A Tel Aviv, une journée chez les Sands et l’esprit de Mahmoud Darwich
Tiens, avant de dormir, j’avais envie de vous emmener dans l’univers magique de la famille Sand. Une journée, et deux moments inoubliables.
D’abord, j’ai découvert les paysages dépouillés de Varda Sand, artiste-peintre israélienne née en 1953 dans le Kiboutz de Netzer Sireni au sud de Tel-Aviv. J’ai trouvé par hasard ce soir un catalogue et quelques images de ses tableaux magnifiquement composés, dans lesquels règnent le calme et une certaine forme de silence.
"Ses paysages doux sont le reflet de sa douceur" disait une de ses amies proches. Moi, ils me font penser à certains tableaux de Lyonel Feininger.
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J’ai rencontré Varda Sand à Tel-Aviv en 2006, au cours d’un déjeuner très très animé qu’elle a subtilement contribué à apaiser. Je dis animé, mais le mot est faible. Et pour cause : avec son époux, nous parlions des territoires occupés et de la destruction d’un village arabe ("pourtant ami") près de l’Université. Son époux, c’est Shlomo. Shlomo Sand, donc, dont le discours révolté enflammait la pièce.
On ne présente plus Shlomo Sand. Ce jour là, il avait décidé de nous ramener plus de quarante ans en arrière, juste après la fin de la guerre de 1967. Il a depuis publié ce récit. Je me souviens à l’époque avoir été presque paralysé par l’émotion. Voici à peu près comment il a raconté l’épisode le plus inouïe de sa vie :
Après la guerre de 1967, Shlomo Sand, meurtri par ce conflit sanglant qu’on lui avait imposé, envisageait de quitter Israël. Il s’était auparavant lié d’amitié avec un auteur et poète palestinien, Mahmoud Darwich, qu’il a absolument voulu revoir avant de partir, comme s’il avait eu envie (ou besoin) de témoigner de son profond sentiment de culpabilité comme citoyen d’un pays occupant.
Il se rend alors à Haïfa où habitait Mahmoud Darwich, et raconte qu’ils passèrent ensemble une soirée - et une nuit blanche - passablement arrosée, buvant et fumant plus que de raison. Shlomo Sand expliquait le dégoût qu’il avait de lui même, et son projet de quitter définitivement Israël, ce à quoi Mahmoud Darwich répondit en l’implorant qu’il fallait rester et résister. C’est un Shlomo comateux qui s’est écroulé sur le canapé, et qui s’est réveillé en milieu de journée... retrouvant un Mahmoud Darwich excité qui lui lu le poème qu’il avait écrit pendant la nuit, inspiré par leur conversation de la veille :
"Le soldat qui rêvait de lys blancs", c’était Shlomo Sand (ici le début, j’ai reproduit le poème complet à la fin de ce billet)
Il rêvait de lys blancs,
D’un rameau d’olivier,
Des seins de son aimée épanouis le soir.
Il rêvait, il me l’a dit, d’un oiseau
Et des fleurs de l’oranger.
Sans compliquer son rêve, il percevait les choses
Telles qu’il les ressentait... et les sentait.
Une patrie, il me l’a dit,
C’est savourer le café de sa mère,
C’est rentrer à la tombée du jour.
Et la terre ? Je lui demandai.
Il répondit : Je ne la connaissais pas.
Silence, recueillement, retour progressif dans la salle à manger à Tel-Aviv en 2006.
- Vous reprendrez bien un verre de cognac ? proposa Varda, comme si nous n’étions pas déjà assez imbibés.
Fin du repas, passage à l’université, escorté par Shlomo, nous avions rendez-vous, pour une interview, avec un prof dont je tairai le nom et qui se trouvait être aussi un des conseillers d’Avigdor Liberman, fondateur du parti d’extrême-droite "Israel Beytenou" (« Israël notre Maison »), lequel proposait - entre autre - de rattacher les populations arabes israéliennes à l’Autorité palestinienne.
- Il va vous dire des horreurs , nous confie Shlomo en rigolant, mais ne le prenez pas trop au sérieux, je ne suis pas sur qu’il se rende compte lui même de l’énormité de ce qu’il défend. Sa femme me dit parfois : "Ecoute, Je suis désespérée, je couche avec un nazi."
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