person:jacques bouveresse

  • Noam Chomsky et ses calomniateurs, par Jacques Bouveresse
    https://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/BOUVERESSE/19088 #st

    Voilà quelques années, Chomsky soulignait que les intellectuels de gauche peuvent très bien être victimes, par rapport aux gens ordinaires qu’ils prétendent représenter et défendre, d’un retard inquiétant qui s’est aggravé récemment de façon très perceptible. Déplorant ce qu’il appelle une tendance de la gauche à l’autodestruction, dont la conversion d’une bonne partie de ses représentants aux idées postmodernes constitue un symptôme caractéristique, il constatait qu’« il existe une base populaire pour affronter les problèmes humains qui font partie depuis longtemps du “projet des Lumières”. Un des éléments qui lui font défaut est la participation des intellectuels de gauche. (…) Leur abandon de ce projet est le signe (…) d’une nouvelle victoire de la culture du pouvoir et des privilèges, et il y contribue (2) ».

    Accuser les #médias, comme le fait Chomsky, de ne pas représenter la réalité telle qu’elle est et de déformer ou de passer régulièrement sous silence certains faits importants n’aurait évidemment pas grand sens si l’on devait accepter l’idée qu’il n’y a pas vraiment de faits, mais seulement des représentations de diverses sortes. Tout comme George Orwell, Chomsky trouve difficilement compréhensible et inquiétant le peu d’empressement que les intellectuels de gauche mettent à défendre des notions comme celles de « #vérité » et d’« #objectivité », quand ils ne proposent pas ouvertement de les considérer désormais comme réactionnaires et dépassées.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/43854 via Le Monde diplomatique

  • Quand l’Assemblée nationale remballe Noam Chomsky • Brèves, Assemblée nationale, Noam Chomsky, philosophie, Philologie, Roman Jakobson, Umberto Eco • Philosophie magazine
    http://www.philomag.com/lactu/breves/quand-lassemblee-nationale-remballe-noam-chomsky-19228

    (...) Le philosophe Noam Chomsky, figure mondialement réputée de la linguistique et intellectuel engagé à la gauche de la gauche, devait recevoir, ce mercredi, une distinction scientifique à l’Assemblée nationale, à Paris. L’International Society of Philology (« société internationale de philologie ») qui honore tous les cinq ans un grand grammairien ou un grand critique littéraire devait lui remettre, après Roman Jakobson ou Umberto Eco, une médaille d’or spéciale. Avant que le philosophe américain n’assiste à la séance hebdomadaire de questions au gouvernement.

    Est-ce parce que la prestigieuse institution craignait de recevoir un hôte qui a l’habitude d’être très critique avec le monde politique ? L’Assemblée nationale n’a donné aucune explication pour son annulation de dernière minute.(...)

  • LES GUERRES DE KARL KRAUS
    http://agone.org/libre/ebook_804.pdf


    Meme pas besoin de comprendre l’Allemand pour s’initier à Kraus. C’est en ligne. Bonne lecture :-)

    En guise d’introduction, Gerald Stieg
    Karl Kraus selon Pär Hallström
    Karl Kraus et la construction de la réalité virtuelle, Edward Timms
    Karl Kraus selon Max Horkheimer
    « La Loi ardente ». Elias Canetti auditeur et lecteur de Karl Kraus, Gerald Stieg
    « Lettre de Georges Canetti à Karl Kraus » (1934)
    Freud « et les conséquences ». Kraus et la psychanalyse,
    ou les enjeux d’une hostilité, Jean-François Laplénie
    Karl Kraus selon Stefan Zweig
    Kraus contre Musil : la guerre du silence, Stéphane Gödicke
    Karl Kraus selon Pierre Bourdieu
    « Apprendre à voir des abîmes là où sont des lieux communs » : le satiriste et la pédagogie de la nation, Jacques Bouveresse
    Karl Kraus selon Oskar Kokoschka, Kurt Tucholsky & Bertolt Brecht
    En traduisant Karl Kraus, Jean-Louis Besson et Heinz Schwarzinger — Pierre Deshusses

    DES DERNIERS JOURS À LA TROISIÈME NUIT

    « L’humanité, la balle lui est entrée par une oreille et ressortie par l’autre... », Karl Kraus, Extrait des Derniers Jours de l’humanité (1919), Traduit de l’allemand par Jean-Louis Besson & Henri Christophe

    « Un savetier de Bohême est plus proche du sens de la vie qu’un
    penseur néo-allemand... », Karl Kraus, Extrait de Troisième nuit de Walpurgis (1933), Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses

    FACKELKRAUS, Textes traduits de l’allemand par Pierre Deshusses

    Fac-similé du n° 1 de la Fackel (1899)
    Le Flambeau, début avril 1899, Ire année, n° 1
    Fac-similé du n° 888 de la Fackel (1933)
    Fac-similé du n° 917-922 de la Fackel (1936)
    « L’aventure techno-romantique », mai 1918, XXe année, n° 474-483
    Fac-similé de l’appel à la démission du préfet Schober (1927)
    « Réponse d’une non-sentimentale à Rosa Luxemburg », novembre 1920, n° 554-556

    HISTOIRE RADICALE

    « Archives oubliées d’une résistance obscure à la guerre de trente
    ans du capitalisme mondial au XXe siècle. Introduction aux textes de
    Monatte, Chardon & Prudhommeaux », par Charles Jacquier

    « Pourquoi je démissionne du comité confédéral » par Pierre Monatte

    « Les anarchistes & la guerre : deux attitudes », par Pierre Chardon

    TROIS TEXTES SIGNÉS DU « CAMARADE A. P. », André Prudhommeaux

    « L’ordre règne en Allemagne. Le bilan de douze ans de “bolchevisation” du prolétariat allemand — I. De Max Hölz à Van der Lubbe »

    « La barbarie commence à un. Quand la presse bourgeoise découvre les atrocités hitlériennes »

    « Rudolf Rocker & la position anarchiste devant la guerre »

    Wolkenkuckucksheim
    https://de.wikipedia.org/wiki/Wolkenkuckucksheim

    Karl Kraus verfasste 1923 eine modernere Version von Die Vögel mit dem Titel Wolkenkuckucksheim.

    #Autiche #Allemagne #histoire #littérature #Coucouville_les_Nuées

  • Qui est Schmock ?

    Il est l’incarnation, dans ce qu’elle a de plus détestable, de la figure du journaliste-scribouillard, brillant, surperficiel, que Balzac qualifiait de « Rienologue ». Le personnage apparaît pour la première fois dans la pièce de Gustav Freytag, « Les journalistes » (1853). En allemand, ce nom propre devenu emblématique donnera des dérivés comme « Schmockerei », « verschmockt », etc. Tous termes que Karl Kraus (1874-1936) emploiera plus d’une fois dans sa revue satirique « Die Fackel » (Le Flambeau), qu’il publiera de 1899 à 1936. Dans Schmock, ou le triomphe du journalisme (Le Seuil, 2001), Jacques Bouveresse montre en quoi Kraus, magistral précurseur, a fourni la première critique des médias et des systèmes de communication modernes, toujours aussi pertinente.

    Le philosophe Jacques #Bouveresse, à la suite de l’écrivain Karl #Kraus, dénonce les travers des médias modernes

    Qu’est-ce qui a poussé Jacques Bouveresse, l’un des meilleurs philosophes français, professeur au Collège de France, à s’intéresser à la presse, sujet apparemment bien éloigné des préoccupations philosophiques ? C’est que l’influence des médias, aujourd’hui, paraît de plus en plus déterminante, dans ses effets, sur l’avenir de nos sociétés et le devenir de l’être humain.

    Dans Schmock, ou le triomphe du journalisme , Bouveresse prend le relais de l’écrivain autrichien Karl Kraus qui, entre 1899 et 1936 et en satiriste de génie, dans sa revue Le Flambeau, dénonçait déjà le phénomène. Bouveresse montre que cette première critique des médias et des systèmes de communication modernes n’a rien perdu de sa pertinence et de sa modernité.

    Jacques Bouveresse, qu’est-ce qui justifie votre intérêt de philosophe pour la presse ?

    C’est un domaine devenu aujourd’hui tellement important qu’il est difficile, surtout pour un philosophe, de ne pas s’y intéresser. Mon intérêt vient de ce que, face au triomphe sans partage du néolibéralisme et de la mondialisation, les critiques que formulait déjà Karl Kraus se confirment de plus en plus, il pressent les effets moralement et socialement destructeurs des systèmes de communication modernes sur l’être humain.

    Quels sont ses reproches ?

    Avant tout, que la presse est un instrument au service du marché universel. Un instrument qui apporte sa quote-part à l’application du principe « tout peut se vendre tout peut s’acheter ». A l’origine, aux alentours des années 1850, on pensait que la presse allait être au service de la liberté de pensée et de l’éducation du citoyen. On a très vite vu qu’elle faillissait à sa mission. Kraus rend la presse largement responsable de la boucherie de la guerre de 14-18, dont quasi l’ensemble de la presse a masqué les horreurs sous des envolées lyriques.

    Aujourd’hui, la presse servirait la logique économique plutôt que la recherche de la vérité ?

    Exactement. Bien entendu, les journalistes d’investigation s’en défendront et pousseront des hauts cris. Mais ils servent bien d’alibi à une presse qui, pour l’essentiel, est surtout devenue un rouage et un auxiliaire essentiels dans le système du marché universel. En fait, comme toutes les entreprises axées sur la recherche du profit, elle tend à faire croire au public qu’elle remplit un rôle beaucoup plus noble qu’elle ne le fait en réalité. Quand on lit un journal, on est constamment obligé de se demander si la vérité est la chose qui importe le plus aux journalistes...

    Allons donc ! Albert Londres disait que la tâche du journaliste était de porter la plume dans la plaie...

    Et Kraus n’aurait pu que souscrire à un tel appel. C’est ce à quoi il s’employait dans sa revue Le Flambeau. Kraus aurait certainement beaucoup d’admiration pour le journalisme d’investigation, à juste titre présenté comme la partie la plus respectable du métier, pour des raisons évidentes : la dénonciation de scandales politico-économiques, etc. Le problème, c’est qu’on se sert de cette portion congrue du journalisme comme d’un alibi pour cautionner d’autres comportements bien plus représentatifs des médias dans leur ensemble...
    Contrairement à ce qu’on a cru au départ, le journal n’a pas été inventé pour informer un lecteur curieux et désireux d’être éclairé sur la marche des événements, mais beaucoup plus pour créer un nouveau type de consommateur : le consommateur de nouvelles. La plus grande partie du travail des médias vise bien plus à séduire le lectorat, à vendre, à générer des profits qu’à dévoiler des vérités à la fois importantes et gênantes.

    Pour Kraus, le journalisme est vicié par nature ?

    Oui. La petite partie de la presse qui a conservé un sens élevé de ses devoirs et responsabilités constitue pour lui l’exception héroïque, pas la règle. Comme satiriste, il pense que la presse n’est pas amendable, on ne peut espérer la réformer. Il a des formules terribles, comme : la presse ne commet pas des excès, elle en est un !

    En quoi l’influence de la presse est-elle excessive ?

    Elle réduit le monde à n’être plus qu’un journal, estime Kraus.

    Il satirise : Dieu aurait créé le monde pour que les journalistes le transforment en journal !

    Oui, le journal comme but de la Création ! Il est clair qu’aujourd’hui, le monde semble avoir besoin du journal, des médias, tout simplement pour ÊTRE. Je suis d’ailleurs frappé de voir combien les gens, sans même s’en rendre compte, parlent de plus en plus comme dans les journaux qu’ils lisent...

    C’est que, selon Kraus, nous vivons désormais dans un univers plus journalistique que réel : c’est le journal qui nous fabrique notre monde chaque matin. Il nous met le monde en phrases, en tournures toutes faites, évacue l’imagination, anesthésie la sensibilité et les capacités de réaction, de sentiments humains. De cette façon, il nous rend paradoxalement plus supportables les guerres et les atrocités diverses - c’est ce que pensait Kraus, en tout cas.

    C’est tout de même un outil démocratique. Dans les pays totalitaires, la presse est bâillonnée...

    Oui, on ne peut pas imaginer une démocratie moderne sans liberté de la presse. En même temps, il faut se demander ce qu’on entend exactement par ce terme.

    Que voulez-vous dire ?

    Le « droit d’informer et d’être informé » n’a de sens que si l’on se pose dans le même mouvement la question de quoi ? et pour quoi ? A défaut, l’information a si peu de sens que l’on parlera d’atteinte à la liberté de la presse à propos de tout et n’importe quoi, on n’informera plus de ce que les gens ont réellement à savoir, mais de ce qu’ils ont envie de savoir, ce qui ne répond pas à la même exigence. Les sujets d’intérêts les plus méprisables, les plus dérisoires, les plus infantiles sont ainsi mis sur le même plan que les faits qu’il est indispensable de connaître.

     »Bref, une liberté d’informer et d’être informé, qui s’applique à tout et n’importe quoi, est-elle encore une liberté, ou une forme d’asservissement des esprits ?

    Ainsi, la presse nous aliénerait ?

    Kraus rêve parfois d’une journée sans presse, comme nous aspirons à une journée sans voitures... Sommes-nous intoxiqués ?

     »Finalement, dans ce que les médias proposent aujourd’hui au public, c’est toujours la demande perçue, anticipée ou créée de toutes pièces, et non le besoin réel, qui décide. De plus en plus, les médias parviennent ainsi à créer des sujets à partir de quasi rien : dès lors qu’ils réussissent à créer un rassemblement d’opinion autour de l’impression qu’il est en train de se passer quelque chose, la partie est gagnée. Des dossiers journalistiques entiers sont bâtis sur ce principe...

    C’est ici qu’interviennent les questions de déontologie

    Oui. Mais le fait que la presse parle tant de déontologie et d’éthique n’est-il pas justement le signe qu’il y a là un problème ? Jamais vous n’entendez un boucher ou un agriculteur avoir ce mot aussi souvent à la bouche.

     »Et puis, n’y a-t-il pas autant d’éthiques journalistiques qu’il y a de rédactions ? Ce qui paraît tout à fait normal à l’une ne passe pas dans l’autre... Souvent, comme le dit Kraus en pastichant les journalistes, elles semblent obéir à ce seul principe : « Nous racontons la chose ou nous ne la racontons pas, pourvu que ça rapporte. » Ou encore : « Qu’ils méprisent, pourvu qu’ils lisent ! » Chaque rédaction, même celles de la presse de caniveau, a sa déontologie. Mais, après tout, c’est aussi le cas des bandes de brigands...

    Les journalistes se pensent capables de faire régner une certaine éthique dans leur propre milieu

    Mais, en l’absence de sanctions réelles, qu’est-ce que cela signifie réellement ? La presse a développé une capacité exceptionnelle dans l’art de diluer la responsabilité, de la rendre insaisissable et anonyme. Elle est même devenue si puissante qu’elle peut désormais se permettre de n’accepter, en fait de critiques, que celles qu’elle consent à formuler elle-même à son propre propos...

    On le sait : le public a peu confiance dans la presse. Son sens critique fait contrepoids...

    Oui, mais comme le disait Kraus, un journal qui augmente le nombre de ses contempteurs ne verra pas pour autant diminuer le nombre de ses abonnés...

    Kraus va jusqu’à condamner les journalistes qui ont du style ! Pour lui, le propre du bon journalisme, c’est le style le plus plat

    En effet, parce qu’à se frotter lui-même à des journaux dont les collaborateurs savaient écrire, il voyait de quoi il retournait : bien souvent, le style consiste à dissimuler l’essentiel sous des effets brillants et à faire passer à la place ce qu’on souhaite soi-même faire passer... Aujourd’hui, dans les médias, le style, les capacités de mise en scène, les angles choisis ne servent souvent qu’à faire exister des sujets inexistants, qui ne tiennent que grâce au talent du journaliste. Voire, plus gravement, à travestir la réalité.

    Kraus préférait donc les comptes rendus secs, la « steppe de nouvelles », comme il disait. Des articles ne reposant pas sur les artifices de la séduction.

    Aujourd’hui, tous ces maux décrits par Kraus s’accentueraient ?

    Je le crois. Songez que dans un magazine comme L’Express, les cahiers publicitaires occupent désormais une telle place qu’il faut chercher les pages rédactionnelles. Le Monde a son supplément « Argent ». Le libéralisme a remporté une victoire par forfait : il n’a plus d’adversaire, et on ne sait plus trop que reprocher à un système voulu aujourd’hui par tout le monde, ni à une presse qui en est l’expression.

    Donc, de plus en plus, on se résout à ce que la presse ne soit qu’un agent économique comme les autres, soumis aux mêmes impératifs primordiaux. Travaille-t-elle avant tout, comme elle cherche à nous en persuader, pour le bien public ? Il est permis d’en douter. Kraus ne serait pas surpris de constater cette victoire de la marchandise, dont le règne universel signifie bien l’avènement d’une société post-humaine...

    Propos recueillis par Jean-François Duval

  • Siné (1928-2016) et l’Inquisition
    http://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/RIMBERT/16178 #st

    Cette fois ça n’a pas marché. Depuis le début des années 1990, on ne comptait plus les adversaires de l’impérialisme, du néolibéralisme, des médias dominants, etc., qualifiés d’antisémites, voire de « nazis (1)  » par quelque gardien de l’ordre social. Le prétexte pouvait être léger, inexistant même. Qu’importe : écrasé par la gravité de l’imputation, l’accusé devait aussitôt exciper de ses états de service antiracistes, évoquer la liste de ses amis et parents promptement transformés en cautions de moralité, autopsier un trait d’humour plus ou moins réussi.

    Rien n’y faisait. Car seul le tribunal de l’Inquisition et ses juges inamovibles (Alain Finkielkraut, Ivan Rioufol, Alexandre Adler, Philippe Val, Bernard-Henri Lévy…) avaient la permission de manier l’irrespect, la provocation, de frôler (ou de franchir) la ligne jaune de la stigmatisation collective. Eux pouvaient justifier — au nom de Voltaire et du droit à la caricature — leurs dérapages sur, par exemple, la couleur des joueurs de l’équipe de France ou l’assimilation de l’islam au terrorisme.

    Torquemada n’avait rien à redouter. Quadrillant les médias, il déployait les techniques décrites dans Le Barbier de Séville« Puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. » A une différence près : le « on ne sait comment » de Beaumarchais était dépassé puisque nul n’ignorait à cause de qui Edgar Morin, Pierre Péan et Philippe Cohen, Daniel Mermet, Hugo Chávez, Pascal Boniface, Jacques Bouveresse, Charles Enderlin, Pierre Bourdieu, José Bové... sans oublier Le Monde diplomatique, ont été suspectés ou accusés d’antisémitisme.

    En juillet dernier, un journal qui se voulut autrefois « bête et méchant » — et qui s’ingénie sur ce point à passer du second degré au premier — a entrepris d’ajouter à la liste le caricaturiste Siné. Torquemada, cette fois incarné par Val, est l’employeur du contrevenant. Il lui a fallu une semaine pour décréter que l’une des chroniques de Siné publiée, avec son imprimatur, dans Charlie Hebdo était… antisémite. L’accusation, fantaisiste, visait-elle à se débarrasser d’un gêneur, comme le pensent à la fois l’auteur du « délit » et d’autres caricaturistes (Martin, Lefred-Thouron, Plantu, Willem, Tignous, Pétillon) ? Récalcitrant, le prévenu a refusé de signer la lettre d’aveux que le patron du journal, s’inspirant pour le coup d’une tradition assez peu satirique, avait rédigée pour lui. Il a été congédié. L’affaire aurait pu en rester là, et Siné demeurer au banc d’infamie, lâché par la plupart de ses anciens camarades, sa photo bientôt gommée des albums commémoratifs.

    Seulement, cette fois, la manœuvre semble se retourner contre ses instigateurs. En marquant leur solidarité avec le dessinateur calomnié, des milliers de personnalités, d’intellectuels, de journalistes et d’anonymes ont signifié que ce manège devait cesser. Et que l’imputation d’antisémitisme, ce « mot qui tue » du débat intellectuel français, ne saurait être utilisée comme argument de convenance pour discréditer un adversaire trop remuant.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/25767 via Le Monde diplomatique

  • Chomsky et Bouveresse, adepte du Grand Partage. Il faut absolument leur répondre….
    Dialogue sur la science et la politique. NOAM CHOMSKY, dialogue avec Jacques BOUVERESSE
    http://agone.org/revueagone/agone44/enligne/6/index.html

    Noam Chomsky : On ne peut pas sérieusement penser que la vérité objective n’existe pas. Savoir jusqu’à quel point on peut l’approcher est une autre question. On sait depuis le XVIIème siècle que l’enquête empirique comporte toujours un élément de doute. On peut en principe démontrer ou réfuter le dernier théorème de Fermat, mais dans le monde empirique, le monde de la physique, de la chimie, de l’histoire et ainsi de suite, on a beau faire de son mieux, on a beau essayer de faire de son mieux pour approcher la vérité, on ne peut pas démontrer que les résultats trouvés sont corrects. C’est une évidence depuis l’effondrement du fondationnalisme cartésien. On a donc compris dans les sciences, dans la philosophie, etc., que nous devons procéder avec ce que Hume appelle un « scepticisme mitigé ». Scepticisme au sens où nous savons que nous ne pouvons pas établir des résultats définitivement, mais mitigé au sens où nous savons que nous pouvons progresser.
    Mais cela n’a pas de rapport direct avec la liberté  ; celle-ci est une question de valeur : nous choisissons de l’accepter ou de la rejeter. Voulons-nous adopter la croyance selon laquelle les êtres humains ont le droit de déterminer leur destin et leurs propres affaires  ? ou voulons-nous adopter celle selon laquelle de plus hautes autorités les guident et les contrôlent  ? La science ne répond pas à cette question, c’est une affaire de choix. Peut-être la science sera-t-elle capable un jour de confirmer ce que nous espérons être vrai, à savoir qu’un instinct de liberté fait partie de la nature humaine – cela pourrait bien être vrai, et je pense que ça l’est  ; mais il n’y a aucun domaine où les sciences soient suffisamment développées pour être en mesure d’établir un tel résultat. Peut-être en seront-elles capables un jour.
    Ainsi, dans nos vies quotidiennes – qu’elles soient des vies politiques, militantes, que nous restions passifs ou dans quelque direction que nous choisissions d’agir –, nous faisons des suppositions que nous tenons pour vraies, mais nous ne pouvons pas les établir fermement  ; et nous les utilisons en essayant de leur donner des bases plus solides au fur et à mesure que nous avançons. C’est essentiellement la même chose qui se passe dans les sciences, mais lorsqu’on réduit la sphère de l’enquête à des domaines très spécifiques, on peut évidemment aller plus loin dans l’établissement des conclusions qui nous intéressent.

    [...]

    Daniel Mermet : Pensez-vous que la science a besoin d’être défendue, comme le suggère Jacques Bouveresse  ?
    Noam Chomsky : La question est tellement absurde que je n’arrive même pas à l’envisager. Pourquoi la tentative de découvrir la vérité sur le monde aurait-elle besoin d’être défendue  ? Si quelqu’un ne se sent absolument pas concerné, il peut tenir les propos suivants : « Je me moque de ce qui arrive dans le monde, je me moque de ce qui arrive aux gens, je me moque de savoir si la lune est faite en fromage vert, je me moque de savoir si les gens souffrent et sont tués. Je m’en moque éperdument, je veux juste aller boire un verre et me sentir bien. » Mais celui qui rejette cette position – celui qui dit : « Moi, ça m’intéresse de savoir si la lune est faite en fromage vert, ça m’intéresse de savoir si les gens souffrent, ça m’intéresse de savoir si on peut faire quelque chose pour les aider » – celui-là n’a rien à défendre. Et, pour avancer dans cette voie, il va évidemment chercher à comprendre les faits, à comprendre le monde. Cette position n’a pas besoin d’être défendue.

    [...]

    Jacques Bouveresse : [...] Dans mon exposé au colloque, j’ai fait référence au livre de Bernard Williams, Vérité et véracité, où il décrit le comportement d’une catégorie de gens qu’il appelle « les négateurs [deniers] » : ceux qui nient l’intérêt de notions comme celle de vérité, qui contestent ouvertement la valeur de la vérité. Ce sont des gens, dit-il, qui ne peuvent manifestement pas penser véritablement ce qu’ils disent puisque, par exemple, quand ils disent : « les propositions des sciences ne sont jamais rien d’autre que des conventions sociales, des constructions sociales plus ou moins arbitraires qui pourraient être différentes si la société était différente », ils oublient simplement qu’ils parient quotidiennement leurs vies sur une croyance en la vérité – la vérité objective – de certaines lois de la nature, comme celle de la chute des corps, ou toutes les lois scientifiques qui permettent de faire voler des avions, rouler des trains, etc.
    Aucun d’entre nous ne met sérieusement en doute de telles vérités. Ce sont, pour tout le monde, des choses aussi vraies qu’une chose peut jamais être vraie. Le genre de discours que tiennent, sur ce point, les négateurs soulève une énorme difficulté : il laisse ceux qui ont envie de protester complètement désarmés  ; on ne peut même pas savoir, encore une fois, si les gens qui s’expriment de cette façon pensent réellement ce qu’ils disent  ; cela rend la situation encore plus inquiétante et inconfortable.

    #Chomsky #Bouveresse #épistémologie #réalité #pragmatisme #relativisme #Russel #James #Bourdieu

  • NOAM CHOMSKY, dialogue avec Jacques BOUVERESSE - Là-bas si j’y suis
    http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-la-verite-dialogue-avec-jacques-bouveresse

    Daniel Mermet : Jacques Bouveresse, d’où vous est venue l’idée d’inviter Noam Chomsky au Collège de France pour ce colloque sur « Rationalité, vérité et démocratie »  ?

  • Splendeur des rentiers médiatiques

    Mais on lit les journaux comme on aime, un bandeau sur les yeux. On ne cherche pas à comprendre les faits. On écoute les douces paroles du rédacteur en chef, comme on écoute les paroles de sa maîtresse. On est battu et content parce qu’on ne se croit pas battu, mais vainqueur. M. Proust

    Misère des médias – Quand Juppé visite la Jungle
    http://www.article11.info/?Misere-des-medias-Quand-Juppe

    « Ce mercredi, Juppé était à Calais. Un déplacement de campagne comme il en existe des masses, ridicules et vains. Puisqu’on était dans le coin, on a suivi la petite troupe chargée de la mise en scène médiatique de cette visite. »

    Quand je vois, par exemple, les reporters qui se précipitent et les forêts de micros qui se dressent pour recueillir religieusement la moindre parole de nos dirigeants politiques ou de n’importe quelle personnalité réputée importante, y compris sur des sujets sur lesquels ce qu’ils peuvent dire n’a absolument aucun intérêt, je dois avouer que j’ai du mal à m’empêcher de considérer que l’humanité est en train, si ce n’était pas déjà fait, de perdre à peu près tout sens du ridicule. Et c’est une impression qui ne peut que se renforcer encore davantage quand on voit le degré d’infatuation et d’autosatisfaction que sont capables d’atteindre les représentants de la presse quand ils expliquent que ce qui se passe en pareil cas correspond à l’exécution d’une obligation quasiment sacrée qu’ils ont à remplir envers l’humanité et qui est d’une importance vitale pour elle. (Jacques Bouveresse, Au commencement était la presse )

    En ligne « Au commencement était la presse » Revue Agone n°40
    http://agone.org/revueagone/agone40/enligne/11/index.html#debut-chapitre

    Et aussi : Bouveresse Jacques, L’actualité de Karl Kraus. Bourdieu Pierre. Apropos de Karl Krauss et du journalisme. In : Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 131-132, mars 2000. Le journalisme et l’économie. pp. 119-126.
    http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2000_num_131_1_2671

    Jospin, Allègre, Villepin. rentiers de la politique. Par Daniel Schneidermann — 21 septembre 2007
    http://www.liberation.fr/tribune/2007/09/21/jospin-allegre-villepin-rentiers-de-la-politique_102274

    Ils sont quelques-uns, sur la scène politique, à se partager le titre enviable de rentiers médiatiques. (...)Risquons une hypothèse : le rentier médiatique tient une partie de son avantage de la fascination pour celui qui tire contre son camp. Pour la figure du banni, du transfuge, du dissident, du franc-tireur. Parce qu’ils parlent contre, ils donnent l’impression de parler vrai.

    #médias #Presse #Journalisme #rentiers_médiatiques #Jacques_Bouveresse #Pierre_Bourdieu #Karl_Krauss #Daniel_Schneidermann #article11

  • Les Lumières et la raison, par Jacques Bouveresse (août 2009)
    http://www.monde-diplomatique.fr/mav/106/BOUVERESSE/17669

    Après trois décennies de bavardage postmoderne, n’est-il pas temps de renouer avec l’héritage des #Lumières [#Aufklärung], dont la #croyance en la #raison humaine et en la liberté domina le XVIIIe siècle avant d’éclairer le monde ? Mais, pour ressusciter les Lumières, il faudrait aussi les repenser, et donc transformer en profondeur les façons de réfléchir et d’agir de l’homme d’aujourd’hui...

  • Heidegger, la politique et l’intelligentsia française - Jacques Bouveresse - Editions Agone
    http://agone.revues.org/index197.html

    Où en est arrivé finalement Heidegger, après tout le travail difficile et épuisant (mais pas encore terminé) de déconstruction des concepts de la métaphysique occidentale qu’il avait entrepris, quand il a eu à formuler un jugement sur ce qui était en train de se passer en Allemagne ? Apparemment à des conclusions comme : « Ce ne sont pas des “thèses” et des “idées” qui doivent être les règles de votre être. Le Führer, lui-même et lui seul, est la réalité allemande, présente et future, et sa loi » (Appel aux étudiants de Fribourg à l’occasion du plébiscite organisé pour le 12 novembre 1933). Si c’est cela le résultat, on n’empêchera pas le lecteur (naïf, encore une fois) de se dire qu’il aurait été sûrement plus judicieux et plus urgent de déconstruire des instruments de pensée aussi suspects que le Führerprinzip ou le concept de la « réalité allemande » et de sa « loi », auxquels Heidegger ne semble rien trouver à redire, que celui de l’« esprit », avec lequel il n’en avait malheureusement pas encore fini.

  • Qu’est-ce qu’un système philosophique ? - Jacques Bouveresse - Collège de France
    http://philosophie-cdf.revues.org/84

    Jacques Bouveresse a consacré deux années de son enseignement (2007 et 2008) au Collège de France à la question : Qu’est-ce qu’un #système_philosophique ? Le point de départ de sa réflexion a été « le travail monumental et décisif, mais malheureusement beaucoup trop peu connu et utilisé » de Jules Vuillemin, son prédécesseur. Il y confronte ses idées à celles de philosophes français du xixe siècle comme Jouffroy et Renouvier, et à celles d’auteurs contemporains comme Gueroult, Quine, Dummett et Peacocke. Il y affronte notamment trois questions : (1) Qu’est-ce qu’un système philosophique ? (2) La philosophie possède-t-elle par essence une forme systématique ? Et, si oui, pourquoi ? (3) Pourquoi les systèmes philosophiques ne sont-ils jamais parvenus et ne parviendront-ils probablement jamais à se départager ?

    tous les cours sont en ligne #philosophie #système

  • Pierre Bourdieu, Blaise Pascal et les demi-savants de la philosophie | Jacques Bouveresse (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/23/pierre-bourdieu-blaise-pascal-et-les-demi-savants-de-la-philosophie_1633320_

    Bourdieu dit du sociologue, dont la tâche consiste à relater les choses du monde social et à les dire, autant que possible, comme elles sont, qu’il est entouré de gens qui ont tendance à ignorer le monde social. Mais il considère comme essentiel de faire une différence entre ceux qui se contentent de ne pas en parler et ceux qui, tout en s’en défendant, en traitent bel et bien, et le font en toute ignorance et sur un mode qui est en fait celui de la dénégation. C’est évidemment à la deuxième catégorie qu’appartiennent, à ses yeux, les philosophes. (...) Source : Le Monde

  • Jacques Bouveresse : Sur la « détresse lamentable des honnêtes gens face aux gens culottés » (Agone)
    http://blog.agone.org/post/2011/08/29/Sur-la-detresse-lamentable-des-honnetes-gens-face-aux-gens-culottes

    Concrètement parlant, on a l’impression que, malgré les changements incontestables qu’il y a eu depuis l’époque de Kraus, la presse se comporte, pour l’essentiel, toujours à peu près de la même façon. On en a encore eu la confirmation récemment avec ce qu’on appelle l’ « affaire DSK ». On ne sait jamais, dans les cas de cette sorte, si ce que les médias ont perdu en premier lieu est le sens du ridicule, celui des proportions ou celui du respect élémentaire de la vie privée et des individus. Ce sont toujours en gros les mêmes erreurs et les mêmes abus qui se reproduisent de façon presque mécanique : mobilisation de moyens démesurés pour informer le public sur ce qui constitue dans certains cas des non-événements caractérisés, recherche du sensationnel à tout prix, absence de considération totale pour les personnes, dont on détruit l’existence sans s’excuser après coup autrement que par des déplorations plus ou moins hypocrites sur les phénomènes d’« emballement », et en donnant l’impression d’être prêt à recommencer à la première occasion. (...)

  • Poussée de nationalisme philosophique à la rue d’Ulm | Jacques Bouveresse (Agone)
    http://blog.agone.org/post/2011/06/27/Poussee-de-nationalisme-philosophique-a-la-rue-d-Ulm

    je me permets de vous faire part de l’étonnement et de l’indignation que suscite en moi l’article que vous venez de publier dans Le Nouvel Observateur. Il n’est pas seulement méprisant, mais même à bien des égards insultant, pour Claudine Tiercelin et pour tous les philosophes qui, en France, se rattachent de près ou de loin à la tradition analytique. Le titre lui-même, « L’inconnue du Collège de France », me semble déjà pour le moins contestable. Je ne suis pas surpris que Claudine Tiercelin soit inconnue du Nouvel Observateur et des médias en général, mais la présenter comme une inconnue tout court n’a pas de sens. Elle est tout à fait connue dans les milieux philosophiques et intellectuels qui ont des raisons de s’intéresser à ce qu’elle fait, et elle a même une réputation internationale que beaucoup de philosophes pourraient lui envier. (...)