person:hélène gaudy

  • Au sommaire du N°9 de la Moitié du fourbi : N°9 : Vite

    Tristan Tzara (texte), Thaddée (collage) / Un passant Paul Fournel / L’œil de l’Oulipo : La littérature a-t-elle horreur du vite ? Lucie Taïeb / Comète Hugues Robert / Esthétique politique du défouraillement Philippe De Jonckheere / La cordelette (un épisode cévenol) Guillaume Duprat (dessins & texte) / Inflation éternelle Anthony Poiraudeau / Courses et poursuites dans Los Angeles Zoé Balthus / Sumô, l’art du temps métaphysique Frédéric Fiolof / Raccourcis Marjorie Ricord / À l’immédiat, la déraison Marc-Antoine Mathieu (dessins), Antoine Gautier (présentation) / Trois secondes (extraits) La m/f / 7,7 millions de millisecondes, conversation avec Alexandre Laumonier Valérie Cibot / Yoga du temps Véronique Bergen / Martha Argerich. L’Art des passages Matthieu Raffard & Mathilde Roussel (photographies et texte) / Accélération Marie Willaime / Baies rouges — Breuverie Hugues Leroy / Trottoir Hélène Gaudy / En cours Antoine Mouton / À très vite

    https://www.lamoitiedufourbi.org/numeros.html

  • "Par leur puissance visuelle tour à tour fantasmagorique ou effrayante, ces histoires étaient pour moi destinées aux adultes ; la sagesse qu’elles livraient, j’avais le sentiment d’y goûter avec un temps d’avance, outrepassant mon âge. Et ce qui me réjouissait par-dessus tout, c’est que ces récits renversent aisément l’ordre du monde : le vaillant petit tailleur deviendrait riche, la princesse maudite quitterait son corps de cygne, les frères-loups seraient de nouveau des hommes, à condition que leur sœur prenne sur elle la lourdeur de leur peine. Ici, nulle fatalité ne préexistait, la ruse et l’audace pouvaient toujours déjouer le malheur. [...]"
    Richard Long, Perceval et les éditions Gründ, un texte dans
    « Zones blanches » (ouvrage collectif dirigé par Hélène Gaudy et Hélène Jagot, grand merci à elles deux, aux éditions Le bec en l’air, 2018) :
    http://cosidor.net…/…/four-days-and-four-circles-recit-2018
    #richardlong #perceval #éditionsGründ

  • #Les_lignes_de_désir : dans le sens de la marche
    http://liminaire.fr/livre-lecture/article/les-lignes-de-desir-dans-le-sens-de-la-marche

    Pour fêter la fin de nos résidences respectives à #Argenteuil, #François_Bon et moi avons proposé à la Médiathèque d’Argenteuil, le samedi 20 octobre de 15h à 19h, 3 sets de lectures-performance avec Marin Fouqué, Hélène Gaudy, Xavier Mussat, Charles Robinson, Joachim Séné, Pierre Ménard, François Bon et Laura Vazquez. Performances et lectures ont alterné avec échanges et rencontres. Montage #Vidéo et #Lecture d’un extrait de la fiction poétique Les lignes de désir, dispositif interactif en cours de création. (...)

    Livre & lecture / Les lignes de désir, Argenteuil, Vidéo, Lecture, François Bon, Joachim Séné, #Bibliothèque, #Dérive, (...)

    #Livre_&_lecture #Joachim_Séné #Écriture

  • http://www.larochesuryon.fr/agenda/detail/actualites/zones-blanches-recits-dexploration/date/13-07-2018

    Je ne saurais trop vous conseiller de mettre à profit vos éventuelles vacances dans la région de La Roche-sur-Yon pour aller visiter l’exposition Zones Blanches . Et ne manquez pas son catalogue, dont la direction a été confiée à Hélène Gaudy et Hélène Jagot qui ont eu la brillante idée de confier à quelques auteurs et auteures d’écrire en toute liberté, avec chaque œuvre de l’exposition comme point de départ, ce qui, à mon sens, et en toute immodestie puisque je fais partie des invités (pas peu fier) remplace avantageusement les habituels textes de circonstances, nettement moins libres et nettement plus contraints. Sans compter que cela finit par tisser un récit itinérant plutôt passionnant.

    Jakuta Alikavazovic (à partir d’Ester Vonplon)/ Sarah Cillaire (Richard Long), Sylvain Coher (Simon Faithfull) / Anne Collonges (Anne Deleporte) / Pierre Ducrozet (Darren Almond) / Hélène Frappat (Ellie Ga) / Hélène Gaudy (Joachim Koester) / Mathieu Larnaudie (Tacita Dean) / Bertrand Leclair (Pauline Delwaulle) / Valérie Mréjen (Luigi Ghirri) / Sylvain Pattieu (Elodie Brémaud) / Anthony Poiraudeau (Nathalie Talec) / Sylvain Prudhomme (Tixader / Pointcheval) / Charles Robinson (Alexandre Ponomarev) / Jean-Philippe Rossignol (Lewis Baltz / Lucie Taïeb (David Falco) / Ingrid Thobois (Sylvie Bonnot) / et donc votre serviteur à propos de Hamish Fulton.

  • http://remue.net/spip.php?article9380

    Si les pulsions morbides ne sont sans doute pas tout à fait étrangères au goût douteux que l’on cultive pour ce type de programmes, je me raccroche à la pensée qu’elles ne sont pas la seule motivation qui nous anime. Autre chose, peut-être, nous tient rivés à nos sanglants écrans — une chose qui serait de l’ordre de la réparation.
    Dans un polar, le meurtre n’est qu’un début. La fin de toute chose en devient l’origine, le commencement — de là à en déduire qu’on peut espérer un au-delà après la mort, il n’y a qu’un pas. Dans un polar, quelque chose, forcément, vient après.

    Magnifique texte d’Hélène Gaudy, en exploratrice courageuse de ses régions dans lesquelles nous avons apparemment le cerveau disponible, mais disponible pourquoi et rendu tel par quoi ?

  • Pierre m’appelle au secours
    Sa maison biscornue est inondée
    Son équipe de rugby va mal

    Je ne passe pas l’inspection
    Des vestiaires
    Je suis envahi de punaises

    Sarah et moi
    Pas bien réveillées
    Du tout

    Tentative d’autoradio
    Du Macron en veux-tu en voilà
    Tu n’en veux pas, en voilà quand même

    De temps en temps
    La rubrique nécrologique
    Apporte de douces nouvelles

    Les syndicalistes ont tellement l’habitude
    De ne rien faire que lorsqu’ils font grève
    Ils appellent ça une journée d’action

    Jean d’Ormesson
    (1925 - 2017)
    Et nous respirons tous mieux

    Ce sont des massacres grandioses
    Dans des paysages sublimes

    C’est beau comme du Jean d’Ormesson

    Ennui profond
    Aucun courage
    Faim froid fatigue

    Ne serait-ce que sortir
    Marcher jusqu’à la cantine
    Et prendre un café

    De la table depuis laquelle
    Je prends mon café, vue sur la terrasse
    Où, comme au cinéma, P. Rebbot boit un coup

    De la table depuis laquelle
    Je prends mon café, je lis
    Deux fois né, Constantin Alexandrakis

    De la table depuis laquelle
    Je prends mon café, je finis
    Par me lever et rentrer au travail

    Ces derniers jours
    J’avais le souci de rattraper
    Mon retard dans Mon Oiseau bleu

    L’ayant rattrapé (Mon Oiseau bleu)
    Je m’ennuie (beaucoup)
    Et je n’ai plus rien (du tout) à écrire

    Désœuvrement
    Et si je faisais des poèmes
    Avec les objets-sujets de mes mails ?

    D-O-U-D-O-U (Julia)
    Comme dans Matrix, tu vois ? (Adrien Genoudet)
    Le CNL s’offre à un clown (L.L.d.M.)

    Contrat TNB (TNB)
    Abraham Pointcheval (Hélène Gaudy)
    Lecture (Oana Munteanu)

    Neil Young (Neil Young)
    Mon cœur balance (L.L.d.M.)
    Curatelle renforcée (pdj@desordre.net)

    Sur la mauvaise péniche (pdj@desordre.net)
    Caroline et les cailloux (Gilles Coronado)
    On dit lourdement armé (Adrien Genoudet)

    (no subject) (Sarah Cillaire)
    Notules dominicales de culture domestique (P. Didion)
    Le bon numéro (terrier@rezo.net)

    Mon Oiseau bleu à Rennes (pdj@desordre.net)
    Rêve du premier décembre (pdj@desordre.net)
    Encore de la pédagogie (terrier@rezo.net)

    Elle nous dit rien (terrier@rezo.net)
    Alice (terrier@rezo.net)
    Syntaxerror (terrier@rezo.net)

    Une sortie au théâtre (Decroly)
    Organisation projet (Decroly)
    Trio de solos de saxophones (J.-L.G.)

    L’Étreinte (T.N.B.)
    Sélection à l’université (D. Pifarély)
    Merci (Monika)

    Fuir ? (J.)
    Decroly, le chinois et le tennis (J.)
    Le Père Noël analysant (J.)

    Toute ma vie
    Mon œuvre majeure
    Me désennuyer en open space

    Puisque j’aime tant la scène
    Je devrais écrire une pièce
    Qui se passe en open space

    Ou, est-ce qu’au contraire
    Écrivant pour m’évader
    Porter l’action dans les Cévennes ?

    Dans une réunion au travail, sentir
    Qu’on ne prend pas la bonne direction
    S’en moquer, s’en réjouir presque. Mauvais esprit

    Revenir exsangue du travail
    Trouver Zoé affairée au repas du soir
    Et Laurent et Ransley apportent le dessert !

    Rien
    À
    Faire

    Lire quelques pages
    Écrire un poème
    Ressortir chercher les amis

    Passer prendre Emile au rugby
    Bref échange avec Léo
    Plaisir de le voir répéter ses gestes

    Le dal de Zoé déchire sa race
    Je ne sais pas si on peut dire les choses
    Comme ça dans un poème

    Ransley a apporté
    Un gâteau de châtaignes drômois
    Tellement différent du mien cévenol

    On rit beaucoup
    Autour de cette table
    Surtout à mon propos

    La complicité de Laurence
    Avec mes enfants
    Chaque fois, me bouleverse

    Je dépose Laurence et Ransley
    En chemin je raconte ma mésaventure
    De péniches de dimanche

    Il faut vraiment
    Que je retravaille
    Ce récit : ça vaut le jus

    Je tombe de fatigue
    Je tente un peu de lecture
    Le livre tombe de fatigue aussi

    #mon_oiseau_bleu

  • Catastrophe industrielle
    Dans le monde du modélisme
    Une maquette Tamiya est fausse

    Je suis devenu écrivain public
    Je dispose d’un petit bureau à la mairie
    On me commande des haïkus érotiques

    C’est ennuyeux
    C’est désastreux
    D’être amoureux

    Ecris-je
    Pour un amoureux
    Éconduit

    Je déjeune avec ma belle Sarah
    Je pense à laisser des tickets à Zoé
    Je téléphone à Émile

    J’ai deux amis
    Qui écrivent au milieu de la nuit
    J’ai une amie qui n’écrit plus

    Dans les ténèbres de l’open space
    Je reprends mon anguille de ce matin
    Je peine à lui donner de l’épaisseur

    Cette histoire de modélisme
    Cette histoire d’échelle au 1/32ème
    Cette histoire d’ingénieurs informaticiens

    Je fais prendre l’air
    A mon tapuscrit
    Je travaille en terrasse

    Passe une personne
    Prosopagnosique
    De ma connaissance

    Je fais une liste de sosies
    A la fin de Frôlé par un V1
    Handke, Topor, Heinecken, Guyotat

    Et j’allais ajouter à cette liste
    De sosies, par jeu
    Hélène Gaudy, qui arrive au BDP

    Chouette café avec Hélène
    Et son compagnon prosopagnosique
    On parle de leur lutte en cours

    De Corps et âme, eux aussi émus
    Mais l’autisme avait échappé
    À la lecture de Xavier

    Je leur parle du combat pour Émile
    De mes erreurs, Xavier va fumer
    On parle un peu boutique avec Hélène

    Tout juste le temps de filer
    Chez psy
    Et donc mon rêve de modélisme

    Auquel je ne parvenais
    Pas à donner d’épaisseur
    Disais-je

    En deux ou trois questions
    Psy remet Ego sur la piste
    Toute ma vie au 1/32ème

    C’est comme si toute ma vie
    Avait été maquettée
    Pour tenir dans ce petit rêve

    Psy : «  - en regardant le visage des femmes
    Dans le métropolitain, vous arrive-t-il
    De bâtir des fictions ? Ego : - c’est mon métier non ? »

    Ego : « - et vous savez cela m’arrive aussi
    D’en construire avec le visage des hommes
    Surtout ceux que je présume réfugiés »

    « Ces hommes et ces femmes
    Qui ont tant traversé
    Ont tellement plus de valeur que moi »

    Psy : « - Que vous ?
    Ego : - Que nous ?
    Psy : - Que nous ! »

    Psy : «  Et dans ce rêve de modélisme
    Etiez-vous jaloux que ce soit vos collègues
    Qui aient découvert le défaut ? »

    Ego : « - j’étais catastrophé
    Psy : - catastrophé
    Ego : - le défaut c’était moi ! »

    Psy : « - vous ?
    Ego : - non, mon père
    Psy : - Pas vous ? Votre père ? »

    Ego : « - c’est lui l’ingénieur
    Psy : - mais vous aussi êtes ingénieur
    Ego : - c’est vrai je l’oublie toujours »

    Psy : « - c’est vrai vous n’êtes pas ingénieur ?
    Ego : - non c’est un immense mensonge
    Psy : - c’est surtout que vous êtes écrivain »

    Ego : - oui, un menteur
    Psy : - vous préférez ingénieur ?
    Ego : - non je préfère menteur « 
    Psy : » - ce n’est pas moins de compétence
    Ego : - oui, cela demande aussi d’être
    Comptable. Je suis un auteur-comptable « 

    Psy : - nous allons peut-être…
    Ego : - nous arrêter là-dessus ?
    Psy : - oui !

    Après cela reprendre calmement
    Le métropolitain
    Retour en open space comme si de rien

    Par bonheur, j’ai un collègue
    Qui sait ne pas trop me demander
    Les c’est-mardis-c’est-psy

    Ma nouvelle cheffe appelle » Tes mails me font rire « , dit-elle » Cela ne va pas durer ", dis-je pour rassurer

    J’ai cinq jours devant moi
    Pour refaire le monde
    Commençons par un peu de ménage

    Tarte salée courgettes gorgonzola
    Tomates feta basilic
    Tarte aux pommes (je sais, deux tartes)

    Pieds de plomb
    Je ressors
    Réunion de parents d’élèves

    Echanges constructifs
    Pendant deux heures
    Puis fléchissement

    Cas personnels
    Attentes démesurées
    Implication personnelle déclinante

    Je rentre tard
    Dans une maison silencieuse
    J’avale mon propre bruit

    #mon_oiseau_bleu

  • Hier matin je n’avais pas rêvé
    Ce matin, si. Je suis toujours
    Soulagé quand cette machine est réparée

    Rêve d’un héritage immérité
    Court-circuitant des héritières disparues
    Mortes noyées. Je suis soupçonné. À tort

    Ma cheffe : « depuis ton retour de vacances
    Tu arrives avec un peu de retard. ? Cela me prend du temps
    de noter mes rêves le matin ». Tête de ma cheffe

    http://www.desordre.net/musique/lloyd.mp3

    John Abercrombie est mort
    Je l’écoute avec Charles Lloyd
    En fait il est n’est pas mort, il est vivant

    En fait
    Il est toujours
    Vivant

    John Abercrombie
    Charles Lloyd, Brad Mehldau
    Billy Higgins et Larry Grenadier

    Qu’as-tu fait de tes talents ?
    Je préférerais qu’on ne me pose pas
    Cette question quand je suis au bureau

    Et si tu te déchaussais
    Dans l’ open space
    Comme dans les Cévennes ?

    Parfois dans la journée
    Tu penses à elle et cela ne te fait pas mal
    D’autres fois…

    Au BDP où tu t’absentes subrepticement
    Tu croises Hélène Gaudy
    On discute un peu boutique, une vraie réunion

    En plus
    Chaleureux
    Plus amical

    N’empêche ces rencontres conviviales
    Dans le quartier de ton open space
    Sont des récréations rassurantes

    Il est admirable que les tomettes patinées
    Du BDP soient, à ce point, un remède
    Contre la moquette rase de l’open space

    Et c’est dingue, vraiment dingue
    Ce que cela déclenche en toi
    De petits poèmes

    Petits poèmes
    Que tu rédiges ensuite
    Depuis l’ open space

    Mona
    C’est à toi
    Que je pense !

    L’odeur des cornichons
    À la table voisine
    Te distrait de tes poèmes

    Mona
    Ce n’est plus à toi
    Que je pense !

    Travailleurs détachés
    Les avancées
    De Macron

    François Bayrou estime que « l’opinion »
    ne perçoit pas « la direction » prise par le gouvernement

    Bayrou dyslexique mal latéralisé ?

    Écrire
    Te distrait
    D’elle, alors écris !

    Penser à elle
    T’empêche
    D’écrire, ce n’est pas gagné

    Je rêve d’un poème écrit
    À trente-six mains
    J’en ai un dans mes mails

    Vite-invite
    Le truc
    Le temps d’un café

    Sans se faire de mal
    Adèle et Achille
    Des pommes

    Cosidor tu dors ?
    Prick up your ears
    Des nouvelles du Ryôan-Ji

    De l’art et la manière de déménager un piano
    L’hérésie pèle, la caravane passe
    Notules dominicales de culture domestique

    La psychanalyse comme dans un rêve
    Supplique contre un supplice
    CRP dans les clous

    CS6 de crisse
    John Abercrombie
    Gary Cooper

    Après
    Les objets
    Les auteurs

    Isa Bordat
    L.L. de Mars
    Hélène Gaudy

    Sarah Cillaire
    Marie Richeux
    Julien Pauthe

    Archiloque
    Tiffanie Gabu
    L.L. de Mars

    Sophie Agnel
    Catherine Mazodier
    Philippe Didion

    J.
    Elle
    Dr L.

    Martin Bruneau
    Dominique Pifarély
    Sarah Cillaire

    Et il y a bien quelques
    Re :
    Pas tous joués par Dominique ou Sophie

    Merci
    Les
    Amis

    Tu vois
    Quand
    Tu veux !

    Dans le métropolitain
    Tu relis une dernière fois, à l’envers
    Élever des chèvres en open space

    Tu passes par Saint-Lazare
    Pour la première fois depuis des lustres
    Ton frère était avec toi la dernière fois, sûr

    Tu peines à retrouver ton train
    Dans un hall de gare tellement familier
    Mais défiguré.

    Ton frère, Alain
    Ton petit frère Alain
    Aurait cinquante ans

    Et c’est à Saint-Lazare
    Que tu fêtes, seul
    Cet anniversaire

    Tu as joué de la guitare, mal
    Avec ton frère dans ce hall de gare
    Pour des clopes pas nettes

    Tu as fracturé, sans succès
    Un distributeur de billets de train
    Avec ton frère à Saint-Lazare

    Tu as fumé
    Tu as bu avec ton frère
    À Saint-Lazare

    Mais ton frère est mort
    Et Saint-Lazare est devenu
    Une galerie marchande

    Pour fêter cela, tu décides de resquiller
    T’es comme un con à Saint-Cloud
    Où il y a, désormais, des tourniquets

    C’est un anniversaire
    Triste bien sûr
    Même lui n’a pas pu venir

    Longue conversation au téléphone
    Avec Lola, j’aimerais tellement
    Qu’elle me parle d’elle, de sa vie, à elle

    Ma naïveté m’épate, je vais voir Dunkerque
    Pour le croisement entre les grande et petite histoires
    En fait, une grosse production patriotique

    Ma naïveté m’épate, je vais voir Dunkerque
    Au Keaton , je ne trouve pas de place pour me garer
    Si, une, au bas de chez elle, j’en suis tout retourné

    Mais, à vrai dire
    Après une telle journée
    De quoi souffres-tu le plus ?

    Te revient souvent
    L’expression de ton ami Julien P.
    L’inconscient à ciel ouvert

    Pronostic pour le rêve de cette nuit
    Ta mère te fait manger des patates
    Pourries, et tu as un accident de voiture

    #mon_oiseau_bleu

  • Night or day
    Viagra® Super Active
    is your way !

    Le Bundestag réhabilite
    Les homosexuels allemands
    Condamnés après-guerre

    Rêves inintéressants
    Pain rassis, café amer
    Temps couvert, encore une belle journée

    Encore
    Une belle journée
    Sans elle

    Tu renvoies ta biographie
    À ton éditeur. Étourdi, tu avais
    Oublié ta date de décès

    Tu avais oublié d’inscrire
    Dans ta biographie, ta date de décès
    2064, par suicide

    Je reviens du café
    You have no new message
    Ça valait bien la peine

    We know how to
    Increase
    your penis size

    Déjeuner
    Avec Julien
    Dématérialisations

    Déjeuner avec Julien
    Dématérialisations
    Et premiers pas

    Déjeuner avec Julien
    Idée pour une version html
    De Mon Oiseau bleu

    En France,
    On meurt
    Parce qu’on est une femme

    Choisir de ne pas traiter
    Ces féminicides,
    C’est choisir une vision du monde

    Tu lis un article sur les féminicides
    Tu ressens douloureusement
    Son départ

    Lisant cet article sur les féminicides
    Tu interroges ta déception
    Tu ne l’aurais pas tuée ? quand même pas ?

    Non,
    Tu n’as pas cessé
    De l’aimer

    Mais c’est curieux
    Ce que la lecture de cet article
    Fait surgir de doutes en toi

    Émile si tu oublies une fois encore
    Ton rendez-vous, je te coupe un doigt
    Quand même pas ? Non, quand même pas

    Émile, je vais te couper la tête
    La recoller et la recouper !
    Quand même pas ? Non, quand même pas

    Progression dans la compréhension d’Émile
    Entre l’implicite et l’explicite
    Finalement, je ne vais pas lui couper la tête

    Mon ami Franck, dentiste, peut soulager
    Ma rage de dent
    Mais pas ma peine de cœur

    Ma rage de dent distrait
    Ma peine de cœur
    Soignant ma dent, il va me faire mal au cœur

    À mon tout premier rendez-vous chez Franck
    Je lui avais dit, en me retirant une dent
    Tu m’as retiré une épine du pied.

    Mon ami Franck, dentiste, ne trouve
    Pas de foyer infectieux, tu somatises,
    Diagnostique-t-il, je ne suis pas guéri

    Je cumule rage de dent
    Et peine de cœur
    L’une foyer de l’autre

    Quand, miraculeusement, perdu,
    Tu retrouves ton chemin en reconnaissant
    Une rue, où tu n’es plus venu depuis 1995

    La rue
    D’Odessa
    À Bobigny

    Du coup je passe devant une maison
    Dans laquelle il y a des clous, des vis
    Et du parquet montés par moi

    Daniel, Lola
    Vous n’imaginez pas
    Comme Bobigny a changé

    Au retour je passe
    Devant l’ancienne gare de Drancy
    Pensée pour Hélène Gaudy

    Deux heures d’embouteillage
    Discussions sereines
    Avec Émile. Père & fils

    C’est l’été
    Tes voisins dans leurs jardins
    Toi, au fond de ton garage

    Dans mon garage
    J’oppose à la rumeur joyeuse
    Des voisin un free jazz hargneux

    Les hirondelles
    Et quelques perruches
    Paraissent approuver le free jazz

    Encore une belle journée sans elle
    Rage d’amour et peine de dent à Odessa
    Free jazz du soir

    #mon_oiseau_bleu

  • Tous ces livres
    Dont je retiens
    Si peu

    Le matin, je regarde la lune finissante
    Et je pense à mes amis musulmans
    Je leur dis : tenez-bon, courage !

    Au moins 126 personnes
    Disparaissent
    Au large de la Libye

    Tes enfants
    Sont

    Tu laisses
    Filer
    Tes rêves

    Rage de dent
    Contre
    Rage d’elle

    Pendant la première heure
    L’ open space est désert
    Le paradis sur terre existe

    Tout en haut
    De la liste des choses à faire :
    Faire une liste des choses à faire

    Le petit rire nerveux
    De Pacôme Thiellement
    Après sa propre blague sexiste

    Des quinquagénaires (et des septuagénaires)
    Restent scotchés aux longs solos de gratte
    De Zappa sur France Culture : quelle misère !

    Dans ta besace
    A côté des préservatifs
    Le livre de Jean-Luc Nancy

    Hier soir, épuisé
    Tu as à peine lu deux pages
    De Barthes sur Twombly

    Cy Twombly
    Les magnifiques lettres de titraille
    Sur la couverture du catalogue

    Jean-Luc Nancy
    Cy Twombly
    Beauté de la lettre y

    Tant d’enchantement !
    Et huit heures
    De placardisation par jour

    Tant d’enchantement !
    Tant de beauté !
    Et une rage de dent

    Tu t’absentes (tu es placardisé)
    Tu vas écrire au café
    Tu croises Hélène Gaudy !

    Avec Hélène
    Tout de suite de plain-pied
    Avec ce qui compte

    Nouvel article laudatif
    On ne peut donc pas déprimer
    Tranquillement, sans cesse dérangé

    Dans le métropolitain
    Un très bel homme en tongues
    Transporte deux berimbaus

    Hey Roland (Kirk),
    On ne peut pas jouer
    De deux berimbaus à la fois

    Un acte manqué réussi ?
    Ton psychanalyste a omis
    D’annuler ton rendez-vous

    Tu téléphones à ton psy devant sa porte
    Tu l’imagines de l’autre côté de cette porte
    Qui ne s’ouvre pas, il est en province, il s’excuse

    Tu arrives chez ton psychanalyste
    Ton rendez-vous est annulé
    Que faire de toutes ces paroles prêtes ?

    Suite au rendez-vous annulé chez ton psy
    Tu te fais l’effet d’un amant éconduit
    Tu peines à mentalement débander

    Retour dans l’ open space
    À l’heure où tu devrais
    Être en analyse

    Créez des œuvres d’arts
    Grâce aux brosses d’Edvard Munch
    Disponibles gratuitement


    Le soir en faisant mon lit
    Je retrouve dans les bras
    Cy Twombly de Roland Barthes

    J’ai donc passé la nuit
    Avec deux hommes exceptionnels
    Roland Barthes et Cy Twombly

    On ne dort pas
    Si bien que cela
    En compagnie de deux morts

    Nina Hoss, dans Retour à Montauk
    Une actrice merveilleuse,
    Egarée dans un film médiocre

    Tes poèmes
    Sont-ils secs
    Quand tu les mets en ligne ?

    Acte manqué du psychanalyste ?
    Rage de dent
    Bientôt la fin du ramadan

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 25 : Daniel,

    Admettons, pour commencer, que quand je dis Désordre , avec un D majuscule et en italique, je parle de mon travail, que quand j’écris « désordre » sans italique et sans majuscule, je parle d’une situation désordonnée et que quand j’écris « desordre » (sans accent et tout en minuscules), généralement à l’intérieur d’une graphie de ce genre http://www.desordre.net , je donne le chemin de quelques vérifications possibles en ligne. Le Désordre est curieusement affaire d’appeler les choses par leur nom, d’appeler un chat un chat.html.

    Daniel, tu me demandes un texte de quelques pages à propos du Désordre . Cela arrive de temps en temps que l’on me demande un telle chose, la dernière fois c’était pour le Festival de littérature de Solothurn en Suisse, d’où j’avais rapporté un très mauvais livre à propos de Proust, quelques secondes de films d’animation réalisées avec de la pâte à modeler dans le cadre luxueux de ma chambre d’hôtel dans laquelle je me suis ennuyé ferme pendant deux jours, et dans laquelle j’ai hérité d’une colonie de punaises de lit qui auront empoisonné mon existence pendant presque six mois. La Suisse. La semaine dernière j’ai reçu deux textes d’un jeune universitaire qui a décidé, il y a deux ans, d’étudier le Désordre , je pourrais être sans vergogne et tout pomper sur de telles études sérieuses, mais voilà elles sont exprimées dans une langue que ni toi ni moi ne parlons. Et puis ce serait ignorer que la générosité est le sentiment qui a le plus cours entre nous deux. Le Désordre est un flux, il se modifie sans cesse, il s’augmente sans cesse.

    Je pourrais, j’en suis sûr, écrire une fiction à propos de ce site, une sorte de nouvelle à tiroirs et il y en a quelques-uns, des tiroirs, dans ce site et dans son histoire périphérique, celle de mon existence finalement, quelques rebondissements ont connu leurs premières secousses à l’intérieur même du site, en les agençant un peu différemment de la façon dont ils se sont produits, je parviendrais bien à quelque chose, mais j’ai compris que ce n’était pas ce que tu attendais. Pourtant le Désordre est une fiction. La mienne.

    Je pourrais, je finirais par en trouver le moyen, créer une manière de site dans le site qui permettrait de canaliser, fixer, un parcours dans le site et qui serait, de ce fait, une sorte de fiction aussi, mais alors j’aurais le sentiment de trahir quelques-unes de mes intentions premières dès le début de la construction du site, à savoir rendre le parcours aussi chaotique, désordonné et aléatoire que possible, au point que, désormais, plus personne ne peut vraiment faire le même parcours dans ce fichu site et lorsque des personnes échangent à son propos, je ris sous cape qu’ils ne savent pas qu’ils ne peuvent pas parler de la même chose, qu’ils n’ont pas vu la même chose et pourtant ils semblent s’entendre. Ce sont les visiteurs du Désordre qui font le Désordre .

    Je pourrais à l’inverse, j’en ai les moyens, en programmation, rien de plus facile, ajouter du désordre au Désordre , donner à l’aléatoire une plus grande part encore, mais alors cela pourrait très bien être en vain, le nombre de possibilités existantes est déjà très grand, on parle de nombre gogol et de nombre gogolplex qui sont des nombres qui tutoient l’infini (un gogol est égale à 10 puissance 100, et un gogolplex est égale à 10 puissance gogol), en fait pour tout te dire, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le nombre de combinaisons possibles dans l’agencement des presque 300.000 fichiers du Désordre est pour ainsi dire aussi grand que le nombre d’atomes que l’on pourrait serrer dans l’univers connu. Personne ne s’apercevrait de cette aggravation du Désordre . C’est si grave que cela. Le Désordre est au-delà du vaste, il n’est pas infini, bien sûr, mais il est asymptotique à l’infini. Chuck Norris a compté jusqu’à l’infini. Deux fois.

    Je pourrais aussi, avec force copies d’écran te décrire le Désordre vu de l’intérieur et te montrer comment pour atteindre une telle dimension de Désordre , en donner le sentiment, il convient, pour moi, pour m’y retrouver, d’ordonner les choses avec un soin maniaque quand ce n’est pas totalitaire, il y a là un paradoxe très étonnant, bien que facile à comprendre, je pense que tu en as eu un aperçu quand nous avons travaillé ensemble dans le garage pour ton recueil du poèmes visuels dans le Désordre , sans doute l’une des plus belles réalisations du Désordre et quel plaisir c’était, pour moi, de t’offrir de telles possibilités, dans une confiance désormais acquise et mutuelle, même si de haute lutte par le passé. J’ai fait du chemin depuis Barjavel, non ? http://www.desordre.net est parfaitement rangé et ordonné, pour mieux donner une impression de désordre, laquelle est grandement obtenue par des effets de programmation. Le désordre est un programme en soi. Et il est paradoxal.

    Je pourrais, je vais le faire, c’est désormais un peu de cette manière que je procède en toutes chose, inclure ce texte, que tu me demandes, à l’intérieur même d’un projet en cours, qui est lui-même un projet qui surplombe le Désordre , Qui ça ? sorte de chronique de la catastrophe en cours et pour laquelle je refuse désormais d’avoir le moindre regard, elle est inévitable, avant qu’elle ne se produise, agissons et prenons l’habitude désormais d’agir selon notre guise, tout comme je le dédicace à cet ami poète, Laurent Grisel, nos agissements sont tellement plus précieux que les actes misérables qui nous gouvernent, et alors ce serait un tel plaisir de tisser depuis ce texte que je suis en train d’écrire le faisceau abondant des liens hypertextes qu’il suscite, et tu serais bien embêté plus tard pour tâcher de trouver le moyen d’accueillir tout cela dans la cadre restreint d’une revue papier, NUIRe. Plus j’y pense et plus je me dis que c’est ce que je devrais faire, rien que pour te mettre un peu dans l’embarras, pour t’embêter gentiment. Le Désordre n’est pas plat, il compte des épaisseurs, une profondeur qui doivent concourir au sentiment de désordre. Le Désordre est une mise en abyme. http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index_186.htm

    Je pourrais, je dois le faire, rappeler utilement que je ne suis pas le seul contributeur du Désordre , par exemple il est important de savoir que j’ai commencé à travailler au Désordre en 1999, mais qu’à partir de 2003 j’ai reçu de temps en temps, à ma demande, l’aide précieuse de mon ami Julien Kirch - @archiloque - qui a su fabriquer pour moi des outils remarquables pour mieux semer le désordre. Que tout au long de la construction j’ai reçu les avis éclairés et avisés d’autres personnes, notamment L.L. de Mars, que j’ai fait partie de collectifs qui ont nourri mon travail, le Terrier , remue.net, Le Portillon , seenthis.net et que le Désordre m’a permis aussi de travailler (et de les rencontrer) avec des musiciens d’exception, Dominique Pifarély et Michele Rabbia, que le Désordre a connu un développement inattendu dans le numéro 109 de Manière de voir et quel plaisir cela a été de rencontrer et de travailler avec @fil, @mona et Alice, que d’une façon plus ou moins directe il m’a permis de trouver un éditeur, grâce soit rendue à Sarah Cillaire, Hélène Gaudy et Mathieu Larnaudie, les parrain et marraines d’ Une Fuite en Egypte et enfin, et surtout, que le Désordre accueille aussi en son sein les travaux remarquables d’amis, parmi lesquels, Jacky Chriqui, Hanno Baumfelder, L.L. de Mars, Martin Bruneau, Isa Bordat, Karen Sarvage, Ray Martin, Barbara Crane et Robert Heinecken, Thomas Deschamps (qui a composé l’une des plus belles pages du Désordre), Eric Loillieux, Vincent Matyn, Pierre Masseau, Jean-Luc Guionnet, Stéphane Rives, Lotus Edde Khouri et, donc, toi, Daniel, Daniel Van de Velde, devande. Le Désordre c’est aussi une histoire de mes amitiés et de ce qu’elles m’ont apporté d’immenses richesses et de communes préoccupations, regarde, en tête de ce texte, qui passait par l’infini, je n’ai pas hésité longtemps pour ce qui est du choix d’une image, pouvait-il y avoir de plus remarquable illustration, le mot est mal choisi, qu’une photographie de l’une de tes merveilleuses sculptures au travers desquelles on jurerait voir l’infini.

    Je pourrais rappeler que l’une des dimensions supérieures du Désordre c’est une manière de sauvegarde des joies et des beautés du quotidien. Tu as dit à propos de ce texte, que tu me demandes, que tu pourrais m’aider à y contribuer, je pense que sur le sujet de ce quotidien, de son ressassement heureux, enchanté par moments, et d’un certain arbre du bois de Vincennes, tu sauras dire quelques très belles choses, je laisse donc quelques lignes blanches pour toi.



















    Je pourrais faire la liste des erreurs et des ratages du Désordre , il y en a eu quelques-unes, et même quelques errements, et des obstinations de ma part qui ont parfois fait courir de grands périls à l’ensemble, des fois je suis allé trop loin, d’ailleurs rien ne m’assure que cela ne soit pas déjà le cas. En fait chaque fois que je travaille au Désordre je cours le risque de tout faire échouer ou encore d’ajouter des éléments faibles qui ne rendent pas justice aux autres réalisations, plus réussies, du Désordre et cela fait presque dix-huit ans maintenant que le Désordre menace presque tous les jours de s’effondrer. Le Désordre est fragile. Et il aura une fin. Elle ne sera pas nécessairement heureuse, ni réussie.

    Je pourrais écrire n’importe quoi, dire du Désordre des choses qui ne seraient pas vraies, qui ne seraient pas entièrement fausses non plus, en quelque sorte des choses qui ne me concerneraient pas. Et cela permettrait, nul doute, de faire diversion, d’attirer le regard vers des directions opposées à celles qui sont en fait au cœur du site, notamment le combat, le combat pour la vie, pour la survie, le combat pour Nathan, le combat pour les enfants, le combat pour faire accepter certaines manières de faire les choses, de voir le monde, d’y participer, le combat politique en somme, le combat ce n’est pas la partie la plus visible du Désordre et pourtant elle est là, jamais très loin, et jamais en grattant beaucoup, on y voit mon corps et mon cœur fatigués tous les deux par le combat, mais mon corps et mon cœur heureux, cela oui aussi. Le Désordre est un combat perdu d’avance, mais qu’on ne peut pas refuser. C’est mon côté Don Quichotte du Val-de-Marne.

    En tout cas c’est un combat qui me laisse désormais sans force. Un jour que des lycéens, dans le cadre de je ne sais plus quelle expérience de leur cursus - guidés en cela par leur excellent professeur de philosophie, mon ami Alain Poirson, qui a été, aussi, pour moi, un professeur de philosophie, et quel ! -, m’avaient soumis au questionnaire de Proust, à la question comment est-ce que j’aimerais mourir, j’avais répondu sans hésiter : épuisé. Ça finira par arriver un jour, c’est sûr.

    Im freundschaft, mein lieber Daniel, im Freundschaft.

    #qui_ca

  • J – 77 : Et si c’était cela le moment que j’attendais depuis plus de cinquante deux ans, oui, bien sûr c’est exagéré, mais tout de même. Le moment où mon éditeur et j’aime bien dire mon éditeur, je le dis une dernière fois, me tend un petit paquet de vingt exemplaires de mon livre, un petit paquet de vingt parmi une petite palette de petits paquets de vingt — vinte comme je dis avec cette très légère trace d’accent du Nord. Et ce n’est pas facile devant les regards de tous dans le bureau de ne pas donner libre cours à l’incroyable émotion que me procure une telle vision, la vision de ce livre, de celui-là justement, sa belle couverture de Remi Pépin d’après une de mes photograpies, son choix judicieux de couleur et de densité qui tient admirablement compte de la petite couche de vernis sur la couverture qui densifie l’ensemble, et dedans je sais le travail de tous, Sarah, Hélène, Mathieu et Mathilde et désormais le travail de Tiffanie et Jérôme.

    Tiffanie m’installe à un petit bureau, on s’organise — on s’entend tout de suite très bien —, je dédicace, je mets sous pli, colle les étiquettes des adresses et elle referme les plis avec le prière d’insérer. Avant cela elle me coche les noms des personnes pour lesquelles il faut absolument personnaliser l’envoi, eux suivent le travail des éditions Inculte. Il y a le petit tas des libraires aussi parmi lesquels je reconnais quelques noms familiers et là je m’empresse d’y aller en matière de personnalisation dédicace à la page 189 pour Alain de la Page 189 .

    En fait je n’arrive pas du tout à y croire. C’en est même presque vertigineux. Je fais un peu le pitre pour faire sourire Tiffanie mais je suis salement ému.

    Et après cela, chouette déjeuner, nous sommes rejoints par ma marraine, Hélène Gaudy, à qui je dois tant.

    Cela valait la peine d’attendre. Même longtemps.

    En partant je dépose sur le coin de bureau de Mathieu le premier imprimé de Raffut . Et je tremble comme une communiante à l’idée que sans doute cela ne va pas lui plaire.

    Le sentiment d’imposture ce n’est décidément pas une blague, ni quelque chose que l’on peut prendre à la légère, nest-ce pas @mona ?

    Le soir je vais voir Yourself and yours de Hong Sang-soo au Mélies . Combien de films Hong Sang-soo peut réaliser et quels ! avec une trame aussi peu changeante et les mêmes plans fixes de personnes qui boivent comme des trous en ne sachant plus très bien ce qu’ils disent ? Et il y a toujours ce moment imprévisible dans le film qui me fait éclater de rire, dans Yourself and yours : « Buvons aux hommes péthétiques ! » Dans Yourself and yours , le sentiment par ailleurs que Hong Sang-soo retrouve ces raccourcis saisissants dans le scénario qui font douter de soi, tels qu’ils sont admirables dans In my country au point que les trois récits inventés paraissent à la fois plausibles et mêmes simultanément possibles, ce qui est matériellement possible, mais rendu possible par notre capacité à porter en nous bien des récits, pas tous avérés, comme de perdre son téléphone de poche en Corée et le retrouver grâce au concours de son amant coréen et d’un maître nageur sauveteur que l’on prendrait bien pour amant et que justement on finit par prendre pour amant dans un des trois récits et c’est dans la tente de ce dernier, dans laquelle on n’a pourtant pas couché que l’on retrouve ce téléphone de poche, tente dans laquelle on finit par coucher et en étant plus du tout porusuivi par l’idée que votre mari pourrait deviner tout ce qui se trame en Corée depuis l’Australie. Dans Yourself and yours , cela n’aide pas les personnages en proie à de comparables sentiments confus de boire comme des trous, mais cela rend possible qu’une bonne part du désordre de ces sentiments soit transmise, intacte presque, en pleine confusion, aux spectateurs.

    Quelle journée mais quelle journée. En remontant la rue du Faubourg Saint-Antone, le sentiment de marcher quelques centimètres au dessus du sol. En sortant du Mélies le sentiment d’être un peu ivre tout de même, et, parfaitement à jeun par ailleurs, se demander si c’est bien raisonnable de conduire dans de telles conditions.

    #qui_ca

    • Liste, non exhaustive, des livres que j’ai lus, ou relus, ces derniers temps (deux ou trois dernières années) que je n’aurais sans doute jamais lus s’ils ne m’étaient pas tombés dans les mains via internet (s’ils ne m’avaient pas été recommandés via internet)

      La guerre du cameroun de Thomas Delthombe, Jacob Tatsitsa et Manuel Domergue
      Marcher droit tourner en rond et Rien d’Emmanuel Venet (merci @julien1)
      Biographie de Céline par Henri Godard
      La France sous Vichy de Robert Paxton
      Le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclere
      L’imposteur de Javier Cercas (merci @fil)
      Le journal de la crise de Laurent Grisel (les deux tomes pour le moment, mais j’ai bien l’intention de lire la suite)
      Je paie d’Emmanuel Addely, certes offert par mon éditeur, j’aime bien dire mon éditeur , mais c’est quand il m’a vu prendre le livre d’une de ses étagères pendant que nous attendions l’arrivée d’un tiers et la raison pour laquelle j’ai regardé ce livre c’est aprce que j’en ai entendu parler sur internet, je me demande même si ce n’est pas sur seenthis )
      Le sentiment d’imposture de Belinda Canone (spécial dédicace @mona)
      La tyranie de la réalité , Beauté fatale , et Chez soi d’une certaine @mona
      Une île une forteresse de Hélène Gaudy, par ricochet Plein hiver de la même auteure
      Capitalisme désir et servitude de Frédéric Lordon
      L’invisible de Clément Rosset
      Face à l’insoutenable d’Yves Citton
      L’insurrection qui vient et A nos amis du Comité invisible
      Communist club anonyme
      Dynamiques de la révolte de Eric Hazan
      Les assassins de la mémoire de Pierre Vidal-Nacquet

      Pour ce qui de la littérature ce qui est le gros de mes lectures tout de même, là, j’avoue, c’est souvent en commençant les livres chez le libraire que cela se passe pour moi à quelques exception près, par exemple, le Tort du soldat d’Erri de Luca, et le lendemain, j’allais à la librairie acheter tout ce qu’ils avaient de cet auteur.

      Ensuite on peut aussi dire que c’est pas internet que j’ai été invité au festival de littérature de Solothurn, où je me suis ennuyé ferme pendant trois jours (ce qui a beaucoup diverti @mona par procuration) et où j’ai rencontré et découvert Jean Rolin (dont j’ai lu une bonne partie des livres l’été suivant) et Julien Burri (complètement inconnu en France et c’est un grand tort).

      De toute ma vie, même quand je lisais sans doute davantage que je ne lis aujourd’hui, je n’ai jamais lu 200 livres par an, je crois qu’au plus haut de ma lecture de livres, j’ai du culminer à une cinquantaine de livres entre 1993 et 1998.

      Bref tout ça pour dire que c’est quand même des grosses conneries.

  • J – 132 : J’avais rendez-vous avec Sarah ( http://www.retors.net ) à l ’Industrie , c’est-à-dire là même où nous avions travaillé pendant le premier semestre, un mercredi sur deux, à remettre d’aplomb Une Fuite en Egypte , c’est sans doute le moment où jamais de dire, et de redire, publiquement, ma dette envers Sarah, pour avoir su débarrasser ce texte d’une part qui était trop sauvage, au point d’agresser son lecteur, qui était déjà suffisamment malmené comme cela merci, par cette ponctuation aberrante, mais aussi, et ce n’était sans doute pas facile, d’avoir réussi, en dépit, toujours de cette ponctuation aberrante, à re-cheviller tous mes hypallages coutumiers et autres propositions relatives ou subordonnées, relatives à pas grand-chose et subordonnées à presque rien, et, mieux encore, pour aiguiller ce texte vers la bonne personne, Hélène Gaudy ( http://www.inculte.fr/catalogue/une-ile-une-forteresse ), dont je suis terriblement redevable aussi, c’est une chose de noter tout cela dans la section du livre réservée aux remerciements, c’en est une autre, et j’y tiens, de dire à quel point certaines contributions sont essentielles. Voilà c’est fait.

    Sauf qu’entretemps l’Industrie n’avait pas du tout l’ambiance feutrée et calme d’un mercredi matin, c’était bien pis que cela, la première table où j’étais assis en attendant Sarah était voisine de deux Américains, fort contents d’eux-mêmes, apparemment tous les deux travaillant dans un domaine informatique assez voisin de ceux que je peux fréquenter moi-même, décidément ce n’était pas une très bonne récréation, jusqu’à ce que se fasse jour, dans cette conversation d’informaticiens, que le type même de programmes sur lesquels ces deux Américains forts contents d’eux-mêmes et parlant de tout, avec des accents de domination à peine voilés, par une éducation malgré tout universitaire, il y avait un type de mon âge et un autre plus jeune, les deux également imbuvables, jusqu’à, donc, ce que je comprenne dans cette conversation typique d’Américains en phase de conquête, on parle fort de toute manière toutes les grenouilles autour de nous ne peuvent pas nous comprendre, que je comprenne donc que ces deux Américains informaticiens aux habits de type détendus des pattes arrière, mais néanmoins salaires annuels à six figures, étaient en fait des informaticiens travaillent non pas dans le domaine bancaire comment d’aucuns, mais dans celui de la conception et l’ingénierie des armes, et la société du plus jeune de ces deux Américains en jean à salaire annuel en centaine de milliers de dollars venait de mettre au point une sorte de révolver à balles téléguidées, qui permettaient, en dépit d’être tirées dans des directions différentes, de, toutes, atteindre leur cible, en même temps - at the exact same fuckin’ time . Cela me laissait songeur et Sarah m’a sauvé de cette conversation que je faisais mine de ne pas écouter, ni comprendre, mais dont je perdais pas une virgule, imaginez un peu, et nous sommes allés prendre un thé et discuter un peu plus loin à une table entourée de gens plus normaux, français à tribord, comme à bâbord, de notre table, et dont on pouvait tout ignorer de leur vie professionnelle, en revanche être nettement plus renseignés sur leur vie sentimentale, et c’était bien cela le souci de l’Industrie ce soir-là c’est que tout un chacun parlait fort, les uns de leurs armes du XXIIIème siècle naissant, les autres de leur difficulté à retenir Untel dans l’emprise de leur charme pourtant tellement opérant le mois dernier encore.

    On a donc fini par s’exiler avec Sarah, d’autant qu’avec Sarah, et ce n’est pas la moindre des beautés de notre relation, nos sujets de conversation sont rarement le genre de choses que l’on aimerait brailler à tout bout de champ comme d’aucun des secrets de fabrication d’armes létales et qui littéralement tirent dans les coins, et d’aucunes que les hommes vraiment.

    Et cherchant un restaurant pour dîner tranquillement, intrigués que nous étions, nous sommes passés devant un restaurant chinois dont toute une aile semblait déserte et je me faisais fort d’expliquer au serveur qui nous accueillerait qu’après le vacarme de l’Industrie c’est dans cette aile orientale - je n’invente rien, c’était effectivement la partie la plus à l’Est de ce restaurant - que nous aimerions dîner et discuter tranquillement. Par ailleurs le restaurant en question était équipé de tables étonnantes qui était percées au centre par un cercle contenant une manière de plancha et de plaques en céramique permettant la cuisson d’un bouillon depuis lequel nous pourrions faire une tambouille chinoise de notre cru, allant nous servir, dans un très ample buffet, de toutes sortes d’aliments pas tous connus de nos estomacs ponantais. En revanche les explications de notre serveur étaient sommaires, nous étions les seuls Européens parmi les convives, ce qui dans un restaurant chinois est habituellement un excellent signe d’authenticité, en revanche nous étions complétement largués à propos du protocole, au point qu’ayant moi-même commandé un bouillon de fondue au crabe épicé, est arrivé à ma table un récipient contenant, de fait, de nombreuses gousses de piment éventrées et un demi-crabe qui avait dû être fracassé avec une masse avant d’être jeté dans un court-bouillon, de même quelques légumes croustillants parmi lesquels j’ai tout de même reconnu quelques segments de branches de céleri, et m’enquérant, aimablement auprès du serveur, pas très pédagogue, que je pouvais difficilement cuire les tranches de viande qu’ils m’apportait sans bouillon, il m’indiqua, sans politesse excessive, comme il aurait fait, finalement, envers un convive ayant bu dans un rince-doigts qu’il fallait d’abord que je mange le crabe et qu’il arroserait ensuite, avec un bouillon idoine, les restes de cette libation, qui promettait d’être périlleuse, seulement aidé de baguettes chinoises, je voudrais vous y voir à ma place, et qui promettait aussi d’être d’une vision pénible, dans ce tête à tête avec Sarah, qui pour me mettre à l’aise, me fit remarquer que pour un prochain, et premier, rendez-vous galant, je devrais sans doute éviter un tel restaurant.

    Les marchands d’armes étaient loin, mais les périls n’en restaient pas moins nombreux.

    Sans doute mentionné dans la carte de ce restaurant, mais en chinois que ni Sarah ni moi ne maîtrisons - pourtant si Sarah et mois unissions nos compétences linguistiques, nous pourrions aller dans de nombreux pays en parfaite autonomie, mais pas la Chine - la commande de cette fondue comprenait, d’office, une vingtaine de tranches de viande - Sarah est végétarienne - et une plâtrée abondante de crevettes, seiches et morceaux de poissons. Et naturellement si d’aventure nous manquions de quoi que ce soit, un buffet étonnant d’entrées diverses, parmi lesquelles une salade d’algues délicieuse, des crevettes au sésame, une salade de tripes épicées et tout plein d’autres choses dont nous n’aurions pas nécessairement su dire ce que ces choses étaient.

    Un trio d’hommes chinois s’est installé sans grâce excessive, des joueurs de rugby en tournée arrivant au buffet du petit déjeuner de leur hôtel auraient produit plus ou moins le même effet pas très distingué, et en quelques paroles, qui ne souffraient pas beaucoup la contradiction, ont commandé des montagnes de nourritures, ce qui nous a permis, espionnage industriel aidant, de mieux comprendre comment nous y prendre, Sarah et moi avec toute cette nourriture.

    Grimpant cet Everest de nourritures trop abondantes à pas comptés, Sarah et moi avons eu le temps de cet échange long et approfondi au point qu’à peine redistribués dans la métropole par le métropolitain nous nous envoyons un message textuel à la fois inquiets de la façon dont nos estomacs allaient digérer tout ça, la fondue helvétique à côté c’est de la petite bière, mais ravis, nous l’étions l’un et l’autre, d’avoir pu se parler de la sorte. Et le soir-même, Sarah m’envoie cet extrait de Mon année de la baie de personne de Peter Handke sur lequel elle est retombée récemment :

    « Pour ce qui était du titre, l’éditeur me fit remarquer que le mot "personne", de même que "seuil" ou "fuite" avaient sur la couverture d’un livre un effet négatif, effrayant, et qu’il n’était guère de saison de situer l’action principale - il m’avait deviné - dans une banlieue éloignée, qu’une histoire d’aujourd’hui devait se dérouler au centre-ville, mais que le livre pourrait quand même trouver des lecteurs - parce que c’était moi. »

    ( Mon année de la baie de personne , p.662), je pense que vais garder cet extrait tu de mon éditeur jusqu’à la sortie du livre.

    Mais quand même. Mon année de la baie de personne . Peter Handke. Toutes proportions mal gardées.

    Et je garde quelques regrets, pas trop aiguillonnant, ça va, de n’avoir pas connu ce restaurant, et Sarah, du temps de l’écriture de Chinois (ma vie) , cette scène dans le restaurant de fondue y aurait été parfaite.

    Exercice #59 de Henry Carroll : Prenez un portrait de quelqu’un sans qu’il ne soit sur la photo

    #qui_ca

  • Je me demande si je ne commence pas à avoir un vrai problème avec les oeuvres réalisées avec des gilets de sauvetage, en grande partie parce qu’elles ne disent rien d’autre que le signalement (d’autant plus du fait de l’orange fluorescent).

    Donc des gilets de sauvetage entourent les colonnes ioniques de la salle de concert de Berlin, j’agite en tous sens les différents signifiants de cette affaire pour tenter de dégager un discours, quelque chose qui serait autre chose que de rappeler aux personnes qui vont aller au concert ces prochains jours que de nombreux réfugiés se noyent pour venir en Europe et par ailleurs ceux qui y parviennent ne sont sans doute pas accueillis comme ils le mériteraient, ce qu’ils n’ignorent pas par ailleurs, et ce dont ils sont a priori surentraînés pour en détourner le regard. Et donc un artiste qui dit une chose aussi évidente produit-il une oeuvre ? quelque chose qui ne serait pas #monosémique ?

    Du coup cette oeuvre qui n’est que ce rappel, somme toute inutile, quelle est sa portée ? Elle ne peut pas prétendre raisonnablement à édifier les consciences (c’est sans doute son but déclaré en pleine inconscience à la fois de l’inefficacité et de l’obscénité même d’un tel geste, tellement limité), qui pourrait encore croire à l’efficacité de tels procédés ? Plus exactement ces procédés dépassés d’agit prop bien compris et bien entendus ont fini par se fondre dans le langage commun et c’est un danger qui n’est pas sans conséquence, parce qu’il agit désormais comme une dispense, on peut désormais dire, oui, je suis allé voir la dernière oeuvre de Aï Wei Wei (to Hell) avec des gilets de sauvetage avec la satisfaction d’un devoir citoyen accompli.

    L’artiste qui continue de produire de telles oeuvres sans s’apercevoir qu’il marque des buts contre le camp qu’il est supposé défendre n’est pas un artiste précisément parce qu’il ne créée pas de formes. De surcroît il dépossède ceux qui n’ont plus rien de leur dernier bien à la manière d’un Andres Serrano envoyant ses assistants dans New York pour acheter, sans dire à quel prix, les pannonceaux de cartons des clochards dans lequels ces derniers demandent un nickel ou une dime . C’est obscène.

    De cette même obscénité que des photographies des champs de mine d’or à ciel ouvert par Salgado, désormais exposées dans le monde entier, c’est la même obscénité, moindre mais tellement symbolique, d’un Depardon qui continue de refuser à l’ancien jeune punk berlinois s’étant juché à califourchon sur le mur de Berlin en 1989 tout partage, c’est un art de droite, un art du côté du pouvoir.

    Et la dispense agit désormais aussi pour l’artiste, il a produit une oeuvre à propos des réfugiés, de leur traversée périlleuse, de leur noyade ou de leur accueil rendu impossible, le voilà désormais dispensé de la véritable nécessité de réfléchir à la question en artiste. Et ça c’est nettement plus difficile qu’un simple détournement qui est avant tout un geste de publicitaire. Le détournement est facile, l’art est nettement plus difficile.

    Les véritables chefs d’oeuvre sur le sujet seront des oeuvres silencieuses, leurs auteurs n’étant même pas conscients d’être des artistes, ce seront des associations et des personnes qui trouveront des solutions inédites pour venir en aide aux réfugiés, ici et maintenant.

    A propos d’Andres Serrano et de l’oeuvre à laquelle je pense : http://www.desordre.net/blog/?debut=2014-01-12#3065

    Salgado :

    Depardon, mais est-ce que cette image est vraiment de lui ?, il me semble que l’artiste dans le cas présent est le jeune homme sur le mur, nettement moins le photographe

    • Je suis d’accord avec cette approche. La seule chose, tu dis deux fois « crise des réfugiés » et je pense que ce que nous vivons n’est pas une « crise de réfugiés » mais une « crise politique européenne » profonde, la crise d’une organisation regroupant les pays les plus riches au monde, avec un système de gouvernance et des infastructures au top du top et qui sont lamentablement en train de sombrer dans un tourbillon d’égoïsme et d’obscénité. Tu pointes très justement l’obscénité des images de certaines vedettes de la photos, il y a aussi une obscénité des expressions véhiculée par les médias (aussi frappes au lieu de bombardement par exemple) et que nous reprenons sans parfois même y faire attention. Je tombe aussi souvent dans ce piège.

      Les mots sont (si) importants :)

    • @reka tu as mille fois raison. Je vais réfléchir à une meilleure formulation, déjà je pensais que crise des réfugiés était meilleur que crise des migrants . Si j’avais le temps j’aimerais bien une mauvaise fois pour toutes tordre le cou à cette notion d’obscénité. Cela fait plusieurs fois que je bute sur ce sentiment en ayant bien du mal à décrire son origine. Or dans l’oeuvre d’Aï Wei Wei pour moi c’est absolument frappant, comme cela avait été frappant lors de l’exposition de Serrano en janvier 2014.

      Et pour ce qui est de ce que tu décris de la crise politique, c’était ma question une autre fois à propos des poids démographiques des continents : combien de temps allons-nous encore maintenir à nos portes deux milliards de personnes avec tellement peu de ressources quand nous, Européens ne sommes que 500 millions et des ressources infiniment supérieures ? (Je ne me souviens plus de ton billet, mais tu y montrais des cartes où toute l’Afrique en superficie contenait à la fois toute l’Europe et les Etats-Unis et je te demandais si une telle carte était possible démographiquement ?)

    • @reka Merci pour ton insistance, j’ai repris le (court texte plus haut et je l’ai corrigé aux endroits qui effectivement étaient problématiques. Je le fais d’autant plus volontiers que ce sera peut-être plus tard l’encouragement nécessaire à écrie plus longuement sur ce sujet des oeuvres pseudo engagées et celles qui le sont vraiment, une sorte de Salgado versus Jarr. Mais cela va demander du temps et des exemples bien choisis.

    • L’obscénité c’est que le monde soit présenté, représenté, filmé, englué de morve artistique, sur le podium de l’information.
      À force de mépris de l’autre, ils ont perdu le droit d’être respecté, et là, on sent bien qu’ils puent la mort à s’autophotographier habillés en couverture de survie dorée, miroir de leur décrépitude mentale. Ils ne survivent pas, ils sont morts dans leur âmes, plus encore que tous les cadavres qui jonchent les plages et ils ne voient rien que la valse de leurs rires pédants, au chaud, gavés de petit four. Persuadés qu’il faut être au sommet de l’indigence politique (surtout ne rien faire que d’être premier sur la scène et s’auto regarder sans jamais être acteur d’un mieux collectif) est bien le summum de ces vies de conforts de merde ornées d’or et de bouffe débordante d’animaux crevés, d’esclaves noyées. L’ordre hiérarchique du divertissement, l’objectif de la caméra toujours détourné de ceux qui souffrent et meurent et à qui on confisque vies et paroles, au profit unique de l’égo du pouvoir qui se fraye un passage obscène pour ne pas lâcher son poste d’avant-garde. Qu’ils crèvent. Je ne sais pas où est l’art, dans l’humilité dans le vrai, pas dans ces mascarades honteuses de gros porcs ventrus.
      #société_du_spectacle

    • De cette même obscénité que des photographies des champs de mine d’or à ciel ouvert par Salgado, désormais exposées dans le monde entier, c’est la même obscénité, moindre mais tellement symbolique, d’un Depardon qui continue de refuser à l’ancien jeune punk berlinois s’étant juché à califourchon sur le mur de Berlin en 1989 tout partage, c’est un art de droite, un art du côté du pouvoir. @philippe_de_jonckheere
      Je ne connaissais pas cette anecdote à propos du cliché de #Depardon sur le mur de Berlin. C’est comme l’histoire du baiser de l’hôtel de ville. A savoir si l’art est de gauche ou de droite, ce n’est pas ce que je regarde en premier.

    • @vanderling Le baiser de l’hôtel de ville est en fait une histoire assez compliquée qui a été rendue d’autant plus compliquée par la gentillesse de Robert Doisneau qui dans un premier temps ne voulait pas décevoir le couple qui a cru se reconnaître. C’est, en fait, pas très comparable.

      Pour ce qui est de l’art de droite, c’est naturellement vite dit et cela mériterait sans doute un développement plus conséquent. Il faudrait s’entendre sur une définition de l’art (est-ce que l’art n’est qu’advention ?) et pour ce qui est de la droite et de la gauche, peut-être se référer à l’Abécédaire de Deleuze, coaxer ces définitions et je pense que l’on obtiendrait quelque chose d’assez monstrueux mais néanmoins pas sans force, à savoir que l’art ne peut pas être de droite, par définition.

      @aude_v Aude, comme toi l’affaire de la petite Colombienne prisonnière d’un glissement de terrain a agi comme repoussoir pour moi de façon quais initiatique d’autant plus qu’alors j’apprenais le métier de photographe au milieu de photographes de presse. Dans le cas présent il s’agit de journalisme, je ne dis pas que c’est plus excusable, mais je vais reconnaître au journalisme une plus grande marge pour ce qui est de se tromper. Dans le cas de la récupération par des artistes de thèmes douloureux, il s’agit à mon avis d’un autre sujet. Sur lequel je tente depuis quelques temps de réfléchir. Je n’ai pas beaucoup de pistes pour le moment. La seule direction dans laquelle je parviens à entrevoir un début de réflexion est la suivante et elle est fragile, c’est souvent par manque de culture que les artistes pèchent dans de telles oeuvres. Il leur manque bien souvent la compréhension des rouages.

      Je te donne un exemple. Yannick Haenel et son Jan Karski qui est à gerber, Jonathan Littel et ses Bienveillantes qui sont un grand délire, Le fils de Saul de Lazlo Nemes qui est un œuvre toxique, sont des exemples de types qui se documentent sur le sujet (je choisis cet exemple parce qu’il est extrême, mais il n’est pas sans solution, je parle de la destruction des Juifs d’Europe), l’effort de reconstitution est réel, mais il n’est pas louable dans ce qu’il oublie la plupart du temps les victimes qui de viennent quantité négligeable de la même façon que les figurants qui jouent les poursuivants dans un film de James Bond meurent et n’ont de seule fonction que celle de la chute graphique de leur corps, cela devient décoratif.
      Je viens de lire, sur ce sujet, un livre nettement plus intelligent, beaucoup plus modeste et qui est un chef d’œuvre, il s’agit d’Une île une forteresse d’Hélène Gaudy, à propos du vrai faut ghetto-camp de concentration de Terezin livre dans lequel, loin de l’idée d’une reconstitution spectaculaire, l’auteure prend le parti d’une reconstitution patiente à partir des vestiges aussi ténus soient-ils, des archives en les interprétant avec mille précautions, en faisant part de ses doutes dans de telles interprétations, et à la fin du livre, tu comprends que même dans une œuvre de propagande il y a quelques étincelles de véracité (il n’est jamais question de vérité dans le livre d’Hélène Gaudy, seulement de vraisemblance) et que dans les témoignages fussent-ils de première main, il y a des tas et des tas d’éléments qui clochent. Du grand art. De la littérature majeure.

      Par rapport aux réfugiés, pour ce qu’ils représentent un sujet d’actualité, je ne pense pas a priori qu’un artiste puisse parvenir à produire une œuvre qui soit juste. En tout cas Wei Wei est aux antipodes de ce qui pourrait être juste, lui est clairement du côté de l’obscénité. Il faudrait dans un premier temps de poser la question de la nécessité d’une telle œuvre et ce qu’elle apporterait.

      Bien que n’en éprouvant pas la nécessité moi-même, ne me sentant pas du tout légitime à produire une telle œuvre, en tant qu’artiste je peux tenter de me poser la question de ce que je ferais si j’étais sommé de produire une œuvre sur un tel sujet et si je refusais pas (si on me le proposait, je refuserais) qu’est-ce que je ferais. Il me semble qu’il y a deux directions possibles, l’une d’elles qui regarderait dans la direction des performances de Chris Burden dans les années septante aux Etats-Unis, de ces œuvres dans lesquelles il se met en situation de détresse au beau milieu d’une galerie ou d’un musée et attend une réaction de la part des visiteurs, la performance prenant fin dès qu’un visiteur s’enquiert de savoir s’il peut porter secours à l’artiste, ou une autre direction, celle que prennent des quidams qui ne sont pas a priori des artistes et qui prennent sur eux, parfois contre les lois en vigueur dans leur pays, de porter secours et accueil aux réfugiés.

    • @aude_v Je note la référence de la Séduction du Bourreau , merci. J’avais écrit une chronique à propos des Bienveillantes : http://www.desordre.net/blog/?debut=2010-08-01#2577

      Je ne suis pas certain que les oeuvres silencieuses et a priori celles qui se mettent ne tête de créer de l’inconfort soient une garantie de succès, ce sont des approches prudentes mais qui peuvent tout à fait taper à côté. Ca peut même être très décoratif.