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  • La confession de Cesare Battisti face aux juges italiens
    28 mars 2019 Par Karl Laske | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280319/la-confession-de-cesare-battisti-face-aux-juges-italiens?onglet=full

    Lors de ses auditions des 23 et 24 mars au centre pénitentiaire d’Oristano, l’ancien membre des Prolétaires armés pour le communisme est précisément revenu sur les attentats et les assassinats qu’il a commis à la fin des années 1970. « Les faits qui me concernent, reconstitués dans les sentences, et les noms des responsables correspondent à la vérité », a déclaré Cesare Battisti.

  • Violences policières : des blessés parlent

    Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, une centaine de personnes ont été gravement blessées. Nous donnons la parole à des manifestants qui ont été mutilés. Avec Karl Laske, journaliste à Mediapart ; Antoine Boudinet, amputé d’une main ; Dominique Rodtchenki Pontonnier, mère d’un blessé à la main ; Lola Villabriga, blessée au visage et Anaëlle, secouriste volontaire.

    #ViolencesPolicières

    https://www.youtube.com/watch?v=OtuuzOYXzE4&feature=youtu.be

  • Nombreux blessés par #flashball à Paris : la nouvelle « doctrine » #Castaner - Page 2 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/121218/nombreux-blesses-par-flashball-paris-la-nouvelle-doctrine-castaner?page_ar

    « C’était impressionnant de voir autant de blessés »
    Boris est conduit à un véhicule de secours, où il rencontre une jeune fille touchée par un tir à la mâchoire, ainsi qu’un manifestant blessé à l’arcade sourcilière. « Un gradé des pompiers disait à ses collègues que les flics devaient arrêter de tirer au niveau de la tête. C’était impressionnant de voir autant de blessés. Je ne pensais pas qu’une balle en caoutchouc pouvait faire aussi mal. » Le photographe a déposé plainte à l’#IGPN.

    Membres de la BRI présents sur les #Champs-Élysées. © DR
    À 14 heures, au moment de ces tirs, c’est Fiorina, 20 ans, qui s’écroule, blessée à l’œil gauche. Elle se trouve sur le trottoir opposé, côté pair de l’avenue. « Nous étions le long du mur, près du McDo, et d’un coup, sur le trottoir d’en face, les CRS et #policiers civils se sont mis à tirer, a expliqué un témoin à Libération. J’ai entendu un bruit juste à côté de moi et j’ai vu cette fille tomber juste à côté de moi. » La jeune femme a été prise en charge à Cochin et, selon un témoignage obtenu par Libération, elle aurait « perdu la vision de l’œil gauche et ne la retrouvera jamais » et « subi de nombreuses fractures sur des os de la face et des saignements dans le cerveau ». Son entourage, qui la présente comme une « patriote » ralliée aux gilets jaunes, a fait une collecte pour couvrir ces dépenses urgentes.

    Un autre reporter d’images, Laurent Bortolussi, de l’agence Line Press, a suivi lui aussi la progression des hommes de la BRI vers l’avenue Georges V. « Cette unité de police descendait sur le côté droit des Champs, explique-t-il. C’était un mélange de civils et d’une compagnie de sécurisation. Et ils tiraient partout. Le 1er décembre, il y avait eu des heurts extrêmement violents et assez peu de blessés, et cette fois, on a eu des heurts moins violents, mais des blessés à la pelle. Les premiers incidents ont commencé vers 11 heures, et de 11 à 18 h 30, les policiers ont tiré au flashball des dizaines et des dizaines de fois. Plusieurs photographes ont été touchés. Un photographe italien a été touché à l’œil. Des tirs, on en voit plein. Il y a des moments où les policiers se lâchent et on les voit tirer à tort et à travers. »

    Policiers d’une compagnie d’intervention sur les Champs-Élysées. © karl Laske
    Laurent Bortolussi est témoin d’un tir qui a touché une dame de 70 ans, près de lui. « Ce tir est absolument incompréhensible, raconte-t-il. Elle était clairement la cible. Je regardais en direction des policiers. Et j’ai vu le tir partir de ce groupe et la percuter, et je l’ai vue hurler. À ce moment-là, je suis un peu pris à partie par la foule qui me dit de filmer ce qui se passe. Cette dame avait un gilet jaune, elle était appuyée contre un poteau, mais du fait de son âge, elle n’était ni violente, ni véhémente. Ce tir n’avait aucune nécessité de maintien de l’ordre. Il n’avait aucune justification. » Le reporter – dont on peut voir le film de la journée ici – se souvient de nombreuses personnes touchées plus légèrement, agenouillées, prostrées, après les tirs.

    Listant pêle-mêle blessures, mauvais traitements, confiscations de matériels subis par une dizaine de professionnels, l’Union des photographes professionnels (UPP) a dénoncé les « atteintes portées aux photojournalistes en exercice de leur métier », samedi.

    Questionné par Mediapart sur l’utilisation des flashball par son unité et les plaintes déposées à l’IGPN, le patron de la BRI, Christophe Molmy, renvoie sur le service communication de la préfecture. « Si c’est vrai, on traitera ça, a-t-il commenté, mais je ne vous répondrai pas. »

    Partisan d’une ligne dure et « d’un dispositif plus offensif » face aux manifestants, le patron du syndicat national des commissaires (SNCP), le commissaire David Le Bars, juge que ces blessés sont « des blessés de trop ». « S’il y a, à l’évidence des gestes inappropriés, ou des tirs ratés, on n’a pas de quoi se réjouir, commente le commissaire. Le tir de LBD doit être cadré, s’il y a un tir “tête”, c’est un tir raté. » Le syndicaliste juge néanmoins qu’il s’agit de « dommages collatéraux » et que le nouveau dispositif, « plus dynamique », a permis « d’éviter le chaos ». M. Le Bars ne veut pas commenter l’usage systématique des flashball en haut des Champs-Élysées, samedi.

    a question de la légalité de ce recours à outrance à ce type d’arme et des blessures au visage infligées à un certain nombre de manifestants sera pourtant posée. En effet, le règlement d’emploi du LBD 40 stipule expressément que « la tête n’est pas visée ». Dans son rapport consacré au « maintien de l’ordre au regard des règles déontologiques », le Défenseur des droits avait recommandé, en décembre 2017, « d’interdire l’usage des lanceurs de balle de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, quelle que soit l’unité susceptible d’intervenir ».

    À l’est de Paris, d’autres unités de Compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) interviennent. Antoine Coste, un graphiste 25 ans, est touché à la tête dans la soirée par un tir de flashball, boulevard Saint-Martin. Habitant le quartier République, il était descendu voir « par curiosité » et « sympathie » la fin du rassemblement avec des amis. Il est surpris par une charge des policiers parisiens sur la place, se retrouve seul et est touché par un tir alors qu’il se prépare à rentrer chez lui (voir ici une vidéo qui témoigne de la violence de la charge policière). « Il y avait une charge et la foule s’engouffrait dans le boulevard en direction de Strasbourg-Saint-Denis, explique Antoine. Ca sifflait, ça criait : “Macron démission !” Je me suis retourné pour voir ce qui se passait au niveau de la place de la République et j’ai reçu l’impact, d’un coup sec, puissant. Je me suis pris ce coup, je suis tombé au sol et je me suis relevé. Je ne sentais plus mon côté gauche. J’ai regardé ma main qui était pleine de sang. Les gens disaient que j’avais été touché à la tête. » Un manifestant inconnu le guide jusqu’à une ambulance, puis disparaît. « Quand j’étais dans le camion, je l’ai vu partir par le hublot et j’ai pensé : “Merde, je n’ai pas pu lui dire merci.” »
    Il a ainsi perdu l’un des témoins du tir policier. Hospitalisé à Cochin, Antoine a été opéré, mais il craint de perdre son œil.

    « Dans le cadre d’un rassemblement sur la voie publique, notait aussi le rapport du Défenseur des droits, le lanceur de balle de défense ne permet ni d’apprécier la distance de tir, ni de prévenir les dommages collatéraux. Au cours d’une manifestation, où par définition les personnes visées sont généralement groupées et mobiles, le point visé ne sera pas nécessairement le point touché et la personne visée pourra ne pas être celle atteinte. » Le rapport soulignait que même en cas de respect de la doctrine d’emploi, l’arme pouvait provoquer de graves blessures comme la perte d’un œil, « qui confère à cette arme un degré de dangerosité disproportionnée au regard des objectifs de maintien de l’ordre ».

    Le changement de « doctrine » opéré par Christophe Castaner laisse dubitatifs les analystes du maintien de l’ordre. Fabien Jobard, chercheur au CNRS rattaché au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), juge que l’institution a été gagnée par « un début de psychose » devant certaines scènes montrant la faiblesse du dispositif policier et des policiers eux-mêmes, le 1er décembre. « Parler de violence inouïe, voire de guerre civile était une forme de surenchère, juge Fabien Jobard. La guerre civile, ce n’est pas ça… Les #CRS font un travail très anxiogène, et y ajouter une communication qui mise tout sur la peur ne peut rien arranger. »

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  • #Sarkozy : nos explications et celles de Frédéric Lefebvre
    https://www.mediapart.fr/journal/international/230318/sarkozy-nos-explications-et-celles-de-frederic-lefebvre

    © DR Les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Karl Laske reviennent sur leurs six années d’enquête à propos de l’affaire libyenne. Sur le plateau également, Frédéric Lefebvre.

    #International #France #Djouhri #Guéant #Hortefeux #kadhafi #Koussa #libye #Missouri #Mouammar_Kadhafi #Nicolas_Sarkozy #Saleh #Senoussi #Takieddine #Woerth

  • Mise en examen de #Sarkozy: nos explications
    https://www.mediapart.fr/journal/international/230318/mise-en-examen-de-sarkozy-nos-explications

    © DR Les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Karl Laske reviennent sur leurs six années d’enquête à propos de l’affaire libyenne. Sur le plateau également, Frédéric Lefebvre.

    #International #France #Djouhri #Guéant #Hortefeux #kadhafi #Koussa #libye #Missouri #Mouammar_Kadhafi #Nicolas_Sarkozy #Saleh #Senoussi #Takieddine #Woerth

  • Mediapart Live : l’affaire libyenne et Mai-68 par celles et ceux qui l’ont vécu
    https://www.mediapart.fr/journal/international/210318/mediapart-live-laffaire-libyenne-et-mai-68-par-celles-et-ceux-qui-lont-vec

    Retour sur l’affaire libyenne de Nicolas #Sarkozy avec nos enquêteurs Fabrice Arfi et Karl Laske, mais aussi Frédéric Lefebvre. Nous recevons ensuite Anne Nivat et Clémentine Fauconnier pour évoquer la #Russie de #Poutine, quatre jours après sa réélection. Enfin, plateau spécial sur les 50 ans de Mai-68, avec des témoins directs de l’événement, et Antoine Idier sur l’après-Mai.

    #International #France #Culture-Idées #kadhafi #libye #Mai_68

  • Mediapart Live : l’affaire libyenne et Mai-68 par ceux qui l’ont vécu
    https://www.mediapart.fr/journal/international/210318/mediapart-live-laffaire-libyenne-et-mai-68-par-ceux-qui-lont-vecu

    À 19 h, retour sur l’affaire libyenne de Nicolas #Sarkozy avec nos enquêteurs Fabrice Arfi et Karl Laske, mais aussi Frédéric Lefebvre. Nous recevrons ensuite Anne Nivat et Clémentine Fauconnier pour évoquer la #Russie de #Poutine, quatre jours après sa réélection. Enfin, plateau spécial sur les 50 ans de #Mai_68, avec des témoins directs de l’événement, et Antoine Idier sur l’après-Mai.

    #International #France #Culture-Idées #kadhafi #libye

  • Les 60 questions auxquelles #Sarkozy pensait échapper
    https://www.mediapart.fr/journal/france/200318/les-60-questions-auxquelles-sarkozy-pensait-echapper

    Fabrice Arfi et Karl Laske, qui mènent depuis 2011 l’enquête sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi, avaient adressé courant 2017, pour leur livre Avec les compliments du Guide (Fayard), soixante questions à Nicolas Sarkozy qui n’y avait pas répondu. Mediapart les publie en intégralité.

    #France #Financement_campagne_électorale #kadhafi #libye #présidentielle_2007

  • Financements libyens : Nicolas #Sarkozy est placé en garde à vue par la police
    https://www.mediapart.fr/journal/international/200318/financements-libyens-nicolas-sarkozy-est-place-en-garde-vue-par-la-police

    © Reuters Accélération spectaculaire dans l’affaire des financements libyens. L’ancien président de la République a été placé en garde à vue mardi 20 mars au matin, à Nanterre (Hauts-de-Seine), dans les locaux de l’Office anticorruption de la police judiciaire. Depuis 2013, la justice dénoue les fils de cette affaire hors normes.

    #International #France #Djouhri #Guéant #Hortefeux #kadhafi #Koussa #libye #Missouri #Saleh #Senoussi #Takieddine #Woerth

    • Financement libyen de la campagne de 2007 : Nicolas Sarkozy en garde à vue
      http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/03/20/financement-libyen-de-la-campagne-de-2007-nicolas-sarkozy-en-garde-a-vue_527

      Entre une conférence à Dubaï sur l’éducation, quelques entrevues à son bureau parisien rue de Miromesnil et une intervention à Londres prochainement, Nicolas Sarkozy a dû honorer un rendez-vous d’un autre genre mardi 20 mars au matin. Selon nos informations, l’ancien président de la République a été placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre, où il était convoqué dans le cadre de l’enquête sur le possible financement par la Libye de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.

      C’est la première fois que M. Sarkozy est entendu à ce sujet depuis qu’une information judiciaire a été ouverte en avril 2013, et confiée à plusieurs juges d’instruction du pôle financier de Paris, dont Serge Tournaire, qui a déjà renvoyé l’ancien président devant le tribunal dans l’affaire Bygmalion. Sa garde à vue peut durer quarante-huit heures. Il pourrait être présenté aux magistrats à l’issue de sa garde à vue afin d’être mis en examen.

    • Cela ne fait que 5 mois que Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais, affirmait encore avoir remis cinq millions d’euros en espèce provenant de Libye à l’ancien président français Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle de 2007.

      C’est pas du flagrant délie !


    • Avec les compliments du guide, un livre d’enquête écrit par #Fabrice_Arfi et et #Karl_Laske, deux journalistes de #Mediapart, revient sur le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par le colonel libyen Mouammar Kadhafi. En s’appuyant sur des centaines de documents et d’indices matériels, ce livre extrêmement documenté revient sur cette #affaire, inédite sous la #Ve_République. Fabrice Arfi, l’un de deux auteurs, répond aux questions de Houda Ibrahim.
      http://www.rfi.fr/emission/20171106-fabrice-arfi-mediapart-co-auteur-compliments-guide

      RFI : Dans votre livre « Avec les compliments du guide », une enquête coécrite avec Karl Laske, vous rendez plausible l’histoire du financement libyen de l’UMP en 2007 ?

      Fabrice Arfi : Oui, plus que plausible. Nous la documentons. C’est-à-dire que nous avons enquêté pendant six années, pour simplement ne pas se contenter des paroles des uns et des autres dans ce dossier, mais d’apporter des preuves d’une corruption gigantesque, à l’échelle d’une démocratie par une dictature en 2007, avec plusieurs jets d’argent sale parti de Tripoli de diverses poches de dignitaires libyens, pour arriver dans les poches de responsables politiques ou d’intermédiaires français. Et c’est cette histoire que nous avons voulu raconter - documents à l’appui - au ras du réel et que nous considérons aujourd’hui probablement comme la plus grave des affaires que la Vème République, et peut-être celles qui l’ont précédé, aient connue.

      Vous apportez des documents importants, parfois inédits, concernant cette affaire dans votre livre. Croyez-vous que ce dossier qui est d’avant la justice pourra encore évoluer ?

      Il faut bien prendre conscience que nous sommes en France dans un pays où, dans une affaire comme celle-là, qui est pourtant une affaire mondiale, absolument gigantesque, il n’y a même pas un juge d’instruction détaché à temps plein sur le dossier. Il n’y a même pas un procureur détaché à temps plein sur le dossier et il n’y a même pas un policier détaché à temps plein sur le dossier. Pourtant, parce qu’il y a des fonctionnaires qui sont courageux, indépendants, le dossier avance. Nous nous attendons à ce que la justice fasse son travail, puisque déjà en quatre ans, malgré un manque de moyens qui est absolument scandaleux pour une démocratie comme la France, elle a réussi à énormément documenter ce que nous racontons et avons commencé à raconter il y a six ans.

      Il y a les aveux des médiateurs devant les enquêteurs sur le transport des valises d’argent au ministère français de l’Intérieur, comme Ziad Takieddine, par exemple. Vous essayez également de démontrer l’existence des virements bancaires ?

      Nous démontrons que derrière l’achat de l’appartement de Claude Guéant en mars 2008, quelques semaines après la visite de Kadhafi à Paris, il y a des versements bancaires qui passent par l’Arabie saoudite, la Malaisie, et derrière lesquels se cache en réalité l’intermédiaire Alexandre Djouhri, et le gestionnaire des comptes de Béchir Saleh, avec une compensation, d’ailleurs, par l’un des fonds souverains libyens. Donc là, il y a des traces monétaires, bancaires, financières, des versements dont nous parlons. Vous évoquez par exemple, le témoignage de Ziad Takieddine. Le témoignage de Ziad Takieddine, évidemment seul, il ne suffit pas, ce témoignage. Mais il est intéressant à plusieurs égards. D’abord, parce que pour la première fois Ziad Takieddine s’auto-incrimine. Il a donné des éléments circonstanciés extrêmement précis, qui lui valent d’ailleurs aujourd’hui d’être inculpé dans ce dossier. Nous avons publié ce témoignage parce qu’il est conforté par des documents extérieurs. Par exemple, le journal intime, manuscrit de l’ancien Premier ministre et ministre du Pétrole libyen, Choukri Ghanem, qui, dès 2007 – donc quatre ans avant la guerre, il ne pouvait pas savoir que quatre ans plus tard il y aurait la guerre – consignait par écrit de sa main, et les documents sont authentifiés, les versements pour la campagne de monsieur Sarkozy. Il y a un procès-verbal de la Cour pénale internationale qui donne exactement les mêmes montants, les mêmes intermédiaires et les mêmes destinataires que dans le témoignage de Ziad Takieddine. Et puis, en aval, on a trouvé énormément d’espèces dans la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Des espèces qui n’avaient pas été déclarées aux autorités de contrôle, avec un Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur et directeur de campagne de monsieur Sarkozy, qui, le temps de la campagne présidentielle de 2007, avait loué dans le plus secret une chambre forte dans une agence bancaire à Paris, pour y dissimuler, dit-il aux policiers, des discours de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, les soupçons de financements libyens sont matérialisés par des documents. Soit par des virements bancaires, qui font des sauts de puce de paradis fiscaux en paradis fiscaux, soit par des trajectoires d’espèces.

      Vous vous posez des questions sur la nature de la mort de Kadhafi. Plusieurs témoignages que vous mentionnez indiquent l’implication des services français ?

      Evidemment, concernant la mort de Mouammar Kadhafi, il y a un certain nombre de questions aujourd’hui qui se posent, puisque personne ne sait comment précisément il est mort. On sait qu’il a été exécuté. Et tous nos interlocuteurs dans ce dossier, qu’ils aient été militaires, barbouzes, diplomates, agents des services de renseignements, nous ont dit la même chose. C’est que Kadhafi n’avait que deux façons de terminer dans cette histoire. C’était : mort ou mort. Et nous apportons des témoignages, pas des Kadhafistes, d’anti-Kadhafistes, de gens qui étaient membres du Conseil national de transition libyen, qui aujourd’hui disent que peut-être la France serait derrière l’exécution de Mouammar Kadhafi. Nous, nous disons que nous ne savons pas. Nous ne savons pas qui a tiré pour tuer Kadhafi. Mais une chose est certaine, en revanche, c’est que sur le lieu de sa mort il y avait beaucoup de forces spéciales françaises qui étaient au sol et que rien n’a été fait pour le garder vivant. Et au final, qu’on ait laissé la foule des insurgés le tuer ou que nous l’ayons abattu nous-mêmes, ça ne change rien. Il ne peut plus témoigner aujourd’hui.

      Dans le livre aussi, il y a le témoignage de l’ancien chef des services de renseignements extérieurs en Libye. Il raconte que dans ce rapport les Libyens ont constaté que c’est des agents français qui ont tué Kadhafi.

      C’est ce qu’il dit, en effet.

      #RFI

  • Toute la vérité dans un livre | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/171017/toute-la-verite-dans-un-livre?onglet=full

    N’eût été le travail acharné de Fabrice Arfi et Karl Laske, dont le premier article remonte au 28 juillet 2011 (le lire ici), lors de l’exploitation des documents Takieddine, avant même que la justice ne s’en saisisse, rien de tout cela ne serait su aujourd’hui, documenté, établi, connu et, espérons-le, débattu demain. Car, dans une démocratie authentique, ce scandale immense aurait déjà fait l’objet d’un débat public incessant. Les médias auraient tous suivi les pistes ouvertes par Mediapart, le camp politique adverse n’aurait cessé de demander des comptes, le Parlement aurait joué son rôle de contrôle du pouvoir exécutif, une commission d’enquête aurait été créée, des auditions publiques auraient été organisées, les interpellations auraient été nombreuses, etc.

  • Toute la vérité dans un livre
    https://www.mediapart.fr/journal/france/171017/toute-la-verite-dans-un-livre

    Fabrice Arfi et Karl Laske ont rassemblé dans un livre leurs six ans d’enquête sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi. C’est « l’histoire d’une haute trahison », écrivent-ils : la #Corruption d’un clan politique français par l’argent d’une dictature étrangère.

    #France #Financement_libyen #Journalisme #Mediapart #Mouammar_Kadhafi #Nicolas_Sarkozy

  • Un retour effarant sur le financement libyen de la campagne Sarkozy

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/16/retour-sur-le-financement-libyen-de-la-campagne-sarkozy_5201349_3232.html

    Les journalistes de « Mediapart » Fabrice Arfi et Karl Laske publient une synthèse serrée de six années d’enquête sur cette affaire.

    Il est difficile, en refermant le livre, d’avoir encore le moindre doute : le colonel Kadhafi a bien financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, même si l’ancien président, qui n’est pas poursuivi dans le dossier judiciaire, le conteste formellement. Lorsque les premiers éléments du financement libyen avaient été publiés, ils n’avaient soulevé qu’un intérêt poli et un peu d’incrédulité – l’affaire et la ficelle étaient un peu grosses.

    Aujourd’hui, Fabrice Arfi et Karl Laske, journalistes à Mediapart, publient Avec les compliments du Guide, une synthèse serrée de six années d’enquête. Une charge minutieuse, documentée, argumentée, qui laisse sans voix quant aux dessous nauséeux de la République : nombre de pièces du puzzle avaient déjà été publiées, mais le tableau qu’elles forment, une fois rassemblées, est effrayant.

    L’agence officielle libyenne JANA annonce, le 10 mars 2011, la révélation d’un secret qui « va entraîner la chute de Sarkozy, voire son jugement en lien avec le financement de sa campagne électorale ». Le même jour, Kadhafi assure à la télévision : « C’est moi qui ai aidé Sarkozy à prendre le pouvoir. Je lui ai donné de l’argent avant qu’il ne devienne président. » L’un de ses fils déclare ensuite à Euronews : « Tout d’abord, il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa compagne électorale. »

    Et devant une journaliste du Figaro, qui ne révélera ce passage que quatre mois plus tard, le colonel a insisté : « Nous lui avons donné le financement nécessaire pour qu’il puisse gagner les élections chez lui. » Certes, mais la guerre menace, et la parole du clan Kadhafi ne vaut déjà plus grand-chose.

    Circuits tortueux

    Plusieurs dignitaires du régime sont pourtant allés dans le même sens. Ainsi, dans son journal, l’ancien premier ministre, Choukri Ghanem, retrouvé noyé à Vienne : « Le 29 avril [2007], j’ai déjeuné chez Bachir Saleh [directeur de cabinet de Kadhafi], Al-Baghdadi [le premier ministre] était présent. Bachir a dit avoir payé 1,5 million d’euros à Sarkozy ; quant à Saïf [le fils de Kadhafi], il lui a envoyé 3 millions d’euros. Il semblerait que les émissaires aient empoché une partie des sommes avant de les remettre à destination. Abdallah Senoussi [beau-frère de Kadhafi] lui a également envoyé 2 millions d’euros. »

    Il semble qu’il n’ait pas tort : les intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri ont copieusement profité de la manne ; l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Boris Boillon, a été contrôlé gare du Nord, en 2013, avec 350 000 euros et 40 000 dollars ; Claude Guéant, l’ancien secrétaire général de l’Elysée, peine à justifier le demi-million d’euros perçu par l’intermédiaire de circuits panaméens tortueux ; l’ancien premier ministre Dominique de Villepin a touché la même somme, par les mêmes circuits, affirment les auteurs.

    Baghdadi a confirmé, en 2011, devant la cour d’appel de Tunis, qu’il avait lui-même « supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli ». Senoussi, devant la Cour pénale internationale en 2012, assure s’être occupé du versement de 5 millions d’euros « au directeur de cabinet du ministre de l’intérieur », Claude Guéant, par l’intermédiaire de Ziad Takieddine.

    Takieddine l’a avoué en 2016, « il s’agissait de billets en euros, neufs, des liasses de 500 euros, et quelques liasses de 200 euros. Les billets étaient enveloppés dans du film plastique ». Trois voyages, en 2006 et 2007, jusqu’au bureau de Guéant, le dernier en présence de Nicolas Sarkozy – qui juge « honteuses » les déclarations de l’intermédiaire. Le même Takieddine se fait bêtement pincer, en mars 2011, au Bourget avec 1,5 million d’euros en liquide.

    Mediapart a par ailleurs publié une note à en-tête du régime, datée du 9 décembre 2006, qui donne un accord de principe pour verser 50 millions d’euros « en soutien » à la campagne de Nicolas Sarkozy. Elle est signée de Moussa Koussa, le chef des services secrets. Après quatre ans d’expertises, la justice française a estimé que la note, très contestée, n’avait pas été « fabriquée par montage », ni « altérée ». Sur les 50 millions promis, 20 auraient été « donnés directement à Boris Boillon et à Claude Guéant » en espèces, selon un ancien cadre libyen qui a témoigné sous X devant les policiers.

    « Pourquoi mentir ou nier ? »

    Enfin, Mohammed Ismail, un proche de Kadhafi, a mis les enquêteurs sur la piste des circuits offshore : la société Rossfield Ltd de Takieddine, immatriculée aux îles Vierges britanniques et alimentée par la Libye, a transféré des fonds à la Deutsche Bank de Francfort en passant par l’Intercontinental Bank du Liban. L’ex-premier président de la Libye post-Kadhafi, Mohamed Al-Megarief, a lui même écrit dans ses Mémoires : « Pourquoi mentir ou le nier ? Oui, Kadhafi a financé la campagne électorale de Nicolas Sarkozy et a continué à le financer encore après 2007. » Le passage du manuscrit a été expurgé dans la version publiée.

    « Je ne veux être complice d’aucune dictature dans le monde », déclarait, le 14 janvier 2007, le candidat Sarkozy. Douze jours après sa prise de fonctions, le nouveau président téléphonait au dictateur libyen et lui disait : « Je garde un magnifique souvenir de la qualité des analyses que j’ai entendues de vous » et « Je compte sur votre prière, monsieur le Guide ». Avec la vague des « printemps arabes » de 2011, c’est pourtant la France qui prend l’initiative de la guerre contre « la malheureuse Libye », selon les mots du président français. Elle « a souffert pendant des décennies d’un des dictateurs les plus cruels qu’on ait jamais connus ».

    Mouammar Kadhafi est lynché par la foule le 20 octobre 2011, mais en sort vivant. Qui l’a tué ? Le premier ministre François Fillon a fait part d’une discussion orageuse avec Vladimir Poutine, qui accuse la France d’avoir liquidé le colonel. « Même si ce n’est pas nous qui avons appuyé sur la gâchette, l’honnêteté m’oblige à dire que ses arguments n’étaient pas tous fallacieux. » Nicolas Sarkozy n’a pas répondu aux soixante questions envoyées par les auteurs du livre.

  • Un deuxième droit de réponse d’Hervé Gattegno
    https://www.mediapart.fr/journal/france/161216/un-deuxieme-droit-de-reponse-dherve-gattegno

    Nous avons reçu un deuxième droit de réponse du journaliste Hervé Gattegno prolongeant le premier qu’il nous avait adressé à propos de l’article de Fabrice Arfi et Karl Laske « Comment Djouhri manœuvre la presse pour étouffer l’affaire libyenne ». Nous le publions intégralement.

    #France #kadhafi #libye #Sarkozy

  • Un droit de réponse d’Hervé Gattegno
    https://www.mediapart.fr/journal/france/251116/un-droit-de-reponse-dherve-gattegno

    Nous avons reçu un droit de réponse du journaliste #Hervé_Gattegno à propos de l’article de Fabrice Arfi et Karl Laske « Comment Djouhri manœuvre la presse pour étouffer l’affaire libyenne ». Nous le publions intégralement, suivi d’un commentaire d’Edwy Plenel.

    #France #alexandre_djouhri #kadhafi #libye #Mediapart #Sarkozy

  • #Lactalis : les secrets de l’empire du lait
    https://www.mediapart.fr/journal/france/230816/lactalis-les-secrets-de-lempire-du-lait

    À l’appel de la #FNSEA, les producteurs de lait ont engagé lundi leur mobilisation à #Laval, devant le siège social de l’industriel, numéro un mondial des produits laitiers, qui s’entête à faire baisser le #prix_du_lait. Mediapart détaille les avantages fiscaux hors norme obtenus par le groupe d’Emmanuel Besnier, son opacité financière, et ses méthodes de négociation.

    #France #Emmanuel_Besnier #manifestations #Xavier_Beulin

    • Suffit de demander gentiment.

      –—

      Lactalis : les secrets de l’empire du lait
      23 août 2016 | Par Karl Laske

      À l’appel de la FNSEA, les producteurs de lait ont engagé lundi leur mobilisation à Laval, devant le siège social de l’industriel, numéro un mondial des produits laitiers, qui s’entête à faire baisser le prix du lait. Mediapart détaille les avantages fiscaux hors norme obtenus par le groupe d’Emmanuel Besnier, son opacité financière, et ses méthodes de négociation.

      Cette fois, pour la discrétion, c’est raté. Depuis lundi soir, le groupe Lactalis, l’un des industriels les plus secrets de l’Hexagone, est confronté à un événement hors norme : l’occupation par les producteurs de lait, à l’entrée de Laval, du rond-point du « zoom », fermant l’accès à son usine. L’appel a été lancé par la fédération de Mayenne de la FNSEA puis, poussé par la base, il a été relayé par les fédérations de l’Ouest et la FNSEA nationale sous le hashtag #TousALaval, et devrait se poursuivre jusqu’à jeudi. Depuis trois ans, la multinationale, numéro un mondial des produits laitiers, a gagné la place du plus mauvais payeur dans le peloton de tête des industriels laitiers. Et les producteurs – ils sont onze mille à “servir“ Lactalis – veulent dire stop.

      Selon ses dernières payes de lait du mois de juillet, Lactalis ne paye plus la tonne de lait que 254 euros, soit cent euros environ en dessous des coûts de production. En indexant ses prix à ceux du marché mondial, en chute libre, l’industriel de Laval fait des marges considérables sur le marché français des produits laitiers, et cela alors que le revenu des éleveurs, lui, a été divisé par deux – il est négatif en 2015 pour un quart d’entre eux. « Il faut que les consommateurs sachent que lorsqu’ils achètent les produits Lactalis, ils enrichissent Emmanuel Besnier [le PDG de Lactalis – ndlr], mais ils appauvrissent les producteurs, explique un syndicaliste. Il faut absolument qu’ils achètent d’autres produits, ce n’est plus tenable. »

      Devant le rond-point du “Zoom” et le siège du groupe Lactalis, à Laval © @fdsea53 Devant le rond-point du “Zoom” et le siège du groupe Lactalis, à Laval © @fdsea53

      En février, une cinquantaine d’agriculteurs de la Confédération paysanne avaient mené une opération coup de poing chez Lactalis à Rodez (Aveyron), s’emparant de cartons de fromage pour les distribuer en ville. Une action sporadique, qui avait provoqué le dépôt de plainte de l’industriel. Cette fois, la Conf’ reste en retrait, ainsi que la Coordination rurale et l’association des producteurs de lait indépendants (Apli), et la FNSEA seule est entrée en action. Le 4 août, son président très libéral Xavier Beulin avait demandé à la surprise générale un rendez-vous avec Emmanuel Besnier, « dans les meilleurs délais ». « Les industriels ont besoin de visibilité et de stabilité, a-t-il tenté d’expliquer, pas seulement d’un approvisionnement au plus bas prix. » L’industriel n’a pas fermé la porte à Beulin, et ce rendez-vous prévu d’ici la fin de semaine pourrait être une sortie de crise programmée entre lui et le syndicat.

      Dans un communiqué diffusé jeudi, l’industriel a néanmoins « condamné les actions » du syndicat majoritaire, en dénonçant « un discours irresponsable » qui conteste « la réalité du marché » et s’en prend « à une entreprise en particulier ». En réalité, c’est le groupe Lactalis qui se distingue par des pratiques sociales d’un autre âge, des méthodes illégales sur le marché et une opacité financière revendiquée, et ce alors qu’il a bénéficié d’un joli coup de pouce fiscal, en 2003, lors de la succession de Michel Besnier, le père d’Emmanuel.

      Les actuels actionnaires ont obtenu l’étalement du paiement de leurs droits de succession : 119 millions d’euros sur 14 ans, jusqu’en 2017

      Malgré son chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, Lactalis reste une société familiale, non cotée, propriété de la famille Besnier à travers des holdings domiciliées à Paris. Emmanuel Besnier a pris la direction de l’entreprise en 2000, après le décès de son père Michel qui avait repris, en 1955, la fromagerie fondée par son père André, en 1933. La disparition de Michel Besnier est soudaine, aussi les pouvoirs publics se plient en quatre pour sanctuariser le groupe et faciliter la succession. En 2007, lors de la création de deux holdings – Jema 1 et Jema 2 –, les héritiers Emmanuel, Jean-Michel et Marie – apporteurs chacun de 502 millions d’euros au sein de Besnier SA (BSA) – exposent avoir bénéficié d’un paiement différé et fractionné de leurs droits de succession, qui se sont élevés à 119 483 117 euros.

      Document établi et signé le 5 septembre 2007 par Jean-Michel, Emmanuel et Marie Besnier. © DR Document établi et signé le 5 septembre 2007 par Jean-Michel, Emmanuel et Marie Besnier. © DR

      L’accord fiscal a été scellé en 2003, sous l’autorité du ministre du budget Alain Lambert et du président Jacques Chirac, seul homme politique à apparaître en photo dans le livre de mémoires du groupe. Comme on peut le lire ci-dessus, les héritiers s’engagent à conserver leurs parts sociales jusqu’à la dernière échéance du paiement de leurs droits de succession en 2017. Mais il y a peu de risques qu’ils brisent l’harmonie familiale l’an prochain.
      Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire

      Première bénéficiaire de la croissance exponentielle du groupe depuis 2000, la fratrie Besnier s’est propulsée parmi les plus grandes fortunes mondiales : Forbes la positionne à la 8e place française et au 151e rang mondial, avec 8,4 milliards de dollars. En 2014, Marie Besnier apparaissait à la 12e place des milliardaires de moins de 40 ans – avec une fortune estimée à 2,7 milliards. Les héritiers se veulent discrets : il n’y a pas d’images de Marie ni de Jean-Michel, et un seul cliché d’Emmanuel (utilisé par Forbes, ci-dessous).

      Le classement Forbes place la famille Besnier au 8ème rang français, quand Challenges les positionne à la 13 ème place. © DR Le classement Forbes place la famille Besnier au 8ème rang français, quand Challenges les positionne à la 13 ème place. © DR

      Pour des raisons fiscales, Lactalis, qui ne publie pas ses comptes, fait migrer une partie de ses avoirs en Belgique

      Alors qu’il se lance dans une campagne de rachat d’entreprises à l’étranger, Besnier SA (BSA) installe sa filiale – et bras armé – BSA international à Ixelles, en Belgique. Le capital de cette entité, qui détient une soixantaine de filiales étrangères, est passé de 100 millions d’euros en 2005 à 2,1 milliards d’euros en 2014… Son objectif étant de profiter d’une disposition fiscale belge – « les intérêts notionnels » – qui réduit la base imposable d’une société selon le niveau de ses fonds propres. Ainsi, alors que le résultat net cumulé de la filiale, en 2004-2014, s’est élevé à 268 millions d’euros, BSA international n’a versé que 7,23 millions au fisc belge sur la même période. Rien d’illégal, soutient à juste titre le groupe.

      L’aîné de la fratrie, Jean-Michel, s’est quant à lui fait fort de contester durant dix ans l’imposition de sa société, le groupement forestier des grandes loges. Une propriété dans l’Orne, créé avec son père, de 1 600 hectares de forêt d’un seul tenant, dédiée à la chasse. Propriétaire d’un « pavillon de chasse » disposant d’une cave à vin, d’une chambre froide et « d’une salle de découpe du gibier avec rail de manutention », le groupement forestier – dont le capital s’élève à 16,5 millions euros – organisait une dizaine de journées de chasse moyennant une participation annuelle, et revendait « la majeure partie du gibier tiré lors des chasses à des grossistes »… En 2012, la cour d’appel de Versailles a finalement condamné le milliardaire, qui contestait l’activité commerciale de sa chasse. La justice a ainsi conclu qu’il avait été redressé à juste titre.

      En revanche, Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire. Or depuis le début de la crise laitière, la transparence est devenu un enjeu crucial des négociations entre producteurs, industriels et distributeurs. L’an dernier, les industriels n’avaient pas répercuté la baisse de leurs prix d’achat du lait sur leurs tarifs aux distributeurs, laissant deviner des marges importantes. L’un des dispositifs du projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence vise précisément à enjoindre les industriels à la publication de leurs comptes, sous l’astreinte d’acquitter 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France.

      Lactalis a récemment été mis en cause à deux reprises pour « entente » sur les prix avec certains de ses concurrents

      En 2015, deux “cartels” d’industriels laitiers ont été mis au jour en France et en Espagne, visant à s’entendre, l’un sur les prix de vente des produits laitiers frais à la grande distribution, l’autre sur le prix d’achat du lait aux producteurs en Espagne. Et dans les deux cas, le numéro un mondial Lactalis en était partie prenante. Ces deux affaires ne sont pas de nature à rassurer les producteurs.

      Les marques du groupe Lactalis Les marques du groupe Lactalis
      Le groupe lavallois a été condamné le 26 février 2015 par l’autorité espagnole de la concurrence, la Comisión Nacional de Mercados y la Competencia (CNMC), à une amende de 11,6 millions d’euros, puis le 12 mars 2015 à une amende de 60,1 millions d’euros par l’Autorité française. En France, Lactalis ne « conteste pas les griefs notifiés » mais fait appel. En effet, le groupe estime que l’Autorité « n’a pas fait une juste appréciation du contexte économique » et a « surévalué de façon manifeste la gravité des faits et leur impact sur l’économie »…

      La gravité de la fraude et son « ampleur nationale » sont au contraire soulignées dans l’affaire française. « La pratique concertée et les accords en cause ont permis aux principales entreprises du secteur de pratiquer des niveaux de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une concurrence non faussée », juge l’autorité. Concrètement, des réunions secrètes, tenues de 2002 à 2012, visaient à truquer les appels d’offres lancés par les grandes surfaces, à se répartir les clients et les volumes, ainsi qu’à s’entendre sur les prix.
      « Le partage de la valeur ajoutée est une idée trotskyste qui n’est pas dans l’ADN de Lactalis »

      « Le centre de gravité de l’entente était constitué des quatre leaders du secteur : Yoplait, Novandie, Lactalis et Senoble, a résumé l’Autorité de la concurrence – dont l’avis intégral est en ligne ici. Les réunions avaient lieu le plus souvent dans des hôtels réservés à tour de rôle par les participants. Les lieux changeaient à chaque fois pour des raisons de discrétion. Les contacts téléphoniques se faisaient notamment à partir de téléphones portables secrets dédiés à l’entente. Un “carnet secret” de l’entente était tenu par le représentant de Yoplait, de façon à consigner toutes les décisions prises lors de ces différents échanges. »

      Le cas espagnol a attiré l’attention des syndicats de producteurs, car ce cartel visait à « adopter une stratégie commune pour contrôler le marché d’approvisionnement en lait cru du marché ». Et les industriels ont cette fois mis en œuvre « des accords concrets pour coordonner les prix d’achat du lait, et le transfert d’éleveurs entre industriels » entre 2003 et 2011. Cette entente concernait les prix payés aux producteurs, et aussi des transferts d’un industriel à l’autre, par exemple pour simplifier les tournées de collecte.

      Ces deux condamnations dans des affaires d’entente sont un coup dur pour l’industriel, déjà définitivement condamné en novembre 2008 pour « falsification de denrées alimentaires » à l’issue d’une enquête sur le mouillage du lait. Selon les juges, 37 millions de litres de perméat liquide ou en poudre additionnés d’eaux blanches avaient été mélangés à 682 millions de litres de lait de consommation. Le groupe prétendait qu’il « standardisait » son lait pour lui donner une teneur à peu près égale en protéines en France.Il y ajoutait du perméat – un sous-produit liquide à faible teneur en protéines obtenu par microfiltration. Une manipulation totalement interdite par la réglementation.

      Selon les juges, Lactalis avait ainsi augmenté de 5,48 % son volume de lait, à un prix avantageux. Le perméat ne coûtait que 21 centimes au litre, au lieu de 2,20 francs le litre de lait payé au producteur. Dans cette affaire, Marcel Urion, l’ancien directeur général et président du directoire du groupe jusqu’en 2003, écope de six mois de prison avec sursis. Plutôt qu’admettre la fraude, Lactalis a accusé jusqu’au bout la réglementation.

      Une action des jeunes agriculteurs (JA) visant à vérifier l’origine des produits, en février dernier à Quimper. © DR Une action des jeunes agriculteurs (JA) visant à vérifier l’origine des produits, en février dernier à Quimper. © DR

      La multinationale du lait tient à distance les producteurs, et rejette toutes les velléités de négociations

      La négociation n’est pas dans sa culture. Il faut rappeler que le groupe de Michel Besnier avait fait appel en février 1982 à un commando de parachutistes pour évacuer la fromagerie Claudel-Roustang, à Isigny Sainte-Mère, occupée par ses salariés grévistes. Les paras recrutés par une officine d’extrême droite bloquent les entrées de la ville, séquestrent les grévistes, tout en évacuant 750 000 camemberts – ce qui vaudra au secrétaire général du groupe, lui-même ancien parachutiste, une condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis.

      Sans aller désormais jusqu’à cet extrême, Lactalis se fait fort de ne pas négocier avec les organisations de producteurs ou les syndicats. Faisant le bilan des prix accordés aux éleveurs en 2012 et 2013, l’Organisation de producteurs de Normandie et du Centre (OPNC), fédérant 500 producteurs, a décidé de porter plainte contre Lactalis pour non-respect du contrat. Le médiateur ouvre une négociation, qui se termine par le retrait de la plainte, et la promesse d’une renégociation du contrat, qui n’aura pas lieu. « Lactalis fixe les prix et aménage les règles en fonction de son bon vouloir, raconte Guislain de Viron, l’un des responsables de l’OPNC. Et le souci, c’est qu’ils veulent acheter le lait le moins cher possible. En 2012, il manquait en moyenne 8 000 euros par exploitation. »

      Le prix se calcule à partir d’une formule en partie indexée sur le marché mondial. Les producteurs réclament, sans être entendus, qu’on y intègre les coûts de production, et qu’on tienne compte des prix du marché intérieur. Mais les industriels font les calculs qui les arrangent. Ainsi, sur la paye de lait de juillet, Lactalis a fixé unilatéralement un prix à 232 euros la tonne, augmenté de 30 euros en « soutien », mais diminué d’une « flexibilité additionnelle » de 9 euros. Aucun contrôle n’est possible.

      « Il faut qu’il y ait une juste répartition de la marge, plaide Ghislain de Viron. Mais Lactalis n’a pas voulu négocier. Lors d’une réunion, Serge Molly, le directeur des approvisionnements de Lactalis, nous a dit que le partage de la valeur ajoutée était “une idée trotskyste, socialo-communiste”, et qu’elle n’est pas “dans l’ADN du groupe Lactalis”. » On avait cru le comprendre.

  • Financement libyen : Mediapart gagne une manche judiciaire contre Sarkozy
    https://www.crashdebug.fr:443/actualites-france/11865-financement-libyen-mediapart-gagne-une-manche-judiciaire-contre

    Après quatre ans de procédure, les juges viennent de rendre une ordonnance de non-lieu dans l’affaire qui opposait Nicolas Sarkozy et Mediapart au sujet de l’authenticité d’un document libyen en rapport avec les soupçons de financement de la campagne présidentielle de 2007 de l’ancien président de la république.

    Update 04.06.2016 : IMPORTANT : Plus largement, demandez-vous pourquoi ce documentaire n’est pas indexé par Google alors qu’il l’est sous (entre autres) Bing... : Le jeu de l’argent

    Nicolas Sarkozy, le 12 décembre 2007, accueillant Mouammar Kadhafi à l’Elysée. - S. Frederic /Chesnot/Sipa

    Edwy Plenel n’est pas peu fier. Après quatre ans de procédure, la justice vient de rendre un non-lieu dans l’affaire qui opposait son média à Nicolas Sarkozy. Le 28 avril 2012, Fabrice Arfi et Karl Laske (...)

  • Financement libyen : Mediapart gagne une manche judiciaire contre Sarkozy
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/11865-financement-libyen-mediapart-gagne-une-manche-judiciaire-contre-sar

    Après quatre ans de procédure, les juges viennent de rendre une ordonnance de non-lieu dans l’affaire qui opposait Nicolas Sarkozy et Mediapart au sujet de l’authenticité d’un document libyen en rapport avec les soupçons de financement de la campagne présidentielle de 2007 de l’ancien président de la république.

    Nicolas Sarkozy, le 12 décembre 2007, accueillant Mouammar Kadhafi à l’Elysée. - S. Frederic /Chesnot/Sipa

    Edwy Plenel n’est pas peu fier. Après quatre ans de procédure, la justice vient de rendre un non-lieu dans l’affaire qui opposait son média à Nicolas Sarkozy. Le 28 avril 2012, Fabrice Arfi et Karl Laske publiaient un article intitulait « Sarkozy-Kadhafi : la preuve du financement » dans lequel les deux journalistes révélaient l’existence d’un document daté de 2006 et signé de la main (...)

  • Comment #Sarkozy et #Djouhri ont exfiltré de #Libye leur « ami commun » -
    http://www.mediapart.fr/journal/international/230915/comment-sarkozy-et-djouhri-ont-exfiltre-de-libye-leur-ami-commun

    Comment Sarkozy et Djouhri ont exfiltré de Libye leur « ami commun »

    23 septembre 2015 | Par Fabrice Arfi et Karl Laske

    Des notes de la DGSE obtenues par Mediapart retracent l’épisode de la défection de #Bachir_Saleh, le directeur de cabinet de Mouammar #Kadhafi, lors de la chute du régime libyen en 2011. L’homme clé des financements occultes demande aux agents français l’aide de l’homme d’affaires Alexandre Djouhri. Ce dernier a récemment été perquisitionné par le juge Tournaire dans l’affaire des financements libyens.

    C’était un épisode encore très secret de la guerre de Libye. Comment s’est déroulée la défection de Bachir Saleh, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi et homme clé des financements occultes du régime libyen ? Les juges parisiens René Cros et Emmanuelle Legrand ont involontairement éventé le secret en obtenant, le 5 mai 2015, la déclassification de notes établies par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

    Les magistrats voulaient vérifier la position prise par la DGSE sur l’authenticité d’un document libyen publié par Mediapart en avril 2012, concernant la mise en place d’un financement occulte à l’occasion de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Deux notes leur ont été communiquées – du 30 avril et du 27 novembre 2012 – qui mentionnent cette publication. Elles sont factuelles : l’authenticité du document n’y est pas mise en doute un instant.

    Par ailleurs, douze autres notes, rédigées entre le 6 mai et le 16 novembre 2011, retracent le déroulement et la prise en charge par la France du départ de Bachir Saleh, également ancien président du fonds souverain Libya Africa Portfolio for Investment (LAP), du territoire libyen et des conditions qu’il a posées.

    Selon l’un des rapports de la DGSE, daté du 25 août 2011, l’ancien homme de confiance de Kadhafi demande notamment à l’ambassadeur de France à Tripoli « d’entrer en contact avec Eskander Djouhri, ami commun de Nicolas Sarkozy et de BS [Bachir Saleh ­­– ndlr] afin de lui demander de téléphoner au président français pour le rassurer sur son sort ».

    L’homme en question est Alexandre Djouhri, alias “Eskander” dans les notes de la DGSE. Il a été, dès 2007, l’un des pivots des relations secrètes de l’équipe Sarkozy auprès des autorités libyennes, à travers Saleh justement. Son rival historique, Ziad Takieddine, avait joué le même rôle entre 2005 et 2007, de manière peut-être plus décisive, via un autre officiel, Abdallah Senoussi, beau-frère du “Guide” et patron des services spéciaux extérieurs (voir notre dossier).

    [...]

    La boucle semblait donc bouclée pour l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi. Il allait pouvoir rester quelques mois en France. Jusqu’à ce que Mediapart publie, en avril 2012, une note libyenne sur le financement de la campagne de Sarkozy, provoquant son départ en catastrophe de la capitale. Un départ organisé par Alexandre Djouhri, avec le soutien du patron de la DGSI d’alors, Bernard Squarcini, alors que Saleh était sous le coup d’un mandat d’arrêt d’Interpol (voir ici).

    Reconverti dans le conseil, l’ancien ambassadeur Boris Boillon sera pour sa part intercepté par les douaniers, le 31 juillet 2013, gare du Nord à Paris, porteur d’un sac contenant 350 000 euros et 40 000 dollars en espèces, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Bruxelles à bord d’un Thalys. L’enquête se poursuit sur l’origine de ces sommes, que l’ancien diplomate avait « enterrées » dans sa cave.

  • #Attentats de Paris : l’énigme des #armes de #Coulibaly - Page 1 | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/france/100915/attentats-de-paris-lenigme-des-armes-de-coulibaly

    C’est un trou noir dans l’enquête sur les attentats de Paris. Une information centrale qui s’est perdue. Selon des documents obtenus par Mediapart, les policiers chargés de l’enquête sur les attentats de Paris ont obtenu, dès le 14 janvier, l’identification de l’arsenal d’Amedy Coulibaly par les autorités slovaques. Mais ils n’en ont rien fait. Le renseignement slovaque qui incrimine un ancien militaire d’#extrême_droite lillois, Claude #Hermant, soupçonné de trafics d’armes démilitarisées dans le cadre d’une enquête ouverte à Lille, ne provoque aucune vérification des juges antiterroristes parisiens Laurence Le Vert, Nathalie Poux et Christophe Tessier.

    Cinq armes sont listées, avec leurs numéros de séries, appartenant à l’arsenal de Coulibaly. Figurent aussi le nom et l’adresse de l’acheteur, la société Seth Outdoor, sise à Haubourdin dans la métropole lilloise, et leurs dates d’achat, les 19 septembre et 15 novembre 2014. Aujourd’hui encore, questionné par Mediapart, le parquet de Paris a indiqué « qu’en l’état, il n’y a pas de lien entre le protagoniste du dossier lillois, Claude Hermant, et Coulibaly ». Malgré les éléments matériels qu’elle détient, la justice maintient la fiction d’une étanchéité entre le dossier de l’ancien militaire, par ailleurs animateur de l’extrême droite identitaire lilloise, et les attentats de Coulibaly.
    Amedy Coulibaly revendiquant ses attaques sur une vidéo posthume.Amedy Coulibaly revendiquant ses attaques sur une vidéo posthume. © DR

    L’enquête ouverte à Lille s’est pourtant brusquement accélérée, le 20 janvier, sans prendre en considération – au moins officiellement – les attentats de Paris. Claude Hermant a été placé en garde à vue, perquisitionné puis mis en examen le 23 janvier pour « trafic d’armes en bande organisée ». L’ancien militaire a mis en cause trois fonctionnaires – un des douanes et deux gendarmes – dont il a été l’informateur au moment des achats d’armes litigieux. L’un des gendarmes ayant soulevé le caractère secret de ses missions, les juges lillois Stanislas Sandraps et Richard Foltzer, ont saisi, le 10 avril 2015, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve d’une demande de déclassification. Contre toute attente, dans un dossier aussi sensible, le ministre a choisi d’opposer le #secret_défense aux investigations.
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    Bernard Cazeneuve a demandé l’avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), le 1er juin, qui a émis le 18 juin un avis défavorable à la déclassification. C’est désormais un grand secret. Questionné par Mediapart, Bernard Cazeneuve a indiqué s’être conformé à l’avis de la CCSDN. « Rien dans cette demande des juges lillois ne faisait état de M. Coulibaly, a fait savoir le ministre. Nous n’avons donc par définition aucun élément qui nous permette de déterminer qu’il y a ou pas lien [entre les deux affaires – ndlr]. »

    Les mis en cause, Hermant, sa compagne et un proche, n’ont jamais été interrogés sur d’éventuels contacts, directs ou indirects, avec Amedy Coulibaly ou ses complices. Seule la presse locale s’est fait l’écho, début mai, d’une « hypothèse » puis d’une « piste sérieuse » reliant les deux affaires. L’ancien militaire a confirmé son négoce d’armes neutralisées, mais il a indiqué n’avoir jamais opéré de remise en état de ce matériel. L’entreprise Seth Outdoor, immatriculée au tribunal de commerce de Lille en février 2013, a pour objet « la vente à distance sur catalogue spécialisé » et « la location de matériel de paint ball ».

    Quel secret d’État peut donc justifier la décision de Bernard Cazeneuve, et l’avis de la CCSDN, de ne pas déclassifier les éléments recueillis par les juges parisiens ? La réponse est à trouver dans la mise en cause des gendarmes et d’un douanier, dont Claude Hermant a révélé être l’informateur, dûment répertoriés par leurs services. Le quotidien La Voix du Nord a dévoilé, courant mai, plusieurs courriels prouvant les échanges de l’ancien militaire avec deux gendarmes de la section de recherche (SR) de Villeneuve-d’Ascq. Des lieux de rendez-vous, des numéros d’immatriculation de voiture auraient été communiqués par Hermant aux fonctionnaires afin qu’ils remontent ces filières.
    Claude HermantClaude Hermant © DR

    Contacté par la PJ dès janvier, l’un des gendarmes mis en cause, l’adjudant-chef Laurent B., n’avait pas déféré à sa convocation. Il a finalement été entendu comme témoin en mai. Un douanier en contact avec Hermant, rattaché à l’antenne lilloise de la DNRED (Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières), a en revanche été mis en examen pour « acquisition et détention » d’une ou plusieurs armes de catégorie A – armes à feu de défense ou armes de guerre dont la détention est interdite sauf autorisation.

  • Crimea, Russian loans and the Le Pens: the Kremlin’s intriguing SMS messages | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/france/040415/crimea-russian-loans-and-le-pens-kremlins-intriguing-sms-messages

    Secret text messages hacked from a senior official at the Kremlin highlight an intriguing coincidence between the Front National’s support for the annexation of Crimea and the payment in subsequent months of 11 million euros in Russian bank loans to its president Marine Le Pen and her father Jean-Marie for party funding. SMS messages between two Russians refer to Marine Le Pen’s recognition of the results of the Crimean referendum on March 17th, 2014, and the fact that she should be “thanked” in some way for it. The following month Jean-Marie Le Pen’s micro party received a 2-million-euro loan from the offshoot of a Russian state bank subsidiary, while in September 2014 the Front National borrowed 9 million euros from the Moscow-based First Czech Russian Bank. Marine Le Pen has dismissed any link between the party’s policy on Crimea and the loans. Agathe Duparc, Karl Laske and Marine Turchi investigate.

    Le reste derrière #paywall

    • Pardon Médiapart. suite (fr)

      La présidente du Front national est mentionnée à plusieurs reprises dans les textos d’un responsable du Kremlin révélés mardi. Rendus publics par un groupe de hackers russes, ces messages datés de mars 2014 évoquent des contacts entre les Russes et le Front national pour obtenir une prise de position officielle du parti d’extrême droite en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie. Ils font aussi état de discussions financières.

      Le 17 mars, Marine Le Pen prend effectivement position sur le sujet et son conseiller international se rend en Crimée en qualité d’« observateur ». Selon les documents hackés, les Russes ne cachent pas leur satisfaction et envisagent comment « d’une manière ou d’une autre remercier les Français ». Dans les mois qui suivent, Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen obtiennent tous deux des prêts russes pour leur financement politique à hauteur de 11 millions d’euros.
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      En février, les « Anonymous International » ont annoncé sur leur site Shaltaï Baltai avoir lancé une attaque contre Timur Prokopenko, chef-adjoint du département de politique intérieur au Kremlin. Ce jeune homme, ancien du mouvement pro-poutinien « Molodoya Gvardia » (la branche junior de Edinaïa Rossia, le parti de Vladimir Poutine), était de l’automne 2012 à décembre 2014 en charge des médias et d’Internet, travaillant sous les ordres de Viatcheslav Volodine, chef-adjoint de l’administration présidentielle russe. Son portable et sa boîte e-mail ont été hackés, et une partie de leur contenu publié. Les fuites portent sur la période 2011-2014.

      Le 5 février 2015, sous le titre « Trois ans de la vie au sein d’un département politique de l’administration présidentielle : provocations, articles commandités, contrôle sur les médias et autres », 9 500 courriels ont été rendus publics, sans que le principal intéressé, Timur Prokopenko, ne réagisse ni ne démente. Lancé en décembre 2013, le site Shaltaï Baltaï est à l’origine de nombreuses révélations. Si le groupe de hackers fait parfois payer ses services, instrumentalisé par les uns et les autres, le sérieux des documents et photos publiés n’a jamais été mis en cause.
      Timur ProkopenkoTimur Prokopenko © DR

      Dans les courriels de M. Prokopenko, on découvre la manière dont le Kremlin met toutes ses forces pour reprendre le contrôle d’Internet et des réseaux sociaux. Comment les activités du blogueur Alexeï Navalny, devenu l’une des principales figures de l’opposition en Russie, sont en particulier suivies pas à pas. Comment la pression est mise pour discréditer tel ou tel site d’opposition, bloquer certains accès, s’acheter la connivence de certains journalistes. Prenant très au sérieux ces révélations, le journal en ligne Meduza en a fait un long un résumé.

      Le 31 mars, Shaltaï Boltaï a publié une seconde salve de fuites. Il s’agit cette fois-ci de 40 000 SMS échangés, toujours entre 2011 et 2014. C’est là que l’on trouve les passages concernant Marine Le Pen. L’authenticité des textos ne semble pas mise en doute. L’un des interlocuteurs de Timur Prokopenko, le directeur du journal et de la télévision RBK Nikolaï Molibog, a déjà confirmé sur sa page Facebook que ces échanges avaient bien eu lieu. Plusieurs médias ont repris cette information, se demandant qui serait le prochain visé par les KremlinLeaks.

      Dans la masse de e-mails piratés, le Front national, son soutien à la Russie sont mentionnés à 66 reprises, mais ce sont surtout trois échanges de textos qui intriguent (lire notre traduction sous l’onglet "Prolonger"). Ils ont été écrits en mars 2014, alors que le référendum pour le rattachement de la Crimée à la Russie se préparait activement (il s’est tenu le 16 mars). L’interlocuteur de Timur Prokopenko est un certain « Kostia ». Selon les « Anonymous International », il s’agit de Konstantin Rykov, l’un des plus actifs blogueurs, utilisateur de twitter et concepteur de sites Internet pro-Poutine. Il a été député de la Douma d’État pour le parti Edinaïa Rossia de 2007 à 2012.

      Premier échange

      Le 10 mars 2014, Timur Prokopenko écrit à « Kostia ». Il lui demande s’il peut faire venir Marine Le Pen en Crimée, « comme observatrice » du référendum qui doit se tenir six jours plus tard. « On en a extrêmement besoin. J’ai dit à mon chef que tu étais en contact avec elle ???? », lui écrit Prokopenko. « Oui j’essaye de savoir demain », répond « Kostia ».

      Deuxième échange

      Le lendemain, Prokopenko relance « Kostia », qui revient avec de bonnes nouvelles :
      – 15h17 : Kostia, réponds.
      – 15h20 : À propos de Marine. C’est la campagne électorale pour les municipales. Elle est en tournée. Aujourd’hui ou demain, le Front national prendra officiellement position sur la Crimée. On saura alors si elle est prête (ce qui est peu probable) à venir en Crimée ou si l’un de ses adjoints viendra.. J’aurai des détails ce soir..
      – 15h22 : Oh ! c’est super. On peut les convaincre..
      – 15h22 : À propos des financements non.
      – 15h23 : Merci beaucoup, le ministère des affaires étrangères va encore discuter avec elle.
      – 15h23 : Elle a parlé à Philippo (Florian Philippot, vice-président du FN - ndlr). Il réfléchit )))
      – 15h23 : Quelqu’un du fonds t’a contacté sur les financements ?
      – 15h24 : Oui le vice-ministre des affaires étrangères lui téléphonera.
      – 15h25 : Nous avons aussi le soutien des Danois, mais je ne peux pas m’expliquer avec eux. Je ne parle pas leur langue ;(

      Troisième échange

      Le 17 mars, nouvel échange de textos entre les deux hommes :
      – 15h49 : Marine Le Pen a officiellement reconnu les résultats du référendum en Crimée !
      – 15h51 : Elle n’a pas trahi nos attentes ;)
      – 15h57 : Il faudra d’une manière ou d’une autre remercier les Français.. C’est important.
      – 16h09 : Oui, super !

      « Je pense que c’est Aymeric Chauprade qui s’est engagé »

      Ce 17 mars, Marine Le Pen, en déplacement à Saint-Gilles (Gard) pour les municipales, s’exprime en effet sur la Crimée lors d’une conférence de presse. « À mon sens, les résultats du référendum sont sans contestation possible », déclare-t-elle, en ajoutant que la Crimée ne faisait partie de l’Ukraine que depuis 60 ans. La présidente du FN demande à l’Union européenne « de ne pas rester dans l’incohérence » vis-à-vis de cette région. Sa déclaration est reprise sur plusieurs sites et réseaux sociaux frontistes (notamment le compte Facebook de Marion Maréchal-Le Pen), mais aussi des sites de propagande russes à l’étranger.
      Marion Maréchal-Le Pen relaye sur son compte Facebook la déclaration de Marine Le Pen sur la Crimée, le 18 mars 2014.Marion Maréchal-Le Pen relaye sur son compte Facebook la déclaration de Marine Le Pen sur la Crimée, le 18 mars 2014.

      La veille, son conseiller international Aymeric Chauprade, pilier des réseaux russes du FN, était en Crimée comme « observateur » du référendum, à l’invitation d’une organisation pro-russe. Il livre un « témoignage » abondamment relayé sur les sites frontistes et pro-russes, et « loin de la propagande médiatique des médias de l’Ouest », dit-il. À quel titre s’est-il rendu en Crimée ? Le 13 mars, son porte-parole avait fait savoir qu’il irait « en tant que géopolitologue », mais aussi « en tant que conseiller spécial de Marine Le Pen », car le Front national « a été invité de son côté ».

      Mais la présidente du FN avait démenti dans la foulée à l’AFP : « Le FN officiellement n’envoie pas d’observateur. » Selon le journal d’extrême droite Minute, Florian Philippot aurait « bombardé d’appels » Marine Le Pen « pour lui faire part de ses craintes et de l’aspect négatif de ce voyage », et l’aurait convaincue de n’envoyer personne officiellement.

      Le 12 avril, Marine Le Pen se rend en revanche elle-même à Moscou, en visite privée, pour y revoir le président de la Douma Sergueï Narychkine, un très proche de Poutine qu’elle avait déjà rencontré en juin 2013. Quelques jours plus tard, un premier financement russe arrive. Comme l’a révélé Mediapart, l’association de financement Cotelec, présidée par Jean-Marie Le Pen, reçoit le 18 avril deux millions d’euros d’une société chypriote alimentée par des fonds russes. C’est Aymeric Chauprade, l’observateur frontiste en Crimée, qui sert d’intermédiaire pour ce premier prêt, signé par Jean-Marie Le Pen le 4 avril. Cet argent a permis à Cotelec d’avancer des fonds aux candidats aux européennes.

      En septembre 2014, c’est au tour de la présidente du FN de décrocher un prêt de 9 millions d’euros de la First Czech Russian Bank (FCRB), une banque basée à Moscou. Grâce à un autre intermédiaire cette fois-ci : l’eurodéputé frontiste Jean-Luc Schaffhauser.
      Marine Le Pen, Louis Aliot et Thierry Légier reçus par Sergueï Narychkine, un proche de Vladimir Poutine, le 19 juin 2013.Marine Le Pen, Louis Aliot et Thierry Légier reçus par Sergueï Narychkine, un proche de Vladimir Poutine, le 19 juin 2013. © dr

      Y a-t-il eu des contreparties politiques à ces prêts russes ? Quel est ce "remerciement" à adresser « aux Français », évoqué dans les textos à propos du référendum en Crimée ? Sollicitée via son cabinet et le directeur du service de presse du FN, Marine Le Pen n’a pas donné suite. Joint par Mediapart, le trésorier du FN Wallerand de Saint-Just, qui avait signé le prêt de 9 millions d’euros, explique qu’il n’est « pas du tout au courant de ce qui s’est passé en amont [de la signature] ». « Je ne sais pas qui est M. Prokopenko. Je n’ai rien à voir avec les positions internationales de Marine Le Pen. Je n’ai vu que les techniciens de la banque. On m’a dit : "Tu vas voir ces techniciens, tu signes". »

      De son côté, l’intermédiaire Jean-Luc Schaffhauser affirme à Mediapart qu’« il n’y a pas eu d’interventions politiques ». S’il connaît Timur Prokopenko « parce qu’on m’a fait une fiche sur lui », il assure qu’en mars 2014, « on n’était pas en négociations » avec les Russes, « enfin pas moi en tout cas », précise-t-il. « Les négociations ont commencé en avril, après l’échec avec une banque d’Abou Dhabi (Émirats arabes unis - ndlr), qui devait nous prêter de l’argent. »

      L’eurodéputé raconte par ailleurs avoir lui-même renoncé à se rendre en Crimée lors du référendum : « On m’avait invité aussi, Marine m’a dit : "Tu n’y vas pas". Elle ne sentait pas le truc, elle m’a dit : "Imagine qu’il y ait un bain de sang". J’ai obéi aux ordres. Aymeric [Chauprade] y est allé, à titre personnel. » Alors comment expliquer les échanges de textos des Russes ? « Je pense que c’est Aymeric qui s’est engagé », répond M. Schaffhauser. Sollicité, Aymeric Chauprade n’a pas donné suite.
      Le site de Konstantin Rykov, grand fan de Marine Le Pen.Le site de Konstantin Rykov, grand fan de Marine Le Pen.

      Konstantin Rykov est-il en contact direct avec Marine Le Pen comme il le laisse entendre dans les textos piratés ? Il ne cache en tout cas pas son admiration pour la présidente du FN, élevée au rang d’icône sur son site. Le grand manitou des réseaux sociaux pro-poutiniens suit les moindres faits et gestes de la présidente du Front national.

      Celui qui se présente comme l’un des plus grands patriotes de la blogosphère russe a des liens étroits avec la France. En août 2014, Alexei Navalny a révélé que Rykov était propriétaire, avec ses parents, d’une luxueuse villa à Mougins près de Cannes, acquise pour 2 millions d’euros en décembre 2013. Certains documents relatifs à cette transaction ont été publiés (voir ici l’acte de constitution de la SCI). On y découvre que le Russe paie ses impôts en France, enregistré comme « résident au sens de la réglementation fiscale ». Pour obtenir ce statut, certaines conditions sont nécessaires : soit résider la plupart du temps en France, soit y exercer son activité, soit faire du pays son centre d’intérêt économique (investissements, business, etc.).

      Nos demandes concernant Konstantin Rykov sont restées sans réponse.

  • Sur fond d’antisémitisme, Soral et Dieudonné lancent leur parti | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/france/211014/sur-fond-d-antisemitisme-soral-et-dieudonne-lancent-leur-parti?onglet=full

    Sur fond d’antisémitisme, Soral et Dieudonné lancent leur parti

    21 octobre 2014 | Par Karl Laske et Marine Turchi

    En rupture avec la récente prise de position « pro-israélienne » du conseiller international de Marine Le Pen, Alain Soral a décidé de créer un parti politique avec Dieudonné. Mediapart s’est procuré les statuts de la future organisation qui doit s’appeler Réconciliation nationale. Les deux hommes préparent déjà une demande d’agrément auprès de la commission des comptes de campagne.

    On devrait savoir assez vite lequel est la marionnette de l’autre, même si l’on s’en doute un peu. Le pamphlétaire antisémite Alain Soral et l’humoriste Dieudonné ont décidé de créer leur propre parti politique. Cette organisation doit s’appeler Réconciliation nationale, selon les statuts obtenus par Mediapart.

    Déjà proches, les deux hommes ont leurs raisons. Dieudonné ne cache pas qu’il veut désormais répondre « aux larbins du Congrès juif mondial », « cette organisation mafieuse et sataniste », qui a « fait plier le conseil d’État » en faveur de l’interdiction de son spectacle. Alain Soral a, quant à lui, annoncé, dès le 6 septembre, son projet de « se dissocier totalement du Front national », et de « rouler pour lui-même, en tant que parti politique », à la suite des prises de position « pro-israéliennes » du conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, cet été. Ce qu’il a appelé « la trahison de Chauprade ».
    Alain Soral et Dieudonné en mai 2009 lors du dépôt de leur liste aux européennes.Alain Soral et Dieudonné en mai 2009 lors du dépôt de leur liste aux européennes. © Reuters

    Créée en 2007 pour servir le parti de Marine Le Pen – auquel Soral appartenait à l’époque –, l’association Égalité et Réconciliation (E&R) devrait être mise au service du futur parti politique. Selon les documents en notre possession, le parti Réconciliation nationale a été domicilié 3, rue du Fort de la Briche, à Saint-Denis (93), où sont déjà installées Égalité et réconciliation et la maison d’édition Kontre Kulture, mise en cause pour avoir publié, en 2013, plusieurs livres antisémites.

    Alain Bonnet, dit Soral, et Dieudonné M’bala M’bala seront tous deux co-présidents du parti. Ils ont simultanément créé une Association de financement du parti Réconciliation nationale ayant « pour objet exclusif de recueillir des fonds » et pour bénéficier des aides publiques en cas d’élection, et préparent leur demande d’agrément auprès de la commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Mais le tandem ne souhaite pas communiquer sur sa future formation. « Nous avons nos propres médias, nous ne communiquons pas à l’extérieur, nous avons des consignes très strictes », a répondu Julien Limes, numéro deux d’E&R, questionné par Mediapart au sujet de la création du parti.

    Selon une source interne, les deux hommes envisagent avec gourmandise l’éventualité d’une dissolution de l’Assemblée nationale, qui leur permettrait de concourir avant 2017 et de recevoir une part des financements dévolue aux partis en mesure de présenter des candidats dans 50 circonscriptions – à condition de dépasser 1 % des suffrages exprimés. En 2009, Dieudonné et Soral avaient déjà tenté une incursion en politique, en se présentant sur la liste d’Île-de-France du Parti antisioniste aux européennes. Dans l’une de ses nombreuses vidéos, Alain Soral a révélé depuis avoir obtenu « l’argent des Iraniens » pour « faire la liste antisioniste », qui n’avait pas eu d’élus.

    L’association de financement de Réconciliation nationale projette déjà de confier sa communication à son propre réseau de prestataires – la société Culture pour tous, façade de la maison d’édition de Soral, les Productions de la plume, qui gèrent les spectacles de Dieudonné, et les sites partenaires d’E&R –, et de lui faire bénéficier des remboursements légaux. Depuis quelques mois, cette nébuleuse profite d’une vague d’adhésions à l’association de Soral qui compterait aujourd’hui 12 000 personnes inscrites. Le pamphlétaire, qui diffuse ses interventions par vidéos sur internet, a depuis juillet choisi de les rendre payantes, via Dailymotion, moyennant une part très avantageuse des rentrées publicitaires.

    La création du parti coïncide avec une série de poursuites judiciaires visant les contenus antisémites des publications et des vidéos de Soral, et le déclenchement d’enquêtes financières sur la nébuleuse Dieudonné. Le 17 octobre, alors qu’il comparaissait à Paris pour « incitation à la haine et la discrimination » après ses propos sur le journaliste Frédéric Haziza, le site d’Alain Soral recensait avec fierté ses litiges judiciaires – une quinzaine – en chiffrant à 476 792 euros les dommages et intérêts réclamés par ses adversaires. Il vient d’être condamné en appel pour ses injures contre l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë.

    Le mois prochain, Alain Soral doit aussi comparaître en appel pour la publication de cinq livres antisémites par sa maison d’édition Kontre Kulture. Le tribunal correctionnel de Bobigny a interdit L’Anthologie des propos contre les juifs, Le Judaïsme et le Sionisme de Paul-Éric Blanrue, et ordonné le retrait de passages de quatre autres livres parmi lesquels La France juive d’Édouard Drumont. De son côté, Dieudonné, déjà condamné pour des propos antisémites, a été mis en examen en juillet pour fraude fiscale et abus de biens sociaux. Le juge Renaud Van Ruymbeke s’interroge en particulier sur les fonds envoyés par l’humoriste au Cameroun (400 000 euros depuis 2009).
    « Aujourd’hui, E&R se dissocie totalement du Front national et va rouler pour lui-même »

    La première annonce de la création du futur parti par Alain Soral est passée presque inaperçue, le 6 septembre. Dans une vidéo intitulée « La trahison de Chauprade », le patron d’Égalité et Réconciliation a dénoncé avec violence un texte publié en août par le conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, « face à la question islamique ». « Il s’est permis au mois d’août, dans le dos de tout le monde et visiblement aussi du Front national, de produire un texte de soumission au sionisme », a dénoncé Soral, traitant au passage le conseiller de « fils de pute » et « d’ordure ». « Je le dis bien clairement, Chauprade est responsable du fait que ER aujourd’hui se dissocie totalement du Front national, et va rouler pour lui-même, en tant que parti politique. Et vous verrez que ça ne va pas vous aider. »

    Le patron d’Égalité et Réconciliation se plaint d’avoir été « sollicité » par Chauprade, en amont de la campagne européenne, puis d’avoir été « trahi totalement » par celui-ci, alors qu’il avait conduit « des patriotes musulmans » à le soutenir. Il l’accuse aussi de le « mettre en danger de mort » par son revirement. Chauprade a expliqué qu’il se sentait « plus proche d’un Israélien que d’un membre du Hamas », tout en appelant à « éliminer in situ » les 1 000 djihadistes français en Syrie…
    Alain Soral dans sa vidéo consacrée à Aymeric Chauprade, en septembre.Alain Soral dans sa vidéo consacrée à Aymeric Chauprade, en septembre. © Capture d’écran de la vidéo d’E&R.

    Réconciliation nationale risque fort d’être le nouveau vecteur de l’obsession antisémite des deux compagnons de route. Dans sa dernière vidéo, le 18 octobre, Dieudonné s’est lancé dans une longue tirade contre le Congrès juif mondial, et son président Ronald Lauder, digne des pires feuilles antisémites du début du XXe siècle. « Ronald Lauder. Ouais, ouais l’odeur. Ouais, il porte bien son nom. Quand il ouvre la bouche, c’est vrai (…) même une mouche à merde, s’est évanouie… Alors vous imaginez l’odeur… C’est un multi milliardaire Lauder. Il achète des tableaux à 140 millions comme toi tu achètes un Pif gadget. Il met ça au-dessus de sa cheminée, il regarde ouais, je suis content, et quand il a plus de feu, il met ça au feu. Ils ont du pognon… Il chie le fric. » Dieudonné s’en est pris au passage au président (PS) du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj, qui a préconisé de « pourrir la vie » de l’humoriste, en donnant l’adresse et le numéro de téléphone personnel de l’ancien député, et en l’invitant à partir en Israël.

    Ces derniers mois, le mouvement Égalité et Réconciliation a surfé sur les mesures d’interdiction des spectacles de Dieudonné. Il a enregistré une vague importante d’adhésions, et s’est réorganisé en interne. E&R semble désormais en mesure de mobiliser des militants radicaux pour renforcer sa présence lors des manifestations de rue et y faire le coup de poing en cas de besoin. Lors des mobilisations pro-palestiniennes de cet été, l’un des proches de Soral, Mathias Cardet, a été identifié parmi les animateurs du groupe « Gaza firm », venu « sécuriser » le cortège ou plutôt ses débordements (lire notre enquête). Ce groupe issu pour partie des supporters ultras du PSG – anciens du « K-soce team » de la tribune d’Auteuil – a été présenté par cette mouvance comme une « ligue de défense goy ». Il est apparu pour la première fois lors de la manifestation d’extrême droite « Jour de colère », en janvier.

    Certains de ces gros bras sont visibles autour d’Alain Soral lors de ses apparitions publiques. Le 17 octobre, le pamphlétaire est venu au tribunal entouré d’une demi-douzaine de gardes du corps, de plusieurs caméras, et de plusieurs dizaines de militants venus chanter la Marseillaise. À l’image des partis existants, E&R est parvenu à structurer son association en « antennes » régionales et en « sections » locales, comprenant des « pôles de compétences » (militantisme, événement, localisme-écologie, communication, idées et formation théorique, relations extérieures).

    L’adhésion elle-même fait l’objet d’un étroit filtrage. « Le membre s’attachera à être humble, honnête, discipliné, poli, ponctuel et respectueux de l’ensemble de ses camarades et de sa hiérarchie, stipule l’un des règlements internes obtenus par Mediapart. Il n’y a donc dans la section aucune place envisageable aux notions de profit personnel, d’égocentrisme intéressé, de manigance, d’arrivisme hypocrite, de mensonge ou de trahison. »

    Le « protocole de recrutement » d’E&R (ci-dessous), qui préfigure celui du parti Réconciliation nationale, précise même la « gestion de la prise de contact ». Le responsable de section doit s’assurer de l’identité « réelle » des demandeurs, afin d’effectuer « des recherches préventives » pour obtenir des éléments « d’ordre professionnel ou personnel ». Deux courriels types sont impératifs pour filtrer les demandes, afin « de faire réfléchir à deux fois les éventuels infiltrés ». Le premier rendez-vous est aussi important : il « devra être fixé dans un lieu public, fréquenté, et facilitant le contrôle visuel de la zone », « où l’on se rendra un quart d’heure en avance afin de surveiller tout élément suspect ».

    L’entretien est cadré. Le chef de section confronte ses recherches à la présentation du demandeur : « situation familiale, vie professionnelle, type de lectures, connaissance d’ER et des ouvrages d’Alain Soral, (…) expériences politiques, casier judiciaire ». Le futur adhérent est briefé sur la sécurité et la confidentialité : « insister lourdement sur ce point en imposant une certaine pression au membre afin qu’il soit tout de suite dans le bain », préconise le « protocole de recrutement ».

    Les consignes de base sont assez strictes : « création obligatoire d’un boîte mail anonyme réservée à l’activité ER, aucun enregistrement de nom dans les contacts internet, interdiction du Facebook militant, non divulgation de tout type d’infos (lieu de réunion coordonnées, projet) ». Les adhérents sont priés d’utiliser des pseudonymes ou des prénoms.
    « J’espère que demain il ne faudra pas aussi vous payer des droits pour être antisémite »

    En septembre 2013, le matériel militant utilisé par Égalité et Réconciliation a fait l’objet d’une dispute entre Alain Soral et la compagne de Dieudonné, Noémie Montagne, qui dirige plusieurs sociétés de la galaxie Dieudonné. Dans une série de mails, mis en ligne ici, cette dernière a vivement reproché à E&R d’utiliser « la quenelle et l’ananas (référence à la chanson « Shoah nanas » - ndlr) » sur un autocollant E&R. « Je comprends que nous puissions être des alliés face au sionisme, mais une association complète avec Égalité et réconciliation ne saurait être judicieuse pour l’image de Dieudonné », avait-elle écrit.

    Noémie Montagne assurait ne pas vouloir « s’immiscer dans la relation politique » entre Soral et son mari. « ER et mes sociétés avons des intérêts communs mais nous ne dépendons pas l’un de l’autre, écrit-elle aussi. Tout ce qui touche à l’image de Dieudonné et qui est commercialisé me concerne. » « Vous nous reprochez quoi ? De profiter un peu de la dynamique de la quenelle ?! lui a répondu Soral. Il ne manquerait plus que ça, que nous n’en profitions pas à E&R, alors que nous mouillons le maillot avec vous depuis bientôt 10 ans ! (...) J’espère que demain il ne faudra pas aussi vous payer des droits pour être antisémite. »

    La création du parti Réconciliation nationale ouvre une nouvelle page entre eux. Elle sera aussi une pierre dans le jardin du Front national, alors qu’une partie des militants d’E&R sont encartés au parti lepéniste. Au moment de la création d’Égalité et Réconciliation, Alain Soral était lui-même membre du comité central du FN – qu’il quitte en 2009 –, et plusieurs proches de Marine Le Pen l’ont accompagné dans cette association destinée à lui servir de vivier en banlieue : l’ex-avocat Philippe Péninque, présent depuis de nombreuses années dans le premier cercle des Le Pen et l’ancien du GUD (Groupe Union défense) Jildaz Mahé O’Chinal, animateur avec Frédéric Chatillon, du réseau d’entreprises prestataires de services du parti lepéniste. Chatillon lui-même a introduit Soral auprès de ses réseaux en Syrie et au Liban.
    Marine Le Pen et Alain Soral dans l'émission de Frédéric Taddéï.Marine Le Pen et Alain Soral dans l’émission de Frédéric Taddéï. © Capture d’écran de l’émission.

    Depuis lors, la progression des thèses de Soral inquiète une frange du Front national, engagée dans une stratégie de « dédiabolisation ». En octobre 2013, le numéro 2 du FN, Louis Aliot, s’en est pris à « ceux qui sont obnubilés par des événements passés et des communautés particulières » et qui « n’ont rien à faire chez nous ! ».

    Marine Le Pen, de son côté, peine à maintenir l’équilibre précaire du parti, traversé par plusieurs tendances. D’un côté, elle a pris ses distances avec le texte de son conseiller international, qui n’a d’après elle exprimé que « sa vision personnelle de la situation ». Mais de l’autre, la présidente du FN a justifié, cet été, l’existence de la Ligue de défense juive (LDJ), le groupuscule d’extrême droite habitué aux affrontements de rue avec les pro-palestiniens : « S’il existe une Ligue de défense juive, c’est qu’il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité. Ils ont le sentiment que monte un nouvel antisémitisme en France et qui est le fait de confrontations communautaires. »

    Alain Soral dispose encore de réseaux au sein du FN, notamment parmi ses cadres. Lors de son départ du parti, en 2009, il avait salué, dans une vidéo, « la confiance et l’amitié que (lui) accordait le président (Jean-Marie Le Pen - ndlr), le respect et la neutralité courtoise d’un Bruno Gollnisch ». Ce même Gollnisch qui a jugé, dans Marianne, « un peu angélique la manière qu’a Chauprade de reprendre le discours officiel des autorités israéliennes ».

    En septembre, après « la trahison Chauprade », Alain Soral s’est plaint d’avoir eu aussi « Aliot sur la gueule » : « Aujourd’hui, je le dis à ceux qui me regardent, ne votez pas pour le Front national, ça c’est clair, on va attendre et on va faire autrement. » Jean-Marie Le Pen aurait pris l’initiative d’aller discuter avec Soral pour désamorcer le conflit. Visiblement en vain.

    #Dieudonné #Soral #Front_National

  • Ecoutes : le complot de Sarkozy contre ces « bâtards » de juges
    http://www.mediapart.fr/journal/france/180314/ecoutes-le-complot-de-sarkozy-contre-ces-batards-de-juges

    Ecoutes : le complot de Sarkozy contre ces « bâtards » de juges
    18 mars 2014 | Par Fabrice Arfi et Karl Laske

    Mediapart révèle la teneur de sept écoutes judiciaires effectuées sur la ligne téléphonique ouverte sous une fausse identité par Nicolas Sarkozy. L’ancien président a mis en place un cabinet noir pour neutraliser les juges qui enquêtent sur lui. Selon les écoutes, le magistrat Gilbert Azibert est bien intervenu auprès de trois conseillers de la cour de Cassation chargés d’examiner la validité des actes d’instruction l’affaire Bettencourt. L’avocat de Nicolas Sarkozy est par ailleurs informé par une taupe dans l’appareil d’Etat sur l’affaire libyenne.
    Ce sont les mots d’un ancien président de la République pris la main dans le sac. Parlant sur des téléphones portables qu’ils croyaient sûrs, Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, ont orchestré en ce début d’année un véritable complot contre l’institution judiciaire pour échapper aux juges et en tromper d’autres. Le nouveau procureur financier n’avait pas d’autre choix que d’ouvrir une information judicaire pour « trafic d’influence », mais les faits vont bien au-delà. C’est un nouveau scandale d’Etat dont il s‘agit.

    Mediapart a eu accès à la synthèse des retranscriptions de sept écoutes judiciaires sur la seconde ligne téléphonique de l’ancien président, ouverte sous la fausse identité de “Paul Bismuth”. Dans une dérive à peine croyable, Nicolas Sarkozy est allé jusqu’à mettre en scène avec son conseil de fausses discussions sur sa ligne officielle pour « donner l’impression d’avoir une conversation ».

    Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierre Herzog.
    Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierre Herzog. © Reuters
    Du 28 janvier au 11 février derniers, Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont tenté d’entraver méthodiquement le cours de la justice dans l’affaire des financements libyens et celle de ses agendas présidentiels saisis dans le dossier Bettencourt. Leurs conversations font état de l’intervention du haut magistrat de la Cour de cassation Gilbert Azibert auprès de trois conseillers chargés d’examiner la validité des actes d’instruction l’affaire Bettencourt. En échange, l’ancien président a promis au magistrat son soutien pour un poste à Monaco, comme Le Monde l’avait révélé. Les juges qui ont mené l’enquête Bettencourt sont désignés, dans ces échanges, comme les « bâtards de Bordeaux ».

    Averti d’une possible perquisition dans ses bureaux dans l’affaire libyenne, Nicolas Sarkozy demande aussi à son avocat « d’appeler son correspondant », manifestement un haut fonctionnaire bien placé dans la chaîne judiciaire, « parce qu’ils sont obligés de passer par lui », précise l’écoute.

    La police, chargée de la retranscription de ces écoutes, va d’ailleurs conclure que les échanges interceptés laissent présumer des « faits de violation du secret professionnel » dans l’affaire libyenne et de « corruption d’un magistrat de la Cour de cassation » dans l’affaire Bettencourt.

    Pour ce qui est du dossier Kadhafi, les policiers ont compris que Nicolas Sarkozy avait été alerté de son placement sur écoutes, ce qui avait déclenché l’achat à Nice de nouveaux portables sous de fausses identités.

    La première conversation qui attire l’attention des policiers a lieu le mardi 28 janvier, à 12h24. Me Thierry Herzog informe Nicolas Sarkozy de la teneur du mémoire du rapporteur de la Cour de cassation dans l’affaire de ses agendas, saisis par les juges de Bordeaux. L’enjeu est de taille : l’ancien président veut obtenir l’annulation de cette saisie pour empêcher que ces documents, déjà versés dans l’affaire Tapie, soient utilisés par la justice dans d’autres affaires qui le menacent, comme l’affaire libyenne. Thierry Herzog se montre optimiste. Il pense que les réquisitions du parquet général lui seront favorables. Nicolas Sarkozy lui demande si « notre ami » — le magistrat Gilbert Azibert — a des informations discordantes. Herzog lui dit que non.

    Le lendemain, mercredi 29 janvier, nouvel appel. Il est 19h25. L’avocat de l’ancien président informe son client qu’il vient de parler à « Gilbert ». Ce dernier lui a suggéré de ne pas faire attention au contenu « volontairement neutre » du mémoire du rapporteur dans l’affaire des agendas. Le rapporteur, est selon « Gilbert », en réalité favorable à l’annulation. La taupe de Nicolas Sarkozy à la Cour de cassation a prévenu que les réquisitions de l’avocat général seraient quant à elles communiquées le plus tard possible, mais qu’elles allaient conclure à l’annulation de la saisie des agendas présidentiels. Selon l’écoute, « Gilbert » a déjeuné avec l’avocat général. Me Herzog se félicite du dévouement de son informateur : il a « bossé », dit-il à Nicolas Sarkozy. Et la Cour de cassation devrait suivre les réquisitions, « sauf si le droit finit par l’emporter », commente-t-il, dans un aveu stupéfiant.

    Jeudi 30 janvier, à 20h40, les réquisitions arrivent plus vite que prévu. Thierry Herzog en donne lecture à Nicolas Sarkozy. L’avocat précise avoir eu « Gilbert » le matin, qui lui a confié que la chambre de la Cour de cassation devrait d’après lui suivre les réquisitions. L’écoute laisse apparaître que « Gilbert » a eu accès à l’avis confidentiel du rapporteur à ses collègues qui ne doit pas être publié. Cet avis conclut également à l’annulation de la saisie des agendas et au retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l’enquête Bettencourt. « Ce qui va faire du boulot à ces bâtards de Bordeaux », commente Herzog, en parlant des juges qui avaient mis en examen Nicolas Sarkozy. L’avocat précise à l’ancien président que l’avis de l’avocat général leur a été communiqué à titre exceptionnel et qu’il ne faut rien en dire pour le moment.

    MM. Sarkozy et Kadhafi, en 2007, à l’Elysée.
    MM. Sarkozy et Kadhafi, en 2007, à l’Elysée. © Reuters
    Samedi 1er février, 11h 22. Nicolas Sarkozy s’inquiète. Il a été informé par une source non désignée d’un projet de perquisition de ses bureaux par les juges qui instruisent sa plainte contre Mediapart dans l’affaire libyenne. L’ancien président demande alors à son avocat « de prendre contact avec nos amis pour qu’ils soient attentifs ». « On ne sait jamais », ajoute Nicolas Sarkozy. L’avocat n’y croit pas, mais, précise-t-il, « je vais quand même appeler mon correspondant ce matin (…) parce qu’ils sont obligés de passer par lui ». Ce qui semble désigner une taupe active de Nicolas Sarkozy dans les rouages de l’Etat. Nicolas Sarkozy se montre inquiet quant à la façon de consulter la source. Thierry Herzog le rassure, lui indiquant qu’il a « un discours avec lui qui est prêt », c’est-à-dire un message codé pour communiquer. « Il comprend tout de suite de quoi on parle ».

    Le même jour, vingt minutes plus tard, à 11h46. Nicolas Sarkozy rappelle son avocat. Les policiers surprennent une mise en scène à peine croyable. L’ancien chef de l’Etat français demande à son avocat de l’appeler sur sa ligne officielle, pour « qu’on ait l’impression d’avoir une conversation ». Thierry Herzog lui demande alors de quoi il faut parler. Nicolas Sarkozy lui propose d’échanger autour des débats de la Cour de cassation. Herzog suggère de le faire « sans triomphalisme », de dire qu’ils ont les réquisitions de l’avocat général et de préciser aussi qu’ils ne vont pas les divulguer, parce que ce n’est pas leur genre. Nicolas Sarkozy l’interrompt pour lui demander si « les juges qui écoutent » disposent de ces réquisitions. Et comme l’avocat lui dit que non, Nicolas Sarkozy conclut que « ce n’est pas la peine de les informer ». Herzog propose aussi à son client de faire semblant de l’interroger sur la plainte qu’il a déposée contre Mediapart. Il lui dit qu’il l’appelle aussitôt sur sa ligne officielle : « Ça fait plus naturel ».

    Mercredi 5 février à 9 h 42. Retour à l’affaire Bettencourt. Thierry Herzog a une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Il vient d’avoir « Gilbert ». Le haut magistrat a rendez-vous le jour même « avec un des conseillers » en charge de l’affaire des agendas « pour bien lui expliquer ». « Gilbert » se dit optimiste et a demandé à Thierry Herzog de le dire à l’ancien président. L’avocat lui dit que ce n’est pas pratique pour le moment, mais il lui promet que Nicolas Sarkozy va le recevoir, car il sait « parfaitement » tout ce qu’il fait pour lui. Gilbert Azibert a évoqué avec Thierry Herzog son souhait d’être nommé à un poste à Monaco. D’après l’écoute, Nicolas Sarkozy se dit prêt à l’aider. Herzog avait d’ailleurs rassuré par avance « Gilbert » à ce sujet : « Tu rigoles, avec ce que tu fais… »

    Une semaine plus tard, le mardi 11 février. Il est tard, 22h 11. Thierry Herzog, qui vient d’avoir « Gilbert » au téléphone, annonce à Nicolas Sarkozy que le haut magistrat « ira à la chasse demain ». Gilbert a fait savoir qu’il avait rencontré la veille pour eux un conseiller à la cour de cassation, et qu’il s’apprêtait à en voir « un troisième », avant que les juges ne délibèrent, le lendemain, dans l’après-midi.

    Ces multiples manœuvres frauduleuses n’ont pas empêché Nicolas Sarkozy de perdre sur toute la ligne. Non seulement la saisie de ses agendas n’a pas été annulée (de justesses), mais l’écoute de sa ligne téléphonique secrète a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire pour « trafic d’influence » le 26 février.

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