person:mehdi nemmouche

  • #Mehdi_Nemmouche, le djihadiste qui parlait trop
    https://www.mediapart.fr/journal/international/070916/mehdi-nemmouche-le-djihadiste-qui-parlait-trop

    Mediapart retrace le parcours de Mehdi Nemmouche, le premier djihadiste issu des rangs de l’État islamique à avoir commis un attentat en Europe. Des rapports pénitentiaires, révélés ici, illustrent les failles des services de renseignement le concernant. Et posent la question : le terroriste était-il suivi avant la tuerie du Musée juif de Bruxelles dont il est aujourd’hui accusé ?

    #International #Abdelhamid_Abaaoud #Ahmed_Laidouni #Amedy_Coulibaly #banques #Bernard_Cazeneuve #Cannes-Torcy #Chérif_Kouachi #Etat_islamique #Salah_Abdeslam #terrorisme

  • #Mehdi_Nemmouche, le djihadiste qui parlait trop
    https://www.mediapart.fr/journal/international/010916/hold-pour-lundi-9h-l-odyssee-suspecte-de-mehdi-nemmouche-mehdi-nemmouche-l

    Mediapart retrace le parcours de Mehdi Nemmouche, le premier djihadiste issu des rangs de l’État islamique à avoir commis un attentat en Europe. Des rapports pénitentiaires, révélés ici, illustrent les failles des services de renseignement le concernant. Et posent la question : le terroriste était-il suivi avant la tuerie du Musée juif de Bruxelles dont il est aujourd’hui accusé ?

    #International #Abdelhamid_Abaaoud #Ahmed_Laidouni #Amedy_Coulibaly #banques #Bernard_Cazeneuve #Cannes-Torcy #Chérif_Kouachi #Etat_islamique #Salah_Abdeslam #terrorisme

  • « Daech visait l’Occident avant même le califa t » - Le Point
    http://www.lepoint.fr/monde/daech-visait-l-occident-avant-meme-le-califat-01-09-2016-2065233_24.php


    Rukmini Callimachi spécialiste de Daech au New York Times. © DR

    L’homme qui appelait à tuer les Français, « où qu’ils soient », n’est plus. Avec la mort d’Abou Mohammed al-Adnani, abattu en Syrie par un tir de drone américain, Daech a perdu bien plus qu’un porte-parole. Dans une enquête retentissante publiée par le New York Times , la journaliste Rukmini Callimachi, l’une des meilleures spécialistes de l’État islamique au monde, a révélé que ce djihadiste syrien était en réalité à la tête d’une unité baptisée Emni, chargée de fomenter des attentats en Occident. Interviewée par Le Point, elle explique pourquoi cette véritable « DGSE djihadiste », responsable notamment des attentats du 13 novembre, survivra sans doute à la mort de son chef.

    Le Point.fr : Abou Mohammed al-Adnani était-il bien plus qu’un simple porte-parole de l’EI ?

    Rukmini Callimachi spécialiste de Daech au New York Times. © DR : Officiellement, Abou Mohammed al-Adnani est en effet le porte-parole de l’EI. Mais d’après mes recherches, notamment les documents de la DGSI auxquels j’ai eu accès, je me suis rendu compte qu’il est en réalité beaucoup plus. C’est le chef de l’Emni qui, en arabe, est un adjectif qui signifie « sécurité ». Il s’agit d’une sorte de « bureau de sécurité », une unité décrite comme les services secrets de l’EI. L’une de ses branches est consacrée aux attaques commises en dehors de la Syrie. Son rôle est de recruter les auteurs d’attentats contre l’Occident, d’identifier ses cibles, d’entraîner les recrues dans le « califat », et de les envoyer à l’étranger. Mais l’Occident n’est pas uniquement visé. Outre les attentats de Paris, l’Emni est responsable, par exemple, des attentats qui ont frappé le Bangladesh (le restaurant de Dacca), ou la Tunisie (le musée du Bardo et la plage de Sousse). D’ailleurs, l’Emni est divisé par région. Il existe une structure dédiée aux « affaires européennes », une autre liée aux « affaires arabes », et une dernière traitant des « affaires asiatiques ».

    La création de cette unité est-elle une réponse aux bombardements de la coalition contre Daech ?

    Je pense que cette analyse est erronée. Le premier homme à avoir été recruté par l’EI pour commettre des attentats en Europe se nomme Ibrahim Boudina. Il a quitté la Syrie en décembre 2013 alors que l’EI n’avait pas encore proclamé son « califat ». L’homme a été arrêté en février 2014 près de Cannes avec trois bombes de TATP (peroxyde d’acétone), ce qui laisse croire qu’il visait le carnaval de Nice. Le premier djihadiste à être passé à l’acte est Mehdi Nemmouche, l’auteur de l’attentat du Musée juif de Bruxelles en mai 2014.

  • Villes face au djihad : Marseille sourde aux sirènes

    La cité phocéenne serait parée d’antidotes au départ de jeunes vers la Syrie. Une thèse balayée par la police et la justice.

    « El hamdou lillah ! Marseille a jusqu’à présent été épargnée par l’islamisme violent. » Pour Haroun Derbal, l’imam d’Islâh, la mosquée du marché aux puces, c’est « grâce à Dieu » que la deuxième ville de France, la plus musulmane d’Europe, échapperait au phénomène du djihadisme ; pour d’autres, c’est en raison de sa sociologie. Une exception d’autant plus étonnante pour une ville portuaire, point névralgique et historique de tous les trafics, haut lieu du narcobanditisme, où cinq arrondissements sont classés parmi les plus pauvres de France.

    C’est pourtant dans ces facteurs que Raphaël Liogier, sociologue et philosophe à l’IEP d’Aix-en-Provence, recense les antidotes marseillais au djihadisme. « Marseille est aussi la ville où le tissu associatif de solidarité est le plus intense, analyse-t-il. Les Marseillais pauvres ne se sentent pas exclus, à la différence de villes comme Lyon, Bordeaux, Paris avec leur centre-ville bourgeois et leurs banlieues livrées à elles-mêmes. A Marseille, les minorités sont dans le tissu urbain ». Pour le sociologue, la « vieille tradition de régulation sociale par le banditisme » joue son rôle. Les profils susceptibles de commettre des attentats sur le sol français sont, selon lui, des individus attirés par le statut de « "petit caïd" : or, à Marseille, il y a des débouchés offerts - avant l’islam - comme moyen de trouver cette reconnaissance, cette aura ».

    « La menace est la même qu’ailleurs »

    Le narcobanditisme et l’économie souterraine de la drogue qui ont envahi de nombreuses cités siphonneraient-ils des « vocations » d’islamistes radicaux, comme ils auraient empêché, en2005, l’explosion des quartiers Nord de Marseille alors que les banlieues parisiennes flambaient ? Un avocat pénaliste marseillais l’assure : « Les jeunes ont moins envie de faire une révolution islamiste lorsque, en bas de chez eux, ils peuvent gagner 100 euros par jour en faisant le guetteur. Ou même beaucoup plus d’argent en dirigeant un réseau, pour s’acheter un petit snack ou une maison au pays. »

    Cette analyse est radicalement combattue par les autorités, police et justice confondues. Au lendemain de l’agression, le 11 janvier, d’un enseignant marseillais juif frappé avec une machette par un lycéen revendiquant agir « au nom de Daech », le préfet de police a souligné qu’il ne fallait pas minorer le phénomène. « Même si tous ne sont pas prêts à passer le cap, certains ont des profils inquiétants. La menace est la même qu’ailleurs. »

    Au palais de justice, on se refuse également à donner le moindre crédit au postulat selon lequel le banditisme éviterait le terrorisme. Au contraire même, la prégnance de réseaux criminels dans la ville, en particulier dans les cités, pourrait rendre l’accès aux armes de guerre plus aisé qu’ailleurs. Les kalachnikovs qui servent à la trentaine de règlements de comptes commis chaque année à Marseille entre trafiquants pourraient facilement tomber entre d’autres mains, considère un magistrat.

    Aucune investigation ne démontre un soutien ou un financement d’un réseau de stupéfiants à l’islamisme radical, ni de djihadiste avéré avec une velléité de départ vers la Syrie ou l’Irak qui serait en même temps dans le narcobanditisme. Les deux mondes sont décrits comme totalement étanches, bien que les services surveillent étroitement la radicalisation en prison du patron d’un des plus importants réseaux de stupéfiants dans les cités. « Mais ça n’en fait pas un futur djihadiste, indique un enquêteur. Je le vois mal partir avec les autocars d’Eurolines vers la Syrie quand il sortira de prison. Il a plus d’intérêts même en termes de reconnaissance sociale à reprendre son business. »

    400 fichés « S »

    Mais ce fin connaisseur du banditisme marseillais s’inquiète davantage du « prolétariat » du narcotrafic, les guetteurs, les petits vendeurs. Rien ne dit que ceux-là, estimant qu’ils ne gravissent pas assez vite les échelons, ne basculent pas dans le terrorisme. Du côté de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) qui suit des milliers de mineurs délinquants, les éducateurs sont particulièrement attentifs aux signes de radicalisation. Très peu de signalements sont pourtant remontés, au point que la direction a soupçonné ses personnels de renâcler à dénoncer des adolescents en dérive. Ce n’est pas le cas.

    Les dix-huit fonctionnaires qui travaillent au renseignement pénitentiaire recensent, eux, une cinquantaine de détenus radicalisés à surveiller en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le matelas par terre en cellule, la présence de livres salafistes, la venue au parloir d’une épouse portant subitement la burqa... Le repérage donne lieu à une surveillance de ces prisonniers et à leur isolement lorsque des actions de prosélytisme sont mises au jour.

    Avec 400 individus radicalisés et fichés « S » dans les Bouches-du-Rhône, et une dizaine d’assignés à résidence depuis l’instauration de l’état d’urgence, le département se place néanmoins dans une moyenne nationale. Mais, en proportion, il y aurait moins de départs vers la Syrie, l’Irak ou l’Afghanistan depuis Marseille que depuis Nîmes, Montpellier, Lunel, Cannes et Nice où se recensent des foyers idéologiques.

    La ville serait-elle pour autant immunisée ? C’est aller vite en besogne car, en 2014, Marseille a servi de base à Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de l’attentat du Musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts le 24mai 2014. Ce Roubaisien, radicalisé lors d’une incarcération au centre pénitentiaire de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) puis vraisemblablement parti rejoindre un groupe combattant en Syrie en2013, a, six jours après l’attentat de Bruxelles, été interpellé à sa descente d’un bus à la gare routière de Marseille.

    Complicités

    La justice belge a mis en examen deux Marseillais, anciens compagnons de cellule de Nemmouche considérés comme « les seuls contacts ayant été en mesure de [lui] assurer le financement nécessaire à son séjour à Bruxelles et à l’acquisition du matériel indispensable à l’exécution des actes qui lui sont reprochés, particulièrement les armes ». Selon les policiers français, l’arme de calibre 38 ayant été utilisée par Nemmouche provenait d’Avignon. Ces complicités marseillaises prouvent au moins que la ville n’est pas totalement à l’abri de l’islamisme radical.

    Des départs de Marseillais vers la Syrie ont aussi eu lieu. Comme celui de Mohamed, un fils de notables marseillais exerçant des professions libérales, ayant pignon sur rue. Avant son départ vers la frontière turco-syrienne, l’étudiant fréquentait deux mosquées de la ville et avait pris contact avec un passeur régulier de futurs combattants de Daech. Marseillais encore, l’un des auteurs de l’attentat déjoué contre des militaires du sémaphore du cap Béar (Pyrénées-Orientales)...

    Régulièrement, les juges des enfants marseillais sont saisis pour signer des interdictions de sortir du territoire frappant des mineur(e)s qui ont manifesté le désir de rallier Daech. Le parquet de Marseille a ainsi « bloqué » in extremis une mère de famille qui entendait partir faire le djihad avec ses très jeunes enfants. En janvier, un habitant de Marignane a été condamné à six ans de prison pour un « délire djihadiste » qui l’avait conduit à s’armer et à préparer des explosifs. Cet admirateur de Mohamed Merah n’avait jamais mis les pieds dans une mosquée, ni ne connaissait les rudiments de l’islam.

    L’un des principaux contrepoisons au djihadisme tiendrait aussi à la présence de nombreux musulmans d’origine algérienne

    Haroun Derbal, l’imam de la mosquée du marché aux puces, évoque, lui, ces matches de foot où l’arbitre et les joueurs s’arrêtent pour faire la prière, le club de boxe d’une cité où l’on prie avant chaque entraînement et où les filles boxent en voile. Mais, déplore l’imam, c’est au sein de la famille que la radicalité gagnerait du terrain. A l’image de ce père de famille, fiché « S », qui doit être jugé en février par le tribunal correctionnel. « Si je réveille mes enfants à 5 heures du matin pour la première prière, c’est pour leur bien », a-t-il expliqué aux policiers. L’allégation de violences sur l’aîné de ses enfants - placés depuis juillet - a entraîné ces poursuites judiciaires. Ce père de famille revendique une « pratique religieuse rigoriste mais ce n’est pas pour cela que j’irai poser des bombes ».

    Sur les quatre-vingt salles de prières marseillaises, une demi-douzaine seraient dans le viseur de la préfecture de police. Des perquisitions ont eu lieu, comme à la mosquée d’Air Bel où la présence d’individus très radicalisés vaut à cette importante cité des quartiers Est de Marseille le surnom de « Petite Kaboul ». Deux autres mosquées, celles de la cité Consolat dans le 15e arrondissement et de La Bastide Saint-Jean dans le 12e, ont aussi été perquisitionnées. Des opérations jugées par la police « très intéressantes en termes de renseignement et de connaissance des relations entre les personnes ». A Consolat, un pistolet automatique et une somme de 130000 euros ont été saisis au domicile de l’associé d’un des responsables de ce lieu de prières. Les enquêteurs penchent pour une « origine stupéfiants ».

    « Un islam de chibanis »

    Mais les Marseillais musulmans - beaucoup préfèrent placer en tête leur identité marseillaise- seraient protégés de la radicalité par l’exercice d’un islam apaisé, « un islam de chibanis [vieux] », selon l’expression de l’imam Abdelaâli Kallab. Pour ce jeune imam, la plus grande ville musulmane d’Europe - on évoque le chiffre de 250000 musulmans - aurait pu « facilement être un foyer du djihadisme, un centre idéologique » mais elle ne l’est pas devenue. Il se garde cependant de parler d’une « poche de résistance » marseillaise, craignant toujours une dérive « qui peut s’opérer par Internet ».

    L’un des principaux contrepoisons au djihadisme tiendrait aussi à la présence de nombreux musulmans d’origine algérienne et aux liens encore très forts entre Marseille et l’autre rive. « Avec 250000 morts durant les années noires, les Algériens sont vaccinés dix fois contre le djihadisme », explique Abdessalem Souiki, imam itinérant et fondateur de l’association La Plume des savoirs qui organise un soutien scolaire auprès d’une centaine d’élèves. Comme d’autres, il prêche pour la création d’un collège d’imams et de théologiens, « à l’instar d’une chambre des métiers ou une chambre des artisans. Nous aurions les moyens de faire le tri, de valider ou non l’ouverture d’une salle de prière, mais il faudrait un geste fort des autorités locales, comme de mettre à la disposition des musulmans des lieux de prière salubres et dignes de ce nom ».

    Cette reconnaissance de la présence de musulmans à Marseille aurait dû se faire depuis des années, notamment avec la construction d’une grande mosquée. Une première pierre a été posée en mai 2010, mais elle ressemble bien à la dernière.

    Luc Leroux

    Source : Le Monde
    Dimanche 31 Janvier - Lundi 1er Février 2016 - p.9

    #Daesh #Djihadisme #Marseille

    • Bonjour,
      Avant, ma vie me semblait satisfaisante jusqu’au jour où ma mère nous a quittés. Elle est partie vivre avec un autre homme et mon père ne pourrait pas nous rendre heureux tout seul parce qu’il n’avait pas assez de salaires. Et moi, je suis l’ainé de la famille donc cela devrait être moi qui gère tout et remplace ma mère. Je ne savais pas quoi faire, car la vie est très dure et c’est également dur de trouver du travail rapidement. C’était ma voisine qui m’avait suggéré de contacter un Prêteur qui offres de crédits entre particulier à court, moyen ou long terme au meilleur taux 2% dont elle m’a donné l’adresse. Le Prêteur Mr Jean Coudray m’avait dit que j’aurais mon prêt après une semaine si je suis ses conseils comme il faut. Maintenant tout va à merveille car j’ai reçu mon virement de 20.000 €. Grâce au Prêteur Mr Jean Coudray j’ai pu avoir un avenir meilleur plein de bonheur et ma vie fut heureuse comme tous les autres au tour de moi. Vous pouvez le contacter directement par émail pour de plus amples renseignements : mr.jeancoudray@gmail.com

  • Molenbeek, un nid de terroristes ? Ce quartier de Bruxelles est le lieu d’une belle alternative
    http://www.reporterre.net/Molenbeek-un-nid-de-terroristes-Ce-quartier-de-Bruxelles-est-le-lieu-d-u

    Molenbeek, près de Bruxelles, est présenté comme un repaire de terroristes. Comme toujours, la réalité n’est pas si simple. Car dans ce grand quartier de Bruxelles, une initiative de parc urbain autogéré est devenue un exemple extraordinaire de mixité et de tolérance.

    @supergeante

    • A Molenbeek, dans la spirale de la misère et de l’islam radical

      « Molenbeekistan », « nid de djihadistes ». Depuis les attentats de Paris, Molenbeek, commune de Bruxelles, est sous les feux de l’actualité, considérée comme la plateforme du terrorisme européen. Plongée dans ce quartier qui a sombré et où l’Arabie saoudite a massivement financé l’émergence d’un islam wahhabite.

      http://www.mediapart.fr/journal/international/201115/molenbeek-dans-la-spirale-de-la-misere-et-de-lislam-radical?onglet=full

    • De notre envoyée spéciale à Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles, Belgique). Quand elle a appris que deux des fils Abdeslam étaient impliqués dans les tueries de Paris – l’un, Brahim, s’est fait sauter devant un bar du XIe arrondissement « comme s’il était à Kaboul » et l’autre, Salah, est en cavale –, Souad s’est effondrée en larmes et en prières. Elle « sentait que le malheur se rapprochait encore une fois du quartier ». Déjà, l’été dernier, pendant les vacances dans le village natal, dans le nord du Maroc, elle avait demandé à son mari, un retraité de la Stib, la RATP bruxelloise, de convaincre les enfants de rester au pays. « Au Maroc, c’est une dictature mais je préfère la dictature à l’anarchie, là-bas les policiers font peur, nos petits-enfants seront biens tenus. Pas comme à Molenbeek où tout est permis et les gosses à la rue nuit et jour. »

      Souad était déjà « traumatisée, dépassée » par l’histoire de la famille N. Ces lointains cousins, immigrés en Belgique comme eux, avaient organisé une « talba », une récitation du Coran, pour un de leurs gamins qui s’était radicalisé sans que personne s’en aperçoive et qui avait rejoint la Syrie, cédant à « l’appel du Cham » de Daech. Il était mort quelques mois plus tard, « shuhada », « martyr », selon un bref message de l’organisation qui avait plongé la mère dans la folie et le père dans la dépression. Souad, la soixantaine, voyait souvent les femmes de cette famille autour d’un thé à la menthe pour passer les après-midi « mais depuis cette tragédie, elles ne fréquentent plus personne, le djihad est un sujet tabou, les familles ont honte, comme si Satan les avait frappées ».

      Ce mercredi, dans son salon oriental, sous une photo de La Mecque où elle est allée en pèlerinage, Souad se demande « quelle drogue on donne à nos enfants pour qu’ils deviennent des monstres », un chapelet à la main. Elle raconte qu’elle ne sort plus de peur d’être harcelée par les journalistes « qui nous prennent pour des animaux » et pleure les victimes de Paris, « les musulmans d’Europe qui vont être encore plus stigmatisés » mais aussi « l’enfer que doit vivre la mère Abdeslam ». « Ici, c’est un village, on se connaît tous », dit-elle, scotchée sur Maghreb TV, une télé belge communautaire qui diffuse en arabe et qui a dépêché ses caméras sur la place communale de Molenbeek.

      Le quartier est l’un des poumons de la ville, à quelques mètres du métro Comte de Flandre et à moins d’un quart d’heure à pied de la Grand-Place de Bruxelles, épicentre touristique de la capitale européenne. S’y tient tous les jeudis un marché « qui donne l’impression d’être à Tanger », dit un commerçant. Il se présente comme « un des rares Blancs » à tenir encore un commerce dans ce qui a muté, au fil des décennies, en « un laboratoire de ville à 90 % musulmane », « un ghetto ethnique ». « Maroc-enbeek », 97 000 habitants sur six kilomètres carrés : plus de la moitié sont des immigrés marocains ou descendants, concentrés dans la partie basse de la ville, le triangle « Comte de Flandre-Étangs noirs-Ribaucourt ».

      Décrochage scolaire, chômage (jusqu’à 60 % chez les jeunes dans les quartiers est), discriminations de l’école à l’embauche, familles nombreuses sans revenus du travail entassées dans des logements minuscules dont un quart ne possède pas encore le confort minimal (W.-C., douche), trafic de cannabis importé par des Rifains, banditisme… Molenbeek, « Petit Manchester » ouvrier florissant dans les années 1960, a été foudroyé par la désindustrialisation. Le quartier est devenu, un demi-siècle après le premier accord bilatéral de recrutement de main-d’œuvre entre la Belgique et le Maroc (puis avec la Turquie), l’emblème du croissant pauvre et délinquant de Bruxelles qui tourne autour du canal. Tous les indicateurs sociaux sont au rouge, à quelques kilomètres du rond-point Schuman et des institutions européennes.

      Depuis samedi, les médias du monde entier cherchent à comprendre comment cette commune, que le ministre de l’intérieur belge Jambon, de la très droitière N-VA, veut « nettoyer » (et Zemmour « bombarder »), s’est muée en « nid à djihadistes ». Ils occupent la place communale avec leurs fourgons satellites, enchaînent les duplex, vont et viennent du dôme de la « maison communale » (la mairie) accolée au commissariat de police, au numéro 30, à l’autre bout de la place, une petite maison de trois étages au-dessus d’un Pakistanais qui vend des tissus orientaux. C’est ici, dans un logement social, que vit la famille Abdeslam, sous pression médiatique maximale.

      Lundi, en fin d’après-midi, sur le pas de la porte de l’immeuble, Mohamed, frère aîné des deux terroristes présumés, employé au service « population » de la commune depuis dix ans, s’est exprimé sous les flashs après une arrestation musclée et plusieurs heures de garde à vue : « J’étais accusé d’acte terroristes (…) mais en aucun cas je n’ai été lié de près ou de loin à une intervention à Paris. (…) Les gens de la commune savent de quoi je suis capable et de quoi je ne suis pas capable. Je n’ai jamais eu d’ennuis avec la justice. J’avais un alibi. » « Momo », comme l’appellent ses collègues, assure n’avoir « rien remarqué » chez ses frères. Comme tous ceux qui connaissaient Salah et Brahim Abdeslam.

      « Bienvenue à Hollywood, la plus grande fabrique de films »

      « Pas inconnus de la justice, les deux frères avaient commis des délits de droit commun mais ils appartiennent à une famille modérée, ouverte, originaire de Tanger, au Maroc, qui n’avait jamais fait parler d’elle sur le plan religieux », dit un travailleur social sous couvert d’anonymat. « Je les connais depuis qu’ils sont petits et je ne les ai jamais vus à la mosquée », renchérit Jamal Habbachich, à la tête d’un comité consultatif qui fédère seize mosquées de Molenbeek. Abdel, 26 ans, qui alterne périodes de chômage et d’intérim, passait ses journées et ses soirées aux « Béguines », le café qui appartenait à Brahim Abdeslam et que gérait Salah. C’était un bar d’hommes dans cette ville où les femmes sont pour la plupart voilées et où « tu n’en verras jamais une dans un bar, ni dans la rue le soir sauf si elle sort d’un mariage », dit Abdel.

      Le café a été fermé le 5 novembre par les autorités, pour « consommation de substances hallucinogènes prohibées » après une descente de police en août. On y menait une vie de bamboche, fumait du shit, buvait un verre de thé à la menthe ou des Jupiler (bière belge), en jouant aux dés et en regardant les matchs de foot. « C’était tout sauf des radicaux qui voient la vie en "haram" (illicite) ou en "halal" (licite). Ils ne faisaient pas la prière à ma connaissance. Leur "trip", c’était les filles, les discothèques, la fête », raconte Abdel.

      Abdel ne croit « pas du tout » ce qui tourne en boucle sur les chaînes d’information, sur les fils Abdeslam et le cerveau présumé des attentats de Paris, Abdelhamid Abaaoud, Molenbeekois bien connu, mort dans l’assaut lancé ce mercredi dans un appartement à Saint-Denis. « C’est des montages. Comment on peut tenir un coffee-shop et se faire sauter quinze jours après ? Comment on peut être Abaaoud l’homme le plus recherché du monde planqué en Syrie et revenir à Paris incognito en passant les frontières dans un contexte ultra-sécuritaire même en empruntant la route des réfugiés syriens ? », dit le jeune homme en prenant à témoin ses copains.

      Tous lisent là « encore un complot de la Grande Puissance, l’Amérique, la France pour salir les musulmans ». « Si j’envoie par SMS à mon répertoire la question, "croyez-vous aux événements dont les médias nous matraquent depuis vendredi", 95 % va me répondre "Non" », assure sans ciller Samir, 28 ans et déjà dix de chômage. Ils ne sont pas allés ce mercredi au rassemblement sur la place communale en mémoire des victimes de Paris où 2 500 personnes, dont le frère Abdeslam depuis un balcon, se sont recueillies, allumant des bougies, des lumières contre les ténèbres.

      Karim, qui a quitté l’école à 16 ans et vit de « petits deals », ne se sent « pas concerné » : « On n’était pas "Charlie" en janvier parce qu’on ne peut pas rire de tout et se moquer de la religion, du prophète comme il le faisait. On ne va pas être "Paris" en novembre. Il y a eu des morts, O.K., qu’ils reposent en paix, mais on ne croit pas au "terrorisme", c’est une invention de l’Occident. Chaque fois, qu’il y a "un attentat" ou "une tentative", cela passe toujours comme par hasard par Molenbeek et les quartiers où il y a des musulmans concentrés. C’est la seule fois de l’année où on parle de nous dans les journaux, jamais pour parler du racisme, du chômage, de la misère, des violences policières que nous subissons avec nos parents. Du jour au lendemain, on découvre qu’untel avec qui on était à l’école, jouait au foot, à la boxe, est devenu un bourreau et pose avec une kalach sur Facebook au milieu de cadavres. Mais que fait la police alors si nous sommes un foyer du djihadisme mondial depuis tant d’années ? »

      Devant l’un des deux derniers établissements scolaires de Bruxelles qui accepte le port du foulard (tous deux à Molenbeek), des jeunes filles, voilées ou cheveux lâchés, sortent de cours, oscillant entre « c’est faux, c’est un complot », « c’est vrai, c’est bien fait pour la France qui bombarde la Syrie ». À « Molen », nombre d’habitants rencontrés, dont beaucoup de jeunes, refusent de croire que la ville est un foyer de l’islam radical européen, une base arrière des cellules djihadistes notamment françaises. Les théories du complot circulent à la vitesse du « téléphone arabe », révélant l’étendue de la fracture entre la population de ces quartiers bannis et le reste de la société.

      Depuis l’offensive médiatique, « la parano » a gagné les habitants qui voient « des agents extérieurs », « des espions au service du roi du Maroc », « des flics belges déguisés » partout, jusque dans les rangs des journalistes. « Bienvenue à Hollywood, la plus grande fabrique de films. Moi, je vole mais je ne suis pas un terroriste, je suis incapable de tuer une mouche », rigole un sans-papiers algérien. Tout de contrefaçon vêtu – jeans, blouson en cuir, montre, besace –, il fume un joint sur la chaussée de Gand, le grand axe de drague et commerçant de la ville, essentiellement des boutiques « ethniques » à bas prix, boucheries et snack halal, magasins de meubles, vaisselle et gadgets orientaux, vêtements islamiques, « jilbabs » et « kamis » sombres, « made in China »...

      « Molenbeek est en train de payer des décennies de harcèlement religieux »

      Pourtant, la réalité est là, impressionnante. Quand ils ne sont pas des enfants du cru, les islamistes radicaux se forment, se cachent, se lèvent derrière les murs, les caves et les garages des petites maisons en briques rouges de Molenbeek. Malgré le durcissement de la législation antiterroriste belge, le démantèlement de filières de recrutement depuis les années 1990, les chemins du terrorisme ne cessent de mener à cette commune parmi les plus pauvres de Belgique, lui valant le retour du surnom « Molenbeekistan ».

      « La religion poussée à l’extrême par les obscurantistes est devenue l’occupation principale des chômeurs qui n’ont plus que le choix entre le trafic de drogue ou le djihad. Tu n’as pas de travail ? Fais la prière cinq fois par jour et attends l’appel de l’imam au café en fumant un joint. Tu n’es pas marié, tu es frustré sexuellement, socialement ? On va te donner 70 vierges si tu te fais sauter », soupire un commerçant musulman qui aimerait bien « un peu de diversité, de Blancs ».

      Aujourd’hui, ce sont Abdelhamid Abaaoud, les frères Abdeslam, le Français Bilal Hadfi qui s’est fait exploser devant le Stade de France et qui vivait à Bruxelles… qui font la une des journaux. Hier, et la liste n’est pas exhaustive, c’était Hassan el-Haski, l’un des cerveaux des attentats de Madrid de 2004 (191 morts, 1 800 blessés) ; Mehdi Nemmouche, l’auteur de la tuerie du Musée juif de Bruxelles en mai 2014, originaire de Roubaix ; Ayoub el-Khazzani, qui a raté l’attaque du Thalys Bruxelles-Paris en août dernier ou encore des protagonistes de « la cellule de Verviers » démantelée lors d’un assaut policier mortel au lendemain des attentats de Charlie-Hebdo, de Montrouge et de l’HyperCacher en janvier.

      C’était aussi les prédicateurs Jean-Louis Denis dit le Soumis, Fouad Belkacem aujourd’hui derrière les barreaux (il a pris douze ans en février). Ce dernier, à la tête de Sharia4Belgium, prônait le djihad armé entre Anvers et Bruxelles. En 2012, une quinzaine de membres de son groupuscule salafiste ont provoqué des émeutes avec la police de Molenbeek en réaction au contrôle d’identité d’une femme en niqab dans le tram (cette dernière s’était rebellée et avait cassé le nez d’une policière).

      « La ville est pour eux un arrondissement de Paris comme Anvers, une annexe des Pays-Bas. Ils peuvent s’y procurer facilement des armes, des faux papiers grâces aux filières criminelles, se planquer grâce à la densité de logements et se fondre dans la population de type arabo-musulmane », analyse l’anthropologue et militant associatif Johan Leman. Il a suivi toutes les mutations de la commune, de l’arrivée des premières générations d’immigrés venus travailler dans les mines, creuser le métro bruxellois aux premières radicalisations de leurs enfants nés sur le sol belge. C’est ici aussi que les Tunisiens Dahmane Abd el-Sattar et Bouraoui el-Ouaer ont fomenté l’assassinat du commandant afghan Massoud tué deux jours avant le 11 septembre 2001 sur ordre de Ben Laden.

      El-Sattar était l’époux de Malika el-Aroud, « la veuve noire », muse du djihadisme belge, deux fois femme de martyrs (elle s’est remariée avec Moez Garsallaoui, un Belgo-Tunisien tué par un drone au Pakistan en 2012). Fille d’ouvrier marocain, condamnée en 2008 à huit ans de prison et désormais sous le coup d’une procédure de déchéance de nationalité, elle avait envoyé vers l’Afghanistan des dizaines de jeunes.

      Le Franco-Syrien Bassam Ayachi, « cheikh » sulfureux, doyen des terroristes belges en Syrie où il est retourné en 2013, avait présidé à l’époque son mariage religieux avec el-Sattar. Il a dirigé pendant vingt ans, avec son fils (mort en Syrie en 2013), le Centre islamique belge (CIB) de Molenbeek. Un sanctuaire du salafisme radical, démantelé seulement en 2012 par la justice, qui a envoyé de nombreux combattants vers l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie.

      « Molenbeek est en train de payer des décennies de harcèlement religieux et de laxisme politique. On a laissé des fous de Dieu, des salafistes et des Frères musulmans, payés par le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Maroc, semer le malheur, la pagaille, le foulard. Ils ont fait de l’islam des sectes qui imposent un Coran de la terreur, sur des individus fragiles, ignorants, des gamins qui ont décroché du système scolaire dont les parents sont analphabètes, qui ne parlent ni l’arabe ni la langue des imams. » Rue Ribaucourt, le gérant de la librairie El-Itra (l’être originel en arabe) fulmine dans son local désert en lisant Grabovoï, « un grand penseur russe qui peut sortir nos consciences de la déchéance ». Sans concession, le libraire, « un musulman laïque », met « dans la même poubelle » le terroriste Bassam Ayachi et l’islamologue Tariq Ramadan qui tient régulièrement conférence dans la ville.

      Trois anciens, barbes longues et fournies, anoraks sur djellabas jusqu’aux genoux, passent devant sa vitrine : « Il y a trente ans, ils buvaient de l’alcool, fumaient, mais on leur a lavé le cerveau, les voilà singes. » Pas un client depuis samedi dans sa boutique, « que des journalistes qui ne connaissent rien à l’islam ». « À ce rythme, je vais fermer. Je tiens la seule vraie librairie de la ville qui propose du sacré et du profane face aux innombrables librairies coraniques, toutes affiliées à un groupuscule, salafistes, frères musulmans », râle le commerçant. Il raconte qu’un jour de campagne électorale, « un politicien » est rentré dans sa librairie : « Il m’a demandé ce que je voulais. Je lui ai dit : ferme les mosquées et je voterai pour toi. Il m’a pris pour un fou musulman et il a tourné les talons. Mais il est là le grand problème de Molenbeek. »

      « Un week-end comme celui-ci flingue tout le boulot des travailleurs sociaux »

      La ville compte officiellement 24 mosquées, organisées par pays, dont quatre seulement sont reconnues par la région de Bruxelles-Capitale (les imams y sont payés par les autorités). Elle compte aussi des dizaines de lieux de cultes ou associations privés, dans les anciennes maisons ouvrières, que personne ne sait vraiment chiffrer ni surveiller. Seize des 24 mosquées sont contrôlées par un conseil consultatif (onze sont arabophones, deux pakistanaises, une africaine, une turque, une bosniaque).

      Jamal Habbachich, 59 ans, un Belge originaire du sud marocain, est à la tête de ce conseil. Il donne rendez-vous dans la mosquée Attadamoune, 500 fidèles le vendredi, près des Étangs noirs, et appelle « la communauté à se remettre en question » : « Nous sommes à l’image de la Belgique, divisés, communautarisés dans nos mosquées. Chacun son pays, sa tribu, ses mentalités. Le Maghreb, c’est l’anarchie totale à l’inverse de la Turquie ou le Pakistan qui sont très structurés. Aucun de leurs jeunes ne part au djihad contrairement à nos fils du nord du Maroc et d’Afrique du Nord qu’on retrouve dans tous les dossiers de terrorisme avec les convertis. »

      Pour lui, « le mal vient des monarchies du Golfe, l’Arabie saoudite en tête, qui versent leurs pétrodollars sur l’Occident et imposent dans nos quartiers des courants dangereux et une lecture très rigoriste et binaire de l’islam, "halal", "haram", sans nuances de gris. Chez les Marocains, c’est très fort et c’est un terreau fertile pour les recruteurs radicaux qui veulent décerveler nos jeunes ». Ce jeudi, dans les médias, Rachid Madrane, ministre PS de l’aide à la jeunesse à la Fédération Wallonie-Bruxelles, a reconnu « le péché originel » : « On a confié les clés de l’islam en 1973 à l’Arabie saoudite pour s’assurer un approvisionnement énergétique (…) Le résultat, c’est que la pratique de l’islam apaisé qui était celle des personnes qu’on a fait venir du Maroc a été infiltrée par du wahhabisme, du salafisme. »

      Le Royaume belge découvre ainsi qu’il a trop longtemps fermé les yeux sur l’emprise wahhabite. La Grande Mosquée du Cinquantenaire, à Bruxelles, financée dans les années soixante par la Ligue islamique mondiale, une ONG musulmane au service du régime saoudien, est emblématique de cette liaison dangereuse. Rachid Madrane souhaite plus d’imams formés en Belgique, qui prêchent en français, en néerlandais, plus d’arabophones dans les services de renseignements.

      « Les mosquées sont moins problématiques qu’internet. Cela l’était il y a encore dix ans mais aujourd’hui, elles sont surveillées. Les islamistes le savent et opèrent à l’extérieur, en privé, sur internet. On voit peu de jeunes dans nos mosquées faute d’imams qui savent répondre en phase avec leurs préoccupations », constate Jamal Habbachich.

      Professeur de religion musulmane dans des établissements professionnels du réseau officiel (les Belges ont une définition de la laïcité radicalement différente des Français), Jamal Habbachich a toutes les peines du monde à convaincre des gamins déboussolés par les prédicateurs du Web. « L’autre jour, une élève de cinquième m’a demandé si j’étais d’accord avec l’imam de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, la nouvelle coqueluche des jeunes, pour dire que les faux ongles, c’était "haram". J’ai passé quarante minutes à lui expliquer qu’il n’y avait rien de mal à se rajouter une couche d’ongles ! Les discours de ce type me font peur. J’ai passé deux semaines aussi à rappeler à un ado qui étaient les femmes de Mahomet, Aicha, guerrière, cavalière, infirmière, etc. Il me disait que suivant les préceptes d’un cheikh égyptien sur Youtube, sa femme ne travaillerait jamais. Il m’a soutenu que les femmes ne doivent sortir que trois fois : du ventre de leur mère, du joug parental au joug marital, puis du foyer au cimetière. »

      Dans son bureau à la commune, sous une affiche de lutte contre les contrôles au faciès, l’écolo Sarah Turine, échevine (adjointe) déléguée à la jeunesse, à la cohésion sociale et au dialogue interculturel, islamologue de formation, partage les mêmes craintes et la même analyse : « La logique manichéenne wahhabite a causé beaucoup de dégâts à Molenbeek. Après les attentats du 11-Septembre et la première vague d’islamophobie, les jeunes de la deuxième et troisième génération, ne se sentant pas reconnus comme des Belges à part entière, surtout les garçons, ont hissé en étendard leur identité musulmane. On prend en peine figure aujourd’hui les conséquences du repli religieux qu’on a laissé s’installer en achetant la paix sociale. »

      Depuis samedi, les politiques se renvoient les responsabilités, notamment les bourgmestres Philippe Moureaux, le baron socialiste qui a régné pendant plus de 20 ans sur la commune, et la nouvelle bourgmestre de droite Françoise Schepmans (Mouvement réformateur) qui a raflé la commune en 2012, grâce à une coalition mêlant son parti, le centre-droit (CDH) et les écolos.

      Le premier aurait laissé « Marrakech devenir Peshawar », la seconde « n’aurait rien fait »… Sarah Turine ne veut pas « rentrer dans la polémique ». Quand elle a appris les fusillades de Paris, elle s’est dit « pourvu qu’il n’y ait pas de lien avec Molenbeek » : « Un week-end comme celui-ci flingue tout le boulot des travailleurs sociaux et va stigmatiser un peu plus les habitants de Molenbeek, des musulmans normaux, pacifistes qui encaissent déjà beaucoup d’injustices. » Elle rappelle que sur les cinq communes de la zone de police de Bruxelles-ouest, dont Molenbeek, une cinquantaine de jeunes ont rejoint des milices en Syrie depuis le début du conflit. Une cinquantaine sur des dizaines de milliers de jeunes qui essaient de s’en sortir.

      « Les journalistes ne parlent jamais des énergies dingues que dégage cette ville »

      « On surmédiatise un épiphénomène, certes d’une extrême violence et barbarie. À l’échelle belge, les djihadistes, c’est 500 personnes sur près de 600 000 musulmans. Les taux de chômage, de décrochage scolaire sont beaucoup plus affolants », appuie Corinne Torrekens, chercheuse à l’Université Libre de Bruxelles, spécialiste de la radicalisation. « Les journalistes ne viennent que lorsqu’il y a un attentat ou un gros tournage de film. Jamais ils ne parlent des énergies dingues que dégage cette ville, de son terreau associatif, artistique », s’indigne le comédien Ben Hamidou.

      Enfant de Molenbeek, « ma mère adoptive », dit ce natif d’Oran en Algérie, Ben Hamidou monte depuis quinze ans des pièces de théâtre, seul en scène ou avec des gens du quartier. Il joue dans Djihad, la pièce d’Ismael Saïdi qui tourne depuis 2014, tragi-comédie retraçant l’odyssée en Syrie de trois paumés de Molenbeek que l’oisiveté et la quête identitaire conduisent à la guerre sainte. Déclarée d’intérêt public au lendemain des attentats de Charlie-Hebdo par la ministre de la culture et de l’enseignement de Bruxelles, cette pièce est devenue un outil pédagogique dans les écoles des ghettos de riches et pauvres pour appréhender et dépassionner la folie du monde.

      « Les médias sont en train de faire de Molenbeek une zone plus terrible que les banlieues de Paris, où vous envoyez des CRS plutôt que d’y faire de bonnes écoles, quand nous, c’est une ville à taille humaine dans le centre-ville où il y a tout de même de l’investissement », déplore le professeur d’urbanisme Eric Corijn. On le retrouve dans « un endroit positif », la maison des cultures et de la cohésion sociale, théâtre d’initiatives et de diversités.

      « La ville change lentement, ses extrémités se gentrifient, le vieux Molenbeek est en pleine revitalisation, des hôtels ouvrent, on voit des boutiques avec des mini-jupes en vitrine chaussée de Gand, impensable il y a cinq ans ! », martèle-t-il lors de ses visites guidées de la ville comme samedi devant une trentaine d’eurocrates qui n’avaient jamais passé le canal. Près de la maison des Abdeslam, sur la place communale, une brasserie doit ouvrir à l’angle : « Il faut que la commune se débrouille pour que ce soit un lieu hybride où on peut boire du thé à la menthe et du vin. » Déghettoïser. Décommunautariser. « Faire ville ensemble. » C’est l’un des plus grands défis de Molenbeek, coupé en deux, le haut de la ville, bourgeois, branché, blanc, et le bas, populaire, misérable, arabo-musulman.

      « Cela va être difficile. Le mal est fait, l’intégration a échoué. Même si on donnait du travail à tous les chômeurs et ratés du quartier, les familles resteront repliées sur leurs tribus, à se marier entre cousins, à décourager les filles de faire des études. Les politiques ont laissé se mettre en place un petit Maroc du nord avec des élus, des policiers, des profs… tous marocains qui fonctionnent pour certains comme au bled avec des bakchichs. Les rues sont sales, le cannabis est partout dans la ville, dans des cafés légaux et d’autres clandestins derrière des rideaux de fer. Les autorités ne font rien, laisse la drogue détruire nos enfants. » Mounir est « déprimé ». Il veut « déménager avec sa famille dans un quartier tranquille, mettre ses filles dans une école avec des Blancs, car ici, il n’y a pas de mélange et le niveau est très bas ». Il veut « se sentir en Belgique ».

      À quelques rues de là, pas très loin de Ribaucourt, plaque tournante du trafic de drogue, un café aux vitres teintées. À l’intérieur, des habitués, des jeunes et des vieux, une odeur de shit, « cette odeur sans laquelle Molenbeek ne serait pas Molenbeek », dit Soufiane, deux télés, une branchée sur du football et l’autre sur de la “soul” aux clips suggestifs. Point de cendrier. On écrase ses joints au sol. Un sans-papiers algérien, qui tient le bar pour des Rifains, les patrons, balaie régulièrement les mégots. « C’est la technique pour rester propre si jamais la police faisait une descente », explique Soufiane. C’est son heure de détente après le travail, des missions d’intérim dans le BTP, « physiques ». Il y retrouve ses amis, originaires d’Oujda dans le nord marocain comme lui.

      Soufiane s’était rêvé une vie meilleure, des études longues, hors de Molenbeek mais ado, on l’a contraint aux filières professionnelles. « Ici, le système nous tire vers le bas, l’exclusion commence à l’école. On n’a pas le droit d’avoir de l’ambition. On nous veut dans les usines comme nos pères sauf qu’elles n’existent plus. » Dans son quartier, « une femme est partie en Syrie avec les gosses rejoindre son frère ». Sans rien dire à son mari qui a trouvé la maison vide en rentrant du boulot. Vendredi, il priera à la mosquée « pour les victimes de Paris ». En se demandant si ses voisins de prière ne sont pas de Daech : « On devient parano et on ne sait plus quoi penser. »

      De l’autre côté du canal, un commerce tenu par un Arménien qui visionne en boucle toujours les mêmes vidéos d’Abaaoud. Il dit que « tout ça, c’est la faute des politiques qui ont laissé les Arabes imposer leur culture à l’Europe » en sortant un tract de son tiroir. C’est la profession de foi du Vlaams Belang, le parti flamand d’extrême droite raciste et xénophobe. Dehors, un Syrien de Homs, passé par les Balkans, mendie quelques sous avec sa femme et leurs deux enfants. Ils ont peur d’être expulsés « à cause des terroristes »...

    • Merci @colporteur
      alors :

      Tous lisent là « encore un complot de la Grande Puissance, l’Amérique, la France pour salir les musulmans ». « Si j’envoie par SMS à mon répertoire la question, "croyez-vous aux événements dont les médias nous matraquent depuis vendredi", 95 % va me répondre "Non" », assure sans ciller Samir, 28 ans et déjà dix de chômage. Ils ne sont pas allés ce mercredi au rassemblement sur la place communale en mémoire des victimes de Paris où 2 500 personnes, dont le frère Abdeslam depuis un balcon, se sont recueillies, allumant des bougies, des lumières contre les ténèbres.

      Karim, qui a quitté l’école à 16 ans et vit de « petits deals », ne se sent « pas concerné » : « On n’était pas "Charlie" en janvier parce qu’on ne peut pas rire de tout et se moquer de la religion, du prophète comme il le faisait. On ne va pas être "Paris" en novembre. Il y a eu des morts, O.K., qu’ils reposent en paix, mais on ne croit pas au "terrorisme", c’est une invention de l’Occident. Chaque fois, qu’il y a "un attentat" ou "une tentative", cela passe toujours comme par hasard par Molenbeek et les quartiers où il y a des musulmans concentrés. C’est la seule fois de l’année où on parle de nous dans les journaux, jamais pour parler du racisme, du chômage, de la misère, des violences policières que nous subissons avec nos parents. Du jour au lendemain, on découvre qu’untel avec qui on était à l’école, jouait au foot, à la boxe, est devenu un bourreau et pose avec une kalach sur Facebook au milieu de cadavres. Mais que fait la police alors si nous sommes un foyer du djihadisme mondial depuis tant d’années ? »

      Ça c’est le discours majoritaire maroxellois. Je l’ai entendu en boucle depuis vendredi (dans la bouche d’hommes maroxellois de Molenbeek). Tu peux danser sur ta tête pour faire entendre un autre son de cloche, les complots ont la côte, c’est affolant, je suis effondrée, car même des personnes que je considère comme intelligentes versent dans ces raccourcis aveugles paranoïdes et victimaires. Les « rifains » sont tellement dans leur monde parfois, que, parfois, il ne reste plus rien qu’un pessimisme profond, car même si Molenbeek est plus complexe que les caricatures que l’on en fait, l’article de Mediapart est un des moins caricatural que j’ai lu jusqu’à présent.

  • Presumes-terroristes.fr : la contre-réponse au projet de loi sur le terrorisme
    http://www.nextinpact.com/news/89730-presumes-terroristes-fr-contre-reponse-au-projet-loi-sur-terrorism

    Sur Presumes-terroristes.fr, la Quadrature, la Ligue des Droits de l’Homme, Framasoft, le Parti Pirate, Reporters sans frontières et le Syndicat de la magistrature s’opposent d’une même voix au projet de loi contre le terrorisme. Le site apporte ainsi son analyse sur ce texte bientôt examiné à l’Assemblée nationale.

    « Ce projet de loi est (…) avant tout un outil de communication du gouvernement, qui cherche à montrer qu’il agit contre le développement du radicalisme terroriste, sans se préoccuper réellement de l’adéquation aux problèmes réels et de l’efficacité de ces mesures ».
    [...]
    Aujourd’hui, dans Libération, des PV d’auditions de quatre ex-otages indiquent que Mehdi Nemmouche aurait peut-être projeté lui aussi des attaques d’ampleur, avec un évènement symbolique en forme d’hypothèse : le défilé du 14 juillet sur les Champs Élysées. Seulement, ces auditions ont été menées entre le 30 mai et le 2 juin 2014 et n’éclosent qu’aujourd’hui dans la presse, soit à quelques jours avant l’examen du projet de loi en question à l’Assemblée nationale.
    [...]
    Manque de chance pour Bernard Cazeneuve, Reuters vient de rapporter que le Parquet vient de contester l’existence d’un projet d’attentat dans cette brûlante affaire Nemmouche.

    https://presumes-terroristes.fr

    #Attentat #Censure #France #Loi #Lutte_contre_le_terrorisme #Législation #Mehdi_Nemmouche #Média #Terrorisme

  • #Question

    Notre ministre de l’intérieur nous dit ça :

    Nemmouche : Cazeneuve n’a « jamais » eu connaissance d’un projet d’attentat

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/09/07/selon-libe-nemmouche-preparait-un-attentat-a-paris_4483350_3224.html

    et nos amis journalistes (sic !) nous disent ceci :

    Mehdi Nemmouche, le tueur présumé du Musée juif de Bruxelles, semblait avoir planifié un attentat sur les Champs-Elysées pendant le défilé.

    Ils vont même plus loin car ils prétendent que c’est une info libé.
    http://www.liberation.fr/societe/2014/09/07/je-vais-faire-cinq-fois-merah-au-14-juillet_1095637
    On se doute que le témoignage du prénommé Nemmouche ne vaut pas un pet de lapin et pourtant Libération s’obstine a vouloir entretenir la peur du « Jihadiste ».

    Qu’est-ce-que Libération a à gagner dans cette affaire à entretenir la peur des honnête gens ???

    #barnum

  • Comment les lois antiterroristes vont être alourdies
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/07/08/le-gouvernement-alourdit-l-arsenal-antiterroriste_4453013_3224.html

    Projet de loi « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le #terrorisme ». Le texte doit être examiné par les députés de la commission des lois avant la fin juillet. Il prévoit notamment :

    • La création d’une interdiction administrative de sortie du territoire (citation incroyable de Marc Trévidic « Il y a des gens qu’on qualifie de terroristes pour qu’ils ne le deviennent pas. », L’Express, 18 juin 2014) sur la base des renseignements de la fraîchement rebaptisée #DGSI ;

    • La création de la notion d’« entreprise individuelle terroriste » pour faire face à la menace de « loups solitaires » ;

    • Le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme ;

    • La pénalisation de l’apologie du terrorisme ;

    • Un délit de #piratage « en bande organisée.

    #sécurité #surveillance

    http://seenthis.net/messages/274258
    http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/AGAMBEN/49997

    • Pendant ce temps, en Espagne…

      Madrid approuve un projet de loi « antimanifestation »
      http://lemonde.fr/europe/article/2014/07/12/madrid-approuve-un-projet-de-loi-antimanifestation_4455922_3214.html

      Selon le gouvernement, la future loi répond à une « demande de la population ». Néanmoins, le dernier sondage du Centre de recherche sociologique contredit cette affirmation : seuls 2,8 % des Espagnols classent la sécurité parmi leurs trois principales préoccupations, loin derrière le chômage, la corruption et les hommes politiques

    • Cazeneuve sur le projet de loi antiterroriste
      Mediapart, 13 août 2014
      http://www.mediapart.fr/journal/international/130814/gaza-terrorisme-prohibition-le-ministre-de-l-interieur-sexplique?onglet=fu

      À la rentrée, un nouveau projet de loi antiterroriste sera présenté au Parlement. Il prévoit notamment la création d’un délit d’« entreprise individuelle terroriste », le blocage administratif de sites réputés pro-djihadistes et l’interdiction administrative de sortie du territoire pour certains candidats au djihad. N’avez-vous pas l’impression que nous sommes entrés dans l’ère de l’intervention policière et administrative avant même que les faits n’aient eu lieu, un peu comme dans le film Minority Report ?

      Faut-il que j’attende que les actes aient été commis pour attendre que l’action publique s’enclenche et que le judiciaire prenne le pas ? Dois-je attendre qu’un nouveau Mehdi Nemmouche ait tiré pour agir ? Si c’est cela le sens de la question, ma réponse est très claire : non. Je n’attendrai pas. Mon rôle de ministre de l’intérieur est d’éviter que de tels actes n’aient lieu. 

      Le code pénal prévoit déjà des infractions préventives comme l’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste.

      Nous sommes face à une nouvelle réalité. Il y a près d’un millier de djihadistes français qui sont partis en Syrie, sont sur le chemin de la Syrie ou sur celui du retour. Sur le théâtre des opérations, on en compte aujourd’hui 380. Je fais en sorte de faire face à cette réalité en préservant la défense des libertés individuelles, qui sont le trésor de notre République. Sur le plan même des principes, si je devais d’ailleurs sacrifier le début d’une liberté sur l’autel de la lutte contre le terrorisme, ce serait une première victoire des terroristes sur notre modèle. Je ne le veux pas. À aucun prix.

      Mon problème est celui du départ de ceux pour lesquels nous disposons de suffisamment d’éléments pour savoir qu’ils vont partir sur le théâtre des opérations terroristes et dont on sait qu’une fois qu’ils s’y sont rendus, leur aller sera sans retour. Soit parce qu’ils y auront trouvé la mort, soit parce qu’ils en reviendront détruits. Aujourd’hui, je n’ai pas tous les moyens d’empêcher ces départs. Lorsque ces jeunes basculent sous l’effet de la propagande terrifiante diffusée sur Internet, on les perd. Ils ne vont pas faire la guerre d’Espagne et se battre pour la liberté. Ils vont décapiter, crucifier, torturer. C’est cela, la réalité.

      Je dois donc prévenir très vite ces départs. Le temps judiciaire n’a pas la temporalité nécessaire. C’est pourquoi j’ai décidé d’une interdiction administrative de sortie du territoire. Est-ce que cette interdiction est arbitraire ? Non. Elle intervient sur la base d’éléments précis qui témoignent que la personne va s’engager dans un acte à caractère terroriste. La personne incriminée peut se défendre. Elle peut saisir en référé la justice, qui statuera sur le bien-fondé de la décision de l’État.

      Cela signifie que vous déclassifierez des éléments recueillis par les services de renseignements ?

      Bien entendu. Nous le faisons déjà dans bien des affaires. Il nous suffit de mettre sur une « note blanche » les éléments qui motivent la décision. Et s’il n’y a pas tous les éléments, ce sera donc en défaveur de l’État et en faveur de la personne incriminée. Le juge peut casser à tout moment. Sur le plan juridique, je ne vois pas où est le problème en terme de libertés. L’avocat aura accès au dossier, j’y tiens. Et le juge administratif, qui est aussi un juge des libertés, statuera.

      Le propre de la procédure judiciaire, qui est ici contournée pour l’interdiction administrative de sortie ou le blocage administratif de sites, c’est qu’elle est contradictoire et non secrète avant qu’une décision soit prise, pas après. N’y a-t-il pas une inversion des principes dans votre raisonnement ?

      Non, mais il y a un problème de temps. Le juge judiciaire a sa temporalité et son indépendance, auxquelles je tiens viscéralement. Mais quand il y a des interceptions téléphoniques qui nous indiquent que la personne surveillée part demain, nous n’avons pas toujours le temps du temps judiciaire. Je ne peux donc pas attendre. Donc j’interdis la sortie du territoire. Si la personne s’estime injustement mise en cause, elle saisit le juge.

      Ne prenez-vous pas là un cas extrême pour justifier d’une mesure générale ?

      Non, ce n’est pas extrême. C’est mon quotidien. Tous les soirs, quand j’ai fini ma journée, je lis des notes qui me racontent ces départs, ces basculements. Il faut dire la vérité aux Français et prendre la mesure du sujet.

      En août 2013, devant la conférence des ambassadeurs de France à l’Élysée, François Hollande s’est dit prêt à « punir » le régime de Bachar al-Assad. Ce n’est pas la guerre d’Espagne, mais, à l’âge des idéaux, il y a de jeunes Français qui vont combattre un régime qui a martyrisé son peuple et a utilisé des armes chimiques. Que faites-vous à part les stigmatiser en leur interdisant de quitter le territoire ?

      Le président de la République ne peut pas être tenu pour coupable d’avoir dit des choses justes. Il a raison de dire qu’il faut combattre Bachar al-Assad. Mais tous ceux qui considèrent que le combat contre Bachar al-Assad a légitimé l’engagement aux côtés des djihadistes font une erreur de parallaxe. Aujourd’hui, combattre Bachar al-Assad et prévenir le djihadisme, c’est le même combat contre les atrocités, la barbarie, le crime, la torture. Ces combats-là ne sont pas divisibles. Aller crucifier, décapiter, tuer en nombre en Irak ou en Syrie ne relève pas d’un combat légitime, mais de la monstruosité que les plus grands humanistes ont toujours combattue. Il ne faut pas tout mélanger.

      Que faites-vous pour accompagner ces jeunes à leur retour ? Aux Pays-Bas, par exemple, il existe des programmes de réinsertion et de dé-radicalisation. Mais en France ?

      Mon plan antiterroriste ne se réduit pas aux mesures prévues dans le projet de loi. Il y a tout le reste sur lequel j’ai pris des circulaires pour mobiliser les préfets, avec les représentants des cultes, etc. Nous visons précisément à ce que ces jeunes aient un interlocuteur, une main tendue, une écoute. Dès le 27 avril 2014, j’ai pris une circulaire pour qu’à chaque fois qu’un jeune est signalé par ses parents, une association ou l’institution scolaire, un dispositif global à caractère préventif soit mobilisé autour de lui.

      On peut basculer parce qu’on est en décrochage, qu’on a un problème d’emploi, de santé, de rupture familiale. Sur chaque territoire, nous mobilisons toutes les administrations et le secteur associatif pour lutter contre toutes les discriminations qui peuvent conduire ces jeunes à penser qu’il n’y a pas d’avenir pour eux. C’est quand vous n’avez plus rien à attendre, ni de l’école, ni de vos parents, qu’une idéologie très nihiliste de la mort peut conduire à basculer.

      Nous y travaillons avec volontarisme avec la ministre de la justice Christiane Taubira : déradicalisation dans les prisons, formation des imams, travail de nos services de renseignement, éducation, réinsertion dans les prisons… Ces sujets ont pour moi, en termes de priorité, une acuité aussi importante que le projet de loi antiterroriste.