person:léon-gontran damas

  • Il y a 10 ans disparaissait #Aimé_Césaire, le chantre de la négritude - Afrique - RFI

    http://www.rfi.fr/france/20180416-aime-cesaire-bonjour-adieu-negritude-senghor-damas-sartre-depestre-creo

    Disparu il y a dix ans, le poète martiniquais Aimé Césaire était, avec ses compères Senghor et Damas, le principal chantre de la négritude. Important mouvement littéraire, ce courant fut à l’origine d’une véritable épiphanie poétique. La négritude participa aussi à la réhabilitation de l’homme noir, en lui insufflant la fierté retrouvée d’être « noir » et partant, la force de prendre son destin en main. Cette célébration de l’expérience noire n’a pas été totalement exempte d’ambiguïtés que les contemporains de Césaire comme ses héritiers n’ont pas manqué de souligner.

    Aimé Césaire s’est éteint il y a dix ans, le 17 avril 2008, à l’âge de 95 ans. En lui accordant des funérailles nationales qui se sont déroulées au cimetière La Joyau à Fort-de-France, trois jours après le décès, la France a rendu hommage à ce grand Français, qui fut maire, député de sa Martinique natale et surtout l’immense poète célébré aujourd’hui dans le monde entier. Dans l’imaginaire populaire, avec ceux du poète président sénégalais Léopold Sédar Senghor et du Guyanais Léon-Gontran Damas, le nom de Césaire reste associé à tout jamais au mouvement de la négritude de langue française. Ce courant a marqué la prise de conscience de l’homme noir de son identité historique et a créé les conditions intellectuelles pour la libération du monde noir francophone dominé et colonisé.

  • « Non-souchiens ou racisé.e.s : la novlangue des dévots de la race », LE MONDE Le 26.12.2017, Sarah-Jane Fouda (chroniqueuse Le Monde Afrique)
    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/26/non-souchiens-ou-racise-e-s-la-novlangue-des-devots-de-la-race_5234542_3212.

    Notre chroniqueuse analyse les néologismes forcément réducteurs auxquels recourent les discours racistes ou sur le racisme.

    Finkielkraut, Johnny et les « non-souchiens ». Rokhaya Diallo, le CNNum et les « femmes racisées ». « Blanchité », « blackface »… Où va la langue ? Parle-t-on encore français ? Le français de France, le français du Français, le français français, comme dirait Léon-Gontran Damas, l’un des inventeurs de la négritude ? Plus on prête l’oreille aux polémiques, plus leur vocabulaire convainc que le discours sur le racisme, sur la race et sur les autres tient de la novlangue. Est-ce vraiment un hasard ? Pas vraiment, dans un pays où le racisme et la xénophobie auront été, depuis des années et jusqu’à la dernière présidentielle, bien présents dans les esprits mais étrangement absents des débats politiques.

    Depuis le thème de « l’identité nationale », ce newspeak français gagne du terrain à mesure que reculent le débat et la réflexion sur le racisme. Le racisme, « cette notion aberrante » qu’il convient de supprimer, affirmait récemment encore Michel Lebb, « parce que ça n’existe pas ». Inventer de nouveaux mots, éliminer surtout les mots indésirables, vider ceux qui restent de leur substance, quelle qu’elle soit : ainsi va le nouveau langage.

    Do you newspeak ta race ? Dans sa version perfectionnée, cette langue ne compte que des mots formés à des fins politiques pour imposer l’attitude mentale voulue à la personne qui les emploie. Pas toujours facile à prononcer, ce lexique novlangue se divise en deux classes distinctes, que nous appellerons vocabulaire raciste, ou vocabulaire R, et vocabulaire anti-raciste, ou vocabulaire AR. Notons d’ores et déjà qu’il est difficile, sans une compréhension complète des objectifs personnels et collectifs des dévots de la race, d’employer ces mots correctement.

    Vocabulaire R : tout « Blanc » n’est pas « souchien »

    Les mots R sont formés de mots dérivés ou de mots composés, soudés ensemble, signifiants dans un couple d’opposés. Par exemple, le mot « souchien » signifie avant tout « non-souchien ». Nous comprendrons « Français de souche », à la condition d’exclure de ce groupe les personnes d’ascendance maghrébine, d’Afrique subsaharienne ou d’Asie. « Non-souchien » s’entendra aussi comme « les quartiers », « les banlieues » – entendez par là ceux qui y vivent, sachant que son contraire serait « la campagne », « la ruralité », par extension « le terroir » et ses habitants. Dans une autre acception, « souchien » s’emploiera comme synonyme de « Blanc ». Pour autant, tout « Blanc » ne sera pas « souchien » – songez au plombier polonais. Car, avant tout, est « souchien » celui ou celle qui se revendique comme tel. Ainsi, le terme change de désignation, avec de fines subtilités à peine intelligibles.

    Considérons ainsi cette phrase typique d’un académicien de la novlangue : « Le petit peuple blanc est descendu dans la rue pour dire adieu à Johnny. Il était nombreux et seul. Les non-souchiens brillaient par leur absence. ». Traduction : « Les Noirs, les Arabes et les Asiatiques ont-ils une âme, une âme rock’n’roll ? Wesh, ma gueule, qu’est ce qu’elle a ma gueule ? » Mais ce n’est pas une traduction exacte. Saisir dans son entier le sens de la phrase susmentionnée exige d’avoir une idée claire de ce que signifie « le petit peuple blanc ». De plus, seul un spécialiste de la novlangue appréciera la force du mot « souchien », qui implique une acceptation aveugle de la métaphore, un enthousiasme sans bornes pour l’affect et, enfin, le strict respect d’une règle élémentaire de la grammaire novlangue : « Moi parler français, parce que moi savoir faire des néologismes. »

    Mais la fonction spéciale de certains mots novlangue, comme « souchien », n’est pas tant d’exprimer des idées, des valeurs ou des sentiments, que d’en détruire. Quelques mots-couvertures en englobent d’autres et, en les englobant, les suppriment. Ainsi, tous les mots gravitant autour des concepts de liberté, d’égalité et de fraternité cessent d’exister dans « identité nationale ». En novlangue, la cacophonie domine toute autre considération. Attendu qu’un expert du vocabulaire R doit être capable de répandre des sophismes aussi automatiquement et aussi bruyamment qu’une mitraillette sème des balles, il est important de parler sans réflexion. Aussi, comparé au vocabulaire AR, le vocabulaire R est minuscule. Il s’appauvrit chaque année au lieu de s’enrichir, chaque réduction constituant un gain puisque moins le choix des mots est étendu, moindre est la tentation de réfléchir.

    Vocabulaire AR : le « racisé » revendiqué

    Les mots AR consistent en des termes scientifiques et techniques débarrassés de leurs significations indésirables et dont on prend soin d’oublier le sens premier.

    Prenons pour exemple le terme « racisé.e.s ». A l’origine, un concept sociologique, utile à l’étude du racisme structurel mais qui, une fois entré dans la novlangue ordinaire, brille de sa nouvelle indigence. Des « personnes racisées » aux « racisés », la novlangue substantive le lexique universitaire, essentialisant par là même le mot qui devait non seulement éviter ce piège mais rendre dicible la réalité sociale du racisme.

    De fait, dans sa nouvelle acception, le mot ne renvoie plus au processus de racisation mais réduit la personne à une identité fixe, à « l’être racisé.e ». Autrement dit, on ne se fait pas raciser, on est un ou une racisé.e. Grâce à la novlangue, d’innombrables victimes de discriminations, d’inégalités, de préjugés et de clichés ont ainsi intégré cette nouvelle catégorie homogénéisée et dont le principal avantage consiste à effacer la pluralité des trajectoires sociales. « Le racisé », proche du « non-souchien », lui aussi se dira donc d’abord en revendiquant. Sa place dans le duel « X versus non-X », sa position dans le rapport de forces social et économique, son camp dans la mécanique du racisme – en définitive, son potentiel de mobilisation.

    L’une des fonctions du jargon AR est en effet de masquer l’impuissance à créer le mouvement social autant que l’incapacité à mener des luttes catégorielles. Le vocabulaire R refuse de changer la société, le vocabulaire AR renonce au changement social. Pendant ce temps, le racisme au quotidien prospère.

    « Newspeak » des bas instincts

    « Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050 au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? », demandait un des personnages de 1984 à Winston Smith, le protagoniste principal de l’œuvre de George Orwell. Nous sommes en 2017, et déjà nous ne comprenons plus rien au discours raciste ou sur le racisme.

    Et pour cause : le but de la novlangue est, d’une part, de fournir un mode d’expression aux idées des dévots de la race, d’autre part de rendre impossible tout autre mode de pensée. Cette langue complexe mais vide, ce newspeak des bas instincts, se destine non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée en réduisant au minimum le choix des mots, et avec lui les personnes elles-mêmes. Lorsqu’il sera une fois pour toutes adopté, lorsque le français sera définitivement oublié, une idée hérétique sera littéralement impensable, dans la mesure où la pensée dépend des mots. Toute ressemblance avec l’appendice d’Orwell n’est pas fortuite.

    Sarah-Jane Fouda est consultante en communication, spécialiste du discours et de l’argumentation. Elle enseigne la logique informelle à l’Université Paris-III Sorbonne-Nouvelle.

    (en entier = moins de clics et moins de fric pour Le Monde)
    #race #langue

  • Léon-Gontran Damas - POEME-TEXTE-TRADUCTION
    http://bengricheahmed.over-blog.com/article-leon-gontran-damas-104338603.html

    Solde

    Pour Aimé Césaire

    J’ai l’impression d’être ridicule
    dans leurs souliers
    dans leurs smoking
    dans leur plastron
    dans leur faux-col
    dans leur monocle
    dans leur melon

    J’ai l’impression d’être ridicule
    avec mes orteils qui ne sont pas faits
    pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille
    avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres
    et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe

    J’ai l’impression d’être ridicule
    avec mon cou en cheminée d’usine
    avec ces maux de tête qui cessent
    chaque fois que je salue quelqu’un

    J’ai l’impression d’être ridicule
    dans leurs salons
    dans leurs manières
    dans leurs courbettes
    dans leur multiple besoin de singeries
    J’ai l’impression d’être ridicule
    avec tout ce qu’ils racontent
    jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi
    un peu d’eau chaude
    et des gâteaux enrhumés

    J’ai l’impression d’être ridicule
    avec les théories qu’ils assaisonnent
    au goût de leurs besoins
    de leurs passions
    de leurs instincts ouverts la nuit
    en forme de paillasson

    J’ai l’impression d’être ridicule
    parmi eux complice
    parmi eux souteneur
    parmi eux égorgeur
    les mains effroyablement rouges
    du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

    (Léon-Gontran Damas, Pigments. Névralgies, 1972, éd. Présence Africaine

    #Léon-Gontran_Damas #poésie #littérature

  • Débat à l’assemblée nationale
    Christiane Taubira tous les jours un peu plus grande, cite une merveille de Léon-Gontran Damas (1912-1978), poète guyanais :

    via Marc Endeweld et Arlindo Constantino

    l’immense Christiane Taubira répond au tout petit Hervé Mariton, député UMP à la pensée si étriquée en citant (un peu approximativement, mais c’est pas grave, l’esprit y est) :

    « Léon-Gontran Damas, dans ses poèmes, parle de la différence, et interpelle sur le respect. Mais la différence n’est pas un prétexte pour l’inégalité des droits ! Et je vais vous dire, justement, ce qu’il vous aurait dit, Damas, en réponse à ce que vous nous dites, et ça, c’est dans Black-Label » !

    Nous les gueux

    nous les peu
    nous les rien
    nous les chiens
    nous les maigres
    nous les Nègres

    Nous à qui n’appartient
    guère plus même
    cette odeur blême
    des tristes jours anciens

    Christiane Taubira : « Si nous nous n’accordons pas l’égalité des droits, Si nous ne reconnaissons pas la liberté, Alors nous disons » :

    Qu’attendons-nous
    pour jouer aux fous
    pisser un coup
    tout à l’envi
    contre la vie
    stupide et bête
    qui nous est faite
    à nous les gueux
    à nous les peu
    à nous les rien
    à nous les chiens
    à nous les maigres
    à nous les nègres

    http://www.dailymotion.com/video/xxb0sp_christiane-taubira-cite-damas-face-a-mariton_news

    • Le CR intégral étant maintenant en ligne, on peut voir qu’elle répond ainsi à ceci :

      La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 3460.

      M. Hervé Mariton. La difficulté tient au fait que l’on veut appliquer – très imparfaitement, comme nous venons de le voir – la même procédure aux couples de personnes de même sexe qu’aux couples de personnes de sexe différent. La solution aurait consisté à créer, à inventer, une procédure publique adaptée.

      Dois-je rappeler à Mme la garde des sceaux, qui cite Léon-Gontran Damas dans son discours introductif – vous avez de bonnes lectures, chère madame –, que ce poète a très souvent exprimé, dans son œuvre, l’idée que les différences entre les personnes ne devaient pas être niées, mais assumées, acceptées et promues ? Bref, qu’il considérait que la différenciation était préférable à l’identification.

      Vous qui citez un poète prônant que, face à des situations différentes, l’on refuse une assimilation ne correspondant pas à la réalité des choses – ce qui n’attente en rien à la dignité des personnes –, pourquoi cautionnez-vous cette construction extravagante qu’est l’article-balai ?

      Un député du groupe UMP. Ce n’est pas parce qu’elle le cite qu’elle l’a lu !

      M. Hervé Mariton. Cet article reflète bien une volonté d’indentification jusqu’à l’artificiel, jusqu’au factice. Madame la garde des sceaux, revenez à Léon-Gontran Damas !

      (…)

      Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant à vous, monsieur Mariton, qui avez pris un ton assez grave pour m’interpeller sur Léon-Gontran Damas, un poète guyanais, je le rappelle,…

      M. Hervé Mariton. Tout à fait !

      Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qui, on l’oublie souvent, a siégé ici même,…

      M. Hervé Mariton. C’est exact !

      Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …je dois vous dire que je n’avais jamais assisté à tel détournement de son œuvre.
      Vous m’enjoignez de revenir à Damas, monsieur Mariton,…

      M. Philippe Gosselin. Il faut trouver votre chemin de Damas, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

      Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …parce que Damas est le poète de la différence. Avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas est d’abord le poète de la négritude, un courant littéraire et politique.

      http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130135.asp#P433_73595

      Le député UMP anonyme peut remercier les sténographes qui ont respecté son anonymat…