person:luc boltanski

  • Brazilian media report that police are entering university classrooms to interrogate professors

    In advance of this Sunday’s second-round presidential election between far-right politician Jair #Bolsonaro and center-left candidate Fernando Haddad, Brazilian media are reporting that Brazilian police have been staging raids, at times without warrants, in universities across the country this week. In these raids, police have been questioning professors and confiscating materials belonging to students and professors.

    The raids are part a supposed attempt to stop illegal electoral advertising. Brazilian election law prohibits electoral publicity in public spaces. However, many of the confiscated materials do not mention candidates. Among such confiscated materials are a flag for the Universidade Federal Fluminense reading “UFF School of Law - Anti-Fascist” and flyers titled “Manifest in Defense of Democracy and Public Universities.”

    For those worrying about Brazilian democracy, these raids are some of the most troubling signs yet of the problems the country faces. They indicate the extremes of Brazilian political polarization: Anti-fascist and pro-democracy speech is now interpreted as illegal advertising in favor of one candidate (Fernando Haddad) and against another (Jair Bolsonaro). In the long run, the politicization of these two terms will hurt support for the idea of democracy, and bolster support for the idea of fascism.

    In the short run, the raids have even more troublesome implications. Warrantless police raids in university classrooms to monitor professor speech have worrisome echoes of Brazil’s 1964-1985 military regime — particularly when the speech the raids are seeking to stop is not actually illegal.

    Perhaps the most concerning point of all is that these raids are happening before Bolsonaro takes office. They have often been initiated by complaints from Bolsonaro supporters. All of this suggests that if Bolsonaro wins the election — as is widely expected — and seeks to suppress the speech of his opponents, whom he has called “red [i.e., Communist] criminals,” he may have plenty of willing helpers.

    https://www.vox.com/mischiefs-of-faction/2018/10/26/18029696/brazilian-police-interrogate-professors
    #université #extrême_droite #Brésil #police #it_has_begun
    Je crois que je vais commencer à utiliser un nouveau tag, qui est aussi le nom d’un réseau : #scholars_at_risk

    • Brésil : à peine élu, Jair Bolsonaro commence la chasse aux opposants de gauche

      Les universités dans le viseur

      Enfin, toujours pour lutter contre l’opposition à gauche, Jair Bolsonaro entend faire pression sur les professeurs d’université qui parleraient de politique pendant leurs cours.

      Le président élu a récemment scandalisé une partie du monde éducatif en accusant des professeurs, cités avec leurs noms et prénoms, de défendre les régimes de Cuba et de Corée du Nord devant leurs élèves, dans une vidéo diffusée sur Internet.

      Et pour y remédier, il compte installer des pancartes devant les salles de cours pour appeler les étudiants à dénoncer leurs professeurs par le biais d’une « hotline » téléphonique dédiée à la question.

      https://www.bfmtv.com/international/bresil-a-peine-elu-jair-bolsonaro-commence-la-chasse-aux-opposants-de-gauche-

    • Au Brésil, vague de répression dans les universités à la veille du second tour

      Quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle brésilienne, qui voit s’affronter le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro et le candidat du Parti des travailleurs (PT) Fernando Haddad, les campus universitaires du pays ont fait face à une vague inédite de répression de la liberté d’expression. Jeudi 25 octobre, la police a investi 27 universités, à la demande des tribunaux électoraux, dont les juges sont chargés de faire respecter les règles de communication et de propagande électorales des partis en lice. Les forces de police étaient à la recherche de supposé matériel de propagande électorale illégale. En fait, ces opérations ont visé des banderoles antifascistes, de soutien à la démocratie, un manifeste en soutien à l’université publique, des débats et des cours sur la dictature, la démocratie et les « fakes news » – ces mensonges ayant été largement diffusés pendant la campagne, en particulier par l’extrême-droite… [1]

      À Rio, une juge a ainsi fait enlever une banderole du fronton du bâtiment de la faculté de droit de l’université fédérale Fluminense (UFF), sur laquelle était inscrit, autour du symbole antifasciste du double drapeau rouge et noir, « Droit UFF antifasciste ». À l’université de l’État de Rio, les agents électoraux ont retiré une banderole en hommage à Marielle Franco, l’élue municipale du parti de gauche PSOL assassinée en pleine rue en mars dernier.

      220 000 messages de haine en quatre jours contre une journaliste

      Dans une université du Pará, quatre policiers militaires sont entrés sur le campus pour interroger un professeur sur « son idéologie ». L’enseignant avait abordé la question des fake news dans un cours sur les médias numériques. Une étudiante s’en est sentie offensée, alléguant une « doctrine marxiste », et l’a dit à son père, policier militaire. Une enquête du journal la Folha de São Paulo a pourtant révélé mi-octobre que des entreprises qui soutiennent le candidat d’extrême droite avaient acheté les services d’entreprises de communication pour faire envoyer en masse des fausses nouvelles anti-Parti des travailleurs directement sur les numéros whatsapp – une plateforme de messagerie en ligne – des Brésiliens. L’auteure de l’enquête, la journaliste Patricia Campos Melo, et le quotidien de São Paulo, ont ensuite reçu 220 000 messages de haine en quatre jours ! [2] Le journal a demandé à la police fédérale de lancer une enquête.

      Mais ce sont des conférences et des débats sur la dictature militaire et le fascisme qui ont pour l’instant été interdits. C’est le cas d’un débat public intitulé « Contre la fascisme, pour la démocratie », qui devait avoir lieu à l’université fédérale de Rio Grande do Sul (la région de Porto Alegre). Devaient y participer l’ex-candidat du parti de gauche PSOL au premier tour de la présidentielle, Guilherme Boulos, un ancien ministre issu du Parti des travailleurs, des députés fédéraux du PT et du PSOL. « J’ai donné des cours et des conférences dans des universités en France, en Angleterre, au Portugal, en Espagne, en Allemagne, en Argentine, et ici, même pendant la dictature. Aujourd’hui, je suis censuré dans l’État, le Rio Grande do Sul, que j’ai moi-même gouverné. Le fascisme grandit », a réagi l’un des députés, Tarso Genro, sur twitter.

      Une banderole « moins d’armes, plus de livres » jugée illégale

      Dans le Paraíba, les agents du tribunal électoral se sont introduits dans l’université pour retirer une banderole où était simplement inscrit « moins d’armes, plus de livres ». « Cette opération de la justice électorale dans les universités du pays pour saisir du matériel en défense de la démocratie et contre le fascisme est absurde. Cela rappelle les temps sombres de la censure et de l’invasion des facultés », a écrit Guilherme Boulos, le leader du PSOL, sur twitter, ajoutant : « Le parti de la justice a formé une coalition avec le PSL », le parti de Bolsonaro. « De telles interventions à l’intérieur de campus au cours d’une campagne électorale sont inédites. Une partie de l’appareil d’État se prépare au changement de régime », a aussi alerté l’historienne française, spécialiste du Brésil, Maud Chirio, sur sa page Facebook.

      Dimanche dernier, dans une allocution filmée diffusée pour ses supporters rassemblés à São Paulo, Jair Bolsonaro a proféré des menaces claires à l’égard de ses opposants. « Ou vous partez en exil ou vous partez en prison », a-il dit, ajoutant « nous allons balayer ces bandits rouges du Brésil », et annonçant un « nettoyage jamais vu dans l’histoire de ce pays ». Il a précisé qu’il allait classer le Mouvements des paysans sans Terre (MST) et le Mouvement des travailleurs sans toit (MTST) comme des organisations terroristes, et menacé Fernando Haddad de l’envoyer « pourrir en prison aux côtés de Lula ».


      https://www.bastamag.net/Au-Bresil-vague-de-repression-dans-les-universites-a-la-veille-du-second-t

    • We deplore this attack on freedom of expression in Brazil’s universities

      107 international academics react to social media reports that more than 20 universities in Brazil have been invaded by military police in recent days, with teaching materials confiscated on ideological grounds

      Reports have emerged on social media that more than 20 universities in Brazil have been subjected in recent days to: invasions by military police; the confiscation of teaching materials on ideological grounds; and the suppression of freedom of speech and expression, especially in relation to anti-fascist history and activism.

      As academics, researchers, graduates, students and workers at universities in the UK, Europe and further afield, we deplore this attack on freedom of expression in Brazil’s universities, which comes as a direct result of the campaign and election of far-right President Bolsonaro.

      Academic autonomy is a linchpin not only of independent and objective research, but of a functioning democracy, which should be subject to scrutiny and informed, evidence-based investigation and critique.

      We call on co-workers, colleagues and students to decry this attack on Brazil’s universities in the name of Bolsonaro’s wider militaristic, anti-progressive agenda. We will not stand by as this reactionary populist attacks the pillars of Brazil’s democracy and education system. We will campaign vigorously in whatever capacity we can with activists, educators and lawmakers in Brazil to ensure that its institutions can operate without the interference of this new – and hopefully short-lived – government.
      Dr William McEvoy, University of Sussex, UK (correspondent)
      Dr Will Abberley, University of Sussex
      Nannette Aldred, University of Sussex
      Patricia Alessandrini, Stanford University, USA
      Dr Michael Alexander, University of Glasgow
      Steven Allen, Birkbeck, University of London
      Dr Katherine Angel, Birkbeck, University of London
      Pedro Argenti, University of Antwerp, Belgium
      Nick Awde, International Editor, The Stage newspaper, London
      Professor Ian Balfour, York University, Toronto, Canada
      Lennart Balkenhol, University of Melbourne, Australia
      Nehaal Bajwa, University of Sussex
      Dr Louis Bayman, University of Southampton
      Mark Bergfeld, former NUS NEC (2010-2012)
      Professor Tim Bergfelder, University of Southampton
      Dr Patricia Pires Boulhosa, University of Cambridge
      Dr Maud Bracke, University of Glasgow
      Max Brookman-Byrne, University of Lincoln
      Dr Conrad Brunström, Maynooth University, Ireland
      Dr Christopher Burlinson, Jesus College, Cambridge
      Professor Martin Butler, University of Sussex
      Professor Gavin Butt, University of Sussex
      Cüneyt Çakirlar, Nottingham Trent University
      Guilherme Carréra, University of Westminster
      Geoffrey Chew, Royal Holloway, University of London
      Dr Maite Conde, University of Cambridge
      Dr Luke Cooper, Anglia Ruskin University, UK, and Institute of Human Sciences, Vienna, Austria
      Dr Sue Currell, University of Sussex
      Professor Dimitris Dalakoglou, Vrije University, Amsterdam, Netherlands
      William Dalziel, University of Sussex
      Dr April de Angelis, Royal Holloway, University of London
      Dr Olga Demetriou, Durham University
      Dr Stephanie Dennison, University of Leeds
      Dr Steffi Doebler, University of Liverpool
      Dr Sai Englert, SOAS University of London
      James Erskine, University of Sussex and Birkbeck, University of London
      Professor Martin Paul Eve, Birkbeck, University of London
      John Fallas, University of Leeds
      Dr Lynne Fanthome, Staffordshire University
      Dr Hannah Field, University of Sussex
      Dr Adrian Garvey, Birkbeck, University of London
      Dr Laura Gill, University of Sussex
      Dr Priyamvada Gopal, University of Cambridge
      Bhavini Goyate, University of Sussex
      Dr Craig Haslop, University of Liverpool
      Professor Björn Heile, University of Glasgow
      Dr Phil Hutchinson, Manchester Metropolitan University
      Professor Martin Iddon, University of Leeds
      Dr Eleftheria Ioannidou, University of Groningen, Netherlands
      Dr Chris Kempshall, University of Sussex
      Andrew Key, University of California, Berkeley, USA
      Professor Laleh Khalili, SOAS University of London
      Dr Theodore Koulouris, University of Brighton
      Professor Maria Lauret, University of Sussex
      Professor Vicky Lebeau, University of Sussex
      Professor James Livesey, University of Dundee, Scotland
      Professor Luke Martell, University of Sussex
      Dr N Gabriel Martin, Lebanese American University, Lebanon
      Wolfgang Marx, University College, Dublin, Ireland
      Andy Medhurst, University of Sussex
      Professor Philippe Meers, University of Antwerp, Belgium
      Dr Shamira A Meghani, University of Cambridge
      Niccolo Milanese, CESPRA EHESS, Paris, France and PUC Rio de Janeiro, Brazil
      Dr Ian Moody, CESEM – Universidade Nova, Lisbon
      Professor Lucia Naqib, University of Reading
      Dr Catherine Packham, University of Sussex
      Professor Dimitris Papanikolaou, University of Oxford
      Mary Parnwell, University of Sussex
      Professor Deborah Philips, University of Brighton
      Dr Chloe Porter, University of Sussex
      Dr Jason Price, University of Sussex
      Dr Duška Radosavljević, Royal Central School of Speech and Drama, University of London
      Francesca Reader, University of Sussex and University of Brighton
      Naida Redgrave, University of East London
      Professor Nicholas Ridout, Queen Mary, University of London
      Professor Lucy Robinson, University of Sussex
      Dr Kirsty Rolfe, University of Sussex
      Dr Joseph Ronan, University of Brighton
      Dr Michael Rowland, University of Sussex
      Dr Zachary Rowlinson, University of Sussex
      Professor Nicholas Royle, University of Sussex
      Dr Eleanor Rycroft, University of Bristol
      Dr Jason Scott-Warren, University of Cambridge
      Dr Deborah Shaw, University of Portsmouth
      Dr Lisa Shaw, University of Liverpool
      Kat Sinclair, University of Sussex
      Sandrine Singleton-Perrin, University of Essex
      Despina Sinou, University of Paris 13 – Sorbonne Paris Cité, France
      Dave Smith, University of Hertfordshire
      John Snijders, Durham University
      Dr Samuel Solomon, University of Sussex
      Dr Arabella Stanger, University of Sussex
      Professor Rob Stone, University of Birmingham
      Bernard Sufrin, Emeritus Fellow, Dept of Computer Science, University of Oxford
      Dr Natasha Tanna, University of Cambridge
      Professor Lyn Thomas, University of Sussex
      Simon Thorpe, University of Warwick
      Dr Gavan Titley, Maynooth University, Ireland
      Dr Pamela Thurschwell, University of Sussex
      Dr Dominic Walker, University of Sussex
      Dr Ed Waller, University of Surrey and University of Portsmouth
      Dr Kiron Ward, University of Sussex
      Helen Wheatley, University of Warwick
      Ian Willcock, University of Herfordshire
      Professor Gregory Woods, Nottingham Trent University
      Dr Tom F Wright, University of Sussex
      Dr Heba Youssef, University of Brighton

      https://www.theguardian.com/world/2018/nov/01/we-deplore-this-attack-on-freedom-of-expression-in-brazils-universities
      #liberté_d'expression

    • Brazil Court Strikes Down Restrictions on University Speech

      Brazil´s Supreme Court issued an important decision striking down restrictions on political speech on university campuses in a unanimous ruling yesterday. Meanwhile, president-elect Jair Bolsonaro´s allies in Congress are pressing ahead with efforts to restrict what students and educators can discuss in the classroom.

      The court ruling overturned decisions by electoral court judges who recently ordered universities across the country to clamp down on what they considered illegal political campaigning. The orders were spurred by complaints from anonymous callers and, in a few cases, by members of conservative groups.

      For example, at Grande Dourados Federal University, court officials suspended a public event against fascism, according to the student group that organized it. At Campina Grande Federal University, police allegedly seized copies of a pamphlet titled “Manifesto in defense of democracy and public universities” and hard drives, said a professors´ association.

      At Rio de Janeiro State University, police ordered the removal of a banner honoring Marielle Franco, a black lesbian human rights defender and councilwoman murdered in March, despite not having a judicial order.

      The attorney general, Raquel Dodge, asked the Supreme Court to rule the electoral court judges´ decisions unconstitutional, and Supreme Court justice Cármen Lúcia Rocha issued an injunction stopping them. The full court upheld that decision on October 31.

      “The only force that must enter universities is the force of ideas,” said Rocha.

      “The excessive and illegitimate use of force by state agents … echoes somber days in Brazilian history,” said Justice Rosa Weber, referring to Brazil´s 1964 – 1985 military dictatorship.

      The ruling comes as Bolsonaro, who remains in Congress until he assumes the presidency on January 1, and his allies push a bill that would prohibit teachers from promoting their own opinions in the classroom or using the terms “gender” or “sexual orientation,” and would order that sex and religious education be framed around “family values.”

      A state representative-elect from Bolsonaro´s party has even called on students to film and report teachers who make “political-partisan or ideological statements.” Bolsonaro made a similar call in 2016. State prosecutors have filed a civil action against the representative-elect, alleging she instituted “an illegal service for the political and ideological control of teaching activities.”

      In his long career in Congress, Bolsonaro has endorsed abusive practices that undermine the rule of law, defended the dictatorship, and has been a vocal proponent of bigotry.

      More than ever, Brazil needs its judiciary to defend human rights within and outside the classroom.


      https://www.hrw.org/news/2018/11/01/brazil-court-strikes-down-restrictions-university-speech
      #cour_suprême #justice

    • Présidentielle au Brésil : relents de dictature militaire

      Présidentielle au Brésil : Bolsonaro et le « risque d’un retour à l’ordre autoritaire en Amérique latine »

      Porté par plus de deux cents universitaires, responsables politiques et citoyens d’Europe et du Canada, ce manifeste s’inscrit dans un mouvement mondial de soutien à la démocratie face à la violence déchaînée par la candidature de Jair Bolsonaro au Brésil. Il est ouvert aux démocrates de toutes les sensibilités politiques. Face au risque imminent d’un retour à l’ordre autoritaire en Amérique latine, la solidarité internationale est impérative.

      Nous, citoyens, intellectuels, militants, personnalités politiques vivant, travaillant et étudiant en Europe et au Canada, exprimons notre vive inquiétude face à la menace imminente de l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil le 28 octobre 2018.

      Le souvenir de la dictature militaire

      La victoire de l’extrême droite radicale au Brésil risque de renforcer le mouvement international qui a porté au pouvoir des politiciens réactionnaires et antidémocratiques dans de nombreux pays ces dernières années.

      Bolsonaro défend ouvertement le souvenir de la dictature militaire qui a imposé sa loi au Brésil entre 1964 et 1985, ses pratiques de torture et ses tortionnaires. Il méprise le combat pour les droits humains. Il exprime une hostilité agressive envers les femmes, les Afro-descendants, les membres de la communauté LGBT +, les peuples autochtones et les pauvres. Son programme vise à détruire les avancées politiques, économiques, sociales, environnementales et culturelles des quatre dernières décennies, ainsi que l’action menée par les mouvements sociaux et le camp progressiste pour consolider et étendre la démocratie au Brésil.

      L’élection de Bolsonaro menace les fragiles institutions démocratiques pour la construction desquelles les Brésilien·ne·s ont pris tant de risques. Son arrivée au pouvoir serait aussi un frein majeur à toute politique internationale ambitieuse en matière de défense de l’environnement et de préservation de la paix.

      Premiers signataires : Martine Aubry , maire de Lille, ancienne ministre (PS) ; Luc Boltanski , sociologue, directeur d’études, EHESS ; Peter Burke , historien, professeur émérite à l’université de Cambridge ; Roger Chartier , historien, directeur d’études EHESS/Collège de France ; Mireille Clapot , députée de la Drôme, vice-présidente de la commission des affaires étrangères (LRM) ; Laurence Cohen , sénatrice du Val-de-Marne (PCF) ; Didier Fassin , professeur de sciences sociales, Institute for advanced study, Princeton ; Carlo Ginzburg , professeur émérite à UCLA et à l’Ecole normale supérieure de Pise ; Eva Joly , députée européenne (groupe Verts-ALE) ; Pierre Louault , sénateur d’Indre-et-Loire (UDI) ; Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi, ex-ministre président de la Wallonie, ex-président du Parti socialiste belge ; Thomas Piketty , directeur d’études à l’EHESS.

      http://jennifer-detemmerman.fr/index.php/2018/10/23/presidentielle-au-bresil-relents-de-dictature-militaire

    • Une pétition qui a été lancé avant l’élection...
      Defend Democracy in Brazil. Say No to Jair Bolsonaro

      Defend Democracy in Brazil,

      Say No to Jair Bolsonaro

      We, citizens, intellectuals, activists, politicians, people living, working, and studying in Europe and Canada, wish to express our growing alarm at the imminent threat of Jair Bolsonaro’s election to the presidency on October 28, 2018. The potential victory of a far-right radical in Brazil would reinforce a dangerous international trend of extremely reactionary and anti-democratic politicians gaining state power in recent years.

      Bolsonaro explicitly defends the Brazilian military dictatorship that ruled the country from 1964-85 and praises torture and torturers. He condemns human rights efforts. He has expressed aggressive and vile hostility toward women, people of African descent, the LGBT+ community, indigenous people, and the poor. His proposed policies would effectively undo all of the political, social, economic, labor, environmental, and cultural gains of the last four decades, efforts by social movements and progressive politicians to consolidate and expand democracy in Brazil. A Bolsonaro presidency also threatens to undermine the still fragile democratic politics that people throughout Brazil have risked so much to build.

      His election would seriously hamper any ambitious international effort for environmental protection, against climate change and for the preservation of peace.

      Adapted version of the text « Defend Democracy in Brazil, Say No to Jair Bolsonaro! »

      https://www.change.org/p/association-pour-la-recherche-sur-le-br%C3%A9sil-en-europe-pour-la-d%C3%A9fe

  • Le retour de la 3e classe ? - La Vie des idées
    https://laviedesidees.fr/Le-retour-de-la-3eme-classe.html

    La privatisation du service public n’apparaît alors que comme la partie émergée de l’iceberg : une segmentation plus visible que l’autre, alors que dans le service public les choses semblent souvent ne pas mériter, ne pas avoir besoin – voire se voir interdire – d’être dites. Bien sûr ici le désir peut être ici de fait non satisfait, mais non explicitement : parmi les candidats de Parcoursup toujours en attente de réponses concernant leurs vœux, il y a, de fait, chez ces bacheliers des filières professionnelles et technologiques, un nombre croissant d’abandon pur et simple [16] … mais ce n’était pas la visée explicite du système. Il suffit en revanche que soit introduit entre le désir et sa satisfaction un délai, un temps supplémentaire : pas même un interdit définitif. Le terme de « sélection » s’efface ainsi devant le fonctionnement même de l’algorithme Parcoursup : comme dans tous les secteurs de « première classe », les mieux dotés en ressources scolaires seront les plus vite servis. Dans les cliniques, dans le secteur 2, on attend à peine. En revanche la vitesse des TGV OUIGO est illusoire puisque qu’il faut près d’une heure supplémentaire pour les rejoindre (et désormais une heure supplémentaire sur certaines lignes pour les quitter), et les retards terribles des trains qui ne font pas les trajets socialement valorisés en témoignent : la représentation de l’excellence passe désormais bien autrement que dans l’affichage des 1re, 2e, 3e classes des wagons de métro et des enterrements d’antan. La chose ne s’énonce guère qu’à travers une forme : le temps pour obtenir le service, et les égards dont il s’accompagne. Les usagers qui attendent, ou sont rabroués pour leur impatience, le savent bien : ils ne sont pas ici de « vrais » clients, l’attente « parle d’elle-même ». Luc Boltanski a cru pouvoir faire le constat d’un glissement de l’idéologie dominante vers un « affaiblissement considérable en volume et surtout en sophistication du discours idéologique” [17] : si la chose se vérifiait, la silencieuse segmentation des usagers jusque dans le secteur public en constituerait une forme nouvelle méritant l’attention.

    • #Hôpital, soins dentaires, pompes funèbres, universités, TGV : partout le service public réinstaure sans le dire une « troisième classe », réservée aux plus #pauvres. Qu’est-ce que cette #segmentation nous dit des évolutions de l’État-providence ?

      Segmenter socialement les usagers, matériellement et symboliquement : tel est l’usage en train de se généraliser depuis quelques années au cœur du service public. Après une période de démocratisation progressive de l’accès aux prestations publiques, réapparaissent des « classes » d’usagers. D’où ce paradoxe : la démocratisation semble désormais devoir passer par… la stratification. Ce phénomène, aisément datable, est loin d’être anodin. Que s’est-il donc passé au juste ? Comment l’expliquer ? Et quelles peuvent en être les résonances et les implications idéologiques et sociales ?

      Une troisième classe

      Elle se traduit d’abord dans la prise en charge des corps malades. Avec les consultations privées des chefs de service à l’hôpital public, la « dualisation » du service public hospitalier existe certes depuis longtemps. Mais les années 1950, les idéaux de l’État-providence, la sophistication du soin à l’hôpital, la réforme Debré de 1958 créant les CHU avaient cessé de faire de cet espace un espace de relégation des plus pauvres, loin du soin de ville privé réservé aux notables, pour en faire un espace d’accès à un soin de qualité en même temps que de relative mixité sociale, avec les inconvénients (attentes, complexité administrative) que cela pouvait comporter.

      La création d’un secteur privé hospitalier de droit privé par une loi de 1970, le développement des cliniques, aux tarifs plus élevés et surtout imparfaitement couverts par le système assurantiel, la loi de 1991 offrant une concession de service public aux établissements de santé privés (tant à but non lucratif que lucratif), ainsi qu’en « libéral », la création en 1980, du secteur 2 : « secteur conventionné à honoraires libres » où les dépassements sont autorisés : tout cela a tendu à éroder de toutes les manières cette mixité imposée. Un seul exemple (ici emprunté à l’expérience récente de l’auteur de ces lignes) mais particulièrement révélateur : une IRM, « soin » purement technique dépendant d’une machine et de coût en principe stable, est tarifée à 50 € à l’hôpital, où elle est entièrement prise en charge par la couverture sociale. Dans une clinique consultée, l’IRM se voyait tarifée 130 €, soit beaucoup plus que le double, 60 euros restant à la charge de l’usager.

      Cette variation n’étant guère officialisée, ce différentiel n’est pas immédiatement visible, a contrario de l’accueil et du décor c’est-à-dire des signes extérieurs de qualité. Ce n’est pas tant en termes de contenu que les prestations sont hiérarchisées entre hôpitaux et cliniques qu’en termes de forme : c’est de ce point de vue seulement que l’hôpital peut apparaître à beaucoup comme prestataire de soins de 2e classe. Temps d’attente pour obtenir un rendez-vous, temps d’attente sur place pour accéder aux examens préalables, puis pour accéder au médecin, convocation bien avant l’heure, personnel visiblement débordé, voire désagréable : l’usager de l’hôpital doit accepter d’être captif, docile, bref un véritable « patient », moins pressé, doté d’un temps moins précieux que les autres, en tout état de cause un « usager » plutôt qu’un « client ».

      En revanche, par ses plateaux techniques, par la spécialisation de ses professionnels, l’hôpital demeure à la pointe de la recherche et de certains soins : il continue à représenter de ce point de vue une première classe du soin, y compris pour les élites. Inversement, certaines cliniques délivrent des soins standardisés et de qualité médiocre. La partition entre classes de prestations et de d’usagers passe donc non seulement entre établissements mais au cœur même des hôpitaux publics : l’ilot privilégié que représentent les consultations privées en serait exemplaire.

      Mais ce qui est moins connu, c’est qu’au cœur même de cet espace souvent considéré comme de « deuxième classe » qu’est devenu l’hôpital public, une troisième classe a été créée et que cette dernière a, pour le coup, retrouvé tous les vieux défauts de l’hôpital public, encore si fréquents dans les années 1960 – attentes interminables, mauvaise humeur des soignants, disqualification des patients – qui s’étaient estompés avec l’enrichissement du pays. Ils font retour, mais sous une forme fortement aggravée, et pour certains segments de population seulement.

      Car en 1998, une loi crée au cœur du service public, les #PASS, les Permanences d’accès aux soins de santé, réservées aux personnes exclues du système de santé par défaut de solvabilité (population précaires) et/ou de citoyenneté (l’étranger sans papier). Mais les Pass sont un service de soin au rabais. Dans ces espaces, déjà en retrait de l’hôpital, tous les médicaments et tous les soins ne sont pas accessibles (comme dans la médecine d’urgence), certains y sont considérés comme des soins de confort (béquilles, fauteuils roulants), les personnels y sont surchargés, les temps d’attente pour avoir un rendez-vous comme pour être reçus en consultation y sont longs, et une énorme docilité y est surtout attendue des patients (ceux qui n’ont pas réussi à être reçus doivent y retourner le lendemain). Bref, tous les traits de la médecine de « deuxième classe » évoquée plus haut (coût moins élevé mais attentes plus longues, prestations incomplètes, et moindres égards pour la patientèle) sont fortement accentués ici. Or cette « troisième classe » de services de santé s’est vue créée de l’intérieur de l’institution.

  • Pourquoi Antonio Gramsci nous appelle à la guerre de position
    http://lvsl.fr/pourquoi-antonio-gramsci-nous-appelle-a-la-guerre-de-position

    Au-delà des « lieux » fictifs ou réels, au sein desquels les acteurs politiques mènent la guerre de position, on peut étendre cette lutte à l’ensemble des signifiants sur lesquels repose une certaine hégémonie. Ainsi, les forces politiques en présence doivent conduire des assauts pour s’emparer de ces bastions que sont la crédibilité, la justice, l’autorité, etc. L’enjeu n’est pas de mimer l’adversaire, mais de travailler le sens de ces notions, tout en s’en emparant. Cette lutte ne consiste donc pas à produire une vision du monde hors-sol et à la faire fructifier dans l’ensemble de la société. Il ne suffit pas de diffuser une idéologie abstraite. Une vision du monde, pour se répandre, doit absolument puiser dans l’état idéologique et culturel d’une société donnée. Le sens commun, à la fois unifié et fragmenté, est le terrain de lutte de la guerre de position. La bataille politique est alors une lutte pour le sens. Elle est inséparable d’une analyse permanente de l’état idéologique de la société, de reconnaissance du terrain sur lequel la lutte a lieu. Il ne s’agit pas uniquement d’analyse, mais aussi de capacité à « sentir ». Gramsci explique ainsi que : « L’élément populaire « sent » mais ne comprend pas ou ne sait pas toujours ; l’élément intellectuel « sait », mais ne comprend pas ou surtout ne « sent » pas toujours ». Les stratèges et les intellectuels organiques producteurs d’idéologie ne doivent jamais oublier cette donnée, et doivent donc toujours tenter de s’imprégner de ce sens commun avant de tenter le travailler à leur tour. Sans quoi leur adversaire occupera le terrain.

    « Emmanuel Macron n’est donc pas une « dernière cartouche du système »

    L’art de la politique moderne est un art dynamique, car le terrain de la lutte n’est jamais statique, et le sens commun, diffracté, ne l’est pas non plus. La guerre de position est donc aussi, d’une certaine façon, un art du repositionnement permanent. C’est ce qu’a bien compris Emmanuel Macron. Devant la dévalorisation symbolique des partis politiques, il a incorporé une partie de la critique destituante envers le « système », il a pris en charge une partie de ce sens commun, et a mené un projet de régénération qui refonde l’hégémonie néolibérale. Comme la critique artiste de Mai 68 en son temps, absorbée avec brio par le capitalisme grâce au néo-management « joyeux et inventif » ou grâce à la valorisation de « l’autonomie du travailleur » comme le décrivent Eve Chiapello et Luc Boltanski dans Le nouvel esprit du capitalisme (1999), le projet macroniste a incorporé une partie de la critique démocratique qui structurait les dernières années, et qui s’exprimait par la crise de représentation des partis et par un vote « souverainiste » croissant. L’omniprésence de la thématique de la « société civile » est au cœur de cette stratégie de régénération du projet néolibéral. Emmanuel Macron n’est donc pas une « dernière cartouche du système ». Le bloc hégémonique néolibéral, tant qu’il n’est pas désarticulé profondément par une guerre de position adéquate, trouve toujours un moyen de diminuer la pression en incorporant une partie de la critique des forces adverses. Ainsi, une stratégie pertinente exige de débouter le bloc hégémonique néolibéral de toutes les positions qui assurent sa cohérence globale et sa capacité régénératrice.

    Le grand soir n’aura pas lieu

    Les forces contre-hégémoniques ne peuvent donc espérer un « grand soir » ou une étincelle qui « mettra le feu à la plaine », et conduirait à remodeler définitivement les rapports de force. En France, seule l’élection présidentielle est un moment de politisation suffisamment puissant pour que les rapports de force basculent dans les grandes largeurs. Que faire dans l’interlude ? Il faut mener un travail de sape multidimensionnel. Sans être exhaustif, produire des cadres, développer une vision du monde, investir les médias, se constituer en média, analyser l’adversaire, l’affaiblir sur les points clés sur lesquels sa domination repose et construire une crédibilité sont autant d’objectifs intermédiaires à atteindre dans la guerre de position. Ils n’ont néanmoins de sens qu’en étant articulés afin de se doter d’une capacité à déterminer l’agenda, car la maîtrise de la narration de la politique est sûrement le meilleur moyen de conquérir la centralité. La détermination de l’agenda doit être globale, et ne peut pas se réduire à l’agenda de la lutte sociale. C’est pourquoi une force culturelle structurée doit offrir une vision du monde générale et unifiée. La politique est alors à la fois une lutte pour le sens et pour la construction du récit quotidien de la société sur elle-même.

  • Identités professionnelles, ethnicité et racisme à l’hôpital : l’exemple de services de gériatrie | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2011-4-page-49.htm

    La « diversité » ethnoculturelle est une réalité structurante de l’institution hospitalière en France au moins pour trois raisons. En premier lieu, l’hôpital public comme privé ne choisit pas les populations qu’il soigne. Dans une société de fait multiculturelle, cela concerne donc la patientèle. Ensuite, même dans un pays supposément aveugle aux catégories de l’ethnicité et de la « race » comme la France, l’institution hospitalière fonctionne avec son idéologie, son jeu de normes et de valeurs qui ne sont pas toujours celles valables dans le reste de la société : la logique qui prédomine dans les négociations autour des identités à l’hôpital est avant tout une logique qui lui est spécifique. Cela signifie qu’il n’est pas possible de réduire à l’espace normatif d’une philosophie publique nationale – le républicanisme à la française – les règles et les valeurs qui encadrent la « diversité » à l’hôpital. Enfin, en troisième lieu, la diversité ethnoculturelle est devenue une réalité de plus en plus importante dans la composition sociologique du personnel. Même s’il existe des spécificités d’emploi de certaines populations dans la fonction publique hospitalière – l’exemple du personnel paramédical originaire des Dom-Tom – la diversité des membres de l’institution concerne également de nouvelles générations de professionnels issus de l’immigration postcoloniale.
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    Nous proposons d’aborder ici ce triple aspect de la « diversité » à l’hôpital en analysant certaines des négociations qui ont lieu au sein de services de gériatrie. Inscrite dans une approche sociologique pragmatique [1]
    [1] Notamment : Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la...
    , notre analyse repose sur une étude empirique de deux ans réalisée dans quatre établissements hospitaliers de la région parisienne.
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    Notre article a un double objectif. Il s’agit d’abord de proposer une analyse de la « diversité » à partir d’un questionnement sur la construction des identités sociales en contexte hospitalier. Nous proposons une série d’hypothèses sur la structure des négociations qui conduisent les membres de l’institution à trouver des compromis à propos des identités professionnelles, de la place de leur institution dans le reste de la société, et de la représentation de populations perçues comme minoritaires dans la composition du personnel institutionnel.
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    En même temps, l’institution hospitalière n’est pas un espace institutionnel uniforme. Sa structure organisationnelle est fortement hiérarchisée, elle repose sur une division très forte du travail professionnel, notamment entre médicaux et paramédicaux. Surtout, l’institution est organisée en espaces très différenciés qui mettent en œuvre des pratiques et des techniques professionnelles et prennent en charge des usagers très différents. Notre second objectif est donc de nous concentrer sur l’un de ces espaces professionnels pour tester les hypothèses générales que nous faisons sur la place des identités dans les négociations institutionnelles : les services de gériatrie. Cela va nous permettre d’illustrer un aspect peu abordé par la littérature, celui de patients âgés « blancs » soignés par un personnel « noir » ou « immigré » – un espace social de reflux de catégories ethniques, raciales et de comportements racistes que les membres de l’institution doivent gérer au quotidien.

  • Pierre Bourdieu, cible et repère

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/11/pierre-bourdieu-cible-et-repere_5240483_3232.html

    Dans le débat public, le nom du chercheur, mort en janvier 2002, resurgit à chaque attaque contre la sociologie. C’est parce qu’il a marqué la discipline : les querelles autour de son œuvre sont à la mesure de son importance.

    A chaque attaque contre la sociologie, le nom de Pierre Bourdieu resurgit. En 2015, il était déjà dans la ligne de mire de l’essayiste Philippe Val, qui s’en prenait au « sociologisme » dans ­Malaise dans l’inculture (Grasset). Quand l’ancien premier ministre Manuel Valls déclare, quelques mois plus tard, qu’« aucune excuse sociale, sociologique et culturelle » ne doit être cherchée au terrorisme, c’est encore à lui qu’on pense.

    Et c’est toujours lui qui est au cœur d’une charge venue, cette fois, de l’intérieur de la discipline : dans Le Danger sociologique (PUF, 2017), qui a suscité un émoi médiatique, Gérald Bronner et Etienne Géhin accusent Bourdieu d’avoir contribué à propager la « théorie du déterminisme social », sans considération pour la liberté des acteurs sociaux.

    « Les progrès de la neurobiologie et des sciences cognitives ne permettent plus aux sociologues de tout ignorer des ressources d’un organe qui est le moyen de la pensée, de l’intelligence, de l’inventivité, du choix, et par là, d’un certain libre arbitre », écrivent-ils.
    Gérald Bronner, professeur à l’université Paris-Diderot, persiste et signe : « Tout n’est pas prédictible. Si un chercheur n’est jamais surpris par ses résultats, c’est quand même un problème ! » Dans la foulée, la revue Le Débat consacre notamment son numéro de novembre-décembre 2017 à « la sociologie au risque d’un dévoiement » ; la sociologue Nathalie Heinich, très virulente, y reproche au « courant bourdieusien » la reprise « de grilles de perception du monde directement importées du vocabulaire militant ».

    Mais pourquoi ce chercheur agite-t-il autant le débat public seize ans après sa mort ? Comment expliquer que l’évocation de son seul patronyme continue d’échauffer les esprits dans la sphère publique ? Ou autre façon de poser la question : y a-t-il un Pierre Bourdieu médiatique, qui sentirait encore le soufre, et un Pierre Bourdieu académique, devenu un auteur classique ?

    Crispations hexagonales

    Il est vrai que brandir son nom revient à raviver des crispations hexagonales. Comme le rappelle Marc Joly, chercheur associé au CNRS, membre du Laboratoire Printemps et auteur d’un essai à paraître sur le sociologue :

    « Il fait partie des quatre grands noms de la sociologie française des années 1970, avec Michel Crozier, Raymond Boudon et Alain Touraine. Tous se sont retrouvés susceptibles d’être jugés par Raymond Aron. Mais celui qui est reconnu, c’est Bourdieu. »

    En effet, dès les années 1960, les travaux sur l’Algérie de ce normalien, fils de postier, attirent l’attention de la sommité, qui en fait son assistant. Bourdieu est âgé d’à peine plus de 30 ans quand il se voit confier le poste de secrétaire du Centre de sociologie européenne.

    Il rêve de réveiller une discipline qui a perdu de son crédit et d’y réinjecter une ambition scientifique. En tant qu’agrégé de philosophie et ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il a toute légitimité pour le faire. Dans Le Métier de sociologue (Mouton/Bordas, 1968), Bourdieu fixe, avec Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, les principes élémentaires de la discipline. Son champ d’influence s’étend très vite : déjà directeur d’une collection aux Editions de Minuit, il fonde une revue, Actes de la recherche en sciences sociales, qui existe toujours, crée le Centre de sociologie de l’éducation et de la culture, et dirige, enfin, le Centre de sociologie européenne, qui fusionnera avec le Centre de recherches politiques de la Sorbonne.

    En 1982, il obtient la chaire de sociologie au Collège de France, qu’il occupera vingt ans. « Bourdieu a marqué l’espace académique », résume le sociologue Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à l’université Paris-Nanterre. « Une des caractéristiques de la postérité de Bourdieu, c’est qu’il est le seul à avoir réussi à faire école parmi les sociologues français de sa génération. Rares sont, par exemple, les chercheurs en sciences sociales qui se réclament exclusivement de l’influence de Raymond Boudon », ajoute Philippe Coulangeon, directeur de recherche au CNRS.

    Aujourd’hui, ses héritiers sont actifs, à l’image de Frédéric Lebaron, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, Gisèle Sapiro ou Louis Pinto, tous deux directeurs de recherche au CNRS. Mais l’influence du maître va bien au-delà du cercle de ses disciples : « A quelques exceptions près, les grands noms de la sociologie française encore en activité sont tous d’anciens proches ou d’anciens collaborateurs de Bourdieu : Jean-Claude Passeron, Luc Boltanski, Nathalie Heinich, Jean-Louis Fabiani, Bernard Lahire… », ajoute Stéphane Dufoix.

    Les tensions que suscite une recherche sont évidemment proportionnelles à son influence. Bourdieu a touché à tous les domaines : la justice, la littérature, les médias, la religion, l’école… Pour décrire le monde social, il a inventé des outils efficaces : le terme « habitus », par exemple, permet de rendre compte du processus qui conduit les gens à incorporer des manières d’agir et de penser propres au contexte dans lequel ils grandissent et vivent, donc à leur milieu social, au pays dans lequel ils sont nés, à leur genre, leur rang dans la fratrie ou à leur carrière professionnelle. La notion de « champ », qui vient en complément, désigne les contextes différenciés – artistique, politique ou encore économique – dans lesquels se forme et s’exprime l’habitus. La fréquentation précoce d’un champ permet, enfin, d’accumuler des « capitaux », et en particulier du « capital culturel », lequel renvoie au niveau de connaissance d’un individu, à ses diplômes comme à ses goûts littéraires ou musicaux.

    « Beaucoup ont critiqué Bourdieu parce que c’est lui qui dominait scientifiquement et qui continue de le faire. Et, d’une certaine manière, c’est normal : dans une discipline, on se bat pour essayer de trouver les failles et de faire avancer les problèmes », souligne Bernard Lahire, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon et membre du Centre Max-Weber. Lui-même admet volontiers avoir voulu « tuer le père » : « On me l’a souvent dit et ça ne me gêne pas. La science n’est que dépassement permanent de l’acquis. On passe notre temps à critiquer nos maîtres. Mais la question est de savoir si le meurtre est parfait. Je veux être reconnu comme un tueur professionnel ! », ­blague-t-il. « La plupart des sociologues qui ont été formés par Bourdieu ont voulu tuer le père pour tenter de fabriquer quelque chose de singulier », confirme Stéphane Dufoix.

    Mais la controverse actuelle lancée par Gérald Bronner est d’une autre nature. Il ne s’agit pas d’un dépassement ou d’une critique. L’élève de Raymond Boudon rejoue plutôt une bataille des idées née dans les années 1970. Pour aller vite, deux courants s’opposent alors : le déterminisme, qui veut que les individus soient façonnés par les structures sociales, et l’individualisme méthodologique, qui insiste sur la liberté des acteurs sociaux. C’est la fameuse querelle avec Raymond Boudon, qui s’est invitée dans les manuels scolaires.

    En 1973, ce dernier publie en réponse au courant déterministe L’Inégalité des chances (Fayard). Pour Boudon, la réussite des enfants est moins corrélée à leur origine sociale qu’aux attentes des parents vis-à-vis de l’école. L’ouvrage divise « structuralistes » et « individualistes », au prix de raccourcis de chaque côté. La querelle est-elle aujourd’hui dépassée ? « L’opposition déterminisme/liberté continue de sous-tendre le débat en sciences sociales sous des formes diverses. Ce sont cependant de fausses oppositions le plus souvent, explique Gisèle Sapiro. Ce n’est pas parce qu’on réfléchit au poids des structures sociales sur les individus qu’on est déterministe au sens strict. Le déterminisme causal ne s’applique pas aux sciences sociales, qui relèvent du domaine de la probabilité. Bourdieu parle de dispositions, et non de conditionnement au sens du béhaviorisme. » Il n’empêche : si elle est moins rigide qu’il n’y paraît, la théorie de Bourdieu reste assez tranchante. Elle ramène au rang de mythes de grands idéaux : « Ce qui rend ses concepts insupportables aux yeux de certains, c’est qu’ils remettent en cause la liberté, par exemple, ou la méritocratie », suggère Marc Joly.

    A la mort de Bourdieu, en 2002, Alain Touraine déclare, au passé : « Il était une référence positive ou négative indispensable. » Peut-être pressent-il alors que cette relation passionnée, mélange d’amour et de haine, va devoir évoluer. Et, en effet, débute à ce moment-là une période de latence. Le fantôme de Pierre Bourdieu plane sur les sciences sociales, mais plus grand-monde n’ose s’en revendiquer. L’auteur de La Misère du monde (Seuil, 1993) sent le soufre, probablement aussi en raison de la forme qu’a prise son engagement politique dans les dernières années de sa vie, et notamment à partir des grandes grèves de l’automne 1995 contre le « plan Juppé ». Ce que d’aucuns considèrent comme une entorse à l’exigence de « neutralité axiologique » héritée de Max Weber rejaillit soudain sur l’ensemble de son œuvre.

    Nouvelle génération de chercheurs

    En tout état de cause, « à la fin de la vie de Bourdieu, et peut-être encore plus après sa mort, être ouvertement bourdieusien était un handicap pour le recrutement, par exemple au CNRS. Quand j’ai soutenu ma thèse, en 2010, on ne pouvait toujours pas vraiment le citer sans risque. On parlait d’“espace” plutôt que de “champ”, de “ressource” plutôt que de “capital” », témoigne Wilfried Lignier, membre du Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP). En 2012, la publication aux éditions du Seuil d’un premier cours au Collège de France – Sur l’Etat – marque une nouvelle étape dans l’héritage.

    Et, dans la foulée du succès que celui-ci rencontre à l’étranger, les usages commencent à changer dans l’Hexagone. Désormais, mobiliser ses concepts, sans réinventions ni reformulations, est davantage possible. Une nouvelle génération de chercheurs, indifférente à l’ancienne guerre des chefs, pioche dans cette boîte à outils pour comprendre le métier d’agent immobilier, les relations entre enfants dans les cours de récréation, les choix d’école par les parents, la récupération des victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), les tensions dans le corps des officiers de l’armée de terre, l’entre-soi dans les clubs de loisirs privés…

    « Cette référence à Bourdieu est en train de devenir positive, voire incontournable dans certains domaines de recherche », avance M. Lignier. Au risque de perdre de son mordant ? De l’avis de Philippe Coulangeon, « le capital culturel, par exemple, est aujourd’hui une notion banalisée dans les sciences sociales, mais beaucoup d’auteurs l’utilisent pour désigner seulement les ressources culturelles, alors que Bourdieu, plus exigeant, l’utilisait en référence à la notion marxiste de capital. En voyageant dans le temps et dans l’espace, ces concepts finissent parfois par s’affadir ». L’œuvre est en tout cas un canon de la discipline.

    « Dès les années 1980, La Distinction [Minuit, 1979] a largement contribué à la reconnaissance académique de Bourdieu à l’étranger. Et depuis sa mort, tandis que des colloques lui étaient consacrés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Inde ou au Chili, il est devenu un classique », affirme Gisèle Sapiro. Entre 2003 et 2012, il grimpe dans les statistiques américaines, au point de devancer Emile Durkheim (1858-1917) : il devient le sociologue le plus cité aux Etats-Unis selon la revue European Journal of Sociology, qui souligne « un taux de croissance fortement positif ».

    En France, depuis une décennie, une abondante production bibliographique le prend pour objet afin de le discuter, de le présenter, le relire, le vulgariser : depuis le Pourquoi Bourdieu (Gallimard, 2007), de Nathalie Heinich, ont suivi trois publications intitulées Pierre Bourdieu, par Patrick Champagne (Milan, 2008), Edouard Louis (PUF, 2013) et Jean-Louis ­Fabiani (Seuil, 2016). Et deux autres ouvrages sont attendus rien que pour le mois de février : Foucault, Bourdieu et la question néolibérale, de Christian Laval (La Découverte), et Pour Bourdieu (CNRS), de Marc Joly.

    Les anciens conflits sont en voie de s’apaiser, les positions sont moins binaires, la discipline plus spécialisée et aussi plus éclatée. « En fait, la sociologie française actuelle est surtout dominée par une absence d’école. Il n’existe pas de paradigme dominant, pas de véritable conflit entre deux manières d’interroger le social », affirme Stéphane Dufoix. Dans ce climat dépassionné, la polémique récente ressemble donc plutôt à un ultime soubresaut. Volonté de se positionner dans un champ aujourd’hui éclaté pour créer la surprise ? Tentative pour se frayer un chemin vers le monde médiatique et intellectuel ? Les deux se mêlent, selon Arnaud Saint-Martin, chargé de recherche au CNRS, qui y voit une « stratégie d’intervention médiatique ainsi que, in fine, une recherche de pouvoir institutionnel dans la discipline ».

    Match déterminisme/liberté

    Pour Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS, « Gérald Bronner veut redonner vie et visibilité dans la vie intellectuelle au courant de l’individualisme méthodologique, orphelin en France depuis la mort de Raymond Boudon [en 2013]. Ce courant n’a jamais été très puissant en France, beaucoup moins que dans la sociologie internationale. Même s’il va falloir d’abord juger sur pièces à partir des travaux de recherche qui seront produits, ce n’est pas une ambition médiocre ». Lui pense que la postérité n’a pas encore fait son œuvre et que le canon n’est pas fixé ad vitam aeternam : « C’est une question de cycle ou de mode. Attendons de voir si les concepts de Bourdieu résistent au temps… »

    Reste que le match déterminisme/liberté semble aujourd’hui quelque peu anachronique, à en croire les usages qui sont faits des concepts sociologiques par une génération qui ne se reconnaît pas dans les guerres de tranchées. « La sociologie telle qu’elle se pratique aujourd’hui est loin de ces traditions représentées par deux ou trois totems sur lesquels on serait censé gloser pour toujours », affirme Arnaud Saint-Martin. Le sociologue Marc Joly préfère regarder vers l’avenir : « On est dans un moment de transition où l’on solde des querelles anciennes pour pouvoir passer à autre chose. »

  • "La gauche contre le peuple ?"

    Les matins de France Culture. Entretien avec le philosophe #Jean-Claude_Michéa.

    Ne se définissant pas comme conservateur mais reconnaît qu’ « Il y a un moment conservateur dans la critique socialiste du capitalisme ». Il fait la distinction entre la gauche et le socialisme. La gauche ayant les mêmes aspirations que les libéraux ; la disparition du « vieux monde ».

    https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-gauche-contre-le-peuple

    https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins-2eme-partie/la-gauche-contre-le-peuple-2eme-partie

    "Notre ennemi, le capital"
    Climats, 2017 Jean-Claude #Michéa

    Le philosophe critique la gauche libérale, son égoïsme et son individualisme. Il explique comment elle manipule la population et analyse les propositions de nouveaux mouvements politiques pour revenir vers un monde décent.

    Si l’on veut réellement rassembler la grande majorité des classes populaires autour d’un programme de déconstruction graduelle du système capitaliste (et non pas simplement accroître ses privilèges électoraux), il faut impérativement commencer par remettre en question ce vieux système de clivages fondé sur la « confiance aveugle dans l’idée de progrès », dont les présupposés philosophiques de plus en plus paralysants (du type « parti de demain » – celui de la Silicon Valley – contre « parti d’hier » – celui de l’agriculture paysanne ou de la culture du livre ) ne cessent d’offrir depuis plus de trente ans à la gauche européenne le moyen idéal de dissimuler sa réconciliation totale avec le capitalisme sous les dehors beaucoup plus séduisants d’une lutte « citoyenne » permanente contre toutes les idées « réactionnaires » et « passéistes ».

    Jean-Claude Michéa est l’auteur de nombreux ouvrages, tous publiés chez Climats, parmi lesquels : L’Enseignement de l’ignorance, Impasse Adam Smith, L’Empire du moindre mal, Orwell anarchiste tory, Le Complexe d’Orphée, Les Mystères de la Gauche, et, avec Jacques Julliard, La Gauche et le Peuple.

    #Orwell #George_Orwell #Populisme #Populisme_Russe #Libéralisme #Gauche #Rose_Luxembourg #progressisme #lutte_des_classes #élection #macron

    • Utilisation de sa pensée par l’extrême droite
      Après La Double Pensée, Michéa se répète et exprime une aigreur toujours plus vive à l’égard de la gauche. Sa critique de la modernité, si elle est, à certains égards, perspicace, finit par atteindre ses limites politiques. Car il y a bien un moment où Michéa doit servir politiquement. Il s’est exprimé dans diverses tribunes libertaires ou décroissantes. Mais c’est plutôt dans les milieux nationalistes ou conservateurs qu’il intéresse. Outre le nationalisme de gauche version Mélenchon, ce sont quasiment l’ensemble des courants d’extrême droite qui le trouve utile. Forcément, à force de taper sans fin sur la gauche, on finit par intéresser la droite. C’est très grossièrement ce que les critiques de Michéa pensent. Luc Boltanski, Serge Halimi, Frédéric Lordon, Philippe Corcuff, Max Vincent ou Anselm Jappe à des degrés divers estiment que sa critique du progrès est réactionnaire. En réponse à Philippe Corcuff, Michéa affirme que peu importe ce à quoi servent ses idées du moment qu’elles sont vraies.
      Dans une interview à Marianne, il répond sur cette utilisation par l’extrême droite. Et, au fond, on a presque l’impression qu’il se réjouit que sa pensée circule dans les caniveaux néofascistes. Bien sûr, on sent confusément que ce n’est pas ce combat-là qu’il veut servir. Mais, après tout, ce n’est pas grave si l’extrême droite est l’antithèse absolue de toute émancipation. Pas grave puisqu’elle aussi prétend vouloir combattre le capitalisme et qu’elle produit même des analyses « lucides » qui ont toutefois l’inconvénient d’être ambiguës et antisémites… Or, si l’extrême droite utilise cette rhétorique anticapitaliste, en puisant notamment chez Michéa, c’est par ce qu’elle veut le pouvoir. L’extrême droite a besoin des masses pour accéder à l’État. Pour cela, elle doit utiliser un discours vaguement anticapitaliste. Michéa constitue un penseur de choix pour ce faire, car il cible quasi exclusivement et outrancièrement la gauche sans démonter franchement l’extrême droite. C’est donc en partie parce que son discours n’est pas juste qu’il est récupéré.
      C’est de sa responsabilité de ne pas analyser clairement cette utilisation par les nationalistes de droite ou de gauche. Clairement parce que Michéa aime parler et écrire tout en circonvolutions à la manière d’un prof faisant d’interminables digressions pour placer telle ou telle référence. C’est intéressant, mais il ne condamne pas un instant sa récupération. Il préfère cibler seul le capitalisme. Or, si le patriotisme se médiatise comme l’unique solution au libéralisme, c’est que le capital a toujours su habilement jouer avec lui. Inciter les dominés à s’opposer en fonction de leurs origines dissout la lutte de classes, sert la bourgeoisie et l’État. Le libéralisme provoque le repli identitaire, il se crée ainsi un bien utile faux ennemi. Évidemment, l’antifascisme ne mène à rien tant que l’on ne propose pas d’alternative radicale au capital et à l’État ce que font les anarchistes. Mais cela n’enlève aucune responsabilité à l’extrême droite en elle-même.
      Orwell savait sublimer sa pensée en des romans qui s’adressaient à tous. Il a combattu physiquement le fascisme en Espagne. Il s’est intéressé de très près aux marginaux. Il ne se gargarisait pas de citations de Marx ou d’Engels. Il s’est refusé à toute récupération de droite lorsqu’il dénonçait les crimes staliniens. Il s’est toujours placé à gauche. Ce n’est pas le cas de Michéa, dont l’expression tourne en rond et dont on s’interroge sur les actes. C’est toujours moins inquiétant, dit-il, d’être utilisé par le FN que par le Medef. Pas certain que préférer la peste au choléra relève du plus grand discernement intellectuel et combatif.

      Alexis
      Groupe George-Orwell de la Fédération anarchiste

    • @marielle
      Ca me fait un peu sourire « elle est, à certains égards, perspicace, finit par atteindre ses limites politiques ». C’est perspicace c’est pour ça qu’on le lit. Non ?
      Je suis pas là pour défendre tout ce que dit Michéa, il aime le foot « populaire » par exemple. Quand je lit Proudhon je ne valide pas ses thèse sexiste..

      1) L’extrême droite utilise tout. Nos erreurs d’avantage que nos textes clairvoyants. Désolé de le dire, c’est un procédé malhonnête. Marine Le Pen cite Jaurès, donc Jaurès est fasciste.

      2) « Dans une interview à Marianne, il répond sur cette utilisation par l’extrême droite 12. Et, au fond, on a presque l’impression qu’il se réjouit que sa pensée circule dans les caniveaux néofascistes. »
      (12) L’article est là :
      http://www.marianne.net/Michea-face-a-la-strategie-Godwin_a234731.html

      Je suis encore étonné de la réception de ce texte chez mes amis. Michéa ne déclare pas dans ce texte qu’il est de gauche ou antifa cela viendrai à dire l’inverse de ce qu’il dit tout le temps.

      Je comprens en gros « parmi ce qui me cite : »

      "Il y a :
      1) Les menteurs qui sont néo-conservateur et libéraux
      2) L’extrême droite plus dure et plus ancienne qui a une culture anticapitaliste

      Mais que cette droite puisse me citer aux côtés de ces grandes figures de la tradition radicale n’a donc, en soi, rien d’illogique.

      « rien d’illogique », c’est pas ce que j’appelle se réjouir.

      Et il les démolie de suite :

      J’entends à la fois les ultras qui rêvaient de restaurer l’Ancien Régime et les partisans de ce « socialisme national » - né des effets croisés de la défaite de Sedan et de l’écrasement de la Commune - qui, dès qu’il rencontre les conditions historiques de ce que George Mosse nommait la « brutalisation », risque toujours de basculer dans le « national-socialisme » et le « fascisme ». Or, ici, l’horreur absolue que doivent susciter les crimes abominables accomplis au nom de ces deux dernières doctrines a conduit à oublier un fait majeur de l’histoire des idées.

      Mais la question que je me pose c’est sommes nous capable de dépasser des clivages en creux (des anti-) et se questionner sur se que l’on veux. Douter de nos propres appuis (se remettre en question) c’est le propre d’une penser constructive.

  • Le pouvoir est de plus en plus savant. Entretien avec Luc Boltanski
    #Sociologie_critique #Sociologie_de_la_critique #pragmatisme #Boltanski #Bourdieu

    http://www.laviedesidees.fr/Le-pouvoir-est-de-plus-en-plus.html

    De la critique, c’est un peu différent. C’est un livre théorique. C’est la première fois que j’écris un livre théorique qui ne soit pas accroché à un travail d’enquête. C’est un peu la théorie sous-jacente au Nouvel Esprit du Capitalisme. J’ai cherché à construire un cadre qui permette d’intégrer des éléments se rattachant plutôt à la sociologie critique et des éléments se rapportant plutôt à la sociologie de la critique. Si vous voulez, on pourrait dire que c’est poppérien. Je relisais ce week-end des textes de Popper pour un livre que j’écris en ce moment. Je suis loin d’être poppérien sur tous les plans, mais je suis tout à fait d’accord avec l’idée que le travail scientifique consiste à établir des modèles qui partent d’un point de vue tout en sachant que ce point de vue est local. L’important est donc de ne pas chercher à étendre ce point de vue local pour l’appliquer à tout, ce qui est une des sources du dogmatisme. Mais on peut chercher à construire des cadres plus larges dans lesquels le modèle établi précédemment reste valable, à condition que son aire de validité soit spécifiée. Pour dire vite, ce qui nous inquiétait le plus dans ce qu’était devenue la sociologie bourdieusienne, c’était l’asymétrie fantastique entre, d’un côté, le grand chercheur clairvoyant et, de l’autre, l’acteur plongé dans l’illusion. Le chercheur éclairant l’acteur. Rancière a fait les mêmes critiques.

    [...]

    Je pense que c’est très lié à un autre problème qui est au cœur de la sociologie et auquel Bourdieu était très sensible, qu’il a cherché à résoudre sans, à mon sens, vraiment y parvenir. C’est un problème qui d’ailleurs n’a pas encore de solution vraiment satisfaisante. Il est, en gros, le suivant. Vous pouvez aborder la réalité sociale depuis deux perspectives. Vous pouvez prendre le point de vue d’un nouvel arrivant dans le monde auquel vous allez décrire ce qu’est cette réalité. Cela suppose un point de vue surplombant, une histoire narrative, la référence à des entités larges, à des collectifs, qu’ils soient ou non juridiquement définis : des États, des classes sociales, des organisations, etc. Certains diront la référence à des structures. Une perspective de ce type va mettre en lumière plutôt la stabilité de la réalité sociale, la perpétuation des asymétries qu’elle contient – dans le langage de Bourdieu –, la reproduction, et la grande difficulté pour les agents de modifier leur destin social ou, plus encore, de transformer les structures. Mais vous pouvez prendre aussi une autre perspective, c’est-à-dire adopter le point de vue de quelqu’un – ce que l’on appelle en sociologie un acteur – qui agit dans le monde, qui est plongé dans des situations – personne n’agit dans des structures, tout le monde agit dans des situations déterminées. Et là, vous ne serez plus en présence d’agents qui subissent, en quelque sorte passivement, la réalité, mais face à des acteurs, c’est-à-dire des personnes inventives, qui calculent, qui ont des intuitions, qui trompent, qui sont sincères, qui ont des compétences et qui réalisent des actions susceptibles de modifier la réalité environnante. Personne, à mon sens, n’a trouvé de solution vraiment convaincante pour conjuguer ces deux approches. Or elles sont l’une et l’autre nécessaires pour donner sens à la vie sociale. On peut essayer de formuler ce problème dans les termes de la relation entre structuralisme et phénoménologie. J’ai essayé d’articuler ces deux approches dans La condition fœtale à partir de la question de l’engendrement et de l’avortement. Je ne sais pas si c’était très satisfaisant. Bourdieu a essayé de conjuguer les deux approches. Avant de découvrir les sciences sociales, il voulait se consacrer à la phénoménologie. Cette articulation prend appui, dans son cas, sur la théorie de l’habitus, par rapport à laquelle j’ai pas mal de réticences théoriques. C’est une théorie qui dérive, pour une large part, de l’anthropologie culturaliste, telle que l’ont mise en forme des anthropologues comme Ruth Benedict, Ralf Linton ou Margaret Mead. J’ai relu récemment Patterns of Culture de Ruth Benedict et c’est assez étrange, aujourd’hui, de voir la façon dont elle utilise des catégories dérivées de Nietzsche et même de Spengler. L’idée centrale est que l’on peut identifier des cultures qui ont des traits spécifiques – un caractère, si vous voulez – et que ce caractère se retrouverait dans les dispositions psychologiques – dans le caractère – des personnes qui sont plongées dans ces cultures. C’est une construction plutôt bizarre et ça entraîne une circularité qui fait que si vous connaissez les attaches culturelles – définies par le sociologue et par la statistique – des acteurs, vous connaissez leurs dispositions et vous savez à l’avance la façon dont ces acteurs vont réagir dans n’importe quelle situation. C’est donc contre ce modèle que nous avons pris position. Mais nous voulions aussi éviter de prendre appui sur un autre modèle, construit en opposition au modèle culturaliste, qui sans passer par la phénoménologie et en prenant les moyens de l’économie néo-classique, ne connaît que des individus. Dans ce modèle poppérien, connu aujourd’hui sous le nom d’individualisme méthodologique, il n’y a que des individus qui ont chacun leurs motifs et leurs choix, et c’est de l’agrégation qui s’opère, on ne sait pas trop comment, entre ces motifs différents, que dérive la causalité historique, qu’il s’agisse de la micro histoire des situations ou de la grande histoire, qu’elle soit économique ou politique. Dans ce modèle, qui ne connaît que des individus, il est exclu de conférer une intentionnalité à des entités qui ne soient pas des êtres individuels, ce qui paraît raisonnable a priori. On ne peut pas mettre des groupes sociaux – groupes politiques ou classes sociales, par exemple – en position de sujets de verbes d’action. Mais, à mon sens, un des problèmes que pose ce modèle, c’est qu’il ne rend pas compte du fait que la référence à des entités d’ordre macro sociologiques, n’est pas seulement le fait des sociologues ou des historiens mais de tout le monde. Les acteurs ne peuvent pas confectionner du social sans inventer des institutions, des entités collectives, etc. dont ils savent, d’une certaine façon, qu’il s’agit de fictions mais dont ils ont pourtant besoin pour donner sens à ce qui se passe, c’est-à-dire à l’histoire.

  • Tous mobiles ou tous flexibles ? Les dessous de la « mobilité généralisée »…
    La Brique - 19 février 2016 - Extrait de l’article
    Source : http://labrique.net/index.php/thematiques/droit-a-la-ville/737-tous-mobiles-ou-tous-flexibles-les-dessous-de-la-mobilite-generalisee

    La « mobilité », on en entend toujours parler, mais on ne sait pas toujours bien ce que c’est. Parce qu’elle est floue, elle ne s’affiche jamais pour ce qu’elle est vraiment : un projet idéologique, qui nous frappe différemment selon qu’on est femme, homme, ouvrier ou cadre. Thomas Pfirsch, un chercheur qui s’intéresse de près à ces questions, revient sur ces différents aspects.
    La « mobilité » est omniprésente : elle se présente sous différentes formes, et sous différents mots d’ordre. Est-ce que tu pourrais nous faire le point sur ce qu’elle désigne vraiment ?

    Les chercheurs parlent plutôt de « mobilités » au pluriel pour désigner, dans un sens très large, toutes les formes de déplacement dans un espace physique ou abstrait (urbain, social, professionnel…). Le terme sert donc à désigner à la fois les déplacements quotidiens, les voyages touristiques, les changements de domicile (la mobilité « résidentielle »), les migrations internationales, la mobilité socio-professionnelle, qui pour être comprises ne doivent pas être étudiées indépendamment les unes des autres.

    Depuis une trentaine d’années, savants et experts médiatiques nous dépeignent en effet l’avènement d’une société « liquide » ou « hypermobile », où les mobilités seraient en constante augmentation et se généraliseraient à tous les groupes sociaux. L’augmentation des mobilités est rendue techniquement possible par la révolution des moyens de communication, de la diffusion de l’automobile au téléphone « mobile ». Mais elle est surtout valorisée socialement et posée en modèle par un nouveau capitalisme flexible qui se fonde sur l’extrême mobilité des capitaux et de la force de travail1.

    Qu’en est-il réellement ? Sommes-nous « tous mobiles » ?

    Ce n’est pas si sûr, et en tout cas pas tous de la même manière… Les études sur la France2 montrent plutôt une stagnation de la mobilité quotidienne locale depuis 40 ans : le nombre de déplacements moyens par personne et par jour restent stable, autour de 3,5. La mobilité résidentielle n’est pas plus élevée : avec trois changements de domicile en moyenne au cours de la vie adulte, les Français sont parmi les moins mobiles en Europe, et cette mobilité se fait à petite distance, les migrations entre régions restant très limitées dans l’hexagone. Le portrait est encore plus accentué pour la région Nord-Pas-de-Calais : elle est l’une des moins mobiles de France, et une de celles qui échangent le moins de populations avec les régions voisines3…
    Les hérauts du marketing territorial aiment à dépeindre Lille comme un grand carrefour européen à une heure de Paris, Londres ou Bruxelles.

    Pourtant, la région Nord-Pas-de-Calais échange très peu de population résidente avec l’Île-de-France par exemple, alors qu’elle est très proche et bien reliée à la capitale. Les déménagements de cadres entre Lille et Paris sont beaucoup moins importants qu’entre Paris et Lyon, ou Paris et Nantes, alors que la distance entre ces villes est plus grande. Cela s’explique par les profondes différences de la structure des emplois et des systèmes de formation entre les deux régions : emplois tertiaires qualifiés et domination de filières longues et générales à Paris, alors que les formations courtes et techniques dominent dans le Nord. Nous voilà loin de l’hyper-mobilité promue par les chantres d’une société fluide où les individus s’affranchiraient de leurs ancrages locaux.

    Pourtant, on sent bien que quelque chose « s’intensifie » dans nos vécus...

    Oui, mais plutôt qu’un monde hypermobile, on est plutôt face à une société qui valorise la mobilité et où, avec la fin de l’exode rural et la grande « mise en mouvement » de la population qui accompagnait l’urbanisation, l’essor de la mobilité concerne moins les changements résidentiels que des déplacements quotidiens plus longs et plus complexes, portés par l’extension/dispersion des villes dans les campagnes éloignées et l’essor des lotissements pavillonnaires périurbains.

    Plus que la mobilité en elle-même, la grande nouveauté c’est la vitesse, qui permet une contraction considérable de l’espace-temps et un élargissement du rayon de la mobilité quotidienne. Si le nombre de déplacements quotidiens demeure stable, les distances parcourues ne cessent d’augmenter à l’échelle locale, ainsi que le temps qui leur est consacré (50 minutes par jour pour les trajets domicile-travail).

    Un autre changement est que ces mobilités quotidiennes sont de plus en plus multidirectionnelles : il y a une déconnexion spatiale entre lieux de résidence, lieux de travail, et lieux de loisirs, au sein d’agglomérations de plus en plus étalées et polycentriques. Cette mobilité fragmentée fait aussi écho aux segmentations croissantes d’une société marquée par les délocalisations d’activité et la restructuration de la carte des services publics. Elle a pour corollaire la puissance de l’automobile, qui reste de loin le mode de transport le plus utilisé en France (55 % des déplacements dans les grandes villes et 76 % dans les campagnes), officiellement décrié par des politiques publiques en faveur des transports en commun, mais en réalité toujours encouragé par une politique du logement néolibérale fondée sur l’accès à la propriété en lotissement périurbain.

    Tu disais que tout le monde n’était pas affecté de la même manière...

    Les mobilités contemporaines sont un puissant révélateur des inégalités qui s’entrecroisent dans la société, qu’elles soient de classe, de genre, ou d’âge. Ainsi, à classe sociale égale, en région Nord-Pas-de-Calais les femmes ont une mobilité aussi intense que celle des hommes, mais spatialement plus circonscrite, situation qui reflète leur assignation encore forte au rôle de gestionnaire du quotidien familial (navettes à l’école, courses etc…), qui les « territorialise » dans l’espace local autour du logement. Les mobilités différentes des hommes et des femmes montrent bien à quel point la question de la mobilité est au cœur de rapport de pouvoirs et ambivalente, à la fois instrument de domination et d’émancipation.

    . . . . . . . .
    Qu’en est-il justement des inégalités de classe face à la mobilité ?
    . . . . . . . . .


    Et pour ce qui est des classes populaires ?
    . . . . . . . . .
    On décrit parfois les ouvriers comme les « perdants » de cette course à la mobilité...
    . . . . . . . . .
    Si on te suit, la mobilité, c’est plutôt un mot d’ordre, une idéologie...
    Oui, le grand changement c’est que la mobilité devient une idéologie qui valorise la capacité au mouvement sous toutes ses formes, alors que les sociétés agraires traditionnelles valorisaient plutôt la sédentarité. Mais si l’hypermobilité devient une norme sociale, construite par des élites ayant intérêt à faire circuler une main d’œuvre flexible, elle est aussi une ressource, un « capital » entre les mains des catégories dominées, qui peuvent se la réapproprier dans le cadre de stratégies de résistance et de distinction sociale. Elle est donc au cœur de luttes sociales et d’enjeux de pouvoir. Quel beau paradoxe que cette société néo-libérale qui loue la circulation globale des hauts cadres et enjoint les ouvriers chômeurs à la mobilité, mais cherche à tout prix à assigner à résidence les migrants et les Roms, dans une peur panique du nomadisme incontrôlé !

    1. Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
    2. Voir les enquêtes régulières de l’Insee sur la mobilité quotidienne (« enquête nationale transports et déplacements », dont la dernière publiée est de 2008), et sur la mobilité résidentielle (« enquête logement »).
    3. INSEE, « Les mobilités résidentielles en Nord-Pas-De-Calais », les dossiers de Profils n°99, nov 2010.
    4. INSEE Nord-Pas-de-Calais - Dossiers de Profils n° 102 - Juin 2011
    5. Voir C.Vignal, Ancrages et mobilités de salariés de l’industrie à l’épreuve de la délocalisation de l’emploi, thèse de doctorat en sociologie, université Paris 12, 2003.

    #La_Brique #Lille #mobilité #transports

  • « Notre rapport au travail est en train de changer »
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/01/29/notre-rapport-au-travail-est-en-train-de-changer_4856081_1698637.html

    Le sociologue Patrick Cingolani, auteur de Révolutions #précaires (La Découverte, 2014), invite à réfléchir aux articulations entre #salariat et indépendance.

    Vous affirmez que le terme précaire est porteur d’une multiplicité de sens. C’est-à-dire ?

    Patrick Cingolani.- Sans vouloir monter en épingle la figure du précaire, liée à des formes d’exploitation du #travail, on ne peut pas non plus réduire ce terme à la simple dimension de pauvreté. Ce mot a renvoyé historiquement à autre chose : dès les années 1980 le mot précaire est mis en avant par certains mouvements.

    Dans L’Exil du précaire (Méridiens Klincksieck, 1986), j’évoque des jeunes issus de milieux populaires qui essaient d’échapper au travail et se servent de l’intermittence comme mode de vie alternatif. Le mot précaire est alors l’expression d’une aspiration à l’autonomie et à l’autoréalisation.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces précaires revendiqués ?

    Paradoxalement, on pouvait plus facilement échapper à la contrainte salariale dans les années 1980. Les jeunes risquaient alors plein de choses, mais ils avaient une grande probabilité de retrouver un emploi. Aujourd’hui, les conséquences du travail précaire sont beaucoup plus graves. C’est pourquoi dans mon dernier livre, Révolutions précaires – Essai sur l’avenir de l’émancipation, je m’intéresse aux travailleurs des industries culturelles. On sent chez eux l’ambivalence entre l’aspiration à l’autonomie et la confrontation à de nouvelles formes d’exploitation. Car à travers cette aspiration à l’indépendance, la classe moyenne se précarise.

    J’ai interrogé des personnes qui, à 50 ans, étaient encore dépendantes de leurs parents. Si la résistance à la #précarité dans la société salariale s’appuyait sur des formes de protection sociale et de prise en charge par les institutions, elle tend à reposer aujourd’hui sur l’héritage familial. Mais cette transformation n’en reste pas moins fondamentale. Elle est d’autant plus importante qu’elle se développe à travers les nouvelles technologies : on peut penser aux développeurs ou designers Web qui travaillent irrégulièrement sur une plate-forme, et produisent une valeur intellectuelle et culturelle fondamentale, captée par les entreprises.

    Aujourd’hui, le travail flexible, les espaces de co-working se développent. S’agit-il là d’une des manifestations de cette révolution précaire ?

    La flexibilité existait déjà dans les années 1960 et elle se faisait à l’avantage des ouvriers ! Changer d’usine pour eux était un moyen d’augmenter leur #salaire. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui cherchent à imposer et contrôler la flexibilité. Dans Le Nouvel Esprit du capitalisme (Gallimard), Luc Boltanski explique que le capitalisme a récupéré les idées de 1968. Je pense plutôt que le capitalisme cherche à contrôler la mobilité.

    http://seenthis.net/messages/356217
    http://seenthis.net/messages/339904
    http://seenthis.net/messages/314566

    #contrôle_de_la_mobilité #émancipation #Patrick_Cingolani

  • CIP-IDF > Misère de la sociologie II : le nouvel esprit du capitalisme, la cité par projets et l’intermittence
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7316

    L’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chiapello (B&C), Le Nouvel Esprit du capitalisme (NEC), sa conception du #travail et de l’#emploi artistiques et du travail et de l’emploi en général, présente les mêmes limites que celles relevées chez Pierre-Michel Menger [1], mais avec une argumentation plus subtile que celle du désarmant professeur au Collège de France.
    Cela est d’autant plus étonnant qu’en France, depuis la fin des années 1980, la « critique artiste », qui constitue un des leitmotiv du NEC, s’est « incarnée » dans un mouvement social et politique des « artistes » (et des techniciens) du spectacle qui a révélé, à travers ses #luttes et prises de parole [2], la nature du travail et de l’emploi du #capitalisme contemporain et notamment de la « cité par projets », autre leitmotiv du NEC.
    B&C ne peuvent percevoir et lire toutes les nouveautés politiques que le mouvement des artistes et des techniciens a produites ces trente dernières années en France à cause du cadre théorique qui structure le NEC.

    La thèse qui court tout au long du NEC pour essayer d’expliquer le succès des transformations du capitalisme et l’échec de la critique est la suivante : la « critique artiste », (fondée sur la liberté, l’autonomie et l’authenticité) et la « critique sociale » (fondée sur la solidarité, la sécurité et l’égalité) « sont le plus souvent portées par des groupes distincts ». La première trouve son origine dans les milieux intellectuels et artistiques de la bohème parisienne du XIXe siècle, tandis que la deuxième est associée aux luttes et aux revendications du mouvement ouvrier. Le flambeau de la « critique artiste », transmis par les artistes aux étudiants de Mai 68, aurait été repris par la suite par les « créatifs » du « haut de la hiérarchie socioculturelle » qui travaillent dans les médias, la finance, la publicité, le show-business, la mode, Internet, etc. La « critique sociale », par contre, portée par les ouvriers de 68, aurait été transmise aux « petites gens », aux subordonnés, aux « exclus » du libéralisme. « Critique artiste » et « critique sociale » seraient « largement incompatibles », même si de façon « exceptionnelle » elles se sont rencontrées dans cette « exception » qu’a été Mai 68.

    La « critique artiste » suscite un malaise chez les auteurs, voire un certain mépris, qu’ils ont du mal à dissimuler. De leur point de vue, cela se comprend aisément, puisque la « critique artiste, encore une fois, n’est pas spontanément égalitaire ; elle court même toujours le risque d’être réinterprétée dans un sens aristocratique » et, « non tempérée par les considérations d’égalité et de solidarité de la critique sociale, [elle] peut très rapidement faire le jeu d’un libéralisme particulièrement destructeur comme nous l’ont montré les dernières années ».
    D’ailleurs, la critique artiste ne serait « pas, en soi, nécessaire à la mise en cause efficace du capitalisme comme le montrent les succès antérieurs du mouvement ouvrier qui ont tous été obtenus sans les renforts de la critique artiste. Mai 68 était, de ce point de vue, exceptionnel » [3]. Non seulement la critique artiste ne serait pas nécessaire, sinon pour « modérer le trop d’égalité de la critique sociale » qui risque de « faire fi à la liberté » (sic), mais, en plus, elle aura été (« involontairement ») le cheval de Troie du libéralisme, à qui elle serait apparentée par le goût aristocratique de la liberté, de l’autonomie et de l’authenticité.
    Confronter l’évolution et la restructuration du capitalisme aux points de vue subjectifs qui le critiquent est sûrement un pas en avant méthodologique par rapport à la vision irénique de Menger. Mais la division, l’opposition (et exceptionnellement la conjonction) entre ces deux processus de subjectivation affaiblit de manière radicale les thèses soutenues dans le livre.

  • « L’extension des domaines de la droite »
    http://www.liberte-expression.fr/face-a-lextension-des-domaines-de-la-droite-la-necessite-dune-lut

    L’ouvrage de Luc Boltanski et Arnaud Esquerre « Vers l’extrême, extension des domaines de la droite », paru aux éditions Dehors, sonne comme une signal d’alerte : nous sommes entrés depuis quelques mois dans une situation politique exceptionnelle, dont les déroutes électorales de la gauche ne sont que le signe le plus patent. Cette situation est marquée à la fois par une extension des mesures néolibérales et par la dérive vers la droite nationaliste et xénophobe dont l’antilibéralisme affiché fait désormais fortune. Durée : 1h. Source : Aligre FM

  • Depuis 24 heures, grosse #polémique dans le petit monde de la #sociologie universitaire française, avec un clash sur #facebook entre Didier #Eribon (qui a l’air d’avoir un sacré melon) et Jean-Louis #Fabiani, qui prenait la défense de #Boltanski accusé par Eribon d’être un « idéologue catholique ».
    Gros #bordel, mais il n’est pas inintéressant de voir jusqu’où mène l’appropriation (pas si ancienne que ça dans les sciences sociales) par des #universitaires des réseaux sociaux : vers une publicité des clashs et des invectives qui restaient jusque là dans les salles de séminaires.

    REMARQUES SUR LA PENSÉE RÉACTIONNAIRE ET SUR LES OPÉRATIONS DE RECHRISTIANISATION DE LA VIE INTELLECTUELLE
    http://didiereribon.blogspot.fr/2014/01/remarques-sur-la-pensee-reactionnaire.html

    On me raconte que, pour défendre son maître Boltanski, un certain Jean-Louis Fabiani (?) m’attaque sur sa page Facebook en me reprochant de n’avoir « jamais fait » de sociologie. Il s’indigne même qu’on ait pu me donner une « chaire » dans l’université française !
    Est-ce le même Fabiani que celui qui a publié un livre pathétiquement mauvais sur l’histoire de la philosophie en France, il y a quelque chose comme 25 ans, et qui, sans doute devenu conscient de ses limites après cela, n’a plus jamais rien fait depuis ?
    Et qui, bien sûr, siège (il a tout le temps pour ça) dans toutes les instances de contrôle (le CNU) de ce qu’il considère comme « sa » discipline ?
    Si c’est le cas, je suis fier de n’avoir jamais fait de « sociologie » au sens où il l’entend, et l’on comprendra aisément pourquoi je suis favorable à la suppression du CNU : pour que de telles nullités intellectuelles ne soient plus en mesure d’exercer leur faculté de nuisance et de reproduction éternelle de leur médiocrité.

    Jean-Louis Fabiani
    https://www.facebook.com/jeanlouis.fabiani?fref=ts

    Je voudrais rappeler à ceux qui, honte à eux, osent me traiter d’homophobe que je suis le seul universitaire français à avoir accepté de diriger la thèse de Geoffroy Daniel de Lagasnerie, au nom de la liberté d’expression, sans partager un seul de ses points de vue ?

    • D’ailleurs, comme lien vers les articles ou commentaires, il faudrait essayer de trouver les vrais liens y amenant directement et non le flux général, car une semaine, une mois, un an plus tard, ce ne sera plus pareil. Souvent ces liens sont sur les dates ou horaires (twitter, facebook, seenthis, etc). Par exemple là le vrai lien c’est :
      https://www.facebook.com/jeanlouis.fabiani/posts/10152112650029651

    • C’est vrai, mais la solution supérieure serait sans doute de réussir à intégrer le message lui-même dans le corps du billet, ce qui faciliterait la lecture et permettrait de le conserver même s’il est effacé.
      Je pense notamment au système des articles sur lemonde.fr, qui réussit à intégrer le post facebook ou twitter et sa mise en forme au corps de l’article. Mais j’avoue que je n’ai aucune idée de comment ils font…

    • C’est avec #Oembed, de la même manière que pour les vidéos ou images ici : on donne l’URL uniquement, et le système sait afficher le contenu distant en interne.

      Pour Twitter, ça pourrait être ajouté à @seenthis, car on sait que c’est court, mais si chaque lien FB (je parle du vrai lien du post) était intégré en entier, ça pourrait être énorme (sans parler des droits), sauf si on force la citation en n’affichant que les premiers N caractères.

    • J’ai une petite question, je ne suis pas sur moi même : pensez-vous qu’il st intéressant de donner autant de visibilité à ces querelles microcosmique ? Je n’ai pas trop l’impression ici qu’on soit dans une critique constructive utile, qui fait avancer le schmilblick (si je puis dire), mais je m trompe peut-être, l’alternative est que ce soit un stupide règlement de compte auquel cas l’intérêt pour le public est à peu près proche de zéro.

      Mais bon, je ne sais pas trop comment interpréter cela.

      #dubitatif

    • Le sociologue Luc Boltanski a écrit des pièces de théâtre en versets claudéliens, pas nulles d’ailleurs, mais qui rejoignent clairement des positions anti-IVG dans un style catholico-mystique assez fumeux. Vu le contexte ("Manif pour Tous", interdiction de l’avortement en Espagne, etc), Didier Eribon fait son boulot en le signalant. Non ?

    • @rastapopoulos, ok, merci beaucoup, mais quels problèmes de droits ça pourrait créer, si (comme en l’occurrence) le post est public ? Tu veux dire que c’est facebook que ça pourrait gêner ?
      @reka, Effectivement vu le tour que ça prend je suis en train d’être de plus en plus dubitatif moi-même. Cela dit, à la base, c’était plutôt parce que ça permet d’identifier un certain nombre de fractures et de chapelles différentes dans le milieu, ce qui n’est pas sans influence sur le contenu des travaux. Ce n’est pas vraiment le cas ici, mais en général je trouve que ça donne un arrière-texte intéressant à avoir en tête quand on lit certaines productions (notamment des articles ou des comptes-rendus critiques), que seuls quelques habitués des séminaires (dont je ne suis pas) peuvent vraiment contextualiser au sein du paysage universitaire.

    • En effet, pas simple, oui Irène et oui Alexandre. Je signale qu’en Norvège, puisqu’on parle de régression, la droite et l’extrême droite (coalition au pouvoir) proposent un projet de loi qui permettraient aux médecins de refuser de procéder à des avortements. La Norvège aussi, donc...

    • @cie813 Peut-être, mais pour le coup je n’ai pas l’impression que ça réponde à une grande nécessité du moment, et franchement (vu le ton) ça m’a plutôt l’air d’un réglement de comptes pour des motifs extérieurs de la part d’Eribon. Je n’ai pas particulièrement entendu Boltanski ces derniers temps, et je ne vois donc pas vraiment de raison de convoquer sa personne et ses écrits passés sur le débat, d’autant que c’est assez sévèrement ad hominem :

      ce pauvre Boltanski se situait du côté de la pensée critique quand ça lui semblait être payant (il était un disciple de Bourdieu), puis a dénoncé la pensée critique quand il est devenu payant de se rattacher à la révolution néo-conservatrice (rejoignant les cénacles chrétiens et insultant Bourdieu, et jusqu’au jour de sa mort), et il est fort probable qu’il cherche désormais à récupérer la « critique » qu’il a pratiquée puis dénoncée (ou de faire croire qu’il la récupère, tout en maintenant ses options idéologiques spiritualistes en assimilant notamment la sociologie critique à une théorie paranoïaque du complot - vieux discours de la droite, vieille rengaine de la pensée bourgeoise), puisque cela redevient peut-être payant...

      Enfin, je suis un poil sceptique sur la notion de « boulot » pour un sociologue dénonçant des sociologues, surtout qu’en l’occurrence l’ironie est qu’Eribon passe son temps à se lâcher sur « les flics de la pensée »

    • @alexandre, par défaut, sans licence explicitant autre chose, un texte appartient à son auteur, et seul lui peut décider où il veut le publier. Si tu le mets autre part, tu ne peux en mettre que des petits bouts : c’est le « droit de citation ». Mais pas plus. Un texte publié (donc public) ne veut pas dire qu’il est dans le « domaine public » !

      Avec tes références au « monde universitaire », j’eus cru que tu savais cela. :)

    • @rastapopoulos Je comprends, mais en l’occurrence c’est la notion de « texte » qui me paraît problématique : un post facebook aurait ce statut et pas un tweet ? Parce que lemonde.fr (pour y revenir) ne se gêne pas pour intégrer des tweets, y compris (me semble-t-il mais je ne suis plus certain tout à coup) anciens voire effacés par leurs auteurs.
      A partir de là, j’ai supposé (sans doute abusivement) que la différence était que la publicité du message sur twitter permettait de contourner ça.
      Donc par curiosité, tu sais si c’est la licence de twitter qui permet ça, ou si c’est juste le statut journalistique du monde.fr qui fait qu’ils ne s’encombrent pas de ça en disant qu’ils ne font que rapporter des infos ?

      Mais je suis loin d’être tout-terrain sur le « monde universitaire », d’autant que (comme on le voit un peu), quand il se transfère sur le numérique ça fait un beau bordel à tous points de vue ;)

    • C’est différent suivant plusieurs critères : la longueur du texte de base, et le but et l’auteur de la citation. Lorsqu’il s’agit pour un journal de « rendre compte de l’actualité », il peut être permis de citer un texte en entier, par exemple.

      De plus Twitter c’est une phrase ou fort peu de phrases, donc à mon avis ça revient à citer une parole de quelqu’un à l’oral, qu’il aurait prononcé à la radio ou à la télé. Quand ça devient un texte de plusieurs paragraphes, ce n’est pas forcément de la même nature.

    • @cie813, entendu dire (…) que Boltanski ayant changé de femme, il a moins de goût pour le catholicisme (réac), avec la réussite de sa carrière, cela irait jusqu’à "expliquer" son retour à des thèses plus critiques (?). Mais si on ne s’en tient pas qu’à cet aspect, on lira une recension critique de son livre phare Le Nouvel Esprit du Capitalisme dont le conservatisme des thèses de Boltanski ne sortent guère indemnes :

      La thèse qui court tout au long du « Le nouvel esprit du #capitalisme » est la suivante : la #critique_artiste (fondée sur, et revendiquant la liberté, l’autonomie et l’#authenticité) et la #critique_sociale (fondée sur, et revendiquant la solidarité, la sécurité et l’#égalité) « sont le plus souvent portées par des groupes distincts » et sont « incompatibles ».[1] Le flambeau de la critique artiste, transmis par les artistes aux étudiants de #mai_68, aurait été repris par la suite par les gens « branchés » qui travaillent dans les médias, la finance, le show business, la mode, Internet, etc., c’est-à-dire, les « créatifs » du « haut de la hiérarchie socioculturelle ». La critique sociale, par contre, portée par les ouvriers de 68, aurait été reprise par les petits gens, les subordonnés, les exclus du libéralisme. Critique artiste et critique sociale sont donc « largement incompatibles ».

      La « critique artiste » suscite un malaise chez les auteurs, voir un certain mépris, qu’ils ont du mal à cacher. De leur point de vue, cela se comprend aisément, puisque la « critique artiste […] n’est pas spontanément égalitaire ; elle court même toujours le risque d’être réinterprétée dans un sens aristocratique » et « non tempérée par les considérations d’égalité et de solidarité de la critique sociale peut très rapidement faire le jeu d’un libéralisme particulièrement destructeur comme nous l’ont montré les dernières années ». D’ailleurs, la critique artiste n’est « pas en soi nécessaire à la mise en cause efficace du capitalisme comme le montrent les succès antérieurs du mouvement ouvrier sans les renforts de la critique artiste. Mai 68 était, de ce point de vue, exceptionnel ». A la lecture, on sent aussi que le livre est parcouru par un ressentiment contre mai 68 qui, depuis quelques années, traverse les élites intellectuelles françaises, et dont font les frais, ici aussi, comme chez l’ancien ministre de l’Education Nationale, Michel #Foucault, Gilles #Deleuze et Félix #Guattari, qui, en tant que maîtres de la pensée 68, auraient déposés des germes de libéralisme dans les têtes de gens sans y prendre garde.

      Donc non seulement la critique artiste n’est pas nécessaire, sinon à « modérer le trop d’égalité de la critique sociale » qui risque de « faire fi à la liberté » (sic), mais en plus elle joue le cheval de Troie du libéralisme, à qui elle est apparenté par le goût aristocratique de la liberté, de l’autonomie et de l’authenticité que les artistes auraient transmis d’abord aux « étudiants », et qui aurait ensuite transité chez les « bobos ». Boltanski et Chiapello nous rejouent ici l’opposition de la liberté et de l’égalité , de l’autonomie et de la sécurité, d’une autre époque, sur laquelle d’ailleurs se sont cassés les dents aussi bien le socialisme et le communisme,.

      extrait de Les malheurs de la « critique artiste » et de l’emploi culturel
      http://eipcp.net/transversal/0207/lazzarato/fr

      @alexandre, quand même, Didier Eribon, entre son Retour à Reims et son D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française, où les #socialistes sont de façon tout à fait argumentée vigoureusement étrillés, c’est un des rares académiques dont les travaux relèvent au moins pour partie de la question de l’émancipation, non ?

      #Maurizio_Lazzarato

    • @colporteur, pour être très honnête je n’ai pas lu Eribon, mais j’ai lu et entendu pas mal de choses intéressantes sur ces deux livres qui m’ont effectivement plutôt donné envie de me rattraper, encore qu’il me semble que tout cela n’a un rapport qu’assez lointain avec une démarche et une méthode sociologique. Ce n’est pas un mal, et peut-être qu’une lecture détaillée montrerait que je me trompe, mais puisque toute cette histoire est partie de là (et que c’est à cause de ça qu’Eribon a pris le bourdon)…

      Cela dit, ça n’était franchement pas mon propos (d’ailleurs je n’avais pas de propos à la base, je signalais juste le truc), mais simplement ça me paraît curieux cette mentalité mi-cour de récré, mi-ubu roi, où la situation au final c’est un type qui traite la terre entière (et notamment des universitaires qui ne sont pas tout à fait insignifiants) d’intégristes cathos, de nains de la pensée et de flics universitaires, et des réactions qui se centrent autour du fait qu’il écrit des bons bouquins à côté (ce qui me paraît un peu à côté du souci du moment).

      Au final, un propos qui a quand même fini par mûrir, c’est que voir comme ça les conflits d’égos éclater en place publique numérique, ça permet de mesurer la relativité d’une certaine pondération/nuance qu’on attend généralement des chercheurs, et de se rappeler qu’un bon paquet d’entre eux attendent essentiellement de s’engueuler comme des poissonniers (c’est juste qu’on le voit).
      Et, accessoirement, qu’il me paraît vraiment très discutable de convoquer des notions de « boulot » pour une sorte de veille documentaire intellectuelle des idées de la terre entière (btw, @cie813, Eribon a sauté dessus et a repris la chose sur sa page facebook) - mais c’est discutable, et ça peut faire partie de l’éthique d’engagement de certains. Je suis loin de supporter les anti-IVG et leurs soutiens idéologiques, mais enfin Boltanski a quand même le droit de penser et d’écrire ce qu’il veut (surtout quand c’est aussi dépourvu d’intention militante que ce qu’on convoque là) sans qu’on le rabatte sur un débat où il n’a pas voulu se pointer (à ma connaissance), pour lui faire porter une responsabilité indirecte sur une bande d’allumés.

  • « #Luc_Boltanski, Rendre la réalité inacceptable, à propos de la production de l’idéologie dominante »
    http://www.transeo-review.eu/Luc-Boltanski-Rendre-la-realite.html?lang=fr

    Au moment même où La Production de l’idéologie dominante, l’article qu’il avait cosigné en 1976 avec Pierre Bourdieu, est réédité sous forme d’opuscule (Paris, Demopolis/Raisons d’agir, 2008), Luc Boltanski propose avec Rendre la réalité inacceptable un ouvrage qui, loin de se limiter à la simple évocation de la genèse d’un texte fondamental, livre une réflexion générale sur les transformations des modes de domination. En effet, sous prétexte de faire l’histoire de l’écriture et de la publication de cet article, et plus largement celle de la mise en place d’Actes de la recherche en sciences sociales, L. Boltanski porte à jour les conditions historiques et sociales qui ont rendu possible une pensée susceptible de prendre l’idéologie dominante pour objet, et analyse leur disparition progressive dans un monde où les sciences sociales se voient de plus en plus confinées aux fonctions de disciplines d’appoint. Ainsi, non content de rendre compte des enjeux et de clarifier les concepts clés de l’article de 1976, ce texte propose une méditation sur le glissement qui a rendu « inacceptable » ce qui était alors « l’évidence même », à savoir une certaine vision des sciences sociales et de la manière – libre, inventive, collective – de les pratiquer.

    #Bourdieu #Idéologie_dominante #Classes_sociales #Structures_symboliques #Anthropologie #Sociologie #histoire #livre

  • Il est temps d’appeler les choses par leur nom :
    L’Etat est désormais une banale entreprise comme une autre.
    Propriété des capitalistes.
    Les citoyens-collaborateurs ont toujours le droit de vote pour élire leur président-PDG, mais le dit président ne doit rendre des comptes qu’à ses actionnaires, ses créanciers du système financier privé, autrement dit les capitalistes.

    Il semblerait que la gauche altermondialiste se soit endormie sur ses lauriers en assistant avec satisfaction au début de la démondialisation. Elle va devoir réactualiser ses slogans. Passer de « Le monde n’est pas un marchandise » à « Le monde n’est pas une entreprise »

    cf interview Luc Boltanski :
    http://www.telerama.fr/idees/trois-regards-sur-l-apres-cahuzac-pour-sortir-de-la-crise-democratique,9639

    Après la Seconde Guerre mondiale, une sorte de compromis avait été passé entre l’Etat et les grandes firmes capitalistes. Au premier, le soin d’assurer les conditions de reproduction de la force de travail — l’éducation, la santé, etc. — et le développement des infrastructures. Aux secondes, la responsabilité de payer l’impôt nécessaire à leur financement. Quand le capitalisme européen entre en crise, dans les années 1960-1970, de nouvelles voies sont explorées par les multina­tionales pour surmonter cette dernière et se soustraire aux contrôles étatiques, en réorganisant les modes de production, en développant des activités financières dérégulées et en transférant des capitaux dans des paradis fiscaux. Mais l’Etat, pour faire face à des dépenses sociales accrues par un chômage devenu endémique, a dû emprunter sur le marché des capitaux. Ce qui l’a rendu tributaire du capitalisme et a sapé un de ses principaux appuis idéologiques : le principe de sa souveraineté. Les marchés financiers et les agences de notation prenaient en effet le dessus sur un pouvoir que les dirigeants politiques devaient, pourtant, à leurs mandats électoraux.

    #Boltanski explique pourquoi la critique est devenue inaudible, résignée. En cause : la « tyrannie de la réalité », chère à @mona Chollet.

    dans le dernier tiers du XXe siècle s’est mis en place un mode de gouvernement « gestionnaire ». Des techniques de contrôle et de management venues de l’entreprise ont été étendues à la sphère publique — école, culture, santé —, puis appliquées à la gestion de l’Etat. Bien qu’il se dise compatible avec la démocratie, ce mode de gouvernement limite le rôle de la critique et, avec elle, de la politique. Les mesures prises sont en effet présentées comme si elles étaient dictées par des forces extérieures, quasi naturelles. La référence à une « nécessité » — « nous n’avons pas d’autres choix » — constitue l’instrument idéologique principal de ce mode de gestion, et la capacité des dirigeants à faire face à cette nécessité, c’est-à-dire à s’y plier, devient la vertu politique par excellence.

    Selon moi, dans notre passivité, il y a enfin une résignation, que tout ça était inéluctable.
    Comme si on avait intégré la #capitulation, sans la conscientiser réellement. On assiste à l’aboutissement d’un processus de 30 ans. Ce processus avait démarré en 1983 en France, quand Mitterand a cédé face à Reagan et Thatcher. Il a pris de l’ampleur en 1989 avec la chute du mur de Berlin, et la traduction politique européenne du triomphe capitaliste néolibéralisé en 1992 : le traité de Maastricht. Et depuis, on déroule les "réformes"pour démanteler l’Etat et le vendre à la découpe aux capitalistes.

    #privatisation #désétatisation #capitalisme

  • Luc Boltanski : Notre avenir est-il démocratique ? (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/11/notre-avenir-est-il-democratique_1732113_3232.html

    La possibilité de critiquer publiquement, sans le payer d’un coût exorbitant, constitue l’une des principales épreuves auxquelles la démocratie se mesure, en pratique. Or, on peut douter de ce que la possibilité de la critique soit réellement assurée dans les contextes de la vie quotidienne. Les entraves à la critique sont évidentes dans la vie au travail et dans les entreprises, où elle est confrontée à divers types de rétorsions et se paie souvent du licenciement. De même, et bien que la presse soit libre, les médias subissent d’autres formes indirectes de contrôle qui sont d’ordre économique. Quant à la démocratie participative dans les lieux de vie - quartiers ou communes -, elle demeure largement un voeu pieux. On pourrait accumuler les exemples. (...) Source : Le Monde

  • Luc Boltanski et la pensée critique - Le blog de zones-subversives
    http://zones-subversives.over-blog.com/article-luc-boltanski-et-la-pensee-critique-103863877.h

    Luc Boltanski, chercheur en sciences sociales, observe les évolutions du capitalisme. Mais il reste étroitement cantonné à la discipline de la sociologie et à son statut de professionnel de la pensée critique.
     
    La réflexion et les recherches des universitaires doivent se diffuser au plus grand nombre. En ce sens, le travail de la Bande Passante se révèle intéressant. Des entretiens avec des universitaires, malgré leur discours souvent limité et réformiste, permet de populariser des études souvent complexes. Pourtant, l’emprise de l’université sur la pensée critique affaiblit la réflexion sur des perspectives émancipatrices.

  • La Bande Passante
    http://www.labandepassante.org/ulysse-clandestin.php?alert_msg=Y

    ULYSSE CLANDESTIN
    Et les films-entretiens du coffret Frontières

    La création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale était en soi un acte d’une violence inouïe. Le débat sur l’identité nationale, et toutes les dérives verbales qui l’ont accompagné, ont confirmé les plus sombres prophéties. [...] Il est primordial de réagir, sans attendre. [...]

    Le film choral Ulysse Clandestin (93’), et les autres films qui lui sont associés, s’y emploient. Le court métrage introductif de Thomas Lacoste Il fut des peuples libres qui tombèrent de plus haut (17’) revient sur la constance de l’exclusion des étrangers de la cité, à partir d’un texte du sociologue Abdelmalek Sayad (extrait de L’immigration ou les paradoxes de l’altérité , Ed. Raisons d’agir, 2006) et d’une adaptation de la pièce chorégraphique Self portrait camouflage (52’) de la danseuse et chorégraphe Latifa Laâbissi. Les dix entretiens longs, avec les intervenants du film choral qui reviennent sur leurs recherches, constituent une mise en perspective et un approfondissement essentiels.

    [...] Ces films interrogent aussi la récurrence et les usages des thématiques racistes, notamment dans les périodes où le capitalisme entre en crise. Ils reviennent sur cette hydre, l’association de l’immigration et de l’insécurité, sans cesse renaissante.

    Avec la participation des historiens Pap Ndiaye, Gérard Noiriel, Tzvetan Todorov et Sophie Wahnich, des anthropologues Michel Agier, Marcel Detienne, Françoise Héritier et Emmanuel Terray, des sociologues Luc Boltanski et Eric Fassin, tous membres du Collectif pour la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale , de la danseuse et chorégraphe Latifa Laâbissi et de la comédienne et metteur en scène Anaïs de Courson.

    -- — — — — — — — — — — — — — — — —
    Une nouvelle fournée en cours de fabrication :
    http://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/02/29/le-kit-de-survie-de-thomas-lacoste-cineaste-tres-politique_1649789_3476.html

  • Entretien avec Luc Boltanski autour
    d’Énigmes et complot (Gallimard, 480p, 2012).
    http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-enigmes-et-complots-de-luc-boltanski-

    Pourquoi, au tournant des XIXe et XXe siècles, observe-t-on tour à tour : le développement du roman policier, dont le cœur est l’enquête, et du roman d’espionnage, qui a pour sujet le complot ; l’invention, par la psychiatrie, de la paranoïa, dont l’un des symptômes principaux est la tendance à entreprendre des enquêtes interminables, prolongées jusqu’au délire ; l’orientation nouvelle de la science politique qui, se saisissant de la problématique de la paranoïa, la déplace du plan psychique sur le plan social et prend pour objet l’explication des événements historiques par les « théories du complot » ; la sociologie, enfin, qui se dote de formes spécifiques de causalité — dites sociales —, pour déterminer les entités, individuelles ou collectives, auxquelles peuvent être attribués les événements qui ponctuent la vie des personnes, celle des groupes, ou encore le cours de l’histoire ?

    D’autres entretiens de Sylvain Bourmeau :
    ° Sur l’Etat de Bourdieu avec Pierre Encrevé, linguiste, historien d’art.
    http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-sur-l-etat-de-pierre-bourdieu-ed-seui
    ° Lire ce qui n’a jamais été avec Georges Didi-Huberman
    http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-lire-ce-qui-n-a-jamais-ete-ecrit-2011

    #media_livre #media_radio

  • Michéa, c’est tout bête | Luc Boltanski (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/10/06/le-complexe-d-orphee-de-jean-claude-michea_1582895_3260.html

    Jean-Claude Michéa est un exemple typique de ces nouveaux pamphlétaires qui se revendiquent « inclassables ». Leur profération peut trouver une oreille favorable chez ceux qui, à l’extrême gauche, cherchent à se positionner contre la gauche parlementaire, en se réclamant du peuple trahi. Mais elle a tout pour plaire aux médias de droite, qui leur accordent volontiers attention et entretiens, puisqu’ils s’en prennent principalement, il faut bien le dire, à la gauche. Source : Le Monde

  • « Le Complexe d’Orphée », de Jean-Claude Michéa : Michéa, c’est tout bête - LeMonde.fr Luc Boltanski
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/10/06/le-complexe-d-orphee-de-jean-claude-michea_1582895_3260.html

    La pesante démonstration qui occupe l’essentiel du livre voudrait nous faire croire que l’on peut être « de gauche », voire - lâchons le mot - « anarchiste », tout en s’affirmant « conservateur » et même « réactionnaire ». Cela à condition de rompre avec le « nomadisme deleuzien », avec « l’amoralité constitutive » du libéralisme cupide, enfin avec l’individualisme « narcissique » qui entend s’affranchir des « montages symboliques » sur lesquels repose l’ordre social. Pourrait alors s’engager la vraie révolution (conservatrice ?) qui refondera la société sur les valeurs de la « décence commune », du « don », de la « gratuité », du « désintéressement », de la « dignité » et de la « loyauté ». Que l’on revienne donc, au plus vite, aux valeurs ancestrales, et « l’économie de marché » se trouvera d’un coup « abolie ». On croit rêver. Français, encore un effort pour devenir anarchistes.

    Ces voeux pieux sont soutenus par des invocations récurrentes de saint Orwell (qui doit se retourner dans sa tombe !), objet, de la part de Jean-Claude Michéa d’une véritable entreprise de captation. Comme ses prédécesseurs, les anticonformistes des années 1930, l’auteur du Complexe d’Orphée entend prendre appui sur la « sensibilité populaire » et même sur la « colère du peuple » pour lutter contre « la police de la pensée ». Qu’il existe aujourd’hui une sorte de « police de la pensée » est plus que plausible. La question est de savoir dans quelle mesure la pensée de Jean-Claude Michéa n’en est pas elle aussi une expression particulièrement retorse.

    #nouveaux_réactionnaires

    • J’avais du voir Boltanski à la TV mais je ne le connaissais pas. Suis allé voir quelques vidéos sur le net, ... personnage particulier. Il représente en gros la gauche qui me fait peur. On traite avec emphase du sexe des anges, et on déclare qu’on aime bien Giscard. Finirait presque par rendre Michéa agréable...

    • Critique déjà prévue dès la parution dans la 4ème de couverture :

      Voudrait-il enfreindre ce tabou - « c’était mieux avant » - qu’il se verrait automatiquement relégué au rang de Beauf, d’extrémiste, de réactionnaire

      C’est d’ailleurs toujours la même « critique » depuis 50 ans, que ce soit pour Michéa, ou Clastres, Ellul, Charbonneau, Lasch, Illich, plus récemment Pièces et main d’œuvres, Amiech... Bref n’importe quel écrivain ou penseur anti-"religion du #Progès" (ce qui n’est pas forcément anti-progressiste, mais le terme est tellement galvaudé que je pense qu’il vaut mieux assumer carrément le choses).

      Et dans un autre genre, faire de la psycho de comptoir en affirmant que quand on choisit le style pamphlétaire on est une sorte d’aigri, etc... Haha.

      Si on veut lire une critique intelligente et moins gnangnan de Michéa, je recommande plutôt de lire Anselm Jappe.