C’est bien l’Ouest qui porte la responsabilité de la crise en #Ukraine
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Foreign Affairs, le 5 septembre 2014
Par John J. #Mearsheimer
article original : Why the Ukraine Crisis Is the West’s Fault
Selon l’avis le plus répandu à l’Ouest, la crise en Ukraine est presque entièrement imputable à l’agression russe. Selon cette accusation, le Président russe Vladimir Poutine a annexé la Crimée dans son désir de longue date de ressusciter l’empire soviétique, et il pourrait finir par essayer de prendre le reste de l’Ukraine, de même que d’autres pays en Europe de l’Est. Selon ce point de vue, la destitution du Président ukrainien Victor Ianoukovitch, en février 2014, a simplement fourni un prétexte à Poutine pour qu’il ordonne aux forces russes de prendre une partie de l’Ukraine.
Mais cette interprétation est fausse : les Etats-Unis et leurs alliés européens partagent l’essentiel de la responsabilité de cette crise. Le noud du problème est l’élargissement de l’OTAN, l’élément central d’une stratégie plus large de sortir l’Ukraine de l’orbite russe et de l’intégrer à l’Ouest. En même temps, l’expansion de l’Union Européenne [UE] vers l’Est et le soutien occidental au mouvement pro-démocratie en Ukraine - qui a commencé avec la révolution orange en 2004 - ont été aussi des éléments capitaux. Depuis le milieu des années 1990, les dirigeants russes se sont catégoriquement opposés à l’élargissement de l’OTAN et, ces dernières années, ils ont bien fait comprendre qu’ils ne resteraient pas les bras croisés en voyant leur partenaire d’importance stratégique transformé en bastion occidental. Pour Poutine, le renversement illégal du président ukrainien pro-russe démocratiquement élu - dont il a dit à juste titre que c’était un « coup d’Etat » - a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il a riposté en prenant la Crimée, une péninsule qu’il craignait voir abriter une future base navale de l’OTAN, et il a œvré à déstabiliser l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle renonce à rejoindre l’Ouest.
La réaction de Poutine n’aurait pas dû surprendre. Après tout, l’Ouest s’était immiscé dans l’arrière-cour de la Russie et menaçait ses intérêts stratégiques essentiels, une chose que Poutine a fait remarquer avec insistance et à maintes reprises. Les élites aux Etats-Unis et en Europe ont été prises de court par les événements pour la seule raison qu’elles souscrivaient à une vision faussée de la politique internationale. Elles tendent à croire que la logique du réalisme a peu de pertinence au 21ème siècle et que l’Europe peut être maintenue entière et libre sur la base de principes libéraux tels que l’Etat de droit, l’interdépendance économique et la démocratie.
Mais ce grand projet est allé de travers en Ukraine. La crise là-bas montre que la realpolitik reste pertinente - et les Etats qui l’ignorent le font à leur propre péril. Les dirigeants étasuniens et européens ont commis un impair en tentant de transformer l’Ukraine en un bastion occidental à la frontière russe. A présent que les conséquences se sont crûment révélées, ce serait une erreur encore plus grande de poursuivre cette politique mal inspirée.