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  • PMA : « Si Dieu me permet d’avoir un enfant, peu importe le moyen » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/06/01/pma-si-dieu-me-permet-d-avoir-un-enfant-peu-importe-le-moyen_1656031

    Alors que le Comité d’éthique rend son premier rapport mardi, « Libération » a rencontré des croyantes bisexuelles ou lesbiennes en faveur de la procréation médicalement assistée. Parfois soutenues au sein de l’Eglise, malgré le discours du Vatican.

    Dimanche, 11 h 30. Face à l’assemblée de croyants, le prêtre déclame son homélie, commentaire d’extraits de l’Evangile : « Ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise. » C’est la phrase préférée d’Elise, 22 ans, qui assiste chaque dimanche à la messe de Notre-Dame-de-Clignancourt, dans le nord de Paris. « Pour moi, ça résume tout », s’amuse-t-elle. Les interventions du prêtre sont entrecoupées de chants chrétiens qui résonnent dans la nef. Une forte odeur d’encens a investi le lieu de culte.

    Chignon au-dessus de la tête, lunettes à monture pourpre et robe bleu nuit, Elise, « très croyante », connaît par cœur les chants, qu’elle entonne sans fausse note. Dans sa sphère catholique, elle reste discrète sur sa bisexualité, par « peur du regard des autres ». « L’autre jour, on fêtait les cinq ans du mariage pour tous. Dans la même journée, j’ai parlé à la fois à une pote catho qui m’a dit : "OK, tu peux être bi et catho mais tu devrais viser l’abstinence" et à une militante LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et trans, ndlr] qui m’a lancé :"Non mais je ne comprends pas comment tu peux rester catho alors que t’es bi." Ma foi n’est pas acceptée par les #LGBT et ma sexualité n’est pas tolérée par mes coreligionnaires. Je ne me sens à ma place nulle part. » Sur les pages du livret de chants distribué aux paroissiens, en bas à droite, il est écrit « Bonne fête des mères ! » Plus tard, Elise veut des enfants. Si elle ne se voit pas faire sa vie avec une femme, elle se dit farouchement « pro-PMA [procréation médicalement assistée] pour les couples de même sexe ». « Si j’étais amoureuse d’une femme, c’est évident que je ferais une PMA. »

    « Distance »

    Mardi 5 juin, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rend son premier rapport aux parlementaires à l’issue des états généraux de la bioéthique, qui se sont clos fin avril. Ces discussions qui ont eu lieu un peu partout en France ont beaucoup tourné autour de la PMA. Avec un noyautage certains des militants de la Manif pour tous - un collectif d’associations notamment opposées au mariage homosexuel et à l’homoparentalité - revenue pour l’occasion dans l’arène médiatique. Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, l’ouverture de la PMA à toutes devrait faire l’objet d’un projet de loi au Parlement à l’automne. Comme au moment du mariage pour tous, en 2013, les états généraux de la bioéthique ont donné à voir une opposition binaire entre deux camps : militants LGBT sécularisés d’un côté, catholiques conservateurs de l’autre. La réalité est plus nuancée.

    Stéphanie, 30 ans, lesbienne, était « très pratiquante, enfant de messe et très assidue au catéchisme » jusqu’à son coming out. Si elle a « pris des distances avec l’Eglise », elle continue de se définir comme catholique. Entre son homosexualité et sa foi, elle n’a « aucun cas de conscience ». La « version du catholicisme » que lui a inculquée sa famille, celle d’une « religion d’amour et d’accueil du prochain », est à mille lieues du discours de la Manif pour tous. Sur Twitter, l’architecte lyonnaise, brune aux cheveux courts, a créé avec son épouse une page, Demande à tes mères, pour raconter leur vie de mères et celle d’Alix, 2 mois et demi, défendre la PMA pour toutes et « emmerder la Manif pour tous ». Dans l’entourage de Stéphanie, y compris dans sa famille, très croyante, on « accepte complètement la situation et la venue au monde » de sa fille. Elle se souvient avec émotion de la réaction de sa grand-mère le jour de son retour d’Espagne, où elle s’est fait inséminer : « Elle m’a aspergé d’eau bénite qu’elle reçoit de sa paroisse chaque année. »

    Le 25 janvier, dans l’Emission politique de France 2, la Toulousaine Amélie Georgin a défendu face au président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Elle a évoqué sa fille Garance, aujourd’hui âgée de 19 mois, portée par sa femme, Annick, après une #PMA à Barcelone. « Cet enfant, on l’éduque avec une volonté de l’ancrer dans des repères. Garance a été baptisée il y a quelques mois de ça au sein de l’Eglise. » « Sachant que Laurent Wauquiez est lui aussi catholique, c’était un clin d’œil, explique la femme de 39 ans. Une façon de lui dire qu’au sein même de ces familles qui seraient à l’origine d’une "perte de repères", il y a des personnes avec des engagements de foi. » Quand elle a voulu faire baptiser Garance, il y a plus d’un an, le prêtre de son église locale s’est montré réticent, cherchant à « écarter » Amélie et posant des « questions venues d’un autre monde sur notre orientation sexuelle ».

    En se rendant dans une autre paroisse en banlieue toulousaine, elle et son épouse ont rencontré le père François, qu’Amélie continue de porter dans son cœur. « On était vraiment en confiance, il n’y avait pas de jugement. » Amélie a un seul regret, qu’elle exprime en riant : « On aurait aimé se marier à l’église. » Elle en a même fait la demande, en vain. Sociologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS), Martine Gross a étudié en 2003 les baptêmes religieux au sein des familles homoparentales. Etonnamment, les prêtres qu’elle a interrogés étaient globalement ouverts à l’idée de baptiser l’enfant d’un couple de même sexe. « Dans la religion catholique, il y a deux volets : la doctrine du Vatican, qui considère que l’homosexualité est un désordre moral et que la PMA devrait être interdite, et la tradition de l’accueil pastoral, qui donne aux prêtres une certaine liberté, détaille la sociologue. A partir du moment où les couples ont une volonté sincère d’intégrer leur enfant dans l’Eglise, les prêtres sont prêts à s’adapter et réduire les aspects réprouvés par la doctrine pour mettre en avant d’autres valeurs, comme l’amour ou la fidélité. »

    « Don »

    Nicaise, étudiante rennaise de 24 ans, va à la messe tous les dimanches et observe le jeûne du carême. Depuis six mois, elle est en couple avec une femme musulmane. Elles savent déjà qu’elles veulent avoir des enfants ensemble. « Toutes les deux, on a toujours eu le désir de porter nos enfants. Donc on penche plutôt pour une PMA. En la faisant, je me sentirais accomplie en tant que femme. » Elle n’y voit aucune contradiction avec sa foi : « Si Dieu me permet d’avoir et d’élever un enfant, peu importe le moyen, c’est que c’est un don de sa part. » « Les homosexuels croyants gèrent de différentes manières la tension intérieure liée à leurs deux dimensions identitaires, analyse Martine Gross. Beaucoup s’aménagent une approche personnelle de la religion, en prenant leurs distances avec l’autorité de l’Eglise tout en construisant une relation plus directe avec Dieu. » Parmi les amis chrétiens de Nicaise, aucun ne l’a jamais jugée sur sa sexualité ni ses projets de vie. « Ils laissent à Dieu le pouvoir de juger », selon elle. C’est pourquoi elle ne se reconnaît ni dans le discours de la Manif pour tous ni dans celui de la Conférence des évêques. Le 7 mai au micro de France Inter, Michel Aupetit, l’archevêque de Paris, a fustigé la PMA pour toutes qui selon lui « créera une situation dont les enfants seront victimes », assumant, au passage, être « descendu dans la rue pendant la Manif pour tous ». « Je ne crois pas une seconde que ça reflète ce que pensent l’ensemble des catholiques », commente Amélie. Elle perçoit un profond décalage entre ce discours officiel et l’accueil qu’elle a reçu de sa famille, du curé qui a baptisé sa fille ou encore de la marraine de Garance, fervente pratiquante. Des études récentes démontrent que la conception de la famille des catholiques a évolué. En décembre 2017, un sondage Ifop montrait que 60 % des Français étaient favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Chez les catholiques, c’était à peine moins : 56 % approuvaient la mesure, dont un petit 35 % des pratiquants mais 59 % des non-pratiquants.

    « Très mignonne »

    Dans les locaux de l’association LGBT David & Jonathan, dans le XIIe arrondissement de Paris, un immense drapeau arc-en-ciel est accroché au mur. Sur la table basse, le dernier rapport de SOS homophobie côtoie un ouvrage sur les liens entre foi et homosexualité. Depuis 1972, l’association défend une autre vision du christianisme et se bat pour faire accepter les personnes LGBT au sein de la religion. Marianne Berthet-Goichot en est membre depuis 2010. « On essaie de défendre l’idée que l’Eglise est plurielle. Je fais aussi partie de cette Eglise et pourtant je suis lesbienne et maman. »

    En 2013, lors des débats sur le mariage pour tous, elle a eu avec Catherine, sa compagne, une fille par PMA. Dans leur petite paroisse rurale de l’Yonne, elles l’ont très vite fait baptiser. « On avait contacté le prêtre, qu’on connaissait bien. Ça s’est bien passé, comme ça aurait été le cas pour n’importe quelle autre personne de la paroisse. Le prêtre m’a dit : "Moi, j’applique la loi." J’étais en procédure d’adoption de ma fille, puisque dans le cadre d’une PMA on est obligé de passer par l’adoption de son propre enfant. Sur le registre de baptême, il n’a écrit que le nom de ma femme mais a laissé de la place pour rajouter mon nom. Deux mois plus tard, quand je lui ai envoyé l’attestation de mariage, il a ajouté mon nom. J’ai trouvé la démarche très mignonne. »

    Dès 2013, David & Jonathan s’est positionné en faveur de la PMA pour toutes. Fin mai, l’association a publié un communiqué pour contrer les arguments des opposants et « montrer, avec notre regard de chrétien, que ce n’est pas incompatible » avec la religion. « Dans l’Eglise, beaucoup de gens ne comprennent pas que l’homophobie, ce n’est pas uniquement des coups, des insultes, mais aussi la différence de traitement entre un couple homo et un couple hétéro. » Marianne le reconnaît volontiers : « La lutte contre l’#homophobie religieuse, c’est un vaste champ de bataille. »
    Timothée de Rauglaudre

    #homosexualité #lesbiennes #église_catholique #religion

  • #PMA, #GPA : « Il faut renouveler la réflexion sur la #filiation »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/030418/pma-gpa-il-faut-renouveler-la-reflexion-sur-la-filiation

    Depuis fin janvier, les états généraux de la bioéthique se penchent sur l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes et de femmes seules. C’est l’occasion, selon la sociologue Martine Gross et la juriste Laurence Brunet, de repenser le lien de filiation qui reste souvent confondu en #France avec le lien génétique.

  • La famille dans tous ses états
    http://www.temoignagechretien.fr/Articles/Article.aspx?Clef_RUBRIQUES_EDITORIALES=37&Clef_ARTICLES=4407

    La deuxième confusion de ce raisonnement est une déclinaison de la première : on confond père et géniteur, mère et génitrice. La pratique de l’adoption illustre pourtant bien cette différence. Et ce n’est pas parce que j’ai mis au monde un enfant que je vais savoir prendre soin de lui, que je vais avoir « l’instinct maternel ».

    Ce qui compte, dans la relation parents-enfant, c’est le lien d’engagement des parents vis-à-vis de l’enfant, plus que le lien biologique, dont il n’est certes pas exclusif. « Même si notre droit cherche toujours à faire coïncider procréation et filiation, celle-ci est d’abord et toujours une parole d’engagement, écrit la sociologue Martine Gross dans Le Monde. La présomption de paternité n’est rien d’autre qu’un engagement à l’avance à prendre pour les enfants qui naîtront dans le cadre des noces, nul besoin que le père soit réellement le géniteur. »

    #famille #mariage_pour_tous #adoption #filiation

  • « S’habituer à l’homoparentalité » | Martine Gross (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/17/s-habituer-a-l-homoparentalite_1761375_3232.html

    Les premiers travaux scientifiques sur les enfants élevés par des parents homosexuels datent des années 1970. En 1997, date de l’invention du néologisme « homoparentalité », il n’existait en France aucun travail universitaire, aucune étude sur ce qu’on ne désignait pas encore par ce terme, alors qu’étaient recensées plus de deux cents références bibliographiques d’études menées principalement aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas. Les toutes premières études nord-américaines ont été réalisées à la demande de tribunaux qui devaient décider de la résidence d’un enfant (...) Source : Le Monde