person:karen o

  • Ce que la carte dit dans l’art (Acta Fabula)
    http://www.fabula.org/acta/document8110.php

    Dans ce travail très audacieux, Karen O’Rourke explore l’application de la cartographie et de la marche par les artistes d’avant‑garde des soixante dernières années. Si la marche constitue un véritable topos dans l’art moderne et postmoderne, l’ouvrage de K. O’Rourke témoigne de son renouvellement constant dans l’art contemporain. Les folles balades rassemblées dans ce volume font de la manipulation du territoire un art performatif à part entière, un moyen d’appréhender et se réapproprier l’espace immédiat et d’y prendre place. « Une carte plus grande que le territoire », pour reprendre le titre de l’une des œuvres de l’artiste, cet ouvrage constitue un réseau ahurissant de travaux en relation avec la marche et la carte, une « base de donnée » en devenir faisant voyager le lecteur à travers tous les genres et tous les continents.

    2Le cheminement de K. O’Rourke dans ce labyrinthe de projets lui permet de poser des questions fondamentales sur la conception, la diffusion et la réception de l’art, sur la forme artistique et sur le rôle du concepteur et des participants. Si cette progression en rhizome manifeste une certaine tendance classificatoire, elle souligne également une grande vigilance quant au pouvoir d’organisation octroyé par le statut d’auteur et le désir de ne jamais condamner ces œuvres d’art au carcan d’une structure à tout le moins ethnocentrique.

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    Les analyses de Walking and Mapping s’orientent constamment vers le potentiel subversif de la marche et de la cartographie. Sans pourtant s’enfoncer dans les eaux troubles des relations entre l’artiste et la « multitude », K. O’Rourke déclare que marcher équivaut à prendre une position radicale en s’identifiant avec le peuple et en résistant à toutes les exploitations. Elle considère que consciemment ou non les interventions contemporaines sur l’espace public ou privé, réel ou virtuel — les carnavals, les flash mobs, la guerrilla gardening, ou encore la création de réseaux WIFI gratuits — participent du même but que celui des situationnistes : la pratique de l’espace appellerait la création d’un nouvel ordre social. Les travaux présentés dans les deux derniers chapitres montrent l’engagement politique et les risques encourus par certains « artistes‑activistes ». Parmi eux, deux projets particulièrement frappants dénoncent les conséquences humanitaires de la défense des frontières nationales. D’après K. O’Rourke, dans Naguère en Palestine dans lequel Raja Shehadeh fait le récit de six promenades ponctuées de rencontres dans les environs toujours plus inhospitaliers de Ramallah, le lecteur contemple le démantèlement du territoire palestinien et goûte au temps privilégié de la promenade comme à celui du partage : « Like shared meals in Mediterranean cultures, an afternoon spent walking together is way of connecting with others, take care both of oneself and each other » (p. 243). Citons également Transborder Immigrant Tool, une carte GPS très controversée créée par le collectif Electronic Disturbance Theater/b.a.n.g Lab dont le but était de guider les immigrants mexicains traversant la frontière américaine vers des barils d’eau. Le voyage de K. O’Rourke au‑delà des frontières occidentales souligne la portée politique de la marche dans l’ère postcoloniale.

    #marche #territoire #art #cartographie