person:jean de maillard

  • LES MAÎTRES AU-DESSUS DES LOIS

    « La puissance d’argent fait sa proie de la nation en temps de paix et conspire contre elle en temps d’adversité. Elle est plus despotique que la monarchie, plus insolente que l’autocratie, plus égoïste que la bureaucratie. [...] Les groupes financiers et industriels sont devenus tout-puissants, il s’ensuivra une ère de corruption aux postes élevés et la puissance d’argent du pays cherchera à prolonger son règne en utilisant les préjugés du peuple jusqu’à ce que la fortune soit concentrée en un petit nombre de mains et la république détruite. » Abraham Lincoln.

    Une nouvelle guerre a été déclarée par les spéculateurs contre les États, avec la création de ce marché financier de couverture des dettes publiques. Les États ont perdu le contrôle. Les acteurs de ces marchés, non régulés et totalement opaques, n’ont plus de comptes à rendre et font ce qu’ils veulent en dehors des lois, dans une confusion générale.

    Le système capitaliste est devenu trop étroit pour contenir les richesses usurpées aux populations. Les entreprises du CAC 40 ont toutes des filiales dans les paradis fiscaux, ce qui leur permet de contourner la fiscalité par des montages financiers. L’un des plus courants, « le prix de transfert », consiste à vendre des marchandises à prix coûtant à sa filiale, qui le revend au prix du marché. Le bénéfice ne sera pas imposé. Ces montages financiers représentent 60 % du marché mondial. En plus, ces filiales basées dans des paradis fiscaux facturent des frais divers surévalués qui seront déduits sous forme de charges par l’administration fiscale.

    « La finance moderne et la criminalité organisée poursuivent des objectifs communs. Elles ont toutes les deux besoin, pour se développer, de l’abolition des réglementations et de la suppression des contrôles étatiques. » Jean de Maillard et Pierre-Xavier Grézaud, Un monde sans lois.
    Les paradis fiscaux, en pleine croissance, viennent de signer des accords de coopération fiscale entre eux. On assiste à une redistribution des marchés de l’offshore, de la Suisse et du Luxembourg vers les territoires principalement situés sous l’autorité de Wall Street et de la City. Sur la liste grise, on peut remarquer l’absence de Hongkong, de Jersey, de Guernesey, de l’île de Man, de l’Irlande, de la City de Londres, du Delaware ou du Nevada. Le procédé permet de blanchir certains territoires tout en créant de nouveaux paradis fiscaux, et ainsi endormir les opinions publiques.

    « Le capitalisme est le racket légitime organisé par la classe dominante. » Al Capone.

    Toutes les multinationales ont des succursales dans les paradis fiscaux, des filiales cachées même à leurs propres actionnaires. Les 50 plus grands groupes européens possèdent près de 5 000 filiales dans les paradis fiscaux. Plus de 80 % des fonds spéculatifs y sont montés. Des milliers de milliards de dollars y transitent chaque année pour échapper à l’impôt et à la loi. C’est près de la moitié de l’économie et les trois quarts de la finance qui se retrouvent sur plus d’une trentaine de places offshore, faisant perdre aux États des centaines de milliards de recettes d’impôts.
    « Les marchés, la finance, les paradis fiscaux sont les nouveaux maîtres du monde. » Jean de Maillard et Pierre-Xavier Grézaud, Un monde sans lois.

    Le monde est le produit d’une minorité de grands prédateurs en compétition permanente pour exploiter le capital extrait du travail des foules assujetties. Spéculations, escroqueries, banqueroutes, blanchiment, fraudes se mêlent à un rythme effréné, sous l’oeil complice des États qui s’interdisent d’intervenir selon les principes de leur sacro-sainte doctrine libérale.
    Les paradis bancaires et fiscaux sont devenus des paradis policiers, réglementaires et judiciaires où s’organise consciencieusement le détournement de toutes les lois de la planète.
    « C’est justement en ce point que réside la profonde vérité de cette formule, si bien comprise dans l’Italie entière, qu’emploie la Mafia sicilienne : "Quand on a de l’argent et des amis, on se rit de la Justice". » Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle.

    Ils détournent, paradoxalement, les règles d’un vieux monde en voie de disparition pour rendre totalement virtuelle l’économie et invisible la finance mondiale, afin de faire disparaître du spectacle la plus grande razzia de l’histoire.
    « Le secret domine ce monde, et d’abord comme secret de la domination. » Guy Debord, Commentaires sur La société du spectacle.

    Lukas Stella, L’invention de la crise, Escroquerie sur un futur en perdition, L’Harmattan 2012 (extrait).

  • Panama Papers: a massive document leak reveals a global web of corruption and tax avoidance
    http://www.vox.com/2016/4/3/11356326/panama-papers

    Even as the world’s wealthiest and most powerful nations have engaged in increasingly complex and intensive efforts at international cooperation to smooth the wheels of global commerce, they have willfully chosen to allow the wealthiest members of Western society to shield their financial assets from taxation (and in many cases divorce or bankruptcy settlement) by taking advantage of shell companies and tax havens.

    If Panama or the Cayman Islands were acting to undermine the integrity of the global pharmaceutical patent system, the United States would stop them. But the political elite of powerful Western nations have not acted to stop relatively puny Caribbean nations from undermining the integrity of the global tax system — largely because Western economic elites don’t want them to.

    […]

    But even though various criminal money-laundering schemes are the sexiest possible use of shell companies, the day-to-day tax dodging is what really pays the bills. As a manager of offshore bank accounts told me years ago, “People think of banking secrecy as all about terrorists and drug smugglers, but the truth is there are a lot of rich people who don’t want to pay taxes.” And the system persists because there are a lot of politicians in the West who don’t particularly want to make them.

    […]

    Incorporating your hedge fund in a country with no corporate income tax even though all your fund’s employees and investors live in the United States is perfectly legal. So is, in most cases, setting up a Panamanian shell company to own and manage most of your family’s fortune.

    Signalé par Glenn Greenwald: A Key Similarity Between Snowden Leak and Panama Papers: Scandal Is What’s Been Legalized
    https://theintercept.com/2016/04/04/a-key-similarity-between-snowden-leak-and-panamapapers-scandal-is-what

    Proving that certain behavior is “legal” does not prove that it is ethical or just. That’s because corrupted political systems, by definition, often protect and legalize exactly the behavior that is most unjust. Vital journalism does not only expose law breaking. It also highlights how corrupted political and legal systems can be co-opted by the most powerful in order to legally sanction atrocious and destructive behavior that serves their interests, typically with little or no public awareness that it’s been done.

    • Ou comme le disait si joliment Jean de Maillard (ancien magistrat spécialisé dans la criminalité financière) à propos de certains formes de spéculations « aux marges immédiatement extérieures de la légalité » et quand ça chauffe, ils n’ont pas très loin à marcher pour revenir - temporrairement - dans les marges immédiatement intérieures", c’est à dire « dans les clous ».

    • J’aimerais que Greenwald aille plus loin et rejoigne notre ami @marclaime, dont l’une des thèses (audacieuse quoique parfaitement étayée) est que tous ces aspects illégaux ou simplement immoraux (dont Le Canard enchaîné se fait une spécialité) sont, de toute façon, « du vol de sac à main » par rapport au pillage systématique, légal et parfaitement revendiqué (voire : valorisé par nos médias) organisé par nos gouvernements depuis 40 ans que se développe le néolibéralisme.

      La fraude fiscale, certes. Qui représente bien plus que la fraude sociale. Certes. Mais qu’est-ce que tout cela représente finalement par rapport aux destructions des infrastructures publiques, aux coupes budgétaires qui transfèrent une foule de « services » au privé (école, santé, assurance, services collectifs, retraites, transports, infrastructures…), et aux truculents transferts de richesse des « partenariats public-privé » (une des spécialités de Marc sur le dossier de l’eau).

    • @Nidal, sans cette immense fraude fiscale, il y aurait beaucoup moins

      de destructions des infrastructures publiques

      et beaucoup moins

      de coupes budgétaires qui transfèrent une foule de « services » au privé

      .

      C’est cette immense fraude fiscale, particulièrement celle des multinationales (qui donnent aux fisc en moyenne 2 à 3% de leurs bénéfices alors qu’elles devraient en donner 33%), qui crée le déficit budgétaire récurrent de l’état et qui créé in fine la « dette publique » au nom de laquelle l’Union Européenne nous réclame des politiques d’austérité.

    • Non, la dette n’est que l’argument du moment. Auparavant on en a eu d’autres (l’inflation, la crise pétrolière, la compétitivité, etc.). Les modes se sont succédées.

  • Le centre commercial du désert | Silu
    http://reflets.info/le-centre-commercial-du-desert

    Quand on s’intéresse au sujet, on entend régulièrement que les banquiers fraudent, que la finance n’a pas de règles, etc. Mais on a rarement l’occasion d’avoir un véritable aperçu de comment se passent les choses, ni même des combines employées. Tout est considéré comme étant très complexe, savant ou obscur. Et cela donne de la finance une image de grosse pieuvre opaque où il se passe tout et n’importe quoi pourvu que ce soit compliqué et hors d’atteinte de compréhension du commun des mortels. Or, tout n’est pas si complexe. Démystifier la finance, la rendre intelligible est à la portée de qui s’y intéresse un minimum. Le livre de Jean de Maillard, « L’arnaque« , analyse les crises financières en considérant que la fraude est systémique (alors que les crises sont généralement considérées comme un épiphénomène). Et c’est passionnant. Autant pour les explications claires et précises sur l’évolution de la finance au cours de ces dernières années que pour le point de vue développé. Il y a notamment un passage particulièrement marquant et que Reflets voudrait partager avec vous : une #fiction de fraude s’appuyant sur la construction d’un centre commercial en plein désert. L’extrait étant relativement long et constitue le point central de cet article. (...)

    #A_la_Une #Economie #citation #Finance #Livre #subprime