La partie de jeu d’échecs vient de s’achever, sur le grand damier des nominations : c’est donc Muriel Mayette, administratrice générale de la Comédie-Française de 2006 à 2014, qui prendra la direction de la Villa Médicis. Jeudi 3 septembre, sa nomination a été proposée au président de la République, François Hollande, par la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin. Comédienne et metteuse en scène, Muriel Mayette succède à Eric de Chassey, historien d’art et commissaire d’exposition, qui vient d’achever ses deux mandats à la tête de l’Académie de France à Rome. Fleur Pellerin lui rend un sobre hommage, dans son communiqué, pour avoir « conduit une rénovation remarquable de la Villa Médicis ».
Le feuilleton durait depuis le début de l’été : le 1er juillet, Le Canard enchaîné racontait comment Eric de Chassey briguait la direction de l’Ecole des beaux-arts de Paris, alors que son directeur, Nicolas Bourriaud, venait d’être congédié par le ministère. Selon l’hebdomadaire, M. de Chassey bénéficiait de l’appui de l’actrice Julie Gayet, proche de François Hollande et prétendue « meilleure amie » de son épouse, Anne Consigny. Finalement, mercredi 2 septembre, la Rue de Valois surprenait en nommant l’artiste Jean-Marc Bustamante aux Beaux-Arts, où il enseigne depuis 1996.
Lire aussi : Valse des postes : de quoi veut-on rendre Julie Gayet coupable ?
Muriel Mayette a-t-elle eu le soutien de Manuel Valls, par le truchement de son époux, le journaliste Gérard Holtz – qui, dans une interview sur France 5, se disait très « ami » du premier ministre, lequel lui avait remis la Légion d’honneur, en novembre 2014 ? Le 20 juillet, lors de son passage au Festival d’Avignon, Manuel Valls avait déclaré : « Muriel Mayette aura un grand poste », défendant son bilan à la Comédie-Française – pourtant décrié par une grande partie de la profession – devant des journalistes perplexes…
« Un établissement rénové »
Une quarantaine d’artistes se sont mêlés à l’histoire en signant une lettre ouverte à la ministre de la culture, en forme de soutien à Eric de Chassey, publiée dans Libération, mercredi 2. « Nous apprenons que l’on s’apprête à nommer à sa place Muriel Mayette, qui ne connaît aucun des domaines artistiques et intellectuels représentés à la Villa », écrivent les signataires – entre autres, les plasticiens Adel Abdessemed et Jean-Luc Moulène, la cinéaste Sophie Fillières, l’actrice Clotilde Hesme, le compositeur Magic Malik, etc. « La Villa Médicis est devenue, sous l’impulsion d’Eric de Chassey, un véritable lieu pour la création, en organisant des expositions de grande qualité qui ont fait date », soulignent-ils encore.
En guise de réplique, Fleur Pellerin vante, dans son communiqué, le « savoir-faire » de Muriel Mayette, « tout comme son expérience acquise » à la tête de la Comédie-Française. Elle devra « poursuivre l’ouverture d’un lieu patrimonial qui déploie la création contemporaine sous toutes ses formes » et mener une « politique de renouveau des résidences d’artistes », etc. Beau joueur, Eric de Chassey salue l’arrivée de sa rivale tout en faisant briller son bilan : « Je suis heureux de lui transmettre la direction d’un établissement rénové, sur la forme et sur le fond, qui est, plus que jamais, un laboratoire de la création. » Manière, aussi, pour l’ex-directeur, d’avancer ses pions en vue d’hypothétiques prochaines nominations : sur cet échiquier-là, une partie peut en cacher une autre…