person:kateb yacine

  • A quoi sert Kamel Daoud ? – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/12/12/a-quoi-sert-kamel-daoud

    Kamel Daoud. D. R.                                                                                                                                                                                                                                                               
    Pour mes lectures estivales, je me suis fait violence, en glissant dans mes bagages les 464 pages de chroniques (2010-2016) publiées par Kamel Daoud chez Actes Sud. Je dois avouer ne pas avoir dépensé le moindre kopeck pour accéder aux écrits de cet ancien islamiste qui, quand cela est devenu lucratif, a découvert que « Dieu est athée ». Pas question donc de donner un centime de droits d’auteur à cette nouvelle, icône heureuse de nourrir l’orientalisme des néoconservateurs « atlantistes ». Un orientalisme qui est l’une des misères de l’histoire du monde arabe, un travers si bien dénoncé par notre merveilleux Edward Saïd.J’ouvre ce livre, juste après avoir lu le dernier chef-d’œuvre de Jean Ziegler : Le Capitalisme expliqué à ma petite-fille, publié aux éditions du Seuil. Le hasard, pour une fois, a bien fait les choses : lire le manuel de la générosité et de l’altruisme juste avant le grand traité de l’égoïsme met les idées à leur vraie place. Entre les deux livres, il y a un fossé, une tranchée genre 14/18. Daoud dangereux, peu fiable et néo-prosélyte comme tous les repentis, fait la promotion du capital et du libéralisme qui est son corolaire. Ziegler, lucide et généreux, dénonce ce monde de la finance sans lois et ses mortels ravages sur l’humanité. Deux mondes différents, et même opposés. Vieux baroudeur entre les destins de l’humanité, Jean Ziegler a vu trop d’hommes mourir, de faim et de guerre, pour un même effet, savoir que le libéralisme c’est la mort des pauvres, des peuples « en trop ». De ceux qui gênent. Kamel Daoud, à l’opposé, regrette l’absence d’un « capitalisme fort, de patronats puissants et créateurs de plus-values ».Une drôle de sensation m’habite, celle d’un barreur dans la nuit qui sait qu’il va croiser un iceberg. Daoud se dit Algérien, un peu comme moi, mais je ne retrouve en lui rien de notre bien commun, cet homme est de glace, froid et transparent. Du coup, je me sens Algérien comme Jean Ziegler. Alors que Daoud, tenancier de sa petite boutique « d’algérianité », vante une camelote de qualité « made in China » pour séduire les colons jamais guéris de Saint Germain des prés. C’est l’histoire dans l’autre sens, jadis c’est le « blanc » séduisait l’indigène avec de la verroterie. Au risque de perdre ses lecteurs, qui le prennent pour ce qu’il n’est pas, Daoud doit continuer de se poser en « Algérien », c’est son filon en or. Pensez donc, un Algérien musulman et athée, Arabe, qui déteste les Arabes et qui parle de tout cela « sans langue de bois », Netanyahou et Le Pen auraient rêvé de l’inventer. Pourtant, il est bel et bien là. Alors qu’il n’est qu’un ersatz de Bernard-Henri Lévy, une tête de gondole pour vendre des livres que personne ne lit, c’est-à-dire beaucoup de bruit pour rien, le vent de la barbe à papa. Lectures faites, je persiste et comprends mieux pourquoi Jean Ziegler n’est jamais promu par les médias qui se proclament « grands ».Invité à la télévision, Kamel Daoud est traité comme un saint, le tenant de la nouvelle lumière et du savoir avancé. Aux yeux des gogos, ce réactionnaire est « moderne » et « révolutionnaire ». C’est donc sans contradicteurs qu’il déroule sa pelote de lieux communs, l’image du bon nègre Banania qu’attendent les « néocons ». Récemment, je l’ai aperçu sur une chaîne de TV algérienne, avec toujours la même posture du penseur couché, criant : « Je sais me défendre. » Cependant, on ne sait contre quoi il se défend.Questionné sur l’invitation de Daoud, le nouveau commandeur, à l’ambassade de France lors de son passage en Algérie, E. Macron a répondu qu’il « veut entendre tout le monde ». Le Président français considère-t-il que Daoud c’est tout le monde ? Ou tous ceux qui résident dans le jardin des puissants ?Pour revenir à ce qui n’est pas de la littérature, disons que, dans son livre, Daoud nous invite à découvrir, ou redécouvrir, la crème de ses près de 2 000 textes écrits entre 2010 et 2016. Que seraient, nous affirme-t-il, les positions « des journaux et des élites contestataires ». Cette position est lacunaire puisque ce Don Quichotte algérien ne nous dit jamais ce qu’il conteste. Il n’a pas besoin d’exprimer de s’attacher aux détails du vrai : il est l’élite à lui seul, et doit être cru sur parole. Mais, patatras Daoud, par le contenu de son opus, atteint un objectif imprévu. Preuve à l’appui – l’existence de son livre –, il démontre que la censure qu’il prétend combattre n’existe pas en Algérie. En effet, comment publier impunément (et c’est tant mieux) autant d’ignominies sur un peuple et un pays « qui manquaient de la liberté de dire, de lire ou de regarder » ? Sacré Daoud, ce Daoud sacré.Si sa plume se fluidifie miraculeusement contre l’« Arabe et sa langue », le « musulman », et l’« Algérie », cela ne l’empêche pas de célébrer les « Printemps » alors qu’eux aussi sont censés être arabes. Il glorifie les révoltes sans citer un seul révolté. En réalité, il tente de nous faire croire que les révolutions se font sans révolutionnaires et que les chaos sont l’annonce des aubes nouvelles. Outre du Bernard-Henri Lévy ou du Debray, Daoud ne lit visiblement rien d’autre. Sans doute par crainte d’être chahuté par les mauvaises ondes de la vérité. Par exemple, il n’a pas pris connaissance de « la stratégie du choc », brillamment décrite par Naomie Klein, et il regrette sans rire et amèrement que l’anarchie, la destruction et la guerre civile n’aient pas déjà emporté l’Algérie.Chercheur, créateur de concepts, ce grand penseur nous indique avoir découvert que l’Occident a pour malheur d’avoir voulu incarner la Morale universelle. Sans doute voulait-il parler de l’extermination des Amérindiens, de la traite négrière, des colonisations, de l’utilisation de la bombe atomique sur des populations civiles à Hiroshima et Nagasaki ou encore du nazisme et du fascisme né en Occident ? Sacré Daoud.Et même lorsqu’il tente de dénoncer le traitement infligé aux migrants en Pologne, comme par instinct, sa plume fait une arabesque et va retrouver son sujet fétiche : l’Algérie. On peut en déduire que si les migrants sont mal traités en Pologne, c’est à cause de l’Algérie. Il en est de même d’une chronique sur la Roumanie puisque Daoud est universel. Pour lui, tous les chemins du malheur mènent à l’Algérie.Aux intellectuels et universitaires qui se sont opposés à ses positions (le mot idées serait flatteur), il répond, en se réfugiant dans un vocabulaire creux comme un tambour, que « c’est au nom de l’anticolonialisme et de l’inquisition qu’on lui interdit de penser ». Après sa tribune délirante sur des viols de Cologne qui n’ont jamais existé, dans laquelle il présentait l’Arabe comme une sorte d’être génétiquement violeur, les intellectuels qui ont protesté lui auraient organisé un procès stalinien. Il annonce même à grands fracas qu’il va quitter la scène, et prendre la porte. Ce qui serait une bonne idée, s’il la laisse ouverte, sera nous faire de l’air. Mais rassurez-vous, il y a le goût d’être sur les planches et celui des droits d’auteur : il revient par la fenêtre. Recyclant les clichés les plus éculés – mais toujours orientalistes –, il déverse incessamment une haine inégalée du « musulman ». Elle a un sens, son engagement dans la guerre du « choc des civilisations » le monstre agité par les forces les plus réactionnaires, celui qui marche main dans la main avec « le grand remplacement ».Il suffit de lire au hasard, avec rage et courage, cette phrase de Daoud : « Les derniers colons de ce pays plantaient plus d’arbres que ceux qui l’ont libéré… » Oubliant en passant la nature de celui qui tenait la pioche. Il va jusqu’à regretter l’attitude consensuelle montrée par Jean-Pierre Chevènement lors de son passage à Oran en septembre 2010, et plaide, lui Daoud, la cause des Français nostalgiques de « l’Algérie française ». Aidé de son cerveau servile, ce Zemmour algérien affirme, contre toute l’Histoire, que « c’est la France qui a décolonisé la terre ». Et le peuple algérien n’est pour rien dans la lutte pour une indépendance tombée du ciel colonial, une insulte à la vérité, à la mémoire, à l’histoire, aux universitaires, aux intellectuels. Ce concept de la « décolonisation » porté aussi par Daoud Kamel est, en fait, une ultime manœuvre coloniale. Avec Kamel Daoud, nous sommes dans le colonialisme d’outre-tombe. Son projet est clair, son flot de vomi, qui a pour but de flétrir tout ce qui est algérien, doit nous donner à croire que « l’indigène ne peut se libérer, on l’a donc décolonisé ».Moment de détente, ou de saine curiosité satisfaite, moi qui croyais pouvoir accéder à des confidences sur son passé « islamiste », j’ai été déçu par ce livre. Aucun signe, aucun mot, aucune confidence sur ses engagements auprès des forces violentes, qu’il qualifie lui-même de terroristes. Cette amnésie est confirmée, comme le démontre le livre Contre-Enquête (Editions Frantz-Fanon) d’Ahmed Ben Saada : Kamel Daoud est passé à autre chose, Allah est oublié.Jacques-Marie Bourget, journaliste français, et expert de notre monde, le qualifie de « grenouille autopsiée ». Pour Jacques-Marie Bourget, Daoud est « le supplétif des pires néoconservateurs français », « l’indigène alibi ». Et le grand et vrai écrivain Rachid Boudjedra a cloué le cercueil en le mettant à nu.Pour bien revendiquer son appartenance aux camps des civilisateurs, Daoud joint donc sa voix aux tenants du choc des civilisations, depuis en fait, depuis Mahomet et même avant, le seul but du musulman est de vaincre toute la planète. Ainsi, pour lui, pas de différence entre le sacrifice du militant anticolonial Ali La Pointe et le tueur toulousain Mohamed Merah. Pour bien nourrir les phantasmes et la haine, ce néo-harki de la pensée apporte sa contribution : il stigmatise les habitants des quartiers populaires, en s’interrogeant sur « les milliers de Mohamed Merah » qui sont « partout », « dans une salle de bains, l’arme au poing », ou quelque part, « debout au bas de l’immeuble ». Peut-être Daoud n’a-t-il pas lu les confidences d’Albert Chennouf-Meyer (Abel, mon fils, ma bataille. Ed. Du Moment, 2013), père d’Abel, l’une des victimes des tueries de Toulouse ? Et, suivant la doctrine et le mode de penser de ce nouveau philosophe, il est temps de nous poser, nous aussi, une question : « Combien de Daoud sévissent dans les rédactions des journaux algériens ? »Versant dans le tribalisme le plus rétrograde, il appelle de tous ses vœux, dans chaque région, à ne parler autrement qu’en dialecte local. Pour Kamel Daoud, la langue s’écrit « avec l’âme ». Dans une reptation de serpent, il veut voler ainsi à la rescousse de groupes qui prétendent dynamiter l’Algérie. Comme ces mouvements croupions et d’extrême droite qui prétendent défendre (sans doute mieux que Kateb Yacine) la langue et la culture berbères ! Puisqu’il ne lit que Debray et Bernard-Henri Lévy, il n’a pas ouvert le magnifique bouquin de Patricia M.-E. Lorcin Les Identités coloniales… une lecture capable de laver la tête de KD Kamel Daoud. Au-dedans. Le titre que mérite cette « somme » de Daoud est simple : « Chroniques de l’horreur. »Je n’ai trouvé qu’un point sur lequel on puisse gloser sur du Daoud, c’est quand il écrit : « On a détruit les libertés et les libérations acquises après le départ des colons. » Il est effectivement exact qu’un peuple martyrisé, abandonné dans le concert des nations, trop seul après sa révolution ait commis des erreurs et connu des errances. Il est effectivement exact que l’Algérie se cherche toujours. Mais oublier une guerre civile provoquée par les anciens Frères idéologiques de Daoud, ce n’est pas omettre un détail. Mais ce « lissage » permanent de l’histoire, sa recréation sont le carburant que permet à Kamel Daoud de poursuivre ses livres et chroniques de flagellations des « Algériens », de l’« islam », de l’« Arabe », du « régime ». Sans cette interminable mise à mort, le livre n’aurait que l’épaisseur d’un album à colorier.Il est drôle, piquant, amusant de retrouver soudain notre Kamel Daoud quand il revient à sa source d’inspiration première, le wahhabisme. Tout cela sur le mode mondain, chic-français, convenable. Notre immense écrivain, notre Hugo à nous, a découvert le Qatar et ses vertus, vertes comme le dollar. Pour Daoud, le Qatar n’est pas ce qu’il est, c’est-à-dire un pays sans Constitution, sans lois, corrupteur et esclavagiste ayant naguère condamné un poète à mort au prétexte qu’il avait souhaité la venue d’un « printemps » à Doha. Mais le Qatar, versus Bernard-Henri Lévy, n’est-il pas le prototype d’un islam moderne, compatible avec la démocratie et il distribue des prix littéraire, organise de généreux colloques ? Donc, pour Kamel Daoud, la monarchie du Qatar, c’est top. Je lis : « Le Qatar a réussi à exporter l’image d’un pays où l’on peut dire des choses, où l’on assume les relations internationales, même avec Israël, sans hypocrisie, où la liberté de culte n’est pas qu’une chasse aux casse-croûte et où les droits de la femme sont les plus respectés dans cette région du monde, la révolution Al-Jazeera a fini par ‘’enfoncer’’ encore plus le reste du monde ‘’arabe’’, en en soulignant, par contraste, le calendrier moyenâgeux. » Ce propos est outrancier dans un pays, je le répète, où le droit n’existe pas, sauf la Charia que l’on impose jusque dans le lycée, pourtant baptisé… Voltaire !Quel crédit accorder à ce faussaire erratique capable de célébrer Israël, tout en qualifiant cet Etat de « raciste » et « sans frontières ». Dans sa posture de penseur couché, il ne veut pas voir le droit international et islamise la cause palestinienne. Il l’arabise, l’islamise à sa façon, et n’irait pas jusqu’à lire les rapports de Goldstone et de Richard Falk ou tout simplement les livres de Shlomo Sand, Ilan Pappé et ceux du courant israélien des « Nouveaux historiens ». Pour Daoud, le summum de l’injustice, celle faite aux Palestiniens n’existe pas puisqu’il est impossible d’être « injuste » avec des « Arabes, des musulmans ». Peut-être, afin d’adoucir son regard, et rien que pour Kamel Daoud, l’Algérie devrait organiser un ghetto type « Gaza » ?Sans aucune honte, l’effroyable auteur bas de plafond ose écrire : « Le mort palestinien sera un homme tué lorsqu’il ne sera pas un barbu mort ou un Arabe bombardé. » Un passeport pour le crime et bientôt le génocide. Et ce n’est pas parce que dans sa bande Daoud n’est pas seul que l’effet de groupe constitue une excuse. Que valent au poids des piges, des cachets et des droits d’auteur, les plumitifs que l’on découvre à marée basse, au plus bas de l’humanité, rien d’autre que de la haine. Dans ma culture berbère universaliste (et non tribale), il existe un mot pour qualifier ce nuisible : azrem, le serpent                                        
        
    Par Boualem Snaoui                                                            https://www.algeriemondeinfos.com

  • Viet Nam, le catalyseur
    Hommage à Ho Chi Minh


    Il marche dans nos rêves
    L’homme aux sandales de caoutchouc
    L’homme de l’ombre et de la grève

    L’homme qui ne dort pas beaucoup

    Il marche dans nos rêves
    Le balayeur et le stratège
    Le paria au front si haut

    L’homme qu’on appelle l’oncle Ho

    Ho Chi-Minh, l’homme qui éclaire
    L’homme que tout un peuple appelle
    L’homme qui ne dort pas beaucoup

    Il marche dans nos rêves
    L’homme aux sandales de caoutchouc

    ( Extrait de la pièce de théâtre L’homme aux sandales de caoutchouc de Kateb Yacine)

  • Kaoutar Harchi : Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne | Forum Recherche du CEFRES
    http://cefres.hypotheses.org/978

    Harchi envisage ensuite la perception de ces écrivains au sein du champ littéraire et distingue différentes situations. Ainsi Kateb Yacine fut-il considéré pendant son séjour en France comme « jeune poète musulman » ; « pas de nationalité », dit-il, « mais identifié par une religion » (p. 97). Assia Djebar, la première femme de lettres d’origine nord-africaine élue à l’Académie française en 2005, fut perçue par Pierre Assouline au prisme des problématiques postcoloniales comme l’écrivaine qui réussissait à « vilipender un pays tout en louant le génie de sa langue » (p. 136). Peut-être l’affaire la plus intéressante ici évoquée est-elle la plus récente : le retentissement du roman de Boualem Sansal, 2084, la fin du monde, paru en 2015, c’est-à-dire huit mois après Soumission de Michel Houellebecq. Harchi cite un entretien avec Michel Houellebecq qui rend hommage au livre de Boualem Sansal en ces termes : « 2084, c’est bien pire que mon livre[6] ! » (p. 264) Harchi montre, qu’interrogé plusieurs fois au sujet de cette affirmation, Sansal s’appliqua par la suite à se déprendre du cadre de réception de son livre imposé par Houellebecq – qui avait non seulement dominé la rentrée littéraire, mais avait aussi initié le succès du livre de Sansal. Ce dernier devenait, plus qu’auparavant, l’écrivain « à suivre », et 2084, La fin du monde, le livre « à lire ». (p. 268) Plus tard, le livre figurera sur la liste des nominés au Prix Goncourt 2015. Sansal n’eut de cesse de se justifier, à contre-courant de son succès, et de refuser l’étiquette d’islamophobe : « Le fait que Houellebecq, souvent classé islamophobe, me considère plus radical, c’est assez terrible. »

    Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne n’est pas un ouvrage d’histoire mais de sociologie de la littérature. De ce point de vue, l’analyse y est accomplie. Elle donne en outre des clefs de compréhension pour aborder un terrain plus vaste, en premier lieu les oeuvres d’éminents écrivains nord-africains, comme le Marocain Mohamed Choukri, l’Égyptien Albert Cossery, ou Jean-Joseph Rabearivelo.

    #francophonie #maghreb

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    Dévoilement de la plaque de la Ville de Grenoble, en hommage aux Algériens assassinés et jetés dans la Seine, le 17 octobre 1961.

    Oui, durant ces trois jours, la République a failli.

    Aujourd’hui, citoyens de France et du monde, responsables politiques, associations, notre responsabilité collective est de faire vivre cette mémoire. Nous refusons le silence, nous refusons l’oubli.

    Mon discours est disponible ici :

    Monsieur le Consul d’Algérie Ferhat CHEBAB
    Mesdames et Messieurs les élus
    Monsieur le porte-parole du Collectif pour une plaque en mémoire du 17 octobre 1961 Mariano BONA
    Monsieur Antonio PLACER
    Mesdames et Messieurs les représentants des associations
    Chers Grenobloises et Grenoblois

    Certaines dates ne peuvent pas s’oublier. Et ne doivent pas être oubliées.
    C’est le cas du 17 octobre 1961. C’était il y a 55 ans, jour pour jour.
    Cette date était déjà gravée dans nos mémoires. Elle est désormais gravée aussi sur les murs de notre ville, Grenoble.

    L’émotion que je ressens, je crois que nous la partageons tous aujourd’hui. Notre présence et cette plaque sont pour moi un acte fort : elles marquent notre volonté de nous souvenir ensemble de cette page sombre de notre Histoire commune. Notre volonté d’avancer ensemble.

    En ce mois d’octobre 1961, la guerre d’Algérie bouleverse les deux rives de la Méditerranée. Le Préfet de police de Paris, un certain Maurice PAPON, instaure un couvre-feu raciste à Paris. Il interdit à tous les Arabes, à tous les Berbères de circuler dans les rues après 20 heures.

    Face à cette décision inique, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants décident de manifester pacifiquement dans les rues de la capitale. La presse de l’époque les désigne comme des « Nord-Africains ». Mais les mots ont un sens, et c’est bien le Peuple algérien de Paris qui décide de marcher, pour revendiquer tout simplement la dignité et l’égalité, ces deux principes de la République. Avec cette action pacifique, les Algériens veulent faire entendre leur voix. Ils disent : « Nous voulons prendre en main notre avenir. Nous voulons tourner la page funeste de la colonisation ».

    Mais à cette demande de liberté, les autorités françaises opposent une répression sanglante d’une violence inouïe. Du 17 au 20 octobre 1961, des Algériens sont massivement arrêtés. Certains sont torturés, certains seront noyés.

    La répression est terrible, elle frappe à l’aveugle. Des femmes et des hommes sont pourchassés jour et nuit dans les rues de la capitale. Le gymnase Japy sert de lieu d’interrogatoire, de torture. Des militants indépendantistes sont jetés ligotés dans les eaux froides de la Seine. Partout, c’est le règne de la terreur.

    Le bilan est terrible. On rapporte que plus de 10 000 personnes sont raflées et emprisonnées à Vincennes ou à la porte de Versailles. Les corps des Algériens tués affluent à l’Institut Médico-légal. D’autres ne seront jamais retrouvés.

    Durant ces trois jours d’octobre 1961, oui, la République a failli.

    Et la justice française ne s’est malheureusement jamais sérieusement penchée sur ce massacre.

    Au lendemain de ce massacre, peu de voix se sont élevées contre cette barbarie. Je n’oublie pourtant pas le rôle crucial qu’ont joué l’Humanité et Témoignage chrétiens, les seuls organes de presse à s’indigner contre le pouvoir de l’époque.

    Je n’oublie pas non plus le meeting organisé par le MRAP le 18 octobre, en solidarité avec le peuple algérien en lutte et contre la répression.

    Certains (rares) hommes politiques ont aussi tenté de dénoncer les exactions.
    Et des citoyens ont œuvré sans relâche, pour ne pas laisser étouffer ce massacre dans l’obscurité coloniale.
    Leur courage les honore.

    Aujourd’hui, citoyens de France et du monde, responsables politiques, associations, notre responsabilité collective est de faire vivre cette mémoire. Nous refusons le silence, nous refusons l’oubli.

    Car c’est bien la mémoire qui peut panser les plaies, c’est elle qui peut nous aider à construire un avenir commun apaisé. Un avenir dans lequel chacun trouve sa place.

    L’historien Benjamin STORA nous a rendu visite il y a peu de temps à Grenoble, j’ai eu le grand honneur de lui remettre la Médaille d’Or de la Ville de Grenoble. Comme lui, nous savons que la France a trop longtemps refusé de regarder en face son passé colonial, de reconnaître les crimes qui ont accompagné cette période. Cet aveuglement a sans doute participé au sentiment de mépris ressenti par de nombreux Français liés à l’Algérie.

    Cette occultation officielle a aussi été utilisée, instrumentalisé par les nostalgiques de la France coloniale. Aujourd’hui encore, il faut le rappeler, certains s’attèlent à cultiver cette nostalgie nauséabonde, à instrumentaliser les peurs et attiser les fractures et les haines. A ceux-là, nous devons leur adresser une réponse ferme, forte : la guerre d’Algérie est terminée ! L’Algérie est algérienne.

    Je suis convaincu que notre République se grandit quand elle reconnaît ses errements et ses erreurs. Elle se grandit quand elle permet à tous de trouver sa place en son sein, chacun avec sa culture, chacun avec son histoire et ses singularités. La reconnaissance de ce massacre par le sommet de l’Etat il y a 4 ans est un premier pas, qui va dans le bon sens.

    Cet attachement à la vérité, je sais qu’il est largement partagé ici à Grenoble. Il est porté par des citoyens pour qui la Liberté, l’Egalité, et la Fraternité ne sont pas des mots creux, des mots vains.

    Dans notre ville, depuis près de 30 ans, des habitants de Grenoble se rassemblent chaque année ; ils défilent pour ne pas oublier, pour exiger la vérité totale sur ce massacre.

    Cette vérité, nous la devons bien sûr aux victimes et à leurs familles. Nous la devons aussi au peuple algérien. Et nous la devons enfin à nous toutes et tous, enfants de la République française. On ne construit pas une société durable avec du silence et de l’oubli, mais avec de la vérité et avec du respect.

    Alors aujourd’hui, mes remerciements vont bien sûr au Collectif pour une plaque en mémoire du 17 octobre 1961. Votre mobilisation pendant toutes ces années est un bel exemple de lutte noble. Je sais que Jean-Jacques KIRKYACHARIAN, ancien président du MRAP, aurait aimé partager ce moment avec nous, et j’ai aussi une pensée pour lui aujourd’hui.
    Je salue également le Centre d’Information Inter Peuple et l’association Algérie au Cœur, ainsi que tous les citoyens qui ont permis à cette plaque de prendre sa place ici.

    Tous, vous êtes les visages de Grenoble. Vous êtes les visages de notre ville ouverte et solidaire, fière de son engagement contre le racisme et les discriminations, fière de son attachement à la justice et à la vérité, fière aussi de sa tradition d’accueil, qu’elle veut continuer à porter plus haut que jamais.
    Grenoble est riche de ces femmes et de ces hommes venus d’Algérie et d’ailleurs, qui ont fait la ville que nous aimons aujourd’hui.

    Dans son poème La gueule du loup, KATEB YACINE nous demande :

    « Peuple français, tu as tout vu
    Oui, tout vu de tes propres yeux.
    Tu as vu notre sang couler
    Tu as vu la police
    Assommer les manifestants
    Et les jeter dans la Seine […] rougissante
    […]
    Peuple français, tu as tout vu,
    Oui, tout vu de tes propres yeux,
    Et maintenant vas-tu parler ?
    Et maintenant vas-tu te taire ? »

    Je crois que notre réponse, elle est là aujourd’hui, grâce à vous.
    Je vous remercie.

  • Il y a trois ans nous quittait Yamina Mechakra : une lumière dans la grotte
    Il y a trois ans, le 19 mai 2013, nous quittait Yamina Mechakra, écrivain, célébrée par Kateb Yacine, qui n’a écrit que deux livres. Reflet d’une génération qui avait tant de choses à faire qu’elle a été débordée, notait l’éditorial du Quotidien d’Oran que nous reproduisons.
    http://www.huffpostmaghreb.com/2016/05/20/yamina-mechakra_n_10059842.html?ncid=tweetlnkfrhpmg00000009

  • Fanon, Kateb, Glissant : l’archipel des indépendances

    http://blogs.mediapart.fr/blog/edwy-plenel/120315/fanon-kateb-glissant-l-archipel-des-independances

    Fanon, Kateb, Glissant : l’archipel des indépendances

    12 mars 2015 | Par Edwy Plenel

    L’Institut du Tout Monde organise à Paris, vendredi 13 et samedi 14 mars, une rencontre sans précédent autour de Frantz Fanon, de Kateb Yacine et d’Edouard Glissant. Trois hommes qui, entre Caraïbes et Algérie, furent acteurs et témoins du surgissement des émancipations coloniales. Un colloque qui éclaire l’avenir autant qu’il convoque le passé.

  • LA GUEULE DU LOUP, 17 OCTOBRE 1961, KATEB YACINE

    « Peuple français, tu as tout vu
    Oui, tout vu de tes propres yeux.
    Tu as vu notre sang couler
    Tu as vu la police
    Assommer les manifestants
    Et les jeter dans la Seine.
    La Seine rougissante
    N’a pas cessé les jours suivants
    De vomir à la face
    Du peuple de la Commune
    Ces corps martyrisés
    Qui rappelaient aux Parisiens
    Leurs propres révolutions
    Leur propre résistance.
    Peuple français, tu as tout vu,
    Oui, tout vu de tes propres yeux,
    Et maintenant vas-tu parler ?
    Et maintenant vas-tu te taire ? »

    #NotInMyName #17oct1961 #Papon #police #Algériens #massacre #mémoire