person:kenji mizoguchi

  • J – 131 : Vu hier soir Cinq femmes autour d’Utamaro de Kenji Mizoguchi. A vrai dire je ne me souviens pas la dernière fois que j’ai vu un film de Mizoguchi, j’ai un vague souvenir d’un cours d’histoire de l’art à propos du cinéma japonais aux Arts Déco et dans lequel Ozu et Mizoguchi tenaient les deux premiers rangs, de même j’ai un vague souvenir d’avoir vu à Chicago en VHS les Femmes de la nuit, mais je crois que c’est bien tout. J’avais gardé le souvenir donc que Mizoguchi était un cinéaste majeur, je n’avais aucune idée, je viens de le découvrir, que sa filmographie est aussi longue et aussi poétique qu’un recueil de haikus , c’est même assez impressionnant :

    1923 : Yorû yami no sasayakî
    1923 : Yorû utsukushikî akumâ
    1923 : Kantô
    1923 : Le Jour où l’amour revit (Ai ni yomigaeru hi)
    1923 : Le Pays natal (Kokyo)
    1923 : Rêves de jeunesse (Seishun no yumeji)
    1923 : La Rue du feu de l’amour (Joen no chimata)
    1923 : Triste est la chanson des vaincus (Haizan no uta wa kanashi)
    1923 : 813, une aventure d’Arsène Lupin (813) - j’ai vérifié, il n’y a pas que sur la page de l’encyclopédie collective en ligne que l’on trouve ce titre surprenant dans l’œuvre de Mizoguchi
    1923 : Le Port de la brume (Kiri no minato)
    1923 : Dans les ruines (Haikyo no naka)
    1923 : La Nuit (Yoru)
    1923 : Le Sang et l’âme (Chi to rei)
    1923 : La Chanson du col (Toge no uta) ? ce qui ne veut pas dire, comme on aurait pu le croire, les faux amis en japonais sont infiniment fourbes, que la compagnie UTA ne desservait pas le Togo, d’autant que vérifiant la chose auprès d’un ingénieur en aéronautique ayant travaillé pour l’UTA, la compagnie UTA desservait bien le Togo, les choses que l’on est obligé de vérifier quand on se sert d’une encyclopédie collective en ligne
    1924 : L’Idiot triste (Kanashiki hakuchi)
    1924 : La Mort à l’aube (Akatsuki no shi)
    1924 : La Reine des temps modernes (Gendai no jo-o)
    1924 : Les femmes sont fortes (Josei wa tsuyoshi)
    1924 : Le Monde ici-bas - Rien que poussière (Jin kyo)
    1924 : À la recherche d’une dinde (Shichimencho no yukue) ? là aussi vérification faite auprès d’une amie de Madeleine, japonaise, c’est effectivement, à peu près, ce que Shichimencho no yukue veut dire, décidément le recours à une encyclopédie collective en ligne donne beaucoup de travail de vérification, en grande partie à cause des esprits pervers de mon genre qui ne perdraient jamais une occasion, surtout depuis l’intérieur, de pervertir les sources de renseignement par toutes sortes de fictions.
    1924 : La Mort du Policier Ito (Acab Itou)
    1924 : Le Livre de la pluie de mai ou Conte de la pluie fine (Samidare zoshi)
    1924 : La Hache qui coupe l’amour (Koi o tatsu ono)
    1924 : La Femme de joie (Kanraku no onna)
    1924 : La Reine du cirque (Kyokubadan no jo-o)
    1925 : A, a tokumukan kanto
    1925 : Pas d’argent, pas de combat (Uchen-Puchan)
    1925 : Après les années d’étude (Gakuso o idete)
    1925 : Le lys blanc gémit (Shirayuri wa nageku)
    1925 : Au rayon rouge du soleil couchant (Akai yuhi ni terasarete)
    1925 : Croquis de rue (Gaijo no suketchi)
    1925 : L’Être humain (Ningen)
    1925 : La Chanson du pays natal (Furusato no uta)
    1925 : Le Général Nogi et monsieur l’Ours (Nogi taisho to Kumasan)
    1926 : Le Roi de la monnaie (Doka o)
    1926 : Les Murmures d’une poupée en papier Haru (Kaminingyo haru no sasayaki)
    1926 : Ma faute (Shin onoga tsumi)
    1926 : L’Amour fou d’une maîtresse de chant (Kyôren no onna shishô)
    1926 : Les Enfants du pays maritime (Kaikoku danji)
    1926 : L’Argent (Kane)
    1927 : La Gratitude envers l’empereur ou La faveur impériale (Ko-on)
    1927 : Cœur aimable (Jihi shincho)
    1928 : La Vie d’un homme (Hito no issho)
    1928 : Quelle charmante fille ! (Musume kawaiya)
    1929 : Le Pont Nihon (Nihon bashi)
    1929 : Le journal Asahi brille (Asahi wa kagayaku)
    1929 : La Marche de Tokyo (Tokyo koshin-kyoku)
    1929 : La Symphonie de la grande ville (Tokai kokyogaku)
    1930 : Furusato (Fujiwara Yoshie no furusato)
    1930 : L’Étrangère Okichi (Tojin okichi)
    1930 : Le Pays natal (Furusato)
    1931 : Et pourtant ils avancent (Shikamo karera wa yuku)
    1932 : Le Dieu gardien du temps (Toki no ujigami)
    1932 : L’Aube de la fondation d’un état : La Mandchourie-Mongolie (Manmo kenkoku no reimei)
    1933 : Le Fil blanc de la cascade (Taki no shiraito)
    1933 : La Fête à Gion (Gion matsuri)
    1934 : Le Groupe Jinpu ou groupe kamikaze (Jinpu-ren)
    1934 : Le Col de l’amour et de la haine (???,Aizo toge)
    1935 : La Cigogne de papier (Orizuru Osen)
    1935 : Oyuki la vierge (Maria no Oyuki)
    1935 : Les Coquelicots (Gubijinsô) ?
    1936 : L’Élégie d’Osaka (Naniwa erejî)
    1936 : Les Sœurs de Gion (Gion no shimai)
    1937 : L’Impasse de l’amour et de la haine (Aien kyo)
    1938 : Le Chant de la caserne (???? Roei no Uta)
    1938 : Ah ! Le Pays natal (Aa kokyo)
    1939 : Conte des chrysanthèmes tardifs (Zangiku monogatari)
    1940 : La Femme de Naniwa (Naniwa onna)
    1941 : La Vie d’un acteur (Geido ichidai otoko)
    1941 : La Vengeance des 47 rônins (Genroku chushingura)
    1944 : Trois générations de Danjurô (Danjuro sandai)
    1944 : L’Histoire de Musashi Miyamoto (Miyamoto Musashi)
    1945 : L’Épée Bijomaru ( Meito bijomaru)
    1945 : Le Chant de la victoire (Hissho ka)
    1946 : La Victoire des femmes (Josei no shôri)
    1946 : Cinq femmes autour d’Utamaro ( Utamaro o meguru gonin no onna)
    1947 : L’Amour de l’actrice Sumako ( Joyû Sumako no koi)
    1948 : Femmes de la nuit ( Yoru no onnatachi)
    1949 : Flamme de mon amour (Waga koi wa moenu)
    1950 : Le Destin de madame Yuki (,Yuki fujin ezu)
    1951 : Miss Oyu (,Oyû-sama)
    1951 : La Dame de Musashino (Musashino fujin)
    1952 : La Vie d’O’Haru femme galante (Saikaku ichidai onna)
    1953 : Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari)
    1953 : Les Musiciens de Gion (ou La Fête à Gion, Gion bayashi), remake de son film de 1933.
    1954 : L’Intendant Sansho (Sanshô dayû)
    1954 : Une femme dont on parle (,Uwasa no onna)
    1954 : Les Amants crucifiés (Chikamatsu monogatari)
    1955 : L’Impératrice Yang Kwei-Fei (Yôkihi)
    1955 : Le Héros sacrilège (Shin heike monogatari)
    1956 : La Rue de la honte (Akasen chitai)

    J’ai un petit faible pour À la recherche d’une dinde

    On note, par ailleurs qu’en 1922 et 1923, Keiji Mizoguchi n’a pas, pas exactement, chômé.

    Ce que je comprends aussi de ce cinéma, c’est justement ce que je n’en comprends pas. Dans les Cinq femmes autour d’Utamaro , je confonds sans cesse les cinq femmes en question dont les noms apparaissent trop vite en japonais dans les sous titres (par ailleurs en anglais, ce qui me ralentit tout de même un petit poil, juste le petit poil qui rend le déchiffrement d’un nom japonais trop lent ou imprécis) et que je comprends trop tard en regardant le film que c’est plus ou moins au motif des kimonos qu’on a une chance de les reconnaître, parce que leur maquillage de geishas et de courtisanes les unifient beaucoup, et ma méprise est évidemment totale, je m’en rends compte, quand je pensais que la femme assassine était la femme porteuse de l’invraisemblable tatouage d’Utamaro dans le dos, et je découvre médusé que le tatouage en question est en fait sur le cadavre des deux amants, si vous pensez que ce que je viens d’écrire est difficile à suivre, téléchargez d’urgence ce film, vous verrez à quel point c’est pas facile de retrouver ses petits dans un tel désordre.

    Et cette méprise est telle qu’on peut même raisonnablement se demander quel est le plaisir que je trouve à cette cinématographie, par ailleurs assez fixe dans ses plans aux compositions pas particulièrement audacieuses, c’est l’empire du plan large, et bien peut-être de telles scènes que celle de l’apprenti peintre d’Utamaro qui se désespère de ne pouvoir atteindre à l’art de son maître, à cette vie insufflée dans ses personnages féminins dans ses dessins et qui commande à son serviteur de fermer les volets en plein jour et de lui apporter une bougie et comment la perception de la pièce, du décor bascule élégamment. Pour le même résultat décevant aux yeux du peintre apprenti.

    Et je peux tenter de suivre quantité de dialogue presque incompréhensibles, - toutes ces scènes d’hystérie des personnages pour des insultes faites à telle ou telle école d’art, autant vous dire que je n’aurais pas fait long feu dans le Japon du XVIIIème siècle avec certaines de mes chroniques et que je serais rapidement passé au fil du sabre du grand samouraï Piê Shou-lag pour l’avoir si copieusement insulté - ces explications interminables à propos de telle ou telle partie d’un protocole que n’aurait pas été suivi à la règle - et là autant vous dire que ma conduite dans un restaurant de fondue chinoise aurait également été jugée très insuffisamment protocolaire - je peux même lutter efficacement contre la fatigue du soir et m’abimer les yeux avec ces maudits sous titres éclairs en anglais, tant qu’il y aura des scènes comme celle de l’atelier ou encore comme celle de la baignade des promises à la pêche de ne je sais quel poisson symbole de fertilité, j’en redemanderai.

    Donc une grande partie du cinéma de Mizoguchi m’échappe mais je suis très perméable à sa poésie.

    Prochain sur ma liste, À la recherche d’une dinde . Cela ne va pas être facile à trouver mais il faut ce qu’il faut.

    Exercice #59 de Henry Carroll : Perdez-vous. Prenez une photo du moment où vous vous rendez compte que vous vous êtes perdu.

    Je crois que ne me suis jamais autant perdu qu’en République Tchèque, c’était même à croire que c’était un peu ce que je cherchais.

    #qui_ca


  • la vie d’O’Haru femme galante, Kenji Mizoguchi, 1952

    Bon voilà, c’est exactement ce que je disais à propos du fameux néoréalisme italien. On n’a jamais parlé de néoréalisme japonais, et pourtant regardez celui-là et vous verrez que filmer le réel et de laisser s’exprimer et ben c’est exactement ce qu’il y a dans ce film.
    En fait tout est une affaire de critiques qui savent trouver les bons mots aux bons moments et inventer des mouvements, des écoles alors que les pauv’ filmes, au départ y z’ont rien demandé.
    Le destin d’O’Haru est terrible et puis ça dure 2h10 histoire qu’on voit bien à quel point il est terrible. Et rien n’est un hasard, ce n’est pas une destinée, c’est la condition des femmes au Japon à cette époque là que je sais même pas quelle époque c’est. Vendue par son père à un empereur dont la femme est stérile pour faire un héritier. Jetée par l’empereur après avoir eu son héritier. Du coup retour chez la famille alors déshonorée qu’a la bonne idée de la vendre à une maison de passe etc. Et ça continue comme ça jusqu’à la fin avec une cerise sur le gâteau que je décide de ne pas raconter en espérant que certaines et certains d’entre vous trouvent ce film facile sur un site de streaming quelconque.
    Et c’est aussi exactement tout ce qu’on peut reprocher aux films de Kazan critiqué il y a deux semaines. Enfin bref, à côté Dancer in the dark c’est du pipi de chat.

    https://www.youtube.com/watch?v=k0_9Fz8E26g


    #critique_a_2_balles #la_vie_d'o'haru_femme_galante #Kenji_mizoguchi #1952 #cinéma #b&w #japon #mélo_qu'on_pleure_a_la_fin

    • C’est marrant que tu critique celui là, je l’ai vu il y a moins de deux semaines. Quel melo en effet, mais tellement que j’ai pas pleuré alors que je suis du genre à avoir la larme facile.
      Dans la foulé j’ai vu « la rue de la honte » que j’ai trouvé moins bien même si c’était interessant et plus léger. Et dans ma liste de films à voir j’ai « Les Contes de la lune vague après la pluie » qui m’attendent. J’avais trouvé ce réalisateur conseillé dans les films féministes sur le forum du site « le cinema est politique » http://www.lecinemaestpolitique.fr/forums/topic/films-series-et-autres-feministes

      Et en regardant la très longue filmographie de Mizoguchi
      il y a plein de films que j’ai envie de voire en particulier celui ci : « Les femmes sont fortes »
      et les titres sont très souvent centré sur des personnages féminins.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Kenji_Mizoguchi

      Merci pour ta critique

    • La pluie qui mouille je l’ai vu il y a quelques mois, il est très bien mais rien ne me touchait particulièrement à propos du féminisme. En y réfléchissant deux minutes je me dis que l’on va un petit peu vite à traiter des réalisateurs de féministes... Un peu rapide et un peu facile (surtout pour ce fameux site qui dit souvent n’importe quoi).
      Pour prendre des grands airs d’intellectuel prout prout, je dirais que l’aspect socio politique du cinéma est toujours à prendre en second lieu, ou même troisième. Analyser un message en fonction des représentations que délivre un film et en tirer des conclusions politiques comme le fait ce site ne mène pas à grand chose si on ne prend pas la peine de faire comme fait Marc Ferro et d’autres c’est-à-dire de mettre en lien avec un contexte historique et culturel pour en tirer des preuves de théorie plus vastes. Je ne me sens pas très clair, il est 10h26 et je viens de me lever après m’être tordu la cheville droite hier après-midi, mais j’essaie d’être plus précis.

      Lars Von Trier a été longtemps mon cinéaste préféré. Il est à peu près clair qu’à chacun de ses films Lars sacrifie une femme au sens parfois le plus barbare possible. Évidemment on peut dire très rapidement qu’il est un véritable salopard. Oui... Non... Peut-être que oui peut-être que non, moi je m’en fou. En revanche on peut tout à fait étudier l’importance de la figure féminine dans ses films. Ce qu’elle dit du monde et de l’aspiration créatrice de Lars. Il y a quelque chose qui passe par là chez lui.
      On peut faire ça aussi pour Tarantino et bien d’autres.
      Tout ceci n’empêche pas évidemment de toujours noter l’extraordinaire inégalité qu’il y a dans le milieu du cinéma où les nanas se retrouvent toujours à être scriptgirl et autres boulots très délimités. Pas de créatrice, pas d’auteure, pas de réalisatrice ou si peu.
      Heureusement pour le documentaire l’inégalité semble se réduire...

      Cela dit ce qu’il faut absolument voir de l’ami Zoguchi c’est ses films en couleur, une explosion incroyable. Un rouge... Non de Dieu, un rouge alala, et puis c’est rien à côté du jaune. Ah le jaune de Mizoguchi.
      #féministe #machisme #cinéma #Lars_von_Trier #Quentin_Tarantino #Marc_Ferro #analyse_filmique #le_cinéma_est_politique #j'ai_mal_au_pied

    • Désolé pour ton pied, j’espère pour toi qu’il va vite se détordre et surtout te laisser tranquille niveau douleur.

      Pour ce qui est du contexte socio-historique, je ne partage pas ton avis ni celui de ce Marc Ferro. Le cinéma existe depuis un peu plus d’un siècle, le féminisme historique depuis un peu plus de deux siècles, alors je ne voie aucun contexte socio-historique qui puisse excusé ou adoucir le sexisme d’un film. Et de toute façon je ne suis pas une universitaire qui fait une thèse et je ne m’intéresse pas à l’art pour lui même mais pour ce qu’il veux dire. Si je voie du sexisme dans un film même de 1895, c’est quant même moi qui regarde en 2016 qui suis attaqué en tant que femme et ca me blesse, ici et maintenant, quelque soit le contexte socio-historique dans lequel le film à été fait. Ca veux pas dire que je refuse de voire le film ou que je le trouverais fatalement mauvais, mais juste que le sexisme dans ce film je l’ai remarqué et je le mentionne au passage parce que pour moi c’est important de pas garder ca en moi dans le silence.

      Pour le site « le cinéma est politique » c’est pas vraiment le cinéma qui les interessent. Pour moi sur ce site le cinéma est un prétexte pour parler des discriminations (sexisme, ou hétéro centrisme, validisme, racisme, transphobie, grossophobie...) avec des exemple concrets connu par la plus part des gens. Parceque l’art et surtout l’art dominant, y compris le ciné, c’est de la propagande. La plus part des films critiqué sur le site n’ont pas un grand intérêt stylistique. Ca aurais pu être « la littérature est politique » ou la « BD est politique » ou « la pub est politique » pour moi ca n’aurais pas fait de grande difference. C’est ce qui dérange souvent les cinéphiles qui passent sur ce site. Le site cherche plutot à mettre en évidence des stéréotypes pour mieux les combattre. C’est d’ailleurs il me semble ce que tu as fait pour ta critique de Hasta la Vista. J’ai pas souvenir d’une analyse sur la forme, mais plutot un démontage du paternalisme validiste et du sexisme libéral qui suinte du film.

      En tout cas j’irais voire les films en couleur de Mizoguchi sur ton conseil. Bonne journée à toi, bonne remise en place de ton pied et vivement ta prochaine critique.

    • @mad_meg
      Je crois que ce débat est infini mais bon, comme c’est aussi assez passionnant et potentiellement une de mes raisons de vivre allons-y. Au moins un peu.
      Surtout sur ton premier paragraphe.
      Je ne parle pas d’"excuser", encore moins d’"adoucir". Je pense qu’il s’agit de voir d’abord qu’un film est fait par une certaine production, c’est-à-dire un pays ou une institution, un studio et que c’est dans ce contexte qu’un film utilise des représentations. Et parfois en effet et peut-être même toujours on peut parler, comme tu le fais, de "propagande".
      Je crois que l’éternelle question est : est-ce qu’on peut dire que le film est sexiste ou que le film est militant, bref que le film, en lui-même, a une opinion. Ca c’est vraiment très compliqué je crois qu’à priori la réponse est toujours non. Si un film est sexiste c’est toujours par et pour le système qui l’a vu naître. Je me rappelle du film Cruising qui a sa sortie a été un exemple odieux de films homophobes et qui petit à petit a été revendiqué par le milieu gay. Et des exemples il y en a pleins.
      C’est pour cela que je pense que le fait que la matière du cinéma soit le réel, je veux dire les choses qui se passent en vrai, rend un peu plus complexe la simple réduction à des phrases.
      Bref, on en cause.

      En revanche, ma mère par exemple ne supporte pas des scènes de viole. Et je sais qu’il n’y a pas que ma mère. Comme tu le dis, un film fait parfois du mal, je veux dire on le voit et on a mal. Et je ne trouve absolument rien d’illégitime à reprocher à ce film des images qui nous font du mal. Et ce même si on reconnait le talent d’un ou d’une cinéaste ou même la qualité du film. En partant de cette facilité du cinéma (toujours ce cinéma fait par des hommes) à mettre en scènes des viols on peut bien sûr noter et reprocher de prendre à la légère et sous l’argument de la soi-disant indépendance de l’art des scènes qui ont comme référents directs des actes injustes et fréquemment commis. Du genre le viol.
      Au sujet du site du cinéma qu’est politique, je ne le lis pas régulièrement mais il me semble que plusieurs critiques se trompent, même en s’interrogeant sur les représentations. En écrivant la critique d’ Hasta la vista j’ai vraiment pris grand soin d’expliquer ce que je reprochais au film, à savoir une manière de dire : “la réalité est comme ça”. En occurrence c’est un peu facile d’analyser ce film car, justement il y a relativement peu de films avec des handis. Il est donc simple d’accuser le film de faire des règles.
      Toujours le même problème : dans un film, un personnage fait des choses horribles, est-ce le personnage qui est facho ou est-ce le film ? On en finit pas.

      #cinéma #cinéma_et_signification

    • Pour les représentation de viol au cinéma, c’est pas une question de prendre à la légère, ca va plus loin que cela. Les films diffusent, propagent et maintiennent la #culture_du_viol de manière industrielle.
      Ces films ont un impacte sur les personnes qui les regardent et leur transmettent des valeurs morales. Ces films valident (ou pas selon les films) un ensemble de stéréotypes nocifs pour les femmes et les personnes victimes de viol.

      Que certains films très sexistes, ou très homophobes ou très racistes soient récupérés ou détournés par les femmes ou personnes homosexuelles ou les personnes racisées ne change absolument pas le fait que ces films restent racistes, sexistes ou homophobes. « L’attaque de la femme de 50 pieds » est toujours un film misogyne, même si les féministes l’ont détourné pour montrer le ridicule des masculinistes.

      Pour ton exemple de personnage facho, je veux bien que certains cas (très rare) soient difficiles à définir, mais généralement il y a des indicateurs qui permettent de savoir si le film est à la gloire de ce personnage fasciste ou si il le désapprouve.

    • Oui bien sûr @mad_meg , une semaine après ta réponse j’ai encore envie d’en discuter. Après ton message je repensais aux films de Gaspar Noé. Et évidemment en particulier à irréversible ... et je me demandais ce que tu en disais. La scène de viol est longue et absolument insupportable. Gaspar cherche à la rendre insupportable pour tout le monde. Au cinéma, je voyais des dizaines de personne sortir et d’autres vomir. Je devais avoir 19 ans et je me rappelle me sentir coupable de n’être pas sorti. Ce n’est que plus tard que j’ai assumé mon plein plaisir a voir des films indéfendables mais c’est une autre histoire puisque ce film là est défendable.
      Je me disais : qu’est-ce qui est le plus paternaliste et réactionnaire, qu’est-ce qui est le plus immoral (toujours au sens de la moral saine) ? mettre une scène de viol dans son film comme il le fait, insupportable et en plein coeur du sujet de son film, ou bien comme très très très souvent utiliser l’acte de viol comme un élément scénaristique anodin, comme élément déclencheur de la quête du héros ou opposant à sa destiné mais toujours en ne s’y intéressant qu’à peine, ni à cet acte ni à la victime. En tout cas pour moi, c’est ça qui m’énerve le plus.

    • J’ai pas vu The Victim, je vais voir si je le trouve.

      Pour Gaspard Noé j’avais été très choqué par le visionnage de Carne et Seul contre tous qui m’ont beaucoup marqué et pour Irréversible je me souviens assez mal du film. Je l’ai pas vu au cinéma et j’ai probablement du passé la scène du viol (ce que je fait parfois si je suis trop mal à cause de ce type de scène). J’ai pas vu d’autres films de Gaspard Noé pas que j’aime pas ses films (je sais pas si j’aime ou pas à vrai dire) mais c’est que je suis pas souvent d’attaque pour me faire malmené comme il le fait de son publique. Ca me fait pensé à « La venus noire » d’Abdellatif Kechiche qui m’a laissé ce souvenir de vouloir poussé le publique à la nausée. Ce film m’avais pas mal fait m’interroger sur plein de sujets mais personne que je connais ne l’a vu et du coup j’ai personne pour en discuter :) Il dure 3h et il est éprouvant, répétitif, long, je ne le conseil pas.

      Ensuite par rapport à ta question sur la morale, comme tu le présente je suis d’accord avec toi. Mais je suis pas sur que le viol soit au cœur du sujet du film de Gaspard Noé. Dans mon souvenir il a un point de vue machiste (androcentré et viriliste) qui tourne autour de la notion d’honneur masculin bafoué et de vengeances entre mâles sérieusement testostéronés. Et puis voire un viol pendant 10 minutes de plan séquence n’apprend rien sur le viol, peut être que ca parle de plan-séquence au final. En plus il cumule pas mal de clichés sur « le viol parfait », cad parking la nuit, viol avec violence et une arme. Je pense que Irréversible ne sort pas de la catégorie des films qui ont « utiliser l’acte de viol comme un élément scénaristique anodin, comme élément déclencheur de la quête du héros ou opposant à sa destiné mais toujours en ne s’y intéressant qu’à peine, ni à cet acte ni à la victime. »

      Je dit pas qu’il ne faut pas voire Gaspard Noé, ou ne pas l’apprécié. Il y a des films parfaitement misogynes que j’arrive pourtant à apprécié. C’est comme d’apprécié une chose pour certains aspects et pas d’autres. Je ne suis pas cinéphile comme tu l’es @unvalide dans le sens que je m’intéresse assez peu à la forme, au contexte, même si j’apprécie quant c’est bien fait. Je prend le cinéma comme si on me racontais une histoire et j’ai toujours bien aimé commenter d’un point de vue politique les histoires qu’on me raconte. C’est aussi un bon outils pour comprendre les stéréotype dans lesquels on baigne. Et puis d’autre part il y a les problèmes de récurrence du point de vue dominant.
      J’arrête là pour ce soir mais le sujet n’est pas clos !

      ps- ce matin sur le site cinémaestpolitique il y a ce commentaire auquel j’adhere et qui explique pas mal les enjeux d’une analyse politique des films : http://www.lecinemaestpolitique.fr/sexisme-et-images-une-etude-d-observation/#comment-266307