person:josé luis zapatero

  • « Le moment néofasciste du néolibéralisme »
    https://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/06/29/le-moment-neofasciste-du-neoliberalisme_5323080_3232.html

    Les « délinquants solidaires » persécutés

    Comment penser ensemble la montée des extrêmes droites et la dérive autoritaire du néolibéralisme ?

    D’un côté, il y a le suprémacisme blanc avec Donald Trump, et en Europe, la xénophobie politique d’un Viktor Orbán ou d’un Matteo Salvini.

    De l’autre, il y a des coups d’Etat démocratiques : il n’est pas besoin d’envoyer l’armée contre la Grèce (« des banques, pas des tanks »), pas plus qu’au Brésil (des votes au lieu des bottes) – même si, comme en France, les champions du néolibéralisme ne reculent pas devant les violences policières pour réprimer les mouvements sociaux. D’un côté comme de l’autre, les libertés publiques reculent.

    Et les deux n’ont rien d’incompatible : l’Europe s’accommode de l’extrême droite au pouvoir, et l’Union sous-traite la gestion des migrants à la Turquie ou à la Libye. Avec l’arrivée de la Lega (la « Ligue ») au pouvoir, Emmanuel Macron peut bien dénoncer la « lèpre qui monte » ; mais à la frontière franco-italienne comme en Méditerranée, les milices de Génération identitaire agissent illégalement sans être inquiétées par les autorités. En revanche, la justice française persécute les « délinquants solidaires », tel Cédric Herrou ; et déjà en 2017, l’Italie dirigée par le Parti démocrate poursuivait en justice les ONG qui sauvent les migrants en mer.

    Mieux vaut donc parler d’un « moment néofasciste ». On retrouve aujourd’hui des traits du fascisme historique : racisme et xénophobie, brouillage des frontières entre droite et gauche, leader charismatique et célébration de la nation, haine des élites et exaltation du peuple, etc. Après l’élection de Trump, le philosophe américain Cornel West dénonçait la responsabilité des politiques économiques des Clinton et d’Obama : « aux Etats-Unis, l’ère néolibérale vient de s’achever dans une explosion néofasciste. » Depuis, cependant, il est clair que la seconde n’a pas détruit la première…
    Une forme politique nouvelle

    Faut-il plutôt suivre la politologue américaine Wendy Brown qui privilégie la lecture néolibérale ? Pour cette politiste, avec Trump la combinaison paradoxale de l’« étatisme » et de la « dérégulation », soit d’un « autoritarisme libertarien », est une forme politique nouvelle, « effet collatéral de la rationalité néolibérale » ; on ne saurait donc la réduire aux figures anciennes du fascisme ou du populisme. Sa critique rejoint celle de Robert Paxton : pour l’historien de Vichy, « l’étiquette “fasciste” occulte le libertarisme économique et social de Trump. »

    Non pas que le néolibéralisme soit condamné au fascisme. Certes, il n’est pas voué à la démocratie, comme on l’entendait après la chute du mur de Berlin. Toutefois, Tony Blair et José Luis Zapatero, qui y ont converti la sociale-démocratie en Europe, loin de surfer sur la vague xénophobe, revendiquaient l’ouverture aux migrants économiques. Quant à la chancelière allemande, « Kaiser Merkel » n’est-elle pas devenue, quelques mois après la « crise grecque », lors de la « crise de l’asile » de 2015, « Mutti Angela » ? Mais ces deux moments appartiennent au passé.

    Aujourd’hui, refuser de nommer le néofascisme autorise à ne rien faire. Il ne faut pas se bercer de l’illusion que le populisme, qui en est le symptôme, pourrait en être le remède. Et les euphémismes empêchent la mobilisation d’un antifascisme qui, loin d’être la caution démocratique des politiques économiques actuelles, désigne la responsabilité du néolibéralisme dans la montée du néofascisme. Bref, chanter Bella Ciao n’a rien d’anachronique – contre Matteo Salvini ou son prédécesseur, Marco Minniti, ou contre son homologue, Gérard Collomb, même s’il en a « un peu marre de passer pour le facho de service. »

    #Néofascisme #Pentafascisme #Politique_Europe

  • « Le moment néofasciste du néolibéralisme »

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/29/le-moment-neofasciste-du-neoliberalisme_5323080_3232.html

    Le sociologue Eric Fassin estime, dans une tribune au « Monde », que l’on retrouve aujourd’hui des traits du fascisme historique.

    « Hello, dictator ! » Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, accueillait ainsi le hongrois Viktor Orban au sommet de Riga en 2015 – dans la bonne humeur, avec une tape affectueuse sur la joue. Le contraste avec les diktats imposés au même moment à la Grèce par l’Eurogroupe était saisissant.

    C’est qu’on ne plaisante pas avec le néolibéralisme : l’économie est une chose trop grave pour la confier aux peuples. En revanche, la démocratie, on a bien le droit d’en rire. La farce de Lettonie rappelle d’ailleurs Le Dictateur, de Charlie Chaplin, quand Mussolini salue Hitler d’une grande bourrade : « Mon frère dictateur ! »

    Les « délinquants solidaires » persécutés

    Comment penser ensemble la montée des extrêmes droites et la dérive autoritaire du néolibéralisme ?

    D’un côté, il y a le suprémacisme blanc avec Donald Trump, et en Europe, la xénophobie politique d’un Viktor Orbán ou d’un Matteo Salvini.

    De l’autre, il y a des coups d’Etat démocratiques : il n’est pas besoin d’envoyer l’armée contre la Grèce (« des banques, pas des tanks »), pas plus qu’au Brésil (des votes au lieu des bottes) – même si, comme en France, les champions du néolibéralisme ne reculent pas devant les violences policières pour réprimer les mouvements sociaux. D’un côté comme de l’autre, les libertés publiques reculent.

    Et les deux n’ont rien d’incompatible : l’Europe s’accommode de l’extrême droite au pouvoir, et l’Union sous-traite la gestion des migrants à la Turquie ou à la Libye. Avec l’arrivée de la Lega (la « Ligue ») au pouvoir, Emmanuel Macron peut bien dénoncer la « lèpre qui monte » ; mais à la frontière franco-italienne comme en Méditerranée, les milices de Génération identitaire agissent illégalement sans être inquiétées par les autorités. En revanche, la justice française persécute les « délinquants solidaires », tel Cédric Herrou ; et déjà en 2017, l’Italie dirigée par le Parti démocrate poursuivait en justice les ONG qui sauvent les migrants en mer.

    Responsabilité des Clinton et d’Obama

    Au moment où le Sénat examine la loi sur l’asile et l’immigration, le président français s’indigne contre ceux qui « trahissent même l’asile ». En même temps, il fustige « les donneurs de leçon », qui, au nom de la solidarité, voudraient « tout et n’importe quoi ». Et il propose sans rire des « sanctions en cas de non-solidarité », comme si la France n’était pas la première concernée, avant de reprendre à son compte le discours de Matteo Salvini sur les ONG accusées de « faire le jeu des passeurs ».

    Nonobstant les beaux discours, la « tentation “illibérale” » n’est donc pas réservée à l’extrême droite europhobe ; elle menace les dirigeants europhiles. Emmanuel Macron incarne bien ce néolibéralisme « illibéral » qui prétend nous sauver de l’extrême droite en imitant sa politique.

    Faut-il parler d’un « moment populiste » ? Si la philosophe belge Chantal Mouffe refuse le qualificatif d’extrême droite pour lui préférer l’expression « populisme de droite », c’est qu’elle plaide « pour un populisme de gauche » : les deux auraient en commun « un noyau démocratique », puisqu’ils font entendre, en leur donnant des réponses différentes, les demandes des « perdants de la mondialisation néolibérale ». Or, non seulement les dirigeants néolibéraux n’hésitent pas à mobiliser un populisme xénophobe, mais, en retour, les leaders populistes, comme Trump, Orban ou Erdogan, promeuvent des politiques néolibérales.

    Mieux vaut donc parler d’un « moment néofasciste ». On retrouve aujourd’hui des traits du fascisme historique : racisme et xénophobie, brouillage des frontières entre droite et gauche, leader charismatique et célébration de la nation, haine des élites et exaltation du peuple, etc. Après l’élection de Trump, le philosophe américain Cornel West dénonçait la responsabilité des politiques économiques des Clinton et d’Obama : « aux Etats-Unis, l’ère néolibérale vient de s’achever dans une explosion néofasciste. » Depuis, cependant, il est clair que la seconde n’a pas détruit la première…

    Une forme politique nouvelle

    Faut-il plutôt suivre la politologue américaine Wendy Brown qui privilégie la lecture néolibérale ? Pour cette politiste, avec Trump la combinaison paradoxale de l’« étatisme » et de la « dérégulation », soit d’un « autoritarisme libertarien », est une forme politique nouvelle, « effet collatéral de la rationalité néolibérale » ; on ne saurait donc la réduire aux figures anciennes du fascisme ou du populisme. Sa critique rejoint celle de Robert Paxton : pour l’historien de Vichy, « l’étiquette “fasciste” occulte le libertarisme économique et social de Trump. »

    Mais n’est-ce pas le principe même d’un idéal type wébérien que de regrouper des exemples empruntés à divers contextes historiques ? C’est vrai du fascisme ou du populisme – comme du néolibéralisme d’ailleurs : le protectionnisme de Trump n’en est qu’une déclinaison nouvelle, tandis que l’ordolibéralisme allemand en est une variante, qui ne se confond pas davantage avec l’idéologie du Fonds monétaire international… Le mot « néofascisme » permet de penser, dans sa spécificité historique, ce moment du néolibéralisme.

    Non pas que le néolibéralisme soit condamné au fascisme. Certes, il n’est pas voué à la démocratie, comme on l’entendait après la chute du mur de Berlin. Toutefois, Tony Blair et José Luis Zapatero, qui y ont converti la sociale-démocratie en Europe, loin de surfer sur la vague xénophobe, revendiquaient l’ouverture aux migrants économiques. Quant à la chancelière allemande, « Kaiser Merkel » n’est-elle pas devenue, quelques mois après la « crise grecque », lors de la « crise de l’asile » de 2015, « Mutti Angela » ? Mais ces deux moments appartiennent au passé.

    Aujourd’hui, refuser de nommer le néofascisme autorise à ne rien faire. Il ne faut pas se bercer de l’illusion que le populisme, qui en est le symptôme, pourrait en être le remède. Et les euphémismes empêchent la mobilisation d’un antifascisme qui, loin d’être la caution démocratique des politiques économiques actuelles, désigne la responsabilité du néolibéralisme dans la montée du néofascisme. Bref, chanter Bella Ciao n’a rien d’anachronique – contre Matteo Salvini ou son prédécesseur, Marco Minniti, ou contre son homologue, Gérard Collomb, même s’il en a « un peu marre de passer pour le facho de service. »

  • Au médiateur de Radio France, suite au traitement de la crise vénézuélienne dans la matinale (16/11) de France Culture
    Maurice LEMOINE

    https://www.legrandsoir.info/au-mediateur-de-radio-france-suite-au-traitement-de-la-crise-venezueli

    Au nom de la droite et de l’extrême droite vénézuéliennes, merci à M. Guillaume Erner pour son traitement de la crise vénézuélienne, à travers une seule intervenante, représentante (assez caricaturale, je vous l’accorde, mais universitaire, vous avez eu raison de le souligner) de l’opposition.


    Merci d’avoir caché les responsabilités bien réelles de cette opposition dans la crise – en particulier dans le report (et non l’interdiction) du Référendum révocatoire.

    Merci d’avoir occulté que se déroule actuellement un « dialogue », sous les auspices d’individus extrêmement douteux – M. Ernesto Samper, secrétaire général de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) ; les ex-présidents panaméen et dominicain Martin Torrijos et Leonel Fernandez ; l’ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero ; le représentant du Pape, Mgr Emil Paul –, dialogue auquel s’oppose la partie la plus « droitière » de l’opposition, représentée ce matin sur votre plateau.

    Merci d’avoir innocemment introduit une petite séquence « Jean-Luc Mélenchon » dans votre lynchage des présidents Chavez et Maduro.

    Merci encore de ne pas avoir mentionné, en évoquant les « pénuries » et la « famine », les similitudes étonnantes qu’elles présentent avec le phénomène constaté au Chili durant les mois qui ont précédé le renversement de Salvador Allende.

    Merci surtout d’avoir laissé raconter qu’on ne trouve plus un journal dans les rues de Caracas – les occasions de rire sont tellement rares que, lorsqu’il s’en présente une, il faut en profiter à fond.

    Merci, mille fois merci, de participer à l’affaiblissement du service public en lui ôtant toute crédibilité – ceux qui rêvent de le démanteler vous en seront gré.

    Maurice Lemoine
    Auteur de « Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation » (ed. Don Quichotte, 2015).

    Réaction envoyée ce matin au médiateur de Radio France, suite au traitement de la crise vénézuélienne dans la matinale (16/11) de France Culture. Invitée : Paula Vasquez (EHESS / CNRS).

    Pour ceux à qui cela donnerait des idées : http://mediateur.radiofrance.fr/contact/mediateur

  • « L’imposteur » : #Javier_Cercas décortique la mystification d’#Enric_Marco
    http://culturebox.francetvinfo.fr/la-rentree-litteraire-2015/limposteur-javier-cercas-decortique-la-mystification-denric-

    « L’imposteur » raconte l’histoire d’Enric Marco, un homme qui avant d’être démasqué en 2005, par le jeune historien Benito Bermejo, a dupé toute l’#Espagne. Au sortir du franquisme, en 1975, cet homme sans relief particulier a réussi à se faire passer pour ce qu’il n’était pas, s’inventant un passé fantasmé de résistant antifranquiste et de déporté, mêlant avec roublardise faits réels et pure invention, qui le conduira à la présidence de la principale association espagnole des victimes du nazisme.

    • Si son titre reprend celui d’un article paru sur le même sujet dans le Combat Syndicaliste #CNT-AIT (Numéro 92 octobre/novembre 2005 ), et repris dans CENIT sans citer la source , il semble faire quelques impasses historiques ...

      Voici le texte original de la CNT-AIT paru en 2005.

      UN IMPOSTEUR NOMME MARCOS

      En avril 1978, un dénommé #Enrique_MARCOS accède à la fonction de Secrétaire général de la #CNT_espagnole. Quelques temps après, il en est exclu. Il devient par la suite un des principaux fondateurs de la #CGT_espagnole (scission réformiste de la CNT). Tout ceci se passe dans les quelques années qui suivent la mort de Franco et la fin de ses quarante années de dictature(1975).

      C’est un moment où des foules considérables découvrent la CNT. Un moment ou son audience est extraordinaire. Ainsi, quelques semaines à peine après la mort du dictateur, plus de 40 000 personnes étaient réunies au cours du premier grand meeting de la CNT - pas vraiment autorisé - dans la périphérie de Madrid (San Sébastian de los Reyes). Quelques mois après, c’était une foule de quelques 500 000 personnes qui saturait les remblas pour un meeting géant à Barcelone. C’était un moment où la CNT était en capacité de mener des luttes importantes, qui ont pu paralyser le pays (lutte des pompistes) et qui ont souvent été victorieuses. Un moment crucial pour la renaissance de l’anarchosyndicalisme. Il faudra toute une série de coups d’arrêts pour stopper ce développement.

      Enrique Marcos a été l’instrument de l’un d’entre eux. Depuis mai 2005, il est au centre d’un scandale retentissant dans tout le pays. Le parcours de Marcos, partiellement dévoilé aujourd’hui, contribue à éclairer l’histoire de l’anarchosyndicalisme dans l’ère post-franquiste d’une lumière plus crue.

      La CNT, Enrique MARCOS y avait fait son apparition - qu’il présentait comme une réapparition - à la fin des années 70. Dans cette période de convulsion sociale, il exhibe un glorieux passé militant : il a combattu dans la colonne Durruti. Il est ensuite passé en France, où, comme tant d’autres anarchosyndicalistes, il s’est lancé dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo, torturé, il est déporté vers les camps de la mort. Donnant plusieurs centaines de conférences sur le sujet chaque année, il devient ce que la presse espagnole appelle "le déporté espagnol le plus connu". Il préside d’ailleurs la principale association de déportés. Enrique Marcos, qui entre-temps a catalanisé son identité en Enric Marco (une façon de brouiller les pistes) voit ses mérites reconnus. En 2001, la Generalitat (le gouvernement catalan) lui décerne la "Croix de Saint Jordi", sa plus haute distinction civile, pour, entre-autre, " toute une vie de lutte antifranquiste et syndicaliste" (1). Le 27 janvier 2005, c’est lui seul qui représente les déportés lors du premier hommage rendu aux victimes de l’holocauste par les Cortès (le Parlement espagnol). Le 8 mai dernier, il devait en présence du Premier ministre, José Luis Zapatero, être la vedette d’une commémoration officielle sur le site de Mauthausen, camp où plus de 5000 antifascistes espagnols ont été exterminés.

      Mais ce jour là, Enric Marco, est "malade". Il a été prévenu que le scandale va éclater : un historien a eu la curiosité de consulter les archives du Ministère espagnol des affaires étrangères. Il y a trouvé les pièces qui prouvent qu’en 1943 monsieur Enric Marco - ou Enrique Marcos, comme on voudra - était certes en Allemagne, mais volontairement, sous contrat avec l’entreprise DeutscheWerk. Comme l’écrit la presse espagnole : "Jamais il n’est parti d’Espagne entant qu’exilé. Jamais il n’a fait partie de la Résistance française. Jamais il n’a été en camp de concentration" ( "Veinte Minutos" ). Ajoutons pour notre part que, probablement, il n’a été dans la colonne Durruti et que jamais, certainement, il n’a jamais été anarchosyndicaliste.

      Mais alors comment expliquer le passage d’Enric Marco à la tête de la CNT renaissante de la fin des années 70 ? Juan Gomez Casas qui, lui, a réellement milité toute sa vie, a posé publiquement la question (2) : "Qui est Marcos ?” demandait-il alors, avant de conclure “cet individu une fois parvenu, à force de mensonges, à obtenir la confiance des anarchosyndicalites, n’a eu de cesse de les trahir". Car là est bien le rôle qu’a joué Marco.

      Pour le comprendre, faisons un retour sur la "transition démocratique" espagnole. Elle débute dans un climat d’ébullition, une sorte de "Mai 68" chronique. Une nouvelle génération surgit dans la vie politique espagnole et se lance à corps perdu dans la bataille. Malgré l’épée de Damoclès d’un coup d’État militaire, malgré la répression, les luttes se développent. Les classes dirigeantes, veulent se "démocratiser", mais sans perdre une miette de pouvoir. Elles négocient alors avec les "forces de gauche" le "Pacte de la Moncloa" : en échange de la légalisation du Parti communiste, d’un retour à la"démocratie", d’une amnistie, d’élections et certainement de quelques prébendes, tout le monde se met d’accord pour accepter la monarchie et une politique d’austérité anti-ouvrière.

      Tout le monde sauf la CNT. Car si les deux autres syndicats (Commissions ouvrières et UGT) en bonnes courroies de transmission de leur parti respectif (communiste pour l’une, socialiste pour l’autre) acceptent le marché, la CNT le refuse. La CNT, à qui la Révolution de 36 et sa résistance acharnée pendant les quarante années de dictature assure un prestige, une légitimité et une capacité d’action considérable, devient alors la bête à abattre. Tout est bon pour cela (3).

      A côté desprovocations, des assassinats de militants (4) l’exacerbation de tensions internes fournit une arme essentielle contre la CNT. C’est là, bien entendu, que nous retrouvons Enric Marco, lui qui déclare, par exemple, en septembre 1979, au cours d’une conférence de presse qu’il a convoqué en qualité de Secrétaire général de la CNT :

      "Le 8 décembre aura lieu le Vème congrès confédéral de la CNT, qui mettra fin à de longues années de sectarisme et debureaucratie de l’exil…Il est nécessaire de mettre fin à toutes tentativesde contrôle de l’exil … (Il faut) reconsidérer notre stratégie syndicale ... Nous devons établir des relations avec les autres organisations de travailleurs". "Etablir des relations avec les autres organisations de travailleurs" ,

      c’est-à-dire avec les signataires du pacte de la Moncloa, on voit tout de suite à quoi cela pouvait mener.

      Quant au débat sur la place de l’exil (5) dans la CNT, il faut se souvenir que l’exil, avec toutes ses faiblesses, était à ce moment là garant d’une continuité historique et surtout d’une continuité révolutionnaire. Insulter les militants de l’exil, afficher qu’il fallait en finir avec eux, s’était clairement indiquer vouloir rompre avec une orientation révolutionnaire. Marco, avec quelques autres, s’est chargé de cette tâche. Ce que nous apprenons aujourd’hui permet d’apporter une réponse à l’interrogation de Juan Gomez Casas. Qui est Marco, qui est cet homme qui, dans la période cruciale 75/80, était au premier plan en tant que porte-parole d’une organisation que l’État espagnol s’était juré d’abattre ? La première partie de la réponse est simple : un fieffé menteur. Quant à la seconde, que chacun se fasse son opinion. Pour notre part, nous soulignerons simplement que c’est dans des archives ministérielles qu’un historien a trouvé, rangé à sa place, le dossier sur la vie de Marco dans les années 40.

      Tous ceux qui ont eu une expérience minimale de la police franquiste et de la police post-franquiste (c’était d’ailleurs la même) savent avec quel soin méticuleux elle recueillait et analysait le moindre renseignement sur les militants. C’était même une obsession. Il est donc tout à fait impossible qu’à l’époque où Marcos était Secrétaire national de la CNT, le ministre de l’intérieur n’ait pas eu entre les mains les preuves qu’il mentait et que toute la biographie qu’il étalait déjà dans la presse était fausse. Il lui suffisait de lâcher cette information pour abattre médiatiquement le "N°1"de la CNT et porter un coup à la crédibilité de cette organisation. Pourtant, la police, qui ne reculait devant rien a gardé soigneusement le secret. Soit qu’elle s’en soit servi comme "fil à la patte" pour obtenir de l’imposteur ce qu’elle voulait, soit que l’imposteur…à vous de conclure (6).

      (1) La contribution historique de cet imposteur à l’éclatement de la CNT et à la création de la CGT méritait bien la reconnaissance d’un gouvernement, fut-il régional.

      (2) Voir son livre "Relanzamiento de la CNT, 1975/1979", éditions CNT-AIT, 1984.

      (3) En particulier les manipulations policières. Exemple historique, l’incendie de la "Scala" : Le 15 janvier 1978, alors que la CNT, seule, réunissait à Barcelone 15 000 manifestants contre le pacte de la Moncloa, des cocktails Molotov sont lancés contre une salle de spectacles, la Scala. Quatre salariés, dont deux adhérents de la CNT, meurent carbonisés. Aussitôt, une campagne médiatique ordurière se déclenche contre la CNT, accusée d’être assez folle pour brûler ses propres adhérents. La CNT n’avait pourtant rien à voir. Il est établi que c’est un nommé Joaquin Gambin, indicateur de police, qui est à la source de cet incendie criminel. Notre journal de l’époque (les pages en français d’"Espoir") avait dénoncé les agissements de cet auxiliaire de police - et de quelques-uns autres qui infiltraient la CNT - avant même son incendie criminel.

      (4) Ainsi, Agustin Rueda, était-il assassiné par des matons de la prison de Carabanchel, le 14 février 1978…

      (5) L’exil, c’était les militants qui avaient fait la révolution et qui s’étaient réfugiés ensuite hors d’Espagne. Leur combat n’avait jamais cessé et ils ont servi de support à la CNT clandestine de l’intérieur pendant toute la dictature.

      (6) Dernière curiosité dans ce dossier : C’est dans le camp de Flossenbürg que Marco prétendait avoir été interné. Vous n’aviez probablement jamais entendu parler de Flossenbürg. Moi non plus. Il faut être assez versé en histoire pour le connaître et encore plus pour savoir que pas un seul des Espagnols qui y sont passés n’a survécu. Ainsi, Marco ne risquait pas de rencontrer un témoin gênant. Mais comment Marco a-t-il eu accès à ces informations très confidentielles ?

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      Les "merdias" à l’œuvre : Si, quand il était à l’honneur, les médias n’ont jamais ressenti le besoinde rappeler que Marco avait été un des responsables de la CNT, une fois sa supercherie découverte, ils se sont précipités pour publier cette information. Par contre, ils ont tous, ou presque, oublié de mentionner qu’il avait été exclu de la CNT dès 1979 et qu’il avait créé la CGT en 1989. Deux "détails" certainement sans importance. La palme de la désinformationrevient au Monde dont l’éditorial (13 mai) pouvait laisser entendre que Marco était toujours secrétaire national de la CNT.
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      Le Combat Syndicaliste N°92 octobre/novembre 2005

    • Entretemps j’ai commencé à lire ce livre à la bibliothèque du Comité d’Entreprise de la Très Grande entreprise qui m’emploie et c’est ultra bien, on est immédiatement captif du sentiment d’imposture et de ses ramifications. Quand je l’aurais fini je le volerai à la bibliothèque pour l’offrir à @mona (si ça ce n’est pas de la #private_joke). Et cela m’a permis de constater que la photographie que je trouvais très belle sur la couverture est de Werner Bischof, un photographe dont habituellement je me lasse vite. Il faut toujours approfondir.

    • @aude_v Non, pas lu. L’histoire me dit bien quelque chose, je crois que ce n’est d’ailleurs pas un phénomène isolé. Notamment aux Etats-Unis. S’agissant de la #prive_joke avec @mona c’est davantage à propos du sentiment d’imposture que de véritable imposture. Tu te souviens du titre ou du nom de l’auteur ?

      Et sinon pour l’Imposteur de Cercas, je trouve que cela démarre très fort, mais là je dois en avoir lu un petit quart, je trouve que cela patine un peu, je vais quand même m’accrocher. Il y a en plus des ficelles qui sont tellement grosses que je vois ben qu’elles vont resservir à un moment ou à un autre plus tard dans le récit, et j’ai toujours un peu de mal avec ce genre de procédé quand il est un peu voyant.

  • Coup de froid sur les droits des #femmes en#Espagne
    http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/civilisation-articles-section/civilisation/1676-coup-de-froid-sur-les-droits-des-femmes-en-espagne

    En entrant en fonction en décembre 2011, le nouveau gouvernement espagnol de Mariano Rajoy (PP, droite) ne s’est pas contenté d’oublier la parité instituée par son prédécesseur socialiste José Luis Zapatero. Il menace aussi de revenir sur le droit à l’avortement. Le gouvernement Zapatero avait, à l’été 2010, autorisé les interruptions de grossesse (IVG) jusqu’à 14 semaines sans justification.

    Le ministre de l’Éducation est lui aussi rentré dans la danse en annonçant sa volonté de revoir les cours d’Éducation à la citoyenneté, institués en 2006 par le précédent gouvernement. Ces cours dispensés en collège abordaient notamment des thèmes comme » l’égalité, le respect des libertés sexuelles, la diversité des modèles familiaux ou encore le multiculturalisme », relève le magazine Têtu. Le ministre José Wert « a déjà précisé que les thèmes des libertés sexuelles, de la diversité des modèles familiaux seront supprimés ».

  • Les ministres de l’UE baissent leurs salaires... sauf en France | Slate
    http://www.slate.fr/story/22145/ministres-baisse-salaire

    ❝Au Portugal, tout le monde est logé à la même enseigne et la mesure est plus globale puisque, selon lepoint.fr « une baisse de 5% s’appliquera aussi bien aux hauts salaires de la Fonction publique qu’aux élus et aux membres du gouvernement ».

    Dans les colonnes du quotidien espagnol El Mundo, on apprend que le gouvernement de José Luis Zapatero frappe fort avec sa décision de réduire le salaire des ministres de 15% et de celui des secrétaires d’Etat les ministres de 10%.

    Un des premiers à avoir montré l’exemple, dans le cadre d’un vaste plan d’austérité très impopulaire, fût le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, qui dès 2009, a réduit sa paye et celle de ses ministres de 15%.