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  • De l’épisiotomie considérée comme une mutilation sexuelle féminine | Maternité de NANTERRE-Officiel
    17 juillet, 11:00 ·

    Billet d’humeur du chef de service Dr de Sarcus

    Dans les recommandations du CNGOF qui datent de 2005, il est écrit qu’il n’y a aucune situation clinique dans laquelle une étude a prouvé l’utilité de l’épisiotomie systématique au cours de la naissance d’un enfant.
    Par contre dans la fin du texte court des recommandations il est écrit : « … dans toutes les situations obstétricales spécifiques (enfant trop gros, trop petit, anomalies du RCF…) une épisiotomie peut être judicieuse sur la base de l’expertise clinique de l’accoucheur… ». Il est noté que c’est une recommandation basée sur un accord professionnel et non sur des études. Donc le professionnel qui aide une femme à accoucher peut décider « qu’il est judicieux de faire une épisiotomie » même si aucune étude ne prouve son utilité.
    Je trouve la formulation du CNGOF assez ambiguë. Soit on a des arguments tirés d’études qui permettent de soutenir que l’on rend service à la patiente ou à son enfant en pratiquant une épisiotomie ou bien on ne dispose pas de ces arguments et alors pourquoi imposer cette mutilation à une femme ?
    Il y a des maternités en France qui ont une politique de réduction massive des épisiotomies. C’est le cas à Besançon, maternité de niveau III qui publie régulièrement ses résultats. Actuellement ils en sont autour de quelques 1,5% des voies basses.
    A Nanterre, maternité non universitaire, en 2015 nous sommes à 2,5%. C’est encore trop de mon point de vue.
    Mon « expertise clinique » pour reprendre le terme du CNGOF est qu’il est possible de ne pas faire d’épisiotomie dans l’immense majorité des accouchements par les voies naturelles. Je travaille dans une maternité où je ne suis appelé que pour les extractions instrumentales ou les présentations du siège ou les accouchements gémellaires. Tous les accouchements à bas risques sont réalisés par des sages-femmes. Donc je ne viens que quand l’accouchement est difficile. Dans l’immense majorité des cas je fais une extraction instrumentale et cela fait bien un an au moins que je n’ai pas fait d’épisiotomie.
    Le vécu des patientes ayant eu une épisiotomie n’est pas bon. Les patientes racontent souvent qu’elles ont mis plusieurs mois à pouvoir s’asseoir sans avoir mal et encore plus longtemps à avoir des rapports sexuels sans douleur. Des chiffres circulent de l’ordre de 20 à 30 % des femmes ayant eu une épisiotomie seraient dans ce cas. Les médecins qui écrivent dans les manuels d’obstétrique expliquent que c’est parce que les épisiotomies sont mal recousues que les suites sont douloureuses. Je ne suis pas certain que cela soit vrai. Qu’est-ce qu’une épisiotomie bien recousue ? Et surtout qui juge qu’elle est « bien recousue » ? La femme ou le professionnel ?
    Je ne fais pas d’épisiotomie chez les femmes excisées, quelle que soit la nature de l’excision. Même les patientes d’Afrique de l’Est qui ont un rétrécissement majeur de l’orifice vulvaire (excision pharaonique) peuvent échapper à cette mutilation supplémentaire. Il suffit d’ouvrir la vulve vers l’avant sur le tissu cicatriciel qui recouvre la partie antérieure de la vulve et généralement l’enfant peut naître sans provoquer de grande déchirure chez sa mère. L’avantage de cette technique est qu’elle élargit l’orifice vulvaire et permet de découvrir le méat de l’urètre.
    Il me semble qu’il serait bon que les futures mères demandent à la maternité dans laquelle elles vont accoucher à ne pas avoir d’épisiotomie. Il est difficile à un professionnel de refuser puisqu’il n’a aucun argument médical pour aller contre la volonté d’une femme de ne pas avoir son sexe coupé au moment de la naissance de son enfant. Je pense que les femmes devraient être plus nombreuses à faire cette demande. Cela inciterait peut être les professionnels à faire baisser le taux d’épisiotomie qui me parait encore beaucoup trop élevé en France. Le CNGOF écrivait en 2005 qu’on devrait pouvoir atteindre le taux de 30% d’épisiotomies.
    L’expérience de Nanterre qui rejoint celle de Besançon sur ce point est qu’il est possible de le faire baisser de manière beaucoup plus importante. Un taux de 5% devrait être un objectif réaliste.

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