person:laurent grisel

  • http://www.le-terrier.net/desordre/infinito

    Museo Infinito est un petit livre rassemblant une quarantaine de dessins réalisés dans des musées, des églises, des ruines. Dessiner est ma façon de regarder, de penser, d’émettre des hypothèses, de divaguer aussi. C’est en dessinant que je me dessine. Ils ont été choisis par l’éditeur (Ion) parmi les quelques dizaines de carnets de notes qui ont ponctué jusqu’ici mes dérives italiennes (majoritairement), belges, françaises, allemandes, anglaises. Philippe s’est procuré ce livre, l’a vraisemblable aimé, et s’est mis à le photographier. Dans son propre atelier. Je crois pouvoir affirmer que photographier est sa façon de regarder, de penser, d’émettre des hypothèses, de divaguer. Une façon de mettre l’ infinito au carré.

    A partir du magnifique livre de @l_l_de_mars, Museo infinito http://ionedition.net/livres/museo-infinito

  • Trump Administration Withdraws U.S. From U.N. Human Rights Council - The New York Times

    https://www.nytimes.com/2018/06/19/us/politics/trump-israel-palestinians-human-rights.html

    ... Qui aurait pu faire partie de la série « une journée (de plus) avec Trump » que finalement je n’ai pas fait faute de temps et d’enthousiasme suffisant. Si je me souviens bien @philippe_de_jonckheere avait aussi eu l’idée (implémentée ?) de faire la même chose avec sarkozy.

    WASHINGTON — The United States withdrew on Tuesday from the world’s most important human rights body in protest of its frequent criticism of Israel’s treatment of Palestinians. It was the latest effort by the Trump administration to pull away from international organizations and agreements that it finds objectionable.

    It was the first time a member has voluntarily left the United Nations Human Rights Council. The United States now joins Iran, North Korea and Eritrea as the only countries that refuse to participate in the council’s meetings and deliberations.

    #glauque

  • On me commande un texte
    Pour un spectacle
    Je fais un poème avec H. Weinstein

    Du coup j’enchaîne
    J’en fais un autre avec
    Avec les Compliments du Guide

    J’aime
    Quand mon inconscient
    Travaille pour moi

    Même arabe
    Très entier
    Également officielle

    Tout à fait libyenne
    D’autant plus grave
    Voire électorale

    Un peu libyen
    Notamment français
    Également libyenne

    Récemment national
    Drôlement reconnus
    Vraiment légitimes

    Vaguement libyen
    Voire dommageable
    Cruellement intérieures

    Entièrement libyennes
    Finalement français
    Efficacement premier

    Très occidental
    Très libyenne
    Autrement vu

    Très peu incompréhensible
    Ironiquement grave
    Évidemment unies

    La plus aérienne
    Normalement militaire
    Surtout ciblées

    Vraiment évoqué
    Si françaises
    Cordialement militaire

    Dernièrement présidentiel
    Tout ce qu’il y a de grave
    Finalement évoqué

    Vraiment brève
    Plus télévisée
    Heureusement mental

    Pour le moins électorale
    Notamment prêts
    Dernièrement première

    Peu libyen
    Un peu libyen
    Singulièrement libyen

    De plus en plus libyens
    Naturellement normal
    Nécessairement curieux

    Autrement vif
    Très tunisien
    Moins égyptien

    Très suprême
    Parfois voisins
    Autrement respectables

    Nettement moins libyen
    Moins errants
    Même grave

    Si français
    Tellement longue
    Plus confronté

    Sérieusement dormantes
    Un peu dernières
    Un peu africaine

    Très grands
    Naturellement première
    Doucement bref

    Longtemps prématurée
    Notamment retranscrit
    Plus que de raison contrôlé

    Rapidement proche
    Admirablement placé
    Plus tenu

    Notamment interprétée
    Souvent française
    Tout simplement engagé

    Très libyen
    Mal petites
    Bien longue

    Toute fidèle
    Pas du tout seule
    Mais plutôt armés

    Un peu différents
    Pas toujours grave
    Régulièrement supprimées

    Naturellement cher
    Un peu mental
    Pas toujours nécessaire

    Régulièrement électorale
    Naturellement versé
    Un peu concerné

    Même secrets
    Forcément aériennes
    Très divine

    Très inattendue
    Un peu transmises
    Justement libyens

    Mal publiées
    Bien grave
    Pas bien libyenne

    Pas mal vrai
    Tout incroyable
    Quand même issus

    Étrangement propres
    Souvent multiples
    Très judiciaires

    Plus signée
    Mal libyen
    Finalement ancien

    Bien plus première
    A contrario saisis
    Vraiment fabriqué

    Nécessairement altéré
    A priori validé
    Sûrement judiciaires

    Finalement libyen
    Comparablement seconde
    Assez judiciaire

    Toujours propre
    Pas trop troisième
    Forcément judiciaire

    Pas trop centrée
    Forcément présumé
    D’autant plus ancien

    Surtout ancien
    Un peu trop dernier
    D’autant plus libyen

    Aussi libyennes
    Un peu trop libyen
    Trop premier

    Également inquiétante
    Décidément accidentelles
    Mal lynché

    Mal abattu
    Pas très natale
    Pas trop grave

    Pus anciens
    Quasi militaire
    Presque ancien

    À peu près Premier
    Trop troubles
    Mal effectué

    Guère pénale
    En fait internationale
    Nettement plus secret

    Surtout français
    Moins ancien
    Mieux destinés

    Davantage présidentielle
    Si importants
    Voire ancien

    Très judiciaire
    Vraiment très postcoloniale
    Le plus tragi-comique

    Fort scellé
    Tout de même français
    Effectivement militaire

    Plus fulgurante
    Pas juste troublante
    Même politiques

    Même pas marginales
    Pas juste ignorées
    Même libyenne

    Même pas terrible
    Pas juste étatiques
    Même politiques

    Un peu inédit
    Parfaitement Vème
    Secrètement haute

    I love the smell
    Of cut-up
    In the morning

    Apprentissages matinaux
    Par cut-up : Avec les compliments du guide
    A l’air d’être un livre passionnant

    Je fais un usage (vraiment) abusif
    Des adverbes (souvent) inutiles
    (Incidemment) ça manque (grandement) de clarté

    Étendant la couette par la fenêtre
    Le matin, elle frotte sur les cordes de ma guitare
    Désaccordée et produit un accord de La mineur

    J’ai lu, j’ai souri
    (Mais pas que)
    Pas insensible donc

    Je me sers donc
    D’une feuille de calcul
    Pour écrire un poème ?

    Pâtes aux tomates et basilic
    Un morceau de pecorino
    Pauvreté n’est pas misère

    Sieste
    Café
    Écriture

    Je passe à la librairie
    Comme d’autres sans doute
    Vont à la pharmacie

    Je ne cesse de faire répéter la jeune libraire
    " Excusez-moi, vous devez me prendre
    Pour un demeuré

     ? Non, apparemment
    Vous êtes préoccupé
     ? Touché !

     ? C’est le prochain livre
    Qui vous donne du mal ?
     ? Pas le prochain, les quatre d’après !

    Das Jemandestodtergoogelntgefühl
    La magnifique traduction
    De Bettina, avec ergoogeln dedans, son invention

    Les croisements dans une seule journée
    Vous-savez-qui, Bettina, et, ce soir
    Marilou, à qui je voudrais proposer un projet

    Mon ami Laurent Grisel
    S’amuse de faire de telles apparitions
    Dans mes rêves de poète

    Quelques pages
    De La Domestication de l’art
    Avant d’éteindre

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 25 : Daniel,

    Admettons, pour commencer, que quand je dis Désordre , avec un D majuscule et en italique, je parle de mon travail, que quand j’écris « désordre » sans italique et sans majuscule, je parle d’une situation désordonnée et que quand j’écris « desordre » (sans accent et tout en minuscules), généralement à l’intérieur d’une graphie de ce genre http://www.desordre.net , je donne le chemin de quelques vérifications possibles en ligne. Le Désordre est curieusement affaire d’appeler les choses par leur nom, d’appeler un chat un chat.html.

    Daniel, tu me demandes un texte de quelques pages à propos du Désordre . Cela arrive de temps en temps que l’on me demande un telle chose, la dernière fois c’était pour le Festival de littérature de Solothurn en Suisse, d’où j’avais rapporté un très mauvais livre à propos de Proust, quelques secondes de films d’animation réalisées avec de la pâte à modeler dans le cadre luxueux de ma chambre d’hôtel dans laquelle je me suis ennuyé ferme pendant deux jours, et dans laquelle j’ai hérité d’une colonie de punaises de lit qui auront empoisonné mon existence pendant presque six mois. La Suisse. La semaine dernière j’ai reçu deux textes d’un jeune universitaire qui a décidé, il y a deux ans, d’étudier le Désordre , je pourrais être sans vergogne et tout pomper sur de telles études sérieuses, mais voilà elles sont exprimées dans une langue que ni toi ni moi ne parlons. Et puis ce serait ignorer que la générosité est le sentiment qui a le plus cours entre nous deux. Le Désordre est un flux, il se modifie sans cesse, il s’augmente sans cesse.

    Je pourrais, j’en suis sûr, écrire une fiction à propos de ce site, une sorte de nouvelle à tiroirs et il y en a quelques-uns, des tiroirs, dans ce site et dans son histoire périphérique, celle de mon existence finalement, quelques rebondissements ont connu leurs premières secousses à l’intérieur même du site, en les agençant un peu différemment de la façon dont ils se sont produits, je parviendrais bien à quelque chose, mais j’ai compris que ce n’était pas ce que tu attendais. Pourtant le Désordre est une fiction. La mienne.

    Je pourrais, je finirais par en trouver le moyen, créer une manière de site dans le site qui permettrait de canaliser, fixer, un parcours dans le site et qui serait, de ce fait, une sorte de fiction aussi, mais alors j’aurais le sentiment de trahir quelques-unes de mes intentions premières dès le début de la construction du site, à savoir rendre le parcours aussi chaotique, désordonné et aléatoire que possible, au point que, désormais, plus personne ne peut vraiment faire le même parcours dans ce fichu site et lorsque des personnes échangent à son propos, je ris sous cape qu’ils ne savent pas qu’ils ne peuvent pas parler de la même chose, qu’ils n’ont pas vu la même chose et pourtant ils semblent s’entendre. Ce sont les visiteurs du Désordre qui font le Désordre .

    Je pourrais à l’inverse, j’en ai les moyens, en programmation, rien de plus facile, ajouter du désordre au Désordre , donner à l’aléatoire une plus grande part encore, mais alors cela pourrait très bien être en vain, le nombre de possibilités existantes est déjà très grand, on parle de nombre gogol et de nombre gogolplex qui sont des nombres qui tutoient l’infini (un gogol est égale à 10 puissance 100, et un gogolplex est égale à 10 puissance gogol), en fait pour tout te dire, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le nombre de combinaisons possibles dans l’agencement des presque 300.000 fichiers du Désordre est pour ainsi dire aussi grand que le nombre d’atomes que l’on pourrait serrer dans l’univers connu. Personne ne s’apercevrait de cette aggravation du Désordre . C’est si grave que cela. Le Désordre est au-delà du vaste, il n’est pas infini, bien sûr, mais il est asymptotique à l’infini. Chuck Norris a compté jusqu’à l’infini. Deux fois.

    Je pourrais aussi, avec force copies d’écran te décrire le Désordre vu de l’intérieur et te montrer comment pour atteindre une telle dimension de Désordre , en donner le sentiment, il convient, pour moi, pour m’y retrouver, d’ordonner les choses avec un soin maniaque quand ce n’est pas totalitaire, il y a là un paradoxe très étonnant, bien que facile à comprendre, je pense que tu en as eu un aperçu quand nous avons travaillé ensemble dans le garage pour ton recueil du poèmes visuels dans le Désordre , sans doute l’une des plus belles réalisations du Désordre et quel plaisir c’était, pour moi, de t’offrir de telles possibilités, dans une confiance désormais acquise et mutuelle, même si de haute lutte par le passé. J’ai fait du chemin depuis Barjavel, non ? http://www.desordre.net est parfaitement rangé et ordonné, pour mieux donner une impression de désordre, laquelle est grandement obtenue par des effets de programmation. Le désordre est un programme en soi. Et il est paradoxal.

    Je pourrais, je vais le faire, c’est désormais un peu de cette manière que je procède en toutes chose, inclure ce texte, que tu me demandes, à l’intérieur même d’un projet en cours, qui est lui-même un projet qui surplombe le Désordre , Qui ça ? sorte de chronique de la catastrophe en cours et pour laquelle je refuse désormais d’avoir le moindre regard, elle est inévitable, avant qu’elle ne se produise, agissons et prenons l’habitude désormais d’agir selon notre guise, tout comme je le dédicace à cet ami poète, Laurent Grisel, nos agissements sont tellement plus précieux que les actes misérables qui nous gouvernent, et alors ce serait un tel plaisir de tisser depuis ce texte que je suis en train d’écrire le faisceau abondant des liens hypertextes qu’il suscite, et tu serais bien embêté plus tard pour tâcher de trouver le moyen d’accueillir tout cela dans la cadre restreint d’une revue papier, NUIRe. Plus j’y pense et plus je me dis que c’est ce que je devrais faire, rien que pour te mettre un peu dans l’embarras, pour t’embêter gentiment. Le Désordre n’est pas plat, il compte des épaisseurs, une profondeur qui doivent concourir au sentiment de désordre. Le Désordre est une mise en abyme. http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index_186.htm

    Je pourrais, je dois le faire, rappeler utilement que je ne suis pas le seul contributeur du Désordre , par exemple il est important de savoir que j’ai commencé à travailler au Désordre en 1999, mais qu’à partir de 2003 j’ai reçu de temps en temps, à ma demande, l’aide précieuse de mon ami Julien Kirch - @archiloque - qui a su fabriquer pour moi des outils remarquables pour mieux semer le désordre. Que tout au long de la construction j’ai reçu les avis éclairés et avisés d’autres personnes, notamment L.L. de Mars, que j’ai fait partie de collectifs qui ont nourri mon travail, le Terrier , remue.net, Le Portillon , seenthis.net et que le Désordre m’a permis aussi de travailler (et de les rencontrer) avec des musiciens d’exception, Dominique Pifarély et Michele Rabbia, que le Désordre a connu un développement inattendu dans le numéro 109 de Manière de voir et quel plaisir cela a été de rencontrer et de travailler avec @fil, @mona et Alice, que d’une façon plus ou moins directe il m’a permis de trouver un éditeur, grâce soit rendue à Sarah Cillaire, Hélène Gaudy et Mathieu Larnaudie, les parrain et marraines d’ Une Fuite en Egypte et enfin, et surtout, que le Désordre accueille aussi en son sein les travaux remarquables d’amis, parmi lesquels, Jacky Chriqui, Hanno Baumfelder, L.L. de Mars, Martin Bruneau, Isa Bordat, Karen Sarvage, Ray Martin, Barbara Crane et Robert Heinecken, Thomas Deschamps (qui a composé l’une des plus belles pages du Désordre), Eric Loillieux, Vincent Matyn, Pierre Masseau, Jean-Luc Guionnet, Stéphane Rives, Lotus Edde Khouri et, donc, toi, Daniel, Daniel Van de Velde, devande. Le Désordre c’est aussi une histoire de mes amitiés et de ce qu’elles m’ont apporté d’immenses richesses et de communes préoccupations, regarde, en tête de ce texte, qui passait par l’infini, je n’ai pas hésité longtemps pour ce qui est du choix d’une image, pouvait-il y avoir de plus remarquable illustration, le mot est mal choisi, qu’une photographie de l’une de tes merveilleuses sculptures au travers desquelles on jurerait voir l’infini.

    Je pourrais rappeler que l’une des dimensions supérieures du Désordre c’est une manière de sauvegarde des joies et des beautés du quotidien. Tu as dit à propos de ce texte, que tu me demandes, que tu pourrais m’aider à y contribuer, je pense que sur le sujet de ce quotidien, de son ressassement heureux, enchanté par moments, et d’un certain arbre du bois de Vincennes, tu sauras dire quelques très belles choses, je laisse donc quelques lignes blanches pour toi.



















    Je pourrais faire la liste des erreurs et des ratages du Désordre , il y en a eu quelques-unes, et même quelques errements, et des obstinations de ma part qui ont parfois fait courir de grands périls à l’ensemble, des fois je suis allé trop loin, d’ailleurs rien ne m’assure que cela ne soit pas déjà le cas. En fait chaque fois que je travaille au Désordre je cours le risque de tout faire échouer ou encore d’ajouter des éléments faibles qui ne rendent pas justice aux autres réalisations, plus réussies, du Désordre et cela fait presque dix-huit ans maintenant que le Désordre menace presque tous les jours de s’effondrer. Le Désordre est fragile. Et il aura une fin. Elle ne sera pas nécessairement heureuse, ni réussie.

    Je pourrais écrire n’importe quoi, dire du Désordre des choses qui ne seraient pas vraies, qui ne seraient pas entièrement fausses non plus, en quelque sorte des choses qui ne me concerneraient pas. Et cela permettrait, nul doute, de faire diversion, d’attirer le regard vers des directions opposées à celles qui sont en fait au cœur du site, notamment le combat, le combat pour la vie, pour la survie, le combat pour Nathan, le combat pour les enfants, le combat pour faire accepter certaines manières de faire les choses, de voir le monde, d’y participer, le combat politique en somme, le combat ce n’est pas la partie la plus visible du Désordre et pourtant elle est là, jamais très loin, et jamais en grattant beaucoup, on y voit mon corps et mon cœur fatigués tous les deux par le combat, mais mon corps et mon cœur heureux, cela oui aussi. Le Désordre est un combat perdu d’avance, mais qu’on ne peut pas refuser. C’est mon côté Don Quichotte du Val-de-Marne.

    En tout cas c’est un combat qui me laisse désormais sans force. Un jour que des lycéens, dans le cadre de je ne sais plus quelle expérience de leur cursus - guidés en cela par leur excellent professeur de philosophie, mon ami Alain Poirson, qui a été, aussi, pour moi, un professeur de philosophie, et quel ! -, m’avaient soumis au questionnaire de Proust, à la question comment est-ce que j’aimerais mourir, j’avais répondu sans hésiter : épuisé. Ça finira par arriver un jour, c’est sûr.

    Im freundschaft, mein lieber Daniel, im Freundschaft.

    #qui_ca

  • J – 71 : Je pense que je ne peux pas cacher un certain goût pour les œuvres programmatiques, j’aime leur tour de force. J’aime qu’Emmanuel Addely décide une mauvaise fois pour toutes de tenir le compte serré de ses dépenses et de les mettre en relation avec des coupures de presse et qu’il s’y tienne pendant dix ans exactement — dans Je paye . J’aime que mon ami Laurent Grisel s’obstine à mettre en forme ses notes et ses recherches à propos de la crise économique que l’on dit de 2008 et que justement lui et d’autres voyaient venir, bien avant 2006, et ce faisant il met à jour l’irrémédiable de tels rouages et comment il laisse entendre que ce sont ces rouages-là, incroyablement toxiques et délétères, qui sont encore à l’ouvrage aujourd’hui et qui, nul doute, produiront des effets toujours plus dévastateurs et meurtriers avec notre concours qui regardons ailleurs. J’aime les démonstrations terrifiantes de Michael Hanecke, notamment celle de Funny Games ou encore du Ruban Blanc ou de 71 fragments d’une chronologie sociale du hasard , et pareillement j’aime le cinéma implacable d’Ulrich Seidl.

    Aussi on imagine sans mal à quel point Chemin de croix de Dietrich Brüggemann me laisse pantois, sans force, anéanti et admiratif à la fois. Tant je trouve à ce film une beauté à la fois formelle, un film dont on comprend dès le second plan qu’il ne sera que quatorze plans fixes (à l’exception de deux plans affectés d’un très léger travelling et du dernier plan qui lui connait un mouvement de grue assez remarquable, celui, finalement d’une libération), longs plans-séquences qui sont sous-titrées selon les noms des quatorze stations de la passion du Christ — le Christ tombe une deuxième fois sous le poids de la croix, Véronique essuie le visage du Christ avec un linge etc… — et qu’il n’y aura pas d’autres plans et que la succession ne pourra nous amener qu’au martyr de Maria, une jeune fille allemande d’aujourd’hui sous l’emprise terrifiante de son prêtre à la catéchèse intégriste au dernier degré — en résistant au plaisir d’une pâtisserie, on commet un acte de grâce et le jazz, la soul et le gospel sont des formes sataniques de musique (encore un qui est passé entièrement à côté des Stooges).

    C’est une démonstration, en plus d’être un tour de force, à la fois de scénario et de réalisation, en soi cela pourrait être pénible, il n’en est rien pour une raison lumineuse, chaque cadre tellement fixe, tellement rigide, tellement composé est littéralement la métaphore de l’enfermement avec des possibilités extrêmement réduites pour ce qui est d’en sortir. Ainsi le premier plan, celui de la catéchèse, présente en haut à droite une sorte de veduta contemporaine composée par douze briques de verre, les sept protagonistes de cette scène sont enfermés dans une pièce dont on ne sort qu’à la fin, en haut à gauche de l’écran et seul le personnage de Maria n’en sort pas. Le deuxième plan est une féérie de mouvements en plan fixe, les personnages entrent et sortent du plan, seul le personnage de Maria une fois de plus en semble pas vouloir, pas pouvoir sortir de cette forme ouverte de l’enfermement, comme le sont les univers seulement ouverts en apparences.

    Lors de la cérémonie de confirmation, la caméra décrit un très léger travelling vers la droite, au moment même où les fidèles se lèvent pour approcher l’autel, ce qui donne une très curieuse impression de fausse élévation, en soi un petit prodige de perception, premier mouvement de caméra du film qui décrit justement cette entrée supposée dans l’âge adulte, il est remarquable que le personnage de Maria parvient à sortir, seule fois du film, de ce cadre, par le bas en s’évanouissant. Le deuxième mouvement de caméra se produit dans la salle de réanimation à l’hôpital et décrit la mort de Maria, la caméra abandonne Maria et va chercher Johannes son petit frère autiste et non verbal qui justement se met à parler, ce qui est immédiatement interprétable par les croyants comme un miracle, pour les athées, sans doute plus adeptes de psychanalyse, comme l’expression d’une émotion intense à la mort de sa grande sœur. Le dernier mouvement de caméra décrit ce qui pourrait passer pour l’élévation de l’âme de Maria ou tout simplement la délivrance par la mort d’un univers forclos.

    Le miracle tient ici de ce que la caméra est capable d’exprimer métaphoriquement de ces trois petits mouvements après avoir emprisonné le personnage de Maria, deux travellings et un mouvement de grue. Quatorze plans-séquences. En presque deux heures de films.

    S’agissant du cadrage Jean-Luc Godard avait un jour dit qu’on parlait beaucoup de la violence des crues et jamais de celle des berges qui maintiennent les fleuves dans leur lit.

    #qui_ca

  • J – 117 : Je n’arrive pas entièrement à me couper de l’actualité, c’en est même étonnant. Il y a quelques bribes qui finissent par passer quand même, à mon insu. En soit les bribes en question ne seraient pas graves, en fait si c’est grave, tant elles ne me donnent pas d’indication directe à propos de ce que je veux ignorer de toutes mes forces, l’identité du prochain locataire-propriétaire de l’Elysée, oui, c’est cela la clef de lecture de Qui ça ? , je peux bien vous le dire maintenant, mais je remarque ces quelques bribes quand je les mets bout à bout finissent par me renseigner sur ce que j’étais parvenu à ignorer jusque-là.

    Donc, Marine Le Pen a pris le pouvoir et personne ne m’en a rien dit. Sans doute que tout un chacun a peur et plus personne n’ose parler, tout le monde fait mine de continuer à poursuivre son petit bonhomme de chemin, comme si de rien n’était, mais c’est surtout dans un souci de ne pas se faire remarquer. Parce qu’en fait, tout le monde a peur. Et cela je l’ai toujours soupçonné. J’ai toujours su que l’arrivée au pouvoir du Front National se passerait de cette façon, que cela passerait inaperçu, qu’en fait c’est déjà arrivé et que l’on ferait tous semblant de rien.

    Déjà en 2002, le 21 avril, c’était comme ça. Le Pen n’a pas été élu mais son programme si. Et cela a trompé tout le monde. On s’est réjoui trop vite et à mauvais escient. Ce qu’il faut retenir c’est qu’en 2002, 100% des Français ont voté pour l’extrême droite et que ce n’est pas une exagération de ma part, que j’ai l’air comme ça de confondre le R.P.R. et le Front National, non, je ne les confonds pas, ils sont strictement identiques. Relisez deux choses, le programme électoral du Front National pour les élections présidentielles de 2002, la section sur la sécurité intérieure, et les lois Sarkozy-Perben, vous verrez que 12 des 24 mesures préconisées par le Front National figurent en bonne place dans ces lois de sécurité, et maintenant imaginez qu’au lieu du candidat d’extrême droite Chirac (le bruit et les odeurs), c’eut été l’autre candidat d’extrême droite, Le Pen (la France aux Français et le steak au poivre) qui ait été choisi, franchement vous pensez qu’il aurait eu la moindre chance de réaliser la moitié de son programme. L’extrême droite de Le Pen en a rêvé, l’extrême droite de Chirac l’a fait.

    Ce n’est pas la tête du candidat qui est importante (et quel concours de beauté vraiment !), ce sont les programmes et les actes qu’il faut lire.

    En 2007, Le Pen a légué son héritage, non pas à sa fille, comme on le dit souvent, mais à son fils spirituel, Sarkozy.

    Pendant cinq ans, Sarkozy a été un président d’extrême droite, plus sans doute que n’aurait pû l’être Le Pen s’il avait été élu ce qu’il n’a pas été parce que justement son fils spirituel lui a volé ses voix. Pour ma part des signes de cet héritage, et de sa mise en action j’en ai relevé tellement, et cela dès le début, dès le printemps 2007 que j’avais entrepris, sans doute échauffé par certaines de mes lectures, notamment celle de Lingua Tertii Imperii (La langue du troisième Reich) de Viktor Klimperer et cette attention de linguiste au moindre glissement du discours, que j’avais entrepris donc d’en noter le moindre fait et geste, pour garder la trace de cette grande glissade : c’était le texte régulièrement mis à jour d’extreme_droite.txt. Mais je dois le reconnaître, j’ai été terrassé par le rythme de mon adversaire, comme on peut l’être par la vitesse d’exécution ou la puissance en mêlée d’un adversaire qui nous domine, contre lequel on ne peut rien, il faut dire, j’avais le sentiment, voilier, de partir à l’abordage d’un cuirassier, je me demande même si ce n’est pas à ce moment-là, qu’ivre de lectures (non pas de chevalerie mais de linguistique de combat), je n’ai pas commencé ma carrière de Don Quichotte du Val de Marne et ses assauts contre des moulins à vent, oui, qui, simple citoyen pouvait lutter contre ce rouleau compresseur, son rythme infernal et sa terrible masse ? C’est en lisant aujourd’hui le Journal de la crise, de 2006, 2007, 2008, d’avant et d’après de mon cher, tellement cher, ami Laurent Grisel que je me console, ma tentative n’était pas entièrement vaine et en deux petits endroits de son livre je lui suis venu en aide à ma tentative avortée, extreme_droite.txt.

    De 2007 à 2012, je n’en démords pas, la politique appliquée par les différents gouvernements Fillon a été une politique d’extrême droite, une guerre déclarée contre les faibles, les démunis au profit des nantis, et il m’est indifférent que les démunis aient pu provenir d’autres pays que le nôtre, surtout quand j’ai désormais acquis l’inébranlable conviction que les nantis n’avaient pas et n’ont toujours pas de frontière pour ce qui est de nous détrousser. De 2012 à 2017, c’est la même politique qui a été appliquée, en laissant croire dans un premier temps que non, pas du tout, on allait voir ce que l’on allait voir, mais en fait si, et même plus que si, il n’est pas exclu, par exemple, que Fillon Sarkozy seraient parvenus à imposer le contenu de la loi Travaille ! Encore une fois ce n’est pas la tête des hommes, et des rares femmes, politiques qui nous gouvernent qui me sert de boussole, mais bien leur programme, dans un premier temps, et leur politique, dans un second temps, et donc ne voyant pas la différence entre le Front National et le RPR et étant désormais convaincu que le PPS (Parti Pseudo Socialiste) avait dépassé les objectifs du RPR, je suis contraint de constater que l’extrême droite est au pouvoir, depuis en fait 15 ans. Que ce soit une photographie de l’oncle Raymond de la qualité française qui soit affichée dans toutes les mairies de France n’est pas un repère pour moi, que l’on plonge de tels portraits dans un bain d’acide et je sais très bien quel est le visage que l’on trouvera en dessous, celui de la présidente du front national un bandeau sur l’œil. Mais encore une fois, leur visage : quelle affaire ! On s’en moque éperdument.

    De même qu’entre 2007 et 2012, dans mon petit fichier extreme_droite.txt ( http://www.desordre.net/bloc/extreme_droite/index.htm ), j’avais relevé les faits suivants :

    20/07/2007 : Quatre syndicats de l’inspection du travail ont annoncé, vendredi 20 juillet, qu’ils déposaient un recours devant le Conseil d’Etat contre les attributions du ministre de l’Immigration Brice Hortefeux, qui permettent à ce dernier d’utiliser les inspecteurs du travail dans la recherche des travailleurs étrangers illégaux.

    5/09/2007 : La Ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, proteste contre cette citation dans une définition du Petit Robert : " Rebeu ou Reubeu, n. et adj. -1988 verlan de beur. FAM. péj. Arabe, beur. « T’es un pauvre petit rebeu qu’un connard de flic fait chier. C’est ça ? » Izzo. Des rebeux." et apporte son soutien à l’Unsa-police, premier syndicat de police dans sa volonté de faire pression pour censurer cette citation.

    13/09/2007 : Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse a proposé un amendement à l’assemblée visant à recourir à des test d’ADN à la charge des personnes déposant un dossier de regroupement familial.

    20/09/2007 : Le délai de recours contre les décisions de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), qui accorde ou refuse l’asile politique en France, a été réduit d’un mois à quinze jours.

    10/10/2007 : Des policiers en civil se font passer pour des conseillers d’éducation d’un collège pour arrêter des parents d’élèves sans papier dans le XVIIIème arrondissement de Paris.

    17/10/2007 : Les syndicats de l’ANPE et de l’Assedic dénoncent une « nouvelle mission d’auxiliaire de police », une « chasse à l’étranger », de « la délation »... En cause, un décret publié le 11 mai 2007, pris en application de la loi Sarkozy sur l’immigration et l’intégration du 24 juillet 2006, qui oblige, depuis le premier octobre, les agents de l’ANPE et des Assedic à transmettre « systématiquement » aux préfectures copie des titres de séjour et de travail des demandeurs d’emploi étrangers pour vérification.

    4/12/2007 : la police nationale propose des récompenses de plusieurs milliers d’euros pour encourager les habitants de Villiers le Bel à la délation, après les émeutes de fin novembre, dans le but de traquer les émeutiers les plus violents.

    Avez-vous le sentiment que ce soit là de petits faits, des faits anodins, comme l’étymologie du mot le signifie, a nodos, hors douleur en grec, des faits qui soient tellement différents de ceux d’aujourd’hui finalement ?

    Doutez-vous encore de la vraie couleur de ce régime politique ? Et du coup, vous m’expliquerez comment il est possible sinon, que nous ne soyons pas encore sous le régime politique du Front National et qu’un enseignant et un agriculteur soient poursuivis en justice pour avoir apporté secours à des personnes entièrement égarées à la frontière entre la France et l’Italie, frontière dont j’entends qu’elle a été rétablie, alors que ces deux pays font partie du même espace européen, on ne me dit pas tout mais je comprends certaines choses tout de même, qu’un automobiliste a sciemment écrasé trois femmes voilées dans les rues d’Armentières, Nord, qu’il a été relâché peu de temps après les faits et que le commissariat de police d’Armentières, Nord a d’abord refusé de recevoir la plainte contre X d’une de ces femmes, la première qui soit parvenue à se relever de son lit d’hôpital, et qu’un maire a envoyé la police municipale dans une école au motif qu’un professeur entendait y faire étudier à ses élèves la langue arabe, je rappelle qu’en république, l’école est un sanctuaire que la police n’a rien à y faire, donc toutes ces petites choses que j’apprends malgré tout, en faisant tant d’efforts pour les ignorer, pour n’en rien savoir, surtout ne rien savoir des grandes agitations, de ceux qui se disputent aujourd’hui le déshonneur d’être dictateur à la place du dictateur, vous voudriez me faire croire que le Front National n’est pas au pouvoir.

    Encore une fois j’en ai rien à foutre de la tête du ou de la locataire-propriétaire de l’Elysée, je ne vote pas pour des personnes, je vote pour un programme, enfin cela c’était du temps où je votais, il m’en aura fallu du temps pour comprendre que le vote, son droit et son exercice, étaient des leurres.

    Il vous faut encore quelques preuves supplémentaires pour comprendre que la peste brune est déjà au pouvoir ? Ou est-ce que vous voulez attendre qu’on n’ait vraiment même plus le droit de le dire pour être sûr qu’effectivement, l’extrême droite, le front national, le fascisme, le racisme sont au pouvoir ? Soyez alors tranquille, je crois qu’il n’y a désormais plus très longtemps à attendre.

    #qui_ca

  • J – 134 : J’ai déjà le titre de cette chronique en tête, et cela depuis le début de la lecture de ce deuxième tome du Journal de la crise de Laurent Grisel. Le titre ce serait Un poète chez les phynanciers .

    De même, depuis ma lecture du premier tome, et en entamant la lecture de ce deuxième tome, je me rends compte que je ne peux pas faire vraiment une chronique d’un tel livre, Laurent est un ami cher, les enjeux de son livre me sont incroyablement familiers, Laurent a en quelque sorte réussi là où j’avais échoué par manque de force et d’opiniâtreté, mais surtout il est allé infiniment plus loin que je n’aurais jamais été capable d’aller. Son courage, sa détermination et son intelligence brillante du sujet rendent d’emblée la chronique impossible. Alors disons que je vais, non pas écrire une lettre ouverte à Laurent, ce serait détestable et aux antipodes de notre dialogue habituel, mais disons partager un certain nombre de choses que je voudrais discuter avec Laurent la prochaine fois que nous nous verrons, en Bourgogne ou à Paris, qu’importe.

    Déjà, je trouve qu’il faut un courage hors du commun pour vouloir en découdre avec la machine à coudre, se fader de telles lectures, tenter de comprendre, et les comprendre, tous ces mécanismes phynanciers qui sont systématiquement présentés comme tellement complexes qu’ils sont en dehors de la portée du commun des mortels, nous avons tous l’intuition qu’il y a là un énorme bobard, mais encore faut-il le démontrer, et donc, pour cela puiser dans la masse indifférenciée de toute cette exégèse obscène de la pensée économique, de la pensée unique. Pour comprendre et décortiquer comment fonctionne le marché des produits dérivés, et là vous comprenez, en un éclair, mais un peu tard, que ces saloperies de calculs de dérivées sur lesquels on vous faisait suer en terminale, ces calculs ont une application en dépit de leur apparente abstraction - et cette application est nocive -, pour comprendre et décortiquer comment la vente et la revente de dettes, que ce soit celle de particuliers qui tentent d’acquérir un bien foncier ou celles d’états, souverains seulement en apparence, n’a qu’une seule vertu, celle de maintenir la tête de l’endetté sous l’eau, de lui donner, de temps à autre, l’illusion d’une possible respiration, de plus en plus espacée dans le temps, jusqu’à la faillite, la mort par noyade phynancière de l’endetté, toutes ces familles américaines qui, en dépit d’avoir payé au moins la part nette de leur emprunt, se voient en fait jetées hors de leur maison et ces états en faillite auxquels, tels la Grèce, on impose de s’endetter davantage, notamment pour pouvoir faire face à leurs dépenses militaires, dont en fait elles n’ont pas du tout besoin - contre qui la Grèce est-elle en guerre, à part l’Allemagne, qui justement vend des armes à la Grèce ?

    Les explications de Laurent Grisel sont parfois difficiles à suivre et il faut parfois faire le chemin que lui a fait, de reconstituer certains fonctionnement sur du papier libre, jusqu’aux deux tiers du livre où le lecteur accepte désormais que ce poète aventureux dans cette vallée de vautours et de fonds éponymes ne nous raconte pas d’histoires, au contraire de ceux dont la voix est omniprésente - pour nous expliquer que ouh là là ma bonne dame c’est pas du tout aussi simple que cela, laissez-moi vous expliquer les tenants et les aboutissants du marché obligataire - en faveur de la pensée et de la parole uniques. Et puis, de temps en temps, quelques passages, qui étaient nettement plus nombreux dans le premier tome, et qui avaient ma faveur - au point que je dédicace Qui ça ? à Laurent : « Pour mon ami Laurent Grisel, ce journal, comme un anti-journal, inspiré en négatif de son Journal de la crise. Laurent, ce qui compte dans ton Journal de la crise, c’est beaucoup plus la narration de tes faits propres, tellement plus immenses que ceux que nous peinons à retenir en dépit qu’ils nous soient rabâchés et qu’on ferait aussi bien, au contraire, d’oublier. » - dans lesquels on suit, donc, le travail de tous les jours de Laurent quand il est qui il est, un poète, et pas des moindres, et qui consent ce sacrifice insigne de plonger au cœur même de la broyeuse pour nous avertir de ses dangers.

    En cela la stratégie de Laurent Grisel ressemble fort à celle d’un Paul Jorion, souvent cité dans le livre au même titre que Pizzigati, ainsi, quand Laurent Grisel lit ceci ans le journal du MAUSS ( http://www.journaldumauss.net ) :

    « Il faut appeler un chat un chat, le libéralisme est la philosophie spontanée du milieu des affaires : laissez-moi poursuivre mon intérêt particulier et l’intérêt général en bénéficiera. De fait, paradoxalement, cela marche toujours, jusqu’à un certain degré, parce que même l’exercice d’une avidité égoïste oblige celui qu’elle motive à consacrer une partie de ses efforts à maintenir en état de marche le contexte général au sein duquel elle s’exerce. C’est ce qu’évoque Adam Smith avec la "main invisible". Si l’on veut jouer au football avec l’intention ferme de gagner, il convient quand même de se mettre d’accord avec les autres joueurs pour savoir qui louera le terrain, qui s’occupera d’entretenir le gazon. L’être humain est social, quoi qu’il en pense, et même son intérêt égoïste exige la collaboration, la coopération »,

    il en conclut sans mal cette transcendance remarquable : ce qui marche dans le capitalisme, c’est le communisme.

    Un des autres grands mérites de ce livre est aussi de nous donner une vision rétrospective d’une valeur assez égale à celle, elle panoptique, qu’Emmanuel Addely nous donne, dans Je Paie , des dix dernières années, et qui montre que, non seulement les choses ne s’améliorent pas, Laurent Grisel lui, montre qu’au contraire elles se tendent et que le choc à la rupture n’en sera que plus violent : y aura-t-il de la guerre avant Noël ? C’est un rappel utile, en effet, de constater que, contrairement à ce qui est rabâché sans cesse à propos de la crise financière actuelle, les choses ne datent pas de 2008, en ayant pris tout un chacun par surprise, non, elles sont largement antérieures, elles sont visibles, dans leur caractère systémique, dès 2006, et en 2007, elles ne sont plus remises en question, par personne du milieu, la seule question étant de savoir, apparemment c’est un jeu fréquent de la profession, jusqu’où il peut être trop tard pour sauter de ce train lancé pleine vapeur contre une montagne sachant que le train est de toute manière sorti des rails depuis fort longtemps. Nul doute qu’à ce jeu, façon Rebel without a cause de Nicholas Ray, les plus malins ont sauté depuis longtemps, sont déjà la recherche d’un autre train à dévaliser, et que par ailleurs le train condamné transporte de très nombreux passagers, en fait, l’humanité entière.

    Cela fait vraiment un bien fou de lire tout cela en pleine clarté, et je me dis que j’ai enfin trouvé quelqu’un pour répondre à cette question qui me taraude depuis 2008 : lorsque le gouvernement étatsunien a levé 2000 milliards de dollars pour renflouer ces banques hors-la-loi, sans aucune contrepartie, sans aucun exigence, et pareillement dans le reste du Monde, pourquoi est-ce qu’il n’a pas fait transiter ces milliards par les créanciers de ces banques voleuses, le coup était double, les particuliers restaient en possession de biens qu’ils avaient malgré tout, peu ou prou remboursés, et les banques scélérates étaient renflouées.

    La réponse à cette question, seul un poète pouvait me la donner. La réponse c’est : « parce que. »

    Et quelle tendresse j’ai pour mon ami en lisant ce passage qui conclut un très âpre paragraphe à propos des produits dérivés et leur enfer :

    « Samedi 10 février 2007. Grand anniversaire de l’ami M., notre voisin. Beaucoup de monde, de musique, la grande est pleine et joyeuse. Pas un seul à qui parler de l’enquête en cours, pas un qui ait l’air de se douter du grand effondrement… »

    Exercice #57 de Henry Carroll : Photographiez un son

    Ce qui est peu ou propu le principe de l’Image enregistrée . ( http://www.desordre.net/bloc/image_enregistree/index_arthrose.htm )

    #qui_ca

  • J – 138 : Aujourd’hui j’ai décidé que j’allais faire une petite séance de défonce de portes ouvertes. Clint Eastwood. Cinéaste de droite, et révisionniste. Son dernier film. Sully . Film de droite jusque dans son esthétique. Vous voyez la démonstration ne devrait pas poser trop de difficulté.

    Et du coup on peut même se poser la question de savoir ce que je pouvais bien faire dans une salle de cinéma pour voir le dernier film de Clint Eastwood, qui plus est avec ma fille cadette, la merveilleuse Adèle, qui mérite sans doute mieux, dans son parcours de formation, notamment au cinéma. De même que j’avoue une prédilection tout à fait coupable pour les films de James Bond, je dois reconnaître que j’aime par-dessus tout le film de catastrophe aérienne, même quand ils sont assez mauvais et j’en rate peu et du coup je peux dire qu’ils sont généralement unanimement mauvais, les pires étant souvent ceux de détournements d’avions avec sauvetage héroïque par des troupes d’élite, autant vous dire que ceux-là ne sont pas mes préférés. Expliquer pourquoi mon goût cinéphile est aussi déplorable, s’agissant des films de James Bond, est assez embarrassant, cela a beaucoup à voir je crois avec une certaine scène du premier James Bond dans laquelle on voir Ursula Andres sortir de l’eau dans un bikini blanc fort chaste à l’époque, complètement ravageur du point de vue de ma libido naissante, pré-adolescent, en colonie de vacances à Villars de Lans, le film projeté avec un vrai projecteur, sur un drap tendu dans la salle de ping-pong, la plupart d’entre nous assis parterre. Pour ce qui est des films de catastrophe aérienne, c’est un peu moins honteux, cela a à voir aussi avec un souvenir d’enfance, mais d’un tout autre ordre. Mon père était ingénieur en aéronautique, et il est arrivé, plus d’une fois, quand nous étions enfants, mon frère Alain et moi, qu’il soit appelé, c’était souvent le soir, au téléphone à la maison, pour conseiller à distance des équipes techniques ou carrément remettre son pardessus et sa cravate et repartir au travail faire face à des situations, dont il lui arrive aujourd’hui de parler plus librement et qui n’avaient rien de simple apparemment, certaines sont assez cocasses comme l’histoire de cette vieille dame qui avait été mal aiguillée, en partance dans un vol pour la Côte d’Ivoire et qui au bout d’une douzaine d’heures de vol s’étonnait auprès d’une hôtesse de n’être toujours pas arrivée, indocte qu’elle fut qu’elle était en fait sur le point de se poser à Singapore. D’autres anecdotes sont sans doute moins plaisantes. Un soir, nous regardions en famille un film dont je viens de retrouver le titre en faisant la rechercher suivante, « film de catastrophe aérienne » + « Burt Lancaster », il s’agit donc d’ Airport , film de 1970, dont de nombreuses scènes se passent dans la tour de contrôle d’un aéroport aux prises avec une situation de crise et dans lequel film un personnage se tourne vers le personnage interprété par Burt Lancaster, « et maintenant qu’est-ce qu’on fait Chef ? » Et mon frère Alain, rarement en manque de répartie, avait répondu : « On appelle De Jonckheere ». Les films de catastrophe aérienne vus à la télévision en famille avaient pour moi cet éclairage particulier que de temps en temps, ils faisaient sourire mon père qui commentait gentiment que certains situations étaient hautement improbables. Bref, je garde pour le souvenir d’Airport de George Seaton, 1970, comme pour celui de ces soirées de télévision familiales lointaines, une prédilection étonnante, eut égard à mon rapport assez critique en général à propos des films de fiction, donc, pour les films de catastrophe aérienne.

    Les films de catastrophe aérienne sont unanimement mauvais, j’aurais bien du mal à en sauver un dans le genre, peut-être le Vol du Phenix de Robert Aldrich avec James Stewart, mais ce n’est pas non plus un chef d’œuvre, mais le récit est assez étonnant.

    Et donc Sully de Clint Eastwood. Avec Adèle en plus. La honte.

    Depuis une dizaine d’années Clint Eastwood réécrit la grande narration performative et nationale des Etats-Unis, ne se contenant d’ailleurs pas toujours de réécrire avantageusement l’histoire de son pays, puisque son récit d’Invictus fait l’éloge inconditionnel de Nelson Mandela et voudrait nous faire croire que la nation multicolore sud africaine s’est bâtie sur la victoire des Bocks sur les All Blacks , comme c’est mignon, comme c’est loin de la réalité et comme surtout ce passe sous silence la pieuse tricherie du bon Mandela ( http://www.desordre.net/blog/?debut=2010-05-02#2487 ), pareillement le récit d’American Sniper est à gerber, qui, même s’il frôle par endroits à quel point quelques soldats américains auront laissé des plumes dans cette guerre d’Irak du fils, continue de remarquablement regarder ailleurs quand il s’agirait de considérer le martyr de la population irakienne, mais que voulez vous Clint Eastwood il est américain, à ce titre, il pense que les éléments de sa nation ont des droits supérieurs et valent mieux que les habitants d’autres pays, pensez s’il va se pencher sur la souffrance d’un pays du tiers Monde même si ce dernier est pétrolifère, il est au contraire plus urgent de construire une statue de commandeur à un gars de chez lui, probablement con et inculte comme une valise sans poignée, mais très doué pour ce qui est de dégommer des Irakiens à distance, aussi con que soit ce type il est aux yeux de Clint Eastwood et d’une nation de lavés du bulbe l’homme providentiel, concert de klaxons à ses funérailles, pauvre type providentiel, pauvres types qui klaxonnent.

    Sully donc, surnom de Chesley Sullenberger admirable commandant de bord qui en janvier 2009, avec une maestria et un sang-froid, un peu hors du commun tout de même, a réussi à amérir sur l’Hudson alors qu’il venait de décoller de La Guardia et quelques minutes plus tard, de perdre les deux moteurs de son airbus A320, d’où la nécessité de se poser, mais, las, aucune possibilité d’aller se poser sur une piste voisine. Cette catastrophe aérienne évitée, les 155 passagers de ce vol, de même que le personnel de bord tous sauvés, par ce geste extraordinaire de Chesley Sullenberger, quelques jours plus tard, le maire de New York lui remet les clefs de la ville et quelques jours encore plus tard il est invité à la première cérémonie d’investiture de Barak Obama, c’est vrai qu’après les huit années catastrophiques de Bush fils, on pouvait y voir un signe prometteur, on remarque d’ailleurs que Clint Eastwood en bon républicain crasse de sa mère coupe bien avant.

    Bon c’est sûr avec un miracle pareil, vous avez un film. Encore que. L’incident en lui-même et le sauvetage, c’est suffisamment répété dans le film, ne durent que 208 secondes, le sauvetage des passagers ayant ensuite trouvé refuge sur les ailes de l’avion, une vingtaine de minutes, du coup évidemment, il faudra recourir à quelques artifices du récit, surtout en amont, le coup des trois passagers qui attrapent leur vol in extremis, le gentil commandant de bord qui connait tout le monde à La Guardia, même la vendeuse de sandwichs pakistanaise, et ensuite en aval, la célébration du héros, foin du miracle trop rapide pour le cinéma, en brodant un peu, vous l’avez votre film.

    C’est sans compter sur la volonté dextrogène du Clint Eastwood républicain de sa mère, il ne suffit pas que l’avion se soit posé, que les passagers soient sauvés, Sully est un homme providentiel et si vous n’aviez pas compris que d’aller poser son coucou sur les eaux glacées de L’Hudson en janvier était miraculeux, on va vous le montrer et vous le remontrer, un certain nombre de fois, quatre ou cinq fois si ma mémoire est bonne, et comme on peut douter que vous ayez vraiment compris que Sully il a vraiment été très fort, on vous montre aussi, cela aussi répété trois fois, ce qu’il aurait pu se passer s’il n’avait pas été assez fort, c’est-à-dire, l’avion aller se cracher sur les banlieues denses du New Jersey, sauf que ces dernières étant peu photogéniques, on dira que c’était l’Hudson River ou le sud de Manhattan et là autant vous dire que cela claque visuellement, et des fois que vous n’ayez toujours pas compris que cette scène est un remake d’un truc qui s’est déjà produit au même endroit un certain 11 septembre, dont la moitié des Américains seulement sont capables de savoir que c’était celui de l’année 2001 — ils savent juste que c’est nine-eleven comme ils disent —, on n’est pas aidé avec un public pareil, pas étonnant que le vieux Clint Eastwood républicain de sa maman il soit un peu obligé de souligner certains passages trois fois en rouge, bref si vous n’aviez pas suivi que c’était à cela que cela faisait référence, vous aurez une scène qui vous dira que oui, un tel miracle à New York cela fait du bien, qui plus est un miracle aéronautique. Bref du lourd, du charpenté, des câbles d’amarrage pour ficeller le récit. Vous avez compris que Sully c’était un héros ? Un type providentiel ? C’est bon je n’insiste pas ?

    Ben Clint Eastwood, républicain, je crois que je vous l’ai déjà dit, qui aime croire à la providence des grands hommes du cru, il ne voudrait pas non plus que vous ignopriez qu’en plus le héros, on l’a emmerdé vous n’avez pas idée, parce que voilà quand même on se demandait si à la base il n’aurait pas commis un erreur de jugement et que si cela se trouve, en fait, il aurait très pu aller poser son coucou sur la piste de Newark dans le New Jersey tout juste voisin et que là quand même, en choisissant un terrain aussi défavorable et risqué il a quand même pris un sacré pari, un pari à 155 âmes. Alors à la commission d’enquête, ils ont peut-être été un peu tatillons, blessants, peut-être, envers le héros national en tentant de lui opposer que certes l’histoire se finit bien encore que le zingue qui a dû coûter un bras, ben il est au fond de l’eau, sans doute pas réparable. A vrai dire, c’est possible, je n’en sais rien, je m’en fous un peu même. Je note aussi au passage que Clint Eastwood de la providence républicaine dans cet endroit du film commet surtout le plagiat assez éhonté d’un très mauvais film, Flight de Robert Zemeckis, et que si cela se trouve c’est avec cette enquête prétendument interminable qu’il comble et qu’il meuble, là où le récit dans sa durée originale n’est peut-être pas suffisant pour tenir le film entier, même répété à l’envi. A vrai dire je ne connais pas bien l’histoire et ma curiosité n’est pas si grande, moi ce que j’aime dans les films de catastrophe aérienne, ce sont les scènes d’avion — et là j’ai bien aimé, faut avouer, la scène avec les deux F4 au dessus du Nevada, mais je m’égare —, il y a sans doute eu une enquête, elle a peut-être été un peu pénible, ce n’est même pas sûr, elle est présentée dans le film comme un péché de l’adminsitration, pensez, Clint Eastwood de sa maman, il a appelé à voter Trump, alors pensez si effectivement il va faire les louanges de quelque administration que ce soit, ce que je sais, et que le film ne dit pas c’est que la semaine suivante, le Chesley Sullenberger il était l’invité de Barack Obama pour sa première investiture à la Maison Blanche, de là à penser qu’il n’avait pas beaucoup de raisons de s’inquiéter sur la suite de la fin de sa carrière...

    Et, finalement, ce n’est pas tout, il y a une chose qui est entièrement passée sous silence dans ce film, dans l’après accident, plutôt que de passer des témoignages, genre télé-réalité de passagers miraculés pour entrelarder le générique, Clint Eastwood s’est bien gardé de nous dire que Chesley Sullenberger, son Sully donc, avait, en fait, intelligemment profité de son quart d’heure warholien pour attirer l’attention du Sénat américain sur les dangers de la dérégulation aérienne aux Etats-Unis, les mauvaises pratiques de la formation des jeunes pilotes et la dépréciation alarmante de la profession (c’était une chose que j’avais lue je ne sais plus où, et dont il me semblait aussi l’avoir vue dans un film, Capitalism, a love story , de Michael Moore, cinéaste dont je ne pense pourtant pas le plus grand bien, mais, vous l’aurez compris, pas autant de mal que Clint Eastwood).

    En fait ce que cela m’apprend, c’est que cette érection de l’homme providentiel m’est insupportable, on l’a bien compris, surtout envers et contre toutes les logiques collectives pourtant possibles, c’est le principe de tout programme de droite, se goberger pendant que cela dure et quand cela ne dure pas, ne plus avoir d’autres alternatives que d’attendre que l’homme providentiel — comme Roosevelt a su le faire en insufflant un peu de communisme dans le moteur capitaliste, ce qu’Obama n’a pas su faire, non qu’il n’ait pas nécessairement essayé d’ailleurs, pourtant, comme le montre Laurent Grisel, dans son Journal de la crise , ce qui marche dans le capitalisme c’est le communisme —, ne sauve la situation pour pouvoir de nouveau se goinfrer, sans comprendre que l’on ne peut pas toujours compter sur les hommes providentiels, parce qu’ils n’existent pas davantage que le père Noël et pas davantage que James Bond.

    Alors si je peux promettre raisonnablement que je n’irai plus jamais voir un film de catastrophe aérienne, cela va me coûter davantage avec les films de James Bond, la faute à Ursula.

    Exercice #53 de Henry Carroll : Utilisez le flash pour capturer l’énergie d’une fête

    #qui_ca

  • J – 144 : Aujourd’hui j’ai vécu dans un film de science-fiction très étonnant, de la science-fiction proche, disons une période, très prochaine donc, où l’on viendrait tout juste d’inventer la téléportation. Un matin vous vous levez un peu plus tôt, et vous vous dires tiens aujourd’hui j’irai bien déjeuner en terrasse de seiches a la plancha sur les bords du Rhône à Arles. Nous sommes en décembre, ni une ni deux, vous montez dans un tube d’acier avec votre éditeur et vous voilà propulsé en un tour de main sur la place du forum, mais une drôle de place du forum pas du tout celle que vous connaissez pour être l’endroit de la récompense partagée avec Madeleine après avoir visité au pas de charge les soixante expositions de photographies des Rencontres Internationales de la Photographie à Arles, en une seule journée, une bonne glace triple boules pour Madeleine, une simple pour vous chez Casa mia, une place du forum noire de monde et envahie par les terrasses concurrentes de tous les restaurants de la place, non, une place déserte, on pourrait presque y jouer au toucher (rugby sans placage, pour défendre vous devez toucher le porteur du ballon des deux mains, touché ! et il doit poser le ballon par terre), de même dans les petites rues inondées d’un soleil rasant et sur les murs desquelles ricoche un petite bise fraîche et pas un bruit dans les rues dont les magasins arborent dans les vitrines de surprenantes processions de santons — les santons élément indispensable à tout récit de science-fiction qui se respecte.

    La téléportation n’en est qu’à ses débuts, l’effet n’est pas immédiat, mais une conversation à rompre du bâton avec votre éditeur et c’est vraiment le sentiment que la Bourgogne et la vallée du Rhône ont été rayées de la carte par du givre et du brouillard et donc traversées dans un clignement d’œil. Et le changement subreptice de décor dans les rues familières d’Arles vous laisse à penser qu’en plus de téléportation il y a potentiellement eu voyage dans le temps ce qui vous est confirmé en visitant l’intérieur d’une maison où chaque bout de ficelle dans une boîte est à sa place, et cela depuis deux cents ans, un arrière-arrière-grand-père a même son portrait photographique des années 60 du dix-neuvième siècle qui trône, non pas sur le manteau d’une cheminée mais sur une pile de livres d’un autre âge celui des années septante mais, cette fois, les années septante du vingtième siècle. Vous avisez même les tranches de quelques collections de polar de cette époque dont vous jureriez disposer de quelques exemplaires des mêmes, eux serrés, dans les rayonnages de votre propre maison de famille, dans les Cévennes, à deux heures de route, plus au Nord donc.

    Arrive une heure fatidique, celle qui a motivé l’effet balbutiant, mais réussi, de téléportation, vous pénétrez dans le hall d’un hôtel de luxe assez minable, pensez les décorations intérieures ont été confiées à une petite frappe locale, c’est kitsch et draperies nouveaux riches à tous les étages, rendez-moi vite la poussière des rayonnages de la vieille maison de famille arlésienne, on vous fait patienter dans la cour carrée d’un ancien cloître, vous en profitez pour chiper quelques feuilles de sauge dans les parterres au cordeau et puis on vous appelle et vous pénétrez dans une grande pièce de salon, les représentants commerciaux de votre éditeur-distributeur-diffuseur — je n’ai pas entièrement suivi les explications ferroviaires de mon éditeur — sont fort polis et une trentaine de bonjours anisochrones vous viennent aux oreilles.

    Vous avez dix minutes.

    Le livre dont on vous demande de parler, il vous a fallu une bonne douzaine d’années pour l’écrire, puis pour l’oublier, pour le réécrire, puis le relire, le corriger, le réécrire, le relire et le corriger à nouveau encore et encore. Vous avez dix minutes qui connaissent le même phénomène d’accélération que lors de la téléportation et vous laissent finalement chancelant sur les bords du Rhône pour une dernière promenade avant d’attraper le téléporteur du soir, la lumière du couchant en hiver sur le fleuve est orgiaque, rien à voir avec cette matraque froide du plein jour en été, là où vous photographiez, chaque année ce coude que le Rhône fait, tel une génuflexion devant la majesté du musée Réattu.

    Dans le train, vous lisez la fin de Je Paie d’Emmanuel Adely. Le soir en arrivant chez vous, dans le Val de Marne, donc pas exactement limitrophe des Bouches du Rhône, vous trouvez dans votre boîte aux lettres le deuxième tome du Journal d’une crise que votre ami Laurent Grisel vous a envoyé, et vous constatez, amer, que le matin même vous aviez oublié de refermer la fenêtre de votre chambre en partant, la chambre est parfaitement ventilée certes, mais glaciale, comme la maison des Cévennes quand on la rouvre à Pâques après l’hiver.

    Exercice #50 de Henry Carroll : Faites de l’exposition une métaphore

    #qui_ca
    #une_fuite_en_egypte

  • Et des fois, les journées sont nettement moins drôles. Comme par exemple. Lever à 6H30, départ en trombe de la maison, je dépose Adèle à l’arrêt de bus des Rigollots, je fonce au travail, difficultés habituelles du lundi matin pour se connecter, rien d’insurmontable mais toujours cette hésitation, et si je ne pouvais pas me connecter pour de vrai ?, je profite de l’ open space vide de toute vie, de toute âme, pour prendre quelques photographies avec mon ardoise numérique, je peste, parce que voilà, ce n’est quand même pas un véritable appareil-photo et pourtant cela pourrait l’être — ce serait tellement beau une ardoise numérique qui prendrait des photographies avec la définition d’une chambre 20x25, même 4’X5’ ce serait beau, et, pour la beauté du geste, il faudrait continuer de se réfugier sous un drap noir et l’image apparaîtrait la tête en bas et très vignettée — , je relève mes courriels, je constate que pendant que je discutais, vendredi après-midi, avec mon éditeur — j’aime vraiment bien remuer dans la bouche ces mots de mon éditeur — de toutes sortes de choses passionnantes, le monde de l’informatique industrielle n’a pas connu de révolution qui le rendrait à la fois brillant et passionnant, et, qu’en mon absence, aucune réponse n’a été apportée aux nombreux courriels reçus — et, pareillement, les jeudis matins sont les plus âpres pour moi qui retrouve, après ma journée de temps partiel, tous les courriels, envoyés par les uns et les autres la veille, formant un épais matelas de courriels auxquels je vais devoir répondre avec la même urgence que ceux que je reçois également dans la matinée, une sorte de journée deux-en-un, le courriel c’est l’arme du diable, c’est toujours à vous d’y répondre, même quand vous êtes absent — j’assiste en fin de matinée à une réunion un peu à couteaux tirés, ce n’est pas le meilleur des apéritifs, j’en sors de fait le ventre noué — pensée pour ma petite Adèle dont c’est le symptôme en cas d’inquiétude et elles ne sont pas si rares —, je déjeune avec mon collègue Bruno qui part bientôt à la retraite, et comme je suis content à la fois pour lui et à la fois parce que cela va causer un tort considérable à tous ces brillants esprits qui claironnent que les cimetières sont remplis d’indispensables , après le départ du Bruno je saurais leur resservir froide cette formule que je déteste absolument et les occasions, n’en doutons pas, seront nombreuses, je repasse par le bureau où je prends quelques notes à propos de la réunion du matin, mais aussi de deux ou trois éléments discutés avec mon collègue Bruno — Bruno étant l’une des personnes à qui je dédie Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) — et je repars en réunion en fin d’après-midi, c’est nettement moins tendu que la réunion de ce matin, parce les participants nous sont reconnaissants des travaux récemment accomplis, je sors de la réunion et rentre à la maison, je fais sursauter Nathan qui vient juste de rentrer de son externat et qui fait un peu de jardinage. La maison est un peu en désordre, de la vaisselle en souffrance et des trucs qui traînent, je m’y emploie rapidement, je reçois un coup de téléphone de Madeleine qui me demande de venir en aide à une de ses camarades de lycée qui s’est blessée à la cheville et qu’il faudrait emmener aux urgences, le temps pour sa mère de nous y retrouver, un peu de confiture de circulation sur le chemin, au retour de l’hôpital — je remarque que les hôpitaux ne sont plus signalés par des panneaux de circulation, un grand H blanc sur fond bleu foncé carré, qui doivent, entre autres choses, intimer le calme et le silence pour les malades et donc l’interdiction d’actionner l’avertisseur sonore, encore un de ces signes discrets du temps, de sa fuite, de sa fuite en avant et du peu de cas finalement que nous faisons désormais pour les plus faibles, les plus démunis, et quand ce sera à notre tour d’y agoniser, nous mesurerons avec précision l’ampleur de notre égoïsme et plus personnes naturellement qui pourra entendre notre complainte et nos regrets et qui serions-nous pour nous en plaindre, nous qui avons unanimement manqué de respect envers nos prochains affligés, c’en serait presque moral, étonnamment —, en rentrant, je me mets à la confection expresse d’une quiche aux poireaux avec une salade d’épinards, nous dînons avec les enfants, quelques échanges de blagues, comme d’habitude, de gentilles moqueries, d’amabilités entre sœurs, rien d’inhabituel et comme j’aime cet habituel, la table à peine débarrassée, Madeleine étale le devoir d’Anglais sur lequel je lui ai promis de l’aide, un commentaire de texte à propos de The Oval Portrait d’Edgar Allan Poe, une petite merveille de narration fantastique, Madeleine sue un peu dessus, mais s’en affranchit très bien une fois que je la sors de l’ornière scolaire dans laquelle elle était embourbée, tandis qu’elle donne la dernière main à son devoir, je descends travailler une petite heure dans le garage, remonte vite, trop fatigué pour être très productif, ai un peu avancé tout de même sur Arthrose , et je me méfie de plus en plus de ces soirs où je vais au-delà de la fatigue et que je paye cher, en réparations futures, les erreurs et les étourderies que j’ai produites la veille au soir, parce que trop fatigué, plus assez concentré, je préfère, désormais, et de loin, depuis un an ou deux, de me lever fort tôt, mais l’esprit vif, je monte me coucher en lisant une vingtaine de pages de Je paie d’Emmanuel Adely que je lis à la fois goulument et admiratif et sans manquer de remarquer, en reposant le livre, à côté du précédent, celui de mon ami Laurent Grisel, le Journal de la crise et de leur trouver des airs de ressemblance, de faux frères, de jumeaux séparés à la naissance, cette idée du recensement poétique dans des extraits comptables, dans le cas d’Emmanuel Adely, purement comptable, jusqu’au vertige, ce serait une idée cela de tenir la chronique de ces deux livres ensemble.

    She was a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee. And evil was the hour when she saw, and loved, and wedded the painter. He, passionate, studious, austere, and having already a bride in his Art; she a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee; all light and smiles, and frolicsome as the young fawn; loving and cherishing all things; hating only the Art which was her rival; dreading only the pallet and brushes and other untoward instruments which deprived her of the countenance of her lover. It was thus a terrible thing for this lady to hear the painter speak of his desire to portray even his young bride. But she was humble and obedient, and sat meekly for many weeks in the dark, high turret-chamber where the light dripped upon the pale canvas only from overhead. But he, the painter, took glory in his work, which went on from hour to hour, and from day to day. And be was a passionate, and wild, and moody man, who became lost in reveries; so that he would not see that the light which fell so ghastly in that lone turret withered the health and the spirits of his bride, who pined visibly to all but him. Yet she smiled on and still on, uncomplainingly, because she saw that the painter (who had high renown) took a fervid and burning pleasure in his task, and wrought day and night to depict her who so loved him, yet who grew daily more dispirited and weak. And in sooth some who beheld the portrait spoke of its resemblance in low words, as of a mighty marvel, and a proof not less of the power of the painter than of his deep love for her whom he depicted so surpassingly well. But at length, as the labor drew nearer to its conclusion, there were admitted none into the turret; for the painter had grown wild with the ardor of his work, and turned his eyes from canvas merely, even to regard the countenance of his wife. And he would not see that the tints which he spread upon the canvas were drawn from the cheeks of her who sat beside him. And when many weeks bad passed, and but little remained to do, save one brush upon the mouth and one tint upon the eye, the spirit of the lady again flickered up as the flame within the socket of the lamp. And then the brush was given, and then the tint was placed; and, for one moment, the painter stood entranced before the work which he had wrought; but in the next, while he yet gazed, he grew tremulous and very pallid, and aghast, and crying with a loud voice, ’This is indeed Life itself!’ turned suddenly to regard his beloved : ? She was dead!

    Edgar Allan Poe

    Exercice #16 de Henry Carroll : Placez la tension au bord de votre cadre

    #qui_ca

  • https://www.youtube.com/watch?v=j90wXnECKiw

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/surnatural_orchestra_pauvre_paris.mp3

    On va encore dire que je mélange tout.

    La France est en guerre, déclare un président de la république dont force est de constater qu’il ne fait peur à personne, non d’ailleurs que ce soit ce que l’on attende de lui, c’est juste que c’est un peu court et un peu improvisé comme déclaration de guerre, les deux pieds dans la poussière et les gravats du Bataclan . Et on pourrait facilement pardonner ce manque d’assise, ce côté déclaration de guerre sur un coin de table de bistro, si en plus d’être improvisé, cette déclaration n’était pas complétement stupide. En fait monsieur le président pas très assuré, vous êtes assez con pour ne pas savoir, ou mal faire semblant de ne pas le savoir, ou pire encore, de penser que nous ne le savons pas, nous, que nous sommes assez cons pour ne pas le savoir, mais la France, notre petit pays gris, poussiéreux et peureux, est en guerre depuis le 8 mai 1945, depuis les massacres de Setif en Algérie, et je ne suis pas certain que si on cumule, depuis cette date de la fin de la Seconde guerre mondiale, et donc du début de la Troisième guerre mondiale, tous les jours, toutes les périodes, pendant lesquelles la France n’a pas été en guerre quelque part dans le Monde, on parvienne à quelques années de paix. Ainsi du 8 mai 1945 jusqu’à la fin de la guerre d’Indochine, cela aura été la guerre sans discontinuer. Puis ce furent les années septante, celles des ingérences giscardiennes, la légion qui saute un peu partout en Afrique, missions d’ingérence qui furent plus ou moins tacitement reconduites dans les années 80, en 1991, la première guerre d’Irak, celle du Père ― puisque nous ferons cette remarquable exception de ne pas participer à la guerre du Fils ―, la Bosnie-Herzégovie, en 1995, l’Afghanistan à partir de 2001, la Lybie en 2012 et désormais la Syrie, où on peut dire que l’engagement de la France aura été particulièrement anisochrone, nous n’y sommes pas allés quand il fallait et nous y sommes allés quand ce n’était plus le moment d’y aller ― au rugby on dirait arriver en retard au soutien ce que vos coéquipiers auront du mal à vous pardonner tant c’est l’essence même du jeu.

    Bref, ce n’est pas très brillant Monsieur le Président. Ni très rassurant. Tant l’intelligence ne semble pas être de votre côté, ni de celui de votre clique, à la fois les vôtres et à la fois vos faux ennemis, parce qu’avec la droite, dont vous êtes, c’est très pratique, que ce soit la droite de la droite, la droite droite ou la gauche de la droite, cela reste et cela restera toujours la droite.

    Et nous, que nous reste-t-il pour faire face aux dangers dont vous-mêmes ne serez jamais frappé, mais pour nous ce sont autant de dangers qui peuvent nous frapper à tout moment, pour tout vous dire, il ne s’en est pas fallu de grand-chose pour vous ayez à prononcer mon nom parmi une liste de personnes ayant laissé la vie ce fameux soir de novembre l’année dernière, dangers dont on doit sans doute remercier votre incompétence crasse, votre absence de courage et in fine votre manque constant d’intelligence, de vision sur le long terme, de nous faire pleuvoir ces dangers sur la tête, que nous reste-t-il face à ces ciels sombres ?, eh bien il nous reste la poésie, la musique aussi, la beauté sans doute, mais aussi le courage, le courage que nous donne notre fragilité.

    Tout cela, la poésie, la musique, la beauté, le courage et la fragilité, je l’ai vu sur scène, sur la scène d’un chapiteau, samedi soir, lors d’un spectacle intitulé l’Esquif , rencontre prodigieuse entre la compagnie Inextremiste Basinga et le Surnatural Orchestra et j’en aurais pleuré. Surtout à la fin.

    J’imagine qu’il faudrait que je fasse la chronique de ce qui m’a tant plu, tant ému, dans ce spectacle, ce serait très difficile tant chaque moment de ce spectacle m’a enchanté à la fois par sa beauté, pour les risques aussi bien physiques qu’esthétiques qui étaient encourus par tous, et cette manière de solidarité qui était une évidence et à laquelle le public s’est même, contre son gré, retrouvé mêlé. Pour ce faire il faudrait presque que je commence par la fin. Essayons.

    Le dernier morceau du dernier album du Surnatural Orchestra , Ronde , s’intitule Pauvre Paris , c’est un morceau lent, triste, avec un passage de chœur au milieu du morceau, il y a dans ce morceau une évidence, c’est la musique que les attentats du 13 novembre ont inspirée aux musiciens du Surnatural Orchestra , c’est triste comme des rues sombres, désertes et pluvieuses au milieu d’une nuit d’errance, c’est triste et c’est beau et les chœurs disent assez bien que la grande faucheuse est passée par là, c’est en mode mineur de chez mineur, impossible d’écouter ce morceau sans sentir la tristesse vous prendre aux tripes, le chœur décroit, la musique avec lui, et puis c’est une relance terrible, un riff rageur de guitare électrique et une envolée à la Surnatural , c’est free , extrêmement free , free de chez-free-en-face, tendance free , les saxophones hurlent, après la tristesse, le refus, à la fois le refus de la tristesse et le refus de se laisser enterrer, l’envie de vivre, on ne peut pas continuer, il faut continuer, on va continuer. C’est poignant et, de fait, on a, aussi, envie de continuer. Et maintenant imaginez la vingtaine de musiciens du Surnatural jouer cette folie, cette beauté d’abord triste et chaloupée, puis cette hargne pleine de défi, ces vingt musiciens, batteur et percussionniste compris, en équilibre sur trois madrillets qui ploient sous le poids des musiciens, de leurs instruments et de leur danse, les trois madrillets en équilibre sur trois bouteilles de gaz, à tout moment ils peuvent tous tomber, tous ensemble, et ils jouent et comme ils jouent ! Mieux, les trois acrobates équilibristes installent un quatrième côté, un madrillet en équilibre sur une bouteille de gaz et vont chercher quelques personnes dans le public et les emmènent en équilibre sur ce si tellement frêle esquif, et c’est tout le public qui est relié à cette précarité : tout est dit, notre fragilité, le courage qui peut être le nôtre en étant collectif, solidaire, la beauté, la poésie et la musique. Enfin. Enfin un peu d’intelligence et de la beauté. Comme réponse.

    Je maintiens ce que j’ai déjà écrit ici, ce que j’avais échangé avec mon ami poète Laurent Grisel, à Autun, après Apnées : nos agissements ont tellement plus de portée que ceux des sinistres que nous tentons de marquer à la culotte .

    En vrac quelques descriptions des moments parfois sublimes de ce spectacle. La femme funambule fait son numéro sur un filin qui est maintenu tendu au-dessus du vide par la traction d’une vingtaine de spectateurs qui tirent sur ce filin, ce sont ces vingt et quelques spectateurs qui sont responsables de son équilibre.

    Avant même que le spectacle commence, on est déjà sollicité, le tromboniste distribue des hélices aux spectateurs tels des messages que ces spectateurs doivent aller apporter à d’autres spectateurs, l’autre spectateur c’est un étranger, le message un poème, et le poème donné, l’étranger est un semblable. Le tromboniste est par ailleurs prisonnier de la longueur limitée de la planche qui se trouve en équilibre sur deux bouteilles de gaz. C’est donc en engageant les spectateurs qu’il peut en atteindre d’autres.

    Constamment les trois équilibristes sont les anges gardiens des musiciens qui sont presque agis par eux, à quelques expressions près, on voit à peine les équili-bristes, c’est une manière de spectacle d’équilibre par procuration.

    À aucun moment l’équilibre des musiciens ne paraît très assuré, la fragilité est non feinte, elle est avérée et elle est sans cesse menacée, souvent par le même équilibriste un peu fou, en costume colonial, qui représente, à lui seul, le danger.

    Lorsque le tromboniste, encore lui, va recruter des spectateurs pour tirer sur le câble de la funambule, il crée sciemment de l’inconfort et de la gêne, il faudra un jour que nous réalisions que nous ne sommes plus garantis de rien et que nous de-vons lever notre cul et descendre dans l’arène.

    Après les applaudissements, le saxophone alto explique la nécessité d’une quête en faveur de la CIMADE du plateau des Mille vaches qui vient en aide aux réfugiés et leur donner cet asile que les sinistres refusent en notre nom.

    Je ne résiste pas à la tentation et au plaisir de pointer vers cette chronique :

    La Suède connaît un boom économique inattendu.
    Les économistes suédois n’en reviennent pas : ils ont dû revoir en urgence leurs modèles pour tenter de comprendre ce qu’il se passait avec leur pays. Imaginez : au quatrième trimestre 2015, c’est-à-dire l’hiver dernier, la Suède a connu un taux de croissance de 4,5%.
    Il a bien fallu trouver une explication. Les économistes distingués du royaume se sont réunis en congrès, ont passé des jours entiers à trifouiller les statistiques et, enfin, après des heures de discussions et de controverses, ils sont arrivé à un consensus scandinave.
    La raison de cette croissance aussi époustouflante que soudaine tient en un mot : les migrants. La Suède est, en proportion, le pays d’Europe qui, en 2014 et 2015, a accueilli le plus de réfugiés en Europe : 160 000 personnes pour 9 millions et demi d’habitants.

    https://www.franceinter.fr/emissions/les-histoires-du-monde/les-histoires-du-monde-10-octobre-2016 (https://seenthis.net/messages/531955 )

    Que les sinistres démissionnent et que l’on donne le pouvoir au Surnatural Orchestra , ils ne pourront jamais faire pire que les sinistres. Ce serait la seule chose responsable à faire.

    #qui_ca

  • J-227 : Magie de voir Dominique (@dominique) et Michele évoluer dans le cadre tellement familier de la Folie à Autun, chez Martin et Isa. Grande tablée samedi midi, balance l’après-midi avec Rose aux boutons, Dominique après une petite demi-heure de réglages qui déclare être comme un coq en pâte , moi tout proche d’un des retours de scène de Michele, j’entends les moindres détails de son jeu tellement subtil, on y est, là où je voulais être, dès le début de l’été.

    Plus tard le soir.

    Pendant que les spectateurs entrent et s’installent, et découvrent tout à la fois le caractère chaleureux de la scène, le set de Michele, la table de contrôle de Dominique, ma petite table à moi aussi, les deux tapis au sol qui délimitent la scène, l’écran derrière, sur lequel est projeté en boucle lente la séquence de la truite aux gommettes, Dominique a installé une manière de prologue auto généré. De temps en temps j’épie depuis la porte de l’atelier de Martin, je trouve cela beau et surtout très accueillant. Au premier rang, je vois Adèle qui est déjà en train de filmer en suivant mes recommandations, cette beauté de la transmission avec mes enfants.

    On s’installe, je réduis la luminosité de ce premier tableau, la main tremblante de trac sur la glissière de couche alpha, puis je bascule sur le calque suivant, celui des Croutes dorées explorées à la lampe de poche (http://www.desordre.net/bloc/contre/spectacle/images/croutes/grandes/index.htm), parfaite réaction de Dominique, on n’entend pas un bruit dans la salle, Michele installe quelques petits craquements dont il a le secret et c’est parti. Je suis tendu comme un arc.

    Durant une heure je prends un plaisir tellement vif à ces enchaînements, mes propres improvisations, mes petites audaces encore timides, des moments où les images et la musique, son rythme, son atmosphère, se touchent parfaitement, s’enlacent, le sentiment de produire avec les deux musiciens un objet rêvé, et cela tombe bien parce que c’est le thème même de ce que je voulais faire, des images paradoxales, spectrales, abstraites par endroits, complexes aussi, cette heure aura été la plus rapide de toute mon existence, la plus belle aussi sans doute, la plus paradoxale sans doute aussi, j’étais à la fois fiévreux de peur et à la fois au comble du bonheur, comme si les images qui étaient projetées sortaient littéralement de ma tête.

    Joie d’entendre le tonnerre d’applaudissements, le salut, bras dessus bras dessous avec Dominique et Michele, la force de ce triangle d’amitié, et le géné-rique qui arrache un sourire et des applaudissements répétés de la part de la septantaine de personnes présentes. Joie ensuite de croiser les regards de quelques amis, après le spectacle, tandis que nous dégustons quelques bouchées de pure sorcellerie culinaire d’Isa, parmi lesquels Laurent Grisel (@laurent2), avec lequel j’échange à propos de son Journal de la crise et de Qui ça ?

    Oui, Laurent, je maintiens, nos propres agissements ont tellement plus de portée que ceux des sinistres que nous tentons de marquer à la culotte, avec des moyens inégaux, ceux de simples citoyens conscients, pas floués, pots de terre lan-cés, tels des bouteilles de champagne, contre la coque du France dans la rade du Havre, en 1964, ne nous brisons pas inutilement. En tout cas pas contre de tels blindages d’égoïsme et, in fine, de bêtise et de lâcheté.

    #qui_ca

  • http://www.youtube.com/watch?v=F8Rm8X0PWng

    http://lecturesenscene.wordpress.com/2013/09/19/video-lectures-en-scene-1

    @l_l_de_mars et @laurent2 dans leurs oeuvres. Le 7 décembre 2012, la Médiathèque de Suresnes a accueilli Laurent Grisel et L.L. de Mars pour une présentation de leur ouvrage Les Misères et les malheurs de la guerre d’après Jacques Callot noble lorrain (éditions Ion). Cette lecture de ses poèmes par Laurent Grisel accompagné d’un concert de musique improvisée par L.L. de Mars constitue la première édition des Lectures en scène, cycle d’invitations sous forme de carte blanche à des auteurs pour lire/présenter/discuter leurs textes en donnant à l’événement la forme de leur choix (lecture, concert, performance, projection, web, exposition…).

    Comme ça c’est moi qui le fais pour eux, les copains, ils n’auront pas le droit au #shameless_autopromo ( damned encore raté !)