person:gregg araki

  • "Du sexe façon Haribo"


    Shortbus, John Cameron Mitchell, 2006
    J’ai eu une très bonne note sur ce film il y a 10 ans. Alors je recopie ici la critique pompeuse que j’avais faite. Ne vous y méprenez pas, j’étais mort de rire en l’écrivant :

    "Sur fond de mélancolie quotidienne, Shortbus nous fait rire, pleurer et marque finalement un tournant dans l’histoire du sexe à l’écran.

    « Pas d’amour sans amour ». Pas de cul sans cœur ? Pas de cœur sans cul ? Ce sont les questions que soulève l’affiche de Shortbus, le second film de John Cameron Mitchell. L’amour, enjeu dramatique par excellence, distillé à toutes les sauces dans le cinéma hollywoodien (surtout celles de Mac Do), est bien le sujet du film. Mais dans ses aspects les plus intrinsèquement liés à la sexualité. Sûrement parce qu’il ne peut y avoir d’autres approches qui n’aient été, en fait, aussi peu explorées et qui en disent, pourtant, aussi long sur la nature de l’homme. Mais, il ne faut pas s’y tromper, des niaiseries pâtissières d’American pie à la décadence snobinarde de Gregg Araki, Shortbus nous montre le sexe avec une crudité, une fraîcheur et, finalement, une nouveauté absolues.
    Dans un New York de conte de fées, on suit les petits orgasmes et grands chagrins d’une dizaine de protagonistes. James et Jamie cherchent un troisième partenaire pour pimenter (sauver ?) leur vie de couple, leur sexologue Sofia simule la jouissance depuis plusieurs années avec Rob, Severin, prostituée dominatrice, souffre de la plus grande solitude. Tous ces personnages se rencontrent dans un lieu fantasmatique, le Shortbus, club échangiste comme il ne peut en exister. Là bas, toutes les sexualités, tous les corps, et tous les âges ont leur place, et quand on ne partouse pas joyeusement, on tient des discutions d’avant-garde entre deux projections de films underground.
    Toute la curiosité du spectateur à l’affût des limites du sexe à l’écran est évacuée par une première séquence traitant très explicitement, en alterné et en crescendo, trois ébats sexuels. Dès lors, le film est clair. La sexualité ne sera pas un plaisir visuel récompensant le spectateur prêt à supporter une intrigue inconséquente. Et si le réalisme de cette scène provoque le départ de quelques uns, c’est bien dommage ! La sexualité est dans le film comme elle est en nous, élément essentiel de nos relations aux autres. Cette scène, débutant par James pratiquant l’auto fellation (position métaphysique du penseur moderne plutôt que perversité polymorphe) se termine par la perplexité du client masochiste devant un tableau recouvert, par inadvertance, du fruit de son plaisir…On est à mille lieux du gag lourdingue de Mary à tout prix pourtant on rit de bon coeur. Et si le film nous parle aussi crûment (je parlerais plutôt de franchise) c’est pour mieux atteindre ses ambitions poétiques, artistiques, voire politiques. Et, pour une fois, la commission de censure ne s’y est pas trompée (pas trop). En se contentant d’une interdiction aux moins de 16 ans, il semble qu’une différence légitime ait été faite entre Shortbus et le sordide Baise-moi.
    Grâce à ce baisodrome féerique façon fraise Tagada, Mitchell peut faire vivre l’intimité de personnages qui transpirent le malaise. Car ce n’est que dans le fantastique que leur vie privée peut s’épanouir. Le refus du gros plan pendant les scènes de sexe empêche toute lecture pornographique. De sorte que l’on ne puisse même plus parler de scène de sexe. Les corps des personnages sont ainsi pris dans une unité esthétique exemplaire. Les acteurs (tous amateurs) crédités comme co-scénaristes, baisent comme ils jouent. Et c’est là toute la différence.
    La sexualité du personnage est trop souvent traitée, soit comme un enjeu dramatique mineur mais nécessaire (l’ellipse est alors son principal mode de représentation), soit sous la forme de scène-de-sexe, parenthèse à l’intrigue, où l’acteur, quand il n’est pas doublé, se trouve réduit à sa plus stricte corporalité désinvestie de toute intention dramatique, sacrifiée à l’identification du spectateur.
    Et si Shortbus parle de cul comme on parle du beau temps c’est d’avantage la pluie qui est filmée. C’est la mélancolie qui se cache derrière ces personnages. Seulement, elle nous apparaît d’autant plus profonde que c’est par la sphère privée que nous la découvrons. Les années 70 ont vu le sexe libéré à l’écran, mais sous l’angle de la provocation et de la libération des mœurs. Ici, on entrevoit finalement l’aveu d’un désoeuvrement, celui d’une génération qui a sans doute digéré le choc du sida mais pas celui du 11 septembre. Bush est, tout au long du film, dans les têtes et dans les sexes et comme le dit la directrice du Shortbus : « ici c’est comme dans les années 60, l’espoir en moins »."
    http://www.dailymotion.com/video/x94rcr_shortbus-bande-annonce-vost-fr_shortfilms


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  • Passe ton bac d’abord, Maurice Pialat, 1978
    Combien de fois ai-je entendu des avis me disant que tel ou tel film était « un portrait sans concession d’une jeunesse désabusée, d’une génération perdue... » ? Plus je grandis, plus il y en a des péteux qui prétendent que leur génération est exceptionnelle et foutue en l’air par la génération d’avant. Pas seulement Orelsan et Stromae... Pour mémoire, il y avait aussi les films de Gregg Araki et, en un peu meilleur et un peu plus complexe, ceux de Larry Clark.
    Bien souvent, je trouve, trop peu d’analyse politique.
    Alors je vois ce film hier soir et je suis bien heureusement surpris. C’est sans concession, c’est acéré, méchant.
    Une mécanique fine qui démontre subtilement la cruauté d’un monde envers les femmes. Une mécanique fine parce que ça coule tout seul, sans rien dire et sans jugement. Du coup, c’est encore plus violent.
    Voir les films oubliés depuis des années dans son ordinateur, ça a du bon parfois.
    Le son a quelque chose que je trouve rare. Je n’ai pas encore assez confiance en moi pour prétendre être certain de ce que j’affirme : c’est peut-être tout simplement la mauvaise qualité de la copie numérique. Il me semble que les dialogues coulent avec une variété d’amplitude sonore qu’on aurait peine à retrouver aujourd’hui. Du chuchoté qui implique de tendre l’oreille, du chevauchement des voix qui gagnent en naturel. Encore une fois l’impression qu’aujourd’hui on veut faire passer des aubergines dans des pots d’échappement...
    https://www.youtube.com/watch?v=1yhTGTGCijk

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