Dans La carte et le territoire de Houellebecq, l’un des héros nommé Jean-Pierre Pernaut, avait eu l’honneur d’avoir son portrait qui pouvait parler à des millions de Français : homme sur la cinquantaine, bourrin et beauf, de droite, présentateur du journal de la mi-journée à TF1, saltimbanque des terroirs et des traditions.
Mais on a peu repris la soirée baroque que le romancier offre à ses lecteurs qui acceptent de passer la Saint-Sylvestre dans l’hôtel particulier de Jean-Pierre Pernaut à Neuilly. On y voit, entre autres, une France qui, telle une carte, est représentée ce soir-là : des paysans vendéens vous accueillent à l’entrée avec des fourches, dans les salons, un stand de produits auvergnats, un orchestre basque, un autre savoyard, un groupe de polyphonies corses. Dans le bureau de Pernaut, où trône une impressionnante bibliothèque de guides touristiques et de Sept d’or, on voit comment Pernaut construit sa France comme représentation. Si la carte précède le territoire, le journal de 13h précède la réalité. En choisissant selon sa sensibilité et ses lubies, Pernaut fait la France. Le territoire est une représentation comme Barthes l’analysait lorsqu’il écrivait sur les guides de voyage : « Pour le Guide Bleu, les hommes n’existent que comme « types ». En Espagne, par exemple, le Basque est un marin aventureux, le Levantin un gai jardinier, le Catalan un habile commerçant et le Cantabre un montagnard sentimental ». (Mythologies, Le Guide Bleu).