person:mona lisa

  • LesInrocks - Roman Cieslewicz, un sampleur d’images aux Arts Déco
    https://abonnes.lesinrocks.com/2018/06/29/arts/roman-cieslewicz-un-sampleur-dimages-aux-arts-deco-111100122

    Le musée des Arts décoratifs consacre une rétrospective à l’affichiste mythique.

    C’est lorsque l’image envahit les paysages urbains et mentaux que Roman Cieslewicz commence à opérer. Muni de son bistouri, cet œil de lynx tranche avec une précision chirurgicale dans le tissu confus du réel, cette masse visuelle d’affiches, de pubs ou d’emballages qui submergent les sociétés entrées dans l’ère de la consommation. Du kiosque à journaux au fin fond des poubelles, il récolte pléthore d’éléments imprimés, les classe par thèmes et les range dans des boîtes. Il y a les dossiers Œil, Main, Guerre, Mona Lisa, mais aussi Che Guevara, Comics BD, Jaune, Jésus…Voilà pour la méthode maniaque, organisée.

    Cette archive quasi encyclopédique, cortex d’images hautes, pop ou surannées, constitue le terreau de sa production graphique, composée de copies altérées, de collages et de photomontages. Né en 1930, héritier de dada, de la tradition affichiste polonaise et du constructivisme russe, Roman Cieslewicz était en fait un DJ avant l’heure. Sa matière première, toujours préexistante, était produite à tout moment, partout. L’artiste la remixait, collait, réarrangeant le flux visuel pour produire affiches de cinéma, de théâtre, couvertures de livres… Durant sa carrière, il collaborera avec Beaubourg, Raymond Depardon, Le Monde, Elle, Opus International, des revues graphiques expérimentales comme Kamikaze. Son œuvre est prolifique et l’exposition en cours au MAD permet d’en saisir l’ampleur et la diversité.

    Hygiène de la vision

    Débarqué à Paris de Varsovie en 1963, l’artiste avouera avoir été choqué et excité par la surabondance visuelle dans la capitale. Face à cet océan d’images, l’enjeu, dans son cas, était de ne pas être submergé : dompter le flux et sa violence. D’où une œuvre résistante et critique. Souvent noire, blanche et rouge, la production de Cieslewicz tranche par son minimalisme, ses tonalités et motifs ténébreux, presque orwelliens. L’artiste revendiquait une “hygiène de la vision”, compétence primordiale de l’individu postmoderne : élaguer et savoir sélectionner dans un contexte de surstimulation. Roman Cieslewicz a montré la voie.

    A travers sa création, il a donné une seconde vie aux images volatiles et inventé autant de signes, signaux, images-messages efficaces pour se repérer. Bien avant qu’internet ne l’entérine, il avait pressenti le nouveau statut des images : circulantes, remaniées. Au sortir de l’expo – et si le syndrome de Stendhal ne nous a pas écroulé au sol –, on se demande bien ce que ce DJ d’images aurait imaginé aujourd’hui. Julie Ackermann

    #Remix #Culture_numérique #Collage

    • Alors que dire de cette exposition que je viens de visiter ? C’est une très remarquable exposition du travail de Roman Cieslewicz qui a la vertu pédagogique de faire comprendre ses méthodes de travail et c’est assez réjouissant de voir des maquettes, leurs calques et leurs côtes dans les marges avec des annotations de type « au trait » ou « tramé », c’était effectivement comme cela se passait au deuxième millénaire, on aurait vite fait de l’oublier.

      En revanche ce qui apparaissait comme le fin du fin dans les années 89 du siècle dernier, les années pendant lesquelles le quotidien Libération régnait sans partage en matière de graphisme dans la presse, et bien tout cela n’a pas si bien vieilli que cela. Alors oui, Roman Cieslewicz avait un sacré coup de ciseau et l’oeil qui allait avec, en revanche, comme de si nombreux graphistes, il avait aussi l’oeil sur la copie de ses voisins de table et aller piquer sans vergogne dans leurs assiettes.

      Il y a une très lourde insistance dans le parcours de cette exposition pour qualifier son travail de politique, je trouve la chose un peu lourdingue et pas particulièrement vraie, et surtout disons que le maniement de symboles du nazisme dans les années 70 ou 80 comme vocabulaire graphique, c’est comment dire ? Un peu daté et simpliste, quand ce n’est pas ouvertement manichéen.

      En revanche, un peu énervé par le prix exorbitant du billet, onze euros tout de même, je me suis dit que je devrais essayer de rentabiliser un peu le forfait et je découvre donc à l’âge de 53 ans que le musée des arts décoratifs à Paris (dans lequel je suis allé un certain nombre de fois pour y visiter des expositions temporaires), compte dans ses collections permanentes quelques trésors insoupçonnés et insoupçonnables, un petit Cranach tout mignon et une très belle bataille, le siège de je ne sais plus château, par Uccello, et une myriade de petites sculptures du moyen âge, notamment un polyptique de la passion du Christ avec incrustées, telles des vignettes les sept plaies de la Vierge comme des rappels du parcours du Christ pour arriver à la septième plaie très étonnant.

    • @odilon Entre autres raisons qui me rendent difficile de qualifier son travail de politique c’est que le traitement graphique des sujets est presque toujours le même, quel que soit le sujet ou quel que soit le contexte, que ce soit pour le magazine Elle , pour des couvertures de livre (la collection 1018 par exemple), des affiches de spectacles ou des unes de Libé, tout étant au même niveau graphique, on ne peut faire autrement que d’y voir un geste décoratif et donc sans profondeur et encore moins un engagement politique.

    • Bien vu !
      J’avais noté cet article pour la question du Remix : une large part de la création provient de la reprise d’éléments graphiques, textuels ou audio venant d’autres auteurs. Qu’un grand musée mette cela en avant alors même que les formes nouvelles du remix sont méprisées et rejetées par les extrémistes du droit d’auteur, me paraît significatif.
      Comme quoi, chaque lecture porte un angle différent, et c’est l’ensemble qui fait un véritable regard.

  • #Maria_Yudina, la pianiste de #Staline (1899-1970)

    https://www.franceculture.fr

    Formée au Conservatoire de Petrograd dans la même classe que Chostakovitch et admirée par ses contemporains (Klemperer, Prokofiev, etc.) Maria Yudina appréhendait la musique dans une approche globale de l’art qui incluait sa passion pour la poésie, la peinture et l’architecture.

    Amie de Boris Pasternak qui lut pour la première fois chez elle, en petit comité, des passages de son Docteur Jivago , elle fut aussi le soutien fidèle du penseur et critique Mikhaïl Bakhtine qu’elle aida notamment quand il était en relégation.

    Qualifiée de Mona Lisa aux yeux verts dans sa jeunesse, plus tard de Clytemnestre en baskets et robe noire, revolver en poche (ainsi la décrit Sviatoslav Richter), Yudina fascinait : par son talent et son courage.

    Avocate de la musique des Stravinski, Krenek, Hindemith, autres compositeurs très mal vus en URSS, elle réussissait à se procurer leurs partitions et les jouait quand c’était possible. Sur elle, courent toutes sortes d’anecdotes les plus curieuses, comme celle d’un concerto de Mozart qu’elle aurait enregistré en une nuit, parce que Staline, l’entendant à la radio la veille, aurait demandé le disque et que personne n’aurait osé lui dire que l’enregistrement n’existait pas.

    Maria Yudina a payé ses prises de positions iconoclastes par des interdictions de concerts et des évictions quasi systématiques de ses postes de professeur, mais dans une Russie soviétique où d’autres artistes ont connu, pour beaucoup moins, la torture ou la mort, elle fait figure d’énigme.

    Son destin mystérieux éclaire d’une lumière particulière les relations entre les musiciens et le pouvoir pendant le Stalinisme et le Dégel, une époque que les historiens de la musique n’en finissent pas de découvrir dans son fonctionnement erratique.

    #piano #musique

  • Le grand Jacques est mort, qui qui dit mieux ?

    C’est le premier artiste dont j’ai été fan, celui qui m’a appris à être fan, à apprendre les paroles par coeur, à guetter les sorties de disque, les concerts, les festivals ou même les émissions de radio qu’on enregistrait ou même où l’on pouvait avoir l’occasion de le croiser et d’assister à l’une de ses imprévisibles performances, un de ses monologues drolatiques, une de ses improvisations interminable, et rater encore une fois le dernier métro...

    J’ai raté ses débuts au cinéma (dans Bébert et l’Omnibus, il jouait le grand frère de Bébert, je me souviens très bien de la scène) et son premier disque avec du jazz et des reprises de Boris Vian (de cette époque : les deux premières chansons fantastiques du best-of de l’INA que vous pouvez voir tout en bas de ce message).

    En revanche, à la maison on avait le disque Crabouif (1971), avec son pote Areski. Et c’est ainsi que je découvre un chanteur qui se permettait de déconner sur un disque (avec le jeune Arthur H.!) : Tiens j’ai dit tiens
    https://www.youtube.com/watch?v=dRjozdfB2xE

    Mais aussi la très jolie ballade, que j’ai déjà écoutée 14 fois aujourd’hui (faudra pas oublier de déposer des bottes de roses sur sa tombe) : Je suis mort qui qui dit mieux (...) Ceux qui ont jamais croqué d’la veuve (...), peuvent pas savoir ce qui gigote dans les trous du défunt cerveau quand sa moitié dépose une botte de rose sur l’chardon du terreau
    https://www.youtube.com/watch?v=RIgl2DioD7U

    Dans une France yéyé où la musique ne faisait pas le poids avec celle du reste du monde, la révolution Higelin s’appelait BBH75, qui fut peut-être le premier vrai disque de rock de ce pays, un trio sans concessions, comme avec ce Mona Lisa Klaxon psychédélique que je connaissais par coeur sans rien y comprendre (comme tout le reste du disque d’ailleurs, et des autres disques aussi !) :
    https://www.youtube.com/watch?v=iNEELFhPpdQ

    Et s’il se calmait, c’était quand même pour flatter le vice, Cigarette, dont on voit aussi une version dans la compilation de l’INA (je crois aussi me souvenir d’une excellente version du concert de Bercy en 1985, pas son meilleur par ailleurs, avec Pierre Chéreze à la guitare électrique, mais elle est introuvable sur youtube...).

    Mon disque préféré, il en faut bien un, c’était Alertez les Bébés (1976). La musique est plus sophistiquée, avec toujours de bons musiciens, comme Pierre Chéreze toujours, dans Le Minimum :
    https://www.youtube.com/watch?v=EWt7yrg9-9E

    Et il ose même me faire aimer l’accordéon dans un blues révolutionnaire, Coup de Blues :
    https://www.youtube.com/watch?v=hmvUZgRlhLg

    Mon frère avait acheté un 45 tours qui contenait une chanson inédite, Jaloux d’un Rêve, dont on peut voir un clip sur le best-of de l’INA (décidément très sympathique !). Et Vague à l’âme, qu’est-ce que je l’aimais cette chanson...
    https://www.youtube.com/watch?v=3G6cMwPVrdE

    A la sortie du triple album live à Mogador en 1981 (aussi mon préféré !), je suis dégoûté d’être trop jeune pour avoir raté ces concerts drôles et interminables. Sur la compile de l’INA on voit une version de Hold Tight, de Fats Waller s’il vous plaît, proche de qu’il faisait à l’époque. Mais écoutez ce Je Veux Cette Fille de 16 minutes, avec cette longue digression de blues de 13 minutes, Alain Guillard au sax...
    http://www.dailymotion.com/video/x2qgu8f

    Alors de fin 1981 à 1989, je pense que je n’ai raté quasiment aucun de ses passages à Paris. En plus, ce sont mes années lycée et, le chanteur dont on est fan au lycée correspond à une certaine identité. J’avais choisi Higelin quand d’autres avaient choisi Renaud ou Thiéfaine, c’était mon destin ! Dans cette décennie synthétique, l’humour, la sincérité et la générosité d’Higelin sont comme des bouffées d’air frais. C’est aussi Higelin qui m’a fait découvrir Youssou N’Dour, Mory Kanté, Ray Léma... et peut-être une ouverture vers d’autres musiques ?

    En 1988 sort Tombé du Ciel, un de ses plus grands succès, mais là c’est moi qui tombait du ciel. Higelin qui dans les annés 1970 s’adressait à des adultes pendant que la France entière s’adressait à des adolescents, retombait en enfance avec des chansonnettes, alors que moi j’allais bientôt rentrer à la fac... C’est là que nos chemins se sont séparés, et je réalise aujourd’hui qu’il n’en était alors qu’à la moitié de sa carrière, même si de l’avis de tous (et la compilation de l’INA en témoigne), le meilleur était déjà passé...

    J’ai continué à en entendre parler, et jamais je n’ai eu honte de mon idole passée (alors que Renaud...). Contrairement à ce que j’ai lu ici ou là, il n’a pas très longtemps été ni d’extrême gauche, ni très militant, ni très politisé, mais je l’ai quand même vu aux côtés des mal-logés ou des sans-papiers dans les années 1990 et 2000. A propos des flics, en 2000 :
    https://www.youtube.com/watch?v=2zCG29Tkguk

    Juste pour boucler la boucle, je vois qu’en 2015 il appelle son dernier disque Higelin75, et qu’il comporte une chanson testament, une réponse à Cigarette, 40 ans plus tard. Alors on va le laisser partir comme ça, en fumée : En attendant que le fossoyeur me creuse une tombe au père Lachaise (...) en attendant qu’le temps s’arrête et qu’le ciel me tombe sur la tête, je tire ma révérence, J’fume, une dernière taffe de provoque
    https://www.youtube.com/watch?v=0fCb7NwnLKY

    Autres liens :

    Jacques Higelin, le best of des Archives de l’INA
    https://www.youtube.com/watch?v=ExLnkqXCBYI

    Sur Arte, le film que Sandrine Bonnaire a tourné sur lui en 2014 :
    https://www.arte.tv/fr/videos/052426-000-A/jacques-higelin-par-sandrine-bonnaire

    A cette occasion, elle l’avait rejoint lors d’un de ses concerts, et on peut assister à son humour et à son talent d’improvisateur :
    https://www.youtube.com/watch?v=E_P7UwLYuDg

    Sur Arte, Higelin à la Philarmonie en 2015 (il a pris un sacré coup de vieux, là) :
    https://www.arte.tv/fr/videos/063875-000-A/higelin-symphonique-a-la-philharmonie-de-paris

    Et après ce concert, Higelin ne veut plus quitter la scène et remercie le public pendant 10 minutes, ému :
    https://www.youtube.com/watch?v=I6RXcI-zHLU

    Sur France Inter, du 15 au 26 aout 2016, 10 émissions d’une heure pour raconter l’histoire du Grand Jacques. Voici la première si ça vous dit, vous trouverez les autres ensuite :
    https://www.franceinter.fr/emissions/les-feuilletons-radiophoniques-des-mfp/les-feuilletons-radiophoniques-des-mfp-15-aout-2016

    Le message de @philippe_de_jonckheere et d’autres :
    https://seenthis.net/messages/683610

    #Jacques_Higelin #Higelin #Musique #Chanson #RIP #fan #concerts #mort_en_2018

  • *A l’Observatoire de Paris, un bureau d’enquêtes (presque) incollab le*

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/09/04/a-l-observatoire-de-paris-un-bureau-d-enquetes-presque-incollable_5180957_16

    Enigmes criminelles ou archéologiques, fêtes cultuelles ou curiosités profanes… A l’Observatoire de Paris, on répond à toutes les questions sur la marche du ciel.

    Lorsque la lettre, signée ­Patrick Kearney, portant l’adresse de la prison d’Etat de Mule Creek (Californie) est arrivée, Pascal Descamps a d’abord cru à une plaisanterie. Mais, vérification faite, l’auteur de ce courrier aux larges caractères manuscrits était bel et bien le célèbre tueur en série californien des années 1970. Condamné à la réclusion à perpétuité pour 21 meurtres, mais probablement responsable au total de 43, l’assassin qui exécutait ses victimes (souvent des homosexuels) dans sa voiture, avant de les violer, de les découper en morceaux et de les abandonner dans le désert, posait à l’astronome une question simple mais curieusement décalée au regard de sa ­situation personnelle. En admettant que cela soit possible, interrogeait-il depuis sa cellule, combien de temps faudrait-il à un vaisseau spatial, soumis à une accélération constante de 9,81 ms-2, pour ­atteindre la vitesse de la lumière ? Serait-ce 353 jours, 19 heures, 45 minutes et 23 secondes ?

    « Un statut d’expert »

    Responsable, et unique employé, du trop confidentiel Service de calculs astronomiques et de renseignements de l’Institut de ­mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) de l’Observatoire de Paris et du CNRS, Pascal Descamps a vite appris à n’être surpris de rien. Conformément à une tradition ancienne, remontant à l’époque, antérieure à 1998, où le Bureau des longitudes, créé par la Convention, avait seul en France la capacité de prévisions en matière de mouvements des corps célestes, il est chargé de ­répondre aux questions adressées à l’Observatoire de Paris par le ­public. Qu’il s’agisse de particuliers, de professionnels ou de la justice. Successeur de Patrick ­Rocher, parti à la retraite en juillet 2015, il en avait, au 1er mai, déjà traité 616, consacrant à cette activité la moitié de son travail de chercheur, là où l’administration avait prévu un tiers de mi-temps.

    C’est que, explique-t-il, donner une suite à ces sollicitations, ­reçues par la poste ou par courriel, peut être « chronophage ». Passe encore, lorsqu’il s’agit uniquement, comme six fois sur dix, de fournir une éphéméride d’heure de lever et de coucher du soleil et de la lune ou de décrire des phénomènes célestes tels que l’éclipse solaire du 21 août. Admettons également que peu de temps soit ­nécessaire pour dissiper les craintes de ceux qui, comme cette dame, s’inquiètent systématiquement de savoir si les astéroïdes ­géocroiseurs évoqués à la radio ne vont pas s’écraser incessamment sur Terre. Tout cela était prévu !

    Mais lorsque le problème touche à un point particulier de l’histoire de l’astronomie ou concerne une technique spécifique impliquant des calculs poussés, la ­réponse peut être longue à formuler. Une récente controverse à propos de la démonstration de la bissection de l’excentricité de l’orbite terrestre par l’astronome du XVIIe siècle, Jean Dominique ­Cassini (1625-1712), n’a-t-elle pas entraîné deux mois de travail pour Pascal Descamps ?

    Or, ce dernier est également tenu d’aider les lycéens à préparer leur travail d’initiative personnelle encadré (TIPE), d’indiquer aux différents cultes français qui en font la demande les dates et heures des fêtes religieuses liées aux cycles lunaire et solaire – comme le début du ramadan ou la rupture du jeûne qui dépendent de la position géographique des ­fidèles. Et de fournir, contre rétribution, aux journaux de chasse, de pêche et depuis peu d’agronomie – avec le développement de la culture du vin par « biodynamique lunaire » – les éphémérides qu’ils commandent.

    « Enfin, rappelle Pascal Descamps, l’Observatoire de Paris a un statut d’expert. Et, à ce titre, il répond à des réquisitions judiciaires. » La reconstitution d’un assassinat nocturne oblige les juges d’instruction à s’informer des phases de la Lune et des conditions d’éclairement à l’heure supposée du crime. Et il n’est pas rare que la police judiciaire veuille vérifier si un éblouissement, causé par une position particulière du Soleil, pourrait expliquer certains accidents mortels de voiture, ­d’hélicoptère ou d’avion. Dans les ­années 1990, le témoignage d’un conducteur qui avait écrasé un piéton avait ainsi été validé.

    Dans ses nouvelles fonctions, se félicite l’astronome, il y a toujours l’excitation de l’insolite. Cette ­succession d’énigmes grandes ou moins grandes, posées par des particuliers, qu’il faut s’efforcer de résoudre en glanant renseignements et astuces dans le champ fertile du savoir humain. Certes, admet le scientifique, le lot cache quelques fruits gâtés, comme ce courriel anonyme relatif à la date prochaine d’une obscure conjonction astrale liée manifestement à des actes de sorcellerie, ou cette lettre signée « Langage de velours » dont l’auteur refusait obstinément de recourir au genre féminin et s’obligeait à employer un ­curieux vocabulaire où les mots « Terre » et « galaxie » étaient remplacés par ceux, improbables, de « planétoïde » et de « galactisme ».

    Questions diverses

    Mais ces courriers recèlent aussi de véritables perles, souvent poétiques. Ecrivain de science-fiction souhaitant connaître l’effet qu’aurait la présence de deux ou trois lunes supplémentaires autour de la Terre. Violoniste désireux de débuter un concert à ­l’instant exact du crépuscule. ­Publicitaire aspirant à organiser un événement une nuit où la pleine lune serait posée juste au sommet de la tour Eiffel observée depuis le Trocadéro…

    Beaucoup de questions, précise le chercheur, proviennent d’historiens et d’archéologues qui en ­appellent aux astronomes pour associer des dates aux phénomènes célestes dont ils retrouvent les traces dans des archives. Ces derniers leur servant aussi bien de jalons pour établir des chronologies d’événements que, comme dans le cas des gravures rupestres des Pléiades de la montagne sacrée du Bego (Alpes-Maritimes) ou celui de l’alignement des fours du premier âge du fer d’Eyrein (Corrèze), d’indices de la présence d’un rituel.

    Ainsi, Pascal Descamps raconte avoir expertisé des graffitis de la cathédrale de Nevers (Nièvre) faisant allusion à une possible, mais imaginaire après vérification, éclipse du Soleil en l’an 1606. Et son prédécesseur Patrick Rocher se souvient avoir fourni des renseignements sur des questions aussi diverses que l’état de la voûte céleste au moment des expéditions de La Pérouse, la façon particulière dont était fixée l’heure du début de la journée dans la ville de Florence à l’époque de Mona Lisa, ou encore le moment des lunaisons qui marquaient, pense-t-on, le commencement des cérémonies cannibales des Taïnos des Caraïbes. En relevant la longueur des ombres sur une vieille photographie, le même spécialiste, en poste de 2002 à 2015, a réussi à découvrir à quelle ­période de l’année 1916 était survenue, dans le quartier du Montparnasse à Paris, une rencontre, longtemps inconnue des historiens, entre le peintre Picasso et le poète et romancier Max Jacob.

    La méthode n’a pas, pour autant, réponse à tout, surtout lorsque les événements recherchés remontent loin dans le passé. En raison des incertitudes de positionnement causées par le ralentissement irrégulier de la rotation de la Terre, Patrick Rocher a dû se ­contenter d’une fourchette de cent huit ans (entre 1848 et 1740 av. J.-C), pour préciser l’année d’une éclipse solaire citée dans un calendrier ­babylonien qu’une assyriologue souhaitait dater. Et selon Pascal Descamps, faute de nouvelles sources, il ne sera jamais possible de savoir quand exactement est survenue la bataille de Gabaon au cours de laquelle, comme chacun le sait, Josué a obtenu de Dieu qu’il « arrête le Soleil ».

    Mais qu’importent ces échecs ! Le métier apporte assez de satisfactions pour ne pas perdre son temps en vaines lamentations. Pascal Descamps a, par exemple, rendu récemment un petit service aux responsables d’une mosquée en construction à Clamart (Hauts-de-Seine), qui s’interrogeaient sur le meilleur moyen de déterminer la direction de La Mecque. Le défi était ici de proposer une méthode élégante par sa simplicité. Celle adoptée ne faisait ainsi appel ni à un GPS ni à une boussole, mais à la seule arme que le sage s’autorise à porter : un simple bâton fiché dans le sol dont l’ombre portée, à un certain moment, indiquait aux croyants vers où se tourner pour retrouver la ville sainte.

    Les Indiens caraïbes et la constellation du Scorpion

    « Pourriez-vous me fournir les dates des levers et des couchers ­héliaques de la constellation du Scorpion et de l’amas des Pléiades pour l’année 1650 dans les Petites Antilles ? » Telle est la question qu’a adressée Benoît Roux, doctorant à l’université de Reims-Champagne-Ardenne spécialiste des « Indiens caraïbes » du XVIIe siècle, à l’astronome Pascal Descamps. Le lever héliaque (dit du « matin ») d’un astre indique le moment de l’année où ­celui-ci devient visible avant le lever du Soleil. Très utilisé dans l’Antiquité, il était signalé dans les calendriers pour les étoiles les plus remarquables. Des sources européennes rendent compte de cette pratique chez les Amérindiens. Mais, explique Benoît Roux, « ces documents ne donnent pas de détails sur les observations ni sur la conjoncture astrale tenue pour significative ». En comparant les dates calculées par Pascal Descamps aux temps – celui de la guerre, de la pêche… – marquant la vie des Amérindiens, et aux événements climatiques saisonniers de la région, l’étudiant espère affiner la connaissance du calendrier caraïbe.

  • Développement itératif incrémental
    http://romy.tetue.net/mona-lisa-agile

    Pour expliquer la différence entre développement incrémental et itératif, l’agiliste américain Jeff Patton a utilisé la peinture de la Joconde, dans cet article fameux de 2008 : Don’t Know What I Want, But I Know How to Get It. Inspirante, sa « Mona Lisa agile » fait depuis le tour du monde, complétée par d’autres, pour mieux refléter les pratiques.

    #iteratif #incremental #agile #agileUX

  • « Les deux cultures », ou la défaite des humanités
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=799

    C’est une révélation que nous avons eue au fond d’une bouquinerie. Un manifeste traduit en 1968, chez Pauvert, l’éditeur le plus frondeur de son temps. Ce manifeste, Les deux cultures et la révolution scientifique, publié neuf ans plus tôt par Charles Percy Snow, aussi mauvais romancier que scientifique, avait connu un vif retentissement dans l’intelligentsia anglo-saxonne, et provoqué d’âpres réponses. Snow s’y plaignait que les bienfaiteurs de l’humanité, les scientifiques, ne soient pas reconnus à la mesure des progrès économiques et sociaux dus à leur génie. Il s’en prenait surtout aux intellectuels, « naturellement luddites », et aux tenants des humanités (qualifiées de « culture traditionnelle »), coupables de snober les sciences, et de ne pas répandre dans le public la nécessaire attitude de (...)

    #Documents
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/les_deux_cultures-2.pdf

    • Savez-vous pourquoi la Joconde sourit ? Parce qu’elle est heureuse. Pour être exact, elle ressent de la joie à 83 %, du dégoût à 9 %, plus 6 % de peur et 2 % de colère. Moins d’un pour cent d’elle est neutre, et elle n’exprime aucune surprise. Le logiciel du professeur Harro Stokman, de l’université d’Amsterdam, n’a pas pu confirmer la dimension sexuelle ou la part de mépris détectées dans le regard de Mona Lisa par certains humains. Mais c’était en 2005 et la machine a dû progresser, puisqu’entre-temps Stokman a monté la start up Euvision pour vendre ses outils de reconnaissance faciale sur smartphone.

      Connaissez-vous Prospero ? Pas le héros de La Tempête, le logiciel d’analyse de textes conçu par le sociologue Francis Chateaureynaud et l’informaticien Jean-Pierre Charriau. Il permet d’analyser des « dossiers complexes » (séries de textes, discours hétérogènes), de « modéliser la dynamique des controverses et des affaires, les processus d’alertes et les modes de prise en charge institutionnelle des risques collectifs ». Chateaureynaud est ce sociologue de l’acceptabilité à l’EHESS qui glose devant ses étudiants sur la forme des textes de Pièces et main d’œuvre. En fait, il répète ce que lui dit sa petite intelligence artificielle. Voilà qui explique bien des choses.

      PMO sur les #humanités_numériques et le #text-mining (cc @fil :))

  • 3 manières de soutenir « légalement » les #semences_libres | Kaizen magazine
    http://kaizen-magazine.com/3-manieres-de-soutenir-legalement-les-semences-libres

    Aujourd’hui, certaines interprofessions, certains groupements ou producteurs de semences (notamment en bio) se chargent d’inscrire ou de maintenir l’inscription de telles variétés. Telle la FN3PT (fédération des producteurs de pommes de terre) qui assure l’inscription des pommes de terre du domaine public largement utilisées par les producteurs de pommes de terre : (ex : la Charlotte, la Bintje, la Mona Lisa, etc).

    Il existe donc un choix, certes restreint, de variétés du domaine public que l’on peut acheter, échanger, et ressemer à volonté. Soulignons, néanmoins que c’est un comble que le domaine public accessible soit plus restreint que le domaine des variétés protégées. C’est comme si nous n’avions accès qu’à une fraction des livres qui ont été écrites depuis des siècles…

    http://kaizen-magazine.com/wp-content/uploads/2013/09/semence_kaizen.jpeg

    Ebauche de liste des variétés du #domaine_public -
    (travail à faire : compléter, tenir à jour, indiquer dans quel catalogue cette variété se situe, et qui maintient la variété) - si vous souhaitez participer à ce travail collaboratif, merci d’écrire à : droitetsemence@gmail.com
    https://docs.google.com/document/d/1PiWPDt68SjWm1Oncnz0UdYxvYpWNcHjmCUIvrB_sI_s/edit?pli=1