person:jean-pierre olivier de sardan

  • Comment le salafisme a pu prospérer au Niger - Jean-Pierre Olivier de Sardan
    http://www.marianne.net/agora-comment-salafisme-pu-prosperer-au-niger-210115.html

    Une idéologie salafiste radicale a en effet peu à peu fait son trou au sein de la société nigérienne. Elle a pu se développer en surfant sur la vague wahhabite, autrement dit un islam fondamentaliste qui a déferlé sur le Niger et les pays sahéliens depuis une bonne vingtaine d’années, promu par l’Arabie saoudite et le Qatar, à coups de financements massifs, de formations de clercs et de propagande médiatique. La société nigérienne est devenue de plus en plus régulée par cet islam rigoriste de culture arabe tourné vers le passé, qui s’est aussi immiscé de façon visible dans tous les espaces publics (le refus du code de la famille, les serments des juges sur le Coran, le voilage croissant des femmes ou la présence de mosquées au sein même de tous les bâtiments publics n’en sont que quelques signes parmi beaucoup d’autres). Chaque consultation électorale est désormais un lieu de surenchères entre candidats pour donner le maximum de gages aux imams, marabouts et oulémas, et apparaître comme le meilleur musulman, le plus pieux, le plus rigoureux.

    • Et Jean-Pierre Olivier de Sardan est un excellent connaisseur du pays et de la région, un témoin plutôt très crédible, et ce témoignage est très important. Je travaille - depuis deux décennies - sur des projets en Mauritanie, Mali, Burkina et Niger - et je suis en effet absolument stupéfait de constater ces changements en comparaison de l’atmosphère de grande tolérance que j’ai connu au milieu des années 1980, et même à la fin des années 1990, en particulier au Niger. Mais bon, je n’ai pas eu l’occasion de voyager récemment dans cette région, mes déplacements ayant été annulés à deux reprises justement pour des questions de sécurité (en 2011 et 2013).

    • On peut le dire autrement : à Paris, on peut se permettre d’en faire une question de principe, au nom du droit à libre expression, du droit à la caricature, et du refus de céder aux intégristes. A Niamey, à Bamako ou à Istanbul (où, pour la majorité des gens, la question de principe est très différente : la liberté d’expression s’arrête là où le blasphème commence) on est par contre bien obligé d’en faire une question politique, et donc de se demander quelles vont en être les conséquences, à qui cela profite-t-il, et qui va en être victime ? Les réponses sont hélas claires : cela profite aux intégristes et ce sont les non-musulmans et les musulmans modérés qui en sont les victimes.