avec la nouvelle administration il faut entre quatre et six mois pour obtenir l’aval de Washington pour passer une journée avec nous ? » –, toujours pas de rendez-vous fixé avec Vicente Paco. Notre interlocuteur était parti en vacances, apparemment sans transmettre le dossier à son collègue, beaucoup moins coopérant. Et puis, soudain, le coup de fil attendu : Vicente Paco !

      Rendez-vous a été donné à #Nogales, sur le parking d’un centre commercial. On file vers la ville, direction sud. Cinq heures de route, avec des cactus à n’en plus finir, une ferme d’autruches, un coyote écrasé et un serpent à sonnette au sort pas plus enviable.

      Nogales ? L’arrivée dans la ville n’est pas des plus chatoyantes. De larges routes, des hôtels de chaîne, les mêmes que l’on retrouvera tout au long du périple, des fast-foods. On retrouve l’agent, comme prévu, sur un parking, sous une chaleur suffocante. Il est pile à l’heure. Les règles sont strictes : interdiction de monter dans sa Jeep sans le fameux sésame de Washington. On le suit donc avec notre voiture. « Elle est solide ? Il va falloir grimper un peu. » En route !

      Le Mexicain qui chasse les Mexicains

      La voilà, la fameuse barrière rouillée qui coupe Nogales en deux. « Vous voyez les traces plus claires sur ces piliers ? glisse Vicente Paco. C’est là où des migrants ont glissé pour descendre côté américain. » On se trouve sur un petit monticule où viennent de passer trois biches. De l’autre côté de la barrière qui s’étend à perte de vue, c’est le Mexique.

      Silhouette svelte et regard volontaire, Vicente Paco, 35 ans, la main gauche toujours posée sur son taser, porte l’uniforme vert de la Border Patrol depuis 2010. Dans sa famille, tous se battent pour la sécurité des Etats-Unis, précise-t-il avec fierté. « Mon grand-père a fait la guerre de Corée, mon père le Vietnam et j’ai moi-même servi pendant quatre ans dans le Golfe. Ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui m’ont poussé à m’engager dans la Navy. » Aujourd’hui, sa tâche principale consiste à traquer les migrants clandestins en plein désert de Sonora et à les déporter. Un Mexicain qui chasse les Mexicains ? « Mon père est devenu Américain, je le suis aussi. Je suis né au Mexique, mais je suis arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 12 ans, légalement », rectifie-t-il. Il ajoute, le regard noir : « Quand je porte l’uniforme, je suis là pour appliquer la loi et servir les Etats-Unis, rien d’autre ne compte. »

      Ici, la barrière s’étend sur 4 kilomètres et fait entre 5 et 8 mètres de hauteur, selon les endroits. Un avant-goût du mur « beau et grand » que Donald Trump veut ériger tout le long de la frontière. Le président américain évalue les coûts de sa construction à 12 milliards de dollars, un rapport du Département de la sécurité évoque le chiffre de 21 milliards. Donald Trump espère envoyer l’essentiel de la facture au président mexicain. « Jamás ! » lui a rétorqué ce dernier.

      Un tiers des 3200 kilomètres de frontière sont déjà barricadés. Grâce au Secure Fence Act (2006) signé par George W. Bush dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001. Avec l’élection de Donald Trump, la chasse aux clandestins est montée d’un cran. Le président dit vouloir s’en prendre avant tout aux « bad hombres », auteurs de viols, de trafic de drogue et autres délits graves, mais depuis son élection, un homme présent sur sol américain depuis trente ans peut désormais être déporté pour avoir conduit sans permis.

      A Nogales, la barrière est presque intimidante. Dès qu’on s’éloigne un peu de la ville, elle se transforme en barricade anti-véhicules, plus basse, dont le but premier est d’empêcher les trafiquants de forcer le passage avec leurs pick-up. La zone est ultra-sécurisée. Tours de contrôle, caméras infrarouges et appareils de détection de mouvements au sol permettent à Vicente Paco et à ses collègues d’être alertés à la seconde du moindre passage illégal. Sans oublier les drones et les hélicoptères. Impossible de se promener dans la ville plus de dix minutes sans tomber sur une des fameuses jeeps blanches à larges bandes vertes de la Border Patrol.

      Vicente Paco s’appuie contre le « mur ». « Avant 2010, on ne pouvait pas voir à travers. C’était dangereux. Nos agents étaient parfois la cible de jets de pierres. » Il tait un drame pourtant omniprésent dans la ville. Le 10 octobre 2012, José Antonio Elena Rodriguez, un Mexicain de 16 ans, a été tué par un agent. Lonnie Swartz était du côté américain. Visé avec ses coéquipiers par des pierres, il a tiré à travers les barreaux. Dix balles ont touché José Antonio, qui s’est vidé de son sang, côté mexicain. En 2014, sa mère, excédée par la lenteur de l’enquête, a porté plainte. Le procès ne cesse d’être repoussé.

      Vicente Paco patrouille seul dans sa Jeep. Dans le secteur de Tucson, détaille-t-il, la Border Patrol dispose de 4000 agents pour surveiller 421 kilomètres de frontière. Ils ont arrêté 64 891 individus d’octobre 2015 à octobre 2016 (415 816 sur l’ensemble du pays). 7989 étaient des mineurs, la très grande majorité (6302) non accompagnés. En 2000, ces chiffres étaient dix fois plus élevés : 616 300 arrestations recensées dans le secteur de Tucson et 1,6 million sur le plan national.

      A sa ceinture, un pistolet, un taser, des menottes, un bâton télescopique, un couteau et des jumelles. A-t-il déjà fait usage de son arme à feu ? « Je ne vais pas répondre à cette question. Tout ce que je peux dire, c’est que le recours à la force est parfois nécessaire. »

      L’effectif des gardes-frontières est passé en quelques années de 10 000 à 21 000 agents. Donald Trump a promis d’en engager 5000 de plus. Les salaires sont attractifs, les conditions de retraite également. Des points indispensables pour limiter les cas de corruption et de collaboration avec les cartels.

      Vicente Paco l’avait dit tout de go : pas question de parler de politique. Il préfère raconter les migrants pourchassés en ville, décrire la partie mexicaine comme un enfer contrôlé par les trafiquants – « N’allez pas côté mexicain seule ! » – et évoquer les 115 tunnels rebouchés par ses collègues. Des souterrains surtout utilisés par les trafiquants de drogue, qui se montrent toujours plus inventifs. Quand ils n’utilisent pas des migrants comme mules, il leur arrive de recourir à des catapultes géantes et à des drones. Ils se moquent des barrières. D’ailleurs, ici à Nogales, la plupart des habitants lèvent les yeux au ciel à la seule évocation du mur de Trump. Personne n’y croit vraiment.

      Nogales côté mexicain, le contraste

      Le lendemain, après quelques tacos de carne asada et une agua fresca de melón, on file, à pied, découvrir « l’autre Nogales ». Pour aller au Mexique, rien de plus simple. Pas de queue et même pas besoin de montrer son passeport. Nogales côté mexicain ? Le contraste est saisissant : marchés folkloriques, petite place où les habitants se racontent leur vie, procession funéraire qui avance au rythme d’une batterie endiablée. Et des cliniques dentaires à profusion, très prisées des Américains. Rien à voir avec cette ambiance pesante des patrouilles de gardes-frontières côté Arizona. C’est du moins la toute première impression qui s’en dégage. Car les cartels de la drogue contrôlent la ville. Et dans les foyers d’urgence, les migrants arrivés jusqu’à la frontière – beaucoup viennent d’Amérique centrale – et ceux qui ont déjà été refoulés ont une tout autre image de Nogales-Sonora. Celle d’un rêve brisé.

      Un nom résonne en particulier. Celui de Guadalupe Garcia Aguilar. C’est le premier cas de déportation fortement médiatisé depuis que Donald Trump a édicté son décret sur la migration illégale le 25 janvier. Arrêtée en 2008 à Phoenix alors qu’elle travaillait avec un faux numéro de sécurité sociale, elle a été libérée six mois plus tard grâce à l’ONG Puente. A une condition : se présenter chaque année devant des fonctionnaires du « ICE », acronyme de Immigration and Customs Enforcement. Un moment source de stress.

      Le 8 février, elle s’est donc pliée à ce contrôle de routine. Mais la guerre lancée par Donald Trump contre les clandestins « criminels », y compris ceux qui ont commis de petits délits ou sur lesquels pèsent des soupçons, lui a fait craindre le pire. Elle avait raison. Guadalupe n’est pas ressortie du bâtiment officiel, là où sa famille et des membres de Puente l’attendaient en chantant « No está sola ! ». Elle a été embarquée dans une camionnette, menottée, et déportée vers Nogales, la ville par laquelle elle était arrivée il y a 21 ans. Ni les cris « Libération, pas déportation ! » ni la tentative d’un homme de s’accrocher à une roue de la camionnette n’ont pu empêcher son expulsion. La voilà séparée de son mari et de ses enfants, restés aux Etats-Unis.

      « Depuis que Donald Trump est au pouvoir, ce genre de drames est fréquent. Les passeurs ont par ailleurs augmenté les prix pour les migrants », souligne Sergio Garcia, avec son accent chantant. Journaliste, il travaille comme porte-parole pour la municipalité de Nogales-Sonora. La corruption est très présente des deux côtés de la frontière, dit-il, et la guerre contre le narcotrafic est « una farsa ». « Comment expliquez-vous que la frontière du pays le plus puissant du monde soit ainsi contrôlée par des groupes armés et des cartels ? Les Etats-Unis ont tout intérêt à ce que le trafic de drogue subsiste. »

      Il est temps de retourner côté américain. Passé les petites tracasseries habituelles et le tampon dans le passeport que l’agent peu aimable ne trouvait pas – il était pourtant bien visible –, restait la dernière question : « Et là, vous transportez quoi, dans ce sac ? » Moi, sans me rendre tout de suite compte de l’absurdité de la situation : « Oh, juste trois crânes ! » Le douanier a vite compris qu’il s’agissait de têtes de mort en céramique richement décorées, un classique de l’artisanat local. Ouf.

      Avec Wyatt Earp, Billy the Kid et deux trumpistes

      Après Nogales, on met le cap sur El Paso, au Texas, et son pendant mexicain, Juarez. Et pour aller à El Paso, un petit détour par Tombstone s’imposait. C’est là que s’est déroulée, en 1881, la fusillade d’OK Corral, le fameux règlement de comptes entre Wyatt Earp, ses frères, Doc Holliday et une bande de coriaces hors-la-loi. On s’y croirait encore. Dans cette bourgade de cow-boys, les habitants vivent à 100% du tourisme. Alors ils font l’effort de s’habiller en vêtements d’époque. Ils le font presque avec naturel. Et puis, il y a des passionnés, capables de commenter pendant des heures, dans deux musées très bien faits, le moindre objet ayant appartenu à Wyatt Earp, Billy the Kid ou Big Nose Kate. On a beau ne pas être passionné par les histoires de westerns, on ne ressort pas tout à fait indemne de cette ville-musée à l’atmosphère si particulière. Est-ce le fait d’avoir dormi dans le bordello de l’époque, dans la chambre de « Scarlet Lady » ?

      Retour à la réalité le lendemain, réveillés par un cri de coyote. Direction la maison de Moe pour le petit-déjeuner. Un sacré personnage, Moe. Tout comme Jane, qui prépare les œufs brouillés et le bacon.

      Des trumpistes purs et durs. « Trump est merveilleux, il veut nous remettre au cœur des préoccupations », souligne Jane. « Ce mur avec le Mexique est nécessaire. Ceux qui viennent illégalement profitent de notre système. Ils acceptent des bas salaires et, surtout, ne dépensent rien aux Etats-Unis ! » Moe acquiesce. Mais il préfère raconter ses souvenirs d’après-guerre – il était à Berlin en 1953 pour le plan Marshall – et nous montrer sa collection de quartz. Dont un avec une tête d’alligator fossilisée. Jane poursuit sur sa lancée : « Le Mexique doit s’occuper des gens qui veulent émigrer : c’est un pays riche en ressources minières, ils devraient avoir le même niveau que nous. » Elle l’assure, tous les touristes qu’elle a rencontrés à Tombstone trouvent Trump « très bien ».

      Après la visite de #Tombstone, la ville « too tough to die » [trop coriace pour mourir], on continue sur El Paso. Six heures de route en prenant des chemins de traverse. On croise un panneau « Proximité d’une prison, prière de ne pas prendre d’auto-stoppeurs », traverse des vergers de pacaniers (noix de pécan) et une ville qui s’appelle Truth or Consequences.

      De El Paso à #Juarez

      #El_Paso, bastion démocrate dans un Etat républicain, est, comme Nogales, opposée au projet de mur de Trump. La ville est aujourd’hui considérée comme l’une des plus sûres des Etats-Unis. Ici, la barrière court sur une courte distance. Par endroits, elle s’arrête abruptement, ou présente des « trous », comblés par des jeeps de la Border Patrol postées devant. Un « mur » mité, en somme.

      On part rejoindre Juarez à pied. Cette fois, il faut payer 50 cents pour traverser le pont qui enjambe le Rio Bravo. Comme à Nogales, pas de passeport à montrer. De l’autre côté, la ville est très animée, mais avec une forte présence policière. Les agents patrouillent en groupes, à pied, en jeeps et en quads. En tenue de combat, épais gilet pare-balles et armés jusqu’aux dents. Parfois le visage masqué. Là encore, on nous fait comprendre qu’il vaut mieux éviter de s’aventurer dans certains quartiers. On avait d’ailleurs hésité à venir à Juarez. La ville traîne une sale réputation : elle a pendant longtemps été considérée comme la plus dangereuse du monde, minée par une guerre des cartels de la drogue. La « capitale mondiale du meurtre », surtout de femmes. Mais, la veille, deux margaritas ont fini par nous convaincre d’y faire un saut. Ou plutôt le barman José, qui les préparait avec passion. Depuis que l’armée mexicaine est intervenue en 2009 pour tenter de neutraliser membres de cartels et paramilitaires, Juarez n’est plus autant coupe-gorge qu’avant, nous avait-il assuré. Les sicarios, ces tueurs liés aux cartels, font un peu moins parler d’eux.

      Lui-même est arrivé illégalement aux Etats-Unis, il y a vingt ans. « J’étais avec mon oncle. A l’époque, on m’avait juste dit de dire « American ! » en passant la douane. Je l’ai fait – je ne connaissais aucun autre mot en anglais – et j’étais aux Etats-Unis ! C’était aussi simple que ça. Les temps ont beaucoup changé », lâche-t-il dans un grand éclat de rire.

      Cette fois, le retour côté américain est plus compliqué. Une douanière fronce les sourcils en voyant notre visa de journaliste. Elle abandonne son guichet et nous dirige vers une salle, pour « vérification ». Zut. On doit déposer nos affaires à l’entrée, s’asseoir – des menottes sont accrochées à la chaise – et attendre de se faire interroger. Une situation désagréable. Un agent à l’allure bonhomme se pointe, visiblement de bonne humeur. Il n’avait qu’un mot à la bouche : tequila. « Quoi ? Vous rentrez du Mexique et vous n’avez même pas acheté de tequila ? » Un piège ? On bredouille qu’on n’aime pas trop ça. On ne saura jamais si c’était un test ou pas. Prochaine étape : Tucson, et surtout Sells, le chef-lieu de la tribu amérindienne des Tohono O’odham.

      Le dilemme de la tribu des #Tohono_O’odham

      A #Sells, les cactus sont plus nombreux que les habitants. C’est ici, en plein désert de #Sonora, que les Tohono O’odham (« peuple du désert ») ont leur gouvernement, leur parlement, leur prison et leur police tribale. Rendez-vous était pris avec Verlon Jose, le numéro deux de la tribu amérindienne. Mais il nous a posé un lapin. On a donc eu droit au chef (chairman), Edward Manuel, un peu moins habitué aux médias.

      Bien décidés à s’opposer au mur de Donald Trump, les Tohono O’odham se trouvent dans une situation particulière : 2000 de leurs 34 000 membres vivent au Mexique. La tribu est coupée en deux. Elle l’est de fait déjà depuis le traité de Gadsden de 1853, mais elle refuse que des blocs de béton concrétisent cette séparation. Certains membres ne pourraient alors même plus honorer la tombe de leurs parents. D’ailleurs, dans leur langue, il n’y a pas de mot pour dire « mur ». « Le projet de Donald Trump nous heurte pour des raisons historiques, culturelles, mais aussi spirituelles et environnementales. Et parce que nous n’avons même pas été consultés », dénonce, sur un ton ferme mais calme, Edward Manuel.

      Chez les Tohono, pas de rideau de fer comme à Nogales, mais du sable, des arbustes secs, des montagnes et des canyons. Avec, par endroits, des Normandy-style barriers, des sortes de structures métalliques qui émergent du sable, de quoi empêcher des véhicules de passer. Mais pas les hommes, ni les animaux.

      Edward Manuel et sa « Nation » ont avalé bien des couleuvres. Ils ne voient pas d’un bon œil la militarisation de la frontière, mais ont dû apprendre à collaborer avec la Border Patrol, déjà bien présente sur les 100 kilomètres de frontière qui passent par leurs terres. Car les cartels de la drogue y sont très actifs. Des membres de la tribu ont été séquestrés et brutalisés. Le chairman parle lentement. « Il y a un cartel en particulier qui contrôle la zone. Nos jeunes sont parfois recrutés. Ce sont des proies faciles : le taux de chômage est élevé dans la tribu. Se voir proposer plusieurs milliers de dollars est très tentant. »

      La réserve est aussi devenue un corridor mortel pour les migrants. Edward Manuel brise un autre tabou. « Si nous en trouvons en difficulté, nous les soignons dans nos hôpitaux, avec l’argent fédéral que nous recevons. » Délicat. Quand des corps sont retrouvés, la police tribale mène des enquêtes et doit transférer les dépouilles à l’institut médico-légal de Tucson pour procéder à des autopsies, coûteuses. Mais parfois, nous dit-on, les dépouilles sont enterrées là où elles sont trouvées, et resteront probablement à jamais anonymes. D’ailleurs, le long de la route qui mène à Sells, nous avons été frappés par le nombre de petites croix fleuries. Des accidents de la route, mais pas seulement. Des clandestins morts déshydratés, aussi.

      Le chef évoque un chiffre : la tribu dépense près de 3 millions de dollars par an pour « gérer ces problèmes de frontière », une somme non remboursée par le gouvernement fédéral et à laquelle s’ajoutent les frais médicaux. Alors, forcément, la tentation est grande de vouloir laisser un plus grand champ d’action aux agents de la Border Patrol. Même si leurs courses-poursuites en quad dans le désert brusquent leur quiétude et effraient le gibier qu’ils aiment chasser. C’est le dilemme des Amérindiens : ils veulent conserver leur autonomie et défendre leurs droits, mais la situation tendue les contraint à coopérer avec les forces de sécurité. Au sein de la tribu, des divisions apparaissent, entre les plus frondeurs et les pragmatiques. Mais ils sont au moins unis sur un point : personne ne veut du mur de Trump. « Les 21 tribus de l’Arizona nous soutiennent dans notre combat », insiste le chef.

      Edward Manuel tient à relever les effets positifs de cette coopération : en dix ans le nombre d’arrestations a baissé de 84%. La barrière anti-véhicules installée en 2006 y est pour beaucoup. La police tribale a procédé à 84 186 arrestations dans la réserve en 2006, chiffre qui est tombé à 14 472 en 2016.

      Le chef est également préoccupé par l’impact qu’un « vrai mur » aurait sur la migration des animaux. « Et qui a pensé au problème de l’écoulement naturel de l’eau en période de mousson ? La nature est la plus forte. » Le porte-parole venu de Tucson acquiesce discrètement. Ce n’est pas un membre de la tribu, mais il a fallu passer par lui pour que les Amérindiens puissent s’exprimer dans un média.

      La problématique des Tohono rappelle celle de propriétaires de terrains privés, du côté du Texas notamment, menacés d’expropriation pour que Donald Trump puisse construire son mur. Plus d’une centaine d’actions en justice ont déjà été lancées. Certains ont accepté des portions de barrière sur leur terrain, en échange de compensations. Et d’un code électronique pour pouvoir franchir le grillage qui s’érige sur leur propriété.

      Edward Manuel semble fatigué. Mais il a encore une chose à dire : il a invité Donald Trump à venir « voir concrètement ce qui se passe du côté de Sells. Il verra bien que ce n’est pas possible de construire un mur ici. » Le président avait accepté l’invitation. Des dates avaient même été fixées. Puis la Maison-Blanche a annulé, sans jamais proposer de nouvelles dates. Pourquoi ? Seul Donald Trump le sait.

      Les morts qui hantent le désert de Sonora

      On continue notre route vers l’ouest, avec un crochet par l’Organ Pipe Cactus National Monument. Le désert de Sonora est d’une beauté insolente. Des drames s’y déroulent pourtant tous les jours, parfois en silence, comme étouffés.

      Le 15 juin, en début de soirée, la Border Patrol a joué une scène digne d’un mauvais film d’action : elle a pris d’assaut un campement humanitaire en plein désert, dans le but de dénicher des clandestins. Et elle en a en trouvé quatre. L’ONG No More Deaths est sous le choc. C’est elle qui gère ce camp un peu spécial, dont le but est de soulager, le temps d’une étape, les migrants qui se lancent dans une traversée périlleuse depuis le Mexique. Une tente, du matériel médical, des lits et beaucoup d’eau, voilà ce qu’elle leur propose.

      « La Border Patrol connaissait l’existence de ce camp et, jusqu’ici, elle tolérait sa présence », explique Chelsea Halstead, qui travaille pour une autre ONG active dans la région. Un accord a été signé en 2013 : les agents s’engageaient à ne pas y intervenir. Mais le 15 juin, alors qu’ils traquaient déjà depuis plusieurs jours les clandestins aux abords du camp, ils ont décidé de troquer les goutte-à-goutte contre des menottes. Une quinzaine de jeeps, deux quads et une trentaine d’agents lourdement armés ont investi le camp. Chelsea Halstead : « Les migrants risquent maintenant de penser qu’un piège leur a été tendu. C’est dévastateur pour le travail des humanitaires. »

      #No_More_Deaths s’attelle depuis treize ans à empêcher que des migrants meurent dans le désert. Des bénévoles vont régulièrement y déposer des réserves d’eau. Depuis 1998, plus de 7000 migrants ont trouvé la mort dans les quatre Etats (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas) qui bordent le Mexique. Environ 3000 ont péri dans le seul désert de Sonora, déshydratés.

      Dans l’Organ Pipe Cactus National Monument, une réserve de biosphère qui abrite d’étonnantes cactées en forme d’orgues, une pancarte avertit les randonneurs : « Contrebande et immigration illégale peuvent être pratiquées ici. Composez le 911 pour signaler toute activité suspecte. » Interrogé, le manager du parc relativise les dangers. Une plaque en marbre devant le centre des visiteurs raconte pourtant une triste histoire. Celle de Kris Eggle, un apprenti ranger, tué à 28 ans par les membres d’un cartel qu’il était en train de poursuivre.

      Ce jour-là, pas loin de la piste, on aperçoit un bout d’habit pris dans les ronces. Par terre, une chaussure, sorte d’espadrille raccommodée, avec le genre de semelles qui ne laisse pas de traces. Celles que privilégient les migrants. Ils les recouvrent parfois avec des bouts de tapis.

      Pour passer aux Etats-Unis par cette région hostile, les migrants peuvent débourser jusqu’à 6000 dollars. Plus le chemin est périlleux, plus le prix augmente. C’est bien ce que dénoncent les activistes : la militarisation de portions de frontière pousse les migrants à emprunter des chemins toujours plus dangereux, en alimentant l’industrie des « coyotes » – le nom donné aux passeurs –, qui eux-mêmes travaillent parfois main dans la main avec les cartels de la drogue.

      Les « coyotes » abandonnent souvent les migrants en plein désert après avoir empoché l’argent. Ce n’est que la première difficulté à laquelle les clandestins font face. Poursuivis par les agents de la Border Patrol, ils sont parfois également traqués par des milices privées composées d’individus lourdement armés à l’idéologie proche de l’extrême droite qui, souvent, cherchent « à faire justice » eux-mêmes. Quand ils ne tombent pas sur des brigands. Des cas de viols et de meurtres sont signalés. Dans le désert, c’est la loi du plus fort.

      « Chaque jour, entre trente et plusieurs centaines de gens passent par illégalement dans la région », raconte un agent de la Border Patrol, à un checkpoint à la sortie du parc, pendant qu’un chien sniffe l’arrière de la voiture. « Surtout des trafiquants. »

      Chelsea Halstead travaille pour Colibri, un centre qui collabore avec l’institut médico-légal de Tucson. L’ONG s’est donné un but : identifier les corps, donner un nom aux restes humains retrouvés dans le désert. Faire en sorte que « Doe 12-00434 » ou « Doe 12-00435 » retrouvent enfin leur identité. « Nous avons obtenu l’an dernier l’autorisation de procéder à des tests ADN. Cela simplifie considérablement nos recherches. Avant, on recueillait les informations de familles qui n’ont plus de nouvelles d’un proche, et nous les transmettions aux médecins légistes. Mais s’il n’y avait pas de signalement particulier, comme une caractéristique au niveau de la dentition ou du crâne, c’était comme rechercher une aiguille dans une botte de foin. » En prélevant des échantillons d’ADN chez les familles de disparus, Colibri espère pouvoir identifier des centaines de corps encore anonymes. Un bandana, une poupée, une bible : tous les objets retrouvés dans le désert, à proximité ou non de restes humains – les animaux sauvages sont parfois passés par là –, ont une histoire, que l’ADN peut permettre de reconstituer.

      Mais le centre se heurte parfois à un obstacle : la peur. « Notre travail n’a pas vraiment changé avec l’élection de Donald Trump. Mais les déportations sont plus massives, chaque clandestin se sent potentiellement en danger », précise Chelsea. Une femme a été arrêtée et déportée alors qu’elle subissait une opération pour une tumeur au cerveau, rappelle-t-elle. Autre exemple : une victime de violence conjugale. Son compagnon a dénoncé son statut migratoire, et la voilà expulsée. « Les clandestins sont tétanisés. Ils craignent d’être arrêtés en se rendant chez nous. Une famille de Los Angeles, qui nous avait fourni de l’ADN, nous a appelés pour nous dire qu’un de leur fils a été déporté peu après. »

      Chelsea est encore toute tourneboulée par l’épisode du raid. Dans le désert, quand un migrant parvient à trouver une balise de sauvetage et appelle le 911, il tombe généralement sur la Border Patrol, et pas sur des équipes médicalisées. « Ils veulent nous faire croire qu’ils sauvent des vies, mais ils s’empressent de déporter les migrants. On a même eu droit à une fausse opération de sauvetage par hélicoptère, où un agent de la Border Patrol jouait le rôle d’un migrant ! » assure-t-elle.

      A #Ajo, on n’aime pas parler de migration illégale

      Depuis le parc de cactus, on remonte vers la petite ville d’Ajo. Les gens ne sont pas toujours bavards, ni les journalistes bienvenus. Chez Marcela’s, la Marcela en question, une Mexicaine, n’avait visiblement pas très envie de parler immigration illégale ce jour-là. Sa préoccupation : faire fonctionner son petit restaurant. Elle a trouvé un bon créneau : elle est la seule de la ville à offrir des petits-déjeuners. Alors plutôt que de répondre aux questions, elle file chercher le café.

      Départ pour #Yuma, située à la confluence du Colorado et de la rivière Gila. De l’autre côté de l’eau, le Mexique. Après avoir fait un tour en ville et tenté d’approcher le mur – le nombre de sens interdits nous fait faire des kilomètres –, on descend vers #Gadsden. Là, à force de chercher à approcher la barricade, on l’a vue de très près, en empruntant, sans le remarquer tout de suite, un chemin totalement interdit. D’ailleurs, à cet endroit, le « mur » s’est arrêté sec au bout de quelques centaines de mètres.

      Plus rien. Ou plutôt si : du sable, des ronces et des pierres. Plus loin, la barricade se dédouble. A un endroit, elle jouxte une place de jeu, qui semble laissée à l’abandon.

      A San Diego, le « mur » se jette dans le Pacifique

      On décide un peu plus tard de poursuivre l’aventure jusqu’à San Diego. La route est presque droite. On traverse le désert de Yuha, des montagnes rocheuses, des réserves amérindiennes, des champs d’éoliennes et des parcs de panneaux solaires. Avec un détour par Calexico – contraction de « California » et de « Mexico » – pour avaler deux-trois tacos. En face, son pendant, Mexicali, mariage entre « Mexico » et « California ». A Calexico, on a beau être encore aux Etats-Unis, l’espagnol domine. Dans la petite gargote choisie pour midi, l’ambiance est étrange. Les clients ont tous des visages boursouflés et tristes.

      L’entrée à #San_Diego est impressionnante, avec ses autoroutes à voies multiples. Ici, le « mur » se jette dans le Pacifique. On parque la voiture dans le Border State Park, et c’est parti pour 30 minutes de marche sous un soleil cuisant. Une pancarte avertit de la présence de serpents à sonnette. Très vite, un bruit sourd et répétitif : les pales d’hélicoptères, qui font d’incessants va-et-vient. On se trouve dans une réserve naturelle. Au bout de quelques minutes, la plage. Elle est déserte. On se dirige vers la palissade rouillée. Le sable est brûlant. Le bruit des vagues est couvert par celui des hélicoptères. Et par la musique qui émane de la jeep d’un agent de la Border Patrol, posté face au Mexique. Pas vraiment de quoi inspirer les Californiens : ils ont de belles plages un peu plus loin, sans barbelés, sans panneaux leur indiquant de ne pas s’approcher de la palissade, sans caméra qui enregistre leurs faits et gestes. De l’autre côté, à Tijuana, c’est le contraste : des familles et des chiens profitent de la plage, presque accolés aux longues barres rouillées. Un pélican passe nonchalamment au-dessus de la barrière.

      Le week-end, l’ambiance est un peu différente. Le parc de l’Amitié, qui porte aujourd’hui très mal son nom, ouvre pendant quelques heures, de 10 à 14 heures. C’est là que des familles, sous l’étroite surveillance de la Border Patrol, peuvent, l’espace de quelques instants, franchir la première barrière côté américain, se retrouver dans le no man’s land qui sert de passage pour les jeeps des gardes-frontières, et se diriger vers la deuxième. Pour enfin pouvoir, à travers un grillage, toucher, embrasser leurs proches. C’est le sort de familles séparées par la politique migratoire.

      Ce parc a été inauguré en 1971 par l’épouse du président Richard Nixon. Jusqu’à mi-2009, il était possible de s’étreindre et de se passer des objets, presque sans restriction. Puis, le parc a fermé, le temps de construire une nouvelle barrière, en acier cette fois, de 6 mètres de haut. Il a rouvert en 2012. Ses environs sont désormais quadrillés en permanence par des agents de la Border Patrol. En jeeps, en quads et à cheval. C’est devenu l’une des portions de frontière les plus surveillées des Etats-Unis. Avec Donald Trump, elle pourrait le devenir encore plus.

      Sur la piste des jaguars
      La construction du mur « impénétrable, beau et solide » de Trump aurait des conséquences désastreuses sur l’écosystème, avertissent les scientifiques. Les rares jaguars mexicains venus aux Etats-Unis pourraient en pâtir. Et en matière de jaguars, Mayke et Chris Bugbee en connaissent un rayon.

      Mayke est un berger malinois femelle. Elle était censée faire carrière dans la traque aux narcotrafiquants, détecter drogues et explosifs, mais la Border Patrol n’en a pas voulu : la chienne a peur des gros camions. Peu importe : Mayke a aujourd’hui une existence bien plus fascinante. Repérée par le biologiste Chris Bugbee, elle a été formée pour surveiller un autre type de clandestin venu tout droit du Mexique : El Jefe. L’un des rares jaguars à avoir foulé le sol américain.

      El Jefe (« le chef ») vient probablement de la Sierra Madre, une chaîne de montagnes du nord du Mexique. La dernière fois qu’il a été filmé aux Etats-Unis – il lui arrive de se faire avoir par des pièges photographiques –, c’était en octobre 2015. Depuis, plus rien. A-t-il été tué, braconné par des chasseurs ? Ou est-il reparti au Mexique, à la recherche d’une femelle ? Aucune piste n’est à écarter.

      Une chose est sûre : El Jefe est un jaguar malin. Chris Bugbee ne l’a jamais vu. Grâce à Mayke, il a trouvé des traces de sa présence – des excréments, des restes de mouffettes où tout a été dévoré sauf les glandes anales, et même un crâne d’ours avec les traces de dents d’un jaguar, peut-être les siennes –, mais n’a jamais croisé son regard. « El Jefe est très prudent. Il nous a probablement observés pendant des missions. Il est arrivé qu’il apparaisse sur des images de caméras à peine 12 minutes après mon passage, raconte Chris Bugbee. Ma chienne, par contre, l’a probablement vu. Un jour, elle s’est brusquement immobilisée sur ses pattes, comme tétanisée par la peur. Elle est venue se cacher derrière mes jambes. Je suis presque sûr que c’était lui. Cela devait en tout cas être quelque chose d’incroyable ! »

      Auteur d’un mémoire de master consacré aux alligators, Chris Bugbee s’est installé à Tucson avec sa femme, qui s’est, elle, spécialisée dans les ours noirs, puis les félins. Il a d’abord entraîné des chiens à ne pas attaquer des serpents à sonnette. Puis il s’est pris de passion pour les jaguars et s’est intéressé de près à El Jefe, qui rôdait pas loin. Ni une, ni deux, il décide de faire de Mayke le premier chien spécialisé dans la détection de ces félins aux Etats-Unis. Il l’entraîne avec de l’excrément de jaguar récupéré d’un zoo. Tous deux se mettent ensuite sur la piste d’El Jefe pendant quatre ans, dans le cadre d’un projet de l’Université de l’Arizona, dont le but est de surveiller les effets sur la faune de la construction de premières portions de palissades de long de la frontière.

      En été 2015, le projet prend fin, mais Chris Bugbee veut continuer. Il finit par obtenir le soutien du Center for Biological Diversity. Grâce à ses pièges photographiques, il réussit à cerner les habitudes d’El Jefe. Des images censées rester discrètes et utilisées uniquement à des fins scientifiques, jusqu’à ce que Chris Bugbee décide de les rendre publiques, sans demander l’avis de ses anciens chefs ni celui des agences fédérales associées au projet, « qui de toute façon ne font rien pour préserver les jaguars ». Il avait hésité. Le risque en révélant l’existence d’El Jefe est d’éveiller la curiosité de braconniers.

      Mais Chris veut sensibiliser l’opinion publique à la nécessité de protéger cette espèce, qui revient progressivement aux Etats-Unis. Car le mur de Donald Trump la menace. Tout comme le projet d’exploitation d’une mine de cuivre, pile-poil sur le territoire d’El Jefe. En février 2016, il diffuse donc une vidéo de 41 secondes qui montre « l’unique jaguar aux Etats-Unis ». C’est le buzz immédiat. La vidéo a été visionnée des dizaines de millions de fois. Du côté de l’Université de l’Arizona et du Service américain de la pêche et de la faune, l’heure est par contre à la soupe à la grimace. Chris Bugbee est sommé de rendre son matériel et son véhicule.

      « Je ne regrette pas d’avoir diffusé la vidéo, souligne aujourd’hui Chris Bugbee. L’opinion publique doit être alertée de l’importance de protéger cette espèce. C’est incroyable de les voir revenir, peut-être poussés vers le nord à cause des changements climatiques. Dans les années 1900-1920, il existait un programme d’éradication de ces prédateurs. La population des jaguars aux Etats-Unis a presque été entièrement décimée vers 1970. » Il ajoute : « Mais avec le projet de Trump, ce serait clairement la fin de l’histoire du retour des jaguars aux Etats-Unis. »

      Le dernier jaguar femelle recensé aux Etats-Unis a été tué dans l’Arizona en 1963. Depuis, les jaguars observés dans le pays se font rares. Ces vingt dernières années, sept jaguars ont été aperçus. Les deux derniers ont été photographiés récemment, l’un d’eux en décembre 2016 dans les montagnes Huachuca. Juste au nord d’une petite portion de frontière sans barricade.

      Les jaguars de Sonora et les ocelots ne seraient pas les seuls animaux affectés par la construction d’un mur. Beaucoup d’espèces migrent naturellement entre les deux pays. Des coyotes, des ours, des lynx, des cougars, des antilopes ou des mouflons. Ou encore les rares loups gris du Mexique. Même des animaux de très petite taille, comme le hibou pygmée, des tortues, des grenouilles ou des papillons risquent d’être touchés. Les animaux volants pourraient être gênés par des radars et des installations lumineuses, qui font partie des méthodes de détection de passages illégaux de migrants ou de trafiquants.

      Chris Bugbee continue de se promener sur les terres d’El Jefe dans l’Arizona, dans l’espoir de retrouver, un jour, des signes de sa présence. Quant à Mayke, elle pourrait bientôt avoir une nouvelle mission : « Je vais probablement l’entraîner à trouver des ocelots. Eux aussi commencent à remonter depuis le Mexique. »


      https://labs.letemps.ch/interactive/2017/longread-au-pied-du-mur
      #décès #morts #mourir_aux_frontières

      Avec une carte des morts :

      sur les tunnels, v. aussi :
      https://seenthis.net/messages/625559

  • Our Part in the Darkness - The New Yorker
    http://www.newyorker.com/culture/culture-desk/our-part-in-the-darkness

    I remember when the photographs of torture at Abu Ghraib came to light. The response was similar. This is not us. Those soldiers were rotten. It began at the top, with George W. Bush, and it filtered down. But we would never do such a thing. Of course, we did do those things, and we kept on doing them over and over, and doing worse. Some objected, but most of us simply moved on, chose to forget. “No snowflake in an avalanche ever feels responsible,” the Polish poet Stanisław Jerzy Lec once wrote.

    Trump bans Muslims and we claim that this is un-American, that we are not this. I don’t have to talk up “ancient” history to show that we are. I won’t bring up settler colonialism, genocide, and land theft, or harp on slavery, or internment camps for Japanese-Americans. I won’t refer to the Page Act banning those deemed “undesirable,” the Chinese Exclusion Act, the Asiatic Barred Zone Act, or the Emergency Quota Act. I don’t have to mention the hundreds of thousands of Mexicans deported in the nineteen-thirties, or the thousands of Jews escaping Nazi violence who were turned away. It was F.D.R., not Trump, who claimed that Jewish immigrants could threaten national security. I won’t mention any of this, because this happened so long ago. We can always delude ourselves by saying that America was this but now we are better. Let me just say that in 2010 and 2011, state legislatures passed a hundred and sixty-four anti-immigration laws.

  • Pour Donald Trump, la torture, « ça marche »

    http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/01/28/pour-donald-trump-la-torture-ca-marche_5070580_4853715.html

    Pendant la présidentielle, le milliardaire s’était déjà singularisé en plaidant pour le retour aux méthodes d’interrogatoire pratiquées sous les mandats de George W. Bush.

    La loi a beau l’interdire, son secrétaire à la défense, l’ancien général James Mattis, douter de son efficacité, le président Donald Trump n’en démord pas : la torture, « ça marche ». Cette conviction, le milliardaire l’a rappelée à l’occasion de son premier entretien de président accordé à la chaîne ABC, mercredi 25 janvier. « Vous savez, j’ai parlé à d’autres personnes du renseignement, et ils croient beaucoup par exemple au simulacre de noyade [waterboarding], parce qu’ils disent que ça marche, ça marche », a répété le président.

    Pendant la campagne présidentielle, M. Trump s’était déjà singularisé en plaidant pour le retour aux méthodes d’interrogatoire assimilées à de la torture pratiquées pendant les mandats du président républicain George W. Bush. Il avait même assuré être prêt à défendre des méthodes « bien pires » que le simulacre de noyade. D’une part parce que, selon lui, elles permettaient d’obtenir des renseignements, d’autre part parce que même si « ça ne marche pas », les personnes qui y sont soumises « le méritent ». Sur ABC, il a justifié sa surenchère en disant vouloir « combattre le feu par le feu ».

    Le livret militaire pourrait être réexaminé

    M. Trump avait avoué sa surprise lorsque, au cours de son premier entretien avec James Mattis, ce dernier lui avait assuré être capable d’obtenir de meilleurs résultats avec « un paquet de cigarettes et des bières ». Depuis, il a toujours assuré qu’il s’en remettrait à l’avis de l’ancien général de s’en tenir au livret militaire, qui proscrit la torture. Au lendemain de l’entretien avec ABC, le président républicain de la commission des forces armées du Sénat à l’origine du vote d’un amendement interdisant ces pratiques, John McCain (Arizona), torturé pendant sa captivité lors de la guerre au ­Vietnam, a rappelé que la loi l’interdisait.

    Toutes les personnes nommées par M. Trump ne partagent pas ce point de vue. Dans une réponse à une question écrite posée par la sénatrice démocrate Diane Feinstein (Californie) pendant le processus de confirmation par le Sénat, l’actuel directeur de la CIA, Mike Pompeo, a estimé qu’il serait ouvert à un réexamen du livret militaire s’il se révèle être « un obstacle pour collecter des informations vitales pour la sécurité ». Au cours de son audition publique, il avait pourtant exclu un retour en arrière. Le conseiller à la sécurité, l’ex-général Michael Flynn, s’est montré équivoque. Quant au futur attorney général des Etats-Unis, l’ancien sénateur d’Alabama Jeff Sessions, il avait voté contre l’amendement de M. McCain.

  • États-Unis. Donald Trump prend une première mesure anti-avortement
    http://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/etats-unis-donald-trump-prend-une-premiere-mesure-anti-avortement-47546


    Les régressions sociales se font toujours sur le dos — en fait l’#utérus — des femmes.

    Le nouveau président s’est par ailleurs engagé à nommer à la Cour suprême un juge farouchement opposé à l’#avortement, en précisant que ce nouveau rapport de force à la haute juridiction pourrait à terme déboucher « automatiquement » sur l’annulation de « Roe V. Wade », l’arrêt emblématique qui a légalisé l’avortement en 1973 aux États-Unis.

  • There Is Still No Hard Evidence For “Russian Hacking”
    https://medium.com/mtracey/there-is-still-no-hard-evidence-for-russian-hacking-d7e12b6429db

    [A] declaration from Democrats’ new favorite pundit, former George W. Bush speechwriter and Clinton voter David Frum, has been retweeted over 3,500 times in approximately three hours. Media superstars such as John Harwood and Peter Daou joined in on the retweeting action. How many casual news consumers cursorily saw this tweet, accepted it as accurate, and then continued on with their day? Many, many tens of thousands, surely. And yet what the tweet omits, as does most every other account of the contents of the laughably anticlimactic DNI report, is that this much-anticipated document contains no new evidence corroborating the Government’s claims regarding “Russian Hacking.”

    #propagande #manipulation

  • Voyage dans l’Amérique en guerre (1/4) : unis dans le patriotisme

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/01/03/voyage-dans-l-amerique-en-guerre-1-4-unis-dans-le-patriotisme_5057161_3222.h

    Au nom de la lutte contre le djihadisme, le 11-Septembre a précipité les Etats-Unis dans quinze années de combats. Premier volet de notre reportage autour de la guerre d’Irak.

    La planète a peur. Quinze ans après que les Etats-Unis ont été frappés un lumineux et meurtrier matin de septembre, l’impression est que le monde vit dans un état d’indescriptible chaos. Le mouvement djihadiste continue de s’étendre géographiquement, le Proche-Orient est à feu et à sang, et partout des attentats rappellent à intervalles plus ou moins fréquents la dangerosité de la menace. A New York même, symbole du basculement du monde en 2001, des bombes artisanales ont explosé une semaine après la quinzième commémoration du 11-Septembre.

    Pour beaucoup de citoyens de ce monde troublé, les Etats-Unis sont aussi fautifs qu’Al-Qaida, ses partisans et successeurs. Leur réaction à l’attaque aussi spectaculaire qu’inattendue de New York et Washington aurait fortement contribué à amplifier le tourment dont ils furent la cible. Un tourment qui s’est propagé sur la planète et dont nul ne voit plus la fin.

    Les Américains, eux, ne savent plus que penser. Ils ne savent plus qui croire, de ces deux présidents, George W. Bush et Barack Obama, qui leur ont fait emprunter des sentiers de la guerre très différents, ni de leurs opposants, ni des commentateurs. La promesse de se désengager des conflits lointains fut l’une des raisons de l’élection d’Obama. La guerre qui continue est aujourd’hui l’une des raisons du vote mû par la peur et le protectionnisme en faveur de Donald Trump, qui va prendre les commandes des Etats-Unis le 20 janvier.

    L’Afghanistan, où vivaient à l’époque le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, et ses partisans, est désormais le théâtre de la guerre la plus longue de l’histoire de l’Amérique, plus longue que celle du Vietnam (1964-1975). Peu d’Américains le perçoivent. Une actualité chasse l’autre. La « une » des médias aujourd’hui, c’est l’organisation Etat islamique (EI) et le homeland terrorism, le « terrorisme intérieur » qu’elle tente d’inspirer, ces attaques perpétrées par de jeunes islamistes radicaux nés ou réfugiés aux Etats-Unis.

    Quinze ans. Une éternité, déjà. Après quinze ans à parcourir les lignes de front afghanes et irakiennes, les rues de Kaboul et de Bagdad, à tenter de comprendre la spirale des conflits qui opposent les Etats-Unis aux organisations djihadistes, le moment était venu d’aller de nouveau arpenter les routes d’Amérique. A la recherche à la fois de ceux qui ont combattu et de ceux qui sont restés au pays, à la recherche d’Américains rencontrés à travers le monde et de nouveaux visages. A la recherche de réponses aux questions qu’eux-mêmes se posent : comment l’Amérique a-t-elle changé ? Comment la société a-t-elle évolué ? Et comment se fait-il que ce conflit soit devenu une long war, une « guerre longue », puis, pour certains, une unending war, une « guerre sans fin » ?

    L’histoire aurait pu être différente. Il était impossible de prévoir, ce 11 septembre 2001, que la guerre d’Afghanistan allait durer si longtemps. Car tout aurait peut-être pu se jouer en quatre-vingt-deux jours… Le 26 septembre 2001, l’agent de la CIA Gary Schroen entre, avec six hommes, en Afghanistan, afin de préparer, avec les moudjahidin de la vallée du Panchir, au nord de Kaboul, l’offensive qui va renverser le gouvernement taliban, hôte ­d’Al-Qaida. Le 16 décembre 2001, Oussama Ben Laden, accompagné des 300 derniers combattants djihadistes encore en vie, s’enfuit d’Afghanistan, échappant à l’étau qui se resserre autour de lui dans les montagnes de Tora Bora, vers les « zones tribales » pachtounes du Waziristan, au Pakistan.

    Unis par le 11-Septembre

    Entre ces deux événements, quatre-vingt-deux jours se sont écoulés. La guerre d’Afghanistan aurait pu soit être définitivement terminée, si Ben Laden et ses hommes avaient été tués à Tora Bora, soit se poursuivre quelques jours ou semaines de plus au Pakistan – où Ben Laden sera finalement tué par une unité américaine des forces spéciales, la Navy SEAL Team Six, dix ans plus tard.

    Peu après l’entrée à la Maison Blanche de ­Barack Obama, en 2009, une commission du Congrès, sous la direction de John Kerry, a mené une enquête remarquable sur l’épisode de Tora Bora, publiée dans un rapport intitulé « Tora Bora Revisited ». La commission parlementaire racontait que le capitaine américain des forces spéciales, qui entendait la voix de Ben Laden dans son talkie-walkie et réclamait d’urgence des troupes supplémentaires pour prendre d’assaut la montagne, n’a jamais reçu ni réponse ni renforts. La raison principale était que le chef d’état-major, le général Tommy Franks, était trop occupé à établir des plans d’invasion de l’Irak, qu’il devait rendre à la Maison Blanche quelques jours plus tard.

    Personne peut-être n’a lu « Tora Bora Revisited ». C’était inutile, trop tard. Ben Laden sera bien tué deux ans plus tard, Obama ayant recentré la guerre américaine en priorité contre Al-Qaida, mais, entre-temps, Bush et son équipe avaient choisi l’occupation de l’Afghanistan, l’invasion et l’occupation de l’Irak, la war on terror, la « guerre au terrorisme » qui allait multiplier par centaines de milliers le nombre de djihadistes sur la planète au lieu d’anéantir l’ennemi initial.

    « CE JOUR A RENFORCÉ LA NATION AMÉRICAINE, CAR NOUS N’ÉTIONS QU’UNE GÉNÉRATION DE JOUEURS DE JEUX VIDÉO ET NOUS AVONS SOUDAINEMENT APPRIS À SERVIR UNE CAUSE : NOTRE PAYS », DÉCLARE LE VÉTÉRAN JASON MCCARTHY

    En ce 11 septembre 2016, New York se souvient… Pendant cette cérémonie de commémoration des attentats d’Al-Qaida, aucun New-Yorkais ne songe évidemment à ce qu’aurait pu être une guerre de quatre-vingt-deux jours. D’abord, il y a l’émotion à l’évocation de l’effondrement des tours du World Trade Center et à l’appel des noms des morts. Ensuite, il y a cette impression légitime que rien n’est fini, que la guerre dure, qu’un partisan d’Al-Qaida ou de l’organisation Etat islamique peut surgir au coin d’une rue.

    Alice Greenwald a accueilli des dizaines de milliers d’Américains survivants du 11-Septembre ou proches des victimes de 2001, et une pléiade de politiques, dont Hillary Clinton et Donald Trump en campagne pour l’élection présidentielle. La directrice du ­Mémorial du 11-Septembre est fière de son musée, ouvert il y a deux ans, qui a déjà reçu sept millions de visiteurs.

    « Le 11-Septembre a eu deux conséquences principales aux Etats-Unis : la prise de conscience de la vulnérabilité de l’Amérique, une nouvelle perte de l’innocence des Américains, et par ailleurs un extraordinaire moment d’unité, raconte Alice Greenwald. Ce musée tente de restituer ce sentiment d’unité qui a suivi le 11-Septembre. C’est un musée sur la réponse à l’événement. Que fait-on après que des gens diaboliques ont tué tant d’innocents ? Que fait-on individuellement ? »

    Sur les murets qui cernent les deux bassins creusés sur les empreintes des tours disparues, et qui reflètent le vide, l’absence, les noms des 2 977 victimes du 11-Septembre – dont 2 753 morts à New York – sont gravés. Les passants y déposent des fleurs.

    « Je voulais venger mon pays »

    A 8 h 46, l’heure où un avion a frappé la première tour il y a quinze ans, la foule, rassemblée dans le sud de Manhattan, observe une minute de silence. Le vétéran Jason McCarthy vient de dire quelques mots à la vingtaine d’amis et collègues qui l’ont accompagné de Floride pour la commémoration new-yorkaise. Des paroles solennelles sur le service du pays. « Le 11-Septembre, je voulais venger mon pays. Je me suis engagé, j’ai servi, j’ai combattu, raconte Jason McCarthy, qui fut soldat des forces spéciales durant cinq ans. Je pense honnêtement que ce jour a renforcé la nation américaine, car nous n’étions qu’une génération de joueurs de jeux vidéo et nous avons soudainement appris à servir une cause : notre pays. Cet esprit continue de vivre aujourd’hui. »

    Beaucoup, à 8 h 46, ont les larmes aux yeux. Tous regardent vers le ciel, vers les deux tours absentes, vers cette désormais tour unique bâtie à côté du Mémorial du 11-Septembre, le One World Trade Center, la plus haute tour de New York, culminant à 541 mètres, soit 1 776 pieds, en référence à l’année de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis.

    Toute la journée, la ville commémore. Les familles des victimes ont un accès réservé au Mémorial. Une chorale, au Musée des pompiers, chante un bouleversant Amazing Grace en mémoire des 343 soldats du feu qui ont perdu la vie en tentant d’en sauver d’autres, juste avant l’effondrement des tours jumelles.

    EN CE 11 SEPTEMBRE 2016, LE PRÉSIDENT OBAMA LOUE « LA RÉACTION D’UNE GÉNÉRATION D’AMÉRICAINS QUI S’EST DRESSÉE POUR SERVIR ET QUI A RISQUÉ ET DONNÉ SA VIE POUR AIDER À [LES] PROTÉGER »

    Le soir venu, dans une caserne de pompiers, devant un public de vétérans et d’amis, Jason McCarthy fait une intervention publique et raconte « comment devenir un meilleur homme grâce au 11-Septembre ». « Ce n’est pas un processus facile que de s’imaginer tuer un autre être humain. De plus, on m’a envoyé en Irak alors que je m’imaginais traquer Ben ­Laden en Afghanistan. Cela dit, à ce stade, c’était devenu de la sémantique. L’important était le service en lui-même. Servir l’Amérique. Mourir pour l’Amérique. Servir et mourir pour ses camarades. L’addiction à servir, à accomplir quelque chose de plus grand que soi, le culte du “Send me !” [« Envoyez-moi ! »] des forces spéciales ont changé ma vie et fait de moi un homme meilleur. »

    Devant le mémorial près de l’emplacement du World Trade Center, le 11 septembre 2016.
    Le président Barack Obama, ce jour-là, commémore comme chaque année le 11-Septembre au Pentagone, à Arlington (Virginie), où un troisième avion piloté par les hommes d’Al-Qaida s’était abattu. Il est au quartier général de ce que l’Amérique vénère le plus : ses hommes en armes. Le Pentagone est aussi le premier symbole de la réaction américaine au 11-Septembre, Washington ayant militarisé sa politique étrangère : quinze ans après, l’armée américaine mène officiellement des opérations de guerre dans sept pays (Afghanistan, Irak, Libye, Pakistan, Somalie, Syrie, Yémen) et est présente dans une cinquantaine d’autres sur la planète.

    Le président Obama loue « la réaction d’une génération d’Américains qui s’est dressée pour servir et qui a risqué et donné sa vie pour aider à [les] protéger ». Il remercie ces Navy SEAL qui ont fait « justice » en supprimant Oussama Ben Laden, dont la mort restera comme l’un des principaux succès de sa présidence. Il parle d’une Amérique ouverte sur le monde et tolérante. Et d’une Amérique qui affronte de nouveaux dangers : de Boston à San Bernardino et à Orlando, ce sont désormais des citoyens américains ou résidents aux Etats-Unis qui portent des coups mortels, « inspirés par les idéologies de la haine ».

    En ce jour de commémoration, le président veut unir l’Amérique. Rien n’évoque les controverses des quinze dernières années. Rien n’indique ses désaccords profonds avec la politique de Bush, ni qu’il y ait eu une différence fondamentale entre la guerre d’Afghanistan – où Al-Qaida avait trouvé refuge – et celle d’Irak – un pays qui n’avait pas davantage de liens avec Al-Qaida que d’armes chimiques menaçant le monde.

    Que l’on considère l’occupation de l’Afghanistan, après la défaite rapide des talibans et la fuite de Ben Laden au Pakistan, comme justifiée ou non, l’Irak reste, avec la création de la prison de Guantanamo, le principal symbole des erreurs commises par les Etats-Unis dans leur réaction au 11-Septembre. Une erreur illustrée, le 9 avril 2003, jour de la chute de Bagdad, par un épisode très médiatisé à l’époque puis peu à peu tombé dans l’oubli.

    Le monde se souvient de la chute de la statue de Saddam Hussein, abattue place Al-Ferdaous (place du Paradis) par une centaine de Bagdadis aidés – leurs burins se révélant inutiles face au socle en béton – par une grue de l’armée américaine. Inaugurée l’année précédente pour le 65e anniversaire du raïs, la statue, représentant Saddam Hussein la main tendue vers Jérusalem, était la plus majestueuse du pays.

    « Capitaine Lewis, détruisez cette statue ! », hurle ce jour-là le colonel Bryan McCoy, l’officier des marines entré dans l’Histoire comme l’homme de la chute de Bagdad. Lewis, surpris, rappelle à son colonel que les ordres sont de laisser les Irakiens abattre seuls les statues de Saddam Hussein. « Aujourd’hui est un jour spécial, capitaine Lewis !, gronde McCoy. Détruisez cette statue ! » C’est ainsi, sous l’œil des caméras de télévision, que Bagdad tomba…

    SI, EN 2003, LES BAGDADIS REMERCIENT LES AMÉRICAINS D’AVOIR CHASSÉ LE TYRAN, ILS NE SOUHAITENT PAS QUE LEUR DRAPEAU FLOTTE SUR LE PAYS

    Peu en revanche se souviennent qu’un instant, lorsque la nacelle de la grue atteint le sommet de la statue, un drapeau américain est posé sur le visage du raïs par un homme du capitaine Lewis. Très brièvement, car la foule proteste immédiatement : si ces Bagdadis remercient les Américains d’avoir chassé le tyran, ils ne souhaitent pas que leur drapeau flotte sur le pays. Ils n’imaginent d’ailleurs pas que l’envahisseur devienne un occupant. Ils pensent que les soldats repartiront aussi vite qu’ils sont venus.

    L’histoire de cette arrogance dominatrice, de ce drapeau qui fait hurler la foule, remonterait au 11-Septembre, le jour où tout commence, le jour qui justifie tout. Ce 9 avril 2003, expliquant pourquoi ses hommes ont coiffé la statue de Saddam Hussein aux couleurs américaines, le colonel McCoy confie, la voix teinte d’émotion, que ce drapeau vient des décombres du Pentagone, où il a été trouvé entre les cadavres de camarades et les blessés. « Pour nous, il veut dire quelque chose. Nous l’avons apporté d’Amérique avec nous sur le champ de bataille… »

    Peut-être d’ailleurs McCoy le croit-il sincèrement, car Tim McLaughlin, le propriétaire du drapeau, était bien au Pentagone le 11-Septembre. Quinze ans plus tard, c’est dans un chalet de Concord (New Hampshire) que le bout de tissu réapparaît. « Ce drapeau est en bas quelque part… » Tim McLaughlin sourit. De longues recherches dans la cave et l’aide de son épouse s’avèrent nécessaires pour retrouver le célèbre drapeau, symbole place Al-Ferdaous du passage de libérateur à occupant, symbole peut-être de l’échec de tout ce que les Etats-Unis ont entrepris au Moyen-Orient depuis quinze ans, au lieu de traquer 300 combattants perdus au Waziristan.

    Lorsque l’avion percuta le Pentagone, Tim McLaughlin était militaire dans les marines et, à cause d’une jambe cassée, avait été muté à l’état-major le temps de sa rééducation. Il a aidé à évacuer des blessés. Un an plus tard, l’armée se consacre à ses préparatifs d’invasion de l’Irak. Un jour, une amie de sa belle-sœur, une jeune fille de Washington qui ne lui veut que du bien, lui offre un drapeau acheté au coin de la rue. Un porte-bonheur, en quelque sorte, avant de partir à la guerre. « C’était juste un drapeau. Je l’ai oublié. Puis il s’est retrouvé dans mon paquetage. »

    Le vétéran Tim McLaughlin, à Concord (New Hampshire), le 13 septembre 2016.
    Une fois l’unité arrivée à Bag­dad, place Al-Ferdaous, McLaughlin le donne à son officier supérieur. Et c’est ainsi que ce drapeau, qui n’a jamais connu le Pentagone ni ses décombres, se retrouve au sommet de la statue de Saddam Hussein.

    « Beaucoup de gens ont dit que tout ça, la chute de la statue, le drapeau, était organisé, planifié… », sourit McLaughlin. Dans la vie, et particulièrement dans la guerre, les choses se déroulent souvent autrement que selon des plans et des complots. De même que la mission de McCoy n’était pas d’aller jusqu’à la place Al-Ferdaous ce jour-là et qu’il a accéléré la cadence en comprenant que la ville était ouverte, aucun soldat américain ne pouvait prévoir qu’une centaine d’Irakiens tenteraient d’abattre cette statue, que McCoy ordonnerait malgré ses consignes de les aider, et qu’un McLaughlin allait sortir de son sac un drapeau offert par une amie de sa belle-sœur.

    « J’ai souffert au retour d’Irak »

    Cela ne change rien au destin tragique que connaît l’Irak depuis ce jour, de la guérilla antiaméricaine à la guerre civile entre sunnites et chiites, du chaos à la fragmentation du pays. Aux Etats-Unis, ce n’est cependant pas le problème des vétérans. Ils pensent d’abord à eux-mêmes et à leurs proches.

    Tim McLaughlin raconte honnêtement son retour, sous le regard attendri de son épouse. « Aujourd’hui j’ai une belle famille, un excellent job de juriste et une superbe maison, mais j’ai souffert au retour d’Irak. Les cauchemars, la nuit. Les traumatismes, les problèmes mentaux et les médicaments. Il est difficile, après l’armée, après la guerre, de se replonger dans une société individualiste et matérialiste, où les gens n’aiment pas le risque, où Hollywood fait des films de guerre qui ne reflètent aucunement la réalité, où les politiques veulent juste des votes, et les médias des clics. »

    Comme beaucoup de vétérans, Tim McLaughlin est engagé dans des associations au service de sa communauté. Lui fait des lectures de L’Odyssée d’Homère à des soldats un peu paumés. « Les gens nous arrêtent dans la rue, lorsque nous sommes en uniforme, et nous disent : “Thank you for your service” [« Merci pour ­votre service »]. Mais ils n’ont aucune idée de ce pour quoi ils nous remercient. Aucune. »

    Deuxième épisode : « Thank you for your service »

    Montrer l’Amérique sous surveillance

    Les images de notre série « Voyage dans l’Amérique en guerre » sont signées Tomas van Houtryve. Le photographe américano-belge a accompagné notre reporter sur les routes des Etats-Unis équipé d’une caméra thermique clipsée sur son smartphone. Un procédé technique qu’il avait déjà utilisé dans sa série « Packing Heat » (expression d’argot qui signifie « porter une arme »), réalisée après que la police de New York eut annoncé, en 2012, son projet – finalement abandonné – de s’équiper de scanners infrarouges pour repérer les armes à feu dissimulées sous les vêtements. Il avait alors sillonné la ville, qui dispose d’un des systèmes de surveillance les plus sophistiqués du pays, pour « voir comment une technologie conçue pour la surveillance captait le corps humain ».

  • #ISRAËL : L’ONU ADOPTE UNE RÉSOLUTION RÉCLAMANT L’ARRÊT DE LA #COLONISATION DES #TERRITOIRES_PALESTINIENS
    http://www.lci.fr/international/israel-l-onu-adopte-une-resolution-demandant-l-arret-de-la-colonisation-des-terr

    La décision des #Etats-Unis de ne pas utiliser leur droit de #veto, contrairement à un précédent projet de texte, a permis l’adoption par le Conseil de sécurité de l’#ONU d’une résolution condamnant les colonies israéliennes vendredi 23 décembre.

    • Against Israel’ at Security Council

      Israel rejects anti-settlement motion out of hand, will work with incoming U.S. administration to ’negate the harmful effects of this absurd resolution,’ Prime Minister’s Bureau says in statement.
      Barak Ravid Dec 23, 2016 11:39 PM

      http://www.haaretz.com/israel-news/1.761011

      Israel said it will impose sanctions on two states that pushed for the UN Security Council resolution against Israeli settlements. Prime Minister Benjamin Netanyahu ordered the Israeli ambassadors in New Zealand and Senegal for consultation. Israel does not have diplomatic ties with the two other states that called for a vote on the resolution – Venezuela and Malaysia.

      The prime minister’s bureau said that Netanyahu has canceled an impending visit of the Senegalese foreign minister to Israel, and ordered the Foreign Ministry to void all planned aid to the country. He also canceled the visits of the non-resident ambassadors from Senegal and New Zealand.

      Netanyahu’s bureau also lambasted United States President Barack Obama for not casting a veto against the resolution.

    • #Obama Allows Toothless UN Resolution Against Israeli Settlements to Pass
      https://theintercept.com/2016/12/23/obama-allows-toothless-un-resolution-against-israeli-settlements-to-pa

      The administration’s abstention reflects a larger reality: President Obama did more to shield Israel from international pressure at the United Nations than any of his predecessors.

      This was the only Security Council resolution calling on Israel to respect international law that Obama ever refused to veto. Under George W. Bush, six similar resolutions were allowed through. Under H.W. Bush, nine resolutions critical of #Israel were allowed through.

    • Représailles diplomatiques d’Israël contre la Nouvelle-Zélande et le Sénégal
      Le Figaro, le 24 décembre 2016
      http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/12/24/97001-20161224FILWWW00024-represailles-diplomatiques-d-israel-contre-la-nou

      Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a ordonné samedi « une série de mesures diplomatiques » contre la Nouvelle-Zélande et le Sénégal qui ont obtenu qu’un vote soit organisé vendredi à l’ONU sur une résolution contre les colonies israéliennes.

      La résolution, initialement proposée par l’Egypte et qui devait être votée jeudi, avait finalement été présentée au vote vendredi à l’initiative de la Nouvelle-Zélande, du Sénégal, de la Malaisie et du Venezuela, après une volte-face du Caire. Israël n’entretient pas de relations diplomatiques avec la Malaisie et le Venezuela.

      Netanyahou a annoncé quelques heures seulement après le vote de la résolution, le rappel « immédiat » de ses ambassadeurs en Nouvelle-Zélande et au Sénégal « pour consultations ».

      Il a également décidé d’annuler la visite du ministre sénégalais des Affaires étrangères, prévue en janvier, ordonné l’annulation de tous les programmes d’aide au Sénégal, et l’annulation des visites en Israël des ambassadeurs non résidents du Sénégal et de Nouvelle-Zélande.

      #Sénégal

      Compile #Israfrique :
      https://seenthis.net/messages/685758

    • Colonisation israélienne : le résultat de la frustration d’Obama
      Dave Clark24 décembre 2016
      https://fr.news.yahoo.com/colonisation-isra%C3%A9lienne-r%C3%A9sultat-frustration-dobama-074454

      Mais l’abstention décidée par Barack Obama a été sévèrement critiquée à Washington, des démocrates et des républicains criant à la trahison du plus proche allié au Moyen-Orient.

      Le président élu Donald Trump, qui s’était impliqué personnellement dans le dossier en obtenant jeudi un premier report du vote, a tenu à rassurer les Israéliens. « Concernant l’ONU, les choses seront différentes après le 20 janvier », date de sa prise de fonctions, a-t-il dit sur Twitter.

      Le sénateur démocrate Chuck Schumer, qui a fait pression sur l’administration Obama jusqu’à la dernière minute, a décrit une décision « extrêmement frustrante, décevante et déconcertante ».

      L’AIPAC, puissant groupe de pression pro-Israël à Washington, a estimé que ce vote montrait une fois de plus que « les Nations Unies sont un forum destiné à isoler et délégitimer Israël ».

      Pour beaucoup d’experts, la décision de Barack Obama, prise alors qu’il passe la fin de l’année à Hawaï, s’explique en partie par ses mauvaises relations personnelles avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. C’est une relation « empreinte de méfiance », souligne Jonathan Schanzer, vice-président de la Fondation pour la défense des démocraties, un centre de réflexion de Washington.

    • ONU : pourquoi Obama a « lâché » Israël
      Intransigeance israélienne sur les colonies, relations exécrables avec Benjamin Netanyahu : l’abstention des États-Unis lors du vote à l’ONU était attendue.
      Par Armin Arefi
      Modifié le 24/12/2016
      http://www.lepoint.fr/monde/onu-pourquoi-obama-a-lache-israel-24-12-2016-2092816_24.php#xtor=CS2-239

      Pourtant, un ancien ministre français des Affaires étrangères qui a côtoyé Benjamin Netanyahu affirme que ce dernier a en tête l’idée de finalement déplacer les Palestiniens en Jordanie. Et l’arrivée au pouvoir du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, qui fait la part belle aux colons ultra-orthodoxes et aux nationalistes, ne laisse guère de place au compromis.

    • Le Conseil de sécurité exige d’Israël qu’il cesse ses activités de peuplement dans les territoires palestiniens
      http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=38705

      23 décembre 2016 – Le Conseil de sécurité a adopté vendredi une résolution réaffirmant que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit.

      La résolution, présentée conjointement par la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Sénégal et le Venezuela, a été adoptée avec 14 voix pour, zéro contre et une abstention – celle des Etats-Unis.

      Dans sa résolution, le Conseil exige « de nouveau » d’Israël qu’il arrête « immédiatement et complètement » toutes ses activités de peuplement.

      Les membres du Conseil ont réaffirmé que la création de colonies de peuplement par Israël constitue une violation flagrante du droit international ainsi qu’un « obstacle majeur à la réalisation des deux Etats et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ».

      Aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, « y compris Jérusalem », ne sera reconnue, a indiqué le Conseil, à l’exception de celles convenues par les parties par la voie de négociations.

    • Résolution 2334 (2016)
      Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7853e séance,
      le 23 décembre 2016
      http://www.un.org/fr/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2334(2016)

      Le Conseil de sécurité,
      Rappelant ses résolutions sur la question, notamment les résolutions 242(1967), 338 (1973), 446 (1979), 452 (1979), 465 (1980), 476 (1980), 478(1980), 1397 (2002), 1515 (2003) et 1850 (2008),
      Guidé par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et rappelant notamment que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible, (...)

    • Netanyahou organise lui-même le boycott diplomatique d’Israël
      http://www.pourlapalestine.be/netanyahou-organise-lui-meme-le-boycott-diplomatique-disrael

      Une caricature d’Obama a été largement répandue sur les réseaux sociaux par les propagandistes sionistes aussitôt après le vote de la résolution 2334 : le Président des États-Unis poignardant dans le dos un soldat israélien en train de prier.

  • L’écart de voix entre Hillary Clinton et Donald Trump, une anomalie démocratique ?

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/15/le-casse-tete-de-l-oncle-sam_5049687_3232.html

    Malgré 2,7  millions de voix d’avance, Hillary Clinton ne sera pas présidente des Etats-Unis. Une anomalie qui relance le débat sur les grands électeurs.

    Le chiffre est historique. Le 8 novembre, la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine, Hillary Clinton, a engrangé 2,7 millions de voix de plus que son adversaire républicain Donald Trump.
    Mais la vie démocratique américaine est ainsi faite que Mme Clinton ne sera pas la future présidente des Etats-Unis. Elle-même, d’ailleurs, ne revendique rien. Elle connaît l’héritage de l’histoire et respecte la loi du « collège électoral » et de ses 538 grands électeurs chargés d’élire le président. Une spécificité américaine forgée dans la Constitution par les Pères fondateurs, mais qui, deux siècles plus tard, apparaît aux yeux de beaucoup comme une trahison du principe démocratique de l’élection au suffrage direct : « un homme, une voix ».

    Car si l’arithmétique prouve que Mme Clinton a gagné le vote populaire, elle n’a pas obtenu les bonnes voix aux bons endroits. En s’imposant dans une vingtaine d’Etats sur cinquante, la candidate démocrate n’a emporté que 232 des 270 grands électeurs qu’il lui fallait pour succéder à Barack Obama. Elle rejoint dans l’histoire récente le démocrate Al Gore : celui-ci avait dû s’incliner en 2000 face à George W. Bush, malgré un écart de 500 000 voix en sa faveur – soulevant, déjà, des questions sur l’équité de la procédure électorale.
    Seize ans plus tard, la victoire de l’imprévisible Donald Trump et l’avance sans appel de Mme Clinton en termes de voix ont suscité une émotion plus forte encore. Et relancé avec force le débat sur un système que beaucoup considèrent désormais comme une anomalie démocratique et historique.

    En un peu plus d’un mois, près de 5 millions de personnes ont signé une pétition demandant aux grands électeurs de donner leur voix à la candidate démocrate, le 19 décembre, lors de l’élection officielle du président des Etats-Unis.

    Cette requête a peu de chance d’être entendue. Seul un grand électeur républicain du Texas, Chris ­Suprun, a affirmé qu’il ne voterait pas pour M. Trump. Rejoignant ainsi les rares grands électeurs « déloyaux » (faithless) qui ont jalonné l’histoire de l’élection présidentielle – sans pour autant jamais en changer l’issue.

    Quelles raisons poussent donc l’une des plus solides démocraties du monde à élire son président au scrutin indirect, au cours d’une procédure à première vue injuste et dont une majorité de citoyens souhaiterait s’affranchir ? La réponse remonte à 1787 et a jailli lors d’âpres débats entre les rédacteurs de la Constitution américaine réunis à Philadelphie (Pennsylvanie).

    A l’époque, ces aristocrates éclairés, marqués par la brutalité des monarchies européennes, craignent l’émergence d’un dirigeant autoritaire, voire autocrate, à même de ruiner les apports de la révolution américaine. Leur confiance dans le jugement du peuple étant toute relative, la création d’un niveau intermédiaire d’électeurs jugés mieux informés s’impose pour éviter qu’un tyran ou qu’un démagogue ne se fraye un chemin par la voie démocratique.

    Le collège électoral est né. L’un de ses concepteurs, Alexander Hamilton, juriste influent dans les débats tenus à Philadelphie, défend cette conception contre ses collègues partisans d’un suffrage universel direct : « Un petit nombre de personnes, choisies par leurs concitoyens au sein de la population, sera plus à même de détenir les informations et le discernement requis. » En ajoutant qu’il était aussi « particulièrement souhaitable d’éviter au maximum tumulte et désordre ».

    Le poids démesuré de certains Etats

    Le poids respectif des grands électeurs selon les Etats, aujourd’hui remis en cause, remonte également à cette époque. Dans l’Amérique de la fin du XVIIIe siècle, les Etats du Sud, esclavagistes et moins peuplés que ceux du Nord, craignent que le système ne leur soit durablement défavorable.

    Un compromis est donc élaboré : quelle que soit son importance démographique, chacun des treize Etats initiaux enverra deux représentants au Sénat, tandis que la Chambre des représentants accueillera un nombre d’élus proportionnel à la population. Pour augmenter leur poids au Congrès, les Etats du Sud imposent l’idée qu’un esclave, même s’il n’a évidemment pas le droit de vote, compte pour trois cinquièmes d’un électeur blanc.

    Le vote d’un citoyen du Wyoming (586 000 habitants) compte quatre fois plus que celui d’un électeur du Michigan (9,9 millions).
    Conçu pour « protéger les minorités », ce principe donnera aux Etats du Sud la mainmise sur la présidence durant trente-deux des trente-six premières années qui suivent la rédaction de la Constitution, ainsi que l’a rappelé dans la presse américaine Akhil Reed Amar, spécialiste de droit constitutionnel. Aujourd’hui, la formation du collège électoral répond toujours à ces critères.

    Dans chaque Etat, le nombre des grands électeurs, désignés par les partis politiques, correspond au nombre de ses élus au Congrès, donnant à certains Etats ruraux ou peu peuplés un poids jugé disproportionné par les détracteurs du système : le vote d’un citoyen du Wyoming (586 000 habitants), dénoncent-ils, compte ainsi quatre fois plus que celui d’un électeur du Michigan (9,9 millions).

    Au lendemain de l’élection, l’écrivaine Joyce Carol Oates, suivie par d’autres critiques, s’inquiétait que ce déséquilibre favorise à jamais « les voix rurales, blanches, âgées et plus conservatrices ». Un sentiment d’injustice partagé en 2012 par un certain… Donald Trump. « Plus de voix égalent une défaite… Révolution ! », écrivait-il sur Twitter, alors que le décompte des voix de l’élection présidentielle se poursuivait. Il ajoutait quelques jours plus tard : « Le collège électoral est un désastre pour une démocratie. »

    Aujourd’hui, alors que ce système « honteux » lui est favorable, M. Trump juge que « le collège électoral est en fait génial car il met tous les Etats, y compris les petits, dans le jeu ». L’un des biais du système amène les candidats à rechercher les voix des grands électeurs dans des Etats stratégiques, délaissant durant leur campagne les Etats qu’ils savent, ou pensent, acquis à leur parti.

    « La tyrannie de la minorité »

    Quelques voix s’élèvent néanmoins pour défendre cette procédure. Ainsi, l’ancien directeur de campagne du candidat malheureux Al Gore, William M. Daley, estime que, si l’on réformait le collège électoral, « le remède pourrait être pire que le mal ».

    « Ce système, estime-t-il, favorise les deux grands partis, ce qui a permis une longue stabilité politique que beaucoup de pays envient. Un troisième parti en soi n’est pas une mauvaise chose, mais notre système fédéral n’est pas adapté aux partis de niche. »
    Des grands électeurs républicains, « harcelés » par des courriers leur demandant de changer leur vote pour faire barrage à M. Trump, montent aussi au créneau pour défendre le collège, qui assure, selon eux, « une représentation de l’ensemble du pays ».

    «  Plus de voix égalent une défaite… Révolution  !  », tweetait Donald Trump en 2012, avant d’ajouter  : «  Le collège électoral est un désastre pour une démocratie  »

    Mais les critiques, récurrentes, se multiplient. Concernée au premier chef, Mme Clinton ne s’est pas exprimée cette année sur le sujet. Mais, en 2000, alors que Bill Clinton s’apprêtait à terminer son deuxième mandat présidentiel, la First Lady de l’époque plaidait pour le suffrage universel direct et « la volonté du peuple ».

    « Ce système est intolérable dans une démocratie. Il viole l’égalité politique car toutes les voix ne sont pas égales », estime aussi George C. Edwards III, professeur de sciences politiques à l’université du Texas, auteur d’un ouvrage sur le sujet (Why the Electoral College Is Bad for America, « Pourquoi le collège électoral est mauvais pour l’Amérique », non traduit).

    En réponse aux Pères fondateurs, il juge que « le collège électoral ne protège pas de la tyrannie de la majorité. Au contraire, il fournit un potentiel pour la tyrannie de la minorité ». L’élection de M. Trump, acquise en grande partie grâce aux voix des électeurs blancs, ruraux et peu diplômés, tend à illustrer ce biais.

    Même si le caractère sacré de la Constitution aux Etats-Unis constitue un obstacle majeur à toute évolution, les propositions alternatives n’ont pas manqué depuis l’élection du 8 novembre. Au-delà de la pétition, sorte d’exutoire pour de nombreux électeurs sous le choc, d’autres initiatives ont vu le jour.

    Une élue démocrate de Californie, Barbara Boxer, a ainsi déposé une proposition de loi pour supprimer le collège électoral – texte qui n’a aucune chance d’être adopté. « La présidence est la seule fonction pour laquelle vous pouvez avoir plus de voix et perdre, déplore la sénatrice. Chaque Américain devrait être assuré que son vote compte. »

    Optimisme prudent

    Cet argument est repris par ceux qui s’inquiètent du faible taux de participation lors de l’élection (54 % cette année). De leur côté, deux grands électeurs démocrates du Colorado et de l’Etat de Washington ont lancé le mouvement des « Electeurs de Hamilton ».

    Sans réclamer la suppression du collège électoral, ils rappellent que les garde-fous défendus par le Père fondateur étaient conçus pour éviter la percée d’un ­ « démagogue » tel que M. Trump. Aussi demandent-ils à leurs pairs républicains non pas de voter pour Mme Clinton le 19 décembre, mais de choisir dans leur camp un candidat ayant « les qualifications requises », comme le souhaitait Alexandre Hamilton.
    Les inquiétudes actuelles ne sont pas nouvelles. Après la défaite de M. Gore, en 2000, plusieurs Etats avaient réfléchi à de nouvelles dispositions ne nécessitant pas un amendement constitutionnel. Il s’agissait d’abandonner la pratique bien ancrée du winner take all (« le gagnant remporte tout »), qui n’est pas inscrite dans la Constitution.
    Par ce biais, dans 48 des 50 Etats, le candidat arrivé en tête remporte la totalité des voix des grands électeurs en jeu. L’idée serait de partager les votes des grands électeurs de manière proportionnelle, en fonction du vote populaire.

    Une autre solution consisterait à suivre les recommandations du « National Popular Vote Interstate Compact ». Selon cet accord, signé par un groupe de dix Etats plus le district de Columbia (Washington, D.C.), les grands électeurs s’engageraient à donner leur voix au candidat qui aurait gagné le vote populaire, quelle que soit sa couleur politique. Un système qui ne fonctionnera que lorsque suffisamment d’Etats auront rejoint le mouvement pour délivrer 270 voix au « candidat du peuple ».

    Seize ans après ses propres déboires, Al Gore, quant à lui, fait preuve d’un optimisme prudent. « Cela prendra du temps, mais je ne serais pas surpris que finalement nous passions au vote populaire pour élire le président d’ici une décennie », commente-t-il. Mais, entre la tradition et le poids électoral que ce système octroie à certains Etats, le système des grands électeurs risque fort de dominer encore les prochaines élections.

  • Il y a plus d’une vérité à raconter dans la terrible histoire d’Alep | par Robert Fisk – Chronique de Palestine - 14 décembre 2016 – The Independent – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
    http://chroniquepalestine.com/verite-raconter-alep

    Les politiciens, les « experts » et les journalistes occidentaux vont devoir reprendre à zéro leur copie au cours des prochains jours, maintenant que l’armée de Bashar al-Assad a repris le contrôle de l’est d’Alep.

    Nous allons savoir si les 250 000 civils « prisonniers » dans la ville étaient effectivement aussi nombreux. Nous allons en apprendre beaucoup sur le fait ils n’avaient pas la possibilité de partir quand le gouvernement syrien et l’armée de l’air russe ont lancé leur bombardement féroce de la partie orientale de la ville.

    Et nous allons en apprendre encore davantage sur les « rebelles » que nous – les Occidentaux, les États-Unis, la Grande-Bretagne et nos coéquipiers du Golfe – avons soutenu.

    Il y avait après tout parmi eux, al-Qaïda (alias Jabhat al-Sham), le « peuple » – comme les appelait George W. Bush – qui ont commis les crimes contre l’humanité à New York, à Washington et en Pennsylvanie le 11 septembre 2001. Rappelez-vous la guerre contre le terrorisme ? Rappelez-vous le « mal à l’état pur » qu’était al-Qaïda. Rappelez-vous tous les avertissements de nos services de sécurité bien-aimés au Royaume-Uni sur la façon dont al-Qaïda pouvait semer la terreur à Londres ?

    Mais quand les rebelles, y compris al-Qaïda, se battaient dans l’est d’Alep, il n’en était plus question – car un conte d’héroïsme, de démocratie et de souffrance avait été mis au point pour nous, un récit avec des bons contre des méchants, du même acabit que celui explosif et malhonnête sur les « armes de destruction massive » en Irak.(...)

    traduction de l’article cité par @reka https://seenthis.net/messages/551373

    • Parce que nous saurons exactement la vérité sur ce qui s’est passé à Alep et les responsabilités des uns et des autres ? Assad et Poutine vont laisser l’ONU et les journalistes enquêter bien sûr !

      C’est surréaliste d’écrire « qu’on va enfin savoir ».

    • Mais qui va écrire exemple : « Aux ratiocineurs obama-Hollande » par exemple ? Tous les jours on entends la même chose ; quoi vous ne soutenez pas la paix d’ l’Otan, l’axe du bien (sous entendu Usa, UE, otan) alors que le chantage à l’émotion basée sur des mensonges type ADM en Irak par le dictateur qui tue son propre peuple, le faux charnier de Timisoara, les couveuses du Koweit, le faux massacre de Raçak en ex-Yougoslavie, les soit disants viols de Kaddhafi, les gaz qu’Assad aurait autorisés alors que Carla Del Ponte a bien dit que c’était les rebelles (djihadistes) qui l’ont utilisé ..Stop aux mensonges de guerre donnés par les médias les leaders d’opinion, sans preuves réelles, voir provoquées par nos alliés afin de créer un « casus belli » pour intervenir humanitairement a coups de carpet-bombing" style. Ou sont passés les mouvements anti-guerre en Europe ? Aux Usa un nouveau mouvement anti-guerre née malgré les odieux mensonges ou propagande de guerre masquée par le pseudo-humanitarisme Kouchnerien, (ingérence humanitaire) ou le R2P nouvel avatar (’responsability to protect) crée par les Usa. Ouvrez les yeux ...Merci pour tout le monde et les victimes.

  • See the Historic Maps Declassified by the CIA

    http://news.nationalgeographic.com/2016/11/us-cia-maps-strategy-foreign-policy-display

    signalé par l’excellent @lecartographe sur Twitter (que j’aimerai bien convaincre de venir sur seenthis d’ailleurs)

    Shortly after the attacks of September 11, 2001, U.S. President George W. Bush and several advisors gathered at Camp David to weigh the country’s options. On the table in front of them, as you can see in the photo below, was a map of Afghanistan created by cartographers at the Central Intelligence Agency. It was among the first of what would become thousands of maps the CIA produced after September 11 to track terrorist networks and support U.S. military operations, including the raid to capture Osama bin Laden in 2011.

    #cartographie #cia #manipulation #éléphants cc @fil #sémiologie

  • SARKOZEXIT (Requiem pour un fossoyeur) - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/11/sarkozexit-requiem-pour-un-fossoyeur.html
    http://i1.wp.com/arretsurinfo.ch/wp-content/uploads/2015/02/nicolas-sarkozy-et-george-w-bush.jpg?resize=600%2C384

    Abandonné au milieu du gué par son propre électorat, Nicolas Sarkozy quitte la scène. Comme ses prédécesseurs, celui qui fut président de la République de 2007 à 2012 a exercé la plénitude de ses attributions en matière internationale conformément à la pratique constitutionnelle du « domaine réservé ». Mais que retiendra l’histoire de ce passage aux affaires ? On peut répondre sans excès de sévérité qu’il en restera peu de chose.
    L’inflexion qu’il donna à la politique extérieure, en effet, se résume à un alignement inédit de la France sur les USA. En confiant les forces françaises au commandement intégré de l’OTAN, en mars 2009, il accomplit un spectaculaire bond en arrière ! Avec lui, la France rentra au bercail atlantiste que le général de Gaulle lui avait fait quitter en 1966. Comme si l’indépendance gaullienne était une simple parenthèse, ce président qui se disait gaulliste jeta aux orties un précieux héritage.
    Sous sa présidence, la France fut sommée d’entonner un refrain éculé : ces Etats-Unis qui sont nos sauveurs d’hier, comment pourrions-nous les décevoir ? Entre une hypothétique déception américaine et celle, inévitable, des peuples du Sud, le tandem Sarkozy-Kouchner, à l’époque, a fait son choix sans hésiter. Il a scellé, jusque dans les réunions d’état-major, le mariage contre-nature avec une hyperpuissance erratique dont la lubie néo-conservatrice, au même moment, s’effondrait avec fracas.
    Ce reniement, Nicolas Sarkozy l’a pleinement assumé. Comme son successeur François Hollande, il a occulté la signification de la décision prise par le général de Gaulle en 1966. Le sort du monde, alors, était suspendu à l’affrontement entre les blocs, l’Amérique engagée au Vietnam, le Tiers Monde en effervescence. En sortant la France du carcan atlantique, de Gaulle voulait conjurer l’affrontement des deux camps et tendre la main aux peuples du Sud. Il s’agissait pour la France d’affirmer sa souveraineté, de faire entendre une voix indépendante.
    C’est pourquoi le général de Gaulle reconnut la Chine populaire, dénonça l’intervention américaine en Asie du Sud-Est (discours de Phnom Penh) et amorça la détente avec l’URSS. Sortir de l’Alliance atlantique ? De Gaulle n’y a jamais songé. Mais en soustrayant les forces françaises au commandement américain, il donnait sa crédibilité à une politique étrangère indépendante. Il confortait son plaidoyer pour un monde multipolaire. La France retrouvait son éclat parce qu’elle avait quelque chose à dire au reste du monde.
    Sous Nicolas Sarkozy, le retour d’une France repentante à la maison-mère eut lieu au pire moment. A peine élu, Barack Obama entendait sortir son pays du guêpier irakien. Mais il voulait aussi poursuivre la guerre en Afghanistan pour y traquer Ben Laden. Cette incohérence stratégique aurait dû inciter à la prudence, mais l’exécutif français n’en avait cure. Se ralliant à la bannière étoilée, il dépêcha sur le terrain de nouvelles troupes et les confia aux bons soins des généraux américains. Bras séculier d’un Occident vassalisé par Washington, l’OTAN s’embourba en Afghanistan comme les USA en Irak.
    Mais le pire était à venir. Au printemps 2011, l’intervention militaire contre la Libye illustra jusqu’à la caricature la dérive d’un appareil militaire inféodé aux calculs politiciens des dirigeants français, britanniques et américains. Ce pays qui connaissait le PIB par tête le plus élevé d’Afrique fut dévasté, son président lynché et 30 000 personnes massacrées pour satisfaire les appétits pétroliers du camp occidental. Conseillé par un pseudo-philosophe bénéficiant d’un accès illimité aux médias, Nicolas Sarkozy fit figure de chef d’orchestre de ce « regime change » déguisé en opération humanitaire. Triste gloire. Cette supercherie tourna au désastre, et la région sahélienne continue d’en faire les frais.
    Plaidant en faveur de l’intégration militaire, l’ancien président préconisait une France « alliée mais pas vassale » et « fidèle mais pas soumise » . Étrange dénégation à vrai dire, et trop insistante pour ne pas s’apparenter à un aveu ! Une France ni « vassale » ni « soumise » ? Mais sous Nicolas Sarkozy, la France rallia le commandement intégré de l’OTAN. Elle doubla le nombre de militaires français en Afghanistan. Elle absout généreusement Israël de toute responsabilité dans la tragédie de Gaza en 2009. Elle contribua à la diabolisation du Hamas et du Hezbollah. A la remorque de Washington, elle jeta même de l’huile sur le feu, avec Bernard Kouchner, dans le conflit du Darfour.
    Avec enthousiasme, Nicolas Sarkozy relaya sur tous les fronts la propagande américaine contre « l’Axe du Mal ». Il pratiqua une surenchère belliciste (en vain, heureusement) contre la République islamique d’Iran. Résumant la situation en août 2007, le président français se contenta d’une traduction littérale de l’antienne des néoconservateurs américains : « Iran Bomb or Bomb Iran ». La France faisait partie du trio diplomatique censé explorer les voies d’une solution pacifique à la crise, mais l’exécutif français sabotait lui-même les négociations auxquelles il participait !
    Pour jouer ce rôle sur la scène internationale, Nicolas Sarkozy n’avait pas besoin de se forcer. Inconditionnel avéré des USA, il admire leur puissance. A croire qu’elle le rassure, lui qui avalisa le renoncement français. Son amour pour les Etats-Unis traduit sa fascination pour un modèle américain, plus fantasmé que réel, dont la vertu est de faire ressortir cet archaïsme français dont il prétendait nous débarrasser. Si les Européens (et surtout les Français) vous dénigrent, aimait-t-il déclarer aux Américains, c’est parce qu’ils sont jaloux de votre réussite.
    Cette allégeance proclamée induit une attitude inimaginable chez ses prédécesseurs. En septembre 2006, bien avant son élection, il fit le procès rétrospectif de l’opposition de Jacques Chirac aux entreprises guerrières de George W. Bush. « J’ai toujours préféré l’efficacité dans la modestie plutôt qu’une grandiloquence stérile, déclare-t-il devant la French American Foundation. Et je ne veux pas d’une France arrogante et pas assez présente ». La messe est dite ! Nicolas Sarkozy n’est pas Dominique de Villepin. A sa place, il aurait cautionné la politique irakienne de George W. Bush.
    Sous sa présidence, la politique extérieure de la France enterra le noble héritage de la « grandeur ». Nicolas Sarkozy manifesta à l’égard des USA un zèle admiratif. Il voulait être le premier de la classe dans la cour atlantiste. Il y a réussi, mais au prix de notre indépendance. Cet alignement par le bas de la singularité française se paye encore aujourd’hui. Il a signé le reniement d’une tradition qui conférait à la France une aura singulière. Fossoyeur du gaullisme, Nicolas Sarkozy a légué à son successeur son propre renoncement. Et ce n’est pas François Hollande, hélas, qui restaura avec éclat ce qui faisait jadis la singularité du message de la France.

  • Les riches ont voté Trump, les villes Clinton
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/16/les-riches-ont-vote-trump-les-villes-clinton_5031798_3232.html?xtmc=jacques_

    Dissymétrie des espaces

    La ressemblance frappante entre les cartes des trois dernières élections conduit aussi à relativiser l’effet propre du duel Clinton-Trump. Les choix des différents groupes ont en fait relativement peu bougé depuis quinze ans. Le fait que Barack Obama soit noir et que Hillary Clinton soit une femme a eu des effets limités et les attaques de Donald Trump contre les « minorités » n’ont pas empêché les démocrates de perdre un peu de terrain auprès d’elles.

    La question centrale est tout autre. Deux conceptions de la société et, jusqu’à un certain point, deux sociétés se font face depuis le duel serré entre Al Gore et George W. Bush en 2000 et qui se confirme, quel que soit le style particulier des protagonistes qui s’agitent sur la scène. Les électeurs utilisent les candidats pour faire passer leurs propres messages, qui s’opposent point par point.

    L’urbanité ou son rejet, l’espace public contre l’espace privé font résonance avec d’autres éléments très forts : éducation, productivité, créativité, mondialité, ouverture à l’altérité, demande de justice, présence du futur d’un côté ; de l’autre, mépris de l’intellect, enclavement économique, absence d’innovation, appel au protectionnisme, peur de l’étranger, affirmation d’une d’identité fondée sur la pureté biologique, la loyauté communautaire, le respect de l’autorité et la référence nostalgique à un passé mythifié – toutes choses qui ne définissent pas une approche différente de la justice, mais une alternative à l’idée même de justice.

    La dissymétrie des espaces fait écho à celle qui marque leur relation : si les Etats-Unis perdaient les « surfaces rouges », ils deviendraient soudain plus riches et plus inventifs ; s’ils perdaient les « ronds bleus », ils disparaîtraient purement et simplement.

    Le constat que l’on est encore démographiquement puissant mais politiquement inutile contribue à l’angoisse et au ressentiment qu’expriment les électeurs de Donald Trump, tout autant que leur champion. Ce n’est donc pas à un combat entre « peuple » et « élites » puisque les effectifs sont comparables. Ce sont plutôt deux « peuples » qui se font face, avec deux conceptions antithétiques de la cohabitation.


    Le pb avec J. Lévy c’est que ses catégories sont idéologiquement hyper-connotées : la ville c’est bien, le rural c’est réac.

    • Voir en contrepoint ce que lui rétorque Olivier Bougo Olga :
      http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/11/19/olivier-bouba-olga-non-le-vote-des-americains-n-oppose-pas-le-centre

      L’erreur consiste à attribuer à un espace donné ou un ensemble d’espaces – les grandes villes – des caractéristiques intrinsèques sur la base des moyennes d’un certain nombre d’indicateurs. Ainsi, le PIB élevé des grandes villes est dû à un effet de composition qui fait que certaines activités apparemment très productives et certaines professions à salaires très élevés y sont concentrées plus qu’ailleurs.

      La même erreur est présente dans les analyses du vote en faveur de Trump, plus fréquent dans les Etats à dominante rurale. Comme les différences de productivité apparente selon la taille des villes, il s’agit d’un simple effet de composition : les étudiants ou les intellectuels des Etats concernés n’ont probablement pas plus voté pour Trump que leurs équivalents de New York ou San Francisco, mais leur proportion dans la population de ces Etats est moins élevée. Trump a séduit les personnes que les évolutions économiques ont réellement appauvries ou qui se sentent menacées par elles, quel que soit l’endroit où elles vivent.
      [...]
      la mauvaise interprétation de moyennes portant sur des espaces géographiques doit céder la place à des analyses plus réalistes des logiques territoriales, prenant en compte la diversité des types d’activités et des contraintes géographiques qui s’exercent sur eux. Enfin, les sciences sociales devraient faire évoluer leur vocabulaire : il serait préférable désormais de se concentrer sur l’analyse des activités sociales et économiques, et la façon dont elles se déploient dans l’espace.
      [...]
      La souffrance et la misère sont bien là, mais elles peuvent se nicher au cœur des villes aussi bien que dans d’autres lieux. Réciproquement, des configurations locales très diverses peuvent favoriser l’inno­vation et le développement d’activités économiques.

  • Plongée dans mes archives de novembre 2004 (eh oui, je garde tout!).

    George W. Bush est réélu le 2 novembre contre John Kerry (et Ralph Nader dans le rôle de Jill Stein) alors que son bilan est terrible et que “tout le monde” pense la victoire de Kerry nécessaire et évidente...

    Les articles du New-York Times pourraient être publiés ces jours ci en changeant juste quelques noms propres, si ça vous amuse de les relire...

    Si l’analyse est bonne (mais ça se discute toujours: est-ce la “faute” des pauvres, incultes, sexistes et racistes, qui votent mal ou de l’establishment démocrate dans sa tour d’ivoire qui a perdu le contact avec la réalité?), les leçons, douze ans après, ne semblent pas avoir été tirées.

    D’autre part, l’un des articles (et un autre de Michael Moore que je n’inclue pas ici) insiste sur le fait que les jeunes, eux, ont “bien” voté, sous entendant que le vote républicain est un vote du passé et que l’avenir appartient aux démocrates. Douze ans plus tard, les jeunes sont devenus vieux et la promesse n’a pas été tenue...

    Op-Ed Columnist: Living Poor, Voting Rich
    NICHOLAS D. KRISTOF, The New York Times Company, November 3, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/03/opinion/living-poor-voting-rich.html
    =================================================
    OP-ED CONTRIBUTOR: The Day the Enlightenment Went Out
    GARRY WILLS, The New-York Times, November 4, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/opinion/the-day-the-enlightenment-went-out.html?_r=0
    ===============================================
    The Red Zone
    MAUREEN DOWD, The New-York Times, 4 November 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/opinion/the-red-zone.html
    ============================================
    A Blue City (Disconsolate, Even) Bewildered by a Red America
    JOSEPH BERGER, The New-York Times, November 4, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/nyregion/a-blue-city-disconsolate-even-bewildered-by-a-red-america.html
    ==============================================
    Scrooge’s nightmare
    Leonard Steinhorn, Salon, November 25, 2004
    http://www.salon.com/2004/11/25/new_silent_majority
    =================================================
    On recevait aussi à l’époque des messages plus ou moins humoristiques sur la situation. Aujourd’hui ce serait plutôt sur Facebook, mais ce sont à peu près les mêmes:

    Blue America Charter
    Barbara Moran and Brian Collins, November 3, 2004

    Fellow citizens!

    It gives me great happiness to unveil our plans for the liberation of Blue America. For the past three years, we have, in conjunction with a handful of MIT engineers, been constructing a giant, cordless circular saw, which is now complete. With this saw, we plan to carve our thriving, prosperous eastern Blue nation away from the spreading infection of red america. We will then set a mighty sail, which will carry us around the tip of South America and allow us to join our Blue compadres on the West Coast. We will use our giant saw to free our friends, then join our two lands together and sail to a designated point in the Pacific Ocean. There, we will establish our new country: Blue America.

    Basic Tenets
    -----------------
    Blue America will be founded on the same ideals as the former United States of America. These ideals, sadly, have been decimated by the same red plague that scrambled the brains of so many of our unfortunate former fellow-citizens. These ideals include:
    - The Separation of Church and State
    - Freedom of Speech
    - Freedom of Assembly and Protest
    - Equal rights for all and due process under the Constitution

    Blue America will have many additional aspirations not shared by red america, including:
    - The goal of giving every citizen high quality education and health care (even prescription drugs!), regardless of their race, ethnic background or income
    - The right to a satisfying career with fair pay, job security and an eight-hour workday
    - Respect for other cultures and honesty in our dealings with other countries
    - The right to worship the deity of your choice (or not)
    - Family values, meaning the right of anyone to form a family if they wish
    - Compassion for the poor and sick
    - Belief in the value of: fresh food, recycling, renewable energy, independent bookstores and movie theatres, literacy, the free exchange of ideas, clean air, clean water, sushi, Julia Child cookbooks, Scrabble, humor, honesty, exercise, art, poetry, community gardens, mass transit, local cheese, the scientific process, the theory of Evolution, national parks, bicycles, music, sidewalks, trees, books, family farms, locally-owned diners with revolving pie cabinets, and decent coffee.

    Membership
    -----------------
    Membership in Blue America will be limited to residents of states that voted “blue” in the 2004 election, with the following exceptions:

    1. Red “carriers” (or “vectors”) who are currently living in Blue America are kindly asked to leave before the liberation.
    2. Members of certain Blue outposts in red america (like Austin, Texas) will be allowed to apply for Blue America citizenship.
    3. Members of Blue outposts in Ohio (Oberlin) will also be allowed to apply for citizenship. However, if accepted they must accept a one-year probationary period. Similarly, members of Blue outposts in Florida (South Beach) will also be allowed to apply, but must accept a two-year probationary period.
    4. Members of the Bush family are excluded for life, as are members of the Bush cabinet and all Fox News anchors, and Kid Rock. (Sorry, Colin Powell, but you had your chance.)

    Sports
    ---------
    The first official sports team of Blue America will be the Boston Red Sox (hereby re-named the Boston Blue Sox). However, red propagandist Curt Schilling will be cut from the Sox and banished to the worst team in baseball. Also, we’ll take Derek Jeter, if he’s interested.

    Timetable
    --------------
    Engineers have already begun separating northern Maine from the continent. We plan to be fully liberated and set sail on Blue Inauguration day, January 21, 2005. Pack your guitars, books and Hawaiian shirts, and let’s hear it for the blue, white and blue!

    Bring on the saw!
    Barb and Brian
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    Disaffected Americans look north to ’better government’
    MARINA JIMÉNEZ, 4 November 2004

    Some Americans are willing to do anything to avoid another four years of George W. Bush — even move to Canada.

    Joe Auerbach is so disappointed with Mr. Bush’s election victory that he is planning to give up a job as a systems analyst and leave his comfortable life in Columbus, Ohio, to move to a country with “a better government and more reasonable people.”

    “Today, once the Bush victory was clear, my e-mail was burning up with people vowing to leave the U.S. for Canada,” said Mr. Auerbach, 27.

    “I don’t want to be living in the U.S. when China decides we are a threat and when George Bush starts drafting computer engineers into the army. I’m morally opposed to the Bush administration.”

    He and several other disenchanted Americans are contacting immigration lawyers north of the border to see whether they qualify to immigrate to Canada. It is too soon to say whether this is political hot air or the start of a new trend in immigration.

    But among some middle-class, liberal Americans, there is a growing sense of political disengagement as they realize the majority of their fellow citizens support the conservative agenda of Mr. Bush, who received 51 per cent of the popular vote, winning more votes than any other president in U.S. history.

    “Mr. Auerbach is one of many middle-class Americans who have a philosophical difference with the direction the U.S. is taking,” said Sergio Karas, a Toronto immigration lawyer. “I have received several inquiries from people like him who want to move here.”

    Jacqueline Bart, a Toronto immigration lawyer, said she recently attended a conference in New York and more than a dozen U.S. lawyers asked her about sending their children to study in Canada. “There is a sense of hesitation about the direction Bush is taking the country in,” she said.

    Clyde Williamson, a libertarian from Ohio, feels the Bush administration is too conservative on social-justice issues such as gay rights, abortion and the medicinal use of marijuana. He is also opposed to the U.S.-led war in Iraq.

    “I don’t think the U.S. is going to turn into Nazi Germany or anything. But it is going to become a much more conservative country,” said the 29-year-old computer-security engineer.

    Others feel Mr. Bush’s unilateralist foreign policy is more troubling even than his social conservatism. A former U.S. diplomat who has already applied for permanent-resident status said yesterday that Mr. Bush’s election victory has accelerated his determination to relocate permanently to Vancouver.

    “I’m watching this administration preside over the virtual destruction of relations with the Muslim world — and, I fear, end up strengthening the forces of terrorism as a result,” he said.

    “The values of Canada are what I thought the values of the U.S. used to be: personal freedoms, a sense of need for a global community and consensus. The U.S. is losing its way.”

    A Toronto lawyer representing three U.S. soldiers who have fled to Canada to avoid fighting in Iraq said Mr. Bush’s re-election means more U.S. deserters are likely to seek refugee status north of the border.

    Jeffry House, a Vietnam-era draft-dodger who is steering the refugee claims of the three young men, says he has received about 80 e-mails from other U.S. soldiers stationed around the world, inquiring about escaping to Canada to avoid serving in Iraq. At least five U.S. soldiers are believed to have fled to Canada.

    Maria Iadinardi, spokeswoman for Citizenship and Immigration Canada, said it is too soon to say whether there has been a spike in the number of Americans being granted permanent residency, noting the number has fluctuated in recent years from a low of 4,437 in 1998 to a high of 5,604 in 2001.

    So far this year, 5,353 Americans have become permanent residents.
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    “Ladies and gentlemen, drop your borders: Now that George W. Bush has been officially elected, single, sexy, American liberals - already a threatened species - will be desperate to escape. These lonely, afraid (did we mention really hot?) progressives will need a safe haven. You can help. Open your heart, and your home. Marry an American. Legions of Canadians have already pledged to sacrifice their singlehood to save our southern neighbours from four more years of cowboy conservatism...” To be continued on:
    http://www.marryanamerican.ca
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    “As democracy is perfected, the office of president represents, more and more closely, the inner soul of the people. On some great and glorious day the plain folks of the land will reach their heart’s desire at last and the White House will be adorned by a downright moron.”
    –- H.L. Mencken, journalist and satirist (1880-1956)
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    THINGS WE SHOULD DO NOW WHILE WE STILL CAN

    Get that abortion you’ve always wanted
    Drink a nice clean glass of water
    Two words - doggy style
    Cash your social security check
    See a doctor of your own choosing
    Hug your draft age child
    Visit Syria, or any foreign country for that matter
    Get that gas mask you’ve been putting off buying
    Move out of the red states
    Horde gas
    Buy all the porn you can carry
    Borrow questionable books from the library - constitutional law books, Catcher
    in the Rye, Harry Potter, Tropic of Cancer
    If you have an idea for an art piece involving a crucifix - do it now
    Two words - come out - then go back in - HURRY!
    Jam in all the Alzheimer’s stem cell research you can
    Stay out late before the curfews start
    Get within 6 feet of a stripper in a state where its still allowed
    Go see Bruce Springsteen before he has his “accident”
    Go see Mount Rushmore before the “W” addition
    Use the phrase - “you can’t do that - this is America”
    If you’re white - marry a black person, if you’re black - marry a white person.
    If you’re gay, learn to pass.
    Take a snowmobile-noise free walk in Yosemite, without being hit by a base-jumper.
    Enroll your kid in art or music class
    Start your school day “without” a prayer
    Pass on secrets of evolution to future genes
    Learn French
    Let’s go and live in France.
    Attend a commitment ceremony with your gay friends.
    Take a factory tour anywhere in the US.
    Try to take photographs of animals on the endangered species list.
    Visit Florida before the polar ice caps melt.
    Visit Nevada before it becomes radioactive.
    Visit Alaska before “The Big Spill”.
    Visit Massachusetts while it is still a State.
    =================================================
    Et deux sites web qui sont encore valables, 12 ans plus tard:

    http://www.sorryeverybody.com
    http://www.apologiesaccepted.com

    #Etats-Unis #Donald_Trump #Hillary_Clinton #George_Bush #John_Kerry #2016 #2004 #histoire #élections_présidentielles

  • Les hommes du président Trump.

    L’homme qui sera à « un battement de cœur de la présidence » représente le lien qui n’a pas été rompu avec le Parti républicain. Mike Pence, 57 ans, incarne l’élu conservateur traditionnel, marié à la même femme depuis 32 ans (quand Trump en a eu trois), élu au Congrès pendant 12 ans, gouverneur de l’Indiana depuis 2009, chrétien fervent et l’un des piliers du Parti républicain. Mike Pence est opposé à l’avortement, au contrôle des armes, au mariage gay, il a voté contre la réforme de la santé d’Obama et se classe également parmi les climatosceptiques : « la lutte contre le changement climatique menée par Obama et Clinton détruit des emplois aux Etats-Unis ». Les conseillers de Trump ont poussé pour qu’il soit choisi comme colistier afin de servir de pont avec les élus républicains dont beaucoup avaient déclaré que Trump n’était pas qualifié pour être président. Un lien qui pourrait lui permettre de conserver une influence au sein de la future administration même si le nouveau président aime à répéter qu’il prend ses décisions seul. Durant la campagne, Mike Pence avait su aussi parler aux électeurs du Midwest, dont l’Indiana fait partie, et qui ont massivement voté Trump.

    Ex-étoile montante du Parti républicain, âgé de 54 ans, le populaire et médiatique gouverneur du New Jersey a échoué dans sa candidature à la primaire républicaine avant de rallier Donald Trump en février. Décrit comme modéré, il n’en reste pas moins fidèle aux principes de son parti : opposé au contrôle des armes, à l’avortement et au mariage gay. Son avenir est assombri par l’affaire du « Bridgegate » dans laquelle Chris Christie est accusé d’avoir fermé deux voies sur le pont George Washington pour se venger d’un maire qui ne l’avait pas soutenu pour sa réélection au poste de gouverneur : les embouteillages avaient bloqué la ville. Plusieurs des assistants de Chris Christie sont sous le coup d’une enquête qui pourrait s’étendre jusqu’à lui. Un temps pressenti comme colistier pour la vice-présidence, il a reconnu que ce scandale lui avait peut-être coûté la place. « Il aurait voulu être à la place de Donald Trump. S’il ne s’’était pas lancé dans la course à la présidentielle, Chris Christie aurait été le candidat brut au parler franc de cette élection », explique Dan Cassino, « mais Trump a été meilleur que lui à ce jeu-là. Si les investigations ne le rattrapent pas, il pourrait être le prochain attorney general (ministre de la Justice) », ajoute Dan Cassino.

    « Rudy » Giuliani, 72 ans, est connu pour avoir été le maire de New York au moment des attentats du 11 septembre mais il incarne aussi la politique de « tolérance zéro » mené contre la délinquance et la criminalité dans les années 90. « Durant la campagne, il a été le plus virulent des opposants à Hillary Clinton », analyse Dan Cassino, « et l’un des soutiens indéfectibles de Trump : il l’a défendu contre les accusations de racisme, d’agressions sexuelles ou de fraude fiscale ». Accusé d’avoir joué de ses relations au FBI pour relancer l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton à quelques jours du vote, il a finalement nié avoir été en contact avec des agents fédéraux dans cette affaire. Rudolph Giuliani pourrait devenir le prochain ministre de la Justice (attorney general),"mais il est pressenti aussi pour être à la tête du département de la sécurité intérieure", affirme Dan Cassino (department of homeland security, équivalent lointain du ministère de l’Intérieur français).

    L’ancien speaker de la Chambre des représentants avait incarné l’opposition féroce des Républicains aux Démocrates du temps de la présidence de Bill Clinton. Il avait poussé l’obstruction au vote du budget jusqu’à obliger le pouvoir fédéral à fermer ("shutdown") pendant 27 jours entre 1995 et 1996 ; certains fonctionnaires avaient dû faire une croix sur leur salaire durant cette période. Newt Gingrich, 73 ans, est évoqué comme potentiel secrétaire d’Etat. Élu à la Chambre de 1979 à 1999, il connaît le tout -Washington, mais a aussi une personnalité volcanique, comme Donald Trump. Au moment du « shutdown », le New York Daily News s’était moqué de lui dans une première page restée célèbre : « Cry Baby » où Newt Gingrich est dessiné en bébé capricieux. Le journal l’accusait d’avoir bloqué le gouvernement car il avait été vexé que Bill Clinton l’ait fait asseoir à l’arrière d’Air Force One et non à l’avant pour se rendre aux obsèques de Yitzhak Rabin.

    Kellyanne Conway est la première femme à avoir occupé le poste de directrice de campagne d’un candidat républicain. A 49 ans, c’est une enquêtrice d’opinion aguerrie du « Grand Old Party ». Elle a rejoint l’équipe Trump pendant l’été après avoir soutenu pendant les primaires le sénateur texan Ted Cruz. Elle a souvent fait le service après-vente de Donald Trump dans les médias, notamment pour tenter d’éteindre les polémiques initiées par le candidat. Mais son nom n’est pas cité pour occuper un poste au sein du futur gouvernement.

    Directeur général de l’équipe de campagne, Stephen Bannon, 62 ans, tire les ficelles en coulisses. Il n’a rejoint l’équipe qu’en août à la faveur d’un remaniement de l’équipe Trump, se mettant en congés du site d’information conservateur Breitbart News. Andrew Breitbart, le fondateur de ce site, avait encensé M. Bannon, le qualifiant de « Leni Riefenstahl du Tea Party » pour ses documentaires très engagés. Relativement nouveau dans le milieu politique, son expérience chez Breitbart en fait un important porte-voix de l’"alt-right", un mouvement qui rassemble des nationalistes blancs anti-immigrés et des personnes farouchement opposées à l’establishment politique. L’an dernier, une enquête de l’agence Bloomberg l’avait qualifié de personnalité politique « la plus dangereuse » d’Amérique. Comme Kellyanne Conway, il n’est pas cité pour faire partie de la future administration.

    Les moins connus...
    Le sénateur du Tennessee Bob Corker, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, est également sur la liste pour le poste de secrétaire d’Etat. Le sénateur de l’Alabama Jeff Sessions, membre de la commission des forces armées du Sénat, est un soutien inconditionnel de Trump. Il a été présenté comme un possible secrétaire à la Défense, tout comme l’ancien sénateur du Missouri Jim Talent. Le général Mike Flynn, ancien patron du renseignement militaire américain - caution militaire du milliardaire - pourrait être choisi pour être ministre de la Défense. Steven Hadley, ancien conseiller à la Sécurité nationale de George W. Bush, est également évoqué. Donald Trump considérerait aussi le néo-conservateur John Bolton, ancien ambassadeur à l’ONU sous George W. Bush, pour le poste de secrétaire d’Etat.

    ... et quelques contempteurs
    #Donald_Trump compte enfin quantité de détracteurs qui mettent en doute sa capacité à savoir s’entourer. Parmi eux, RTL a retrouvé l’ancien chef cuisinier du milliardaire, un Français aujourd’hui installé en Floride : « Il m’adorait. (...) Mais le jour où il a commencé à me taper dessus, j’ai compris qu’il y avait un problème. (...) Je ne sais pas s’il a un peu de cervelle. Il est cinglé. Trump président ? On va rigoler. » Son ancien nègre, Tony Schwartz, l’homme à qui le magnat de l’immobilier avait confié l’écriture d’une biographie à sa gloire ("The Art of the Deal", 1987) regrette aujourd’hui d’avoir passé sous silence les tares du milliardaire : dans un entretien au New Yorker en juillet, il déclare « Je pense sincèrement que si Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de grandes chances que cela entraîne la fin de notre civilisation » ou encore « Les millions de personnes qui ont voté pour lui et croient qu’il représente leurs intérêts apprendront […] qu’il se fiche complètement d’eux. » Interloqué par la capacité de Trump à mentir, « une seconde nature », Tony Schwartz confie en fin d’entretien que s’il devait réécrire sa biographie, il choisirait « the sociopath » en titre...

    Source : Maxime Tellier. http://www.franceculture.fr/geopolitique/les-hommes-du-president-trump

  • (Juillet 2016) The Obama Administration Has Brokered More Weapons Sales Than Any Other Administration Since World War II
    https://www.thenation.com/article/the-obama-administration-has-sold-more-weapons-than-any-other-administrat

    The numbers should stagger anyone. According to the latest figures available from the Congressional Research Service, the United States was credited with more than half the value of all global arms transfer agreements in 2014, the most recent year for which full statistics are available. At 14 percent, the world’s second largest supplier, Russia, lagged far behind. Washington’s “leadership” in this field has never truly been challenged. The US share has fluctuated between one-third and one-half of the global market for the past two decades, peaking at an almost monopolistic 70 percent of all weapons sold in 2011. And the gold rush continues. Vice Admiral Joe Rixey, who heads the Pentagon’s arms sales agency, euphemistically known as the Defense Security Cooperation Agency, estimates that arms deals facilitated by the Pentagon topped $46 billion in 2015, and are on track to hit $40 billion in 2016.

  • On avait coutume de dire : « Les faits sont têtus ».
    Il y a un mois, Vincent Glad s’interrogeait sur la #vérité et sa valeur relative en #politique. le « policy-based evidence » aurait supplanté le « evidence-based policy ». Faudrait-il :
    s’en inquiéter ?
    s’en foutre ?
    les deux ?

    l’An 2000 - R.I.P. les faits - Libération.fr
    http://an-2000.blogs.liberation.fr/2016/10/13/trump-brexit-les-faits-sont-ils-morts

    Il faut saluer le travail de fact-checking du Washington Post pour ce qu’il est : un exercice poétique, une méditation nostalgique sur la vérité, les faits et l’empirisme. « Il est vrai que ce que dit Trump est faux. Mais dans cette ère politique de post-vérité, pourquoi prendre la peine de critiquer quelqu’un pour cela ? C’est comme si l’on reprochait à un acteur de dire des choses fausses », juge Christopher Robichaud, chercheur en éthique de la politique à Harvard

    Cette réflexion fait écho à celle de l’historien Paul Veyne qui jugeait « platonique » de parler de « vérité » avec les nazis, qui eux aussi la respectaient d’une certaine manière.

    « La valeur de vérité est inutile, elle fait toujours double emploi ; la vérité est le nom que nous donnons à nos options, dont nous ne démordions pas, si nous en démordions, nous les dirions décidément fausses, tant nous respectons la vérité ; même les nazis la respectaient, car ils disaient qu’ils avaient raison ; ils ne disaient pas qu’il avaient tort. Nous aurions pu leur rétorquer qu’ils se trompaient mais à quoi bon ? Ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde que nous, et puis il est platonique de taxer de fausseté un tremblement de terre. » Paul Veyne, extrait de Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983.

    On lira dans la foulée l’article du 10/11 du même auteur où il est question d’un nouveau « régime de vérités » aux États-Unis et où V. Glad confronte ses angoisses aux « faits » du 9 novembre 2016.

    http://an-2000.blogs.liberation.fr/2016/11/10/election-de-trump

    L’Amérique peut survivre à ce brutal changement de régime de vérité. Après tout, elle a déjà survécu à 8 ans de présidence de George W. Bush. Son conseiller politique Karl Rove avait parfaitement décrit cette réalité alternative, en taxant un journaliste du New York Times de membre de la « reality-based community », expression restée fameuse aux Etats-Unis. Le journaliste avait protesté, défendant la raison des Lumières et l’empirisme. La réponse de Rove avait alors été cinglante :

    « Nous sommes un empire maintenant, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous analyserez cette réalité, nous agissons à nouveau, créant de nouvelles réalités, que vous pouvez analyser aussi. Nous sommes des acteurs de l’histoire... et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à analyser ce que nous faisons »

    #fact_checking #élections_présidentielles_US

  • The Plague, the Cholera and the future
    Serge Quadruppani, le 9 novembre 2016
    http://quadruppani.blogspot.ca/2016/11/the-plague-cholera-and-future.html

    L’humanité est en train de se suicider.
    Le national-ouvriérime l’emporte en Amérique, comme dans la majorité des pays du monde blanc.
    La gauche qui s’est pliée au néo-libéralisme a ouvert la voie aux nombreux Hitler qui dominent aujourd’hui : Clinton Blair d’Alema Renzi Hollande Napolitano sont les noms des traîtres qui par pur cynisme ont ouvert la route au fascisme.
    La classe ouvrière blanche aujourd’hui se venge de la trahison de la gauche comme elle le fit en 1933

    Entrons dans le chaos du monde en conservant intactes nos premières vertus : la colère et la joie

    #Serge_Quadruppani #Biffo #Donald_Trump #Etats-Unis #pessimisme #optimisme

    • A propos de la réaction de l’ami Franco Berardi, dit Bifo

      On critiquera à raison l’usage de termes comme « traîtres » (il faut oublier ce qu’a été la gauche réformiste depuis 1914 au moins pour parler encore de traîtrise et non de fonction historique avérée), ou comme « race », même s’il s’agit en fait d’une « race » autoproclamée.
      On trouvera peut-être qu’il adopte un ton exagérément apocalyptique.
      On ne pourra pas lui reprocher de n’avoir pas senti que le monde bascule. La décomposition de l’ordre mondial peut donner le meilleur comme le pire. Pour l’instant et pour au minimum quelques années encore, on va avoir le pire. Les deux mots d’ordres qui concluent le texte de Bifo en sont d’autant plus pertinents.
      Mais chasser hors de nos vies la gauche réformiste et créer des espaces de survie ne saurait suffire. Il ne s’agit pas de se replier dans des ilots à l’abri du monde, mais de renforcer nos bases d’appui, zad, quartiers, squatts, coopératives, locaux et réseaux, pour y prendre des forces. Mais il s’agit aussi de savoir en sortir. Il faut se confronter au monde, à ses puanteurs et ses contradictions mortifères ou fécondes.

      Franco Berardi (né le 2 novembre 1949 à Bologne), dit Bifo est un philosophe et militant politique italien issu de la mouvance opéraïste. Enseignant dans un lycée de Bologne, il s’est toujours intéressé à la relation entre mouvement social anticapitaliste et communication indépendante.

    • « La gauche européenne, tout comme la gauche américaine, joue un jeu très dangereux puisque sa propre incapacité politique renforce la crédibilité des partis protofascistes, de leurs démagogues et de leur rhétorique raciste. C’est ainsi que tous les mouvements fascistes sont nés : en profitant du vacuum politique créé par une élite politique libérale en faillite. »

      https://seenthis.net/messages/540759 via Lux Editeur

    • Aussi :

      La victoire des laissés pour compte
      #Agnès_Maillard, La Monolecte, le 9 novembre 2016
      https://seenthis.net/messages/540721

      Democrats, Trump, and the Ongoing, Dangerous Refusal to Learn the Lesson of Brexit
      #Glenn_Greenwald, The Intercept, le 9 novembre 2016
      https://theintercept.com/2016/11/09/democrats-trump-and-the-ongoing-dangerous-refusal-to-learn-the-lesson-

      Tout le monde de s’étonner et de conspuer le centre des Etats-Unis, ces ploucs attardés, irrationnels et réactionnaires qui dérangent la machine si bien huilée des « intellectuels » progressistes de New-York ou de Los Angeles. Pourquoi ces pauvres miséreux votent-ils pour un millionnaire qui ne fera pourtant rien pour eux ? Pourquoi font-ils le « mauvais choix » ?

      J’ai l’impression d’un retour en arrière. Grâce aux archives sur internet, il me semble qu’il ne devrait pas être très difficile de retrouver les messages identiques de Novembre 2000, la première élection surprise de George W. Bush face à celui que tout le monde attendait, l’héritier de Bill Clinton, Al Gore...

      #gauche #trahison