person:isabelle prévost-desprez

  • Violences sur les Champs-Elysées : « J’ai fait comme les autres, je n’ai pas réfléchi », Yann Bouchez
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/19/violences-sur-les-champs-elysees-j-ai-fait-comme-les-autres-je-n-ai-pas-refl

    Une cinquantaine des personnes interpellées samedi à Paris ont comparu lundi devant le tribunal.

    L’écart est saisissant. Samedi 16 mars, lors de l’acte XVIII des « #gilets_jaunes », les images de violences sur les Champs-Elysées ont tourné en boucle, montrant tour à tour commerces incendiés, vitrines éventrées et magasins pillés. Mais dans la salle d’audience 6.01 du tribunal de grande instance de Paris, personne, parmi la première poignée de prévenus à comparaître, lundi 18 mars, ne présente le profil du pilleur, de l’incendiaire ou du casseur rompu aux débordements.

    Il y a d’abord Clément, jeune paysagiste intérimaire, au buste aussi fin que ses dreadlocks sont épaisses, poursuivi pour avoir, près de la place de la Concorde, jeté une bouteille de bière en direction des forces de l’ordre, sans faire de blessé. Six mois de prison avec sursis. Raphaël, apiculteur de 32 ans, a été interpellé en fin d’après-midi, avec un sac contenant une veste Morgan et un jogging Nike, encore avec leurs antivols. Trois mois avec sursis. Cyprien, lycéen de 19 ans, reconnaît, lui, avoir fait un doigt d’honneur aux forces de l’ordre avant d’être arrêté puis avoir donné, dans le fourgon, un coup de pied à une policière. Six mois de sursis. Vincent, 21 ans, « street medic », a été retrouvé, avenue Foch, avec deux morceaux de marbre et de bitume dans ses poches. Des « souvenirs », se défend-il. Quatre mois ferme, avec mandat de dépôt.

    A Loïc, 29 ans, il est bien reproché d’avoir débuté un incendie, vers 22 heures. Mais il s’agissait d’un début de feu de poubelle, près de la place de la République, et l’homme, éméché, a très vite été maîtrisé. « On a une dichotomie énorme entre ceux qu’on a vus à la télévision ce samedi et les dossiers de personnes qui sont devant vous », résume l’avocat de Clément. Sur les quelque 250 gardés à vue du week-end à Paris, en marge des manifestations des « gilets jaunes », une grosse cinquantaine ont été présentés lundi en comparution immédiate.

    « C’est raisonner comme une pioche »

    Devant Corentin, sixième prévenu dans la salle 6.01, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, le reconnaît sans détour : « Il y a ceux qui cassent tout et pour l’instant on ne les a pas vus. » Mais elle ajoute : « Et puis il y a ceux qui ramassent et qui cautionnent, quelque part. » Aux yeux de la magistrate, le jeune homme de 22 ans, venu de Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), en fait partie. Corentin est arrivé à Paris samedi matin, à 8 heures, « pour manifester pacifiquement ». Il a été interpellé, en fin de journée, vers l’Arc de triomphe, avec des vêtements de chez Zara et Hugo Boss, deux enseignes pillées quelques heures plus tôt. Le sac Okaïdi avec les cadeaux pour enfants était à lui par contre : après vérification, les policiers ont pu établir que le jeune homme les avait bien achetés pour une amie.

    Pour le reste, Corentin dit avoir trouvé les vêtements dans la rue. « Je ne serais jamais rentré dans le magasin, assure-t-il. Je me suis dit : “C’est perdu dans tous les cas pour le commerçant.” » « Ce n’est pas un raisonnement ça, c’est raisonner comme une pioche », gronde la présidente. Le procureur, Sébastien Hauger, insiste : « Receler des vêtements issus de pillages (…), c’est donner raison à ceux qui ont défoncé les Champs-Elysées, samedi. » Trois mois de prison avec sursis, et un an d’interdiction de paraître à Paris. « Je pense que la vie en Bourgogne est bien plus agréable », estime le procureur.

    Vies cabossées

    De sa vie pourtant, Corentin, comme tant de manifestants qui défilent à la barre depuis quatre mois, n’a presque pas parlé. Il a juste écouté la présidente en lire les grandes étapes. Le placement en famille d’accueil à 10 ans, la fin de la scolarité à 16 ans. Le travail, très tôt, dans les vignes et à l’usine. Combien gagne-t-il, d’ailleurs ? « Mille trois cents euros les meilleurs mois. » Elle indique une mention à son casier judiciaire pour usage de stupéfiants et tente un conseil, en répétant dans un sourire le nom de « Nuits-Saint-Georges » : « Vous prenez du cannabis ? Le rouge, c’est mieux. Raisonnablement. »

    Face au défilé de ces vies cabossées dans l’enceinte du tribunal, l’humour paraît souvent déplacé. « Ben, c’est pas bien gai », résume d’ailleurs à haute voix Isabelle Prévost-Desprez au moment d’évoquer la vie de Bryan, venu de l’Eure. Une mère alcoolique décédée. Une vieille dépendance au cannabis. A 26 ans, Bryan, la carrure solide, reconnaît avoir lancé « une ou deux pierres » sur des forces de l’ordre, samedi. « J’ai fait comme les autres, je n’ai pas réfléchi, je me suis fait engrener », tente-t-il d’expliquer. Mais c’est son parcours qui interpelle les juges. De 2011 à 2018, Bryan a travaillé dans l’armée. Il a fait partie des patrouilles, dans Paris, après les attentats de Charlie Hebdo. « On a fait plus de 300 jours de “Vigipirate”, j’ai même eu une médaille », raconte-t-il.
    « Vous ne voyez pas le problème ?, demande la présidente.
    – Si.
    – C’est quand même sidérant…
    – Je regrette.
    – On vous croit. Il y a eu beaucoup de regrets aujourd’hui. Un peu comme si vous redescendiez d’un trip. »
    Dix mois de prison ferme, sans mandat de dépôt. Bryan a pu repartir chez lui, où il doit terminer un travail d’intérêt général lié à son problème de drogue.

    • Je trouve super importants tous les comptes-rendus de procès. C’est le seul moyen de démontrer par le réel (et hélas le sordide de révéler impudiquement sa vie, son orgine) que les « casseurs » c’est ... ta soeur, ton voisin, ta collègue.
      Y’a aussi ce thread très complet : https://twitter.com/Salome_L/status/1107618884213972992
      avec cette réponse aussi qu’elle fait à une personne qui la questionne :

      De source de judiciaire pas plus d’une dizaine d’étrangers dans les personnes interpelées samedi. Je n’ai personnellement assisté à aucun jugement hier et ne peut vous dire s’il y en a eu dans les autres chambres correctionnelles.

      https://twitter.com/Salome_L/status/1107853188026249219

    • Gilets jaunes : prison ferme pour trois jeunes interpellés samedi, Faits divers|Louise Colcombet
      http://www.leparisien.fr/faits-divers/gilets-jaunes-prison-ferme-pour-trois-jeunes-interpelles-samedi-19-03-201

      Les comparutions immédiates se sont poursuivies ce mardi pour juger des suspects impliqués dans les violences de samedi à Paris.
      « Je suis entré dans le magasin, c’est une erreur de ma part. Toute l’après-midi, j’ai vu des personnes prendre beaucoup de choses, alors je me suis dit que j’allais tenter ma chance… », admet, l’air penaud, le prévenu. Il a 21 ans, un casier vierge, et une carrière toute tracée à la SNCF, pour laquelle il étudie en alternance.

      Interpellé samedi devant la boutique du PSG, pillée comme tant d’autres sur les Champs Elysées lors de l’acte 18 des Gilets jaunes, il était jugé ce mardi après-midi en comparution immédiate au tribunal de grande instance de Paris pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradation » ainsi que pour « vol » et « rébellion ». Sur lui, les policiers ont retrouvé trois maillots du club parisien, floqués aux noms de MBappé, Di Maria et Neymar… Ce qu’il reconnaît, tout en niant la rébellion.
      Le jeune homme vit chez sa mère

      « Avez-vous tenté de vous débattre ? » l’interroge le tribunal. « J’ai essayé d’enlever la main du policier… après, je suis tombé ». Il affirme avoir alors reçu trois coups de matraque, avant de finir à l’hôpital. Bilan : traumatisme crânien, plaie au crâne.
      Le jeune homme, non politisé, qui vit chez sa mère dans les Yvelines, explique d’une voix timide être venu à l’acte 18, non pas pour manifester, mais « pour voir ». « Pour voir quoi ? s’agace le président du tribunal. Pour voir les techniques de guérilla urbaine, pour voir les policiers recevoir des projectiles sur la tête ? » Le prévenu, inaudible et déstabilisé, marmonne dans sa barbe. « Et pourquoi être resté sur les Champs Elysées alors que les violences et les dégradations avaient lieu ? Vous n’étiez pas là pour prêter main-forte aux forces de l’ordre, tout de même… ? » le tance encore le président avant que la procureure ne réclame à son encontre six mois de prison ferme.

      « Etre au coeur de l’action »
      « Trois maillots du PSG, c’est vrai que c’est considérable », ironise d’emblée Me Pierre-François Rousseau, son avocat, plaidant un « moment d’égarement », et « l’absence de matériel pour blesser ou dégrader ». « Il a 21 ans, il veut se rendre compte, être au cœur de l’action au lieu de regarder cela sur BFMTV, comme beaucoup de ceux qui sont montés sur les barricades en 1968 ! », poursuit le pénaliste, jugeant les réquisitions excessives. En vain. Le frêle jeune homme est reconnu coupable de l’ensemble des faits, et écope de six mois de prison, dont trois avec sursis.

      Une fermeté qui se poursuit alors que pénètrent dans le box Mehdi et Charles, deux copains âgés de 20 ans et 19 ans. Le premier, habitué du mouvement, avait convié son ami, novice et peu politisé, venu spécialement de Toulouse (Haute-Garonne) « parce que c’était la dernière manifestation des Gilets jaunes ». Tous deux ont été arrêtés vers 16 heures samedi alors qu’ils tentaient de retourner sur les Champs Elysées après avoir avalé un casse-croûte. Bloqués par un cordon de CRS au milieu d’autres manifestants, ils racontent avoir été pris en tenaille et avoir vu fondre sur eux des policiers en civil venus de l’arrière… sans d’abord les identifier comme tels.

      « Votre carrière dans la police, c’est mal parti... »
      « Je me suis agité parce qu’au début j’ai cru que c’était des Blacks blocs, ils étaient en noir », se défend Charles, poursuivi comme son acolyte pour rébellion mais aussi violences - une bouteille de bière qu’il conteste avoir lancée -, « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradation » et recel d’une chemise Hugo Boss retrouvée dans son sac. Charles affirme « ne pas être d’accord total avec les Gilets jaunes », encore moins avec les casseurs. « J’en ai vu incendier des plantes synthétiques, je leur ai dit que c’était complètement con ! », plaide-t-il. Quant à la chemise, il comptait l’enfiler pour sortir le soir même. « Je l’ai achetée il y a trois mois pour passer les tests pour devenir ADS (adjoint de sécurité, NDLR) ». « Pour votre carrière dans la police nationale, c’est un peu mal parti… », lui fait remarquer un juge assesseur.
      Issu d’une famille aisée et engagée politiquement, étudiant en école de commerce, Mehdi, lui, assume son implication dans le mouvement des Gilets Jaunes. D’une voix posée, le jeune homme raconte avoir été sensible au manque de moyens des hôpitaux, alors que son père - décédé il y a un mois - était gravement malade. « Je suis jeune, c’est important de participer aux mouvements sociaux pour espérer un avenir meilleur », détaille-t-il. Problème : son gilet fluorescent a été retrouvé dans un sac qui contenait aussi des lunettes de piscine, un masque de paintball, des fumigènes et des gants coqués. Il portait aussi deux épaisseurs de vêtements, de quoi lui permettre de se changer pour se fondre dans la masse en cas d’exactions, soupçonne le tribunal. Lui assure avoir seulement voulu « se protéger ». « Ce n’est pas un matériel de protection, mais d’agression » ! tonne la procureure, fustigeant des jeunes « venus chercher le frisson de l’émeute » et réclamant pour le duo huit mois de prison dont deux fermes.

      Enfermement immédiat

      « Abasourdi », Me Pierre-François Rousseau rappelle que les policiers eux-mêmes ont estimé que Charles et Mehdi ne faisaient partie d’aucun groupe. « Comme disait Renaud, Je suis une bande de jeune à moi tout seul », se moque-t-il, avant de souligner la fragilité des procès-verbaux rédigés à chaud par des policiers débordés. « Vous n’avez pas parole d’Évangile d’un côté, et des petits jeunes qui disent n’importe quoi de l’autre ! », poursuit-il, revenant notamment sur le profil de Charles, apprenti policier à l’avenir désormais compromis. « Mais regardez son pull… Il a un pull avec des fleurs, on n’est pas face à un Black bloc ! », lance-t-il encore. Le jeune homme, relaxé pour l’affaire de la chemise, est finalement condamné à six mois de prison dont deux ferme. Son ami Mehdi à huit mois, dont deux fermes, avec mandat de dépôt, synonyme d’enfermement immédiat.

  • Violences des « Gilets jaunes » sur les Champs-Élysées : un surveillant de prison jugé ce lundi - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/faits-divers/violences-des-gilets-jaunes-sur-les-champs-elysees-un-surveillant-de-pris

    Les forces de l’ordre ont utilisé samedi 5 000 #grenades lacrymogènes, « plus de un(e) par minute, c’est du jamais vu », selon le préfet de police de Paris.

    Les forces de l’ordre ont procédé samedi à 103 interpellations (98 majeurs et cinq mineurs) suite aux heurts qui se sont déroulés toute la journée sur les Champs-Élysées dans le contexte de la #manifestation des #Gilets-jaunes. À l’issue de ces gardes à vue, 45 personnes ont été déférées devant le parquet. 14 personnes suspectées d’avoir participé aux violences seront jugées ce lundi en comparution immédiate. Parmi elles, un profil se détache particulièrement, celui d’un surveillant pénitentiaire de la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). Le fonctionnaire a été arrêté porteur d’une cagoule et de lunettes de protection, et en possession d’un marteau. Il sera jugé pour #participation_à_un_attroupement_armé en vue de commettre des violences.

    Deux #manifestants vont être jugés selon la procédure du plaider-coupable, tandis que que six autres seront jugés ultérieurement par le tribunal. Pour 23 d’entre eux, le parquet a privilégié une alternative aux poursuites en optant pour un rappel à la loi devant un délégué du procureur. Enfin, 23 gardes à vue ont fait l’objet d’un classement sans suite, essentiellement car les infractions n’étaient pas suffisamment caractérisées.

    Le sort de 27 manifestants dont les gardes à vue ont été prolongées reste encore en suspens. C’est notamment le cas du jeune homme suspecté d’avoir jeté un écrou sur un policier qui risque de perdre son oeil. L’auteur de ce jet de projectile a été placé garde à vue pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une infirmité permanente ou une mutilation à l’occasion d’une manifestation », une incrimination passible de 15 ans de réclusion.

    Les heurts sur les Champs ont fait en tout 24 blessés dont cinq parmi les forces de l’ordre. Enfin, selon une source officielle, les dégâts sur les Champs ont été estimés à 1,5 million d’euros.

    #justice #maintien_de_l'ordre

    • Les « gilets jaunes » au tribunal : « J’aurais jamais dû mettre les pieds à Paris ! », Pascale Robert-Diard

      Une quinzaine de manifestants poursuivis pour violences ou dégradations en marge du défilé de samedi à Paris ont été jugés en comparution immédiate, lundi.

      Il ne faut pas se fier aux apparences. Par exemple, ce grand gaillard barbu de 32 ans « sans domicile fixe » qui ne dispose que d’une adresse postale chez ses parents et d’une carte d’identité périmée depuis longtemps. Il comparaît, lundi 26 novembre, parmi une quinzaine d’autres participants à la manifestation des « gilets jaunes » de samedi, devant la 23e chambre correctionnelle de Paris pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Il a été interpellé non loin des Champs-Elysées avec un pavé et un couteau.

      La justice, qui traque les casseurs en marge du défilé, pense en tenir un. La présidente, Corinne Goetzmann, avise le tee-shirt noir porté par le prévenu, barré d’un slogan imprimé façon tag qu’elle a lu un peu trop vite.
      « Et ce tee-shirt ?, lui demande-t-elle.
      – Ben, la chèvre, c’est l’Ardèche. Et “goat”, c’est chèvre en anglais. Il épelle : We’ve GOAT the power… »
      Il vit en Ardèche, dans un camion. « En fait, je suis woofer sur un petit terrain. Je paie pas l’électricité en échange de quelques travaux. Le pavé, je l’ai ramassé parce que là, je fais une formation de tailleur de pierres. Et le couteau, c’est une question d’habitude, je me lève le matin, je mets mon pantalon et mon couteau dans ma poche. » Condamné à deux mois avec sursis pour port d’armes.

      « Je gagne environ 8 000 euros par mois »
      Le suivant portait, lui aussi, un couteau, un Opinel. Il a 26 ans, il vient de Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. « Détenir une arme de catégorie D est une infraction », lui explique solennellement la procureure. Le prévenu hausse les épaules. « Vous savez, chez nous, tout le monde a un Opinel sur soi. Je vais pas me défendre de ça. » Il avait aussi une matraque dans son sac. « Je l’ai ramassée par terre, je voulais la ramener en souvenir. Je suis conseiller financier, je suis pas venu pour casser du policier ! Je voulais juste exprimer mon mécontentement.
      – Quels sont vos revenus ?
      – Je travaille en Suisse, je gagne environ 8 000 euros par mois.
      Son jeune avocat commis d’office écarquille les yeux.
      – Et votre compagne ?
      – Elle travaille aussi en Suisse. Elle gagne 3 500 euros. »
      Condamné à trois mois avec sursis pour port d’arme.

      Le tour de France des mécontents se poursuit. Venu de Poitiers, un beau gars en pull vert a été arrêté avec des gants, des pierres et une tête de grenade. Il a 33 ans, vit chez ses parents, accumule les CDD au Futuroscope.
      En provenance de La Rochelle, un gamin de 22 ans, interpellé avenue Montaigne avec barre de fer, cagoule et deux flacons de parfum Christian Dior – « ramassés dans la rue », dit-il –, vit lui aussi chez ses parents. Il travaille en intérim pour 1 500 euros mensuels. « Je voulais faire du sport, j’ai été obligé de me rabattre sur le métier de peintre en bâtiment », souffle-t-il. Soixante-dix heures de travaux d’intérêt général.
      De Saint-Georges-la-Pouge, un village de 365 habitants dans la Creuse, arrive un homme de 35 ans, qui tremble de tous ses membres. Il perçoit 950 euros d’indemnités chômage, a travaillé comme charpentier et monteur de réseau aérien. Il est accusé d’avoir jeté des pavés contre un kiosque à journaux et contre les forces de l’ordre. Il demande le renvoi de son procès, la procureure requiert son placement en détention d’ici là.

      « J’suis quelqu’un de la campagne, moi »
      « Je regrette vraiment d’avoir pris ces deux bon sang de pavés. Je voulais juste être écouté et voilà où ça m’a mené. » Il pleure soudain comme un enfant. « J’suis quelqu’un de la campagne, moi. J’suis d’un milieu pas facile. Ma copine a un dossier de surendettement. J’suis fait pour vivre dehors. Si vous m’enfermez, je me ferai du mal. J’aurais jamais dû mettre les pieds à Paris… » Il ressort sous contrôle judiciaire en attendant son procès, en janvier.
      De Bou, 902 habitants dans le Loiret, est monté dimanche à Paris un soudeur de 34 ans, 1 700 euros par mois. « Je vis chez ma mère, mais je participe aux charges familiales, précise-t-il. Je regrette, je me suis laissé emporter. Je voudrais bien rentrer pour reprendre mon travail. »
      Un célibataire sans emploi de 29 ans, qui a bossé « dans l’élagage, l’imprimerie, les serres et, pour finir, comme cariste », espère à tout prix retourner le soir même en Corrèze, où sa grand-mère est décédée dimanche. « J’ai manifesté chez moi le week-end dernier et pendant la semaine. Comme il y a des gens qui étaient venus nous agresser, j’ai pris une lacrymo et un poing américain pour Paris. Mais c’était pour me défendre, pas contre les policiers ! »
      Un conducteur de chantier de 23 ans, une chômeuse de 27 ans, mère célibataire d’une petite fille, dont le dernier emploi était serveuse chez McDo, supplient, eux aussi, le tribunal de les laisser rentrer chez eux. Tout comme ce chauffeur de bus en formation. « Ça se termine vendredi et après, normalement, j’accède directement au centre bus de la RATP. »

      Le plus âgé des prévenus a 40 ans. Il a manifesté, dit-il, « contre la dégradation du service public ». Il a été arrêté avec une cagoule, des gants et un marteau. Ancien militaire, il est depuis plus de dix ans surveillant pénitentiaire.
      Pascale Robert-Diard

    • Les « gilets jaunes » en comparution immédiate : « Les bouteilles d’essence, c’était pour faire le malin devant les copains », Pascale Robert-Diard et Jean-Baptiste Jacquin

      Soixante-dix prévenus ont été jugés, lundi, à Paris, après les interpellations en marge de la manifestation du 1er décembre. Dix-huit peines de prison ferme ont été prononcées.

      Il est minuit passé de quelques minutes et, dans le box de la salle d’audience 6-05 du tribunal de grande instance de Paris, l’un des six prévenus reste prostré sur le banc, la tête enfouie dans ses mains. Le tribunal vient de lui annoncer sa condamnation à trois mois ferme avec #mandat_de_dépôt, il part donc immédiatement en #prison. Il a 21 ans, vit dans une bourgade proche de Nevers et travaille comme intérimaire dans une usine de métallurgie. Il a été interpellé samedi 1er décembre, en fin de matinée, boulevard Haussmann, près des grands magasins. Dans son sac, les policiers ont trouvé deux paires de lunettes de piscine, sept masques de protection, un masque de plongée, un casque de ski, des genouillères, des protège-tibias, une protection dorsale, un pistolet à gaz, un poing américain, deux matraques télescopiques, des bouteilles en verre et d’autres en plastique contenant deux litres d’essence, des chiffons imbibés et… un gilet jaune.

      « On a vraiment l’impression que vous êtes venu pour en découdre », observe la présidente, Anne Wyon. Il lève vers elle un long visage blême, un regard terrorisé. « J’sais pas si j’aurais été capable. Les bouteilles d’essence et tout, c’était pour faire le malin devant les copains », répond-il. « Là, vous parlez d’une toute petite voix, mais au téléphone, vous vous réjouissiez beaucoup », réplique-t-elle. Sa messagerie est en effet bavarde. Les policiers ont consigné les échanges qu’il a eus avec son groupe sur l’application WhatsApp. « Un pote militaire m’a dit, le feu c’est mieux », « on est bien équipé [il dressait la liste] mais pour les cocktails, j’hésite ». Entre eux, ils réglaient les derniers détails de leur venue à Paris. « Y’en a vingt qui montent et on rejoint les black blocs », lui dit un de ses interlocuteurs. Lui a pris le train de 6 heures samedi à Nevers. « Faut bouger son cul maintenant, y’en a marre », a-t-il écrit.

      Soixante-dix prévenus jugés
      Au même moment, dans la chambre voisine présidée par Isabelle Prevost-Desprez, un électricien de 23 ans est condamné à dix mois de prison avec mandat de dépôt. Venu manifester de Saincaize-Meauce dans la Nièvre, il nie les accusations portées par la police. Il ronge ses ongles en affirmant que la pince, les boulons et les morceaux de bitume retrouvés dans son sac à dos lors de la fouille qui a suivi son interpellation avenue de Friedland à 15 h 15, « ce n’est pas à moi ».
      « Et les policiers qui vous ont vu jeter des pavés ?, interroge la présidente.
      – Ils ont dû confondre avec quelqu’un d’autre. »


      Le 3 decembre 2018, Tribunal de Paris. Ce père de famille de 3 enfants écope de 3 ans ferme aménageable. Il était accompagné de 4 personnes, à peine sortis de la voiture ils auraient été arrêtés par les CRS et placés en garde à vue car certains avaient des masques en papier et d’autres des pétards. Ils n’auraient même pas eu le temps d’aller à la manifestation des gilets jaunes samedi 1 dec 2018. En garde à vue, les lacets sont retirés.

      Un peu plus tôt dans l’après-midi, dans une autre des cinq chambres mobilisées pour les comparutions immédiates à la suite des violences du 1er décembre à Paris, un Nîmois de 40 ans, sans emploi, qui vit du RSA, squatte chez des copains en échange de petits services de mécanique, a été condamné lui aussi à six mois d’emprisonnement dont trois ferme avec mandat de dépôt. Il a été interpellé avec tout un attirail de protection, un lance-pierre « professionnel » et des billes de plomb. « J’allais chez des copains, le lance-pierre, c’était pour tirer sur des canettes avec les enfants », avait-il tenté d’expliquer. Mais lui aussi avait eu l’imprudence de poster des messages sur la page Facebook des black blocs, de retour de plusieurs blocages sur les ponts à Valence avant de se décider à « monter sur Paris ». « C’est bien la guerre. Il faut s’organiser. Je suis déterminé », écrivait-il.

      Sur les soixante-dix prévenus jugés lundi, dix-huit peines de prison ferme – toutes aménageables – ont été prononcées et six mandats de dépôt ont été décernés. Loin des prévisions de l’administration pénitentiaire qui s’était organisée pour accueillir une cinquantaine de condamnés dans la nuit. Loin, surtout, des images de violences qui ont déferlé sur les écrans de télévision tout au long de la journée du 1er décembre.

      Chaos et confusion
      « Mais comment ça se fait qu’on n’a pas les casseurs ? », demande une des policières affectée à la surveillance d’une salle d’audience à ses collègues de la Préfecture de police de Paris venus pointer sur leurs ordinateurs portables les résultats des interpellations. « Ils courent plus vite et sont plus malins. Et on est coincé. Là, les manifs ne sont pas encadrées. Ça part dans tous les sens. Si on y va trop fort, on va faire mal. Si on lâche, ça va continuer », soupire son interlocuteur.

      Les lieux et les heures d’interpellation des prévenus témoignent du chaos et de la confusion de la journée de samedi. Certains ont été cueillis lors de contrôles matutinaux gare de Lyon, d’autres en milieu de matinée dans les rues autour de l’Arc de triomphe, et sur les Champs-Elysées et, plus tard, près de la Bastille, dans le quartier des grands magasins, ou encore près de la gare de Nord, alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre leur train.

      Peu de « pilleurs », parmi eux. Un maçon de 24 ans, interpellé à 20 h 45 rue du Faubourg-Saint-Honoré pour avoir ramassé un casque de vélo devant le magasin Decathlon dont la vitrine venait d’être brisée, se défend d’en être un. « Ça balançait de partout, il y avait autant de cailloux qui tombaient par-derrière que de bombes lacrymogènes qui volaient par devant, j’ai pris le casque pour me protéger, pas pour voler », s’est-il justifié. Le casque a été placé sous scellé et son bref utilisateur, déjà condamné pour vol dans le passé, a été condamné à trois mois de prison avec sursis.

      « J’allais m’acheter des chaussures chez Louboutin »
      Trois amis de Bondy (Seine-Saint-Denis), âgés de 21 et 22 ans, ont été arrêtés beaucoup plus tard, vers 3 heures du matin sur le périphérique nord. En contrôlant l’intérieur de leur BMW, les policiers ont trouvé un lot de médailles de collection à l’effigie de l’Arc de triomphe, les mêmes que celles qui avaient été dérobées lors du saccage du monument. Ils ont affirmé les avoir négociées « 10 euros pièce » à un receleur. L’examen de leurs portables a révélé que deux d’entre eux se trouvaient dans la matinée au centre de Paris. « Rien à voir avec la manif, j’allais m’acheter des chaussures chez Louboutin et mon copain m’accompagnait », explique le prévenu. Le tribunal écarquille les yeux. « Des Louboutin ? Vous pouvez préciser le prix d’une paire de chaussures chez Louboutin ?
      – Dans les 800 euros.
      – Et vous gagnez 1 800 euros comme chauffeur-livreur ?
      – C’était pour mon anniversaire. »
      Ils sont condamnés à quatre-vingt-dix jours-amendes à 20 euros pour l’un, 10 pour l’autre. Le troisième est relaxé.
      Venus à Paris par petits groupes, en covoiturage ou en car, ils arrivaient de Gap, d’Yssingeaux, de Harfleur, d’un village des Ardennes, de Dreux, du Loiret, de Nice, de Brezolles dans l’Eure-et-Loir, de Gournay-en-Bray en Seine-Maritime, de Moselle, de Feuquières-en-Vimeu dans la Somme, de Toulon, d’Echemiré dans le Maine-et-Loire, de Carcassonne ou encore de Bernay dans l’Eure. Ils ont acheté leur panoplie de manifestants (masques de protection, bombes de peinture, huile de vidange, lunettes de piscine) chez Decathlon, Leroy-Merlin, ou Action « à 89 centimes la bombe de peinture à l’eau », précise l’un des prévenus. « L’huile de vidange, c’était juste pour rendre la peinture plus graissante », indique un autre.
      « Un coup de sang »
      Ils – les prévenus sont tous des hommes – sont chauffeurs de poids lourds – bien représentés – et gagnent de 1 200 à 2 500 euros par mois, soudeur ou mécanicien à 1 250 euros, auxiliaire de vie à 3 000 euros « auprès d’un vieux monsieur à Nice, mais je suis surendetté suite à des accidents de vie », livreur à 1 500 euros, imprimeur « depuis vingt et un ans dans la même entreprise », « enquêteur de satisfaction » à 1 287 euros, forgeron, électricien chez Enedis, menuisier salarié d’une commune à 1 365 euros, agent de fabrication à 1 700 euros « sur treize mois », maçon en intérim, conducteur d’engin chez Suez à 1 700 euros, responsable de projet chez ArcelorMittal à 3 500 euros, éboueur chez Derichebourg, « poseur de voies » à la RATP, cantonnier à 1 200 euros – « Moi, le gilet jaune, c’est ma tenue de travail », dit-il – garçon boucher.

      Lui, justement, fait partie de ceux qui ont été condamnés à de la prison ferme (quatre mois). Il a eu, explique-t-il, « un coup de sang » et il a foncé tête baissée sur les policiers. Il lui en reste un énorme coquard bleu virant au violet sur le visage. Il dit qu’il a voulu « s’investir dans le mouvement, en devenir l’un des porte-parole, parce que le peuple, la société, vont très mal. Très, très mal. Nos retraités ont travaillé toute leur vie et on leur enlève 100 euros. Et moi, j’ai la corde au cou. Je me lève tous les matins pour aller à l’abattoir. »
      « Vous avez des dettes ?, s’enquiert le juge.
      – Ben, des poules, des canards, des lapins…
      – Non, je demandais si vous avez des dettes », répète le juge.
      Un autre explique qu’il « fait de l’empotage ».
      – Vous travaillez dans une jardinerie ?
      – Non, je remplis des containers. Vous voyez ? »
      Le tribunal n’a pas l’air de voir vraiment.
      « C’est le chat qui se mord la queue »
      Tous affirment qu’ils voulaient manifester « pacifiquement ». « J’imaginais pas tomber sur des violences comme ça. Je suis un peu déçu par le mouvement, même si je le soutiens », déclare un carrossier peintre de Senlis, qui touche le RSA depuis quelques mois et dort, faute de logement à lui, dans le garage d’un copain depuis sa rupture conjugale. « Mon copain voulait m’embaucher mais il ne peut pas, à cause des charges. Alors vous voyez, Mme la juge, quand vous avez pas de logement, vous avez pas de boulot, c’est le chat qui se mord la queue et on se sent abandonné.
      – En même temps, quand vous allez à l’hôpital, on vous soigne gratuitement, observe la présidente.
      – Bah, je vois pas le rapport…
      – C’est parce que vous dites que vous vous sentez abandonné.
      – Heureusement, je touche du bois [il appuie ses mains sur la barre du box]. J’ai pas de problèmes de santé. Mais je trouve qu’on a vite fait de tomber dans l’oubli, aujourd’hui. »
      Ce gamin de 19 ans et trois jours était venu d’Angers, « manifester pour le peuple et pour [s]es parents ». « Ils sont surtaxés, il faut que ça s’arrête », explique-t-il, tête baissée. Avec son casque rouge sur la tête à quelques encablures de l’Arc de triomphe, il a été vite repéré par les policiers.
      « Pourquoi avez-vous jeté un pétard sur les CRS ?, lui demande Isabelle Prevost-Desprez.
      – Pour les disperser !
      – Vous êtes un peu prétentieux », s’amuse la magistrate.
      Le problème est qu’il a écrit « on va grailler du CRS » sur l’application Messenger à l’attention de sa petite amie.
      « Ça veut dire quoi grailler du CRS ?
      – Manger du CRS… Mais c’était pour crâner devant elle. »
      Habitant chez ses parents dans la campagne du Maine-et-Loire, sans la moindre qualification après avoir quitté le collège en cours de 3e, il n’est inscrit ni à Pôle emploi ni à la mission locale. La présidente évoque un travail d’intérêt général. Il fait la moue. Ce sera finalement douze mois de prison dont six ferme et six en sursis avec mise à l’épreuve.
      « Je suis venu pour ma grand-mère »
      Deux beaux-frères – chacun a épousé la sœur de l’autre – entrent côte à côte dans le box. Ils sont montés à 2 heures du matin samedi dans le bus « des 57-54 » celui de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, « pour montrer notre mécontentement à M. Macron. » « Moi, je soutiens le mouvement, parce que j’en ai marre des taxes. Je gagne bien ma vie mais je suis venu pour ma grand-mère qui s’excuse auprès de ma fille de lui donner qu’un billet de 5 euros pour Noël. » Il est venu aussi avec un Taser et des casques de chantier. « Les slogans et les banderoles, ça ne suffit pas ? », lui demande un des juges. « A Longwy, l’autre jour, quand on faisait des barrages, on a eu des personnes, disons, peu recommandables, qui nous ont agressés. C’était des gens de la cité qui cherchaient la misère… Alors, on a voulu se protéger. »
      Le procureur Pascal Besnier s’agace : « C’est curieux cette manifestation où tout le monde dit vouloir se protéger de tout le monde : les antifa se protègent des fachos, les fachos des gauchos et les autres de ceux des cités… » Dans leurs réquisitions, les représentants du parquet insistent tous sur le « contexte ». « A partir de 8 h 50, tous les médias ont relayé en boucle les affrontements qui avaient commencé près des Champs-Elysées, puis les voitures incendiées et les projectiles lancés sur les forces de l’ordre. Ceux qui décidaient alors de se rendre sur ces lieux savaient que ce n’était plus pour manifester pacifiquement, mais pour en découdre avec les forces de l’ordre », a ainsi martelé la procureure devant la chambre 24.1.

      Un argumentaire qui permet de poursuivre des personnes interpellées avant même qu’elles aient rejoint les manifestants ou commis la moindre dégradation, comme ce groupe de cinq trentenaires de l’Essonne qui venaient de se garer avenue des Ternes et se sont fait arrêter alors qu’ils payaient à l’horodateur. Quatre d’entre eux ont de belles situations d’ouvriers spécialisés chez Safran et travaillent sur des moteurs d’avion. En fonction de ce qu’ils transportaient dans leurs sacs (masques, pétards, sérum physiologique, etc.), leurs peines s’échelonnent de huit mois avec sursis à trois mois ferme.
      Ceux qui ont demandé le renvoi de leur procès à une date ultérieure pour préparer leur défense, sont repartis lestés d’un contrôle judiciaire qui leur interdit de revenir à Paris d’ici là et d’une obligation de pointage au commissariat ou à la gendarmerie, souvent fixée, à la demande du parquet, au samedi matin. La part (infime) de la justice pour tenter de réduire le nombre des prochains manifestants dans la capitale.

  • La juge #Isabelle_Prévost-Desprez définitivement relaxée
    https://www.mediapart.fr/journal/france/230317/la-juge-isabelle-prevost-desprez-definitivement-relaxee

    La magistrate Isabelle Prévost-Desprez est relaxée par la cour d’appel de #Bordeaux, comme en première instance. Elle était jugée pour violation du #secret_professionnel, sur fond de règlements de comptes en marge de l’affaire #Bettencourt.

    #France #Affaire_Bettencourt #fadettes #Justice #Philippe_Courroye #procès #secret_des_sources