person:jean-marie vincent

  • Les vases vides font toujours beaucoup de bruit. A propos d’une certaine réception de la critique de la valeur en France (partie 1)
    http://www.palim-psao.fr/2015/03/les-vases-vides-font-toujours-beaucoup-de-bruit-a-propos-d-une-certaine-r

    Pas de précisions théoriques ou explicatives, mais des commentaires de Clément Homs sur comment la critique de la valeur est reçue en France pour l’instant.

    Pas encore fini de tout lire.

    Jean-Marie Vincent et André Gorz :

    Côté réception en France, ce sont au début des années 2000, deux auteurs - le philosophe marxiste Jean-Marie Vincent et André Gorz - qui ont marqué leur intérêt et se sont « rapprochés » de certaines thématiques propres à la Wertkritik.

    Autrement, c’est Vincent qui a incité André Gorz (lui aussi germanophone) à se procurer en Allemagne les ouvrages de Kurz, et tout un rapprochement avec la Wertkritik a été affirmé de manière plus positive. Durant les dernières années de sa vie Gorz alla jusqu’à se réclamer ouvertement de ce courant tout en entretenant une correspondance avec plusieurs auteurs autrichiens notamment avec le journaliste viennois Franz Schandl qui publie Streifzüge[5]. Son dernier ouvrage Ecologica (2008) est fortement marqué de cette empreinte, que l’on retrouve également dans la discussion qu’il a avec le livre de Jappe, Les Aventures de la marchandise.

    Guigou et Wajnsztejn :

    Il y avait bien eu autrement un petit ouvrage en 2004 de deux non-germanophones – L’évanescence de la valeur. Une présentation critique du groupe Krisis, J. Guigou et J. Wajnsztejn - qui avait suscité une certaine hilarité, mais son confusionnisme systématique, sa connaissance lacunaire des thèses de ce courant et ses nombreuses mésinterprétations qui enlevaient à l’ouvrage sa prétention à « présenter » quoi que ce soit du projet théorique de Krisis, n’appelaient aucune réponse – ce qu’ils prirent semble-t-il très mal. Je me rappelle encore Jean-Marie Brohm rappelant à ses étudiants de Montpellier où ce Guigou avait été professeur de sociologie, qu’on ne pouvait prendre connaissance d’un auteur au travers de la littérature de seconde ou de troisième main ou même à partir de traductions plus ou moins mal faites. Toujours préférer aller à l’original ! – conseil qui vaut aujourd’hui aussi bien pour Heidegger, Hegel, Marx, que Kurz ou Jappe.

    Jean-Pierre Garnier et le Monde Diplo :

    On s’en douterait, mais il ne fallait également pas chercher une réelle réception dans la gauche altercapitaliste du Monde Diplomatique et d’ATTAC, qui depuis longtemps aussi désemparée que désarmée face au capitalisme, ne pouvait que déblatérer contre-vérités et insignifiances à l’image – pour n’en citer qu’une - de la pathétique recension en-dessous de toute critique du recueil de Kurz, Vies et mort du capitalisme qu’allait publier coup sur coup dans la revue Divergence puis Le Monde Diplomatique, l’« universitaire libertaire » Jean-Pierre Garnier. Ces intellectuels ne nous aiment pas et c’est vraiment de bonne guerre. Tout le logiciel idéologique de cette gauche de stabilisation de la forme de vie capitaliste, ne peut nous faire part que de son propre effondrement théorique devant les circonstances historiques présentes.

    À propos de la communisation, de Bruno Astarian, de la post-ultra-gauche :

    Du côté de la communisation, quand vous prenez un post-ultra-gauche comme Nicolas Will (alias « Bruno Astarian »), qui vous explique encore que la valeur et le travail sont transhistoriques dès le début de son Essai sur la presse et le capital (UGE-10/18, 1976) comme trente ans plus tard dans Le travail et son dépassement (Senonevero, 2001)[7], et qui porte encore une vision totalement tronquée du fétichisme, c’est sans surprise qu’une « critique » même de Postone sous sa plume ne peut qu’enfiler tous les poncifs les plus éculés du marxisme traditionnel sur le terrain de la théorie du capital (lecture classiste consubstantielle au sociologisme marxiste, prolétariat comme sujet révolutionnaire, etc.). Dans un texte de commentaires à l’emporte-pièce, il n’y a vraiment que Bruno Astarian pour noter que la Wertkritik brillerait par « l’absence de problématique de la crise » - sic !- (ou encore que « sa limite fatale est d’oublier la crise »). Quand il ne confond pas le « programmatisme » avec le « marxisme traditionnel » qui est une catégorie bien plus englobante puisqu’elle elle touche aussi bien la vieille théorie du capital que celle de la révolution. C’est cette incapacité de certains « communisateurs » de voir que les limites du « programmatisme » sont déjà contenues dans le marxisme traditionnel quant à sa théorie du capital, qui les laisse à mi-chemin, à la fois un pied en dehors et un pied à l’intérieur du marxisme traditionnel. En-deçà même de Jacques Camatte en tout cas, qui au moins sur certains aspects limités avait rompu avec le marxisme traditionnel quant à la théorie même du capital. Le courant post-ultragauche qui a pris pour thème aujourd’hui la « communisation », n’a finalement toujours fait qu’opérer (à partir des années 60-70) une rupture dans la théorie de la révolution (ce qui est déjà pas mal) à l’intérieur même du cadre restait inchangé d’une théorie du capital pieds et poings liés dans le marxisme le plus traditionnel.

    Sur le fait de chercher les fausses pistes plutot que des solutions clé en main :

    Quand on arrête deux secondes d’interpréter systématiquement comme une simple « trahison » ou comme l’effet de circonstances historiques défavorables, les échecs de toutes les prises de pouvoir réformistes comme révolutionnaires de la gauche au XXe siècle, il y a pour autant à la « gauche de la gauche » des militants qui voient bien que tout le vieil anticapitalisme tronqué hérité du XIXe siècle n’a plus aucune prise sur le capitalisme de crise en ce début du XXIe siècle. La Wertkritik porte une contribution à l’édifice afin de déplacer franchement les lignes dans le milieu anticapitaliste révolutionnaire, pour ne pas seulement porter une rupture dans la théorie de la révolution mais avant tout pour opérer une rupture dans la théorie même du capital et ce sur la base de ce qu’en Allemagne plusieurs courants – depuis la Neue Marx Lektüre de Backhaus et Reichelt - appellent le « Marx ésotérique ». C’est à mon avis à la fois peu et beaucoup. N’en déplaise aux consommateurs de marchandises-théoriques qui reprocheront toujours l’absence de « solutions à micro-onder » sur le champ, c’est afin d’éviter de faire bouillir les marmites de l’histoire trop vite que la Wertkritik ne cherche en rien à se transformer en un guichet automatique pour solutions clés en main à refourguer avec leurs garanties décennales. La critique de la valeur depuis le début cherche déjà à indiquer avec certitude quelles sont les mauvaises pistes qui assurément ne nous amèneront pas à sortir du monde social du capital mais à nous y enfoncer plus encore.

    Sur le fait de chercher des méchants coupables plutôt que réfléchir aux causes systémiques (Lordon et Friot par exemple) :

    La désignation des coupables individuels (le contre-panthéon des Milton Friedman, Margareth Thatcher, Ronald Reagan, Mario Dragi, Jérôme Kerviel, …) ou collectifs (la classe politique corrompue, le Satan américain, l’Allemagne, le F.M.I., les paradis fiscaux, Goldman Sachs, l’Union Européenne, la Troïka, la main d’œuvre étrangère, les Juifs, etc.) à mettre au pilori, constitue une conception anticapitaliste fétichisée qui reste pieds et poings liés dans la « cage d’acier » des formes sociales capitalistes dans lesquelles nous sommes piégés (la classe prolétaire comme la classe bourgeoise, notera Marx). Sans parler des thèses conspirationnistes qui pullulent désormais jusque dans la frange radical-chic de la gauche agambenienne, foucaldienne et deleuzienne, de type Comité invisible (mais pas seulement) et sur lesquelles nous reviendrons peut-être par la suite. En ce qui concerne toute la pathétique kermesse des économistes chagrinés, des marxistes, des régulationnistes, des « friotistes », des « pikettistes » et des keynésiens, ils ne savent que trop vouer aux gémonies le méchant « capital financier » conçu comme un simple « parasite » (les banques, la finance et les paradis fiscaux) au nom de la défense du « bon capital » productif de l’économie soit disant réelle, pourvoyeuse d’emplois et de salaires pour les « honnêtes travailleurs ». Depuis les années 80, avec l’anti-néolibéralisme s’est substituée à la possibilité d’une pensée marxienne cohérente qui vise la totalité dialectique capitaliste, une critique petite-bourgeoise du néolibéralisme économique qui n’est que le sac à mouchoirs d’une immense nostalgie pleurnicharde qui ne cherche plus qu’à revenir à la vielle configuration du « bon capitalisme » des Trente Glorieuses pour échapper au mauvais « capitalisme de casino ». Frédéric Lordon ou Bernard Friot sont pour beaucoup les économistes en chef de cette sous-critique. Critique qui n’a toujours su que dénoncer la financiarisation et le marché (Hitler parlait déjà de « capital rapace » à ce propos) pour mieux naturaliser le capitalisme à papa des travailleurs aux mains calleuses qui produisent des « richesses » et notamment la richesse abstraite capitaliste (la valeur) qui continue à être leur présupposé (sous le contenu de cette hilarante « convention de valeur » ou sous celui du travail abstrait). Confortablement installée dans le système fétichiste basé sur la machine du travail abstrait qui est à elle-même sa propre fin, cette gauche altercapitaliste qui fétichise la « défense des services publics », revient toujours à la niche d’une position altercapitaliste traditionnelle : conquérir le pouvoir pour opérer « une redéfinition globale du marché en direction de l’Etat social » comme l’écrit encore récemment ce prurit de la pensée bourgeoise qu’a toujours été Axel Honneth. Une pseudo-critique qui tricote et bavarde depuis la fin du XIXe siècle autour de la justice économique, sociale et maintenant écologique (!), sans jamais remettre en cause, en tant que telles, les formes sociales intrinsèquement capitalistes que sont le travail, la valeur, l’argent, la marchandise, la forme juridique du droit, la démocratie, la politique et l’Etat, qui n’ont qu’un demi-millénaire d’existence.

    #critique_de_la_valeur #wertkritik #économie #philosophie #capitalisme #crise

  • Où l’on ne parlera pas, hélas, de La Revue des Livres (qu’il faut soutenir) par Mathieu Léonard

    « Débarrasser Marx des marxismes » animait la pensée et l’action politique de Jean-Marie Vincent (1934-2004), fondateur de Variations au début des années 2000. Aujourd’hui, la revue de théorie critique poursuit ce chemin, s’engageant à la suite de la bande à l’École de Frankfurt avec pour contributeurs, entres autres, John Holloway, Oskar Negt, la philosophe féministe Nancy Fraser, Slavoj Zizek, l’artiste Martha Rosler, Greil Marcus et autres têtes bien pleines… Variations s’attache alors à publier des textes dont les seules exigences sont la critique du monde-tel-qu’il-va et l’urgence nécessaire de l’émancipation-telle-qu’elle-vient. Après avoir quitté la forme papier en 2007 et rendu tous ses contenus en libre accès sur Internet, Variations se consulte sur http://variations.revues.org. Le numéro en cours s’exclame « Tahrir is here ! » et le prochain fourbira des armes en vue de la critique du travail.

    « Ce n’est pas la crise, c’est une arnaque », c’est sur cette bonne parole, placardée durant le mouvement dit des Indignados, que s’ouvre le premier numéro de la toute nouvelle revue L’Échaudée. Celle-ci est animée par des amoureux de la critique, de la poésie, de l’utopie et des détournements de comics américains (30,94 % de la publication), qui sévissaient déjà au sein de L’Oiseau-tempête et des éditions Ab irato. Plusieurs articles reviennent sur les mouvements des occupations, dont « Occupy wall street » qui sont venus momentanément perturber le cours du « Business as usual ». http://abiratoeditions.wordpress.com.

    Au cas où vous en doutiez, les fanzines punks ne sont pas morts et certains ont même opéré une mutation très élégante. À bloc se revendique fièrement de la tradition du fanzinat et de la scène punk anarchiste et antifasciste. Le troisième numéro plutôt copieux nous balade d’un troquet pérave parigot à la scène punk stambouliote ; nous fait rencontrer deux lutteurs du mouvement anarchiste (Lucio, faussaire espagnol à la retraite et Hellyette Besse, activiste du Jargon libre) ; nous met en garde contre les bikers néonazis et les rappers russes non moins nazebroques. En vente dans les meilleurs endroits : http://blogs.punxrezo.net/abloc.

    On ne présente plus le mensuel, disponible en kiosques, Article 11 et son équipe de sérieux déglingos (d’après une rumeur qui court dans le 9-3). À ce propos, ils nous livrent dans leur numéro 9 un entretien avec Arnaud Aubron, animateur du blog Drogues News. Il y rappelle une ironie de l’histoire : « Les militaires américains ont conduit beaucoup d’expériences sur l’usage des drogues. Avec toujours cette idée qu’ils maîtrisaient la situation. Une belle erreur, dont le projet MK-Ultra, mené par la CIA, fournit l’illustration : beaucoup de ceux qui ont lancé la vogue du LSD au début des sixties aux États-Unis sont passés par MK-ultra en tant que cobayes. […] D’une certaine manière, la CIA a ainsi contribué à l’essor du mouvement hippie. » D’autres articles sont consultables sur site http://article11.info.

    Pour les semaines d’inactivité à venir, pensez aussi à vous procurer Alternative libertaire, le mensuel d’Alternative libertaire, empruntable dans les Relais H ; la revue Z, consacrée au nucléaire et son monde (plutôt contre) ; ainsi que CheriBibi, revue populaire de culture alternative.

    http://www.zite.fr
    http://www.alternativelibertaire.org
    http://www.cheribibi.net

    Et bien sûr : http://www.revuedeslivres.fr