person:lars wirzenius

  • Posté par Couz (http://linuxfr.org/users/couz) le 01/09/11 à 14:54 Licence CC by-sa

    http://linuxfr.org/news/t%C3%A9moignage-de-lars-wizenius-les-20-ans-de-linux-souvenirs-personnels

    Article original : Linux at 20, some personal memories: http://liw.fi/linux20
    Auteur : Lars Wirzenius (http://liw.fi/cv)
    Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported License. (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)
    Traduction : Banks_the_megalith, Couz
    Relecture et correction : Paulette, TomBoss, insert_coincoin

    Voir aussi: http://liw.fi/linux-anecdotes

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    Quelques mois plus tard, quand il a finalement eu marre du jeu, il a réellement commencé à apprendre la programmation sur 386. Un jour, alors que je lui rendais visite, il m’a montré un petit programme qu’il avait mis au point, qui utilisait des threads. C’était une chose étonnante, même si elle ne ressemblait pas à grand-chose : un thread écrivait des ’A’ à l’écran, et l’autre des ’’B’, et on pouvait voir les threads commuter lorsque les ’A’ s’arrêtaient et que les ’B’ se lançaient, et un peu plus tard, revenaient les ’A’.

    Le plus étonnant était, bien sûr, que Linus avait écrit le tout lui-même. Ce n’était pas un morceau de logiciel commercial hors de prix écrit par des sorciers grisonnants. C’était un chouette hack, mais un hack vite fait d’étudiant. Ce fut le moment où il est devenu clair pour moi que même un programmeur seul pouvait réaliser de grandes choses, et que la technologie mystérieusement magique pouvait être vraiment assez simple sous le capot.

    Bien sûr, je n’attendais pas du hack de Linus qu’il devienne quelque chose d’important et ceci pour deux raisons. La première, c’est qu’il ne s’agissait que de ’A’ et de ’B’ et que c’était vraiment trop simple pour représenter quelque chose de plus. La seconde, c’est que je connaissais Linus depuis un moment maintenant, et que bien qu’il soit intelligent, il était aussi fainéant, et parfois, quand il était saoul, il commençait à débattre de choses et d’autres et disait les choses les plus folles et stupides qu’on puisse imaginer quelqu’un dire.

    Cependant, Linus continua de jouer avec le multitâche sur son i386, en lui faisant faire toujours plus. Une des choses qu’il souhaitait, c’était d’être capable d’accéder à Kreeta via un modem. Plutôt que d’utiliser un terminal existant (il y en avait des masses), il commença à ajouter une émulation de terminal simple à son programme multitâche. Il avait deux threads : l’un pour lire le clavier et écrire des caractères sur le port série, et l’autre lisait le port série et écrivait les caractères à l’écran. Après avoir ajouté une interprétation des séquences d’échappement du VT100, il avait un émulateur de terminal suffisamment bon pour la lecture de newsgroup chez lui.

    Ce dont Linus rêvait, cependant, c’était d’un Unix chez lui. Il entendit parler de Minix, acheta le livre, et fit fonctionner Minix sur son i386. Ça marchait, mais ce n’était rien à côté des machines de l’université. Il continua à pousser son Minix, à améliorer son propre programme multitâche et plus généralement à hacker par-ci par-là.

    À cette époque, à l’été 1991, nous avons tous deux commencé à poster sur Usenet. En août, Linus a mentionné son projet de noyau sur comp.os.minix pour la première fois. Plus tard, il a décidé de rendre le code disponible, et a obtenu de l’un des admins de ftp.funet.fi de l’y mettre. Pour cela, le projet avait besoin d’un nom. Linus a voulu l’appeler Freax, mais Ari Lemmke, l’admin de ftp.funet.fi, décida de l’appeler Linux à la place. Vous pouvez trouver le nom Freax dans le Makefile des premières versions de Linux.
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    En 1992, la popularité de Linux a augmenté rapidement, et beaucoup de gens qui n’étaient pas tous des hackers du noyau ont commencé à l’utiliser. Nous avons lancé notre propre groupe Usenet, alt.os.linux, qui devint comp.os.linux, et qui finalement a été divisé en un tas de sous-groupes. En 1992, j’ai aidé à lancer le Linux Documentation Project, et plus tard, quand comp.os.linux.announce a été créé, j’en suis devenu l’un de ses animateurs. Je n’ai pas, cependant, fait de hack sur le noyau, toujours par peur de la magie mystérieuse.

    Toujours en 1992, Linus pensait que la release de la version 1.0 se rapprochait, donc il passa directement le numéro de version de 0.12 à 0.95 en une release. Puis vinrent les 0.96, 0.96b, 0.96c, et je pense qu’il y a même peut-être eu une 0.96c + 2. À un certain moment, à la 0.97 je pense, j’ai eu assez du manque de documentation dans le noyau et j’ai écrit le premier fichier README pour aider les gens à compiler leur propre noyau.

    En 1993, Linus et moi nous avons été embauchés par le département sciences informatiques en tant qu’assistants d’enseignement : nous aidions d’autres élèves à faire leurs devoirs, et vérifiions qu’ils les avaient fait. Cela signifiait que nous avons eu à partager un bureau. Cela a été assez bon pour le développement de Linux. Linus avait un revenu, de sorte qu’il n’avait pas à s’inquiéter à ce sujet, et plus important encore, l’accès rapide à Internet, qui a un peu facilité les choses, surtout depuis que Linux gagnait en capacité de mise en réseau.

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    Une des choses que l’accès à l’Internet rapide a rendu possible a été qu’il ne fallait que quelques secondes pour télécharger la plupart des logiciels, tels que le noyau Linux. Cela n’encouragea pas Linus à faire des sauvegardes ou du versionnage, mais il publiait tout de même fréquemment des tarball, dont de nombreux sites réalisaient des miroirs.

    L’accès rapide à Internet nous a également permis de jeter un oeil sur les différentes distributions Linux qui sortaient. Pour une raison quelconque, Linus prit Red Hat. Je pensais que la force nécessitait un certain équilibre, j’ai donc choisi Debian. Nous avons tous les deux collé à nos choix depuis.

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    Être employés par l’université nous a aussi aidés quand nous avons décidé d’organiser un événement pour le lancement de la version 1.0 de Linux, en 1994, quand c’est finalement arrivé. Nous avons obtenu l’accès à l’auditorium, et le chef du département d’informatique a prononcé un discours, et tout cela nous a donné suffisamment de crédibilité pour susciter l’intérêt des médias traditionnels. Il y avait même une équipe de télévision, dont la vidéo peut être trouvée à divers endroits sur Internet. Pendant les discours, nous avions lancé une compilation cérémonielle du noyau 1.0 en arrière-plan.

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    Alors, qu’ai-je appris pendant ces vingt ans ?

    Le plus important, c’est que tout le monde peut faire la différence. Un grand et important accomplissement consiste en une très longue série de petites étapes, c’est ce que nous appelons sisu en finnois. Cela aide également si vous êtes intelligent et savez ce que vous faites ; vous vous souvenez de ce type dans la vingtaine, qui était très stupide lorsqu’il était ivre, et que l’on voit à moitié nu sur des photos de beuverie ? Il n’était pas si intelligent que ça, mais n’a pas abandonné. Cela aide d’être stupide et ignorant dans le bon sens du terme, de sorte que vous pensez : « Hé, je peux le faire » au lieu de « ça doit être très difficile à faire ».

    Et, plus important, indépendamment de votre persévérance et de votre intelligence, il est utile d’avoir d’autres personnes pour vous aider. Une révolution prend une décennie au moins, mais vous ne pourrez pas la faire du tout si vous êtes seul.

    La liberté est aussi la chose la plus importante.

    La liberté d’utiliser, d’étudier, de partager, de modifier et de partager un logiciel modifié, et la liberté d’écrire un logiciel en premier lieu, sont essentielles. Elles sont essentielles non seulement pour Linux, mais pour le bien-être de tous les gens dans le monde moderne.

    Au cours de ces vingt dernières années, nous avons assisté à une révolution. Linux en a fait partie, mais ce n’était pas la seule partie. L’Internet a été l’un des grands facilitateurs, la liberté du logiciel en fut un autre. Le cœur de la révolution a été de faire passer les gens de l’état de consommateurs passifs regardant patiemment la télévision, à la création, des acteurs de communication qui façonnent le monde. Cette révolution de la liberté est toujours en cours, bien sûr.

    Espérons que Linux et le logiciel libre soient encore là pour les vingt prochaines années et contribuent à continuer de nourrir cette révolution.