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  • Pourquoi il faut en finir avec l’expression “frotteur du métro” - ChEEk Magazine
    http://cheekmagazine.fr/societe/frotteur-du-metro-expression

    Il ne se passe pas une seule semaine sans qu’il surgisse dans la rubrique faits divers : le “frotteur du métro” est toujours là. Mais pourquoi parle-t-on de “frotteur” et pas “d’agresseur” ?

    À Paris, plus de 1000 agressions sexuelles ont été dénombrées l’an passé dans les transports en commun. Au travers de ces témoignages sont évoqués ceux que l’on nomme les “frotteurs”. Dans le métro, ils se frottent aux usager·e·s, caressent des passagères, se masturbent, jusqu’à l’éjaculation parfois. Mais pourquoi appelle-t-on ces agresseurs des “frotteurs” ? Et faut-il en finir avec ce terme ? On s’est posé la question.

    Le dico à l’heure #MeToo

    En février dernier, un “frotteur” du métro qui sévissait à Paris a été condamné à un an de prison ferme. Certaines victimes n’hésitent plus à filmer leurs agresseurs. Le terme semble terriblement actuel. Pourtant, il n’a rien du néologisme. Si le mot date du XIVème siècle, désignant ceux qui frottent les parquets ou les meubles, son usage contemporain apparaît dès 1883 dans les textes encyclopédiques. Agissant au milieu de la foule, le “frotteur” fait état d’une perversion sexuelle clinique, frottant ses organes génitaux contre des individus féminins dans des endroits bondés. “Le mot est attesté depuis longtemps, mais on ne le trouvait pas forcément dans les dictionnaires non spécialisés, car il était considéré comme familier ou relevant d’un jargon spécial (celui de la police)”, développe la maîtresse de conférences en langue française Laélia Véron, pour qui le terme a été largement popularisé depuis, “notamment avec tous les débats autour du harcèlement sexuel dans les transports en commun”. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si le “frotteur” intègre notre langue un demi-siècle après l’apparition en France desdits transports.

    Le frotteur, achève le linguiste Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, est celui “qui cherche à aguicher par des contacts physiques plus ou moins furtifs”. Pour plus de précisions sémantiques, il faut s’aventurer du côté du Petit Robert, qui a accueilli le terme -comme ceux de “queer”, “grossophobie” ou “écriture inclusive”- dans les pages de sa dernière édition en date : le frotteur est “une personne qui recherche les contacts érotiques en profitant de la promiscuité dans les transports en commun”.

    Mais cette définition ne convient pas. Pire, elle indigne. Sur les réseaux sociaux, on conteste l’usage du mot « “érotique”, ce qualificatif qui, à l’instar du verbe “aguicher”, ferait presque du frotteur un dragueur comme un autre. “Pour beaucoup de lecteurs, ‘érotique’ avait une valeur positive (alors que ce n’est pas toujours le cas) et la notion de non-consentement n’était pas assez claire”, admet le lexicographe Edouard Trouillez, qui participe à la rédaction de l’ouvrage de référence.

    Du frotti-frotta au troussage de domestiques

    La “polémique du Robert” a eu le mérite d’éveiller les consciences : la définition du terme a été modifiée sur la version numérique du dictionnaire. Est désormais frotteur “la personne (un homme, le plus souvent) qui profite de la promiscuité des lieux publics, notamment des transports en commun, pour rechercher l’excitation sexuelle, par des contacts subreptices avec une autre personne”, rappelle avec minutie Edouard Trouillez, qui nous affirme que cette actualisation figurera dans la future édition papier. Comme on peut le voir, cette définition est dépourvue du mot “érotisme”. Mais également d’un autre : consentement. Pour pallier ce manque récurrent, l’article du Robert précise qu’en France “les frotteurs peuvent être condamnées pour agressions sexuelles”.

    Il n’empêche, quelque chose dérange dans cet intitulé à la fois précis et vague. Pour la linguiste Sophie Wauquier, “frotteur” est un mot “métonymique” en cela qu’il illustre l’acte physique qu’il désigne (le frottement, la masturbation qui en résulte) mais le fait “de manière euphémisée”. Cette dénotation pointe du doigt l’acte, mais pas l’agression, ne laisse entrevoir que la surface de la situation. En somme, “il dit implicitement tout”. L’érudite poursuit : “Le frotteur est ‘l’agent’ du frottement, celui qui frotte, quelque chose ou quelqu’un, mais l’on ne sait pas trop quoi. C’est un mot qui dit et qui ne dit pas.” Au gré des articles, le terme devient tantôt “frotteur en série” ou “serial frotteur”.

    Plus la situation est grave, moins le mot paraît crédible. Puisqu’il désigne un geste, le frotteur côtoie des expressions familières : le “coureur de jupons”, les “mains baladeuses”. Des dénominations qui font de la “liberté d’importuner” un jeu de séduction ludique -bien qu’aussi archaïque que le “droit de cuissage”. Pour Laélia Véron, ce champ lexical se prolonge jusqu’au tristement fameux “troussage de domestiques” décoché par le journaliste Jean-François Kahn lors de l’affaire DSK. Cette euphémisation constante semble faire de la moindre agression un “non-événement”.

    Dans le cas de “frotteur”, “utiliser un euphémisme pour un tel comportement a pour effet d’en minimiser le caractère indésirable”.

    L’enseignante-chercheuse en linguistique Maria Candea s’étonne d’ailleurs de l’écho entre le “frotteur” et le “frotti-frotta”, cette expression populaire “désignant les couples qui dansent de manière très rapprochée, sexuelle”. Rien ne semble rapprocher les deux pratiques -l’une est consensuelle- mais un lien les unit : la langue, son usage, sa nature étonnamment implicite. Dans le cas de “frotteur”, “utiliser un euphémisme pour un tel comportement a pour effet d’en minimiser le caractère indésirable”, déplore la spécialiste. Ce qu’englobe le phénomène du “frotteur” témoigne d’une incapacité à dire l’agression sexuelle. Tantôt elle sera minimisée, tantôt déréalisée : c’est ce que démontre la campagne de lutte contre le harcèlement dans les transports imaginée par le RATP, qui fait dudit “frotteur”…un requin tout droit sorti des Dents de la Mer.

    “La langue évolue puisque le monde évolue”

    Alors, pourquoi ne pas simplement remplacer “frotteur” par “harceleur” ? “Il faudrait trouver un mot plus précis”, conteste la sociolinguiste Maria Candea, “car ‘harceleur’ est trop vague, désigne beaucoup de choses à la fois”. Autre souci, l’acte du “harcèlement” n’implique pas toujours le contact physique, la masturbation ou l’exhibition. Et “agresseur” alors ? “C’est un mot très large. ‘Frotteur’ est plus précis pour ce qu’il désigne, et suffisamment installé dans le vocabulaire français”, avance Edouard Trouillez. Si le terme de “frotteur” semble trop familier pour être modifié, son sens, lui, peut l’être, enrichi de nuances et de subtilités qui permettraient de saisir la réalité de la situation dans sa globalité.

    Les évolutions se font en effet par le biais du langage. Loin d’être anodin, le choix d’un mot “reflète les structures de pouvoir dans une société donnée”, affirme Sophie Wauquier. Le langage s’exprime à l’extérieur -par écrit ou à l’oral- mais rend compte d’habitudes comportementales que l’on porte en soi. “Il y a des attitudes que l’on intériorise. On ne se dit pas qu’elles sont normales, mais inévitables, attendues, d’où l’absence d’insistance sur la notion de ‘harcèlement’ ou de consentement”, détaille la linguiste, pour qui l’époque change et avec elle “les représentations sociales” qui la définissent. Actualiser le corps des mots, c’est bien là le travail des petites mains du Robert, qui “font attention aux termes nouveaux mais aussi aux événements liés à l’actualité”, précise Edouard Trouillez. Le lexicographe nous l’assure : “On se pose davantage la question de la représentation du masculin et du féminin lorsque l’on rédige une définition. Il ne faut jamais oublier que la langue évolue puisque le monde évolue.”

    Clément Arbrun

  • Comment nommer un moment pré-fasciste ou que l’on peut suspecter de proto-fasciste ? Fascisant ? Fascistoïde ? Conservatofascisable ? Fascible-réactionnaire ? Réacto-fascistifiant ?

  • Dans le tombeau de l’intellectuel français de souche - Page 4 | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/171015/dans-le-tombeau-de-l-intellectuel-francais-de-souche?page_article=4

    Cela fait des années maintenant que les médias, avec une persévérance qui confine à l’obsession, sont devenus le théâtre de l’emphase identitaire, la scène sans cesse rejouée de l’inconfort français : identité malheureuse, racisme anti-Blanc, phobie de l’autre s’y donnent à lire sans scrupule ni recul. Et sur cette scène, c’est la même histoire qui est racontée, celle du « petit Blanc » oublié, méprisé, insulté par le « méchant » Maghrébin et sa femme voilée, la masse colorée des Français sans souche qui transgressent les règles du jeu de la laïcité, de la République.

    L’objectif est clair : connecter les transformations de la société française à la question de l’immigration. Et pour cela, construire la figure d’un ennemi intérieur, un autre inassimilable, le Musulman, le Rom, l’Étranger, le jeune de banlieue, selon les mêmes méthodes utilisées par les antisémites pour construire la figure du Juif malfaisant. Il s’agit moins de défendre le vrai peuple injustement méprisé, comme le prétend Onfray, que de reconfigurer la société, en traçant une frontière entre les insiders et les outsiders, les Français et les réfugiés, le Citizen et le Denizen…

    Ce message, ce sont les médias qui le formatent et le diffusent. Les intellectuels médiatiques n’en sont que les porte-parole. Il n’ont même pas le privilège de l’antériorité. C’est flagrant dans le cas de Michel Onfray, qui ne fait que suivre, à l’instar de politiques, la pente d’une opinion publique formatée par les médias. Ça l’est plus encore d’Éric Zemmour, qui n’appartient pas à la sphère intellectuelle mais à l’univers médiatique des radios et des talk-shows. C’est aussi vrai d’Alain Finkielkraut, qui se confie depuis des années à ce qu’il dénonce et se précipite dans le grand trou noir médiatique qui nourrit et aiguise ses obsessions et ses peurs.

    La dérive droitière des intellectuels est la forme que prend leur ralliement à la doxa médiatique, leur soumission à l’air du temps. Ils ne dérivent pas à droite, ils suivent la pente des idées reçues. Ils sont absorbés par le trou noir des médias, cette bouche d’ombre qui avale et dévore toute expérience réelle de création ou de pensée. Ce n’est pas seulement à la dérive droitière d’intellectuels que nous assistons, mais à la dévoration médiatique de toutes les figures publiques de la représentation. Homo politicus. Homo academicus. Homo mediaticus. Toutes les figures publiques y succombent l’une après l’autre : la figure du politique, privée de sa puissance d’agir, celle du journaliste, de son indépendance, celle de l’intellectuel, du magistère de la pensée.

    Homme politique sans pouvoir, journaliste embedded et intellectuel sans œuvre : voilà les trois figures de la dévoration médiatique. Déchargées de leur puissance d’agir, ayant perdu toute autonomie, elles fusionnent sous nos yeux pour donner naissance à l’histrion, au polémiste, qui est la forme terminale de l’intellectuel médiatique. Dans un univers où la manipulation des pulsions a pris la place de l’échange des idées et des expériences. C’est la mort de l’intellectuel français de souche.

    Il ne manquait qu’un meeting à la Mutualité, sans autre prétexte que la défense de Michel Onfray, pour lui servir d’obsèques nationales. Ce sera chose faite le 20 octobre prochain. Qui s’en plaindra ?

    #médias #intellectuels

  • Dans le tombeau de l’intellectuel français de souche - Page 1 | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/171015/dans-le-tombeau-de-l-intellectuel-francais-de-souche

    Homme politique sans pouvoir, journaliste embedded et intellectuel sans œuvre : voilà les trois figures de la dévoration médiatique. Déchargées de leur puissance d’agir, ayant perdu toute autonomie, elles fusionnent sous nos yeux pour donner naissance à l’histrion, au polémiste, qui est la forme terminale de l’intellectuel médiatique. Dans un univers où la manipulation des pulsions a pris la place de l’échange des idées et des expériences. C’est la mort de l’intellectuel français de souche.

    • « Il ne manquait qu’un meeting à la Mutualité, sans autre prétexte que la défense de Michel Onfray, pour lui servir d’obsèques nationales. Ce sera chose faite le 20 octobre prochain. »

      Michel Onfray convoque ses soutiens à la mutualité
      Olivier Faye, Le Monde, le 19 octobre 2015
      http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/09/19/michel-onfray-convoque-ses-soutiens-a-la-mutualite_4763591_823448.html

      « Régis Debray, Alain Finkielkraut , Pascal Bruckner, Jean-François Kahn, Jean-Pierre Le Goff et bien d’autres devraient être présents... »

    • Ce matin il passait sur France culture dans la matinale. C’est très étrange. Quand on lui demande pourquoi il écrit une tribune dans éléments dans le voisinage antisémtite de Ratier, l’explication est remarquablemnt capillo-tractée, j’en concevrais presque de l’admiration pour sa part de fiction et d’improvisation et limite je me dirais, ça se teindrait presque si, et c’est là où je veux en venir, il ne finissait pas par expliquer qu’en gros il est obligé, contraint, à son corps défendant, de parler et d’écrire partout parce que sinon on ne parle pas assez de lui et de son oeuvre. Et alors là les bras m’en tombent. Par exemple en été depuis douze ans, son temps d’antenne sur France Culture est de 28 heures mensuelles, ce dont personne ne peut se targuer. Et donc quand on lui fait remarquer que tout de même il bénéficie d’une émission sur le même France Culture , le monde selon Michel Onfray, là je dois dire que je n’ai pas le courage d’aller écouter pour voir, en gros il répond que oui, mais vraiment à Libération on dit que du mal de lui et on ne le publie pas. Et pire au Monde

      En fait ce type a un problème de mégaphone, il voudrait un autre modèle dans une autre marque.

      Sans compter que je trouve remarquable quand un intellectuel est à ce point persuadé que son travail mérite une plus grande audience. Je n’ai jamais compris sur la base de quel raisonnement, il parvenait à jauger ce manque à gagner.

  • DSK et le procès pour #sodomie | Le ticket de Metro d’Ovidie
    http://www.metronews.fr/blog/ovidie/2015/02/12/dsk-et-le-proces-pour-sodomie

    Je serai claire, s’il y a encore des personnes qui minimisent ce dont on accuse DSK, c’est parce que ces #femmes n’étaient pas du même rang social. Si on apprenait par exemple qu’une personne du même milieu que lui avait été un jour neutralisée sur un lit pendant que celui-ci la sodomisait de force, croyez-moi que les réactions auraient été différentes. Alors qu’une domestique, des putes, ma foi, pas de quoi fouetter un chat. On se rappelle à titre d’exemple du très élégant « troussage de domestique » de Jean-François Kahn. Toutes ces histoires révèlent avant tout le problème de l’impunité, du pouvoir de l’argent, et de la #domination d’une #classe sociale sur une autre.

    #viol

  • Tous les chevaliers sauvages ; Tombeau de l’humour et de la guerre
    http://www.placedeslibraires.fr/detaillivre.php?gencod=9782848762012

    Six mois après l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, Droit de Réponse, l’émission de Michel Polac, est consacrée à la fin de Charlie Hebdo. Dominique Jamet et Jean-François Kahn plastronnent, un groupe de lycéens bafouillent que l’époque est formidable, Desproges, Gainsbourg, Renaud sont trop inconscients pour mesurer le sens de ce qu’ils sont en train de vivre. Au fond du plateau, quatre figures sortent de l’ombre : Cavanna, accablé par la mauvaise conscience ; le Professeur Choron, le seul à saisir l’abjection absurde dans laquelle ils sont tombés, hurlant sans micro ; Jean Bourdier de Minute à qui Siné décide de casser la gueule ; Bernard Tapie, enfin, le jeune patron de Manufrance, monstre froid venant de l’avenir. Personne ne saisit alors qu’il est leur véritable fossoyeur. L’esprit Hara-Kiri disparut ce soir-là, et avec lui un rire jaune, désormais ringardisé par des adversaires ayant cyniquement appris le langage de la provocation « bête et méchante » (de Tapie à Besson), et récupéré par des gagmen limités dans leurs visions comme dans leurs expressions (de Canal + à Ruquier). L’humour n’était certainement plus une arme de lutte ou de déstabilisation du monde politique, il devenait - des Bronzés à Philippe Val - la pilule pour nous faire avaler... la pilule. Il y a deux types de rire : le petit rire né de la soumission aux limites, et le grand rire né de la confrontation à l’illimité, de la mise en pièces de nos conditionnements. Choron provoquait un grand rire. Il était un samouraï, une figure théâtrale de violence et de distinction. De 1982 à 2012, s’est installé un système qui a déposé les armes de l’humour. Preuve en est la forme privilégiée du « chroniqueur », mi-humoriste, mi-valet du pouvoir, nul en tout mais présent partout, ne sachant rien faire mais parlant tout le temps très fort, et toujours dans la bonne humeur. D’une puissance illimitée pour détruire les impostures des années Pompidou-Giscard, Choron, Reiser et Gébé auront été mille fois moins forts pour analyser les nouvelles formes de violence incarnées par Mitterrand et son staff, acquis aux ruses de l’autodérision et de la provocation. Jouer la violence anarchique quand le pouvoir est représenté par des boulangères (Nadine Morano) ou des profs de natation (Frédéric Lefebvre) n’a plus beaucoup de sens. Il faut renoncer à l’humour quand le rire ne provoque plus que le petit rire de l’acceptation des choses. Tous les Chevaliers sauvages est un voyage dans la France et les États-Unis de l’après-guerre, de leurs plus grandes créations jusqu’à leurs plus grands leurres. C’est également un tombeau de Choron, Reiser, Gébé, Andy Kaufman, valeureux héros d’une époque révolue où l’humour fonctionnait comme un substitut à la guerre. Or, il faut renoncer à l’humour comme à la guerre parce que désormais nous attend quelque chose de bien plus violent et de beaucoup plus drôle...

    Un extrait (qui évoque en plus Mahomet) :

    Ainsi, dans Rideau, un texte originellement publié en 1990 dans le numéro 37 de L’Idiot international , dirigé par Jean-Edern Hallier, et qu’accompagnent des images de Gébé, Placid et Pascal, Marc-Édouard Nabe a raison de dire des comiques de son époque, Guy Bedos en tête, que « leur cible est devenue leur public ». La provocation, la transgression, la violence verbale et l’humour salace sont désormais devenus les modes opératoires de communication de toutes et tous. C’est vrai de tous les imitateurs, toujours moins stupides et agressifs que leurs cibles à mesure que la « garde » politique se renouvelle. Face à des as de la provocation comme les politiciens actuels, disposant des techniques de communication les plus efficaces qui soient, le principe du stand-up est devenu un mode opératoire si grossier que Trey Parker et Matt Stone ont pu le représenter dans la quinzième saison de South Park sous la forme de Funnybot, un robot accumulant les blagues selon un algorithme automatique simplifié. Dans un épisode de la saison 10, Cartoon Wars , Parker et Stone avaient également montré les scénaristes de Family Guy, un dessin animé à l’origine d’une « affaire » comparable à celle du pseudo-Charlie à la même époque – la représentation « humoristique » du prophète Mahomet –, comme un gigantesque aquarium où des lamantins composent leurs sketchs à partir de ballons colorés balancés dans un ordre ou dans l’autre... On ne peut dès lors s’empêcher de voir la rédaction du pseudo-Charlie actuel comme une cage où des cochons d’Inde répondant à des petits noms monosyllabiques drolatiques s’occupent à une besogne analogue, dans une ignorance béate, sous le regard tendre des policiers et des politiques.

    cc @klaus, qui se questionne sur l’humour de cette époque :
    http://seenthis.net/messages/333269

    #Hara-Kiri #Charlie_Hebdo #Pacôme_Thiellement #humour #Histoire

  • En finir avec le manichéisme infantile

    Par Jean-François Kahn

    A l’évidence, on n’en a tiré aucune leçon. Il y a neuf ans, les Français étaient invités à ratifier ou à rejeter le traité constitutionnel européen. Les grands médias, massivement favorables au « oui » – et j’en étais – défendirent leur choix, qui correspondait à une honorable conviction, de façon tellement univoque, tellement agressive, tellement peu ouverte aux arguments de l’autre, tellement binaire, que le « non », d’abord donné vaincu, l’emporta largement. Il y aurait eu alors quelques questions à se poser. On s’en garda bien. On se contenta d’injurier, après coup, ceux qui avaient mal voté. Et, d’ailleurs, on fit adopter ce que les Français avaient refusé sans, cette fois, leur demander leur avis. Est-on conscient à quel point, ce faisant, on a porté un coup terrible à l’esprit civique et grossi les rangs des abstentionnistes comme ceux des électeurs du Front national ?

    C’est à un phénomène comparable que l’on assiste aujourd’hui. La sphère médiatique, au sens le plus large, fait preuve, à propos des événements d’Ukraine, de Crimée et de Russie, d’un tel binarisme, d’un tel simplisme, d’un tel infantilisme, que l’on assiste à une autre aberration : le retournement pro-Poutine d’une bonne partie de l’opinion. Cela fait des années que l’on perçoit cette déplorable évolution : une approche de plus en plus bichromique, bicolore et, incidemment, néoconservatrice, des grandes questions internationales, un partage du monde entre des gentils qui ne peuvent se conduire que de façon séraphique et des méchants qui ne constituent qu’un ramassis de Belzébuth : un manichéisme de plus en plus puéril qui n’est pas étranger à la redoutable désaffection du public envers ce qui devrait constituer le coeur et l’âme de la démocratie : les médias.

    Cette régression a atteint, ces derniers jours, un record. Dans certains reportages, les bons deviennent tous beaux et les mauvais tous laids. Ceux-ci sont de jeunes athlètes au regard lumineux, ceux-là de vieux chnoques alcooliques au regard terne. Ce qui s’écrit ou se dit dans les médias russes se dit de façon quasi identique chez nous, mais à l’envers. Des « correspondances » deviennent des éditos au vitriol, des reportages d’ardentes professions de foi. Ce qui n’est pas, parfois, sans rappeler la presse communiste des années 1950. Laquelle parlait des Etats-Unis.

    Allons plus loin : si comparer Poutine à Hitler (certains ont osé) est d’une confondante idiotie, l’homme s’apparente plus, en effet, à un nouveau tsar qu’à un démocrate moderne. On peut à cet égard se demander, d’ailleurs, pourquoi Eltsine, lui qui était bien pire, bénéficia d’une telle indulgence : parce qu’une Russie en voie de quart-mondialisation plaisait ? Or, si un envoyé spécial à Berlin, du temps du nazisme, avait systématiquement décrit, pour complaire, une Allemagne dévaluée, dévalorisée, minable, aux abois, il aurait, fût-ce inconsciemment, péché à la fois contre l’objectivité journalistique et contre la cause du camp démocratique. A-t-on le droit de poser cette question : un pays où la plupart des éditoriaux, parlés ou écrits, paraissent avoir été rédigés par Bernard-Henri Lévy (membre du Conseil de surveillance du Monde) constitue-t-il un exemple de pluralisme ?

    Oui, la brutalité avec laquelle a été bousculée, en Crimée, la légalité internationale est inadmissible. Mais pourquoi, lorsque les nouvelles autorités de Kiev ont décidé, dans un premier temps, d’abolir le statut de la langue russe dans les territoires russophones, nos médias n’ont-ils pas mis en garde contre cette décision provocatrice et aventureuse ? Pourquoi le non-respect de l’accord signé par les ministres européens, dont Fabius, à Kiev n’a-t-il suscité dans les médias aucun regret ? Pourquoi aucune prise de distance à l’égard de certains propos extrémistes (c’est une litote) tenus par les leaders radicaux de la révolution de Maïdan, alors que ces outrances faisaient évidemment le jeu de la Russie, qui les a instrumentalisés ?

    INTÉGRITÉ TERRITORIALE OU DROIT DES PEUPLES À DISPOSER D’EUX-MÊMES

    Oui, la majorité des révoltés de Maïdan étaient des démocrates dégoûtés par une gouvernance absolument calamiteuse. Mais pourquoi Stepan Bandera (1909-1959), cet antisémite fanatique qui combattit aux côtés des Waffen-SS et qu’exalte l’aile radicale du mouvement, est-il désormais présenté pudiquement chez nous comme un « nationaliste controversé » ? Dans ce cas, il ne fallait pas appeler au boycottage de l’Autriche parce que le parti de Haider avait été intégré au gouvernement. Il est temps de rompre avec une incohérence qui confine au zozoïsme.

    Il y a deux principes aussi défendables l’un que l’autre. Le premier, c’est le respect de l’intégrité territoriale des nations. En fonction de quoi, une sécession de la Crimée, même votant son rattachement à la Russie, est incontestablement condamnable. L’autre principe est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En fonction de quoi l’OTAN est intervenue militairement pour aider le Kosovo à s’émanciper de la Serbie, ce que souhaitait la majorité de sa population. Les deux principes étant souvent contradictoires, il convient, en droit international, de privilégier une fois pour toutes l’un ou l’autre. Soit l’intégrité territoriale, soit le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Ce qui, en revanche, n’est pas soutenable, c’est de se réclamer de l’un de ces principes les jours pairs et de l’autre les jours impairs. Par exemple, proclamer illégale une sécession de la Crimée, même si ses habitants l’appellent majoritairement de leurs voeux, après avoir fait une guerre pour permettre la sécession du Kosovo, parce que ses habitants l’appelaient majoritairement de leurs voeux. Il est éminemment respectable, et sans doute juste, de stigmatiser le jeu russe qui a consisté à encourager le mouvement sécessionniste en Crimée.

    Mais il est étrange que parmi les plus virulents censeurs se trouvent ceux qui, depuis des décennies (ce fut parfois à leur honneur), soutiennent toutes les luttes sécessionnistes : au Biafra, au Bangladesh, dans le sud du Liban, en Tchétchénie, au Kurdistan ou ailleurs, quand ils n’ont pas affiché leur sympathie pour la cause basque ou irlandaise. Des sanctions pour imposer un respect du droit international ? Chiche ! Mais Chypre ? Mais les territoires palestiniens ?

    Ce sont toutes ces contradictions et incohérences qui affaiblissent la position occidentale face à Poutine. Mieux eût valu les pointer à temps que de noyer toute complexité dans l’hystérie.

  • Le tweet de Jean-François Kahn - Quand la gauche bien pensante fait le lit de la réaction mal pensante
    http://www.huffingtonpost.fr/2013/05/28/gauche-bien-pensante-politique-jean-francois-kahn_n_3345478.html

    Ce sont les turpitudes, les oppressions et les trahisons de la droite qui grossirent après guerre les rangs de l’extrême gauche. Or, c’est le terrorisme intellectuel d’une certaine gauche bourgeoise et bien pensante, cette insupportable tendance à criminaliser le moindre écart, à diaboliser la moindre sortie de route, cette chasse obsessionnelle à la petite phrase incorrecte, cette dénonciation compulsive du dérapage aussitôt qu’on mord le trait, cette stigmatisation incessante d’une « dérive » dès lors qu’on ne pense pas comme il faut, cette traque devenue quasi délirante d’un populisme fantasmé, ce qualificatif de « nauséabond » employé à tout bout de champ, qui ont provoqué l’exaspération dont se nourrit cette vague objectivement réactionnaire et même ultra réactionnaire.

    #politiquement-correct

    • Plus que le politiquement correct, je crois que c’est le manque d’honnêteté intellectuelle qui est le plus contre-productif, car cela offre un angle d’attaque facile aux réactionnaires. C’est pour ça que je fais souvent le « rabat-joie » avec mes propres alliés quand leur discours pour servir nos idées communes me semble approximatif ou contestable (exemple dernièrement ici sur le féminisme, ou la théorie du genre)
      Pour utiliser une expression courante des affrontements sportifs, les réactionnaires n’ont pas pris l’ascendant psychologique sur les progressistes grâce au débat idéologique (leur idéologie reste minoritaire), mais grâce à la corruption, aux raccourcis, au manque d’intégrité des militants du camp progressiste.
      Gauche caviar, syndicats corrompus, juges partiaux ou revanchards : les idéaux sont affaiblis par ceux qui les portent..
      On n’attaque pas l’idée de la justice, mais l’idées que les idées progressistes sont utopiques donc trop fragiles, que cela favorise sciemment ou inconsciemment leur perversion. Un peu comme le camp progressiste se fait un plaisir de « descendre » le christianisme avec le phénomène de pédophilie des prêtres. On peut dire que c’est de bonne guerre, c’est juste pas très honnête, ce sont des coups bas couramment admis.
      Il faut que l’on comprenne que dans notre pays, c’est la victimisation qui donne le plus d’énergie aux luttes collectives. Mouvement des pigeons, motards en colère, anti-MPT, donnez à vos adversaires une occasion de se poser en martyrs, c’est le plus cadeau que vous puissiez leur faire.

      Mais de toute façon, même si les forces de gauche avaient été parfaitement vertueuses, le retour de balancier était inéluctable.
      La droite français a purgé sa sentance d’après guerre, le complexe de Vichy c’est du passé, la parenthèse Gaulienne est terminée, le cordon sanitaire avec le fascisme a été démantelé par Sarkozy, on peut revenir à la « vraie droite », traditionnellement majoritaire dans ce pays.
      http://opinionsopiniez.hautetfort.com/archive/2012/05/12/ci-git-la-droite-francaise-republicaine-1945-2007.html