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  • Mon idée pour la France : « Pour un revenu universel d’activité dès 18 ans », Nicolas Duvoux, @la_vie_des_idees et la "réforme" qui vient
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/09/mon-idee-pour-la-france-pour-un-revenu-universel-d-activite-des-18-ans_54337

    « Le Monde » a demandé à des contributeurs de tous horizons de proposer, chaque jour, une idée pour changer la France. Le sociologue Nicolas Duvoux propose que le futur revenu universel d’activité bénéficie aux jeunes, qui sont les plus vulnérables dans notre société.

    Tribune. Dans son discours annonçant la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté du 13 septembre 2018, le président de la République a annoncé une réforme des #minima_sociaux et des politiques d’insertion. Deux chantiers majeurs ont été lancés à cette occasion, avec comme horizon l’adoption d’une loi en 2020 : la création d’un #revenu_universel_d’activité (#RUA) et la mise en place d’un « service public de l’insertion ». Un enjeu fondamental déterminera le sens de ces mesures : l’ouverture du futur revenu universel d’activité à 18 ans.

    En effet, le revenu de solidarité active (#RSA) est actuellement ouvert à 25 ans à quelques exceptions près (charge de famille et présence de longue durée sur le marché du travail). Cette exclusion des jeunes des mécanismes de protection de droit commun est justifiée au nom du fait que la solidarité familiale est censée assurer aux jeunes fragilisés une protection suffisante. Or, dans le contexte actuel où la pauvreté monétaire frappe d’abord les jeunes, cette vision est irréaliste et hypocrite car les plus modestes sont justement ceux qui ont le moins accès aux solidarités familiales.

    Le développement de la Garantie jeunes a certes ouvert une voie d’accès à la protection sociale pour les plus défavorisés des jeunes mais l’absence d’accès au droit commun des prestations sociales (RSA) contribue à faire de la France un pays où la citoyenneté est refusée aux jeunes, comme l’affirme avec justesse Tom Chevalier (La Jeunesse dans tous ses états, PUF, 2018).

    Abaisser le droit au RSA à 18 ans, c’est mettre en cohérence les mots et les choses : comment peut-on penser qu’un revenu soit universel s’il exclut les plus #jeunes, qui sont aussi les plus vulnérables dans notre société ? Cette mesure est rendue possible par l’individualisation du versement de la prestation, que le prélèvement à la source de l’impôt facilitera considérablement d’un point de vue technique. Elle a bien sûr un coût mais elle porte avec elle deux avantages considérables, et véritablement « disruptifs » au regard de l’organisation de la protection sociale.

    « Droits » et « devoirs »

    D’une part, elle permettra de donner aux futurs adultes la certitude d’une continuité de revenu en cas de difficulté. Elle accordera à l’impôt et à la collectivité un rôle explicite de soutien tout au long de la vie, en complément à l’assurance dont le rôle de pivot de la protection sociale doit être réaffirmé. Cet argument pourrait être retourné au motif qu’il créerait une accoutumance précoce à « l’assistanat ». Cependant, l’adaptation de la protection sociale à la complexité de la société, est exactement celle qui justifie la future réforme des retraites. Comment inventer la protection sociale du XXIe siècle sans prendre au sérieux cette exigence d’abaisser les barrières d’âge, et sans faire de l’accès à la citoyenneté civile le moment de l’accès à la citoyenneté sociale ?

    D’autre part, si le revenu universel d’activité est abaissé à 18 ans, cela obligera à une réflexion sur la signification de l’activité que la collectivité exige en regard du versement d’une prestation. En effet, il n’est pas réaliste de demander à des jeunes à peine sortis du lycée ou de parcours de galère à l’issue d’un décrochage précoce d’entrer immédiatement sur le marché du travail et à n’importe quelle condition. L’activité liée au RUA devra être repensée pour que la dimension « devoirs » qui accompagnera sans doute la redéfinition des « droits » sociaux ne soit pas réduite à une simple « contrepartie » formulée en termes de retour sur le marché du travail.

    On peut imaginer qu’elle englobe différentes formes d’engagement dans la société et fasse néanmoins l’objet d’un véritable accompagnement social multidimensionnel. Cette réflexion serait d’ailleurs utile pour toutes et tous ceux qui, quel que soit leur âge, ne parviendront pas à se réinsérer sur le marché du travail, alors que ce n’est pas une question de manque d’efforts ou de motivation de leur part.

    Redéfinir les termes de l’appartenance par une protection monétaire et en même temps par une redéfinition des contours de la notion d’activité, voilà des objectifs qui ne dérogeraient pas aux ambitions annoncées du gouvernement.

  • Réformes socio_fiscales, Sentiment d’injustice et révolte sociale , Pierre Merle
    https://laviedesidees.fr/Sentiment-d-injustice-et-revolte-sociale.html

    La connaissance des gains en pouvoir d’achat des catégories les plus aisées doit être complétée par l’analyse détaillée de la situation des catégories populaires et moyennes (Madec, Plane et Sampognaro, 2018). Pour être complète, une telle analyse ne doit pas se limiter à la seule augmentation de la CSG et aux mesures relatives à la détention et aux revenus du capital mais porter sur l’ensemble des dispositions socio-fiscales qui exercent un effet sur le #revenu disponible des ménages (chèque énergie, #prime_d’activité, revalorisation AAH, RSA et ASPA, baisse de la taxe d’habitation et, évidemment, l’effet de fiscalité écologique et de la fiscalité sur le tabac).

    Pour les quatre premiers vingtiles, l’ensemble des mesures prises par le gouvernement exerce en 2018 des effets le plus souvent négatifs sur le niveau de vie moyen des plus #pauvres (-0,6% pour le premier vingtile). L’effet négatif de la fiscalité écologique est particulièrement marqué. Ce calcul de l’évolution du pouvoir d’achat permet de connaître un effet moyen par vingtile (cf. tableau). Il présente toutefois deux limites. D’abord, l’impact des mesures socio-fiscales du budget estimé jusqu’en décembre 2018, c’est-à-dire en année pleine, est plus favorable aux premiers déciles (Madec, Plane et Sampognaro, 2018). Ensuite, pour les #travailleurs_pauvres qui ne bénéficient pas des mesures sociales (revalorisation RSA, ASPA et AL), la baisse du niveau de vie est plus forte (cf. tableau). Cette baisse est encore plus marquée pour les professions aux revenus modestes dont l’usage de la voiture est particulièrement fréquent (aides ménagères, aides à domicile, ambulanciers, artisans, infirmières libérales, VTC ne bénéficiant pas de détaxe sur le carburant, etc.). Il en est de même des populations rurales. Les analyses cartographiques réalisées par Hervé Le Bras montrent que ces populations spécifiques sont surreprésentées parmi les gilets jaunes.

    Impact des mesures socio-fiscales du budget par vingtile de #niveau_de_vie en moyenne (en % du niveau de vie)

    Où va la France populaire ? Nicolas Duvoux & Cédric Lomba
    https://laviedesidees.fr/Ou-va-la-France-populaire.html

    La #classe_ouvrière n’est plus, la France populaire se fragmente entre classes moyennes et #précarisation croissante. Ce nouvel ouvrage de la collection Vie des idées - Puf dresse une cartographie fine et vivante d’un milieu en pleine recomposition qui tente de faire face, individuellement et collectivement, aux #inégalités_sociales.

    Les « gilets jaunes », une transition populiste de droite
    http://theconversation.com/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612

    On peut alors émettre l’hypothèse selon laquelle le mouvement des « gilets jaunes » devient, dans ce cadre, le « passeur » du populisme RN en le désenclavant de la situation de blocage sur laquelle le macronisme a pu élaborer sa stratégie électorale.

    #catégories_populaires #gilets_jaunes #populisme #RN #extrême_droite

  • « Le sentiment de pauvreté met en évidence une insécurité sociale durable et une vision dégradée de son avenir », Nicolas Duvoux, Propos recueillis par Anne Chemin
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/21/qui-se-sent-pauvre-en-france_5400777_3232.html

    « Le sentiment de pauvreté met en évidence une insécurité sociale durable et une vision dégradée de son avenir »
    Pour le sociologue Nicolas Duvoux, la pauvreté monétaire est un indicateur d’inégalité, alors que la pauvreté subjective, qui concerne environ 13 % de la population, est un indicateur d’insécurité.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII-Vincennes Saint-Denis, chercheur au Cresppa-LabToP. Il est l’auteur, avec Adrien Papuchon, de « Qui se sent pauvre en France ? Pauvreté subjective et insécurité sociale », un article de la Revue française de sociologie, 2018/4, p. 607-645

    Quelles sont les différentes définitions de la #pauvreté et que nous apprennent-elles ?

    La question de savoir qui sont les « pauvres » a été très débattue dans les sciences humaines et sociales. En France est considéré comme pauvre tout individu vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian : en 2016, cela représente 1 026 euros par mois pour une personne isolée, soit 14 % de la population. La pauvreté touche aujourd’hui de manière disproportionnée les enfants (19,8 %), les jeunes adultes (19,7 % des 18-29 ans) et les familles monoparentales (34,8 %). C’est un indicateur d’inégalité, qui mesure l’écart avec les revenus médians ou intermédiaires.

    Il y a aussi la pauvreté en conditions de vie – elle est en baisse du fait, notamment, de l’amélioration de la qualité des logements. Enfin, il y a le fait d’être « assisté » par la collectivité, c’est-à-dire de percevoir une aide sociale, notamment le revenu de solidarité active (#RSA). Inspirée par les analyses du sociologue allemand Georg Simmel, cette approche qui s’est déployée dans un ­contexte de développement du #chômage_de_masse met l’accent sur les formes institutionnelles de la pauvreté : l’intervention des pouvoirs publics assigne l’individu à l’identité de pauvre.

    Vous venez de publier, avec Adrien Papuchon, un article dans la « Revue française de sociologie » qui évoque la « #pauvreté_subjective ». Cette notion permet-elle de mieux comprendre le mouvement des « gilets jaunes » ?

    Tandis que la #pauvreté_monétaire relative indique la part des ­revenus qui sont éloignés des revenus intermédiaires ou médians, le sentiment de pauvreté, qui concerne environ 13 % de la population, met en évidence une #insécurité_sociale durable et une vision dégradée de son avenir. La pauvreté monétaire est un indicateur d’inégalité, alors que la pauvreté subjective est un indicateur d’insécurité. L’apport principal de cette mesure subjective de la pauvreté est de remettre en cause la vision la plus commune de la pauvreté qui, en se centrant sur les situations d’éloignement prolongé du marché du travail, néglige la forte proportion d’actifs parmi les personnes qui se jugent pauvres.

    Les données du baromètre d’opinion de la direction de la ­recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques montrent qu’un tiers des personnes qui se sentent pauvres sont en emploi. La moitié d’entre elles sont des employés et ouvriers en emploi ou au chômage, centre de gravité des #classes_populaires. Des #retraités modestes et de petits #indépendants apparaissent aussi surreprésentés.

    Ces catégories modestes mais non pauvres, subalternes mais non démunies, sont aujourd’hui dans une situation de tension et mal protégées : leur sentiment de pauvreté est attaché à un pessimisme pour l’avenir. C’est sans doute une des explications de l’irruption de populations « invisibles » à l’occasion du mouvement des « #gilets_jaunes ».

    Que nous apprend la notion de « pauvreté subjective » sur la complexité du monde social ?

    Cette notion nous invite à utiliser la perception de soi et la ­#dimension_subjective d’un phénomène comme la pauvreté pour accéder aux structures qui déterminent la position des ­individus. Ainsi, notre propos n’est pas de compléter la mesure objective de la pauvreté par une mesure subjective, encore moins d’opposer les deux, mais de dépasser la dualité de l’objectif et du subjectif.

    La réflexion en termes de #classes_sociales a toujours fait la part à cette dualité (Marx parlait de classes « en soi » et « pour soi ») et un des paradoxes des sociétés contemporaines est précisément le désajustement entre une forte augmentation des #inégalités socio-économiques et une faible ­conscience de classe, y compris chez ceux qui la subissent.

    Dans ce contexte, il nous semble important de renouveler l’approche de la structure sociale en intégrant ces deux dimensions plutôt que de présupposer que la perception de soi est une illusion qui masque les déterminations sociales ou, au contraire, que la subjectivité donne un accès direct au monde social. Il faut travailler les chevauchements et les désajustements entre les dimensions : ainsi des hommes seuls se disent pauvres même quand ils ne le sont pas et, même pauvres au sens monétaire, sont préservés dans leur identité quand ils sont en couple. A rebours, les familles monoparentales sont à la fois pauvres objectivement et subjectivement. Le #temps joue un rôle majeur dans l’articulation de ces dimensions.

    #sociologie_des_sentiments #assistés #pauvres

    • « Gilets jaunes » : « La perspective d’une réunification d’un bloc populaire inquiète les politiques », Nicolas Duvoux, propos recueillis par Sylvia Zappi
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/07/gilets-jaunes-la-perspective-d-une-reunification-d-un-bloc-populaire-inquiet

      Pour le sociologue Nicolas Duvoux, le mouvement de protestation a fait renaître une #conscience_de_classe parmi les couches populaires.

      Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII. Il a codirigé, avec Cédric Lomba, l’ouvrage collectif Où va la France populaire ? (Presses universitaires de France, 120 p., 9,50 €), qui montre que la fragmentation du monde ouvrier est le principal facteur de son désarmement identitaire et politique.

      On ne parle plus aujourd’hui de classe ouvrière, mais de classes populaires. Pourquoi ?

      Parce que la réalité et la représentation sociales de ces groupes ont changé. Le monde ouvrier, depuis trente ans, a connu de très fortes évolutions avec l’accès à l’éducation, la tertiarisation des emplois et leur féminisation. L’image sociologique de ce monde-là au sortir de la seconde guerre mondiale était celle de l’ouvrier masculin qualifié de Billancourt. Il incarnait le groupe et lui donnait sa force.
      C’était un univers soudé autour d’une forte centralité professionnelle et d’un mouvement social et politique capable d’agréger l’ensemble, pourtant disparate, même pendant les « trente glorieuses ». Cette unité n’existe plus. Les classes populaires sont aujourd’hui constituées de groupes éclatés.

      Comment se définit alors ce monde populaire ?

      Par ce qui l’unifie encore, à savoir sa position #subalterne dans le monde socio-économique et la contrainte économique qu’il subit – celle des travailleurs qui ont des emplois d’exécutants et qui reçoivent des ordres. Ces modes de vie sont aussi un marqueur commun. Les classes populaires ont ainsi un attachement aux #sociabilités_locales et un fort sentiment d’appartenance au groupe, un sens du #collectif qu’on ne perd pas.
      Mais dans cet ensemble, des différenciations importantes sont apparues. On n’a pas la même vision du monde selon qu’on a un emploi stable ou #précaire, selon qu’on réside dans une commune reléguée ou incluse dans une métropole, selon qu’on habite dans un petit pavillon ou dans un grand ensemble en banlieue, si on est en couple avec deux salaires ou une mère célibataire, si l’on appartient à une minorité visible ou non, etc.
      Ce qu’il y a derrière cette appellation de classes populaires n’est donc pas un bloc homogène, mais un continuum qui va des strates les plus précaires – les #allocataires des minima sociaux – jusqu’aux frontières inférieures des classes moyennes – ouvriers et employés qualifiés.

      Comment ces écarts se traduisent-ils au quotidien ?

      Par de petites variations de revenu ou de position sociale qui finissent par faire de grandes différences. Ainsi, la gestion des budgets familiaux n’est pas la même. Quand on est parmi les catégories les plus modestes, on trouve des conduites d’adaptation à la #pauvreté. Certains, quand ils reçoivent leur salaire, mettent tout de suite de côté l’argent du loyer, réflexe qui assure au ménage qu’au moment des arbitrages à faire, ils ne seront pas réalisés sur un poste qui entraîne des dettes. D’autres ménages ayant des revenus presque identiques ne peuvent anticiper et vont se mettre dans le rouge.

      Cet éclatement a affaibli l’identité collective. Comment ?

      L’exigence d’#égalité, cette vision du monde social fondatrice dans la manière dont les catégories populaires se perçoivent elles-mêmes – l’opposition entre le « nous » qui souffrons, qui exécutons les ordres, qui subissons, versus « eux », les puissants, les dominants, les élites –, existe toujours.
      Mais cet ethos égalitaire a changé ces dernières années sous l’influence de ce que le sociologue Olivier Schwartz appelle la « conscience sociale triangulaire ». Les classes populaires s’identifient toujours comme un « nous », mais il y a désormais deux « eux » : ceux d’en haut, les #riches, et ceux d’en bas, les #assistés, ceux qu’on appelle les « cas soc » [cas sociaux]. Cette tension, qui est une nouveauté majeure, divise le groupe en opposant les catégories stabilisées, qui ont un emploi, et les plus paupérisés, qu’on stigmatise.

      Le mouvement des « gilets jaunes » a-t-il réduit cette fracture ?

      Le premier effet de cette mobilisation a été de faire réapparaître les classes populaires dans l’espace social. Le sentiment d’invisibilité, l’injustice, l’impression que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, ont formé un cocktail qui a été le moteur de cette explosion. On a vu que la revendication de dignité – « Pourquoi, en suivant les règles du jeu, on ne s’en sort pas ? » – a été très fortement portée sur les ronds-points et cette exigence constitue un facteur d’unité nouvelle.
      Ce mouvement a aussi fait réémerger la frontière principale entre le « eux » des élites et le « nous » du peuple. La stigmatisation des assistés ou des #immigrés s’est peu fait entendre sur les barrages, comme si la conscience de classe se réunifiait. La question est désormais de voir si les tensions internes entre les segments les plus stables et les assistés, apparues ces dernières années, vont reprendre le dessus ou si un bloc populaire unifié face aux élites va se reconstituer. La perspective de cette réunification peut inquiéter, et l’on comprend que les politiques cherchent à recréer des clivages au sein du monde populaire, comme l’a fait le président de la République en stigmatisant « ceux qui déconnent » en ouverture du grand débat national.

  • Le « cancer » de l’assistanat : origine d’un préjugé

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/26/les-procureurs-de-l-assistanat_5206354_3232.html

    Quelque 71 % des Français estiment que la lutte contre l’« assistanat » est une priorité. Comment cette peur du « profiteur » a-t-elle envahi l’esprit des politiques et des citoyens ?

    Deux petites lettres ont suffi pour ­jeter l’opprobre sur le monde fragile des déshérités. En préférant le néologisme « assistanat » au mot traditionnel d’« assistance », Laurent Wauquiez, qui brigue la présidence des Républicains (LR), ­remet en cause la légitimité des politiques ­sociales qui viennent en aide depuis plus d’un siècle aux démunis. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes instruit jour après jour le procès de la solidarité nationale : il dénonce inlassablement les « dérives », voire le « cancer » de l’assistanat.

    Au fil des ans, le mot s’est imposé dans le discours d’autres élus de droite – Nicolas Sarkozy juge la République « incompatible avec l’assistanat » et l’ancien député LR Hervé Mariton regrette que la France plébiscite « la culture de l’assistanat ». Avec un indéniable succès : selon une enquête Ipsos Sopra-Steria réalisée en mars, 71 % des Français estiment que la lutte contre l’« assistanat » est une priorité. Inusité il y a une vingtaine d’années, le terme semble désormais banal, évident, presque incontournable.

    Parasites sociaux

    Né au début des années 2000, le mot assistanat appartient pourtant au registre du vocabulaire politique de combat. « Au XIXe siècle et jusqu’en 1953, l’assistance était un terme juridique neutre, utilisé pour désigner l’aide sociale, rappelle Axelle Brodiez-Dolino, chargée de recherche CNRS en histoire au Centre Norbert-Elias, à Marseille. S’il a pu être valorisé au XXe siècle, il est devenu un peu vieillot après les années 1950 mais n’avait pas de connotation péjorative. Ce n’est pas le cas du mot assistanat, un terme un peu nauséabond et répréhensible. »

    Nul besoin de faire parler longtemps les pourfendeurs de l’assistanat pour comprendre en effet que ce mot n’est pas le synonyme, mais le dévoiement de l’assistance. Leurs discours évoquent plus ou moins explicitement une cohorte de parasites sociaux qui vivent indûment de la solidarité nationale alors que d’autres s’échinent à travailler. Ces propos ne visent pas uniquement les fraudeurs : bien qu’ils vivent dans le dénuement – pour une personne seule, le RSA s’élève à 545 euros par mois –, tous les allocataires des minima ­sociaux sont, à leurs yeux, des privilégiés qui profitent du système.

    Selon le philosophe Frédéric Worms, cette « idéologie » repose sur un double soupçon : celui de la passivité et celui de la ruse. « L’assisté est conçu soit comme un être entièrement passif, soit comme un être instrumentalisant l’assistance, expliquait-il en 2012. C’est une ­ambivalence aussi ancienne que la philosophie du soin, du secours ou même de l’éducation. Si vous ouvrez l’Emile, de Jean-Jacques Rousseau [1762], vous comprenez que le nourrisson est à la fois un être passif qui ne peut rien faire et un être qui peut, dès la naissance, devenir un tyran en abusant du pouvoir paradoxal que lui ­donnent sa faiblesse et le dévouement de ceux qui le secourent. »

    Accents moraux

    Dans la France de 2017, le discours politique sur l’assistanat se caractérise avant tout par ses accents moraux : au lieu d’analyser les ­mécanismes économiques et sociaux qui précipitent certains dans la pauvreté, il emprunte le vocabulaire de l’opprobre et de l’infamie pour montrer du doigt les paresseux. S’il les condamne, c’est au nom de l’amour du labeur, du sens de l’effort, du devoir de la volonté. « Le discours sur l’assistanat néglige les questions qui touchent au droit, à la citoyenneté et à l’égalité », résume le sociologue Nicolas Duvoux, professeur de sociologie à l’université Paris-VIII-Saint-Denis.

    Parce qu’ils s’inscrivent dans ce registre moral, les procureurs de l’assistanat distinguent volontiers les « bons pauvres » des « mauvais pauvres ». Les premiers sont les personnes âgées ou handicapées victimes de l’âge ou de la maladie ; les seconds, les chômeurs qui pourraient travailler s’ils s’en donnaient la peine. Les premiers ne sont pas responsables de leur mauvaise fortune ; les seconds doivent leur malheur à eux-mêmes. Les premiers reçoivent légitimement le minimum vieillesse ou l’allocation handicapé ; les seconds profitent indûment du RSA. Les premiers méritent notre compassion, les seconds, nos reproches.

    Ces discours puisent dans une imagerie très ancienne. Depuis plus de sept cents ans, la ­figure du mauvais pauvre traverse en effet l’histoire de France – et c’est sans doute pour cette raison qu’elle est parvenue, dans les ­années 2000, à s’imposer aussi rapidement dans le débat public. « L’idée du “mauvais ­pauvre” est ancrée au plus profond de notre histoire politique, religieuse et économique, analyse l’historienne Axelle Brodiez-Dolino. Elle repose sur des préjugés concernant la ­sédentarité et le labeur qui se sont installés dans nos mentalités au Moyen Age. »

    Les bons et les mauvais pauvres

    La première pierre de cet édifice est posée dès la fin du XIIIe siècle, à une époque où la croissance démographique, les disettes, les guerres et les épidémies jettent sur les routes des ruraux à la recherche de travail. « Redoutant ces errances, les autorités prennent peur et instaurent une dichotomie entre les bons et les mauvais pauvres », raconte Axelle Brodiez-Dolino. Les bons pauvres sont les « gens contre­faits, aveugles, impotents et autres misérables personnes » qui méritent l’aumône, estime le roi de France, Jean II le Bon, dans une ordonnance de 1351. Les mauvais sont les « gens sains de corps et de membres qui puissent besogne faire dont ils puissent gagner leur vie », proclame-t-il.

    Face à la pauvreté, le monde médiéval ­oscille entre la potence et la pitié, analyse l’historien Bronislaw Geremek : les vieillards, les veuves, les malades et les femmes en ­couches bénéficient de la charité chrétienne alors que les vagabonds sont durement persécutés. « On les marque au fer rouge, on les cloue au pilori, on les envoie aux galères et, surtout, on les enferme, comme l’ont notamment montré les travaux de Michel Foucault, raconte Axelle Brodiez-Dolino. Nous sommes les héritiers de cette violence qui imprègne ­depuis des siècles les mentalités et le droit : il a fallu attendre 1994 pour que la France abroge le délit de vagabondage ! »

    A la faveur de la Révolution française, la ­figure du mauvais pauvre, cependant, se transforme. Pour lutter contre le dénuement, les hommes de 1789 préfèrent l’arme du droit au geste de la charité chrétienne : en 1790, le Comité de mendicité proclame que tout homme a droit aux secours de la société et, en 1793, la Constitution affirme que l’aide publique constitue une « dette sacrée ». L’émergence du droit ne fait pas pour autant disparaître la figure du « mauvais pauvre » : si la société doit porter secours aux miséreux, l’oisiveté reste sévèrement condamnée. « Le droit individuel de protection trouve son symétrique dans le devoir de travailler », résume, en 2012, Colette Bec, professeure à l’université Paris-Descartes.

    « Pauvrophobie »

    Cette figure du mauvais pauvre change de ­visage un siècle plus tard, au début de la IIIe République, au moment où apparaît une politique d’assistance envers les déshérités. Sous l’influence de la doctrine solidariste du député radical Léon Bourgeois, qui plaide en faveur de la mutualisation des risques dans son ouvrage Solidarité (1896), les républicains de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ­instaurent l’assistance médicale gratuite, le placement des orphelins, l’aide aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, les secours aux femmes en couches sans ressources et l’aide aux familles nombreuses nécessiteuses.

    Dans ce paysage politique radicalement nouveau, le visage du mauvais pauvre évolue : il n’est plus un citoyen oisif qui refuse de travailler, mais un profiteur qui abuse ­indûment de la solidarité nationale. « Avec l’instauration du droit arrive la terreur de la corruption et du détournement, explique ­Nicolas Duvoux. C’est une forme de pessimisme anthropologique : on craint que les ­parasites ne jouent pas le jeu de la solidarité qui est au fondement de l’assistance, et qu’ils bénéficient sans contribuer. »

    Aujourd’hui, cette peur du profiteur semble plus vivante que jamais. Multiplication des arrêtés anti-mendicité, mobilier urbain anti-sans-abris, discours politiques stigmatisant le « piège » de l’assistanat, selon la formule de François Fillon lors de la campagne prési­dentielle : certaines associations caritatives dénoncent, dans la France de 2017, une « pauvrophobie » qui s’exprime sans détours dans les sondages d’opinion – en juin 2016, 36 % des personnes interrogées considéraient que les personnes pauvres « ne faisaient pas ­d’effort pour s’en sortir ».

    « Lassitude compassionnelle »

    Si la hantise du mauvais pauvre semble si forte, c’est parce que la France est atteinte, ­depuis le début des années 2000, d’une forme de « lassitude compassionnelle », analyse Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. « A la fin des années 1980, au ­moment de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), les deux tiers des Français estimaient que la pauvreté n’était pas liée au comportement individuel des gens mais aux défaillances du marché du travail. Dans les ­années 1990 et surtout 2000, ils se sont cependant montrés de plus en plus critiques envers les allocataires du RMI, puis du revenu de solidarité active, le RSA. »

    Nulle surprise, dans ce climat, à ce que les discours sur l’assistanat s’imposent avec tant de facilité dans le débat public. Quand ­Laurent Wauquiez somme les allocataires du RSA de faire « des efforts », il convoque l’antique ­figure du mauvais pauvre qui se complaît dans l’oisiveté au lieu de retrousser ses manches. Ce plaidoyer, qui semble convaincre nombre de Français, colle pourtant mal aux réalités : tous ceux qui côtoient le monde des déshérités savent qu’il ne suffit pas de faire des efforts pour s’extraire de la misère.

    Dans une société qui compte 3,7 millions de chômeurs, la pauvreté n’a en effet pas grand-chose à voir avec l’absence de courage ou la faiblesse de la volonté. « Quand on a commencé à réfléchir au RSA, dans les années 2005-2007, le marché du travail était beaucoup moins dégradé qu’aujourd’hui, raconte Julien Damon, qui était à l’époque chef du ­département Questions sociales au Centre d’analyse stratégique. Notre ambition d’aider les allocataires à retrouver le chemin de l’emploi paraissait donc réaliste. Mais la crise de 2008 a fait brutalement remonter le chômage. Cet effet de conjoncture a rendu la politique de retour à l’emploi extrêmement difficile. »

    Si la détermination ne permet pas, à elle seule, de quitter le monde de la pauvreté, c’est aussi parce qu’elle est le fruit d’une longue liste de handicaps – absence de formation et de qualification, problèmes de logement, ­difficultés de transport, conséquences d’un divorce, rareté des modes de garde, fréquence des maladies… « Même l’entrée sur le marché du travail n’est plus une garantie de sortir de la précarité, pourraient témoigner un million de travailleurs pauvres », constatait, en mars, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).

    Si les allocataires du RSA étaient vraiment les profiteurs que décrivent les discours sur l’assistanat, ils vivraient en outre leur oisiveté avec légèreté – ce qui n’est pas le cas. « Les études montrent qu’il y a une immense souffrance et un énorme déni de dignité à vivre des minima sociaux, souligne Axelle Brodiez-Dolino. La pauvreté est une source de stigmatisation et d’isolement extraordinaire : on survit plus qu’on ne vit. » Depuis des siècles, la pauvreté est – parfois volontairement – associée à l’indignité : pour l’économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834), l’assistance doit toujours s’accompagner d’« un peu de honte ».

    Contrairement à ce que disent les procureurs de l’assistanat, l’aide sociale, encore aujour­­d’hui, est une épreuve, dont l’importance du taux de non-recours est devenu le symbole. Ce terme quelque peu abscons désigne la part des citoyens qui ne touchent pas le RSA alors qu’ils y ont droit. Et il est incroyablement élevé : selon une enquête quantitative de la Dares, le service des études du ministère du travail, menée en 2011, il atteint 35 % pour le RSA-socle et 68 % pour le RSA-activité. Nombreux sont donc les citoyens qui, loin de leur image de profiteurs, renoncent à toucher les prestations d’assistance qui leur sont pourtant destinées.

    « Etiquette infamante »

    Certains sont mal informés, d’autres se découragent à l’idée de remplir d’épais dossiers aux guichets de l’aide sociale, mais plus d’un quart d’entre eux disent ne pas avoir envie « de dépendre de l’aide sociale, de devoir ­quelque chose à l’Etat ». Deux grandes idées ressortent de l’examen de ce non-recours, ­estimait en 2010 Pierre Mazet, ingénieur d’études au laboratoire Pacte-CNRS-Sciences Po Grenoble, dans un article du magazine La Vie des idées : les individus précaires sont capables de choix et d’autonomie ; la non-demande montre ce qu’il en coûte de requérir des protections et d’être protégé.

    De la même manière, certains allocataires du RSA choisissent de reprendre le travail alors qu’ils y perdent financièrement. « Le RSA équivaut, grosso modo, à un demi-smic, souligne Julien Damon. Sur le papier, beaucoup d’allocataires du RSA n’ont aucun intérêt à travailler à mi-temps – d’autant que le travail engendre parfois des coûts de garde d’enfants ou de transports. Pourtant, beaucoup le font parce que le travail leur est essentiel. Cela concerne une proportion substantielle des allocataires du RSA. Ils veulent se défaire de cette étiquette infamante et subvenir à leurs besoins. »

    Dans un article publié en 2002 dans la Revue française de sociologie, François Dubet et ­Antoine Vérétout décryptaient cette perte – apparente – de la « rationalité » en écoutant la voix de RMIstes qui avaient repris le travail. « Même s’ils se sentent exploités et fatigués le soir, c’est une autre fatigue que celle de l’inactivité qui les clouait dans l’apathie et la solitude. (…) Ils parlent beaucoup moins de l’activité proprement dite que de la sociabilité du travail, des collègues, de la fierté retrouvée, de ce que l’on appelait l’éthique du travail, celle qui ­permet de “se regarder en face” parce que les autres vous regardent “en face”, enfants, ­famille, voisins, collègues. »

    Avec ces regards, on est loin, très loin, des ­discours de tous ceux qui, en dénonçant l’assistanat, renvoient les déshérités à une forme d’inutilité sociale – une notion qui déplaît profondément au philosophe Patrick Savidan. « On accuse les pauvres d’être des parasites mais, au fond, comment mesurer la contribution de chacun à la coopération ? Un pauvre qui s’investit dans une association ou qui s’occupe d’une personne âgée a une utilité sociale, même si elle n’est pas mesurée en termes ­économiques. Les perspectives utilitaristes mal comprises nous rendent aveugles à la contri­bution de ceux qui ne sont pas inscrits dans le marché du travail. »

    Patrick Savidan va plus loin. « Les vrais assistés ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Si l’on mesurait la part des budgets publics qui va aux pauvres et celle qui va aux privilégiés, on aurait sans doute des surprises. Les citoyens les plus riches mobilisent une part importante des subsides de l’Etat : ils vivent dans des quartiers bien entretenus, ils profitent presque exclusivement de certains investissements publics et leurs enfants suivent des études longues, en grande partie financées par l’Etat, ce qui n’est pas le cas des pauvres. » Laurent Wauquiez n’apprécierait sans doute pas ce renversement de perspective, qui fait du pourfendeur de l’assistanat… un assisté qui s’ignore.

  • Revue Projet » « Il faut repenser la protection sociale »
    http://www.revue-projet.com/articles/2016-11-duvoux-il-faut-repenser-la-protection-sociale

    Le ressentiment envers les « assistés », dont certains partis politiques font leur miel, s’enracine dans un système de solidarité à deux étages. Au lieu de gérer la pauvreté, on ferait mieux, pour le sociologue Nicolas Duvoux, de la combattre et de refonder une protection sociale qui bénéficie à tous.

  • Nicolas Duvoux : « Aux Etats-Unis, chaque pauvre doit être entrepreneur de lui-même » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2015/08/27/nicolas-duvoux-aux-etats-unis-chaque-pauvre-doit-etre-entrepreneur-de-lui


    In fine, cela individualise la #pauvreté et fait que chaque pauvre se sent coupable de son statut social, ce qui dédouane totalement le fonctionnement de la #société et des #inégalités de toute #responsabilité.
    C’est le stade ultime de la #méritocratie : tu as la place que tu mérites !

    Ce qu’il faut surtout souligner, c’est qu’aux Etats-Unis, la fonction sociale de l’Etat est extrêmement mal vue. On ne parle pas d’#assistanat, comme en France, mais de « #dépendance » - la coloration péjorative est la même. Dépendre de l’Etat est une catastrophe morale, économique et sociale. Je l’ai constaté pendant l’enquête, même des gens très pauvres qui vivent dans des ghettos peuvent être extrêmement critiques à l’égard de l’aide sociale d’Etat. Chacun doit être l’entrepreneur de lui-même. Personne ne veut être assimilé à un pauvre. C’est de plus en plus valable en France également. Le ressort fondamental de ce rejet me semble être une demande de dignité et de respectabilité. C’est aussi l’effet de plus de trois décennies de #néolibéralisme.

  • #RSA contre bénévolat : « Une logique punitive », Diane Roman, professeur de droit public | France info
    http://www.franceinfo.fr/fil-info/article/rsa-contre-benevolat-une-logique-punitive-diane-roman-professeur-de-droit

    "Il va très certainement y avoir des #recours, soit formés contre la délibération du conseil départemental, soit par un bénéficiaire du RSA, si jamais celui-ci voyait son #revenu suspendu en raison de son refus d’effectuer ces activités qui lui sont imposées" , (...) « les contraintes financières des départements ne peuvent pas s’effectuer au détriment des droits des personnes qui sont protégées par la Constitution »...

    http://seenthis.net/messages/458258

    #société_punitive

    • INTERVIEW Depuis les années 80, l’Amérique a délaissé l’action publique pour lutter contre la pauvreté au profit de programmes philanthropiques privés basés sur la volonté individuelle. Dans un essai paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux montre que l’#Etat_social a été pratiquement éradiqué. Et remplacé par les fondations des Bill Gates ou Warren Buffet.
      Alors que la crise fragilise les plus faibles et que les #inégalités de #richesse ne cessent de s’accroître, la lutte contre la pauvreté est devenue un défi majeur des Etats développés [sic]. Aux Etats-Unis, l’aide aux plus démunis, principalement issus de la population noire, a radicalement changé de visage. Dans les Oubliés du rêve américain (PUF), paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux constate ainsi qu’à l’intervention de l’Etat s’est substituée celle de Warren Buffet et Bill Gates. Désormais, c’est la #philanthropie qui fait office de politiques publiques aux Etats-Unis. Une évolution qui gagnera un jour la France ? Même si elle a un parfum très XIXe siècle, l’approche philanthrope a aussi pour effet de relancer le rêve américain ! Essentiellement basés sur la volonté individuelle, les programmes d’aide permettent de regagner estime de #soi et sentiment d’autonomie, bref, de ne plus se sentir pauvre, honte absolue en Amérique. (...)
      Warren Buffet soulignait ainsi qu’il payait moins d’impôts que sa secrétaire. La redistribution à laquelle ils se livrent, à travers le secteur associatif, est si considérable qu’elle se substitue, en partie, aux prestations sociales publiques, qui, elles, ont été drastiquement réduites. (...)
      Personne ne veut être assimilé à un pauvre. C’est de plus en plus valable en France également. Le ressort fondamental de ce rejet me semble être une demande de dignité et de #respectabilité. C’est aussi l’effet de plus de trois décennies de néolibéralisme. (...) inculquer des formes de « savoir être » qui permettent aux participants de se projeter dans l’avenir, à se présenter comme quelqu’un qui a des ressources plutôt que comme quelqu’un de démuni. (...) transformer la société en transformant les gens de l’intérieur, notamment en les aidant à acquérir des techniques - pour gérer leurs émotions ou pour gérer les interactions difficiles avec des voisins violents et armés. Cela a un côté très américain : le #salut passe d’abord par une réforme personnelle. (...)
      incarcération massive des jeunes Noirs : la probabilité d’aller en prison pour les hommes noirs sans diplômes, nés entre 1975 et 1979, est de l’ordre de 70 %. La prison est devenue quelque chose de tout à fait « normal » qui contribue à reproduire les inégalités. On peut penser que c’est tard, à la fin de son second mandat, mais c’est une orientation politique qui est courageuse dans un pays où tout homme politique se doit d’être dur face au crime (« tough on crime »)

      #lutte_contre_la_pauvreté #workfare #état_pénal #gouverner_les_pauvres #néolibéralisme (faire fond sur la liberté des sujets, cf. Michel Foucault) #autonomie_comme_sentiment #diviser_les_pauvres #racaille (les jeunes hommes noirs, destinés à la prison)

    • [L’empowerment] répond aux limites de l’intervention publique qui, elle, ne donne pas de place à l’initiative des gens. C’est d’ailleurs pour cela que ces programmes suscitent une vraie #adhésion. Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur. Mais la limite de ces programmes, c’est qu’on transfère la responsabilité de trouver une solution aux problèmes à des gens qui ont peu de ressources. Et ils contribuent à légitimer la richesse des riches ! La philanthropie a tout de même pour effet de transformer en générosité ce qui est avant tout de l’accumulation privée de richesse, exonérée de fiscalité. C’est l’une des différences majeures entre les philanthropes d’aujourd’hui et ceux du temps de Rockfeller, qu’on surnommait les « barons voleurs » et qu’on accusait de corrompre les politiques et d’exploiter les ouvriers : Bill Gates ou Warren Buffet sont, eux, extrêmement populaires.

      Vous avez aussi noté que le quasi-unanimisme, autour de ces programmes, se fait, en réalité, contre les jeunes hommes noirs. Pourquoi ?
      La #solidarité des participants se construit #contre_la_minorité la plus démunie : ceux qu’on perçoit comme des délinquants - sauf s’ils passent à leur tour par le récit de la rédemption. Tout se passe comme s’il fallait absolument rejeter une minorité qui pose des problèmes pour être intégré à son tour moralement dans la société.

      #intégration_morale #respectabilité #guerre_entre_pauvres

      Une petite note. En matière d’empowerment, il semble qu’il en soit tout autrement dans des collectifs contestataires. La nécessité pour des collectifs de pauvres (chômeurs, précaires, par ex.) de disposer en leur sein d’acteurs non démunis de ressources (syndicalistes, ex étudiants, intermittents) pour forcer l’espace public (en faire exister un) sans risquer d’emblée marginalisation, invisibilité maintenue ou criminalisation ne va pas sans contradictions internes et elle se couple, spécialement en période de reflux dune survalorisation des moins intégrés socialement (les plus dominés étant alors présentés, au nom du concret, comme les seuls porteurs de la vérité).

      Bon, il semble qu’il faille essayer de cueillir ce livre, c’est l’un des rares académiques à enquêter sur le terrain et à donner, avec toute la politesse bourgeoise et scientifique requise, des éléments critiques qui peuvent être utilisés dans une autre perpective que la sienne.

    • Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur

      Encore la confusion entre sociale et aide aux pauvres, « les #assistés ». Non la #sécurité_sociale ne signifie pas que l’on aide les plus démunis mais que l’on socialise, au contraire de privatiser, des ressources pour sécuriser la vie des individus. Parfois cette sécurité est réservée à un moment de la vie particulièrement instable.

    • L’autonomie, fiction nécessaire de l’insertion ? Nicolas Duvoux
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4026

      Les politiques d’insertion sont exemplaires de la #normativité de l’autonomie dans la société française contemporaine. La contractualisation des relations entre les usagers et les institutions invite les premiers à prouver expressément qu’ils veulent adhérer à la société pour bénéficier de la solidarité de celle-ci. Ces politiques sont de part en part traversées par une logique de la reconnaissance des formes de relation à soi. Chacun y est considéré comme responsable de sa vie, et chacun va devoir trouver en soi les motifs de sa participation à la société.

      Cependant, la valorisation de l’autonomie individuelle a pour pendant une condamnation accrue des comportements considérés comme déviants. Ce renversement est structurel. Pour en rendre compte, on peut suivre ici François Dubet lorsqu’il affirme que « de manière plus ou moins latente, le principe d’autonomie est sous-tendu par une conception héroïque d’un sujet capable de se construire lui-même et donc porté à “blâmer la victime” ». La référence à l’autonomie dans l’insertion apparaît dès lors comme une façon d’adapter cet idéal aux possibilités effectives des individus.

    • Mouais, il y a plusieurs compréhensions du terme. Je dirais plutôt à l’aune de ce qu’enseigne la vie dans le capitalisme - et non pas la philosophie classique - prendre collectivement la liberté de se donner une loi contre celles de ce monde.

      Mais ce qui parait dominer ici actuellement c’est plutôt l’individualisation et l’évitement du conflit collectif, donc pour qui a pour rôle de prévenir les conflits, le majoritaire, ce que dit Duvoux, une norme de l’intégration sociale ; et minoritairement, une vague et impossible aspiration quasi-autarcique. Dans les deux cas, la possibilité d’une estime de soi dans un monde de violence et d’inégalités. Être respectable, suffisamment « normal », ou ne pas se mépriser d’avoir à jouer une participation obligée en parant ses quelques « arts de faire », les écarts aux normes que l’on arrive à développer ou tenir, d’une légitimité idéologique, d’une couche de généralité. (ainsi le dernier édito de Jeff Klak qui se termine par « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge).

    • L’autonomie obligatoire. Sociologie du gouvernement de soi à l’école, d’Héloïse Durler (une note de lecture)
      http://lectures.revues.org/17435

      « Sois autonome ! » ou comment dépasser les contradictions d’une « injonction paradoxale » d’une « valeur phare des normes éducatives » contemporaines qui prescrit à l’enseignant d’ « amener l’élève à vouloir librement ce qui lui est imposé dans le cadre scolaire » (p. 10). Tel est l’enjeu au cœur du livre d’Héloïse Durler issu de sa thèse de doctorat. (...)
      Selon elle, on peut raccrocher « l’entreprise d’engagement scolaire » à la « montée managériale par l’autonomie » au travers du « new public management » qui n’épargne ni le monde du travail, l’action sociale ni les politiques éducatives. Par ailleurs, cette entreprise n’est pas étrangère à l’idéologie du « projet » plusieurs fois évoquée et rapidement explorée (p. 34-35) mais, pour parachever la démonstration, il était possible de lui imposer un même traitement qu’aux autres mots-plastiques récurrents des discours concernant les dispositifs éducatifs que sont les notions de « compétence », « objectifs », « qualité » ou de « participation ». En suivant, on peut interroger comment cette « autonomie obligatoire » s’inscrit dans la « nouvelle école capitaliste » de Laval et al. dès lors que les logiques néolibérales du monde du travail pénètrent plus avant le monde l’éducation, davantage orienté depuis les années 1960 vers « l’insertion professionnelle et sociale des jeunes générations » (p. 148) voire pour envisager la construction de la « servitude volontaire aujourd’hui ».

      #autonomie_obligatoire

    • @aude_v pardon, mais quand j’écris plus haut « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge", il me semble que ce n’est pas une manière d’encenser cet aspect "affinitaire". C’est souvent un aspect nécessaire (car c’est là que certains partages peuvent avoir lieu, les exemples sont légion : apprendre à parler dans un collectif ça commence souvent par une zone d’entente moins étendue que celle où se prononce "la parole publique", lire et/ou écrire pour qui n’est pas déjà rodé à le faire "dans son coin" à partir du commun, ça nécessite svt une dimension d’"atelier"), mais il est parfaitement insuffisant si il n’est pas lié, ouvert, circulant, confronté à de de l’hétérogène plus déroutant encore que l’hétérogénéité qui déjà le constitue. Par exemple du fait d’une participation à des conflits dans lesquels sont impliqués de plein droit des inconnus, ce qui me parait une vérification indispensable. Et parfois il n’y a même pas besoin d’affinité pour se trouver lié par une cause et par là à ceux qui s’en sont emparé. Sans doute n’avons nous pas vécu le même genre de malheurs de la militance.

    • Phrases ardues, je sais pas si celle là l’était tant que ça, @aude_v, mais je vois bien qu’il m’arrive souvent de m’exprimer de façon confuse. Au point de me dire que je devrais me limiter à envoyer du matériel sans écrire.

      Sinon, pas très sûr de la polarité ascétisme/consumérisme. Pour ce que j’ai connu, il est systématique qu’à un moment ou un autre, des « militants » en viennent à se plaindre de fournir du travail pour des gens qui l’utilisent en free riders. Par exemple, lors de permanences destinées à des précaires et chômeurs. Mais on voit là même chez des syndicalistes. Et un « groupe révolutionnaire » qui déplore la « passivité générale » dit aussi quelque chose du même genre. Cette plainte est celle de celui qui « travaille » et se « sent exploité », ce ceux qui désirent et sont confrontés à une forme d’acédie vis à vis des objet et des rites (aussi incertains soient ils) qu’ils ont élus parmi ceux qui leur paraissent destinés à être aimés.

      Chez les chômistes et pocherons, quand il se passe quelque chose, quand par exemple un « cas », une action, un instant, se lie à une montée en généralité, à une perspective réellement vécue, quand quelqu’un qui ne fait « que passer » permet d’apprendre, de découvrir quelque chose, ce qui est déjà marquer des points, la question du « consumérisme » n’a pas lieu d’être (prenez ce que vous voulez, comme vous pouvez, barrez vous vite si vous voulez, vous nous privez de rien, on est là pour ça, on a tout à gagner). Et puis c’est aussi la manière de faire qui va déterminer une « relation de service » ou de l’entraide éventuelle. Le contre don est pas une norme.

      Je crois que cette façon de se poser et de se dire est un pendant masochiste de la joie qu’il y a à s’approprier, transformer quelque chose. Un régurgitement dû au reflux politique, la parole d’un défaut d’affinité à la matière en jeu. Faudrait passer à autre chose. Et souvent ça tourne en boucle.

      Bon, je met ton papier en liste de lecture...

    • Ceux dont tu causes, avec leurs réus si importantes, ressemblent à des apprentis politiciens (ils disent même pas comme on le voit dans des collectifs précaires chômeurs, « ah là je peux pas j’ai du taff », les taches utiles restant à effectuer par les disponibles). Et si ils ratent leur parcours et/ou renvoient pas l’ascenseur, on peu l’avoir mauvaise. M’enfin faire rire des carriéristes, c’est rarement un bon investissement.

  • Le plan anti-pauvreté de Manuel Valls ne traite pas le mal à sa racine, #Nicolas_Duvoux
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/04/le-plan-anti-pauvrete-de-manuel-valls-ne-traite-pas-le-mal-a-sa-racine_45873

    La création d’une #prime_d’activité pour se substituer au revenu de solidarité active (#RSA) et à la prime pour l’emploi (#PPE), présentée par le premier ministre le 3 mars, vient symboliquement marquer la fin d’une période ouverte par la réforme du revenu minimum d’insertion (RMI) voulue par Martin Hirsch et adoptée en 2008, au début de l’ère Sarkozy.

    Sous cette rupture avec un dispositif qui devait incarner le « travailler plus pour gagner plus » dans les politiques sociales, il existe une forte continuité dans la gestion de la pauvreté. Cette continuité ignore ou dissimule plusieurs dimensions qui font de cette réalité dramatique une question fondamentalement politique.

    Trois points peuvent être soulignés.

    Le premier est la continuité dans une approche qui fait de l’accès au marché du travail l’alpha et l’omega de la lutte contre la pauvreté. La chanson des « Enfoirés » pour l’année 2015 a fait polémique, notamment parce que les aînés y disent à leurs cadets qu’il leur faudrait « se bouger ». En réalité, depuis une quinzaine d’années, les principes du retour au #travail [#emploi en fait, ndc] comme solution à la #pauvreté se sont imposés, au détriment de tout débat de fond sur les causes de la fragilisation des #salariés les plus modestes.

    Deux tendances convergentes sont à l’œuvre.

    Il y a, d’une part, l’autonomisation des débats techniques relatifs aux moyens – les #politiques_publiques – par rapport au #débat_politique d’ensemble et, d’autre part, l’avènement d’un nouveau consensus sur les fins.

    La seule nuance entre la gauche et la droite porte ici sur l’attention portée à l’hyperprécarité : la gauche souhaitant éviter d’encourager de manière indirecte les emplois à temps très partiel en accordant des aides à ceux qui les occupent ; la droite valorisant l’accès, au premier euro gagné, de tous aux dispositifs de soutien.

    De ce point de vue, la création de la prime d’activité incarne un parfait #consensus entre ces deux options : soutien au premier euro gagné d’un côté mais limitation du soutien aux travailleurs très modestes de l’autre.

    Cette #dépolitisation du traitement de la pauvreté nie la #relation profonde qui existe entre l’état du marché du travail, les transferts sociaux et la régulation de la pauvreté, réduite à être l’appendice d’un ensemble de débats qui n’y sont que pas ou peu reliés.

  • Comment soutenir les travailleurs modestes ?, Nicolas Duvoux
    http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204078857678-comment-soutenir-les-travailleurs-modestes-1083418.php

    Le #chômage de #masse est la #peste de la société française. La faiblesse des rémunérations et de l’offre de #travail pour les salariés les moins qualifiés (ce que l’on nomme, en un mot, la #précarité) en est le #choléra. Dès le début des années 2000, la France a développé un impôt négatif, d’abord sous la forme de la prime pour l’emploi (PPE), une dépense fiscale à visée de politique d’emploi et de politique sociale. Le revenu de solidarité active (#RSA), établi en 2009, ajoute à l’ancien revenu minimum d’insertion (RMI) un complément de revenu pour les travailleurs #pauvres.
     
    La complexité du RSA, la méconnaissance dont il fait l’objet et la crainte de #stigmatisation de l’#assistanat produisent un #non-recours massif qui limite fortement sa capacité à réduire la pauvreté laborieuse. De son côté, la PPE, dont le barème a été gelé, est distribuée largement, souffrant de « saupoudrage » et d’une faible réactivité. Prenant acte des faiblesses des deux dispositifs destinés à soutenir les travailleurs modestes, le rapport remis par le député Christophe Sirugue au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, à l’été 2013, a proposé une « #prime_d'activité » fusionnant la PPE et le volet soutien à l’activité du RSA. Au printemps 2014, le gouvernement a opté pour une réduction des cotisations salariales pour les salaires entre 1 et 1,3 SMIC afin de « rendre le travail payant » ou du moins plus attractif en bas de l’échelle des salaires. Le Conseil constitutionnel a rejeté cette option au motif d’une rupture du principe d’égalité. La question de la fusion RSA-PPE est ainsi revenue à l’ordre du jour. La création d’une « prime d’activité » pour les travailleurs dont les revenus sont inférieurs à 1,2 SMIC a enfin été annoncée au Conseil des ministres en novembre. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2016. Elle exclura les « ménages aisés » et ciblera l’effort redistributif sur les travailleurs modestes, en incluant les moins de 25 ans.
    Cette réforme est-elle susceptible de répondre aux défis, d’une part, de la faiblesse des salaires, et, d’autre part, de l’incohérence et des échecs des politiques publiques ? Trois perspectives différentes quant à l’avenir du RSA et de la PPE méritent d’être reprises. Lors de débats académiques, les chercheurs Bernard Gomel et Dominique Méda ont proposé la mise en place d’une PPE recalibrée et #mensualisée afin d’éviter les risques de non-recours inhérents au RSA et à tout dispositif relevant de l’aide sociale. L’économiste Etienne Wasmer proposait, quant à lui, de mieux intégrer des dispositifs d’aides aux bas revenus, y compris le premier d’entre eux, les aides au logement, dans le dispositif fiscal. A ses yeux, cette solution permettrait de mieux tenir compte des situations familiales, de limiter les hausses de loyers que les aides au logement encouragent, de diminuer les distorsions fiscales et d’alléger les coûts de gestion pour les ménages non imposables. Enfin, selon un autre économiste, Guillaume Allègre, le couple SMIC élevé-allégements de cotisations peut être interprété comme un dispositif redistributif comparable à la PPE. Et il faut le considérer comme tel.
    Au regard des enjeux et perspectives dessinés à travers ces contributions, la prime d’activité offre une voie intéressante sur de nombreux points. Mais elle ne tranche pas des questions fondamentales. La prestation sera-t-elle calculée sur la base des revenus individuels ou familiaux ? Devra-t-elle être demandée par le bénéficiaire lui-même et, si oui, comme il semble que cela soit le cas, quels garde-fous instaurer pour éviter le taux de non-recours du RSA activité ? Enfin, à moyens constants, une telle mesure est-elle susceptible de corriger la dégradation de la condition des salariés modestes de manière structurelle ?

    #Famille #salariat #biopolitique

    • Si c’est attribué au ménage, cela va une fois de plus exclure les #femmes qui ont majoritairement des revenus moindres que leur compagnon et renforcer la police de la culotte contre les femmes précaires.
      Si c’est géré par la CAF ou les CG, ce sera aussi de la police des pauvres et donc, non recours massif.

      Et rien n’est dit sur les indépendants comme moi, qui ai bénéficié de la PPE automatiquement ces dernières années.

  • Field Fright: Studying Urban Poverty in Boston

    How do sociologists deal with fear while investigating underprivileged environments? Drawing on his personal experience of field studies in a deprived Boston neighbourhood, Nicolas Duvoux shows that fear, while partially reflecting the social gap between researchers and their investigatees, can also help us understand the latter’s practices and representations. [1]

    http://www.booksandideas.net/Field-Fright-Studying-Urban-Poverty-in-Boston.html
    #pauvreté #pauvreté_urbaine #ville #urban_matter #Boston