person:heather leigh

  • Indiedrome du 21/5/2019
    http://www.radiopanik.org/emissions/indiedrome/indiedrome-du-21-5-2019

    Jos Smolders: For Rudy Carrera « Nowhere » (Cronica Electronica)

    Heather Leigh: Gold Teeth « Throne » (Editions Mego)

    Steve Hauschildt: Aroid « Dissolvi » (Ghostly International)

    Philip Corner: Finale - Violin, Cello, Piano (1958) « Extreemizms » (Unseen Worlds)

    Havard Volden: VIII « Space Happy » (Sofa)

    Havard Volden: IX « Space Happy » (Sofa)

    M. Geddes Gengras: Nave « Light Pipe » (Room 40)

    Lena Hessels: First « Billow » (Terp)

    http://www.radiopanik.org/media/sounds/indiedrome/indiedrome-du-21-5-2019_06699__1.mp3

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/sons/20130306_noble_o_malley.mp3

    J – 178 : Voilà un concert, la seconde partie tout du moins, dont je me faisais toute une joie et dont je suis sorti au bout d’une vingtaine de minutes de la seconde partie, m’infligeant toute la première partie que je n’aurais pas normalement supportée plus de dix minutes, dans l’attente de la seconde.

    Expédions gentiment la chronique du premier concert, Heather Leigh, brailleuse et joueuse de still guitar , sorte de guitare électrique à plat sans fret et dont les hauteurs de notes sont obtenues à l’aide d’un goulot de bouteille — je crois que l’on appelle cela un bottleneck —, confiez un tel instrument à un guitariste chevronné, comme Steve Howe, il en sortira effectivement quelque chose — encore que —, laissez un tel instrument dans les mains manifestement inexpertes de Heather Leigh et vous comprendrez instantanément que n’est pas musicien expérimental qui veut, et dans son cas, n’est pas chanteuse qui braille et n’est pas non plus poète qui écrit des lignes.

    Quand je pense que je reproche parfois à Fred Frith d’être peu soigneux dans ses transitions quand il est accompagné, solo au contraire, il est fort méticuleux de la chose, conscient que ce sont sur de telles articulations que sont construites les architectures de ses morceaux, dans le cas de Heather Leigh qui n’a apparemment aucune intelligence musicale, on peut même se demander si elle ne n’est pas un moment arrêtée pour réaccorder son instrument, encore que la justesse ne paraissait de toute façon pas une préoccupation.

    Et donc au bout de dix minutes de ce traitement, je voyais bien que cela irait nulle part très vite, c’en était pathétique, je concevais même de la gêne collective à être devant un tel naufrage, d’ailleurs on peut dire que les applaudissements du public des Instants chavirés furent des plus timides. Il n’empêche, hier soir il faisait froid dehors, j’ai préféré attendre la fin de cette première partie dedans, je me demande ce matin si je n’aurais pas dû fuir pour de bon.

    La seconde partie était celle qui m’avait motivé à venir aux Instants au-delà de la fatigue de fin de journée, Stephen O’Maley, solo, guitare électrique reliée à un mur d’enceintes, un peu à la façon des concerts de stades du Greatful Dead dans les années septante, sauf que les Instants c’est un mouchoir de poche, pas un stade. D’ailleurs, comme souvent, en pareil cas, on distribue des bouchons d’oreille, ce qui est extrêmement paradoxal — et qui habituellement m’amuse — pour une salle de concert, censée donner à entendre, écouter, mais aux Instants , parfois, on occulte.

    Je crois que j’entretiens une relation secrète de sado masochisme, à mon corps défendant si j’ose dire, avec Stephen O’Maley dont c’était pour moi le troisième concert aux Instants.

    Le premier concert j’y étais allé parce qu’il était accompagné à la batterie de Steve Nobles, je me suis dit que cela valait la peine d’essayer, j’aime bien le jeu décousu de Steve Nobles : première agression, assez radicale, je ne pense pas avoir été confronté à un tel niveau sonore que ce premier concert, mais en dépit de l’agression de laquelle j’ai fini par m’absenter au bout d’une demi-heure, dans cette masse, j’ai perçu une construction, une progression, c’était bâti, certes c’était agressif — voire dangereux, à l’époque, je ne connaissais pas encore ce concept de concert avec du persil dans les oreilles, naïf que j’étais — mais comme me le révéla mon enregistrement du concert, musicalement c’était nettement plus construit que ne le laissait supposer l’agression de premier plan. Je suis donc allé à un second concert de Stephen O’Maley, cette fois-ci, solo, jouant, encore que jouer, je n’en suis pas certain, de la guitare à trois amplificateurs en série, histoire de décoller le papier peint, et la peinture en dessous, des Instants , et sur ce second concert, en dépit des bouchons d’oreille, j’ai eu des doutes. Je n’entendais qu’un rugissement électrique, sans cesse renouvelé à espaces plus ou moins réguliers d’un nouvel accord lâché sur la gratte et de nouveau modelé, et encore, l’était-il vraiment ?, il semblait que la part aléatoire d’électricité dans cette œuvre avait en fait le dernier mot — entendons-nous bien, je ne suis pas l’ennemi de l’aléatoire, surtout pas en musique, mais je ne déteste pas que cette dernière soit un peu canalisée —, au-delà de toute maîtrise d’ailleurs de l’instrumentiste qui ne se donnait qu’une seule possibilité, relancer un nouvel accord, et il choisissait que ce soit chaque fois le même —je m’en veux d’avoir, à un moment de ce concert, pensé, par analogie, à mon ami Stéphane Rives, à cette manière extraordinaire qui est la sienne de jouer son solo de saxophone soprano, coinçant une note et la tenant en la modulant de façon parfois imperceptible, mais une écoute attentive décèle dans cette tenue la moindre aspérité sonore pour découvrir que ce sont toutes ces choses minuscules qui font le jeu de Stéphane, rien d’aussi intelligent chez Stephen O’Maley, hélas. Je ne dis pas que les modulations étaient inintéressantes, en revanche je me posais la question de l’absence d’une construction, d’une narration ou de je ne sais quel dessein un peu supérieur au service duquel le musicien aurait acheminé et agencé ses modulations terriblement électriques, mais force était de constater que pas du tout, cela restait une modulation, quelques variantes et le retour de l’accord sempiternel toutes les vingt secondes dont je doutais d’ailleurs qu’elles correspondaient, les vingt secondes, à quel que décompte de mesures ou de fractions de mesures que ce soit, est-ce qu’on n’était pas en train, des fois, de nous prendre pour des cons ou tout bonnement des sourds, ce que de toute manière nous ne tarderions pas à devenir en écoutant pareil tonnerre, de là à dire qu’il s’agissait d’une musique publicitaire en diable, nous habituant par la force au produit dont nous ne pourrions plus nous passer par la suite, sourds, seule la musique de Stephen O’Maley nous serait audible.

    Je me suis alors posé la question de la musique versus la performance, le socio-poème. Se pouvait-il que ce que je pensais, peut-être à tort, être un concert, un événement musical, soit, en fait, une performance ? Une performance dans laquelle seraient expérimentées la résistance des uns et l’adhésion des autres, puisque manifestement tout autour de moi aux Instants , il y avait autant de monde que pour les grands soirs, on ne jouait pas à guichets fermés, mais il paraissait improbable de faire tenir davantage de monde dans la fosse et ses à-côtés, une performance destinée à créer une manière d’inconfort chez le spectateur, ne serait-ce que pour cette seule notion d’inconfort justement, je n’en demandais pas plus d’ailleurs, je n’allais pas non plus, grand amateur que je suis des œuvres de Chris Burden, attendre, voire exiger, que la performance de Stephen O’Maley étende des tentacules de sens au-delà-même de ce qu’elle était, une manière d’agression.

    C’est donc pour cette hésitation que je suis retourné voir un nouveau concert, une nouvelle performance de Stephen O’Maley, hier soir donc. Décidé d’en découdre, une mauvaise fois pour toutes, avec les tenants et les aboutissants de la chose performée. Pour être tout à fait honnête les niaiseries de Heather Leigh en première partie ne m’ont sans doute pas aidé, plutôt insupporté en fait, mais je faisais confiance à mon jugement pour ne pas faire déteindre la faiblesse de la première partie sur la seconde.

    Le dispositif du concert d’hier soir était le même que le concert performance précédent, une muraille de trois amplis, l’agression dès le premier accord, le volume poussé au maximum de ce que sans doute les fondations des Instants sont à même de supporter sans s’écrouler sur nous, et, hélas, la même construction poussive, un accord, toujours le même, lâché à intervalles plus ou moins réguliers et entre les deux de l’électricité, une vibration mauvaise de l’air entre nous et la nécessité impérieuse de se protéger les oreilles avec des bouchons, en modulant soi-même, de temps en temps, le niveau d’enfoncement desdits bouchons pour tenter, de temps en temps, de percevoir un peu des aigus de cette affaire, mais à vrai dire, tout est agression, les aigus, les mediums, les basses tout, c’est brutal et en fait, à moins d’un désir masochiste, c’est surtout très con.

    Et donc pendant une vingtaine de minutes, assis dans un coin, les deux mains posées sur les bouchons d’oreille pour avoir la ressource éventuelle de me crever les tympans avec les bouchons pour justement les protéger, je me suis appliqué à trouver je ne sais quel élément qui tienne cet ensemble, une progression, un semblant de construction, un début de narration, n’importe quoi, même de pas très important, mais non, il n’y avait rien à faire. Ayant acquis que décidément non, Stephen O’Maley n’était pas le génie qu’il semblait vouloir incarner et auquel les uns et les autres, avant le concert avaient semblé adressé la parole avec une telle révérence, mais bien plutôt un faiseur, un crosseur, un petit joueur en somme, ayant désormais donc acquis cette conviction, j’étais captivé par le spectacle des quelques personnes qui m’entouraient et qui toutes semblaient dodeliner dans cette électricité ultra saturée comme dans un bain de jouvence, et comme chaque fois, en pareil cas, je me suis prononcé pour moi-même cette phrase, évidemment audible de personne, même pas de moi-même, dans un tel vacarme : le roi est nu.

    J’ai enfoncé mes bouchons d’oreilles jusqu’à la garde, j’ai ramassé mon appareil-photo et mon manteau et je suis sorti, retrouvant dans la rue, une demi-douzaine de personnes dont certaines avaient vomi, et toutes préféraient, de loin, le froid humide de l’automne et le spectacle pas très folichon de la rue Richard Lenoir à Montreuil, plutôt que le massacre en règle de leurs sens.

    Je suis rentré chez moi, je disposais désormais d’une dispense en bonne et due forme, je n’étais plus tenu, par rien, à assister à un concert de Stephen O’Maley. J’étais rassuré sur ce dernier point, je n’étais pas en train de passer à côté du dernier grand génie des Instants .

    Exercice #28 de Henry Carroll : Faites-nous voyager avec une photographie

    Série, Trajets (http://www.desordre.net/photographie/numerique/trajets/index.htm ), photographie numérique

    #qui_ca

    • Ce concert avec Noble j’y avais laissé un bout de mon oreille droite. J’étais sorti de là en titubant. Depuis j’ai acheté des bouchons d’oreille efficaces que j’oublie à chaque fois.

      Celui avec Heather Leigh j’aurais aimé pouvoir y être, en fait surtout avec Brotzmann, j’aime bien son I abused animal. Là aussi ça fait un peu amateur et maladroit, mais il y a un charme là-dedans qu’elle arrive à créer en équilibre instable.

      O’Malley, je me dis, en toute mauvaise foi, il a atteint une sorte de respectabilité qui pourrait jouer plus que la musique qu’il sort de sa guitare.

    • @lyco Normalement, si tu oublies tes bouchons, tu peux en avoir à l’entrée gratuitement, je ne serais pas étonné que ce soit une obligation légale.

      Ayant à ce point détesté le premier soir de Heather Leigh, je ne suis pas allé au second soir avc Brotzmann, mais j’ai dans l’idée que même avec un pareil musicien, elle doit être capable de tout gâcher.

      Elle a effectivement joué son I abused an animal, on ne peut pas dire que j’ai kiffé. J’ai même trouvé cela pathétique.

      Quant à O’Malley, oui, il y a une affaire de respectabilité indue, en fait c’est un branleur et le public refuse de voir que le roi est nu. Et je réalise rétrospectivement que jouant avec Steve Noble, la musique repose entièrement sur le jeu de Noble, c’est lui qui constuit et O’Malley qui fait la déco et le papier peint.