person:jack goody

  • École d’été de cartographie et de visualisation

    http://barthes.enssib.fr/ECV-2017

    Avec un peu de chance, cet été visions carto et al. sera là :

    Les méthodes et outils de visualisation ont depuis 15 ans pris un grand essor en physique et en informatique. Elles soulèvent néanmoins des interrogations de plusieurs types :

    fiabilité de la représentation, puisqu’il s’agit de projeter des points ou graphes plongés en des espaces de grandes dimensions sur des plans (sur l’écran). Or certaines productions graphiques ne quantifient pas l’information perdue par de telles projections ;

    risques de réification, quand le réel est supposé se confondre avec l’image obtenue : « le graphe (ou la carte) montre que... » ;

    tiraillements des chercheurs et producteurs entre des effets de mode et des dynamiques disciplinaires (quand par exemple la physique investit le champ de la sociologie) ;

    enfin, au plan des positivités, apports heuristiques de telles représentations et circulations, qui aident à infirmer ou confirmer des hypothèses, affiner des problématiques, expliciter sa démarche épistémologique (préciser les parts de la preuve graphique et de l’appareillage numérique dans le raisonnement, etc.).

    Or la majorité de ces questions a été abordée par les sciences sociales entre les années 1970 et 2000. Par exemple,

    l’usage des analyses factorielles par les sociologues et historiens a d’emblée alimenté les débats sur la qualité et la vraisemblance des représentations graphiques qui les accompagnaient (mesure précise de la perte d’information, possibilité ou non de comparer des individus et des variables graphiquement proches, etc.) ;

    les débats sur les liens entre carte et territoire, sur les distorsions de la réalité induites par les jeux d’obtenues et les indicateurs, sur les vertus et limites de l’échantillonnage et des exemples singuliers ont traversé la sociologie, la géographie, l’histoire, jusqu’à la littérature (Borgès et la carte 1/1) ;

    enfin, les apports heuristiques de telles méthodes et de la cartographie ont été identifiés et abondamment commentés. Et des historiens (Michel de Certeau), des anthropologues (Jack Goody) et des philosophes (François Dagognet) ont explicité le rôle essentiel de la technique et de l’instrumentation dans nos raisonnements, dans nos représentations du monde et dans nos façons de faire et de penser la science ;

    Aussi les questionnements actuels semblent-ils négliger les réponses apportées à leurs équivalents d’il y a quelques décennies.

    #cartographie #sémiologie #sémantique #fondamentaux

  • Jack Goody et l’universalisme | Le Club de Mediapart

    https://blogs.mediapart.fr/eric-guichard/blog/170716/jack-goody-et-luniversalisme

    Jack Goody est mort le 16 juillet 2015. À l’heure où les massacres ignobles d’innocents en France et partout dans le monde pourraient nous inviter à rejeter autrui, l’oeuvre de Jack Goody nous rappelle que nous sommes tous pareils. Que nous apporte cet anthropologue à l’heure du numérique ?

  • "Le Vol de l’Histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde", de Jack Goody : l’exception occidentale

    Que s’est-il passé ? Depuis une dizaine d’années, la question du destin de l’Occident intéresse à nouveau les historiens, sur fond de « conflit des civilisations » et de montée des puissances asiatiques. Quels facteurs expliquent le développement exceptionnel de l’Europe au XVIe siècle ? Ces facteurs permettent-ils de prévoir un maintien de sa suprématie au moment où elle est contestée ?
    A l’instar de Bernard Lewis, qui a fait de cette question le titre d’un de ses ouvrages sur l’islam (Gallimard, 2002), les historiens montrent souvent que l’Europe possède quelque chose qui manque aux autres civilisations : la démocratie, l’individualisme, l’amour courtois. Ces valeurs éparses peuvent être réunies dans un ensemble cohérent, une « mentalité européenne », et liées au développement du capitalisme, dont l’esprit d’entreprise détache l’individu des liens traditionnels, comme l’ont illustré les travaux classiques de Max Weber, Karl Polanyi ou Fernand Braudel.
    En réaction à cette tendance, d’autres affirment que la supériorité de l’Occident est une invention qui a permis à l’Europe de justifier ses conquêtes. Ainsi de Martin Bernal rappelant les racines afro-asiatiques de la culture classique. Ou de Dipesh Chakrabarty, un des auteurs phares des études postcoloniales.
    L’anthropologue britannique Jack Goody renvoie dos à dos ces deux attitudes. S’il dénonce la justification de la guerre en Irak par l’introduction de la démocratie, il critique également les excès littéraires du postcolonialisme. Selon lui, la « supériorité » de l’Occident ne tient ni à une « mentalité européenne » qui résisterait à la contingence des événements, ni à un discours colonial que la globalisation effacerait comme une époque révolue. Elle tient plutôt à un ensemble de « technologies de l’intellect » que l’Europe a empruntées aux autres civilisations, et dont elle a fait un usage particulièrement retors : listes, catalogues, livres de comptes...

    L’oubli d’une dette

    D’où lui vient cette singularité ? La réponse de Goody peut s’énoncer ainsi : c’est parce qu’elle est intervenue au moment où l’Europe était en train de s’effondrer que la redécouverte des textes classiques a produit une « renaissance » ; cette effervescence a conduit à forger l’image d’une Antiquité idéale en occultant la conservation de ces mêmes textes en Orient.
    La Renaissance ne marque donc ni l’apparition d’une nouvelle mentalité ni l’invention d’un nouveau discours, mais un usage singulièrement intense des technologies d’information et d’échange. « Pourquoi ne pas reformuler la discussion sur l’avantage pris par l’Occident à l’époque moderne en des termes autres - ceux d’une intensification de l’activité économique et d’autres activités au sein d’un cadre à long terme qui serait celui du développement des villes et des activités de production et d’échange ? », demande-t-il. C’est ce que Goody appelle le « vol de l’Histoire », qui ne suppose pas une mauvaise intention mais plutôt l’oubli d’une dette.
    Cette méthode conduit l’anthropologue à regarder la « grande divergence » entre l’Orient et l’Occident - pour reprendre la formule de l’Américain Kenneth Pomeranz - depuis son expérience de terrain en Afrique. Au moment de l’indépendance du Ghana, Goody a pu observer l’effervescence qui accompagne l’appropriation des textes classiques. Il note que « lorsqu’en 1947 une université fut créée au Ghana - c’est-à-dire dans celui des Etats coloniaux africains qui sera le premier à accéder à l’indépendance - le premier département à employer un personnel entièrement africain fut celui des lettres classiques ».
    Une telle méthode doit beaucoup à l’héritage de Marx. Goody se réclame ici de deux historiens marxistes : Gordon Childe (1892- 1957), archéologue de « l’âge de bronze », et Perry Anderson, historien du féodalisme. Dans une telle optique, le « vol de l’Histoire » n’est ni le décollage d’une civilisation ni l’usurpation d’un pouvoir : c’est une série d’emprunts et de reprises dont l’issue reste imprévisible. Goody donne là une surprenante actualité à la phrase de Marx selon laquelle les hommes font l’histoire sans savoir qu’ils la font.

    Frédéric Keck

    http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/10/14/le-vol-de-l-histoire-comment-l-europe-a-impose-le-recit-de-son-passe-au-rest

  • Brève histoire de l’Islam et de l’Europe

    "L’histoire de l’islam en Europe commence en fait dès l’apparition de la religion musulmane au VIIe siècle, et se déploie en trois grandes vagues de pénétration territoriale. Ce monothéisme est l’un des trois grands courants religieux issus du foyer proche-oriental qui, depuis le début de notre ère, ont marqué l’Europe de leur empreinte. A l’époque romaine, les Juifs (et les Carthaginois) se dispersent dans tout l’empire, de l’Italie à la France, et au-delà. Le christianisme apparaît peu après, mais ne s’impose véritablement qu’avec la conversion de Constantin en 313, pour ensuite se propager à partir de son berceau romain. Né trois cents ans plus tard, l’islam amorce son expansion au Maghreb dès le VIIIe siècle sous l’impulsion des Arabes, puis poursuit sa percée au XIVe arrivant tour d’abord avec les Turcs ottomans dans les Balkans, puis en Europe septentrionale avec les Mongols récemment convertis. Chacune de ces phases d’expansion contribue à faire évoluer la pensée occidentale, qui prend alors la mesure des connaissances du raffinement de la civilisation musulmane, et surtout de sa puissance militaire. Celle-ci était d’ailleurs perçue par les populations les plus éloignés des lignes de front comme une menace, qui est restée ancrée dans l’usage linguistique : tout comme le nom des Ostrogoths et des Vandales est passé dans le vocabulaire courant pour désigner des brutes épaisses, les conquérants turco-mongols ont laissé leur marque sur la plupart langues européennes. En français, un « Turc » est un personnage dur et fort, tandis qu’en anglais « un petit Tartare » ou « un petit Turc » est un enfant brise-fer. Dans les fêtes villageoises, les envahisseurs d’antan sont encore souvent représentés sous les traits caricaturaux des Maures et des Nègres dans les défilés de chars fleuris. Primo Levi rappelle que, dans le jargon des camps de concentration nazis, les prisonniers qui « renonçaient » étaient appelés des « musulmans ».

    L’Occident a souvent passé sous silence ces influences aussi anciennes que massives de l’Islam sur sa culture. Ce sont au premier chef les historiens qui ont forgé cette image tronquée de l’Europe, décrite comme une région farouchement attachée au maintien de ses frontières et comme une culture se réclamant d’une part de la Grèce et de la Rome antiques, et d’autre part du christianisme. L’enseignement de l’histoire et de la géographie dans les écoles européennes est au demeurant tout à fait révélateur, en ceci qu’il privilégie l’Europe, perçue comme entité géographico-culturelle - lorsqu’il ne se limite pas à ses variantes purement anglaise, française ou allemande. Par cette vision exclusive de son histoire et de sa géographie, la « vieille Europe » n’ est pas très différente des jeunes nations d’Afrique, par exemple, qui en accédant à l’indépendance ont vu leurs frontières tracées en dépit du bon sens et se sont mises à écrire leur propre histoire et leur propre géographie pour se définir et trouver une 1égitimité.

    Depuis l’ Antiquité, l’Europe tend vers l’autarcie et, forte de son éthique catholique ou protestante, de son esprit d’entreprise, de son capitalisme, elle s’est attachée à se démarquer de l’Asie, perçue comme une terre de despotismes, incapable de connaître un développement capitaliste, voire, selon certains, d’être aussi créative que les Européens, bref fondamentalement rétrograde. L’assimilation systématique de l’Europe au christianisme et à la modernité a fait oublier - ou même réfuter - tout ce que l’Islam a pu apporter à la civilisation européenne. Des historiens espagnols ont ainsi pu affirmer sans sourciller que le monde musulman n’avait eu qu’une influence superficielle sur le monde ibérique, et n’avait jamais affecté le « tempérament propre » des Ibères

    L’Orient a en revanche maintenu une vision beaucoup plus floue des frontières entre les continents. Le mot Uruba (Europe) n’est apparu que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Auparavant, les Levantins englobaient tous les Européens sous le nom générique de « Francs » (Ifranj), mais à l’époque ottomane ce terme ne s’appliquait plus aux Européens, ce qui prouve qu’il s’agissait davantage d’un concept politique que géographique. La notion d’Occident (Gharb), plus vaste, pouvait recouvrir la Russie, voire les États-Unis.

    Il est vrai qu’en soi l’Europe n’est pas à proprement parler une entité géographique : elle n’est séparée de l’Asie que par un petit bras de mer, le détroit du Bosphore ; au nord, elle se prolonge vers les vastes étendues terrestres des steppes russes. Cette frontière ténue est, à mon sens, aussi géographique que culturelle et sociale. En réalité, l’Europe n’a jamais été totalement isolée, ni purement chrétienne. "

    Jack Goody

    http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2013/07/breve-histoire-de-lislam-et-de-leurope.html

  • Mort de Jack Goody, anthropologue britannique
    http://lemonde.fr/disparitions/article/2015/07/17/mort-de-jack-goody-anthropologue-britannique_4687627_3382.html

    Grand anthropologue britannique, doyen des études africaines en Angleterre, Jack Goody est mort le jeudi 16 juillet, à quelques jours de ses 95 ans.

    En 2009, Stany Grelet, Éric Guichard & Aude Lalande s’entretenaient avec lui.

    « La matière des idées »
    http://www.vacarme.org/article1814.html

    (…) Jack Goody a diversifié ses objets. Mais sa conception de l’écriture trace une ligne qui parcourt tout son travail : d’un côté, combat pied à pied contre l’ethnocentrisme, d’un livre à l’autre (non, l’Occident n’a pas inventé l’amour porté aux enfants, non, il n’est pas le seul à avoir connu une Renaissance) ; de l’autre, refus d’un relativisme qui nie les plus beaux progrès de l’humanité : à l’échelle macro-historique comme dans l’histoire d’une vie, l’invention, l’apprentissage et la maîtrise de certaines techniques, l’écriture en premier lieu, cela change tout. Égalité des intelligences, différences d’outillage : voilà l’universalisme goodien.

  • Écritures : sur les traces de Jack Goody
    http://barthes.ens.fr/EJG

    L’écriture constitue-t-elle le trait d’union entre technique et culture, et par là entre science et culture ? Cet ouvrage donne des éléments de réponse à cette double question, à l’acuité renouvelée par le numérique. Il fait donc appel aux anthropologues et philosophes (Jack Goody, Jens Brockmeier, David Olson...), aux spécialistes des pratiques lettrées de l’Antiquité (Christophe Batsch, Flavia Carraro), de l’internet (Paul Mathias, Henri Desbois, Michael Heim...), de la physique et des mathématiques (Jean Dhombres, Patrick Flandrin, Cédric Villani).

    #écriture
    #internet
    #informatique

  • Le besoin de comparer - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Le-besoin-de-comparer.html

    Jack Goody, doyen des études africaines en Angleterre, s’est imposé comme une voix singulière dans le concert des critiques universitaires de l’ethnocentrisme occidental. Son œuvre, échelonnée sur plus de soixante ans, repose sur une unique ambition : comparer, pour mieux replacer l’histoire européenne dans l’histoire eurasiatique et mondiale.