De Nice au Moyen-Orient : le meilleur moyen de combattre Daesh
par Ramzy Baroud - 19 juillet 2016 - Middle East Monitor - Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah
▻http://www.info-palestine.eu/spip.php?article16121
Les 25 années qui ont précédé 2008 ont vu 1840 attaques-suicide, selon les données compilées par des experts du gouvernement américain et citées dans le Washington Post. De toutes ces attaques, 86% ont eu lieu après les invasions américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. En fait, entre 2001 et la publication des données en 2008, 920 attentats suicides ont eu lieu en Irak et 260 en Afghanistan.
Une vue plus complète a émergé en 2010 avec la publication d’une étude commanditée et plus détaillée menée par l’University of Chicago’s Project on Security and Terrorism.
« Plus de 95% de tous les attentats suicides sont en réponse à l’occupation étrangère, » y est-il dit.
« A partir du moment où les États-Unis ont occupé l’Afghanistan et l’Irak ... le nombre des attentats-suicides dans le monde a augmenté de façon spectaculaire - d’environ 300 dans la période de 1980 à 2003, à 1800 entre 2004 et 2009 », a écrit Robert Pape dans Foreign Policy.
Fait révélateur, il a également été conclu que « plus de 90% des attentats-suicides sur l’ensemble de la planète sont maintenant anti-américains. La grande majorité des attaquants-suicides sont originaires des régions sous domination de troupes étrangères, ce qui explique pourquoi 90% des kamikazes en Afghanistan sont des Afghans. »
Lors de ma visite en Irak en 1999, « al-Qaïda » était simplement un nom dans les bulletins d’information de la télévision irakienne, faisant référence à un groupe de militants qui opéraient principalement en Afghanistan. Créé pour fédérer les combattants arabes contre la présence soviétique dans ce pays, ceux-ci n’ont guère été considérés à l’époque comme une menace potentielle à la sécurité mondiale.
(...)
Quand un chauffeur de camion français-tunisien a percuté une foule célébrant [le 14 juillet] dans les rues de Nice, la police française a rapidement établi des liens entre lui et Daesh, ou tout autre groupe militant. Aucun indice n’a été immédiatement révélé, mais, étrangement, le président François Hollande n’a pas tardé à déclarer son intention d’une réplique militaire.
Quelle inanité et quelle myopie ! Quel objectif a donc atteint l’aventurisme militaire de la France ces dernières années ? La Libye s’est transformée en une oasis de chaos - où Daesh contrôle désormais des villes entières - et l’Irak et la Syrie restent les lieux d’une violence débridée.
Qu’en est-il du Mali ? Peut-être que les Français ont-ils plus de chance là-bas ?...
Écrivant pour Al Jazeera, Pape Samba Kane décrit la terrible réalité que vit le Mali à la suite de l’intervention française en janvier 2013. Leur ainsi-nommée « Opération Serval » a été transformée en « Opération barkhane » et le Mali n’est en rien devenu un endroit paisible, et il n’est plus question que les forces françaises quittent le pays.
Les Français, selon Kane sont maintenant des occupants, pas des libérateurs, et malgré toutes les justifications fournies - comme celles soulignées ci-dessus - nous savons tous ce que signifie dans la réalité une occupation étrangère.
« La question que les Maliens doivent se poser est la suivante », écrit Kane, « Est-ce qu’ils préfèrent avoir à lutter contre les djihadistes pendant une longue période, ou avoir leur souveraineté bafouée et leur territoire occupé ou partitionné par un ancien état colonialiste, afin de satisfaire une caste alliée à la puissance coloniale ? » "
Pourtant, les Français, comme les Américains, les Britanniques et d’autres, continuent de vouloir à leur propre péril occulter cette réalité évidente. En refusant de reconnaître le fait que Daesh n’est qu’une composante d’une montée beaucoup plus grande et inquiétante de violence directement enracinée dans les interventions étrangères, ils permettront à la violence de se perpétuer, et de façon généralisée.
Battre Daesh exige aussi que nous soyons capables de réfléchir aux conditions qui ont conduit à sa création : pour vaincre la logique des George W. Bush, Tony Blair et John Howard de ce monde.
Quelle que soit la façon dont les membres ou sympathisants Daesh sont violents, c’est en définitive un groupe d’hommes en colère, aliénés, radicalisés qui cherchent à échapper à leur situation désespérée par de méprisables actes de vengeance, même si cela implique de mettre fin à leur propre vie.