person:karl marx

  • Karl Marx: Ökonomisch-philosophische Manuskripte
    3. Manuskript - Kritik der Hegelschen Dialektik und Philosophie überhaupt
    http://www.mlwerke.de/me/me40/me40_568.htm

    Es sind nun die positiven Momente den Hegelschen Dialektik – innerhalb der Bestimmung der Entfremdung – zu fassen.

    a) Das Aufheben, als gegenständliche, die Entäußerung in sich zurücknehmende Bewegung. – Es ist dies die innerhalb den Entfremdung ausgedrückte Einsicht von der Aneignung des gegenständlichen Wesens durch die Aufhebung seiner Entfremdung, die entfremdete Einsicht in die wirkliche Vergegenständlichung des Menschen, in die wirkliche Aneignung seines gegenständlichen Wesens durch die Vernichtung der entfremdeten Bestimmung der gegenständlichen Welt, durch ihre Aufhebung, in ihrem entfremdeten Dasein, wie der Atheismus als Aufhebung Gottes das Werden des theoretischen Humanismus, der Kommunismus als Aufhebung des Privateigentums die Vindikation des wirklichen menschlichen Lebens als seines Eigentums ist, das Wenden des praktischen Humanismus ist, oder der Atheismus ist den durch Aufhebung der Religion, der Kommunismus der durch Aufhebung des Privateigentums mit sich vermittelte Humanismus. Erst durch die Aufhebung dieser Vermittelung – die aber eine notwendige Voraussetzung ist – wird den positiv von sich selbst beginnende, der positive Humanismus.

    Aber Atheismus, Kommunismus sind keine Flucht, keine Abstraktion, kein Verlieren der von dem Menschen erzeugten gegenständlichen Welt, seinen zur Gegenständlichkeit herausgebornen Wesenskräfte, keine zur unnatürlichen, unentwickelten Einfachheit zurückkehrende Armut. Sie sind vielmehr erst das wirkliche Werden, die wirklich für den Menschen gewordne Verwirklichung seines Wesens und seines Wesens als eines wirklichen.

    MIA: K. Marx - Manuscrits de 1844
    Critique de la dialectique de Hegel et de sa philosophie en général
    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/00/km18440000/km18440000_5.htm

    Considérons maintenant les moments positifs de la dialectique de Hegel - à l’intérieur de la détermination de l’aliénation.

    C’est, exprimée à l’intérieur de l’aliénation, ridée de l’appropriation de l’essence objective par la suppression de son aliénation. C’est la compréhension aliénée de l’objectivation réelle de l’homme, de l’ap­pro­priation réelle de son essence objective par l’anéantissement de la détermination aliénée du monde objectif, par sa suppression dans son existence aliénée, - de même que l’athéisme, suppression de Dieu, est le devenir de l’humanisme théorique, que le communis­me, abolition de la propriété privée, est la revendication de la vie réelle de l’homme comme sa propriété, le deve­nir de l’humanisme pratique ; en d’autres termes, l’athéisme est l’humanisme ramené à lui-même par le moyen terme de la suppression de la religion, le communisme est l’humanisme ramené à lui-même par celui de l’abolition de la propriété privée. Ce n’est que par la sup­pression de ce moyen terme - qui est toutefois une condition préalable nécessaire - que naît l’humanisme qui part positivement de lui-même, l’humanisme positif.

    Mais l’athéisme et le communisme ne sont pas une fuite, une abstraction, une perte du monde objectif engendré par l’homme, une perte de ses forces essentielles qui ont pris une forme objective. Ils ne sont pas une pauvreté qui retourne à la simplicité contre nature et non encore développée. Ils sont bien plutôt, pour la pre­mière fois, le devenir réel, la réalisation devenue réelle pour l’homme de son essence, et de son essence en tant qu’essence réelle.

    Economic and Philosophic Manuscripts of 1844
    Critique of Hegel’s Philosophy in General
    https://www.marxists.org/archive/marx/works/1844/manuscripts/hegel.htm

    It is now time to formulate the positive aspects of the Hegelian dialectic within the realm of estrangement.

    (a) Supersession as an objective movement of retracting the alienation into self. This is the insight, expressed within the estrangement, concerning the appropriation of the objective essence through the supersession of its estrangement; it is the estranged insight into the real objectification of man, into the real appropriation of his objective essence through the annihilation of the estranged character of the objective world, through the supersession of the objective world in its estranged mode of being. In the same way atheism, being the supersession of God, is the advent of theoretic humanism, and communism, as the supersession of private property, is the vindication of real human life as man’s possession and thus the advent of practical humanism, or atheism is humanism mediated with itself through the supersession of religion, whilst communism is humanism mediated with itself through the supersession of private property. Only through the supersession of this mediation – which is itself, however, a necessary premise – does positively self-deriving humanism, positive humanism, come into being.

    But atheism and communism are no flight, no abstraction, no loss of the objective world created by man – of man’s essential powers born to the realm of objectivity; they are not a returning in poverty to unnatural, primitive simplicity. On the contrary, they are but the first real emergence, the actual realisation for man of man’s essence and of his essence as something real.

    Marx and Engels Collected Works
    https://www.marxists.org/archive/marx/works/cw/index.htm

    many of the most valued works of Marx and Engels were translated by Progress Publishers in the USSR and some other works by other publishers, and are in the public domain, and may be found in the Marx-Engels archive on marxists.org.

    #philosophie #religion #athéisme #dialectique

  • La Science moderne, athéiste ou théiste ? | SCDOFG
    http://www.scdofg.com/la-science-moderne-atheiste-ou-theiste

    Par Farid Gabteni

     

    Peut-on croire sans être crédule ? Il s’agit là d’une question récurrente en Occident, où l’on est habitué à opposer foi et raison. Pourtant, un œil attentif ne manquera pas d’observer que ce divorce entre croyance et intelligence est propre à la culture occidentale. Dans aucune autre civilisation, il n’a atteint de telles proportions. Dans aucune autre culture, la religion n’a autant été synonyme d’obscurantisme, c’est-à-dire de la négation de la faculté de l’homme à peser et à juger par lui-même.

    Les fondements de cette pensée ont été jetés au dix-huitième siècle, dit des Lumières. À cette époque, les intellectuels et les philosophes ont insufflé un formidable mouvement d’émancipation vis-à-vis des autorités ecclésiastiques, opérant une délégitimation de l’influence du religieux sur la sphère intellectuelle ; une véritable révolution en somme, inédite dans l’histoire de l’humanité, et dont les conséquences culturelles sont encore perceptibles trois siècles plus tard.

    L’approche critique de cette période a été très peu réalisée, car cette révolution a toujours été présentée comme une victoire de l’homme sur l’irrationnel. Bien que le contexte de cette émancipation ait été celui d’un occident malade de son judéo-christianisme, sans nulle référence, à ce moment-là, aux autres religions ou cultures du monde, cette opposition entre foi et raison a été généralisée à l’ensemble des croyances de l’humanité. C’est le phénomène même de la foi qui a été remis en cause, comme si la moindre pensée religieuse n’était plus que l’expression de la faiblesse de l’homme, de sa peur de l’inconnu.

    La question est de savoir si cette pensée “révolutionnaire” n’a pas été trop radicale, voire extrémiste dans ses conclusions, au point d’ériger des barrières contre toute forme de pensée, dès lors qu’elle était religieuse ou même simplement métaphysique. Il s’agit bien là d’une question fondamentale, puisqu’elle touche au sens de l’existence, de la vie.

    A l’aube du nouveau millénaire, l’ensemble du monde est confronté à de nombreuses crises, écologiques, sociales, politiques, économiques, éthiques… tous en conviennent. Pourtant, les sciences et les techniques sont le domaine d’une évolution proprement vertigineuse. Le paradoxe est de plus en plus marqué entre la science et les connaissances techniques d’une part et l’essoufflement du système qui les engendre d’autre part.

    La question “Où va-t-on ?” revient en force, mettant en perspective les transformations frénétiques d’une société chaque jour davantage mondialisée, composée d’individus désorientés. L’évolution n’est plus maîtrisée, car elle n’est plus conduite que par des découvertes technologiques, sans véritable souci des facteurs socioéconomiques, sociétaux, psychologiques… en un mot tout simplement humains.

    En même temps, et pour d’autres raisons, la question de Dieu est de nouveau d’actualité. En effet, le monde scientifique se trouve plus que jamais confronté à l’extraordinaire organisation de l’univers, de la vie, de l’homme… On sait désormais, et de manière scientifique, que l’univers se trouve avoir précisément, dès l’origine, les propriétés nécessaires pour que nous existions et pour que nous puissions l’appréhender.

    La question d’un Principe Créateur, d’une Cause Première, intelligente et lucide, se pose désormais scientifiquement. Mais l’envisager de manière réflexive est lourd de conséquences. Cela nous entraîne à nouveau dans une véritable révolution culturelle, remettant en cause des postulats vieux de plus de deux siècles.

    Je vais résumer quelques théories scientifiques et leur portée philosophique, ainsi que certains faits, désormais établis scientifiquement, et leur conséquence logique sur notre compréhension du monde. J’entends par là faire la démonstration que l’ensemble de notre Univers est musulman : soumis-pacifié à Dieu, et qu’il témoigne qu’il est créé et agencé par Dieu L’Unique, sans associé. Tout un chacun pourra vérifier l’authenticité de chaque fait que j’avance. Je développerai mon propos en citant plusieurs travaux et découvertes d’illustres scientifiques. Les savants théistes ne cessent de rappeler au monde entier que ces découvertes scientifiques convergent toutes pour témoigner de l’existence d’Un Principe Créateur et Organisateur que nous, croyants, appelons Dieu. C’est ce rappel que j’essaie de transmettre à mon tour.

    « Dis : “Est-ce que vous avez vu s’il [le Qorân] était de Chez Dieu ! Puis vous avez dénigré par lui ? Qui est plus-égaré que quiconque est en un déchirement lointain ?” 52 Nous leur ferons Voir Nos Signes[1] en les horizons et en leurs êtres, jusqu’à ce que s’explicite pour eux qu’il est certes le vrai ; ou n’a-t-il suffi par Ton Maître qu’Il Est certes sur toute chose Témoin ? 53 Ne sont-ils certes en tergiversation de la Relance de Leur Maître ? N’Est-Il certes par toute chose Cernant ? 54 »[2]

    L’Europe a vécu pendant des siècles sous le joug de la pensée unique et de l’Inquisition, qui ne fut abolie définitivement, en Espagne, qu’en 1834. Formuler une idée nouvelle ou déclarer une opinion contraire à la religion régnante exposait alors ses auteurs aux pires persécutions et très souvent à la mort. Après sept siècles de présence musulmane en Espagne et quatre en Sicile, il ne reste aucun autochtone musulman dans ces lieux, au point qu’au début du vingtième siècle, ne demeuraient plus en Europe que des populations chrétiennes et une minorité juive rescapée. Et encore, une grande partie de celle-ci fut pratiquement exterminée pendant la deuxième guerre mondiale. Nulle part ailleurs sur la planète, et dans aucune autre civilisation, ce degré de répression de la différence et de la liberté de pensée et de croyance n’a été atteint. En Chine, en Inde, au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs, persistent à coexister, dans le même pays, plusieurs communautés ethniques et religieuses. Au dix-huitième siècle, les Américains du Nord, plus que se dégager de l’emprise économique et politique de la couronne britannique, voulaient s’affranchir d’un système séculaire opprimant et oppressant la liberté.

    La science et la philosophie modernes débutent en Europe avec, entre autres, Galilée (1564-1642), Johannes Kepler (1571-1630), René Descartes (1596-1650), Blaise Pascal (1623-1662), Isaac Newton (1643-1727), Edmund Halley (1656-1743), David Hume (1711-1776), Emanuel Kant (1724-1804), Antoine Lavoisier (1743-1794), Friedrich Hegel (1770-1831), Carl Gauss (1777-1855), Charles Darwin (1809-1882), Karl Marx (1818-1883), Louis Pasteur (1822-1895)… Dans leur sillage, l’intelligentsia européenne du dix-huitième et du dix-neuvième siècle commença par réclamer des réformes politico-sociales, puis par se prévaloir des connaissances “scientifiques” de l’époque, pour abattre un système ecclésiastique obscurantiste et étouffant.

    Ces élites, qui n’avaient de concept de Dieu qu’à travers le Christianisme ou le Judaïsme, pensaient que si la Bible, parsemée d’inexactitudes scientifiques, était démystifiée et désacralisée, alors le principe de l’existence de Dieu disparaîtrait. Beaucoup croyaient que l’Univers, avec sa mécanique céleste, n’était pas plus grand que la Voie Lactée, qu’il était éternel et immuable, qu’il avait toujours existé et existerait toujours. Quant à la vie, on croyait qu’elle pouvait émerger spontanément de la matière inerte, sous l’effet de facteurs physico-chimiques. Ainsi, pour beaucoup, tout ce qui constitue l’Univers et s’y constitue est le produit du hasard.

    Les balbutiements de la science à ses débuts, ajoutés à la persécution ecclésiastique en Europe, durant des siècles, vont produire un contrecoup qui se perpétue jusqu’au vingt-et-unième siècle. C’est à partir de la théorie de l’évolution de Darwin, de la dialectique de Hegel et du matérialisme dialectique de Marx que l’athéisme va prendre la forme d’un système idéologique. Désormais, et depuis plus de cent ans, prétendument sous couvert de la science, l’athéisme érigé en système est utilisé pour formater l’humanité à son image, par le truchement de l’éducation, des médias et de tous les moyens possibles de communication et d’information. C’est un fait, le lavage de cerveau athéiste est tel qu’aujourd’hui, la majorité des êtres humains pense que science et foi sont opposées. Consommer, acquérir des biens matériels, boire, manger, prendre du bon temps, se distraire, sont devenus les principales valeurs de la vie de l’homme. La réflexion sur la création des cieux et de la terre, sur “pourquoi je suis, je vis et je meurs”, tout cela est devenu secondaire, et même anormal pour certains.

    Peu de gens savent aujourd’hui que la plupart des scientifiques de notre temps sont croyants, et que le sont devenus beaucoup de ceux qui étaient athées. Cela, on s’abstient, sciemment, de trop le divulguer. Il faut dire aussi que certains de ces scientifiques préfèrent rester discrets par souci pour leur carrière. En effet l’establishment athée a remplacé celui de l’Eglise, et c’est désormais lui qui fait la pluie et le beau temps. Malheur à ceux qui le contestent, ils sont “excommuniés”, vilipendés, dénigrés et muselés si possible.

    Et pourtant Dieu existe bien, et les découvertes scientifiques dans tous les domaines le prouvent chaque jour davantage. Mieux encore, nous pouvons, aujourd’hui plus que jamais, affirmer que ces preuves de l’existence de Dieu sont scientifiquement irréfutables. De fait, la science moderne est beaucoup plus favorable au théisme qu’à l’athéisme. Je dis bien au théisme, qui consiste à admettre l’existence d’un Dieu unique vivant et personnel comme cause transcendante du monde. Mais tout cela aussi on s’abstient, sciemment, d’en informer le grand public, sinon par bribes.

    À la fin du dix-neuvième siècle et durant la première partie du vingtième, beaucoup pensaient que l’Univers était éternel et immuable. Ce modèle cosmologique est appelé “théorie de l’état stationnaire”. Malgré tous les efforts et l’acharnement des théoriciens pour améliorer et maintenir cette théorie, car elle permet de sous-entendre que, l’Univers ayant toujours existé, il n’a donc pas besoin de créateur, de nombreuses découvertes, parmi lesquelles la forme de corps noir[3] du fond diffus cosmologique[4], ont démontré les inexactitudes de ce modèle. Certains persistent à penser que l’Univers est un immense système fermé, qu’il constitue tout ce qui existe à partir de la matière et de l’énergie. Ils avancent comme argument le premier principe de la thermodynamique, le principe de conservation de l’énergie, selon lequel il résulte que la matière et l’énergie ne peuvent être créées ni détruites mais uniquement réarrangées.

    Mais cet argument n’en est pas un, sauf si on fait abstraction du deuxième principe de la thermodynamique selon lequel, avec le temps, tout système isolé se désorganise inévitablement et irréversiblement. Alors comment se fait-il donc que l’Univers ne soit pas dans un état de chaos et de désordre thermodynamique ? La réponse est que l’Univers a dû commencer dans un état entropique extrêmement faible, à un temps précis dans le passé, et depuis, le régulateur de la thermodynamique s’est mis en marche. Ce qui veut dire que le premier principe de la thermodynamique, s’il est confirmé, ne s’applique que depuis la création de l’Univers, à l’intérieur de celui-ci, et non à son origine.

    « Ou ceux qui ont dénigré n’ont-ils vu que certes les cieux et la terre étaient compacts ? Alors Nous les avons Disloqués, et Nous avons Formé de l’eau toute chose vivante ; est-ce qu’alors ils n’assurent (ne croient) ? 30 »[5] ; « Et le ciel Nous l’avons Édifié par des mains, et certes Nous Sommes assurément Amplifiant 47 »[6] ; « Puis Il S’est Ajusté vers le ciel, et il est fumée, alors Il a Dit, pour lui et pour la terre : “Rapportez-vous de gré ou contraints” ; ils ont dit : “Nous nous sommes rapportés obéissants” 11 »[7] ; « Le soleil ne rejaillit pour lui de saisir la lune, et la nuit n’est précédant l’ajourage, et chacun en une orbite, ils naviguent 40 »[8]

    Aujourd’hui, la très grande majorité des scientifiques admet que l’Univers a eu un commencement, et qu’avant n’existaient ni le temps, ni l’espace, ni la matière, ni l’énergie, ni quoi que ce soit ; il n’y avait “rien”. Brusquement, voici que l’Univers commence, apparaît et évolue… Certains avancent la mécanique quantique pour dire qu’au commencement il y avait de l’énergie, des particules… et que tout, y compris l’information, a été produit à partir de cela. Si la mécanique quantique nous apprend qu’une particule peut apparaître de rien, on appelle cela les “fluctuations quantiques du vide”, ces fluctuations se produisent à partir des lois quantiques ; celles-ci préexistent donc aux fluctuations.

    Les lois de la mécanique quantique contiennent l’information de la formation d’une particule, de sa transformation en une autre ou de sa destruction. L’énergie et les particules ne sont pas à l’origine de l’information, l’inverse est juste. L’Univers a donc commencé avec l’information, les lois de la physique, de l’énergie, des particules… D’autres[9] concluent, hâtivement et grossièrement, que l’Univers est apparu grâce aux lois de la physique : par exemple, du fait que la loi de la gravité existe, l’Univers aurait pu se créer lui-même à partir de rien.

    En outre, si l’information est en effet à la base de tout[10], cela dit le chiffre 1 ne produit rien ; la loi arithmétique 1 + 1 = 2 m’explique que si, par exemple, je cause l’addition de 1 livre + 1 livre, j’obtiens 2 livres, mais si je ne cause pas l’action de réunir 2 livres, la loi arithmétique seule ne peut la causer. Les lois mathématiques qui permettent d’expliquer, et donc de prédire, des phénomènes naturels ne les créent pas. Pareillement, la loi de la gravité, qui n’explique pas même la gravité, ne crée pas la gravité ou la matière dans laquelle la gravité opère. Elle crée donc encore moins l’Univers.

    Les lois de la physique ne créent rien d’elles-mêmes, elles montrent les relations entre les faits une fois introduits par une cause. Une voiture existe et roule sur une route grâce aux lois de la physique, mais celles-ci n’ont créé ni la voiture ni la route. Les lois de la physique ont été créées par une volonté intelligente et lucide, de même que la voiture et la route. Et il faut une volonté intelligente et lucide pour concevoir, démarrer et conduire une voiture correctement sur une route. Il en est de même pour déterminer les équations et déclencher et conduire la formation et l’évolution du monde.

    Depuis la découverte d’une vingtaine de nombres fondamentaux en physique atomique, les observations en astronomie et en physique quantique nous montrent que l’Univers possède une organisation si complexe qu’elle donne le vertige. Ces nombres, qui sont des constantes cosmologiques, nous décrivent les paramètres de base ainsi que les caractéristiques de notre Univers. On a réussi à déterminer les valeurs de chacun de ces nombres fondamentaux, comme la force de la gravité, la force du champ électromagnétique… Ces valeurs sont équilibrées, ajustées et précises à la perfection.

    Aujourd’hui, il est clairement établi que les lois de la physique se devaient d’être très spécifiques, ajustées et précises, pour permettre l’évolution de l’Univers et l’émergence de la vie. Il est impossible d’attribuer au hasard l’extrême précision du choix des conditions initiales à l’existence de l’Univers. Il est évident qu’une volonté intelligente et lucide a présidé à l’ajustement de ces paramètres. Ainsi la précision requise, à la fin de l’ère de Planck, pour le réglage de la densité de l’Univers, était de 10-60, qui est équivalente à la précision d’un archer qui atteindrait, avec sa flèche, une cible de 1 cm2, placée au bout de l’Univers à environ quatorze milliards d’années-lumière[11].

    « Et l’écrit a été Posé, alors tu vois les criminels préoccupés de ce qui est en lui, et ils disent : “Ô malheur à nous ! Qu’a donc cet écrit, il n’omet ni petite et ni grande qu’il ne l’ait recensée ?” Et ils ont trouvé ce qu’ils ont œuvré présent ; et Ton Maître n’obscurcit aucun 49 »[12] ; « Certes Nous, Nous Vivifions les morts et Nous Inscrivons ce qu’ils ont fait devancer et leurs vestiges ; et toute chose, Nous l’avons Recensée, en un au-devant explicite 12 »[13] ; « Pour qu’il sache que déjà ils ont fait parvenir les Envois de Leur Maître ; et Il a Cerné par ce qui est devers eux, et Il a Recensé toute chose, nombrée 28 »[14] ; « Et toute chose Nous l’avons Recensée, un écrit 29 »[15] ; « Assurément déjà Il les a Recensés et les a Dénombrés, nombrément 94 »[16]

    « Le soleil et la lune par calcul 5 »[17] ; le premier est à près de 150 millions de km de la terre, la seconde est à près de 400 000 km de celle-ci. 400 fois plus proche et 400 fois plus petite que le soleil, la lune, brillamment positionnée et dimensionnée, nous cache entièrement le soleil lors des éclipses totales de celui-ci. Ces rapports donnent l’impression à nos yeux que les deux disques, solaire et lunaire, ont la même taille.

    Penser que ce sont des coups de chance successifs qui seraient à l’origine de l’existence de l’Univers et de nous-mêmes, c’est comme croire qu’on peut gagner au loto systématiquement à chaque tirage, toutes les secondes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans interruption, durant quatorze milliards d’années. Faute de pouvoir expliquer ces ajustements extrêmement précis des lois de la physique par le simple fait du hasard, certains avancent la théorie des cordes ou l’idée qu’il existe plusieurs, voire une infinité d’Univers, dont le nôtre, chacun de ceux-ci ayant ses propres lois, ce qui laisse une probabilité qu’au moins l’un de ces mondes est forcément bien ajusté. Eh bien, par chance “comme d’habitude”, nous sommes dedans.

    Si nous ne pouvons pas affirmer que ces “plurivers” ou “multivers” n’existent pas, nous pouvons encore moins affirmer le contraire. En effet il n’y a pas la moindre preuve scientifique de leur existence, ni par la théorisation, ni encore moins par l’observation, absolument impossible. De plus, cette hypothèse, si elle élargit le champ des probabilités, ne remet nullement en question le constat d’un Principe Créateur et organisateur qui, lui, est prouvé chaque jour par le cumul des observations scientifiques, dans tous les domaines, du macroscopique au microscopique. La théorie des cordes et/ou les multivers, plusieurs dimensions, plusieurs Univers, cela ne diminue en rien quantitativement et qualitativement les probabilités de l’existence de ce Principe Premier.

    Plusieurs propriétés physiques ont été créées pour constituer un Univers permettant la vie. Si l’une d’entre elles était juste un tout petit peu différente, la vie telle que nous la connaissons n’aurait pu apparaître. Par exemple et entre autres, le carbone, sans lequel il n’y aurait pas de vie, est fabriqué à l’intérieur des fournaises nucléaires des étoiles, par un processus extraordinairement fin. Cela n’est réalisable que grâce au phénomène de la résonance, l’effet de renforcement qui rend le processus plus efficace et la quantité de carbone plus grande. Cette résonance se produit en raison de l’extrême précision des lois de la physique nucléaire. Si ces lois variaient de manière infinitésimale, alors il n’y aurait pas de résonance, ou celle-ci serait au mauvais endroit. Il s’agit là, une fois de plus, d’un ajustement extrême et délicat.

    On peut dire que l’Univers possède un langage universel consistant en des instructions mathématiques, qui sont à la base des lois de la physique et de tout ce qui existe dans cet Univers. Tout ce que nous pouvons connaître et observer de ce monde passe par la maîtrise de ce langage, qui s’exprime dans chaque chose. Étudiez le ciel, la terre, l’homme, la fourmi, la molécule, l’atome ou quoi que ce soit et vous verrez la transcription de ce langage. C’est le sceau du Créateur des cieux et de la terre et de ce qu’il y a entre eux.

    « N’as-tu vu que certes Dieu, pour Lui se prosterne quiconque en les cieux et quiconque en la terre, et le soleil et la lune et les astres, et les montagnes et l’arbre et les animés, et beaucoup de gens ? Et beaucoup s’est avéré sur eux le tourment, et quiconque Dieu Simplifie, alors il n’y a pour lui d’abondement ; certes Dieu Fait ce qu’Il Chose 18 »[18] ; « Et Chez Lui les clefs de l’occulte, ne les Sait que Lui ; et Il Sait ce qui est en le sol et l’océan ; et il ne tombe d’une feuille qu’Il ne le Sache ; et ni une graine en les obscurités de la terre et ni frais et ni sec qui ne soient en un écrit explicite 59 »[19]

    Sachez que les arbres, les plantes, les feuilles, les fleurs, les couleurs, se conforment eux aussi aux lois de la nature. Reprenons un exemple souvent cité, la séquence de Fibonacci, que l’on obtient en additionnant les deux nombres précédents : 0 + 1 = 1, 1 + 1 = 2, 1 + 2 = 3, 2 + 3 = 5, 3 + 5 = 8, 5 + 8 = 13, 8 + 13 = 21, 13 + 21 = 34, 21 + 34 = 55, 34 + 55 = 89… Il s’agit là d’une loi mathématique. Eh bien, celle-ci se manifeste pratiquement partout dans la nature. Par exemple, les feuilles du chêne se placent, autour de la tige, à 2/5ème par rapport aux feuilles précédentes, celles du hêtre à 1/3ème, les feuilles et les brindilles d’un orme grandissent et se placent, par rapport à la tige, à mi-chemin les unes des autres ; plus connu, le nombre de pétales d’une marguerite obéit également à cette règle mathématique… Pour pouvoir faire la liste de tout ce qui se conforme à cette loi, il faudrait des centaines de recueils. Quel que soit le sujet traité, nous pouvons distinguer clairement qu’il s’agit bien d’un plan d’instructions, sous forme de structures mathématiques, qui se déroule parfaitement et intentionnellement depuis le début de la création. Toute chose et tout être, petit ou grand, est soumis à ce plan, et par-delà à Celui qui en est à l’origine.

    « Et Votre Dieu Est Un Seul Dieu, il n’y a de Dieu que Lui, L’Origine, L’Arrangeant 163 Certes en la création des cieux et de la terre, et la divergence de la nuit et de l’ajourage, et le navire qui court en l’océan par ce qui profite aux gens, et ce que Dieu a fait Descendre du ciel d’eau, alors Il a Vivifié par elle la terre après sa mort et Il a Diffusé en elle de tout animé, et la variation des vents et des nuages assujettis entre le ciel et la terre ; assurément des signes pour une communauté [de ceux] qui raisonnent 164 »[20] ; « N’as-tu vu que certes Dieu a fait Descendre du ciel une eau, alors Nous avons fait Sortir par elle des fruits, divergentes leurs couleurs ; et des montagnes, des ascensionnels blancs et rouges, divergentes leurs couleurs, et ternes, noirâtres 27 Et des gens et des animés et des troupeaux, divergentes leurs couleurs ? Comme cela, certes qu’appréhendent Dieu les savants de Ses Serviteurs ; certes Dieu Est Considérable, Pardonnant 28 »[21]

    La molécule d’ADN est formée de deux brins s’entrelaçant en spirale ; toutes les informations, tous les détails physiques et physiologiques d’un être vivant sont codés dans les gènes, segments de cette double hélice repliée au sein des chromosomes, à l’intérieur du noyau cellulaire. Les brins d’ADN sont formés par l’enchaînement de nucléotides, composés de trois éléments, un sucre (desoxypentose), un ou plusieurs groupements phosphate, une base azotée.

    L’information génétique est donnée par la combinaison deux à deux de quatre bases nucléotidiques constituant, par leur assemblage, ce que l’on peut appeler la base de données de toutes les informations concernant un être vivant (génome). Pareillement au code morse, composé de trois différents éléments (point, tiret et espace), qui se combinent pour former des lettres, qui se combinent pour former des mots, qui se combinent pour former des phrases ; les quatre bases entrant dans la composition de l’ADN se combinent, aboutissant à la formation de vingt-deux acides aminés, à partir desquels sont fabriquées environ cent mille protéines… Il s’agit bien d’un langage que les biologistes commencent à décoder. Les informations précises contenues dans l’ADN ne peuvent provenir du hasard. D’où proviennent les informations transcrites dans un journal, un livre, un cédérom ou un disque dur ?

    Le corps humain contient plus de cinquante mille milliards de cellules, chacune d’elles travaille seule et de concert avec les autres, sans arrêt, jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Chaque cellule, de la taille d’environ 1/100ème de millimètre, renferme trois milliards de nucléotides dans environ deux mètres d’ADN compacté. La cellule a un noyau qui abrite les gènes, le génome, lequel contient ces informations qui donnent les instructions à la cellule elle-même, aux organes et au corps entier, pour fonctionner. Il y a donc un manuel d’informations et d’instructions précises dans le génome du noyau de chaque cellule, qui est l’équivalent d’environ neuf cent cinquante livres de cinq cents pages. Il s’agit d’informations et d’instructions. Elles sont donc produites par une volonté consciente et intelligente, tout comme un programme est produit par un programmeur. Le hasard ? Le temps ? L’évolution ? Jeter de l’encre au hasard sur des pages blanches pendant des milliards d’années ne produira jamais une lettre, un mot, une phrase ou un paragraphe, encore moins un manuel d’informations et d’instructions aussi précis et détaillé que celui de la cellule.

    L’organisation et le fonctionnement du corps et de chaque cellule sont plus compliqués et efficients que l’organisation et le fonctionnement de n’importe quelle métropole sur la planète. De plus, il faut imaginer cette métropole se répliquer, pratiquement à l’identique, en quelques heures chaque jour. C’est le cas de la cellule. Aujourd’hui, avec toute notre technologie sophistiquée moderne, nous n’arrivons pas à créer une seule partie d’une cellule réellement fonctionnelle. Chaque cellule possède une membrane, dotée de points d’entrée, avec des gardes constitués de protéines et d’enzymes spécifiques. Ces gardes ne laissent entrer que certains types d’éléments chimiques. Les cellules ont des voies d’acheminement spéciales et des moyens de transport dotés de systèmes de guidage pour que les éléments autorisés à passer se dirigent vers une destination précise. Chaque cellule contient ce que l’on appelle des mitochondries, qui ont pour fonction d’alimenter la cellule en énergie. Dans chaque cellule, il y a des unités de production de protéines, les ribosomes ; ces protéines une fois produites sont emballées de sorte qu’il n’y ait pas de dysfonctionnements durant leur transport. Une fois arrivées, des entités chimiques spécifiques s’occupent de leur déchargement. Dans chaque cellule, hormis les globules rouges, les lysosomes, structures sphériques entourées d’une membrane, ont pour fonction de dégrader, de digérer, les “déchets” intracellulaires… Qui donc est à l’origine de cette création et de cette organisation ?

    « Ô vous les gens ! Un exemple a été Appliqué, alors entendez pour lui : certes ceux que vous invoquez, fors de Dieu, ne créeront une mouche, et [même] s’ils s’assemblaient pour elle, et si la mouche leur soustrait une chose, ils ne la sauvegardent d’elle ; a faibli le demandeur, et le demandé 73 Ils n’ont mesuré Dieu Sa Vraie Mesure ; certes Dieu Est Assurément Fort, Considérable 74 »[22]

    Les scientifiques[23] ont calculé la probabilité d’obtenir, par chance, ne serait-ce qu’une courte protéine fonctionnelle, de cent quarante-neuf acides aminés de long. Pour obtenir une séquence d’acides aminés fonctionnelle, il y a une chance sur 1074. Ce n’est pas fini, car pour constituer une protéine, les acides aminés doivent être fixés ensemble par des liaisons peptidiques ; une liaison seule se produit environ une fois sur deux, et pas systématiquement. Donc, une chance sur deux, exposant 149, 150 pour arrondir, est égale à une chance sur 1045. Et ce n’est toujours pas fini, un acide aminé peut être de conformation isomérique gauche ou isomérique droite ; eh bien pour former une protéine, seule la conformation isomérique gauche peut être utilisée. Donc, on a encore une chance sur deux, exposant 150, qui est égale à une chance sur 1045. Ce qui nous fait au total, en additionnant les exposants : 1074 × 1045 × 1045 = une chance sur 10164. Pour avoir une idée de ce que peut représenter un nombre de cette grandeur, il faut savoir que, depuis le commencement de l’Univers, il s’est passé 1016 secondes, que dans tout l’Univers il y a 1080 nucléons, et que depuis le début de l’Univers il s’est passé 10139 “événements”.

    « Lis Par le Nom de Ton Maître, Celui Qui a Créé 1 A Créé l’humain d’une adhérence 2 Lis, et Ton Maître Est Le Plus-Abondant 3 »[24] ; « Et assurément déjà Nous avons Créé l’humain d’une extraction d’argile 12 Puis Nous l’avons Formé goutte en fixation situante 13 Puis Nous avons Créé la goutte adhérence, alors Nous avons Créé l’adhérence mâchure, alors Nous avons Créé la mâchure ossements, alors Nous avons Habillé les os charnellement, puis Nous l’avons Constitué créature autre ; alors S’est Béni Dieu, Le Plus-Excellent des créateurs 14 Puis certes après cela, assurément vous mourrez 15 Puis certes le jour du redressement (résurrection) vous serez Ressuscités 16 »[25]

    Tant qu’on pensait que la cellule était l’unité de base, qu’elle était simple et non complexe et efficiente, on pouvait imaginer une évolution involontaire et spontanée de l’organisme monocellulaire vers des organismes pluricellulaires plus complexes. Mais aujourd’hui, on découvre chaque jour davantage la complexité et l’efficience d’une seule cellule. Même un organisme vivant monocellulaire est doté de capacités extraordinairement complexes. Le matériau utilisé pour fabriquer une porte, une fenêtre, une chaise, une table, une armoire, peut être le même. Mais le plan, le but, la réalisation sont différents, le résultat aussi. L’homme se distingue par une intelligence sans comparaison aucune avec tout le vivant sur terre. Qu’il puisse avoir des liens avec le singe, la mouche ou le ver de terre, cela ne change rien à sa spécificité particulière et exclusive. Et elle ne peut en aucun cas être le fruit du hasard ou d’une simple évolution. Si évolution il y a, et il y a, car tout, et tout le vivant, évolue, la théorie de l’évolution telle qu’on nous l’a inculquée est certainement à revoir, à corriger et à actualiser.

    Tout ce qui a commencé ou commence à exister a une cause, nous avons vu que notre Univers a eu un commencement, et Dieu en est La Cause Première. Il l’a créé et a déterminé toutes les conditions de son existence et de sa réalité. Mais quelle est donc la cause de cette cause ? Pour reconnaître la cause d’un fait, je ne suis pas obligé de trouver la cause de cette cause. Par exemple, pour reconnaître que le pain est fabriqué par le boulanger, je ne suis pas obligé de savoir d’où provient le boulanger. Sinon, c’est dire que je ne reconnais pas que le pain est fait par le boulanger tant que je ne sais pas d’où provient le boulanger. Mais la question est légitime dans un Univers où chaque chose est causée par quelque chose. Maintenant, rappelons-nous qu’avant la création de l’Univers, l’espace, le temps, la matière… n’existaient pas. Avant toute chose, “là” où il n’y a rien de l’Univers que nous connaissons, La Cause Première n’est pas soumise à la matière, à l’espace-temps ou à quoi que ce soit d’autre. Elle ne résulte de rien que d’Elle-Même, puisqu’il n’y a rien qu’Elle-Même, Elle n’a de cause qu’Elle-Même, Elle Existe d’Elle-Même, Elle Subsiste par Elle-Même, Elle se suffit à Elle-Même. Ce Principe Premier Est L’Ultime-Absolu-Réalité, Dieu L’Omnipotent, L’Omniscient, L’Éternel, Le sans-début-ni-fin.

    Tous les Prophètes et Envoyés de Dieu ont accompli des miracles dont leurs peuples furent témoins. Moïse a ouvert la mer avec son bâton, son peuple en était témoin, il était Envoyé pour lui. Jésus a guéri les lépreux et les aveugles, son peuple en était témoin, il était Envoyé pour lui. Mais nous, nous n’avons pas vu ces prodiges, nous n’en avons donc pas de preuve formelle. Le miracle de Mohammed est le Qorân, il était manifeste hier, il l’est encore plus aujourd’hui et il le sera plus encore demain. Toutes les religions présentent leurs textes sacrés comme étant véridiques et par là miraculeux. Mais aucun livre sacré sur la terre ne déclare être lui-même un miracle, à part le Qorân :

    « Dis : “assurément si s’étaient assemblés les humains et les gènes [26] (al-jinn, الجن) sur de rapporter par semblable à ce Qorân (cornant), ils ne rapporteraient par son semblable, et [même] si une partie d’eux était, pour une partie, manifestante” 88 Et assurément déjà Nous avons fait Varier pour les gens, en ce Qorân (cornant), de tout exemple ; alors la plupart des gens [n’]ont opiniâtré que dénigrements 89 »[27] ; « Si Nous avions fait Descendre ce Qorân (cornant) sur une montagne, assurément tu l’aurais vue révérencieuse, fissurée de l’appréhension de Dieu ; et tels exemples, Nous les Appliquons pour les gens ; peut-être réfléchiront-ils ! 21 Il Est Dieu ! Lui, il n’y a de Dieu que Lui, Le Savant de l’occulte et du témoignage, Il Est L’Origine, L’Arrangeant 22 Il Est Dieu ! Lui, il n’y a de Dieu que Lui, Le Possédant, Le Tout-Saint, La Paix, L’Assurant, Le Rassérénant, Le Considérable, L’Impérieux, Le Magnifique ; Gloire à Dieu ! De sur ce qu’ils associent 23 Il Est Dieu ! Le Créateur, L’Exemptant, Le Configurant ; pour Lui les Noms Excellentissimes ; glorifie pour Lui ce qui est en les cieux et la terre ; et Il Est Le Considérable, Le Jugeant 24 »[28]

    L’Islâm est la dernière religion révélée, elle est destinée à l’ensemble de l’humanité, hier, aujourd’hui et demain. Cette religion est adoptée à partir d’un témoignage conscient en deux parties : Je témoigne qu’il n’y a de dieu que Dieu, Unique, sans associé, et je témoigne que Mohammed est Son Serviteur et Son Envoyé.

    Lorsque vous entrez dans une maison, vous distinguez les murs bâtis par le maçon, des portes et fenêtres faites par le menuisier, ou encore les fils électriques montés par l’électricien, des tuyaux assemblés par le plombier. L’Univers, lui, nous montre une unicité absolue, de l’échelle quantique à l’échelle astronomique, des lois à l’énergie, la matière, la particule, l’atome, la molécule, la cellule, la planète, l’étoile, la galaxie… L’Univers est un ensemble cohérent et harmonieux, produit d’un Seul Principe Créateur et Organisateur. Il témoigne qu’il n’y a de dieu que Dieu, Unique, sans associé. Et il témoigne également que Mohammed est l’Envoyé de Dieu.

    En effet, nous avons vu que tout l’Univers, tout ce qu’il contient et tout ce qui le constitue, petit et grand, sont musulmans, à savoir soumis-pacifiés à Dieu par ses lois. La science moderne a donc débuté par : « Il n’y a pas de dieu », pour ensuite affirmer et compléter la première partie du témoignage : « Il n’y a pas de dieu que Dieu, Unique, sans associé ». Enfin, elle a démontré la deuxième partie du témoignage, à savoir que tout ce qui est dans les cieux et sur la terre est musulman, soumis-pacifié à Dieu.

    « Dieu a Témoigné, et les anges (possesseurs) et les primés du savoir, que certes il n’y a de Dieu que Lui, Adressant par l’équité ; Il n’y a de Dieu que Lui, Le Considérable, Le Jugeant 18 Certes la créance (religion) Chez Dieu est la Pacification (l’Islâm) ; et n’ont divergé ceux à qui a été Rapporté l’écrit que d’après que leur est venu le savoir, brigue entre eux ; et quiconque dénigre par les Signes de Dieu, alors certes Dieu Est Prompt au calcul 19 »[29] ; « Est-ce qu’alors, différent de la Créance (Religion) de Dieu, ils briguent ? Et pour Lui s’est pacifié (soumis) quiconque en les cieux et la terre, de gré et contraint ; et vers Lui on les fait revenir 83 Dis : “Nous avons assuré (cru) par Dieu et ce qui a été Descendu sur nous, et ce qui a été Descendu sur Abraham et Ismaël et Isaac et Jacob et les lignages, et ce qui été Rapporté à Moïse et Jésus et les annonciateurs (prophètes), de Leur Maître ; nous ne discernons entre aucun d’eux, et nous sommes pour Lui pacifiés (musulmans)” 84 Et quiconque brigue, différent de la Pacification (l’Islâm), un créancier (religiosité), alors ce ne sera avancé (accepté) de lui et il est en la dernière [l’au-delà] des perdants 85 »[30] ; « Alors quiconque Dieu Veut Guider, Il Décortique sa poitrine pour la Pacification (l’Islâm) ; et quiconque Il Veut Égarer, Il Forme sa poitrine étroitement embarrassée comme s’il s’escaladait en le ciel, comme cela Dieu Forme l’intempérance sur ceux qui n’assurent (ne croient) 125 »[31]

    Cet exposé ne représente qu’une goutte d’eau d’un immense océan de preuves de l’existence de Dieu. Tout un chacun peut s’en assurer, une vie entière ne suffirait à recenser ces preuves innombrables et colossales. De nos jours, l’existence de Dieu n’est plus une énigme, une déduction, une intuition, et encore moins une croyance aveugle. La Foi jaillit de la connaissance objective des faits résultant de la réalité de notre monde. Elle est paisible, sereine et entière, et n’est pas assujettie aux soubresauts d’humeur et aux événements circonstanciels. Elle ne provoque pas la passion, le fanatisme, la haine, la rébellion et la violence. Elle est paix prêchant La Paix.

     

     

    [1] Dans ma traduction, j’utilise toujours la majuscule en début de mot lorsqu’il s’agit de Dieu, de Ses Attributs et de Son Action, sauf dans certaines formes verbales négatives ; par exemple : « Dieu a fait Descendre le plus-excellent énoncé, un écrit plurivoque dédoublé, duquel s’hérissent les peaux de ceux qui appréhendent Leur Maître, puis s’adoucissent leurs peaux et leurs cœurs vers la Remémoration de Dieu ; cela est la Guidance de Dieu, Il Guide par lui quiconque Il Chose ; et quiconque Dieu Égare, alors il n’y a pour lui de guidant » (chapitre 39, verset 23) ; « (…) Et Dieu ne guide la communauté des obscurantistes (injustes) » (chapitre 61, verset 7).

    [2] Chapitre 41, versets 52-54.

    [3] Dont le spectre électromagnétique dépend exclusivement de sa température.

    [4] Rayonnement électromagnétique.

    [5] Chapitre 21, verset 30.

    [6] Chapitre 51, verset 47.

    [7] Chapitre 41, verset 11.

    [8] Chapitre 36, verset 40.

    [9] Parmi les plus connus, Stephen Hawking.

    [10] Même à l’échelle quantique on peut observer des symétries. Ainsi, les chaînes d’atomes se comportant comme une corde de guitare à l’échelle nanométrique ; il en résulte une série de notes qui résonnent. L’observation des deux premières notes prouve une parfaite relation entre elles, le ratio de leurs fréquences est égal à 1,618. Cf. Ian Affleck, Science, janvier 2010, Nature, mars 2010.

    [11] Trinh Xuan Thuan.

    [12] Chapitre18, verset 49.

    [13] Chapitre 36, verset 12.

    [14] Chapitre 72, verset 28.

    [15] Chapitre 78, verset 29.

    [16] Chapitre 19, verset 94.

    [17] Chapitre 55, verset 5.

    [18] Chapitre 22, verset 18.

    [19] Chapitre 6, verset 59.

    [20] Chapitre 2, versets 163-164.

    [21] Chapitre 35, versets 27-28.

    [22] Chapitre 22, versets 73-74.

    [23] Cf. les travaux de Stephen C. Meyer, Francis Crick, Stanley Miller, Leslie Orgel.

    [24] Chapitre 96, versets 1-3.

    [25] Chapitre 23, versets 12-16.

    [26] La relation lexico-sémantique est indéniable, en les deux langues, concernant les mots suivants : jahannam (جهنّم) / géhenne (abîme, enfer, tourment) ; al-jannah ([le paradis], الجنّة) / la genèse (naissance, formation, génération) ; al-jân ([le djinn], الجان) / le gène (race, genre, espèce) ; ajinnah ([embryons], أجنّة) / génotypes (patrimoines génétiques) ; al-jinnah (الجنّة) / la transgénèse (insertion de gènes) ; majnûn ([possédé], مجنون) / transgénique (génétiquement modifié). Tous ont en commun d’être dissimulés à l’ordinaire.

    [27] Chapitre 17, versets 88-89.

    [28] Chapitre 59, versets 21-24.

    [29] Chapitre 3, versets 18-19.

    [30] Chapitre 3, versets 83-85.

    [31] Chapitre 6, verset 125.

  • « Marx ésotérique et Marx exotérique », par Roman Rosdolsky (1957)
    http://www.palim-psao.fr/2017/08/marx-esoterique-et-marx-exoterique-par-roman-rosdolsky-1957.html

    Juste une petite citation.

    Il y a plus de cent ans, Marx a commencé à écrire ses leçons d’économie.

    Il s’agit d’une durée considérable, surtout si l’on considère les immenses transformations que le monde a connues depuis. Ce serait donc un miracle si toutes les propositions de Marx avaient encore aujourd’hui une complète validité, et si aucune d’entre elles n’était rendue caduque par le développement plus tardif du système. Certes, si on le considère dans sa totalité, le système économique de Marx a fait ses preuves dans l’histoire.

    Mais Karl Marx fut un enfant de son temps, malgré toute sa génialité, qui fut soumis à l’influence des faits empiriques et des habitudes de pensée de son temps. A l’intérieur de son système, nous devons différencier des raisonnements ayant chacun une portée et un poids théorique variables. En ce sens, on peut tout à fait parler d’un Marx ésotérique et d’un Marx exotérique – au sens où nous voulons comprendre la différence entre la théorie originale et les conclusions et projections dérivées. Il est clair que la première peut conserver sa complète validité, même si les secondes devaient s’avérer être prématurées ou dépassées. Et il est clair qu’une utilisation fructueuse de la théorie marxienne n’est possible que si l’on distingue les éléments ésotériques des éléments exotériques, et que si l’on sait bien séparer ce qui est historiquement déterminé et ce qui reste encore valable dans le système marxien.

    (traduction Benoit Bohy-Bunel)

    #Marx #théorie

  • Moment détente(?) : « C’est la reprise !... »
    https://www.crashdebug.fr/diversifion/13903-moment-detente-c-est-la-reprise

    Je sais je me répète mais Maurice Allais (prix nobel d’économie Français) nous avait prévenu dès 1999 que nous prenions le mauvais chemin, se sachant censuré ;, il à même fait un testament à votre intention, du reste bien avant lui Karl Marx nous avait indiqué les « effets de bord » du Capitalisme, pourtant il semblerait qu’on nous ai indiqué une autre voie…. Allez savoir pourquoi ??? ; )))

    Je pense que maintenant en 2017 vous pouvez en apprécier le résultat.

    Amicalement,

    f.

    Pub Cora

    Source : Contributeur anonyme

    Informations complémentaires :

    Crashdebug.fr : L’éclatante faillite du nouveau credo, par Maurice Allais (1999)

    Crashdebug.fr : « Lettre aux Français contre les tabous indiscutés » - Le cri d’alarme du seul prix Nobel d’économie français (1988) : Maurice Allais

    Crashdebug.fr : Mammon ou la (...)

    #En_vedette #Divers

  • A #Chemnitz, la lente renaissance d’une ville dépeuplée
    https://www.mediapart.fr/journal/international/180817/chemnitz-la-lente-renaissance-d-une-ville-depeuplee

    À Chemnitz, « Plattenbau » et grandes avenues quadrillent le paysage © AP Dans l’est de l’Allemagne, Chemnitz, ex-Karl Marx Stadt, fait partie des villes à avoir le plus souffert du processus de #réunification. À l’écart des grands axes et des gros bassins d’emploi, elle affiche toutefois aujourd’hui un nouveau dynamisme.

    #International #AFD #Allemagne #chômage #ex-RDA #industrie #Saxe #transports #urbanisme

  • Arte balance sur YouTube sa formidable série de six documentaires, Capitalisme
    http://speech.konbini.com/news/arte-balance-capitalisme-serie-documentaires-youtube

    D’Adam Smith à David Ricardo, fondateurs de la pensée économique moderne, en passant par Karl Marx, le troc dans l’Amazonie péruvienne ou encore le néolibéralisme sauvage de Milton Friedman, Arte propose une impressionnante réflexion sur les origines du capitalisme. Et le meilleur, c’est que l’ensemble de cette fresque destinée à offrir « des clefs de compréhension du système capitaliste » est désormais disponible sur YouTube. Et en haute définition, s’il vous plaît.

  • Cinéma-débat : “Le jeune Karl Marx”
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article975

    L’Université Populaire de Toulouse et Espaces Marx vous invitent à la projection en avant-première du dernier film de Raoul Peck au cinéma ABC à 20H30 le mardi 26 septembre. En Allemagne, une opposition intellectuelle fortement réprimée est en pleine ébullition. En France, les ouvriers du Faubourg Saint-Antoine, levain de toutes les révolutions, se sont remis en marche. En Angleterre aussi, le peuple est dans la rue, mais là il ne s’agit plus seulement de renverser les rois : à Manchester, la (...)

    #Cinéma_-_débat

  • Pas tout lu.
    The (anti-)German ideology: Towards a critique of anti-German “communism”
    https://thecharnelhouse.org/2015/03/05/the-anti-german-ideology-towards-a-critique-of-anti-german-communis
    https://rosswolfe.files.wordpress.com/2015/03/keine_versoehnung_mit_deutschland-03.jpg?w=440

    “The specter of the anti-Germans has easily become the Feindbild for activists of the Anglophone Left; yet rarely does this translate into a fundamental or informed criticism of the anti-German premise. This article, then, offers an introductory description and a critical analysis of pro-Israeli, anti-German communism in its context within the post-war German Left and as a contemporary protest movement that sits oddly on the fringes of radical politics. Its origins and politics are examined to depict the radicalization of a broad anti-nationalist campaign against German re-unification, and its evolution into a small but coherent anti-German movement, controversial for its pro-Israel polemics and provocations. Current debates within the anti-fascist German Left are reviewed to explore anti-German positions on the Holocaust, Israel, Islam, anti-imperialism, and Germany’s foreign policy. Theoretical works that have heavily influenced anti-German communism are discussed to comprehend the movement’s intellectual inspirations. The purpose of the article is to introduce one of Germany’s most controversial protest movements to an English-speaking audience and to hint at the formulation of a critique that is more than a knee-jerk reaction to pro-Israeli agitation.

    Introduction
    .
    Anti-German communism is a political tendency that grew from within the German radical Left, and that has adopted a pro-Western/pro-Israel discourse and critiques of post-Nazi Germany and Islamic antisemitism as its defining ideological characteristics. Despite being intellectually inspired by the writings of Karl Marx and the critical theory of the Frankfurt School, the subsequent reinterpretation and political contortion of these texts by the “anti-Germans” has fueled an antagonistic relationship with large parts of the German (and global) Left. The common left-wing premises of anti-imperialism and anti-Zionism are regarded by the anti-Germans as expressions of a continuation of the “logic of Auschwitz” that reflects totalitarian, fascistic thought in the national mindsets of most Germans, Europeans, and beyond.”

  • Karl Marx et notre Etat profond français de souche
    http://www.dedefensa.org/article/karl-marx-et-notre-etat-profond-francais-de-souche

    Karl Marx et notre Etat profond français de souche

    On se moque de leur Etat profond…

    Voyons l’Etat profond français sur lequel Marx écrit en 1851 :

    « On se rend compte que, dans un pays comme la France, où le pouvoir exécutif dispose d’une armée de fonctionnaires de plus d’un demi-million de personnes et tient, par conséquent, constamment sous sa dépendance la plus absolue une quantité énorme d’intérêts et d’existences, où l’État enserre contrôle, réglemente, surveille et tient en tutelle la société civile, depuis ses manifestations d’existence les plus vastes jusqu’à ses mouvements les plus infimes, de ses modes d’existence les plus généraux jusqu’à la vie privée des individus, où ce corps parasite, grâce à la centralisation la plus extraordinaire, acquiert une omniprésence, une omniscience une plus rapide (...)

  • Karl Marx et le prince-président Macron
    http://www.dedefensa.org/article/karl-marx-et-le-prince-president-macron

    Karl Marx et le prince-président Macron

    Je ne suis pas trop l’actualité politique qui n’en vaut pas la peine, mais j’ai cru comprendre ceci :

    • Bayrou et sa compagnie de cathos de souche et de libéraux d’opérette est parti.

    • Les républicains de bouche (et non de souche) se sont divisés entre ceux qui veulent aller à la soupe et ceux qui jouent aux durs.

    • Le parti du prince-président devient unique, comme la pensée et leur monnaie.

    Emmanuel Macron devient une vraie muse : on a évoqué Arsène Lupin, on a rajouté Boris Vian, François Mitterrand, et maintenant on va le rapprocher de notre Louis-Napoléon Bonaparte et de ce que Marx appelle, dans son dix-huit brumaire, la république cosaque. Pendant trois ans à l’époque (entre 1848 et 1851) les clans conservateurs, catholiques (toujours eux), (...)

    • Le manifeste du parti communiste - K. Marx, F. Engels (I)
      https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000a.htm

      Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot [1] , les radicaux de France et les policiers d’Allemagne.

      Quelle est l’opposition qui n’a pas été accusée de communisme par ses adversaires au pouvoir ? Quelle est l’opposition qui, à son tour, n’a pas renvoyé à ses adversaires de droite ou de gauche l’épithète infamante de communiste ?

      Il en résulte un double enseignement.

      – Déjà le communisme est reconnu comme une puissance par toutes les puissances d’Europe.
      – Il est grand temps que les communistes exposent à la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances ; qu’ils opposent au conte du spectre communiste un manifeste du Parti lui-même.

      C’est à cette fin que des communistes de diverses nationalités se sont réunis à Londres et ont rédigé le Manifeste suivant, qui est publié en anglais, français, allemand, italien, flamand et danois.

      Communist Manifesto (Chapter 1)
      https://www.marxists.org/archive/marx/works/1848/communist-manifesto/ch01.htm

      A spectre is haunting Europe — the spectre of communism. All the powers of old Europe have entered into a holy alliance to exorcise this spectre: Pope and Tsar, Metternich and Guizot, French Radicals and German police-spies.

      Where is the party in opposition that has not been decried as communistic by its opponents in power? Where is the opposition that has not hurled back the branding reproach of communism, against the more advanced opposition parties, as well as against its reactionary adversaries?

      Two things result from this fact:

      I. Communism is already acknowledged by all European powers to be itself a power.
      II. It is high time that Communists should openly, in the face of the whole world, publish their views, their aims, their tendencies, and meet this nursery tale of the Spectre of Communism with a manifesto of the party itself.

      To this end, Communists of various nationalities have assembled in London and sketched the following manifesto, to be published in the English, French, German, Italian, Flemish and Danish languages.

      Karl Marx u. Friedrich Engels: Manifest d. Kommunistischen Partei (Einleitung)
      https://www.marxists.org/deutsch/archiv/marx-engels/1848/manifest/0-einleit.htm

      Ein Gespenst geht um in Europa – das Gespenst des Kommunismus. Alle Mächte des alten Europa haben sich zu einer heiligen Hetzjagd gegen dies Gespenst verbündet, der Papst und der Zar, Metternich und Guizot, französische Radikale und deutsche Polizisten.

      Wo ist die Oppositionspartei, die nicht von ihren regierenden Gegnern als kommunistisch verschrien worden wäre, wo die Oppositionspartei, die den fortgeschritteneren Oppositionsleuten sowohl wie ihren reaktionären Gegnern den brandmarkenden Vorwurf des Kommunismus nicht zurückgeschleudert hätte?

      Zweierlei geht aus dieser Tatsache hervor.

      Der Kommunismus wird bereits von allen europäischen Mächten als eine Macht anerkannt.

      Es ist hohe Zeit, daß die Kommunisten ihre Anschauungsweise, ihre Zwecke, ihre Tendenzen vor der ganzen Welt offen darlegen und dem Märchen vom Gespenst des Kommunismus ein Manifest der Partei selbst entgegenstellen.

      Zu diesem Zweck haben sich Kommunisten der verschiedensten Nationalität in London versammelt und das folgende Manifest entworfen, das in englischer, französischer, deutscher, italienischer, flämischer und dänischer Sprache veröffentlicht wird.

      #marxisme #communisme #histoire

  • Baudelaire et la conspiration géographique
    http://www.dedefensa.org/article/baudelaire-et-la-conspiration-geographique

    Baudelaire et la conspiration géographique

    Lisons les Fleurs de Baudelaire moins bêtement qu’à l’école. Et cela donne :

    Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville

    Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel)…

    On est dans les années 1850, au début du remplacement haussmannien de Paris. Baudelaire comprend ici l’essence du pouvoir proto-fasciste bonapartiste si bien décrit par son contemporain Maurice Joly ou par Karl Marx dans le dix-huit brumaire. Et cette société expérimentale s’est étendue à la terre entière. C’est la société du spectacle de Guy Debord, celle ou l’Etat profond et les oligarques se mêlent de tout, en particulier de notre « environnement ». C’est ce que je nomme la conspiration géographique.

    La conspiration géographique est la plus grave de toutes. On n’y pense pas assez, mais elle (...)

  • Prendre le ciel d’assaut Le Courrier - Lundi 15 mai 2017- Benito Perez
    https://www.lecourrier.ch/149419/prendre_le_ciel_d_assaut

    Il va falloir s’y habituer. Emmanuel Macron est depuis hier le huitième président de la Ve République française et son discours lénifiant, entre best-seller de développement personnel et langue de bois 2.0, est devenu la doctrine officielle de la patrie des Lumières. Triste époque.
    Pour son intronisation, dimanche, le patron de la République en marche (REM) n’a pas déçu, assénant que les Français, à travers lui, avaient choisi « l’esprit de conquête », sans préciser quels nouveaux territoires il ambitionnait d’assujettir.

    En revanche, depuis quelques jours, on connaît mieux ces « helpers », ces « CEO » et autres « startuppers » qui ont permis à l’ancien « managing director » de Rothschild et ministre de François Hollande de devenir supposément l’homme du « renouveau » (en tout cas de la langue française). Epluchant les documents dérobés par des pirates informatiques, Libération décrit dans son édition de vendredi la communauté agissante et fortunée qui a fabriqué de toutes pièces le phénomène Emmanuel Macron : cadres et patrons d’entreprises, financières et technologiques, sortis de l’ENA ou de HEC.

    Une France d’en haut mais aussi d’ailleurs, puisque les dons ont afflué de l’étranger, où les exilés fiscaux et les « expats » n’ont pas lésiné pour donner une forte impulsion à leur champion, comme l’a décrit Mediapart. Ces réseaux – habilement actionnés jusqu’à concurrence de 20 000 euros par tête de pipe pour ne pas outrepasser les limites légales – dessinent clairement la pyramide sociale incarnée par le nouveau chef de l’Etat : moins de 2% des donateurs ont contribué à près de la moitié du budget de campagne de M. Macron. Une aubaine financière à laquelle il faut encore ajouter l’emprunt personnel de 8 millions d’euros généreusement consenti malgré l’absence de patrimoine à mettre en gage.

    Bref : une fusée politique propulsée du haut 1 vers le bas et dont la conception hiérarchique du monde s’exprime assez naturellement dans son offensive actuelle sur l’Assemblée nationale. Ainsi, dans l’entreprise En Marche, les candidats à la députation sont « embauchés » directement par la cellule de recrutement d’Emmanuel Macron, sur CV, lettre de motivation puis entretien... Etrange démocratie, où l’exécutif compose librement sa future armée législative ! Seules exceptions à ces députés-employés : les transfuges des partis en place, notamment socialistes, cooptés en fonction de leur capacité à arracher des bouts d’appareil, à l’instar des affidés du parrain lyonnais Gérard Collomb.
    Le fait du Prince et la tambouille locale, voilà qui va très nettement révolutionner la façon de faire de la politique en France !

    Non contents d’instiller le poison de la gestion managériale et de la rentabilité aux services publics, les socio-libéraux à la sauce Macron ont donc trouvé moyen de privatiser la vie démocratique. Face à cette tentation autoritaire, rendue possible par la faillite du Parti socialiste, ce qu’il reste de la gauche française devra réagir rapidement, pour ne pas se laisser marginaliser. Surtout, elle devra suivre un chemin diamétralement opposé, tant dans ses objectifs politiques que dans sa future organisation, démocratique et participative. Une fusée propulsée d’en bas, pour « prendre le ciel d’assaut » 2 .

    • 1. Il faudrait encore ajouter la contribution des patrons de presse, détaillée par la journaliste Aude Lancelin : https://audelancelin.com/2017/04/20/emmanuel-macron-un-putsch-du-cac-40
    • 2. Expression de Karl Marx, reprise par le leader de Podemos, Pablo Iglesias.

    #emanuel_macron #nationnal_libéralisme #en_marche #ENA #HEC #gérard_collomb #prince #marquis #gestion #socio-libéraux #privatisation

  • Conférence-débat : « Philosophie et révolution » de Kant à Marx.
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article922

    L’université Populaire de Toulouse invite Stathis Kouvélakis à 20H30 au Bijou le 13 juin. Comment, par quels chemins Karl Marx, jeune philosophe et publiciste allemand émigré à Paris au début des années 1840, est-il devenu le célèbre penseur de la révolution communiste ? Il faut se garder, explique Kouvélakis, d’y voir un point d’aboutissement miraculeusement inscrit à l’avance dans l’histoire. L’émergence de la pensée de Marx a lieu dans un moment intellectuel et politique particulier, celui du (...)

    #Programme_d'activités

  • Le compteur Linky et la société électrique
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=933

    Karl Marx, quelqu’un qui s’y connaissait, écrivait en 1853 : « La vapeur et l’électricité conspirent contre le statu quo ». On a peine à l’imaginer, mais en effet, avant la vapeur et l’électricité, l’énergie hydraulique motorisait des milliers de fabriques en Europe (par exemple à Tourtre, dans le Vercors, des moulins, scieries, soieries). Faut-il souligner que Marx était tout-à-fait favorable à l’utilisation de la vapeur, de l’électricité, et au bouleversement du statu quo. C’est-à-dire, au développement des forces productives et par conséquent, in fine, au bouleversement des rapports sociaux. L’histoire de l’utilisation de l’électricité retient qu’elle fut d’abord produite et employée localement, et non pas en réseau. Qu’il y eut quelques réticences, quelques résistances à sa généralisation. (...)

    #Nécrotechnologies
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/linky_jarrige.pdf

  • The World According to Scientists - Facts So Romantic
    http://nautil.us/blog/the-world-according-to-scientists

    “A scientist is a kid who formalized his curiosity about the world.” – Neil deGrasse TysonPhotograph by NASAIn Victorian England, one pastime among friends and family was to jot down your “Confessions”—answers to semi-serious questions of taste and principle. One day, in the spring of 1865, Karl Marx had a go. Several of his answers spotlight habits of the scientific mind. The quality you like best? Simplicity. The vice you hate most? Servility. Your motto? De omnibus dubitandum (“Doubt everything”).These don’t exhaust the necessary ingredients of scientific thought, however; one would also have to include experimentation—that willingness to try things out for yourself. That quality is what unifies every sincere participant in the scientific enterprise. Each scientist has his or her own way of (...)

  • INTERNATIONALE DE COMBAT
    À CHICAGO EN 1886

    Au IVe congrès de l’American Federation of Labor, en 1884, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis s’étaient donné deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai parce que beaucoup d’entreprises américaines entamaient ce jour-là leur année comptable.

    Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d’obtenir la journée de huit heures. Mais d’autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.

    Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police. Sept autres policiers sont tués dans la bagarre qui s’ensuit.
    Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité. Cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886 malgré des preuves incertaines. En 1893, ces anarchistes furent innocentés et réhabilités par le gouverneur de l’Illinois, qui confirma que c’était le chef de la police de Chicago qui avait tout organisé, et même commandité l’attentat pour justifier la répression.

    Trois ans après le drame de Chicago, la IIe Internationale réunit à Paris son deuxième congrès. Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures.
    Le 20 juin 1889, sur une proposition de Raymond Lavigne, ils décident qu’il sera « organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès.
    Dès l’année suivante, le 1er mai 1890, des ouvriers font grève et défilent.

    https://rebellyon.info/Les-Martyrs-de-Chicago-aux-origines-du
    https://www.herodote.net/Tragedies_et_joies_du_1er_Mai-evenement-18860501.php

    Le 1er mai par Paul Lafargue

    PREMIER MAI 1890

    Le Congrès international de 1889 avait décidé une manifestation internationale du monde du travail le 1er Mai 1890. Quand les délégués qui avaient représenté le prolétariat français à ce congrès se réunirent pour organiser cette manifestation ils étaient sceptiques sur le résultat de leurs efforts. La tâche était d’autant plus difficile que le Parti socialiste français ne disposait d’aucun moyen financier ; de plus, les "possibilistes" se déclaraient contre toute manifestation et essayaient de la faire échouer, cependant que de leur côté, les monarchistes et les boulangistes essayaient de participer à la démonstration pour l’utiliser en faveur de leurs fins politiques.
    Abandonné à ses propres forces, le comité formé à Paris et en province n’avait pas réussi à provoquer une agitation assez forte pour déterminer un mouvement des masses ouvrières. Heureusement, ils devaient trouver dans la presse bourgeoise et chez le président du conseil Constant – 2e édition de Bismarck – une aide aussi vigoureuse qu’inattendue. Les délégués étaient fermement décidés à réaliser en dépit de toutes les difficultés la mission qui leur avait été confiée par le congrès international.

    A peine eurent-ils annoncé leur intention de fêter le 1er Mai que la bourgeoisie eut peur. Comment, les ouvriers voulaient forcer à une cessation de travail internationale ; par delà les océans et les frontières, ils entendaient exiger la journée légale de 8 heures ? C’était donc une insurrection ! C’était renverser toutes les notions bourgeoises sur la soumission loyale des ouvriers à la volonté des capitalistes et aux lois de leur économie nationale ! Le 1er Mai allait devenir un jour de révolte pour les esclaves salariés, qui allaient mettre le pays à feu et à sang ! Les journaux bourgeois, représentant les intérêts de la classe possédante qui tremblait pour son coffre-fort, publiaient des nouvelles, semant l’effroi parmi les petits bourgeois, en exagérant démesurément les moindres préparatifs de la manifestation. Le ministre Constant hurlait à la peur de la révolution et annonçait au monde entier, que pour en triompher, il allait mettre sur pied de guerre toutes les forces armées de l’Etat bourgeois. Ainsi la presse et le gouvernement contribuaient à organiser activement la manifestation de Mai 1890.

    La décomposition de la société capitaliste a déjà atteint un tel degré, que les institutions créées pour assurer sa sécurité, deviennent un facteur d’accélération de sa ruine.
    Les comités d’organisation constataient bientôt les résultats de la propagande faite par le gouvernement ; l’idée de la manifestation s’enracinait toujours plus profondément dans les esprits, elle pénétrait dans les masses du prolétariat et devenait le centre autour duquel s’orientaient les conversations dans les ateliers et les fabriques. Le 1er Mai dépassait les espérances des organisateurs de la démonstration.
    En des villes sur lesquelles ils ne comptaient pas ils furent surpris par la quantité d’ouvriers qui chômèrent.

    Les camarades du parti, à Sète, où ils ont conquis la majorité au conseil municipal, n’avaient pas osé proposer une manifestation ; ils s’étaient contentés d’organiser un meeting dans la soirée. Quels ne fut pas leur étonnement et leur joie, lorsqu’ils virent le 1er Mai tous les ouvriers du port chômer et, par leur exemple, faire cesser le travail aux tonneliers. Vers midi le chômage était général à Sète.

    La manifestation du 1er Mai 1890 fut en France plus imposante que n’espéraient les socialistes. Ce n’était pas encore toute la classe ouvrière qui fêtait ; seule sa partie la plus avancée avait prouvé qu’elle obéissait au mot d’ordre du Congrès international. Le 1er Mai 1890, le prolétariat d’Europe et d’Amérique s’était élevé dans son élite consciente ; les prolétaires de tous les pays se tendaient les mains par delà les préjugés, les frontières et les mers et jurèrent de lutter coude à coude pour se libérer du joug capitaliste.

    Les nouvelles et les mensonges étalés par la presse bourgeoise, avaient fait croire à des mesures répressives de la part du gouvernement. Les bourgeois avaient vu menacer sérieusement leur vie et leur propriété et imitaient les courageux criant devant le danger " soyez fermes, sauvons nous ". Les capitalistes s’effrayaient devant les démonstrations des ouvriers. Le 1er Mai, les magasins, les fenêtres des boutiques dans les quartiers riches de Paris étaient fermés ; on aurait dit une ville abandonnée, n’eussent été les places et les rues remplies de policiers et de soldats.

    Les capitalistes avaient eu aussi leur manifestation, la manifestation de leurs craintes. Le 1er Mai 1890 compte parmi les dates les plus importantes de ce siècle.
    L’histoire de l’humanité montrait pour la première fois le spectacle du prolétariat du monde entier, uni dans la même pensée, mû par la même volonté, suivant le même mot d’ordre ; rassemblement des forces ouvrières dans une action commune. Le 1er Mai aurait-il abouti à ce résultat, il aurait une signification immense : les socialistes internationalistes avaient remporté une victoire décisive sur les capitalistes qui avaient opposé à toute action de la classe ouvrière la résistance la plus violente.

    La bourgeoisie a appliqué tous les moyens matériels pour repousser l’organisation politique et économique de la classe ouvrière. Et le résultat ? Le prolétariat organise conformément au mot d’ordre d’un congrès, dans le tohu-bohu d’une exposition universelle de Paris, une manifestation mondiale et montre qu’il se lance uni contre la classe capitaliste pour revendiquer. Le 1er Mai 1890 se lève l’aurore d’une nouvelle ère.

    PREMIER MAI 1891

    Le 1er Mai 1890 avait soulevé les masses ouvrières. Des couches de la population laborieuse jusqu’alors restées à l’écart de la propagande socialiste, aspiraient maintenant au besoin de réformes sociales et ce qui est le plus important, croyaient à la possibilité de leur réalisation. Les pionniers de la cause ouvrière comprenaient que la manifestation offrait le puissant levier pour mettre le prolétariat en mouvement.
    Le congrès national décidait de répéter la manifestation et au congrès international de Bruxelles devait être formé le projet de proclamer le 1er Mai jour de fête permanente du prolétariat international.

    Encouragé par le succès du 1er Mai 1890, les socialistes marchaient avec enthousiasme à l’organisation de la démonstration du 1er Mai. Le conseil national du parti ouvrier et le conseil national de la fédération des syndicats lancèrent en février un appel qui fut affiché dans toutes les villes et les centres industriels. Je le publie à cette place comme un document historique, car il exerça l’effet décisif sur le succès de la démonstration.

    AUX OUVRIERS FRANÇAIS
    Manifestation internationale du 1er mai

    Camarades, nous approchons du 1er Mai ; tous les partis ouvriers d’Europe, d’Amérique, d’Australie ont décidé au congrès international de faire de cette date l’anniversaire international du travail. Les nouvelles parvenues de tous côtés montrent que les ouvriers s’apprêtent, jusque dans les coins les plus reculés, pour cette action internationale de solidarité.

    En ce jour les frontières doivent être abolies ; sur toute la terre on verra que ce qui doit être uni est uni, et décidé ce qui doit être décidé.

    D’un côté, la main dans la main, animés par l’espérance commune d’émancipation, les producteurs de toutes les richesses, les prolétaires qu’on cherche à jeter les uns contre les autres sous le couvert du patriotisme, d’un autre côté, les exploiteurs de toutes espèces coalisent leurs efforts, poussés par la peur et la lâcheté contre un courant historique qu’ils ne peuvent retenir et qui les emportera. Camarades, ouvriers de France : la question sociale est mise dans toute sa réalité devant les yeux des indifférents. Etant donné la surproduction de richesses qui devient pour la classe des producteurs, une source de misère, chacun doit réfléchir et se demander :
    Pourquoi de tels rapports sont-ils possibles ?

    Pourquoi les ouvriers de l’atelier, du comptoir, du magasin voient-ils qu’on leur diminue les salaires, qu’on prolonge leur journée de travail, que leurs femmes et leurs enfants sont toujours entraînés plus nombreux dans les bagnes capitalistes pour les concurrencer ? Pourquoi les petits marchands disparaissent-ils les uns après les autres, ruinés par les coopératives de consommation des entreprises et des grands magasins ?

    Pourquoi le petit propriétaire paysan est-il accablé d’impôts et d’hypothèques, tenaillé par l’usurier, chassé de la propriété du sol, sur lequel il peine tant, jusqu’au jour où, sous prétexte de défendre la patrie, il devra défendre le profit du voleur quotidien qui le spolie de son lopin de terre ?

    Si vous constatez qu’à notre époque, dans tous les systèmes politiques différents, dans les pays d’institutions républicaines, comme dans les monarchies, tout ce qui travaille et produit est exploité et opprimé, vous serez convaincus que la cause fondamentale du mal social que vous subissez dans l’ordre économique réside dans le fait que tous les moyens de production et les matières premières sont devenus le monopole de la classe capitaliste au lieu d’appartenir aux prolétaires qui leur donnent de la valeur par leur labeur.

    Vous aurez la conviction que pour changer cet état de choses il faut faire cesser la séparation existant entre le travail et la propriété : pour cela venir en masses conscientes vers le socialisme. Rompez avec les réactionnaires qui s’efforcent de ressusciter un ordre social mort et périmé, mais rompez aussi avec les républicains bourgeois au service, comme les royalistes, de vos exploiteurs et qui viennent d’organiser au profit des usuriers un nouveau complot de famine sous forme de droits de céréales, de viande, de vin, accourez vers le parti des masses, le parti du travail, avec lui menez la lutte jusqu’à la victoire, qui assurera au peuple la restitution des moyens de production, lui permettant ainsi de jouir du fruit de son travail.

    La journée légale de 8 heures, mot d’ordre revendicatif de la prochaine manifestation du 1er Mai, signifie les premiers pas sur la voie de votre libération qui dépend de vous.

    En forçant à limiter la somme de travail, que vos maîtres capitalistes cherchent à décharger le plus possible sur la classe ouvrière sans distinction d’âge et de sexe, vous ferez place dans les ateliers aux chômeurs affamés. Réclamez une augmentation de vos salaires indispensable pour votre développement spirituel et l’exercice de droits d’hommes et de socialistes.

    Conseil National du Parti socialiste : S. Dereure, Ferrant,Jules Guesde, Paul Lafargue.
Pour le Conseil National de la fédération des syndicats : A. Delcluze, Fournier, Manouvrier, A. Martin, Salemlier.
    
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    Cet appel était à peine affiché que la police le fit lacérer dans de nombreuses villes. Ferroul interpella à la Chambre le ministre Constant sur cette violation de la loi. Le ministre de l’Intérieur, qui passe pour spirituel chez les philistins, ne trouva d’autre réponse à faire sur la lacération des affiches qu’en prétendant qu’elles gênaient la circulation des rues en rassemblant la foule pour les lire.
    "Mais une affiche est posée pour être lue, répliqua Ferroul. Votre répression brutale et illégale donnera plus de publicité à l’appel des socialistes". L’appel fut en effet publié par toute la presse qui se mit cette année au service des socialistes, comme si elle avait été payée par eux. Les journaux s’informaient des moindres nouvelles relatives au 1er Mai et publièrent de nombreuses interviews avec les leaders socialistes de Paris et des départements.

    Les délégués demeurant à Paris qui avaient participé aux congrès de Lille et de Calais où une nouvelle démonstration du 1er Mai avait été décidée, croyaient que la manifestation projetée pourrait fournir l’occasion d’unir les différentes fractions du parti socialiste pour une action commune.
    Ils s’adressèrent à toutes les Chambres syndicales et aux groupes socialistes sans distinction de tendances pour réclamer l’envoi de délégués pour constituer un comité général, auquel devait être confié l’organisation de la manifestation.

    Les marxistes oublièrent tout ce qu’ils avaient reproché aux autres fractions, ils s’efforcèrent d’unir en un seul bloc toutes les forces révolutionnaires, mais leurs efforts échouèrent. Le comité général devint un foyer d’intrigues : les possibilistes, qui avaient repoussé l’année dernière cette manifestation, participaient au comité en vue de faire échouer cette manifestation au moins à Paris, car ils ne possédaient aucune influence en province. Les marxistes se souvenaient du concours que leur avait prêté partiellement M. Constant dans l’organisation de la fête du travail en 1890, ils ne voulurent pas lui enlever l’occasion cette fois encore d’offrir ses services.
    L’année dernière, il avait massé d’importantes forces de police, infanterie, cavalerie dans l’entourage du Sénat et de la Chambre des députés, jetant la terreur dans les quartiers riches. Les marxistes décidèrent de lui fournir le prétexte d’occuper militairement l’ensemble des quartiers de la capitale et de jeter ainsi la panique parmi toute la population de Paris.

    A cet effet, ils proposèrent au comité général de convoquer le soir du 1er Mai, tous les députés, les conseillers municipaux et les conseillers prud’homaux de Paris aux mairies des vingt arrondissements pour y recevoir les délégations qui devaient venir leur présenter les revendications sociales déterminées au nom de leurs électeurs. Constant avait mobilisé dans tous les quartiers les troupes provoquant ainsi une agitation et une grande effervescence. La vue de la force armée, loin de tranquilliser les bourgeois les effraya, car elle éveillait en eux la croyance que leur vie et leurs biens étaient en danger. Cette mobilisation provoqua au contraire la curiosité et la colère de la foule qu’elle devait endiguer.

    L’ouvrier parisien, qui en de tels moments révèle une combativité héroïque, est de nature un gai compagnon. Il ironise volontiers le gouvernement et raille la police, une manifestation est pour lui une fête. Il prend les choses gaiement. Il n’oppose aucune résistance aux attaques de la police et de la cavalerie, il court devant eux et s’écarte pour laisser passer "l’avalanche", mais revient immédiatement à la place d’où il avait été chassé. De telle sorte la force armée doit renouveler continuellement ses attaques pour balayer le terrain. Lors de la démission du président Grévy, la foule afflua durant trois jours auprès de la Chambre des députés, s’amusant à ce jeu de "flux et de reflux". Hommes et chevaux de la force armée s’étaient montrés si acharnés qu’en deux jours de semblable travail ils se rendirent impropres au service actif.
    La population parisienne a inauguré ainsi une nouvelle tactique de combats de rues : sans un coup de fusil elle pouvait réduire à l’impuissance toute une armée.

    L’envoi de délégations aux mairies, proposé par les marxistes, aurait permis aux Parisiens d’exercer leur art stratégique. Les troupes pénétraient-elles dans les quartiers isolés, elles ne pourraient laisser tranquilles les ouvriers indifférents, ils auraient abandonné en masse les ateliers pour voir ce qui se passait. Ils auraient grossi le nombre des manifestants venus en simples spectateurs, ils auraient pris part à la manifestation. Tous les faubourgs ouvriers seraient alarmés et la foule convoquée et mise en mouvement se serait portée naturellement vers la Chambre des députés, rendez-vous traditionnel du peuple de Paris. Sur la place de la Concorde, 2 à 300.000 hommes seraient accourus et la manifestation serait si imposante qu’on n’en aurait jamais vue de pareille.

    Les ouvriers parisiens auxquels on avait interdit les meetings en plein air, auraient conquis le droit de manifester dans la rue. Aucun gouvernement capitaliste n’enlèvera volontairement au prolétariat ce droit qui menace son existence.
    Les feuilles ministérielles et officielles dénoncèrent le projet des marxistes, et les possibilistes, qui au moment de la crise boulangiste se trouvèrent à la solde de Constant, intriguèrent pour faire échouer la grève générale.
Cependant, différer ne veut pas dire renoncer, l’avenir réalisera ce projet. Les Congrès de Lille et de Calais avaient résolu d’envoyer des délégués des groupes socialistes et des chambres syndicales de province à Paris. Ils devaient s’unir aux délégués parisiens pour présenter à la Chambre la revendication de la journée de 8 heures. Les possibilistes, formant la majorité au comité général, s’opposèrent à l’envoi de cette délégation. Les marxistes sortirent du comité et décidèrent d’organiser par leurs propres forces la manifestation. (...)

    Malgré les intrigues possibilistes, une quantité de travailleurs a "fêté" le 1er Mai ; la population ouvrière est venue en masse à la Chambre des députés pour donner plus de force par sa présence à la forte délégation de 37 hommes envoyée par les organisations parisiennes et départementales à laquelle s’était joint le député anglais Cunningham Graham. Certainement le nombre de manifestants eût été dix fois plus grand, sans ces manœuvres qui rejetaient chaque démonstration de rue, tandis que celle-ci est précisément le seul moyen de mettre en mouvement la population de Paris et d’exercer une pression sur les décisions des pouvoirs publics. M. Floquet, président de la Chambre et Arlequin de la comédie du parti radical, se refusa à recevoir les délégués parce que leur nombre, à ce qu’il dit, était trop grand.
    Quand les ouvriers et socialistes envoient une délégation revendiquer pacifiquement une réforme légale, les portes des pouvoirs publics restent fermées, tandis qu’elles sont largement ouvertes aux délégations capitalistes.

    LE PREMIER MAI DANS LES DÉPARTEMENTS

    Le 1er Mai 1890 avait été fêté dans les villes de province avec un plus grand enthousiasme qu’on escomptait. A Roubaix, par exemple, lès ouvriers avaient trouvé que ce n’était pas assez de manifester une journée et avaient fêté trois jours ; dans plusieurs endroits on a profité de l’occasion pour réclamer aux industriels des améliorations des conditions de vie et déclaré la grève.

    La manifestation avait causé aux cercles ouvriers une profonde impression, à tel point que l’ensemble des délégués aux congrès de Calais et de Lille (Octobre 1890) avait adopté la proposition que le premier mai, une grande démonstration ait lieu, mais que les ouvriers seraient libres dans chaque localité de la réaliser sous la forme qui serait possible.
    Le mot d’ordre lancé par le conseil national du parti, les chambres syndicales et les groupes socialistes commencèrent à agiter à partir de février la population ouvrière. Dans les grandes villes furent fondés des comités qui organisèrent des meetings et envoyèrent des orateurs là où il en était besoin. On me remit la tâche, fixée par le conseil national, d’agiter plusieurs centres industriels du département de la Seine Inférieure, de la Loire Inférieure, du Nord et du Pas-de-Calais.

    Mon voyage me conduisit dans des villes comme Fourmies, Wignelie, Anay et d’autres où jamais les réunions socialistes n’avaient été tenues.
    Ce qui me plut ce fut le grand nombre de travailleurs qui participa à mes meetings, écoutant avec attention, applaudissant avec enthousiasme, les théories socialistes.
    Un journal réactionnaire condamna les théories socialistes folles et criminelles, mais ne pût s’empêcher d’ajouter qu’elles pouvaient " enchaîner " l’esprit des ouvriers et soulever les masses ouvrières.

    Qu’est-ce que cela signifie ? Les théories de Marx ne sont pas les rêves utopiques d’un génial penseur, mais le réflexe spirituel du processus et des phénomènes réels de la société capitaliste. Voilà d’où leur vient leur puissance irrésistible de propagande. La classe des capitalistes n’a pas seulement organisé à son avantage la colossale centralisation des moyens de production, mais elle a créé en même temps la classe des prolétaires qui lui arrachera ses moyens de production. En accablant l’ouvrier de " surtravail ", en l’opprimant sous le fardeau de la misère, elle lui rend l’existence insupportable et le force à devenir révolutionnaire.

    Pendant ma tournée de propagande, je pus observer combien les masses ouvrières avaient été préparées pour le socialisme par le capitalisme. Comme je m’arrêtais à Nantes, une délégation d’ouvriers vint me trouver pour me demander de tenir une réunion à Saint-Nazaire qui suffirait à faire chômer l’ensemble des chantiers maritimes. Vu mon temps limité, je ne pus satisfaire leur demande ; leur attente ne fut pas vaine : sans grande réunion, le 1er Mai, tous les métallos de Saint-Nazaire, 500 environ, désertèrent le travail. A Fresnay-le-Grand, petite ville industrielle du département du Nord, qui compte 3.000 habitants, 1.000 assistèrent à mon exposé ; le 1er Mai, 3 tissages et 2 filatures furent fermés parce que le personnel n’était pas venu travailler. Qui se rappelle combien il était difficile d’intéresser les masses aux questions sociales, est surpris d’assister à un essor si immense accompli dans ces dernières années, surtout depuis le 1er Mai 1890.

    La question sociale est devenue le centre d’intérêt de la classe ouvrière. La manifestation de mai se montre comme le levier le plus puissant que les socialistes français possèdent pour influencer les masses et les mobiliser.

    Veut-on se rendre compte du progrès du socialisme, on n’a qu’à visiter les centres industriels de province. A Paris aussi bien que dans quelques grandes villes, qui font plutôt du commerce que de l’industrie, les ouvriers ont pris part depuis lors à des luttes politiques : ils embrassèrent la cause, les querelles de bourgeois avec tant de passion, qu’ils oubliaient leurs propres revendications. Aux questions politiques, ils ajoutèrent les questions de querelles religieuses, différents intérêts spirituels, qui occupent les populations des grandes villes.

    Dans les centres industriels, au contraire, le problème économique n’est pas caché et masqué par les questions politiques et religieuses ; là se montre ouvertement la lutte du capital contre le travail : l’ouvrier concentre toutes ses pensées et ses efforts sur ce seul point. Cette circonstance confère au mouvement ouvrier du département un caractère fortement socialiste, le prolétariat de province est plus socialiste aujourd’hui que la population ouvrière de Paris. Ce fait est de la plus haute importance pour notre mouvement historique.

    Depuis le commencement de notre siècle Paris a donné le signal de toutes les révolutions politiques. Paris fut le porteur du flambeau des révolutions en 1830, 1848 et 1871, les départements ratifièrent les changements accomplis dans la forme de gouvernement à Paris.
    Or, comme Paris maintenant n’a plus à faire les premiers pas vers une révolution politique mais vers une révolution sociale qui correspond au grand bouleversement de 1789, les départements sans préparation, surpris, étouffèrent la révolution de la capitale. Tout l’assaut de la réaction se porta sur elle, c’est la cause qui provoqua l’écrasement de la Commune de Paris. La province est aujourd’hui préparée à une révolution socialiste mieux même que Paris. La population de cette capitale est si nerveuse et impressionnable qu’elle peut être soulevée par une tempête et un jour être subitement précipitée dans un mouvement révolutionnaire. Donnerait-elle ce jour-là le signal de la révolution, la province se lèverait comme un seul homme pour la soutenir, pour la précéder même comme cela arriva en 1789. Les premières attaques contre la propriété foncière féodale partirent de la population paysanne. Les paysans et bourgeois s’emparèrent des châteaux et brûlèrent les titres de propriétés et de l’arbre généalogique, les Marseillais qui campaient aux Champs-Elysées prirent d’assaut les Tuileries le 10 août et portèrent le coup décisif à la royauté de droit divin.

    Depuis plusieurs années le mouvement socialiste est si renforcé en province qu’il influence les élections municipales ; jusque dans ces derniers temps les administrations des villes et les conseils municipaux appartenaient à la bourgeoisie ou se trouvaient aux mains des ouvriers dits intelligents, bénéficiant de la faveur de leurs maîtres. Les capitalistes avaient fait leur possible pour exclure les ouvriers et les socialistes des administrations municipales ; c’est pour cela qu’on décida que les fonctions municipales devaient être exercées gratuitement et les ouvriers qui étaient assez courageux pour se présenter eux-mêmes comme candidats étaient congédiés de leur travail.

    Malgré ces manœuvres, le chiffre de municipalités socialistes s’élevait à chaque élection, dans plusieurs villes, les socialistes gagnaient la majorité des municipalités. Le prolétariat a commencé à s’emparer des pouvoirs publics. Ce fait sera d’autant plus important que la situation deviendra plus sérieuse ; les municipalités socialistes se trouvant en liaison les unes avec les autres sont appelées à exercer l’influence décisive sur le cours des événements. Un des résultats de leur activité est la fondation dans plusieurs villes des Bourses de travail qui centralisent les forces ouvrières pour la lutte sur le terrain économique.

    Le 1er Mai devait avoir une grande importance dans les départements français. Partout où existaient des chambres syndicales et des groupes socialistes on essaya par tous les moyens d’organiser le chômage le plus général possible et des démonstrations de rues. En dépit des efforts des industriels et des armées du gouvernement pour empêcher l’agitation, celle-ci fut dirigée aussi tranquillement qu’énergiquement. Dans maintes localités comme à Fourmies, les ouvriers manifestèrent avant le 1er Mai leur intention de fêter ce jour-là. Dans d’autres villes, comme à Calais, la cessation du travail ne fut pas décidée dans un meeting public, enlevée par un discours, mais le personnel de 120 filatures dans un referendum se déclara unanimement pour un chômage général.

    Les industriels mécontents avouant qu’ils n’étaient par les maîtres des fabriques, n’osèrent pas repousser la résolution. A Roubaix, les fabricants se rappelaient que leurs efforts de l’an dernier avaient provoqué plusieurs grèves et manifestèrent leur intention de faire reconnaître le 1er Mai, comme le 14 juillet, fête légale. Dans plusieurs mines de charbon, les administrations furent assez intelligentes pour déclarer qu’elles n’approuveraient pas en vérité, le chômage d’un jour, mais elles se prononcèrent contre les propriétaires de mines qui ne chôment pas.

    LA BOUCHERIE DE FOURMIES DU 1ER MAI 1891

    M. Constant est un ministre qui pour garder son portefeuille, ne doit pas réaliser des réformes et bien administrer le pays, mais sauver constamment la république et la société. Il a sauvé la république du danger boulangiste, il fut aux dernières élections le sauveur des députés républicains qu’il aida par une pression administrative inouïe et l’argent des fonds secrets mis à sa disposition par la Chambre. Après le 1er mai 1890, il déclara aux petits-bourgeois qu’il avait sauvé la République et il devait se présenter cette année comme le sauveur de la société. Pour cela, il avait fait croire aux gens qu’un danger existait. A Paris, il fit placarder de sombres affiches anarchistes dans lesquelles il faisait savoir aux bons bourgeois que les terribles anarchistes se préparaient à mettre tout à feu et à sang. La police avait ordre de déchirer les placards, mais le texte en fut communiqué à la presse et fut imprimé. Les journaux bourgeois publièrent en même temps un tract pseudo anarchiste, dans lequel les soldats étaient invités à se révolter et à fusiller les officiers. La police assurait que cet appel devait être diffusé dans les casernes parmi les soldats, mais on se contenta de les remettre aux rédactions des feuilles parisiennes. La police ne parvint pas - malgré ses recherches laborieuses - à découvrir l’auteur et l’imprimeur des tracts, ni ceux qui les avaient diffusés. Ce subterfuge était si grossier, que, même des journaux réactionnaires comme le Soleil, laissaient entendre que Constant pouvait être lui-même l’auteur de tracts aussi incendiaires, ou qu’il y avait mis la main. Après avoir créé le danger, il ne restait plus à M. Constant qu’à sauver la société. Des troupes furent rassemblées à Paris et dans les villes où devaient avoir lieu les manifestations. Les régiments de la frontière avaient même reçu l’ordre de se tenir prêts à marcher au premier signal.

    Toute l’armée était mobilisée. Les sabres pouvaient fendre les têtes, les fusils tuer, pour écraser la manifestation du 1er mai. Le danger devait être bien grand, si l’on avait besoin d’un tel déplacement de forces pour sauver la société. La police avait reçu l’ordre de disloquer les manifestations et de provoquer la foule. La gendarmerie et l’armée devaient faire usage de leurs armes au moindre signal de résistance. A Marseille, Clichy, Lyon, Saint-Quentin, Charleville, Bordeaux, Nantes, presque partout où des ouvriers manifestaient publiquement, portaient à la mairie ou à la préfecture leurs revendications de la journée de 8 heures et une législation du travail, ils furent brutalement assaillis, chargés sauvagement par la gendarmerie et la police. La foule répondit par des cris, les coups de sifflets, dans maintes localités, et aussi par des jets de pierres et des coups de revolver.

    A Fourmies, la force armée est intervenue avec une cruauté inouïe. Les groupes du parti ouvrier de la localité avaient décidé à l’unanimité, dans une assemblée générale, le 20 avril, de fêter le 1er mai et de faire savoir aux fabricants qu’ils cesseraient le travail, ce jour-là. Les industriels de la région, groupés dans un syndicat, décidèrent dans une réunion et affichèrent qu’au 1er mai, les ouvriers absents des ateliers seraient licenciés.
    Ils avaient espéré épouvanter les ouvriers, mais ils ne purent que les exaspérer. Les plus indifférents furent pris de rage à cette menace qui les poussait à une cessation générale du travail. La quantité d’ouvriers qui ont été le 1er mai an travail fut si infime, que les fabricants durent les renvoyer chez eux.

    Les ateliers se vidaient, les rues et places regorgeaient d’ouvriers en habits de fête, qui se réjouissaient du magnifique rayon de soleil. Jamais on n’avait vu circuler autant de monde. Devant une filature, il y avait un rassemblement ; on y avait vu entrer des ouvriers et on saluait les jaunes de coups de sifflets et de cris de lâches et de traîtres.
    Ce fut le prétexte cherché pour l’intervention de la force armée. La gendarmerie attaqua la foule et procéda à de nombreuses arrestations. L’après-midi, arriva une troupe de jeunes gens, de femmes et d’enfants, en chantant sur cette même place et exigeant la libération des emprisonnés. Alors, les soldats, sans avoir été provoqués par la foule, sans avoir fait les trois sommations réglementaires, tirèrent. La boucherie aurait duré encore longtemps si le curé catholique Margerin, n’était pas sorti de la maison et n’avait pas crié : "Assez de victimes". Neuf enfants étaient couchés sur la place, un homme de 30 ans, 2 jeunes gens de 20 ans, 2 enfants de 11 et 12 ans et quatre jeunes filles de 17 à 20 ans.
    Une de ces dernières tenait un rameau dans la main, elle accompagnait son fiancé, portant un chapeau qui fut traversé par une balle. C’était la première fois que le fusil Lebel et la poudre sans fumée étaient essayés, et les deux avaient fait merveille.

    Un cri de terreur retentit dans toute la France à la nouvelle de cette terrible boucherie de gens pacifiques, qui n’avaient en rien troublé "l’ordre". Constant en était tout pétrifié. Lui qui se présentait avec cynisme devant la Chambre, ne laissa pas échapper un mot de regret. Oranger et Rocher purent l’appeler souvent "Assassin !"
    On chercha à décharger sur Constant seul la responsabilité du crime de Fourmies, mais les ouvriers ne se laissèrent pas tromper. Ils savaient bien que derrière Constant, se cachaient les officiers exécuteurs des volontés de la classe capitaliste, comme aussi les fabricants, leurs mandataires même et conseillers municipaux, qui appelèrent l’armée et lancèrent les soldats et officiers contre les ouvriers.

    La population ouvrière de Fourmies, siffla le 195e régiment qui avait participé à la tuerie et appela les soldats : "Assassins !" Le 84e régiment fut accueilli par des applaudissements car ses sous-officiers s’étaient refusés à faire feu sur la foule. Un soldat du 145e refusa de tirer ; l’officier, revolver au poing, le jeta par terre. "Je vois ma mère dans la foule", réplique le soldat.
    Quand Constant et les députés ministériels enterrèrent l’enquête sur les événements de Fourmies, ce fut parce qu’ils craignirent de découvrir les vrais coupables et de révéler que, dans de nombreux cas, soldats et officiers commandés, refusèrent d’obéir aux ordres de fusillades.
    "Une enquête, avoua un député, introduirait l’indiscipline dans l’armée et conduirait les soldats à retourner enfin leurs armes". Les fabricants avaient espéré mater la population : au contraire, elle était exaspérée. Les ouvriers baptisèrent les localités, les emplacements où avaient eu lieu la boucherie ; la place du marché, sur laquelle la foule s’était rassemblée, avait été appelée : place Lebel ; la rue Elliot où tombèrent les victimes, "la rue du crime". Un cabaretier fit monter en bronze une balle qui l’avait frappé, dans une porte d’armoire, avec l’inscription : "Preuve du 1er Mai 1891, j’ai fait des victimes".

    Tout Fourmies participa aux obsèques des neuf cadavres ; on refusa l’accès du cimetière au maire et aux conseillers municipaux. Quant aux familles des victimes, elles refusèrent l’argent offert par les autorités municipales pour les frais des funérailles et leurs besoins ; les ouvriers apportèrent les sommes recueillies par souscription. Autour de Fourmies, étaient différents centres industriels avec une population de 2 à 5.000 habitants, éloignés de quelques lieues. De toutes ces villes, des délégations vinrent à l’enterrement ; de grands centres comme Lille et Roubaix envoyèrent des couronnes et des délégués. Le cimetière est devenu un lieu de pèlerinage où chaque dimanche accourent des travailleurs des villages avoisinants pour déposer des gerbes sur les tombes des victimes. Toute une semaine, le travail cessa à Fourmies. Dans les centres industriels, des grèves éclatèrent pour des augmentations de salaires, réduction de la journée du travail, abolition des décrets des fabricants, congédiements des chefs brutaux. Toute la contrée entra en ébullition.

    Les conseils municipaux de Roubaix, Sète, Roanne, Calais, où étaient les socialistes, acceptèrent de recevoir l’argent pour les familles des victimes ; l’Intransigeant, avec Rochefort, ouvrit une souscription. Toute la France versa. Le 1er mai a déjà ses martyrs : 1869, les troupes du général Palikao menacèrent, massacrèrent à Ricamarie et à St-Aubin les mineurs insurgés ; deux années plus tard, toute la France salua le 4 septembre 1870 et la république fut proclamée, comme un jour de libération.

    Les socialistes se demandent combien d’années s’écouleront avant que la France se réjouisse de la victoire de la révolution sociale.
    La presse capitaliste de Fourmies et des environs chercha à étouffer la vérité et à faire croire que les ouvriers ne sont pas mécontents mais sont excités artificiellement par la propagande socialiste de Renaud-Caline et Lafargue. Les socialistes sont représentés comme des sorciers qui n’ont besoin que de se présenter quelque part pour transformer chaque chose en son contraire. A peine paraissent-ils en quelque endroit, les capitalistes qui en sont réduits au pain sec et à l’eau pure, parce que leurs ouvriers peuvent manger la meilleure viande et boire le vin le plus fameux, deviennent des exploiteurs qui font travailler leurs gens 12 heures durant pour de vrais salaires de famine ; et les ouvriers qui, jusqu’alors, étaient si contents de leur sort, s’imaginent encore une fois qu’ils sont devenus plus malheureux que les pierres de la rue. Si Ies industriels osaient formuler un souhait, ils exigeraient des bûchers publics, pour cuire à petit feu, ces rôtis de diables que sont les socialistes. En attendant la réalisation de cet idéal, ils ont en passant fait arrêter Fauline, le secrétaire du groupe du parti ouvrier de Fourmies. On l’accuse d’être l’auteur de la démonstration qui devait servir de prétexte à la boucherie. Comme les industriels, qui le haïssaient mortellement, ne peuvent le faire fusiller, ils veulent l’emprisonner pour longtemps. Mais les électeurs le vengeront en l’appelant, aux prochaines élections, maire de Fourmies.

    Le 1er mai ne ressemble pas en France aux autres démonstrations populaires comme le 14 juillet, le 18 mars, ni au dernier dimanche de mai.
    Le 18 mars, dans toute la France, les ouvriers rassemblés autour du drapeau du socialisme fêtent l’éveil de l’aurore de la révolution sociale. Le dimanche de la semaine de mai sanglante, les ouvriers et socialistes parisiens vont en pèlerinage au Mur des Fédérés du Père-Lachaise où les derniers combattants de la commune sont tombés, pour célébrer la mort de ces héros et jurer de les venger.

    La manifestation de mai revêt un tout autre caractère, comme j’ai pu le constater dans les localités, où m’appelaient mes tournées de propagande. Chaque ouvrier qui manifeste le 1er mai, a la conviction que les ouvriers du monde entier agissent et sentent comme lui. Il peut se trouver isolé en quelque coin du pays, il sait que la manifestation répond au célèbre mot d’ordre lancé par Marx et Engels : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous" ; l’internationalisme imprime à la manifestation de mai un cachet particulier, presque mystique. Il est touchant de voir les ouvriers qui ne sont jamais sortis de leur petite localité, et vivent en dehors de toute agitation, s’informant sur les manifestations de mai dans les autres pays, dont ils connaissent à peine le nom et dont la situation géographique leur est certainement inconnue.

    Ils attendent le 1er Mai comme un jour de libération, car ils se disent que la lutte des camarades, au dehors, ils ne savent pas au juste où, contribue à l’amélioration de leur vie. Les timides s’enhardissent en ce jour jusqu’à réclamer du patronat des améliorations de leurs conditions de travail ; ils déclarent des grèves sans savoir comment les mener. A leurs yeux, une force secrète enveloppe le 1er Mai pour le conduire à 1a victoire. La tuerie de Fourmies élèvera encore la mystique du 1er Mai ; dans plusieurs villes on parle d’envoyer des délégués le 1er Mai 1892 à Fourmies, comme si le cimetière devait devenir le lieu de pèlerinage des socialistes français.
    Le 1er Mai a fait sur la classe capitaliste une profonde impression. Le Figaro, organe de la riche bourgeoisie, voulant faire oublier que l’année dernière, il ridiculisait la manifestation en la qualifiant de farce, publiait le 2 mai une page de son collaborateur Saint-Seré, qui écrivait : "Si en Allemagne, comme en Belgique, tout se passe bien, on doit tenir pour très sérieuse la situation créée par le retour régulier et la généralité de cette manifestation d’ouvriers. Qu’on pense que cette manifestation a lieu à la même heure à Philadelphie, à Cracovie comme à Christiania et à Séville ; on doit confesser que, bien ou mal, l’étude de la pièce progresse et que sa première représentation, si éloignée qu’elle paraisse, sera terrible".

    Le Petit Journal et le Petit Parisien, vendus à des centaines de milliers d’exemplaires (l’édition du Petit Journal tire à plus d’un demi million) trouvent leurs chemins jusque dans les plus petits villages et recrutent leurs couches de lecteurs surtout dans la classe moyenne ; ils ont fait la propagande pour la manifestation de Mai et la journée de 8 heures, ils montrent du respect devant les socialistes. Les expressions des deux feuilles sont assez importantes, car elles reflètent les considérations de la petite bourgeoisie.

    Le Petit Parisien écrit, le 8 mai, sous le titre "Grève sanglante" : "Le progrès du mouvement est plus constant et toujours plus rapide. Si on revient au temps du gouvernement Louis Philippe, on se heurte à des insurrections comme celle du cloître St-Rémy ; on avait alors à faire à des centaines d’insurgés ; qui peuvent être facilement battus. Plus tard, en 1848, le soleil de juillet préside, après une bataille de 3 jours, à la défaite de 20.000 combattants.
    "La répression fut terrible, et quand elle fut accomplie, les aveugles crurent la guerre sociale conjurée à tout jamais. Et cependant on en est arrivé à la lutte fraternelle terrible de 1871 qui mena à l’organisation d’armées entières de guerre civile."

    " La simultanéité et l’unanimité avec lesquelles la manifestation de mai eut lieu dans le monde entier, renferme un sérieux avertissement. Il est évident que le flot monte et que les ouvriers ne sont plus disposés à une résignation ; à l’état de désespoir que leur donne l’organisation de la société à ce qu’ils disent. La solution du problème est difficile, répondent les adversaires du progrès. N’est-ce pas la langue que, en tous temps et en tous lieux ont parlé les heureux de ce monde ?

    L’antiquité ne comprend pas que le monde puisse exister sans esclavage ; le Moyen-Âge ne voulait pas libérer les serfs ; dans les yeux du vieux régime, comptent toujours les préjugés de la noblesse pour des dogmes inébranlables. Les époques tombent en poussière les unes après les autres. La grande révolution a passé, seulement ces principes n’ont pas abouti à leurs conséquences sociales nécessaires et l’heure approche où la vieille construction centenaire s’écroule, qu’il faut protéger par des réparations pour éviter sa chute. "

    L’impression de la manifestation de mai dut être bien profonde pour que Clemenceau, le volcan éteint du radicalisme s’exprime ainsi à la Chambre :
    "Messieurs, n’êtes-vous pas ému par l’importance que le 1er Mai a acquis ? Ne voit-on pas, à la lecture des journaux, la quantité de dépêches de toutes les parties d’Europe et d’Amérique, qui disent ce qui a été fait dans tous les centres ouvriers ?

    Vous avez accompagné en pensée les grandes processions qui ont traversé les villes aux applaudissements des masses populaires. Vous savez qu’en d’autres lieux on en est venu à des luttes, à des conflits avec la force armée ; ici vous avez vu l’enthousiasme, là la colère, partout l’ardeur passionnée. Il devient certain pour les plus myopes, que cela fermente dans la classe ouvrière, qu’un nouveau moment surgit dans l’histoire, qu’une nouvelle force terrible se révèle avec laquelle les politiques doivent compter.
    " Que signifie cela ? Nous devrons avoir le courage de répondre à cette question sous la forme que les pionniers du mouvement ont accepté : c’est le 4e Etat qui se lève et veut conquérir pour lui le pouvoir.

    J’affirme que le fait le plus important de la vie politique à présent est la révolution inévitable qui se prépare : l’organisation du 4e Etat, vous devez compter avec cela, vous devez vous opposer au 4e Etat avec violence, c’est la guerre civile !
    Recourez-vous à la violence, c’est la guerre civile ! Quel fatalisme !
    Les républiques parlementaires et les monarchies doivent-elles prévenir par des voies différentes les mêmes catastrophes ?"

    Les classes possédantes en France sont incapables de comprendre un tel langage. Sont-elles saisies de crainte, elles n’ont qu’une pensée : fuir sous la protection de Napoléon III, d’un Thiers ou de Constant, qui jouent la providence pour les protéger de chaque danger.
    Le développement économique et l’incompréhension infinie des classes dominantes préparent en France des événements terribles qui ne se termineront plus comme en 1830, 1848 et 1870, par une révolution politique, mais par une transformation sociale.

    Le 1er Mai a prouvé que dans tous les pays, avec la forme de production capitaliste, la classe ouvrière est pliée sous le même joug, souffre du même mal, mais sent le même besoin, est animée par la même pensée d’émancipation : le 1er Mai a prouvé, et ce fait mérite considération, que les prolétaires de tous les pays sont déjà prêts à s’unir pour une action de classe.

    Paul Lafargue

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    Né à Santiago de Cuba en 1842, afro-descendant de Saint-Domingue (République d’Haîti) par son père, Paul Lafargue arrive en France à l’âge de 9 ans et fait ses études à Bordeaux puis à Paris, où il est étudiant en médecine. Mais son engagement socialiste et son goût pour le drapeau rouge le font exclure de l’université du Second empire.
    Poursuivant ses études et ses activités militantes à Londres, Lafargue rencontre Karl Marx dont il devient le gendre en épousant sa fille Laura.
    Membre de la 1ère internationale, Lafargue soutient activement la Commune et doit s’exiler en Espagne en 1871. En 1880, de retour en France, il fonde en France, avec Jules Guesde, le Parti Ouvrier.
    Il est arrêté en 1883 et écroué pour ses activités révolutionnaires. C’est en prison qu’il rédige son célèbre essai "Le droit à la paresse" qui met à mal la glorification du travail.
    En 1891, il est élu député du Nord. Il se suicide en 1911 à Draveil avec sa femme, de peur que la vieillesse ne le prive de ses facultés.

    http://www.une-autre-histoire.org/paul-lafargue-biographie

  • The Anarchist Roots of Geography — University of Minnesota Press
    https://www.upress.umn.edu/book-division/books/the-anarchist-roots-of-geography

    A passionate plea for radical geographers to abandon Karl Marx and embrace anarchism

    In The Anarchist Roots of Geography, Simon Springer sets the stage for a radical politics of possibility and freedom through a discussion of the insurrectionary geographies that suffuse our daily experiences. By embracing anarchist geographies as kaleidoscopic spatialities that allow for non-hierarchical connections between autonomous entities, Springer configures a new political imagination.


    #géographie #anarchie #livre

  • L’historien Ali Farid Belkadi à la descendante de Bengana : « Si on ne choisit pas sa famille, il n’est pas interdit de se repentir » - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2017/03/l-historien-ali-farid-belkadi-a-la-descendante-de-bengana-si-on-ne
    http://www.algeriepatriotique.com/sites/default/files/styles/282x211/public/field/image/Ferial+Bentchikou%20Furon.jpg?itok=J8A1GFWX

    « Celui qui méconnaît l’histoire est condamné à la revivre. » (Karl Marx). Cet exergue est un appel à la vigilance de tous, afin de ne pas répéter les bévues du passé. Depuis 1838, le nom Bengana se conjugue à tous les sales temps dans la conscience populaire algérienne. Il est l’ennemi public numéro un, juré, déclaré, politique, héréditaire, il fut redouté par les tribus, comme les enfants redoutent l’ogre dans les contes universels. A l’époque turque, les Bengana, qui n’étaient pas grand-chose, se refirent de la tête aux pieds avec l’aide des officiers du corps expéditionnaire français, qui les revivifièrent de père en fils durant des décennies.

    Bengana, c’est l’ennemi de tous, depuis toujours, de longue date, une famille de vachers indigènes convertis en hommes de guerre oppresseurs de leur peuple, au nom de la France. L’ennemi de la noble cause, celle de la libération des Algériens du joug colonial. Bengana reste dans l’inconscient collectif algérien l’archétype de l’ennemi de Dieu et du genre humain. Ils sont voués aux gémonies. Plus abject, cela n’existe pas. Cela se passait aux temps où les tribus s’affrontaient, s’écharpaient, s’entretuaient, sous les regards admiratifs et ravis des généraux français qui les manœuvraient en coulisse. Les insurrections se succédaient et s’enchaînaient pour sauver les populations du désespoir dans lequel les Français avaient plongé le pays, sans succès, et leurs instigateurs étaient décapités, leurs têtes expédiées au Muséum de Paris.

    La répression française a fait 10 millions de morts en Algérie de 1830 à 1872, selon un auteur français : « En réalité, une fois réduit à deux millions, le peuple algérien dut renoncer à la lutte ouverte et attendre d’avoir presque retrouvé le chiffre de 1830 avant de la reprendre. Si l’on tient compte de son taux d’accroissement moyen de 1870 à 1930, environ un million tous les quinze ans, ce n’est pas huit, mais dix millions d’habitants que le peuple algérien a perdu de 1830 à 1872. » (Michel Habart. Histoire d’un parjure, Les éditions de minuit).

    A ce chiffre effarant, qui évoque rétrospectivement et d’une manière incontestable un génocide, s’ajoute celui du nombre de martyrs de la guerre de libération 1954/1962. Le génocide, qui est considéré par les juristes comme la forme extrême du crime contre l’humanité, est un concept issu de la Seconde Guerre mondiale. Ce concept fut appliqué au massacre des Arméniens, en 1915, ainsi qu’à l’assassinat des juifs d’Europe par les Allemands entre 1941 et 1945.

    Brusquement, ce fut le 1er novembre 1954, un jour de tous les saints chrétiens, l’insurrection finale. C’est à la fois l’Iliade et l’odyssée, comme le dit si bien Moufdi Zakaria dans un de ses très beaux poèmes. Nous avons tous au fond de nous une légende familiale qui parle de ces années-là, fabuleuses, mythiques. La France ne détient de cette époque qu’un fatras informes de récits plats et ennuyeux, entreposés dans des cartons au Fort de Vincennes ou à Aix-en-Provence, ces fameuses archives françaises dans lesquelles des officiels coloniaux, civils et militaires, racontent l’autre version, dévalorisante, des hauts faits de la résistance algérienne à la colonisation. Les Algériens sont les aimés de Dieu, par leurs incessantes épreuves qui dépassent l’entendement. Dieu les soumet à des tests régulièrement depuis des siècles. Qui aime bien châtie bien.

    La guerre de libération contre les Français n’a pas commencé en 1954. Elle était déjà là au mois de juin 1830, du côté de Sidi Fredj. Elle ne s’est jamais arrêtée, entrecoupée de pauses, le temps de regrouper ses forces et c’est reparti. Toujours cette quête mystique vers une autre libération, de plus en plus décisive. L’Algérie a toujours vibré de chants libérateurs, d’actes sublimes, épiques, rien de plus normal, l’Algérie est le pays des héros.

    Venons-en aux escobarderies de l’arrogante descendante de l’Ubu-roi des oasis de Biskra, l’auteure étourdie du livre Bouaziz Bengana, soi-disant dernier roi des Zibans, le bachagha Bouaziz Bengana, ce « salopin de finance » traînant le « voiturin à phynances » dans les Zibans, un mot qui signifie « oasis » et qui est synonyme de Bsikris dans cette région située à l’orée du désert. Les dissimulations de cette descendante sont claires comme l’eau argentée qui coule de la roche, il s’agit d’une tentative – ratée, avortée, loupée – de duper les Algériens et d’escamoter leur histoire en y introduisant subrepticement, de manière apocryphe, un félon, affublé comme au carnaval d’un masque de héros, et son clan de traîtres, ivres de carnages. Elle peut toujours rêvasser d’une statue future à élever sur la principale place de Biskra en hommage à ce sinistre personnage, Bouaziz Bengana.

    Cette famille de collabos est pire que les George Montandon, Louis Darquier de Pellepoix, Henri Coston, Marcel Déat, Jean Luchaire, Lucien Rebatet qui sévissaient dans la France des années 1939/1940. La France, qui se glorifie des hauts faits de la résistance contre les Allemands, pérore et chicane lorsqu’il s’agit des harkis de sinistre mémoire. Les partisans Algériens – moudjahidine – avaient pourtant les mêmes intentions justes et nobles que les résistants français de la Seconde Guerre mondiale : libérer leur pays du joug des occupants. En Algérie, cela dura 132 ans. L’engeance de Bengana a collaboré, par toutes les formes et de toutes les manières possibles et imaginables, avec l’ennemi français en temps de guerre. C’était leur seconde nature. Les mains de ces gens-là à travers le temps ruissèleront toujours du sang des martyrs. Ils assassinaient des Algériens, leurs compatriotes, au nom d’une idéologie criminelle impitoyable et barbare qui appelait à s’approprier un pays, l’Algérie, auquel elle imposa la guerre.

    Cette descendante de Bouaziz Bengana aurait pu se taire et expier dans son coin le mal fait aux Algériens par ses ancêtres qui s’engagèrent par serment, de la manière la plus solennelle, prêté au général Galbois de ne jamais trahir la France, ni ouvertement, ni en secret. Bouaziz Bengana ne fut pas seul à ce moment-là, tous les Bengana valides et en âge de combattre l’accompagnaient, pour prêter leur allégeance définitive à la France. Tous les Bengana, de père en fils, les frères, les demi-frères, les cousins et les neveux, se bousculaient dans le palais de Constantine pour étreindre la main des officiers français.

    C’est en 1838 que cette famille, ayant à sa tête son chef Bouaziz Bengana, vint offrir ses services aux Français. Parmi ceux qui accompagnaient Bouaziz Bengana, il y avait son frère M’hammed-Ben-Bouaziz Bengana ; ses enfants Ali-Ben-El-Guidoum, Ahmed-ben-El-Messai et El-Hadj-Bengana, ses neveux El-Hadj-ben-Ahmed Bengana, Larbi-ben-El-Hadj Bengana, Ahmed-ben-El-Hadj et Mohammed-Es-Seghir ; le neveu de celui-ci, Ahmed-Ben-Bouzid, et ses autres neveux : Bou-Lakhras-ben-Mohammed-ben-El-Hadj et Brahim. D’autres encore qui s’étaient déplacés pour reconnaître et acclamer le gouvernement français dont ils appréciaient la conduite en Algérie.

    A ce serment qui fut prononcé sur le coran et au nom de Dieu, les Bengana crurent bon de devoir ajouter que tous s’engageaient à servir la France avec zèle. Ils annoncèrent même au général Galbois qu’il ne tarderait pas à constater les services qu’ils pouvaient rendre aux Français dans la région saharienne, qui était à la fois leur domicile et leur lieu de naissance, selon eux. Ils se disaient arabes de la pure race, mais leur origine véritable est la haute-Kabylie. La réponse du général Galbois fut : « Le gouvernement français est édifié sur de solides bases, et les lois qui le régissent sont claires et précises. Si vous servez ce gouvernement avec loyauté et fidélité, et que vous attendiez patiemment, vous obtiendrez de lui, non seulement ce que vous aurez espéré ouvertement, mais même ce que vous aurez celé au fond de vos cœurs ! »

    Promesses tenues, on fit de Bouaziz Bengana un khalifa, un simple lieutenant des Français. Bouaziz Bengana répliqua à Galbois que son sang était prêt à remplir avec zèle toutes les missions que les Français voudraient bien confier à sa famille. Leur première mission fut de concourir au rétablissement de la sécurité sur la route de Sétif. A partir de ce moment-là, la chasse à leurs concitoyens récalcitrants au joug français était ouverte. Tous les Algériens qui refusaient de se soumettre aux Français devenaient des antagonistes à occire. Le vocabulaire des Bengana se restreint à des bribes de mots obsessionnels, leur seule préoccupation constante et permanente : briser l’ennemi, c’est-à-dire la résistance algérienne à l’occupation. Cerner l’ennemi algérien. Charger l’ennemi algérien. Chasser l’ennemi algérien. Combattre l’ennemi algérien. Contenir l’ennemi algérien. Courir sus à l’ennemi algérien. Culbuter l’ennemi algérien. Débarrasser le territoire conquis des ennemis algériens qui s’y trouvaient. Défaire l’ennemi. Ecraser l’ennemi. Encercler l’ennemi.

    Ils encaissaient l’impôt au nom de la France, sur lequel une bonne part leur revenait. Leurs territoires s’accroissaient, leur pouvoir s’amplifiait. A la tête de leurs goums, les Bengana firent une guerre implacable à trois chefs de la résistance : Abdelhafidh, Boumaza, Mohamed Ben Abdallah et Ben Chohra. Ils participèrent aux destructions et aux massacres avec le colonel Saint Germain, qui fut tué lors d’un combat contre les troupes d’Abdelhafidh. Ils participèrent au pogrom de Zaatcha avec le colonel Carbuccia et le général Herbillon. Ils furent avec Pélissier et le général Bedeau. Les Bengana étaient partout avec pour évangile et credo : celui qui croira en la France sera sauvé et celui qui ne croira pas sera condamné.

    C’est ainsi que la famille Bengana commandée par son chef Bouaziz Bengana rejoindra le général Galbois, qui commandait la colonne expéditionnaire chargée de contrôler la région, en se ralliant aux troupes françaises. Le premier combat auquel ils participeront eut lieu avec une troupe dirigée par le frère de l’émir Abdelkader au lieu-dit Has El-Oued. Au cours de ce combat, les Bengana eurent quatre de leurs cavaliers tués et trois blessés. Parmi les résistants qui faisaient partie de la troupe de l’émir, se trouvaient Ferhat Bensaid et Ahmed-Ben Chennouf. C’est là les premiers débuts des Bengana au service du gouvernement français.

    Quelque temps plus tard, Mohammed-Es-Seghir Bengana se joignait au même général Galbois qui dirigeait une nouvelle et immense colonne en partance vers le pays des Haraktas. Mohammed-Es-Seghir avait amené avec lui les hommes de la tribu qu’il commandait ainsi que ses goumiers personnels. Mohammad-Es-Seghir et les siens, qui connaissaient parfaitement le terrain, concourront alors à la soumission complète des Haraktas.

    Ce serait trop long, voire fastidieux d’énumérer les batailles contre la résistance auxquelles ils furent mêlés durant des décennies, de 1838 à 1879.

    Lahsen Benazouz était le lieutenant de l’émir Abdelkader, et, en cette qualité, il parcourait le Sahara avec la fine fleur de ses troupes. Plusieurs tribus de cette région avaient fait leur soumission à Lahsen Benazouz, les Bengana et leurs affidés réquisitionnés au complet vinrent établir leur campement à peu de distance d’El-Outaia, dans un endroit appelé Salsou. C’est là que les deux troupes ennemies, l’une combattant pour la liberté et la vérité, l’autre engagée aux côtés des troupes d’asservissement, se rencontrèrent et qu’elles se livreront un combat acharné.

    La bataille de Salsou

    Le texte écrit par un membre du clan Bengana et publié en 1879 à Constantine dit : « Nous en tuâmes un grand nombre et nous leur prîmes leurs fusils et leurs canons. Nous allâmes porter tout le butin que nous avions pris à M. le général Galbois, et nous devons dire que le gouvernement nous récompensa par les honneurs et la vénération dont nous fûmes l’objet, et par la plus belle des distinctions. De plus, c’est à partir de cette époque que Si-Bouaziz Bengana fut surnommé le Serpent du désert. Ce fait d’armes accompli au service de la France est encore un de ceux dont notre famille a le droit de s’enorgueillir. A la suite de tous ces faits, le général Négrier, ce lion indomptable, revint, pour la deuxième fois, à la tête des affaires, et nous fîmes avec lui une razzia aux Oulad-Bou-Aoun auxquels s’était jointe la tribu des Zemoul. »

    Nous avons consulté les archives du Service historique du Château de Vincennes à propos de cette bataille de Salsou. Les sources sont : « Sous-série 1 H 68. Dossier 3. Province de Constantine (mars-avril 1840) ». Ce document qui traite très brièvement de Bouaziz Bengana, auquel les archives prêtent très peu d’importance, dit : « Le général Valée obtient le grade d’officier de la légion d’Honneur pour le cheikh El-Arab Ben Gana, son protégé, qui a anéanti un bataillon régulier de l’armée de l’Emir d’Abd el-Kader, ainsi qu’une cavalerie de 800 hommes et des troupes régulières, commandé par Ben Azouz, le khalifa du Sahara oriental d’Abd el-Kader, sans qu’un seul fantassin s’en soit échappé. Le goum de Bengana lui prend trois drapeaux, deux canons, deux tambours et 500 fusils avec baïonnette. Le gouverneur fait remettre à cette occasion à Ben Gana 20 000 francs pour la solde de ses troupes et 25 000 francs pour ses dépenses personnelles. 510 têtes ont été coupées. »

    Cette affaire, dit encore le passage du dossier conservé pour la postérité par les Archives de Vincennes, « fait grande sensation dans toute la province ». « Je (le général Galois) regarde comme un résultat bien heureux d’avoir amené les Arabes à se battre pour nous contre leurs coreligionnaires. (…) Il aurait fallu peu de choses pour allumer un grand incendie, car Ahmed (le Bey de Constantine) et Abd el-Kader commençaient à gagner du terrain. » Le rapport remis à sa hiérarchie militaire française par le cheikh el-Arab sur le combat contre Ben Azouz se termine ainsi : « Nous sommes vos enfants et nous vous servirons jusqu’à la fin avec une entière fidélité. »

    Les Bengana, retournés dans leur fief après une razzia menée sous les ordres du général A. Baraguay-d’Hilliers, apprirent la nomination du duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, au commandement de la province de Constantine. Sans perdre un seul instant, Bouaziz Bengana, brûlant d’impatience, alla à sa rencontre. Le duc d’Aumale, après l’avoir félicité pour les services rendus à la France et inspecté les goumiers de Bengana, lui communiqua son intention de faire une expédition dans le Sahara et dans les montagnes des Oulad-Soltan.

    Bouaziz Bengana lui répondit qu’il était prêt à marcher et à servir ses projets, ajoutant : « Son altesse n’aurait qu’à le faire prévenir lorsqu’elle se rendrait à El-Kantara, et qu’il s’engageait à l’y rejoindre avec les contingents des tribus soumises du Sahara et leurs chefs, qui étaient parfaitement disposés à se battre. (…) Le duc d’Aumale fit alors l’honneur à Si-Bou-Aziz-ben-Gana de le nommer khalifa de la région saharienne, et cette nomination fut confirmée par le maréchal Vallée comme récompense pour ses bons et loyaux services. Le territoire de commandement de Bouaziz Bengana fut délimité : il s’étendait d’El-Kantara à Touggourt et comprenait, de l’est à l’ouest, tout le pays qui s’étend d’El-Khanga aux Ouled-Djellal. Le duc d’Aumale, reconnaissant, nomma en même temps Si-Mohammed-Es-Sghir, neveu de Si-Bouaziz, caïd de Biskra et des Zibans. »

    Au duc d’Aumale succéda le général Bedeau qui entreprit une nouvelle campagne dans les Aurès pour y aller chercher El-Hadj-Ahmed-Bey. Les Bengana étaient toujours là où les généraux français allaient.

    A la suite d’une énième expédition contre les insurgés algériens, à laquelle participèrent les Bengana, le général Herbillon attribua à El-Hadj-ben-M’hammed Bengana le titre de caïd des Oulad-Djellal et des Oulad-Nail. Puis le général Herbillon, accompagné de tous les membres de la famille des Bengana, pourchassa les récalcitrants Oulad-Nail jusque chez eux, et les obligea de lui faire leur soumission.

    Le pogrom de Zaatcha raconté par les Bengana

    A propos du pogrom de Zaatcha, auquel participèrent tous les Bengana et durant lequel la totalité des habitants furent massacrés, sans exception, y compris les vieillards, les femmes et les enfants, le texte écrit par Bengana dit : « A la suite de ces événements, le colonel Canrobert fut appelé au commandement d’Aumale, et ce fut le colonel Carbuccia que l’on nomma à sa place à Batna. A cette époque, il y avait dans la petite ville de Zaatcha un homme nommé Bouziane qui se faisait passer pour chérif et qui avait réussi à réunir autour de lui un certain nombre de partisans. Comptant sur l’appui des gens de Zaatcha, cet individu se crut assez fort pour se dispenser de venir rendre ses devoirs aux autorités. Le siège de Zaatcha fut alors commencé par Si-Bou-Aziz- Bengana et ses frères à la tête des troupes dont ils disposaient, et, quelque temps après, le colonel Carbuccia vint les rejoindre avec un faible détachement et le siège continua. Tous les gens de Zaatcha et le chérif Bouziane, ainsi que tous les étrangers qui avaient suivi la fortune de celui-ci rentrèrent alors dans l’intérieur de la ville et s’y retranchèrent. De nombreux combats eurent lieu sous les murs de Zaatcha, le colonel Carbuccia attaquant sans relâche les assiégés à la tête de son détachement ; mais cet officier ne put obtenir aucun résultat, et après des efforts inutiles, la colonne fut obligée de rentrer à Biskra. Or, ce siège avait duré un certain temps, et, dans cet intervalle, Si-Abdelhafidh, qui était campé à El-Khanga, avait conçu le projet de faire une diversion au profit de Bouziane. (…) Bou-Aziz -Ben-Gana, qui était encore devant Zaatcha, envoya immédiatement à Si-Bou-Lakhras l’ordre de prendre avec lui quatre cents cavaliers arabes et de se transporter avec eux à Biskra le plus vite possible. Si-Bou-Lakhras exécuta ponctuellement les ordres qu’il avait reçus, et lui et ses quatre cents cavaliers franchirent la distance qui les séparait de Biskra en un jour et une nuit. Arrivés à Biskra, ils se joignirent au commandant Saint-Germain et se portèrent à la rencontre de Si Abdelhafidh. Les deux armées se rencontrèrent à Soriana, et les troupes françaises se jetèrent avec impétuosité sur les insurgés. La fortune tourna contre Abd-el-Hafidh, qui fut battu ; mais nous eûmes à déplorer la mort du commandant Saint-Germain, qui fut tué pendant le combat. (…) Revenons maintenant à l’affaire de Zaatcha. Lorsque le colonel Carbuccia abandonna le siège pour rentrer avec sa colonne à Biskra, il laissa Si-Bou-Aziz-Ben-Gana et ses parents auprès de Zaatcha, avec leurs goums, pour surveiller Bouziane et ses partisans, et cette situation se continua jusqu’à l’arrivée du général Horbillon. Ce général, à la tête d’une colonne considérable, mit la plus grande diligence à se transporter à Zaatcha, et, une fois là, il activa les travaux du siège. »

    Mohammed-Es-Seghir Bengana assassine Al-Hassan Bouziane

    Le texte de Bengana poursuit à propos du pogrom de Zaatcha : « Nous n’entreprendrons pas de raconter les péripéties de ce siège mémorable. (…) Enfin, la victoire resta aux troupes françaises ; Bouziane fut tué, tous les habitants de Zaatcha furent passés au fil de l’épée et leur ville fut détruite de fond en comble. Le jour de la prise de Zaatcha, un des soldats de Si-Mohammed-Es-Seghir avait fait prisonnier le fils de Bouziane et l’avait amené au général qui voulait tout d’abord lui accorder la vie. ‘‘Un chacal ne peut enfanter que des chacals’’, objecta Si-Mohammed-Es-Seghir ; la mort de ce jeune homme fut donc décidée et le soldat le tua immédiatement. A la suite de ces hauts faits, qui rendaient plus manifeste encore la fidélité des Ben-Gana au gouvernement français, le général Herbillon répartit les places de caïds dans la région saharienne entre les membres de cette famille. Il nomma Si-Ali-Ben-El-Guidoum, fils de Si-Bou-Aziz-Ben-Gana, caïd des Arabes-Cheraga ; Si-Bou-Lakliras-ben-Mohammed, caïd des Saharis ; et Si-Ahmed-ben-El-Hadj-ben-Gana, caïd des Arabes Gheraba. Ceux qui avaient aidé ou assisté le chérif Bouziane furent sévèrement punis, et chacun des contingents qui avaient formé l’armée du général rentra dans sa résidence respective. »

    Ce n’est pas tout, un autre « haut fait remarquable » de cette famille est à signaler, un carnage qui eut lieu en marge du siège de Zaatcha.

    Le 16 novembre 1849, à deux heures du matin, deux colonnes du corps expéditionnaire français, placées sous les ordres des colonels de Barrai et Canrobert, se dirigèrent vers l’oasis d’Ourlal, « une ville de tentes appuyée aux oasis, des douars sans nombre s’étendant de tous côtés au loin, et de nombreux troupeaux de chameaux, de moutons, couvrant la plaine ». Les soldats français, pourvus de quatre canons, étaient accompagnés des goums de Sétif, du Hodna et de Biskra, ces derniers sous les ordres du cheikh El-Arab Bengana.

    Entendant du bruit, tous les hommes du campement nomade sortirent des tentes, les cavaliers montèrent à cheval et se portèrent en avant pour livrer bataille aux Français et à leurs supplétifs indigènes. Les femmes, les enfants, les vieillards, entendant les coups de fusil et voyant une masse mouvante se diriger de leur côté, se sauvèrent précipitamment vers les oasis. La sauvage agression de cette population algérienne plongée dans le sommeil fit 120 morts, hommes parmi les nomades, femmes, vieillards et enfants. Toutes les tentes furent renversées, bouleversées, déchirées, brûlées même, et tous ceux qui n’avaient pu fuir trouvèrent la mort sous les toiles et les tapis où ils s’étaient réfugiés.

    Voici résumé ici le récit du général Herbillon, le sanguinaire responsable du génocide de Zaatcha, à propos de ce massacre d’Ourlal, un énième crime contre l’humanité commis au nom de la civilisation française, auquel participèrent hardiment, comme toujours, Bengana et ses goumiers : « Le colonel Canrobert, qui commandait l’arrière-garde, apercevant ce qui se passait, tourna aussi à gauche, et, longeant les murs d’Ourlal, en débusqua les Arabes et appuya le mouvement offensif. L’artillerie acheva de jeter l’épouvante au milieu de cette population surprise, en dirigeant son tir sur des douars éloignés, et en lançant des obus dans les jardins où s’était sauvée la plus grande partie des fuyards. Les tirailleurs indigènes et des spahis, ayant été envoyés en même temps à la poursuite des troupeaux, réunirent sans difficultés ceux qui avaient été abandonnés, et enlevèrent un grand nombre de chameaux, que les gardiens défendirent vaillamment en cherchant à les sauver. Quant aux goums, avides de pillage, ils se jetèrent avec rapacité sur le butin qui était à leur disposition, et prirent tout ce que les moyens de transport leur permettaient d’emporter. Les femmes et les vieillards foulés aux pieds des chevaux, se relevant mutilés, et cherchant à atteindre les murs des oasis où elles espéraient s’abriter, presque tous furent tués à coups de baïonnette. Des otages furent pris dans les grandes familles se rendirent à Biskra ; les amendes furent payées aux époques fixées ; et, comme ils avaient demandé à racheter deux mille chameaux qu’on leur avait pris, ceux-ci furent rendus moyennant une somme qui fut déterminée par une commission nommée à cet effet. Les moutons qui avaient été enlevés, au nombre de quinze mille, furent remis à l’administration et distribués à la troupe. Les Français, qui eurent six tués et trente-quatre blessés, rentrèrent au camp de Zaatcha vers quatre heures et demie du soir, avec une prise de deux mille chameaux et quinze mille moutons, les goums de Ben Gana chargés d’un butin considérable suivaient. »

    Intelligence avec l’ennemi

    Dans la mémoire des Algériens, le patronyme Bouaziz Bengana, qui fut principal chantre de la collaboration avec l’occupant français, est estampillé de manière indélébile, il portera à jamais le sceau de la damnation post mortem à l’oubli. A l’image de la loi votée par le Sénat romain au cours de l’antiquité à l’encontre des personnages politiques coupables de haute trahison.

    La descendante de Bouaziz Bengana, qui aurait dû se taire, déclare dans une interview à l’intention de ses nombreux détracteurs sur les réseaux : « A ces petites âmes, je leur rétorque que si elles ont un tel problème avec la France, que font-elles sur le sol français ? »

    Voilà qui nous rappelle l’air de « la France on l’aime ou on la quitte ». Philippe de Villiers disait : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes. » Pour Nicolas Sarkozy, « si certains n’aiment pas la France, qu’ils la quittent ! » Le Pen, quant à lui, dit : « Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter ! »

    « Nul ne peut porter le fardeau d’autrui »

    Que les descendants mâles ou femelles des apostats et autres félons de la cause nationale sans foi ni loi se rassurent. Ils jouissent et jouiront encore en Algérie du passage coranique qui dit : « Nul ne peut porter le fardeau d’autrui. » Le coran rappelle ce principe à cinq reprises : dans la sourate Al-An’am verset 164 ; Al Isra verset 15 ; Fatir verset 18 ; Az-zoumar verset 7 et An-Nadjm verset 38.

    Si on ne choisit pas sa famille, selon l’adage, il n’est pas interdit de se repentir.

    Ali Farid Belkadi
    Historien, anthropologue

    http://www.algeriepatriotique.com

  • The treadmill effect of capitalism : Karl Marx, Moishe Postone et la dynamique immanente au capitalisme dans sa détermination initiale [Dossier et schémas]
    http://www.palim-psao.fr/2017/01/the-treadmill-effect-of-capitalism-la-dynamique-immanente-au-capitalisme-

    La norme sociale temporelle de la productivité en un temps (t), apparaît en face de chaque producteur particulier comme une dictature absolue, qui prend ici un caractère anonyme. Il n’y a pas là, à ce niveau, un contremaître qui dit que tu dois faire 40 mètres de toile en une heure. C’est, si on ne fait pas 40 mètres en une heure que l’on est éliminé par la concurrence, parce que la cristallisation de la valeur dans nos 20 mètres de toile que nous aurons seulement réussi à fabriquer en une heure, sera la moitié de la valeur d’une heure, si par exemple le nouveau standard de productivité social est de fabriquer 40 mètres de toile en une heure.

    #critique_de_la_valeur #wertkritik #Moishe_Postone #Marx #économie #productivité #schémas

  • Aurélien Berlan, Pouvoir et dépendance, 2016
    https://sniadecki.wordpress.com/2017/01/13/berlan-pouvoir
    via @tranbert

    Si la dépendance matérielle fut à toute époque l’un des ressorts du pouvoir, et si elle est au cœur de son exercice aujourd’hui, on peut se demander pourquoi cette question est si peu présente dans le champ de la réflexion politique. Je ne vais pas relire l’intégralité de la pensée politique afin de montrer que, bien que sous-jacente à nombre de réflexions, elle ne joue qu’un rôle secondaire dans les théories du pouvoir – ni tenter d’expliquer cette omerta ou cet impensé en démontant la « posture scolastique » 11 d’intellectuels coupés de la vie matérielle, peu enclins donc à analyser les tenants et aboutissants politiques de la dépendance qui caractérise leur condition.

    Je vais plutôt tenter de combler ce vide en m’appuyant sur les rares textes où cette problématique émerge. Dans un premier temps, j’examinerai avec Simone Weil les fondements matériels de l’oppression sociale pour montrer que, sous sa forme contemporaine, elle passe par la dépendance matérielle de populations dépossédées de tout moyen de subvenir à leurs besoins. Ensuite, nous verrons avec Karl Marx, Max Weber et Silvia Federici que cette dépossession est au principe du système capitaliste et des formes modernes de domination. Enfin, je me tournerai vers l’analyse des nouvelles formes de contrôle social proposée par la Théorie critique pour démonter le mécanisme d’un pouvoir industriel que Weil n’avait pas encore sous les yeux, ou seulement sous forme rudimentaire : un pouvoir nourricier qui ne repose pas uniquement sur l’expropriation des moyens de subvenir aux besoins traditionnels, mais sur la manipulation des besoins, l’inoculation de nouveaux besoins liant les populations au système qui les génère et peut seul les assouvir.

    #politique #liberté #Simone_Weil #Marx #autonomie #conditions_matérielles_d'existence

  • ’Democracy was hijacked. It got a bad name’: the death of the post-Soviet dream | World news | The Guardian
    https://www.theguardian.com/world/2016/dec/08/central-asia-tajikistan-kazakhstan-kyrgyzstan-uzbekistan-turkmenistan

    The road out of Kommunizm, a small town in southern Tajikistan, is badly paved and bumpy. Like most things here it was built long ago, when the ruling ideology that gave the settlement its name was still thriving.

    Home to just 7,000 inhabitants, Kommunizm was at the very edge of the Russian empire, first tsarist then Soviet; a mere 50 miles from Kunduz in northern Afghanistan.

    All around the former collective farm is the once splendid iconography of the Bolshevik order. Busts of Karl Marx and Vladimir Lenin look on to what used to be the main square, while a trio of heroically poised Soviet archetypes have been cast to one side in a car park

    #asie_centrale #soviétisme #ex-urss #urss #union-soviétique

  • Dans l’asile de nuit

    L’atmosphère de fête dans laquelle baignait la capitale du Reich vient d’être cruellement troublée. A peine des âmes pieuses avaient-elles entonné le vieux et beau cantique » O gai Noël, jours pleins de grâce et de félicité » qu’une nouvelle se répandait : les pensionnaires de l’asile de nuit municipal avaient été victimes d’une intoxication massive. Les vieux tout autant que les jeunes : l’employé de commerce Joseph Geihe, vingt et un ans ; l’ouvrier Karl Melchior, quarante-sept ans ; Lucian Szczyptierowski, soixante-cinq ans. Chaque jour s’allongeait la liste des sans-abri victimes de cet empoisonnement. La mort les a frappés partout : à l’asile de nuit, dans la prison, dans le chauffoir public, tout simplement dans la rue ou recroquevillés dans quelque grange. Juste avant que le carillon des cloches n’annonçât le commencement de l’an nouveau, cent cinquante sans-abri se tordaient dans les affres de la mort, soixante-dix avaient quitté ce monde.
    Pendant plusieurs jours l’austère bâtiment de la Fröbel-strasse, qu’on préfère d’ordinaire éviter, se trouva au centre de l’intérêt général. Ces intoxications massives, quelle en était donc l’origine ? S’agissait-il d’une épidémie, d’un empoisonnement provoqué par l’ingestion de mets avariés ? La police se hâta de rassurer les bons citoyens : ce n’était pas une maladie contagieuse ; c’est-à-dire que les gens comme il faut, les gens » bien « , ne couraient aucun danger. Cette hécatombe ne déborda pas le cercle des » habitués de l’asile de nuit « , ne frappant que les gens qui, pour la Noël, s’étaient payé quelques harengs-saurs infects » très bon marché » ou quelque tord-boyaux frelaté. Mais ces harengs infects, où ces gens les avaient-ils pris ? Les avaient-ils achetés à quelque marchand » à la sauvette » ou ramassés aux halles, parmi les détritus ? Cette hypothèse fut écartée pour une raison péremptoire : les déchets, aux Halles municipales, ne constituent nullement, comme se l’imaginent des esprits superficiels et dénués de culture économique, un bien tombé en déshérence, que le premier sans-abri venu puisse s’approprier. Ces déchets sont ramassés et vendus à de grosses entreprises d’engraissage de porcs : désinfectés avec soin et broyés, ils servent à nourrir les cochons. Les vigilants services de la police des Halles s’emploient à éviter que quelque vagabond ne vienne illégalement subtiliser aux cochons leur nourriture, pour l’avaler, telle quelle, non désinfectée et non broyée. Impossible par conséquent que les sans-abri, contrairement à ce que d’aucuns s’imaginaient un peu légèrement, soient allés pêcher leur réveillon dans les poubelles des Halles. Du coup, la police recherche le » vendeur de poisson à la sauvette » ou le mastroquet qui aurait vendu aux sans-abri le tord-boyaux empoisonné.
    De leur vie, ni Joseph Geihe, Karl Melchior ou Lucian Szczyptierowski, ni leurs modestes existences n’avaient été l’objet d’une telle attention. Quel honneur tout d’un coup ! Des sommités médicales – des Conseillers secrets en titre – fouillaient leurs entrailles de leur propre main. Le contenu de leur estomac – dont le monde s’était jusqu’alors éperdument moqué -, voilà qu’on l’examine minutieusement et qu’on en discute dans la presse. Dix messieurs – les journaux l’ont dit – sont occupés à isoler des cultures du bacille responsable de la mort des pensionnaires de l’asile. Et le monde veut savoir avec précision où chacun des sans-abri a contracté son mal dans la grange où la police l’a trouvé mort ou bien à l’asile où il avait passé la nuit d’avant ? Lucian Szczyptierowski est brusquement devenu une importante personnalité : sûr qu’il enflerait de vanité s’il ne gisait, cadavre nauséabond, sur la table de dissection.
    Jusqu’à l’Empereur – qui, grâce aux trois millions de marks ajoutés, pour cause de vie chère, à la liste civile qu’il perçoit en sa qualité de roi de Prusse, est Dieu merci à l’abri du pire – jusqu’à l’Empereur qui au passage s’est informé de l’état des intoxiqués de l’asile municipal. Et par un mouvement bien féminin, sa noble épouse a fait exprimer ses condoléances au premier bourgmestre, M. Kirschner, par le truchement de M. le Chambellan von Winterfeldt. Le premier bourgmestre, M. Kirschner n’a pas, il est vrai, mangé de hareng pourri, malgré son prix très avantageux, et lui-même, ainsi que toute sa famille, se trouve en excellente santé. Il n’est pas parent non plus, que nous sachions, fût-ce par alliance, de Joseph Geihe ni de Lucian Szczyptierowski. Mais enfin à qui vouliez-vous donc que le Chambellan von Winterfeldt exprimât les condoléances de l’Impératrice ? Il ne pouvait guère présenter les salutations de Sa Majesté aux fragments de corps épars sur la table de dissection. Et » la famille éplorée » ?… Qui la connaît ? Comment la retrouver dans les gargotes, les hospices pour enfants trouvés, les quartiers de prostituées ou dans les usines et au fond des mines ? Or donc le premier bourgmestre accepta, au nom de la famille, les condoléances de l’Impératrice et cela lui donna la force de supporter stoïquement la douleur des Szczyptierowski. A l’Hôtel de ville également, devant la catastrophe qui frappait l’asile, on fit preuve d’un sang-froid tout à fait viril. On identifia, vérifia, établit des procès-verbaux ; on noircit feuille sur feuille tout en gardant la tête haute. En assistant à l’agonie de ces étrangers, on fit preuve d’un courage et d’une force d’âme qu’on ne voit qu’aux héros antiques quand ils risquent leur propre vie.
    Et pourtant toute l’affaire a produit dans la vie publique une dissonance criarde. D’habitude, notre société, en gros, à l’air de respecter les convenances : elle prône l’honorabilité, l’ordre et les bonnes moeurs. Certes il y a des lacunes dans l’édifice de l’Etat, et tout n’est pas parfait dans son fonctionnement. Mais quoi, le soleil lui aussi a ses taches ! Et la perfection n’est pas de ce monde. Les ouvriers eux-mêmes – ceux surtout qui perçoivent les plus hauts salaires, qui font partie d’une organisation – croient volontiers que, tout compte fait, l’existence et la lutte du prolétariat se déroulent dans le respect des règles d’honnêteté et de correction. La paupérisation n’est-elle pas une grise théorie depuis longtemps réfutée ? Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
    Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.
    Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
    Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare » inutilisable » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
    On dit : échouent à la Maison des pauvres ou en prison uniquement des éléments faibles ou dépravés : vieillards débiles, jeunes délinquants, anormaux à responsabilité diminuée. Cela se peut. Seulement les natures faibles ou dépravées issues des classes supérieures ne finissent pas à l’asile, mais sont envoyées dans des maisons de repos ou prennent du service aux colonies : là elles peuvent assouvir leurs instincts sur des nègres et des négresses. D’ex-reines ou d’ex-duchesses, devenues idiotes, passent le reste de leur vie dans des palais enclos de murs, entourées de luxe et d’une domesticité à leur dévotion. Au sultan Abd-ul-Hamid, ce vieux monstre devenu fou, qui a sur la conscience des milliers de vies humaines et dont les crimes et les débordements sexuels ont émoussé la sensibilité, la société a donné pour retraite, au milieu de jardins d’agrément, une villa luxueuse qui abrite des cuisiniers excellents et un harem de filles dans la fleur de l’âge dont la plus jeune a douze ans. Pour le jeune criminel Prosper Arenberg : une prison avec huîtres et champagne et de gais compagnons. Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. Pour la femme de l’officier d’Allenstein, cette folle, coupable d’un crime et d’un suicide une existence confortable, des toilettes de soie et la sympathie discrète de la société. Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.
    Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la #société_capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.
    De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.
    De temps en temps survient une crise : semaines et mois de #chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.
    Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.
    Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la #misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.
     » Le système public d’assistance aux pauvres « , dit Karl Marx, dans Le Capital, » est l’Hôtel des Invalides des ouvriers qui travaillent, à quoi s’ajoute le poids mort des chômeurs. La naissance du #paupérisme_public est liée indissolublement à la naissance d’un volant de travailleurs sans emploi ; travailleurs actifs et chômeurs sont également nécessaires, ces deux catégories conditionnent l’existence de la production capitaliste et le développement de la richesse. La masse des chômeurs est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Mais plus cette réserve de chômeurs grossit comparativement à l’armée active du travail, plus grossit la #surpopulation_des_pauvres. Voilà la loi générale absolue de l’accumulation capitaliste.
    « Lucian Szczyptierowski, qui finit sa vie dans la rue, empoisonné par un hareng pourri, fait partie du #prolétariat au même titre que n’importe quel ouvrier qualifié et bien rémunéré qui se paie des cartes de nouvel an imprimées et une chaîne de montre plaqué or. L’asile de nuit pour #sans-abri et les contrôles de police sont les piliers de la société actuelle au même titre que le Palais du Chancelier du Reich et la Deutsche Bank. Et le banquet aux harengs et au tord-boyaux empoisonné de l’asile de nuit municipal constitue le soubassement invisible du caviar et du champagne qu’on voit sur la table des millionnaires. Messieurs les Conseillers médicaux peuvent toujours rechercher au microscope le germe mortel dans les intestins des intoxiqués et isoler leurs » cultures pures » : le véritable bacille, celui qui a causé la mort des pensionnaires de l’asile berlinois, c’est l’ordre social capitaliste à l’état pur.
    Chaque jour des sans-abri s’écroulent, terrassés par la #faim et le froid. Personne ne s’en émeut, seul les mentionne le rapport de police. Ce qui a fait sensation cette fois à Berlin, c’est le caractère massif du phénomène. Le prolétaire ne peut attirer sur lui l’attention de la société qu’en tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. Même le dernier d’entre eux, le #vagabond, devient une force publique quand il forme masse, et ne formerait-il qu’un monceau de cadavres.
    D’ordinaire un #cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que des flambeaux. Au lendemain des barricades du 18 mars 1848, les ouvriers berlinois relevèrent les corps des insurgés tués et les portèrent devant le Château royal, forçant le despotisme à découvrir son front devant ces victimes. A présent il s’agit de hisser les corps empoisonnés des sans-abri de Berlin, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang, sur des milliers de mains de prolétaires et de les porter dans cette nouvelle année de lutte en criant : A bas l’infâme régime social qui engendre de pareilles horreurs !

    #Rosa_Luxemburg #lumpenprolétariat
    Source : http://www.tantquil.net/2012/02/04/un-temps-a-ne-pas-laisser-un-sdf-dehors


    http://lesmoutonsenrages.fr/2014/06/25/a-paris-le-nombre-de-sdf-a-augmente-de-84-en-dix-ans/comment-page-1

  • L’escroquerie démocratique : Hillary ou Trump ? (Counterpunch)Luciana Bohne

    http://www.legrandsoir.info/l-escroquerie-democratique-hillary-ou-trump-counterpunch.html

    « Pensez-vous que nous serions mieux sous Hillary ou Trump, » m’ont demandé les membres de mon groupe d’écriture, lors d’une réunion en Octobre. « Ce n’est pas une question de l’un ou l’autre. Je ne peux pas vous donner une réponse courte. » Finalement, j’ai rédigé la réponse que voici

    .

    Aux Etats-Unis, nous avons la démocratie politique mais la démocratie économique est rare. Nous avons les structures politiques de la démocratie, mais elles vacillent sur des fondations faites de clauses d’exception. Ces exceptions limitent les progrès de la démocratie d’en bas. Nous avons la démocratie pour quelques-uns et l’exclusion pour tous les autres. Nous avons le socialisme pour le capital et le capitalisme pour le reste. D’ailleurs, tout droit ou liberté politique est provisoire. Ils sont accordés avec des clauses d’exception rédigées en petits caractères ou avec des lacunes accumulées au fil du temps qui attribuent à l’État le privilège de les résilier.

    Nous avons une démocratie qui se contredit depuis sa création. Elle professait que « tous les hommes » étaient nés égaux, sauf les sous-hommes qui n’étaient que du bétail légalisé et qui appartenaient à ceux qui les avaient achetés. Cette démocratie naissante limitait le droit de vote aux propriétaires, en encourageant l’appropriation par le vol des terres appartenant aux sous-hommes des peuples autochtones. Ce modèle de dépossession est évident aujourd’hui dans la violence systématique qui s’exerce contre les jeunes Noirs. Les hommes noirs constituent 6,6 pour cent de la population mais 40 pour cent des 2,3 millions de la population carcérale, contre 375.000 en 1970. Six millions de citoyens qui ont purgé leur peine n’ont pas le droite de voter.

    La nature de notre démocratie
    C’est la propriété, et non la démocratie, qui fut intégrée comme le nec plus ultra des intérêts vitaux dans l’ADN de notre organisme constitutionnel. C’est l’ostracisme qui régnait au sommet de la colline blanche post-coloniale des Etats-Unis. Pour être un membre à part entière de cette enclave utopique et exalté de profiteurs zélés, il fallait voler, posséder et profiter.

    L’éthique de la cupidité et de la concurrence n’assure guère l’harmonie sociale. Celle-ci est garantie par l’achat de l’opinion publique. Cela signifie la construction d’une superstructure de contrôle idéologique. Cela signifie conditionner le public à adopter les valeurs et les intérêts de l’élite dirigeante. Par conséquent, la croyance inculquée de la sacralité de la propriété privée induit chez les dirigés à croire que « la poursuite du bonheur » consiste à accumuler de biens matériels – contrairement aux penseurs des Lumières qui défendaient le droit au développement personnel nié par les structures sociales rigides de la féodalité.

    Dans le capitalisme, la notion de propriété s’appuie sur l’exploitation. Elle n’est pas la garantie du bien-être public, de l’harmonie et de la sécurité. La propriété est la mère du racisme, de la guerre, du génocide, et de l’inhumanité. Nous avons, dans notre démocratie de bonimenteurs, de bons citoyens qui s’opposent aux guerres et au racisme. Mais l’opposition aux guerres et au racisme dans un état obsédé par la propriété est comme un opposition au feu en Enfer. Le Feu est la nature de l’Enfer tout comme la Propriété est la nature de notre état. C’est l’abolition de l’enfer qu’il faut exiger.

    « Il est tout à fait évident » , écrit le jeune Frederick Engels dans son premier livre publié, La situation de la classe laborieuse en Angleterre : https://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_pref.htm
    , en observant la démocratie naissante de l’ère industrielle en Angleterre, « que toute la législation est calculée pour protéger ceux qui possèdent contre ceux qui ne possèdent pas »

    L’escroquerie
    Lorsque vous avez la démocratie politique sans justice économique, vous avez le forme sans le contenu. Karl Marx, qui, avec Engels, a étudié les constitutions émergentes de l’Europe libérale, surtout après les révolutions de 1848-1849, a tout écrit à ce sujet dans La Sainte Famille (https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/09/kmfe18440900.htm ), et a qualifié cette démocratie partielle d’ « escroquerie démocratique ». Il considérait les Etats-Unis comme le pays modèle de cette « escroquerie », le pays le plus démocratique dans la forme constitutionnelle et le plus efficace pour réguler les passions du peuple dans les limites des intérêts de classe au pouvoir, assurant la paix sociale dans l’étau de son étreinte libérale brutale.
    Pour sûr, notre Constitution était la plus démocratique de cette ère libérale émergente.

    En Europe, par exemple, les constitutions libérales naissantes furent ruinées par une impulsion réactionnaire pour préserver certains degrés de despotisme. Pas la nôtre. Noir sur blanc il était écrit que nous répudions les rois et les despotes. Nous étions « nous le peuple ». Nous gouvernions. Nous n’étions plus des sujets mais des citoyens.

    L’illusion du pouvoir entre les mains du peuple fut un brillant canular. « Pour l’amour de Dieu, laissez-les voter ; n’ayez pas peur des élections », chuchotèrent à la fin du 19ème siècle les élites étasuniennes à leurs homologues européens. « Qu’ils s’imposent leur propre soumission par le vote. Laissez-les croire qu’ils gouvernent. L’harmonie sociale vous coûtera moins cher que tous ces donjons et gendarmes ».

    L’Europe a prêté l’oreille parce que les mouvements socialistes avaient véritablement décollé à la fin du 19ème siècle, en exigeant la justice sociale et économique. Elle a prêté l’oreille parce que le socialisme international menaçait d’unir, dans un combat commun contre l’impérialisme, les peuples soumis des colonies avec les masses de la patrie impériale. Les masses laborieuses de l’Europe réalisèrent que si le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire britannique, il ne se levait pas pour autant sur les taudis britanniques.

    Pour réaffirmer l’harmonie sociale, des concessions furent faites. Puis le mouvement socialiste fut éliminé lors de la Première Guerre mondiale qui fut à la fois une guerre de classe et une guerre inter-impérialiste. La marée montante de la prise de conscience de l’oppression générale retomba et s’échoua dans la boue des Flandres et les tranchées du front occidental. Sur le front de l’Est, la marée a tenu bon, en anéantissant l’autocratie Russe, et une expérience du pouvoir par le peuple a débuté. Une chose que les impérialistes n’avaient pas pris en compte lorsqu’ils excitaient les peuples de chaque nation à se massacrer entre eux était que les guerres sont les creusets de la révolution. S’il existe une lueur d’espoir dans la boucherie en cours des guerres modernes de l’Occident contre les ex-colonies, elle réside dans l’espoir que l’histoire se répétera avec un retour de manivelle provoqué par la révulsion et une révolte mondiale.

    L’apparition du néolibéralisme.
    Depuis 1945, le système des deux partis étasuniens a brillamment réussi à maintenir un ordre social sous contrôle, en jouant au jeu de l’alternance fictive entre conservatisme et progressisme. En réalité, le jeu était joué pour confiner les gens dans un cadre politique extrêmement étroit où tout véritable choix politique se voyait étouffé et dans lequel on attendait des gens qu’ils se retournent les uns contre les autres à propos d’une concession mineure quelconque, ou qui ne mangeait pas de pain, que l’Etat jetait en pâture à tel ou tel groupe social. Les maintenir en agitation mais sous contrôle ; leur donner l’impression qu’avec la dissidence et le débat, ils vivaient dans une société libre. Voilà ce que les dirigeants aiment : des gens divisés mais faisant partie du troupeau. Il est vrai que parfois certains s’en échappent et descendent dans la rue, mais des concessions minimales seront faites et ils retourneront dans leur cadre étroit où ils se chamailleront sur leurs mérites ou démérites respectifs.

    Dans les années 1970, les dirigeants ont pris une décision capitale. Ils ont noté que le taux de profit sur les investissements au sein de l’État-providence était plat. Ils ont remarqué que le maintien d’une économie industrielle générait trop de frais. Ils ont remarqué que les concessions faites pour assurer l’harmonie sociale s’étaient accumulées au point de mettre en péril la liberté des capitaux. Alors ils ont décidé de tout reprendre : l’investissement industriel au service du développement d’un pays ; les droits des travailleurs ; les services sociaux ; les réglementations sur les banques ; les restrictions sur les opérations financières hasardeuses et risquées. En bref, ils voulaient le retour de l’économie de casino débridée de Wall-Street de l’époque avant la Grande Dépression.

    Ils savaient qu’ils s’engageait dans une guerre sociale. Ils savaient que les gens allaient souffrir mais ils avaient confiance que les ravages de la politique de la terre brûlée néolibérale mettrait du temps à faire sentir ses effets à domicile. La révolte prévisible contre la paupérisation pouvait être retardée par le communautarisation de la société en groupes d’identité compartimentés, chacun cherchant l’attention de l’Etat sur un sujet précis. Nous sommes devenus une nation balkanisée de minorités parce que l’État sait que notre force, notre seule arme – est l’unité. Notre éparpillement est gérable.

    A la fin des années 1970, l’industrie sidérurgique a quitté Pittsburgh pour le Brésil, bien que le taux de profit était de 12%. La région fut économiquement dévastée. Dans les années 1980, en tant qu’enseignement à 180km au nord de Pittsburgh, je lisais des essais rédigés par des étudiants d’une université publique de la classe ouvrière où j’enseignais. Les essais racontaient des histoires déchirantes de pères en détresse - des métallos qui avaient perdu leur emploi, buvaient, se querellaient avec leurs épouses, qui divorçaient.

    Plus pénible à lire, cependant, étaient les causes que les étudiants attribuaient à l’insécurité de leurs jeunes vies. Ils citaient des lois environnementales trop strictes ; une fiscalité des entreprises excessive ; la cupidité des syndicats. Ils avaient abandonné leur raison et cédé à la passion des flammes du ressentiment que le Parti Républicain attisait avec le tisonnier du racisme. Ils supposaient que la démocratie était allée trop loin avec la discrimination positive, favorisant un groupe au détriment d’un autre. Ils étaient d’accord que « le gouvernement était trop envahissant » et la protection sociale trop somptueuse. Les philistins du Parti républicain compensaient leur confiance dévoyée avec des élucubrations pédantes sur la famille et les valeurs religieuses, le « caractère sacré de la vie », la sobriété de la peine de mort comme mesure de discipline sociale – autant de mesures qui ne réduisent ne serait que d’un centime ni le budget de la défense ni les subventions accordées aux entreprises. Le complexe pénitentiaire est devenu une activité lucrative pour l’investissement et l’exploitation – l’équivalent des workhouses (*) britanniques du 19ème siècle.

    Le Parti Démocrate, quant à lui, a prêché la tolérance raciale, mais a adopté des lois draconiennes incarcérant les personnes les plus vulnérables, les jeunes, les pauvres et, de façon disproportionnée, les Noirs. Ils « reformèrent » la protection sociale puis ont laissé croire aux Blancs que les Noirs avaient volé leurs allocations. En réalité, la plupart des bénéficiaires de la protection sociale étaient des Blancs pauvres. Le Parti Démocrate a lancé le discours sur le multiculturalisme, ghettoïsant ainsi les groupes sociaux autour de questions sociales uniques, élargissant les fractures de la cohésion sociale, de la solidarité et de la coopération.

    Ce qui gisait sous les décombres, enseveli sous les discours sur les valeurs et l’identité, était la classe sociale, l’inavouable, le proscrit. La classe ouvrière a cessé d’exister en tant qu’entité linguistique dans le discours public et intellectuel. Il a cessé d’exister politiquement, parce que lorsque la langue meurt, l’histoire, la culture et la conscience des gens meurent aussi. Ainsi, les Démocrates ont adopté l’ALENA et l’ALEAC, des actes d’agression économique contre le monde du travail, ici et ailleurs. Ils ont abrogé la loi Glass-Steagall et ouvert la porte aux dérives financières sans entraves, ce qui nous a valu le crash de 2007-8, lorsque les conneries des deux partis ont fini par déborder. La masse, jusqu’ici divisée et apathique, explosa de colère contre « les riches ». Voilà que l’inculture politique du peuple, si assidûment cultivée par les deux partis, s’éveillait à une perception de la classe comme relation sociale inégale de pouvoir au sein de la société.

    L’harmonie sociale se décompose
    Dans la campagne électorale présidentielle en cours, nous avons assisté à une relâche du contrôle exercé par les deux partis. Les beaux jours de la conciliation de classe et de coopération active de la population avec les intérêts des élites économiques ont clairement atteint une sorte de début de la fin. Les électeurs somnambules qui autrefois s’alignaient derrière le candidat retenu par leurs partis respectifs - Républicains à votre fausse droite et Démocrates à votre fausse gauche - se sont soudainement réveillés, leur apathie éclatant dans un désordre, une débauche et une indiscipline inattendue.

    Douze millions d’électeurs ont rejoint la campagne d’un « indépendant », le sénateur Bernie Sanders, qui se présenta comme candidat du socialisme démocratique. 13,3 millions sont devenus partisans du milliardaire entrepreneur immobilier Donald Trump, le candidat voyou parvenu du Parti Républicain. En réalité, aucun des deux candidats n’a reconnu l’ampleur du problème du capitalisme mondial en crise qui est la cause du retour au capitalisme rapace prôné par le néolibéralisme. Ni compris ou avoué que le néolibéralisme était une nécessité pour la survie du capitalisme. Ainsi, tous les deux ont proposé de retourner à une époque où le pays connaissait une prospérité, Sanders à l’économie du New Deal ; Trump à l’époque du fordisme industriel, toutes deux spécifiquement saccagées par le néolibéralisme. Hillary Clinton, en tant que partenaire néolibérale, à la fois dans l’idéologie et la pratique, de Bill Clinton, comprend que le néolibéralisme est la dernière bataille pour l’hégémonie mondiale du capital international. Voilà pourquoi elle est la candidate des néoconservateurs.

    Mais les gens, poussés par leurs conditions matérielles de plus en plus difficiles, en ont finalement eu assez. Les années Obama ont ruiné tout espoir de changement – et les derniers espoirs dans les promesses des deux partis. Les guerres se sont poursuivies et se sont intensifiées, augmentant le budget de la défense à plus de $600 milliards ; le complexe militaro-industriel a amassé des fortunes à faire pâlir d’envie Crésus ; la surveillance s’est intensifiée ; les banques ont récupéré et profité, en abandonnant au peuple les miettes de l’austérité ; les capitaux se sont précipitamment exportés à la recherche d’investissements ; le marché du travail n’offre plus que des emplois précaires et sous-payés ; des accords de commerce internationaux anti-travail et anti-souveraineté se sont multipliés. La corruption. La violence policière. Les immigrés boucs-émissaires, les déportations massives. le contrôle des médias. Les mensonges. La belligérance. La politique étrangère destructrice : agressions militaires et changements de régime. Le démantèlement du droit international et des traités internationaux. Le faux humanitarisme. La perte de la « bonne opinion du monde, » que la Constitution demandait avec tant d’insistance au peuple des États-Unis de cultiver. Au lieu d’entretenir des relations de bon voisinage, nos dirigeants aspirent à devenir les propriétaires abusifs de la planète.

    Les gens ont honte. Dans un coin de leur conscience embrumée, ils ont honte de leur pays. L’augmentation de la pauvreté les prive de leur dignité. Ils doivent se sentir honteux de leurs conditions de vie et de l’état du pays. Et ça, ce n’est pas bon pour les dirigeants : la honte est une émotion où la conscience révolutionnaire germe. Qui peut vivre longtemps sans le respect de soi avant de recourir à la révolte ou de succomber à la haine de l’humanité de manière à déplacer le dégoût de soi, à la manière des fascistes ? Par-dessus tout, qui peut vivre longtemps dans une société où la violence endémique est un symptôme évident de la douloureuse absence d’amour ?

    Conclusion
    Trump ou Hillary ? Mauvaise question. Au contraire, nous devons réaliser que dans la mesure où il s’agit d’un choix proposé par les dirigeants, c’est un piège auquel nous ne pouvons plus échapper, mais qui pourra servir de leçon pour l’avenir. Dans la culture libérale dans laquelle nous avons tous été éduqués - Républicains ou Démocrates - nous avons été habitués à chercher le sauveur suprême. Nous emboîtons le pas des puissants. Nous espérons que l’émancipation viendra d’en haut alors que le changement radical et la démocratisation ne viendront que d’en bas. C’est ça la difficulté, c’est ça qui nous fait peur. Nous sommes paisibles parce que nous ne connaissons pas notre propre force, et aussi longtemps que nous l’ignorerons, nous serons des sujets et non des citoyens.

    Nous devrions voir dans le rejet des partis traditionnels que représentent les candidatures de Trump et Sanders, la possibilité – la nécessité, en fait - d’organiser un parti du peuple. On pourrait même l’appeler Parti des Déplorables, car si l’on exclut les « masses désordonnées » (selon Marx et Engels, pour se moquer du mépris dont elles faisaient l’objet de la part de l’élite arrogante), on admettra que la démocratie n’a aucune chance. Elles sont « désordonnées », mais sont-elles à blâmer, elles qui ont cessé de compter, ou même d’exister, sur le front de la guerre de classe qui a été lancée contre la démocratie – c’est-à-dire contre nous tous ?

    Les lignes de division ethniques doivent disparaître. C’est un impératif pour l’unité. Aux Etats-Unis, le racisme est une peste endémique et récurrente. Il est à la racine de nos divisions politiques. Voilà donc la première tâche : l’éradiquer par l’éducation. Engels, qui a partagé sa vie avec Mary Burns, une Irlandaise républicaine radicale, avait bien compris le racisme contre les Irlandais qui imprègnait la classe ouvrière anglaise. Ce n’était pas un simple trouble psychologique. Il est apparu parce que les usines des Midlands importaient des travailleurs irlandais pour briser les grèves. Néanmoins, il voyait dans la classe ouvrière anglaise la force nécessaire pour mener une révolution sociale :

    « L’Angleterre démontre que plus une classe se trouve en bas de l’échelle sociale et plus elle est « inéduquée » dans le sens habituel du mot, plus sa relation avec le progrès est forte et plus son avenir est grand. »
    J’ai tenté « d’expliquer patiemment » - maxime de Lénine - et, au cours de cette explication qui n’est même pas une réponse « claire et précise », j’ai peut-être épuisé la patience du lecteur, mais il est important de savoir que si nous votons pour l’un ou l’autre de ces deux candidats, nous le faisons sans illusion. Si nous votons pour le « moindre mal », que ce soit la dernière fois, car c’est bien pour le mal que nous voterons.

    Luciana Bohne
    Luciana Bohne est co-fondatrice de Film Criticism, une revue des études de cinéma, et enseigne à l’Université Edinboro en Pennsylvanie.
    (*) NdT : lire ce texte de F. Engels sur les « workhouses » britanniques : https://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_11.htm