person:mathieu léonard

  • Danger travail ! Par Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/Danger-travail

    Le travail rend malade, le travail blesse, le travail tue. Le principe de précaution voudrait qu’on ne s’y adonne jamais, pourtant l’impérieuse nécessité nous y contraint. D’après les statistiques annuelles de 2009 de l’Institut national de recherche et de sécurité (Inrs), les accidents du travail auraient causé 538 décès et plus de 43 028 incapacités permanentes à quoi s’ajoutent quelque 50 000 maladies professionnelles. Sans compter les suicides quotidiens, le stress, le harcèlement, les douleurs physiques et autres humiliations, tout ce qu’on désigne désormais sous le vocable de la souffrance au travail et dont on sait qu’elle est principalement engendrée par l’intensification des contraintes de productivité et des techniques managériales.

    Ce n’est a priori pas franchement un sujet de rigolade. Pourtant, en dénichant le fonds des affiches de prévention des risques et des accidents du travail des années 1950 à 1980, Cizo et Felder des Requins marteaux nous gratifient d’une mine de pépites graphiques qui frisent un humour noir quasi-surréaliste.

    Le graphisme est original, efficace, marrant. Toutefois, par son traitement, le message peut aussi paraître parfois très infantilisant, en regard des traumatismes subis par les travailleurs.

    Un ouvrage qu’on pourra consulter comme un document archéologique édifiant lorsque le chagrin ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

    Trésors de l’Institut de recherche et de sécurité , les Requins marteaux, 2012.

  • Tigre de papier par Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/Tigres-de-papier

    C’est toujours avec beaucoup de curiosité qu’on soustrait des kiosques des gares La Revue des Livres, définie comme une « grande entreprise intellectuelle et politique économiquement précaire ». Le sixième numéro de la RdL est encore une fois riche et dense de grandes questions critiques qui rendent beaux-belles et intelligent-e-s ceux et celles qui s’y penchent : Chomsky et ses « interrogations fondamentales » sur le pouvoir et la liberté, Bourdieu et la sociologie de l’État, Angela Davis et la France, également un entretien foisonnant de Charlotte Nordmann avec les jeunes Aïcha, Ilhem, Nawel et Saloua sur leur rapport à l’école et à la culture, etc. Et puis, un article de Daniel Zamora qui nous invite à découvrir « un des philosophes italiens les plus importants de son pays » injustement méconnu en France : Domenico Losurdo. Ce penseur en appelle à une contre-histoire du libéralisme fort à-propos et, de fait, à repenser l’expérience du socialisme au XXe siècle. « Les bolchéviques [auraient] ainsi échoué à “établir une forme relativement stable de gestion du pouvoir” », avance-t-il en toute décontraction. Plus loin, on nous confirme très sérieusement que le socialisme politique était bien un « système inachevé » qui n’a malheureusement pas réussi « à penser l’importance de la limitation du pouvoir au sein de la nouvelle classe dominante » (doux euphémisme !). Fichtre, c’était donc ça ! Alors plutôt que de revenir à l’utopie et au messianisme des origines, il faudrait, selon Losurdo, revenir à l’éboration des « contenus concrets de ce qu’a été réellement l’expérience révolutionnaire ». C’est d’ailleurs à ce « socialisme réel » que s’est probablement référé Losurdo en commettant un calamiteux essai historique de réhabilition du petit fusilleur des peuples (cf. Staline : histoire et critique d’une légende noire, Aden, 2011), ouvrage sur lequel l’obligeant article omet d’insister.

    On trouvera par contre une recension dudit ouvrage de Losurdo dans À contretemps – à ne pas confondre avec la revue théorique Contretemps –, mais cette fois pour déplorer « l’existence d’un courant néo-stalinien qui cherche […] un écho dans les milieux dits radicaux au nom d’un anti-impérialisme de pacotille, prêt à justifier les pires dictateurs de notre époque. » Le Bulletin (libertaire) de critique bibliographique, qui « paraît au gré des lectures, des envies et des circonstances », revient par ailleurs sur un certain nombre de bouquins parus récemment. C’est de grande qualité, même si ici on aurait apprécié voir appuyer la critique à l’égard du dernier livre de Jean-Claude Michéa, dont la nostalgie aux contours parfois incertains et les cibles répétitives rejoignent si souvent les idées fixes des réactionnaires pontifiants.

    Autre revue précieuse et confidentielle, Nous autres (peut-être en référence à Zamiatine, qu’on lira favorablement pour se prémunir des « grands philosophes » du type de celui cité plus haut) reparaît après deux ans d’absence avec en débat les stratégies de l’insurrectionnalisme et ses impasses, ainsi qu’un témoignage poignant sur le séisme de L’Aquila. (nousautres@ptitcanardnoir.org)

    Toujours une impeccable tenue graphique et des contenus roboratifs pour le trimestriel Offensive. Une thématique au centre de ce numéro : l’Info en lutte(s). « Contrairement aux petits soldats du journalisme qui affichent une neutralité de façade et se tiennent à distance de leurs sujets, nous assumons et revendiquons notre subjectivité et notre appartenance au camp des minorités, des opprimé-e-s et des résistant-e-s. » Et de revenir sur les pratiques plurielles des médias auto-organisés, tels que CQFD… Ah oui, tiens, CQFD ! Dégotable en kiosque.

  • Expressions déviantes par Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/Expressions-deviantes

    Il n’est pas trop tard pour parler d’ Amer , revue finissante, même si son cinquième et dernier numéro (décembre 2011) semble, hélas, bien être le dernier. Élaborée par les Âmes d’Atala, maisonnette d’édition lilloise consacrée à la littérature décadente, Amer donne une place importante aux plumes énervées de la « Belle époque » telles que Léon Bloy, Barbey d’Aurevilly ou Pierre Louÿs, poète mystificateur et photographe érotomane. La revue s’intéresse également à d’autres déviances sociales stylées « fin de siècle » : arts macabres, bombes anarchistes, punk-rock français et autres voyousetés, le tout agrémenté d’un choix photographique plutôt subtil et parfois osé pour un public sensible. Il est donc plus que temps de découvrir et faire découvrir cet objet de curiosité (la curiosité étant considérée ici comme une méchante qualité) qu’on peut se procurer notamment à la librairie Le Monte-en-l’air, rue de Ménilmuche à Paris-la-grand’ville.

    Autre revue positivement bizarre bien que plus essentiellement graphique et tout en couleur, Hey ! (modern art & pop culture) fournit une nourriture visuelle très riche au croisement de tous les arts visuels populaires. Le numéro 10 vient de paraître et d’être célébré sous chapiteau.

    http://zamdatala.net
    http://www.heyheyhey.fr/fr

  • Où l’on ne parlera pas, hélas, de La Revue des Livres (qu’il faut soutenir) par Mathieu Léonard

    « Débarrasser Marx des marxismes » animait la pensée et l’action politique de Jean-Marie Vincent (1934-2004), fondateur de Variations au début des années 2000. Aujourd’hui, la revue de théorie critique poursuit ce chemin, s’engageant à la suite de la bande à l’École de Frankfurt avec pour contributeurs, entres autres, John Holloway, Oskar Negt, la philosophe féministe Nancy Fraser, Slavoj Zizek, l’artiste Martha Rosler, Greil Marcus et autres têtes bien pleines… Variations s’attache alors à publier des textes dont les seules exigences sont la critique du monde-tel-qu’il-va et l’urgence nécessaire de l’émancipation-telle-qu’elle-vient. Après avoir quitté la forme papier en 2007 et rendu tous ses contenus en libre accès sur Internet, Variations se consulte sur http://variations.revues.org. Le numéro en cours s’exclame « Tahrir is here ! » et le prochain fourbira des armes en vue de la critique du travail.

    « Ce n’est pas la crise, c’est une arnaque », c’est sur cette bonne parole, placardée durant le mouvement dit des Indignados, que s’ouvre le premier numéro de la toute nouvelle revue L’Échaudée. Celle-ci est animée par des amoureux de la critique, de la poésie, de l’utopie et des détournements de comics américains (30,94 % de la publication), qui sévissaient déjà au sein de L’Oiseau-tempête et des éditions Ab irato. Plusieurs articles reviennent sur les mouvements des occupations, dont « Occupy wall street » qui sont venus momentanément perturber le cours du « Business as usual ». http://abiratoeditions.wordpress.com.

    Au cas où vous en doutiez, les fanzines punks ne sont pas morts et certains ont même opéré une mutation très élégante. À bloc se revendique fièrement de la tradition du fanzinat et de la scène punk anarchiste et antifasciste. Le troisième numéro plutôt copieux nous balade d’un troquet pérave parigot à la scène punk stambouliote ; nous fait rencontrer deux lutteurs du mouvement anarchiste (Lucio, faussaire espagnol à la retraite et Hellyette Besse, activiste du Jargon libre) ; nous met en garde contre les bikers néonazis et les rappers russes non moins nazebroques. En vente dans les meilleurs endroits : http://blogs.punxrezo.net/abloc.

    On ne présente plus le mensuel, disponible en kiosques, Article 11 et son équipe de sérieux déglingos (d’après une rumeur qui court dans le 9-3). À ce propos, ils nous livrent dans leur numéro 9 un entretien avec Arnaud Aubron, animateur du blog Drogues News. Il y rappelle une ironie de l’histoire : « Les militaires américains ont conduit beaucoup d’expériences sur l’usage des drogues. Avec toujours cette idée qu’ils maîtrisaient la situation. Une belle erreur, dont le projet MK-Ultra, mené par la CIA, fournit l’illustration : beaucoup de ceux qui ont lancé la vogue du LSD au début des sixties aux États-Unis sont passés par MK-ultra en tant que cobayes. […] D’une certaine manière, la CIA a ainsi contribué à l’essor du mouvement hippie. » D’autres articles sont consultables sur site http://article11.info.

    Pour les semaines d’inactivité à venir, pensez aussi à vous procurer Alternative libertaire, le mensuel d’Alternative libertaire, empruntable dans les Relais H ; la revue Z, consacrée au nucléaire et son monde (plutôt contre) ; ainsi que CheriBibi, revue populaire de culture alternative.

    http://www.zite.fr
    http://www.alternativelibertaire.org
    http://www.cheribibi.net

    Et bien sûr : http://www.revuedeslivres.fr

  • La patrouille du bon son par Bruno Dante & Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/La-patrouille-du-bon-son

    Composé de Rootystep, de Mac Gyver et du toaster Pupajim – dont certains amateurs connaissent peut-être déjà les remarquables et entêtants titres « Business of war » et « TV addict » – le sound system Stand High Patrol, qui tourne déjà depuis une dizaine d’années, vient de sortir son premier album de dub breton, Midnight walkers, autoproduit sur leur label Stand High records.

    Du dub breton ? Gast ! Alors du dub salé, car, c’est bien connu, le dub doux c’est pas vraiment du dub et ça n’a pas de goût. Mais attention, il ne s’agit pas d’une fusion douteuse avec des bouts de gwerz ou de Kan ha diskan et de ragga, non pas : Stand High Patrol mixe précautionneusement des sons reggae, dub, drum’n bass, hip-hop West Coast (Finistère oblige !), new-wave ou électro. Le trio sait associer des riddims minimalistes et glacés comme l’acier avec des mélodies plus chaleureuses, simples et efficaces. Le contraste entre l’accompagnement brut de décoffrage du digital à grosses basses et la voix douce, mélancolique, subtile et suave parfois comme du early reggae juvénile, demeure la marque de fabrique du trio. Rub a dub style, dancehall, en passant par le timbre Stalag, le chant navigue sur une palette de styles en variant harmonieusement selon l’humeur des compos, et le sujet reste toujours savamment maîtrisé. Les morceaux « Commando », « Brest bay », « Boat people » ou « The Big Tree » ont la puissance de véritables tubes à fredonner un dimanche matin en fin de piste sous un ciel brestois.

    Car nos trois mousquetaires du Ponant restent des marcheurs de la nuit. À Brest, le rendez-vous mensuel de leur « Dubadub Residance », soirée organisée dans le cabaret mythique du Vauban, attire les foules avides de dance floor chauds bouillants. Stand High Patrol, c’est aussi le souci de faire partager la passion de la Bass Culture, des invités de marque défilent au rythme des soirées de ces dernières années, Echo Ranks, Dan Man, Kenny Knots, Martin Campbell, Murray Man ou encore Mc Jamalski... En live ça dépote grave, c’est riche, généreux et radicalement jovial. L’esprit festif, ici, c’est plutôt de se mettre dans un coin de la salle, installer le mur d’enceintes et les platines sur une table et offrir la scène et tout l’espace au public pour qu’il y circule en dansant jusqu’à l’aube. Un certain bon sens du renversement de perspective, dirons-nous ! Pour finir, il serait juste de souligner, en plus du contenu, le souci de la forme chez Stand High. La charte visuelle est soignée par Kazyusclef, grapheur graphiste qui imprime son style sur les affiches et les pochettes des vinyles – que l’on doit se procurer au plus vite.

  • Mort aux ritals ! par Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/Morts-aux-Ritals

    Entre 1890 et 1910, on comptabilise une soixantaine d’incidents xénophobes dans le monde ouvrier français. Rixes entre ouvriers français et belges dans le Nord, affrontements sanglants entre Italiens et locaux dans les carrières de Senlis, contre des Espagnols dans l’Aude, ces divers incidents expriment une même protestation contre l’embauche d’une main-d’œuvre étrangère. La revendication d’un protectionnisme du travail national n’est pas sans rapport avec la montée en puissance des ligues nationalistes et antisémites, à une époque où le mouvement ouvrier organisé est encore en gestation – la CGT se constitue en 1895 – et l’idée internationaliste est quasimment oubliée depuis la scission de l’Association internationale des travailleurs en 1872. Le nationalisme sert d’ultime refuge aux ouvriers exposés au chômage et privés de formes de solidarités sociales effectives. Dès lors l’ouvrier nationaliste joue contre son camp en renforçant la domination du patronat national.

  • Mathieu Léonard : la Première Internationale, « une réelle force de dépassement » (Article11)
    http://www.article11.info/?Mathieu-Leonard-la-Premiere

    « Nous qui n’étions rien, soyons tout ». Les paroles de la célèbre « Internationale » résument très bien l’ambition de la 1re Internationale à sa création : donner au mouvement ouvrier les moyens théoriques et pratiques de son émancipation. Retour sur cette période fondatrice via le compte-rendu d’une conférence de Mathieu Léonard, auteur d’un ouvrage sur la question. Source : Article11