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  • Electro palestinienne : levant en poupe
    Guillaume Gendron, Libération, le 25 février 2019
    https://next.liberation.fr/musique/2019/02/24/electro-palestinienne-levant-en-poupe_1711373

    A l’occasion de la carte blanche donnée à Electrosteen à Paris, rencontre avec les figures majeures de « l’Arab Touch », une scène qui ne cesse de grandir et de s’exporter avec succès, donnant une visibilité inédite aux diverses facettes de l’identité palestinienne.

    Aux oreilles non arabisantes, le nom du club, Kabareet, sonne anodinement exotique. Confusion savamment pensée entre « cabaret » et le mot arabe pour « allumette ». Ce n’est pas tant que ce club soit un brasier mais plutôt une lueur : l’épicentre de la scène électronique palestinienne, ici à Haïfa, au nord d’Israël, dans cette ville mixte où les juifs vivent en haut de la colline et les Arabes au bord de la mer. Un refuge où tout le monde peut venir danser, boire et s’oublier. Y compris les Palestiniens de Cisjordanie entrés sans permis, parfois en escaladant les huit mètres de béton du mur de séparation.

    Nimbé dans une lumière pourpre, sous les voûtes d’une vieille bâtisse aux pierres apparentes, Ayed Fadel, cheveux ras à l’exception d’un luxuriant chignon de dreadlocks, annonce au micro le prochain DJ, venu spécialement de Londres. Le charismatique pilier du collectif Jazar Crew, maître des lieux, appelle la foule - piercée, tatouée, surlookée - à « s’aimer, à refuser le racisme, le sexisme et l’homophobie ». Dans une pièce attenante, à côté d’une tireuse à bière, Nasser Halahlih est d’humeur rétrospective. Ce lieu, ce n’est pas tant qu’il en avait rêvé, c’est que longtemps, il n’avait jamais songé qu’il puisse exister. « Il fallait un public, dit-il. Quand j’ai commencé, j’étais putain de seul. Il y a encore dix ans, avant le Jazar, t’aurais jamais pu ouvrir un tel endroit. Les choses ont beaucoup changé. »

    Nasser Halahlih, 37 ans (qui se produit le 1er mars à l’Institut du monde arabe (Paris Ve) dans le cadre des Arabofolies et de la carte blanche au projet « made in Palestine » Electrosteen) est souvent présenté comme le pionnier de cette scène palestinienne. Aussi protéiforme et éparpillée que soudée et cohérente, et désormais scrutée à l’échelle mondiale à l’heure où le microcosme techno se déchire sur la question du boycott culturel d’Israël. Le fiasco du Meteor Festival, en septembre, en a donné l’illustration flagrante, voyant la majorité des musiciens européens se retirer suite aux appels du collectif #DJsForPalestine, après des jours de débats houleux sur les réseaux.

    Bandes d’ados et raves sauvages
    Fils d’une figure du théâtre palestinien, Nasser Halahlih a grandi entre Nazareth et Haïfa, les deux grandes villes arabes d’Israël, avec un passeport affichant le chandelier à sept branches, comme tous ceux que l’Etat hébreu désigne comme la minorité « arabe-israélienne ». Les concernés se réfèrent généralement à eux-mêmes en tant que Palestiniens de « 48 », la date de création d’Israël. Et, du point de vue arabe, de la nakba (« la catastrophe »). Distinguo crucial, tant l’identité palestinienne est fragmentée - entre la diaspora, les réfugiés, les Gazaouis, les habitants de Cisjordanie sous occupation et donc « ceux de 48 ».

    Les années, l’isolation et la séparation des communautés ont creusé les différences sociales et culturelles, que ce mouvement cherche à enjamber, si ce n’est combler. D’où le nom du combo electro-pop emblématique de la diaspora, 47Soul (« l’âme de 47 »), quatuor faisant la navette entre la Jordanie et Londres et dont le tube de 2015 Intro to Shamstep (sham signifiant le Levant en arabe) constitue le climax des soirées de Ramallah à Jaffa (ville arabe accolée à Tel-Aviv). En 2018, The Guardian a même listé le shamstep comme l’un des sons de l’année.

    Les choses ainsi posées, Halahlih se gratte la tête et refait, à travers son parcours, l’archéologie du mouvement. Fan de rap, « comme tout le monde en Palestine dans les années 90-2000 », il s’inscrit à un atelier de DJing à 15 ans. Les autres participants sont juifs israéliens. Ils l’initient à la house, la trance, l’EDM. Les choses s’enchaînent : à Nazareth et Haïfa, il joue dans les mariages (« seule façon de vivre de la musique ici ») et s’aguerrit en parallèle à New York et Tel-Aviv. En 2008, il sort sur un label berlinois son premier EP, Checkpoint, avec le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie sur la pochette. « De la progressive psytrance », précise-t-il, même s’il se sent alors mal à l’aise dans ce milieu « bouffé par la drogue », sans référence à sa culture. « A l’époque, pour les Arabes, l’electro, c’était un truc tombé de l’espace, ils y pigeaient rien ! Partout, je cherchais des producteurs arabes et j’en trouvais jamais. »

    Cascades harmoniques
    Il finit par abandonner l’idée d’en vivre et part « bosser dans un bureau ». Jusqu’à ce que le Jazar Crew, à l’origine une bande d’ados de Haïfa organisant des raves sauvages, le sorte de sa retraite, au milieu des années 2010. Suivront les projets Fawda, en 2014 (des beats agrémentés d’oud électrifié et de slams politisés d’Ayed Fadel) et aujourd’hui Zenobia, en duo avec le claviériste Isam Elias, 27 ans. Halahlih espère en faire le « Daft Punk palestinien ». Moins de la mégalomanie qu’une volonté de se définir populaire et exigeant, audible partout mais fidèle au terreau originel. « Comme il y a eu la French Touch, voici l’Arab Touch, plaisante-t-il. Zenobia, c’était une reine, dont le royaume s’étendait de Palmyre jusqu’en Egypte. Le Levant, c’est notre ADN musical. Comme elle, on veut conquérir le monde et mélanger cet ADN à tous les genres, faire quelque chose sur lequel tu peux danser, du Brésil au Japon. »

    La formule de Zenobia se rattache à la mouvance electro-chaâbi, abusivement qualifiée de bande-son du printemps arabe et symbolisée par l’improbable trajectoire du chanteur de mariages syrien Omar Souleyman, devenu collaborateur de Diplo et adulé par les lecteurs de Pitchfork - Souleyman, de par son allégeance à Bachar al-Assad, est controversé au Moyen-Orient : le Jazar Crew, par exemple, refuse de jouer ses morceaux.

    Si, en live, Nasser Halahlih et Isam Elias revêtent un keffieh comme Souleyman, ils préfèrent citer le succès de 47Soul comme catalyseur de ce retour aux mélodies folkloriques. Pendant que Halahlih sculpte des nappes électroniques léchées, alternant vibe éthérée et kick martelant le rythme du dabké (la danse levantine du « coup de pied »), Elias laisse sa main droite de jazzeux marathonien broder en cascades les gammes mineures harmoniques, typiquement orientales, sur synthé acide. Le tandem, qui doit sortir un premier EP début avril, a signé à l’automne sur le label d’Acid Arab, duo français défricheur de l’orientalisme techno et ainsi aux premières loges pour voir le mouvement éclore.

    « Il y a toujours eu des gens qui faisaient du son dans les Territoires occupés, observe Guido Minisky d’Acid Arab. Mais longtemps, c’était plutôt des choses pas passionnantes autour de l’abstract hip-hop. La vague actuelle est plus popisante. Le risque serait qu’elle tombe dans les clichés avec la derbouka, les violonades et un sample de muezzin, mais eux cherchent à construire un truc intelligent, jouant de leurs codes culturels tout en adoptant une production moderne. C’est l’expertise qu’on leur apporte pendant qu’eux nous mettent à l’amende sur les mélodies au clavier. Quand il y a cette sincérité des deux côtés, Orient et Occident, on sort de la "recette" bête et méchante. »

    Ainsi, Acid Arab s’est aligné sur les convictions de cette scène émergente. A l’instar de Nicolas Jaar, icône électronique d’origine palestino-chilienne, les Français évitent désormais Tel-Aviv pour privilégier les clubs tenus par des « Palestiniens de 48 » ou dans les Territoires, sous l’égide du Jazar Crew. Las, leur premier concert à Ramallah en décembre a dû être annulé, les forces israéliennes ayant ce jour-là bouclé tous les accès au siège de l’Autorité palestinienne. Exemple des obstacles constitutifs de cet underground palestinien.

    Dynamique panarabe
    L’organisation l’été dernier d’un événement estampillé Boiler Room [1] à Ramallah, doublée du tournage d’un documentaire-manifeste, a achevé de mettre sur la carte sonique cette simili-capitale en Cisjordanie occupée, mal aimée mais berceau de créativité. Elle complète une sorte de triangle par-delà le mur et les check-points avec Haïfa et Jaffa - bien que ce dernier point soit en danger, le club phare Anna Loulou ayant récemment fermé, victime de la gentrification.

    La figure de proue est une jeune femme de 28 ans, Sama Abdulhadi, dite SAMA’ - sans doute l’étoile la plus brillante du mouvement, on pourra aussi l’entendre à l’IMA à Paris. Née en Jordanie et élevée dans une famille aisée à Ramallah, pianiste classique rompue à Chopin, la « première DJ de Palestine » a choisi une voie à l’opposé de l’electro-chaâbi. Sa techno sombre est dépouillée de références orientales (« cinq notes de oud sur un track, c’est pas de la musique arabe, c’est de la paresse », cingle-t-elle) et privilégie une sécheresse minérale. « J’ai découvert la techno à Beyrouth, pendant la Deuxième Intifada, raconte-t-elle. J’avais beaucoup de colère en moi, et ça m’a libérée. J’ai toujours mixé ce que je ressentais. Puis un jour, on m’a dit : "T’as un son berlinois." J’avais jamais mis les pieds en Allemagne… »

    Ingé-son nomade (formée en Grande-Bretagne, installée un temps au Caire et désormais partagée entre Paris et Ramallah), SAMA’ inscrit le mouvement dans une dynamique panarabe plus large, incluant l’Egypte et le Liban, mais ne perd pas de vue sa spécificité. « J’aime comparer cette musique à ce qui se jouait à Berlin avant la chute du Mur. En tant que Palestinien, où que tu sois, tu transportes le conflit. Pour moi, la techno, ce n’est pas une échappatoire liée aux drogues, mais plutôt quelque chose qui tient de la science-fiction : un lien avec le futur, un endroit sans politique, sans frontière, sans occupation. » Surtout, la musique lui a permis de créer des liens : « Avec les gars de Haïfa, de Jaffa, la diaspora, on est à nouveau une famille. »

    Au cœur du réacteur, le Jazar Crew joue les entremetteurs et les influenceurs. « A la base, la philosophie électronique a toujours été "rave against the machine", de Berlin à Detroit, prêche Ayed Fadel entre deux sets. Aujourd’hui, tu peux faire entendre le message palestinien en bookant SAMA’ dans ton festival ou en jouant à Kabareet. » Mais le plus important pour lui, c’est d’avoir créé « notre propre dancefloor. "Safe", ouvert à tous, même aux Israéliens. Du moins ceux qui respectent et comprennent que ce dancefloor vient autant de l’amour que de la colère ». Pour cette voix du mouvement, « il est très important que la scène électronique internationale comprenne que tout ne se limite plus à la bulle de Tel-Aviv, où le conflit est invisible. Cette bulle n’est pas underground, elle n’unit personne : elle ignore. Notre monde parallèle, lui, n’exclut pas : il montre qu’on peut faire les choses autrement. »

    [1] Collectif londonien qui organise de très suivies soirées branchées retransmises sur le Web.

    #Palestine #Sama #Musique #Musique_et_politique #Underground #Electro #Techno #Rap #Rave

    Sur le même sujet :
    https://seenthis.net/messages/752617
    https://seenthis.net/messages/760253

  • En Israël, la culture est prise entre deux feux
    Pierre Sorgue, Le Monde, le 16 novembre 2018
    https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/11/16/en-israel-la-culture-est-prise-entre-deux-feux_5384505_4497186.html

    Lana Del Rey, Brian Eno, Peter Gabriel ou Arcade Fire… L’appel au boycott d’Israël pour dénoncer le sort des Palestiniens rencontre de plus en plus d’écho chez les artistes. Un dilemme pour le monde de la culture israélien.

    A trois heures du matin, The Block est à bloc. Le plus célèbre club électro de Tel-Aviv, enfoui sous le béton de la gare routière centrale, reçoit Carl Craig, ponte de la techno de Detroit (Michigan) aux Etats-Unis.

    La foule ondule, saute, tressaute au rythme des basses, dans le brouillard bleu que découpent les faisceaux de projecteurs épileptiques.

    BDS pour Boycott, désinvestissement, sanctions

    Yaron Trax, le maître des lieux, s’est glissé entre les danseurs pour s’assurer des bons réglages de sa sono analogique, réputée l’une des meilleures du monde. Le quadragénaire aux airs adolescents est aux anges parmi ces jeunes gens dont beaucoup sont venus au club comme ils étaient à la plage, en short et tee-shirt. Celui que porte Yaron ce soir-là reproduit les briques et la typographie reconnaissable entre toutes : Pink Floyd, The Wall. Lorsqu’on lui fait remarquer, il sourit comme un enfant contrit : « C’est un tee-shirt formidable et l’album l’est aussi. Quel dommage que Roger Waters soit devenu aussi décevant… »

    Car le musicien britannique, ex-membre de Pink Floyd, est le spectre qui hante la scène israélienne et dérange l’intelligentsia de gauche, celui qui empêche la bulle libérale et hédoniste qu’est Tel-Aviv de flotter innocemment à cinquante kilomètres du mouroir à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza.

    Depuis des années, Roger Waters offre sa voix aux militants internationaux du BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), mouvement né en 2005 de la société civile palestinienne, un an après que la Cour internationale de justice a jugé illégal le mur de séparation construit entre Israël et les territoires occupés.

    Il prône les pressions sur l’État d’Israël pour parvenir à ce que n’ont jamais obtenu des décennies de guerre, de résolutions de l’ONU et de vains processus de paix pendant lesquels le nombre des colons n’a cessé de croître (500 000 aujourd’hui) : la fin de l’occupation des territoires, la pleine égalité pour les citoyens palestiniens d’Israël, le droit au retour des réfugiés chassés de leurs terres.

    La scène musicale comme estrade politique

    Il suffit de voir les gratte-ciel bleutés qui poussent à Tel-Aviv pour s’en convaincre : le boycott économique n’a que peu d’effets. La « start-up nation » se porte bien, ses relations commerciales et diplomatiques n’ont cessé de se développer avec l’Afrique, l’Inde, la Chine, voire certains pays arabes. En ce mois d’octobre encore estival, les plages sont noires de monde, les ruelles de la vieille ville de Jérusalem, pleines de visiteurs : le pays aura accueilli plus de 4 millions de touristes à la fin de l’année, soit 46 % de plus qu’en 2016.

    Au-delà du portefeuille, le BDS s’attaque aussi aux cœurs et aux têtes. Il appelle au boycott culturel et académique, comme celui qui s’exerçait sur l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Et celui-là trouve, ces derniers mois, un écho bien supérieur. Depuis longtemps, la scène musicale sert d’estrade politique. D’un côté, Roger Waters, Peter Gabriel, Brian Eno, Elvis Costello, Lauryn Hill (The Fugees), Arcade Fire et d’autres ont annoncé qu’ils ne joueront plus en Israël tant qu’ils ne pourront en accepter la politique.

    De l’autre, Nick Cave, Radiohead, Paul McCartney, Alicia Keys, parmi beaucoup, sont venus au nom du dialogue et du refus de se voir dicter leur conduite. Mais, récemment, deux chanteuses moins politisées et plus populaires parmi les adolescents ont suivi le mouvement : en décembre, Lorde, la jeune rockeuse néo-zélandaise, annulait son concert après avoir été « alertée » par une lettre ouverte signée de deux fans – l’une Juive, l’autre Palestinienne –, puis en septembre, après de nombreux appels dont celui de Roger Waters, Lana Del Rey faisait faux bond. Parce qu’elle ne pourrait pas se produire également dans les territoires palestiniens, dit-elle, elle renonçait à jouer au festival Meteor qui devait être une sorte de Coachella version kibboutznik, dans le nord d’Israël.

    Un « tsunami d’annulations »

    Après le refus, en avril, de l’actrice Natalie Portman de recevoir le Genesis Prize (considéré comme un « Nobel » israélien) pour exprimer son désaccord avec le gouvernement Nétanyahou et les violences commises à Gaza, après la défection de l’équipe d’Argentine de Lionel Messi qui, en juin, a annulé une rencontre amicale avec celle d’Israël à la suite de pressions internationales (de menaces, dit-on du côté israélien), le retrait de Lana Del Rey fut une autre secousse médiatique.

    « Une belle surprise qui aidera peut-être les jeunes à se poser des questions sur une politique insoutenable dans les territoires occupés, mais aussi en Israël, où les Palestiniens, qui représentent 20 % de la population, sont victimes d’une cinquantaine de lois discriminatoires, à commencer par le logement et la terre », explique Kobi Snitz, chercheur en neurobiologie au Weizmann Institute et cofondateur de Boycott from Within (« boycott de l’intérieur »), qui rassemble une poignée de militants suffisamment téméraires pour affronter les torrents de haine qu’ils suscitent au sein du pouvoir, des médias et sur les réseaux sociaux.

    Dans la foulée de Lana Del Rey, quatorze artistes, dont plusieurs DJ, ont décliné l’invitation du festival. Des dizaines d’autres ont exprimé leur soutien au boycott sur les réseaux sociaux. Yaron Trax commence à se faire du souci pour « la capitale du clubbing » qu’est Tel-Aviv. Idit Frenkel, qui officie souvent derrière les platines de The Block, a signé un long article dans le quotidien israélien Haaretz, pour évoquer le « tsunami d’annulations ». Le titre de la tribune était emprunté aux paroles d’une chanson de Don McLean, American Pie (1971) : « The day the music died » [« le jour où la musique est morte »].

    Le boycott la laisse amère : « On peut comprendre ceux qui veulent lutter de manière non violente contre les morts de Gaza, le développement des colonies ou la décision de Trump d’installer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Mais ne pas venir, c’est punir ceux qui essaient de changer les choses, y compris dans la minuscule scène underground qu’abhorrent les nationalistes et les religieux du gouvernement. »

    Si certaines figures de l’électro, comme l’Américano-Chilien Nicolas Jaar ou les Français d’Acid Arab, viennent encore en Israël, ils ne jouent plus à Tel-Aviv mais à Haïfa, au Kabareet, tenu et animé par Jazar Crew, un collectif d’artistes palestiniens. Haïfa, la cité portuaire qui soigne sa réputation de tolérance et de coexistence entre Juifs et Arabes…

    Une forme d’apartheid ?

    Attablé dans un café du centre-ville, Ayez Fadel, 31 ans, l’un des fondateurs et DJ de Jazar Crew, connaît l’antienne par cœur : « Mais même ici, grandir en étant palestinien, c’est éprouver la discrimination. Les écoles publiques arabes moins dotées que les établissements juifs, les boîtes de nuit où l’on te demande ton “Hoger”, le livret militaire que tu n’as pas [la majorité des Arabes citoyens d’Israël n’effectuent pas leur service militaire], la langue… Une nouvelle loi fait de l’hébreu la seule langue officielle, elle dit aussi que le pays est “l’Etat-nation du peuple juif”, alors que je suis un Palestinien vivant ici par la force de l’histoire, que mes impôts servent à protéger les colonies juives et à financer une armée qui a tué 44 enfants palestiniens ces trois derniers mois… Parler d’apartheid ne me paraît pas exagéré. »

    Ayez Fadel comprend le boycott et revendique la dimension politique de Jazar Crew : « Une manière de sensibiliser les jeunes. Nous n’avons plus honte d’être palestiniens, nous sommes éduqués et confiants. Et nous ne cessons de répéter que nos positions ne sont pas contre les Juifs mais contre ce régime. » Le jeune homme se dit prêt à collaborer avec Yaron Trax, qui l’a appelé pour que The Block et Kabareet « organisent quelque chose ensemble ». Mais, précise-t-il, « à condition qu’il fasse une déclaration claire sur l’occupation des territoires et les droits des Palestiniens ».

    Les turbulences qui agitent le microcosme underground reflètent assez bien le désarroi du monde de la culture devant ces appels au boycott. « En ce moment, pas un dîner sans qu’on en parle », reconnaît la responsable d’une galerie d’art installée aux franges de Florentine, ancien quartier d’entrepôts et d’ateliers de Tel-Aviv devenu le préféré des artistes et des bobos. Comme beaucoup d’opposants à l’occupation, elle refuse d’acheter les produits des colonies – certaines se sont spécialisées dans l’agriculture et l’élevage bio – ou le vin venu du Golan. « Mais le BDS culturel, dit-elle, frappe ce qui reste de l’élite de gauche, celle que Nétanyahou et son gouvernement détestent. Si on la muselle, on n’entendra plus que les voix des plus réactionnaires… »

    C’est aussi ce que pense Avi Pitchon, écrivain, critique et commissaire d’expositions : « Le boycott culturel réduit le débat à une polarisation extrême entre les activistes et le gouvernement, il déshumanise et nourrit la paranoïa, ce “nous” contre “eux” dont joue un régime de moins en moins démocratique. Ce tout ou rien est un piège, quoi que disent les créateurs ils seront perdants. Alors, ils préfèrent laisser parler leur art… »

    C’est peut-être pour cela que chercher à les rencontrer pour évoquer la question relève de la chasse au dahu. Groupe pop connu pour ses textes radicaux, écrivain loué comme l’une des « grandes voix morales » du pays, cinéastes, producteurs de concerts, responsables de théâtre, de centre d’art contemporain… tous se disent trop occupés. D’autres se ravisent après avoir parlé et demandent à n’être plus cités.

    Pnina Blayer, la directrice artistique du Festival international du film de Haïfa qui s’est déroulé fin septembre sans les « grands noms » invités, exige les questions par courriel et adresse des réponses aussi sèches que le fleuve Jourdain surexploité : selon elle, la situation dans la bande Gaza et la guerre en Syrie sont les motifs des absences, dont aucune n’a été motivée par le BDS, qui n’aura découragé qu’un film marocain, et si Agnès Varda, à qui le festival rendait hommage, n’est pas venue, ce n’est pas pour des raisons politiques.

    Il faut comprendre sa prudence : pendant que le festival est soumis aux pressions de l’étranger, sa propre ministre de la culture, la très droitière Miri Regev, demande à celui des finances de lui couper les vivres pour avoir accueilli deux films israéliens qui « sapent les valeurs et symboles » de l’Etat (l’un d’eux raconte l’histoire d’un metteur en scène palestinien qui monte une pièce narrant un amour entre une Juive et un Arabe…).

    Le projet de loi « Loyauté dans la culture »

    La même ministre se démène pour l’adoption d’un projet de loi « Loyauté dans la culture » qui veut supprimer les fonds à toute organisation déniant « Israël comme un Etat juif et démocratique » ou qui ferait du jour de l’indépendance celui de la Nakba, la « catastrophe » que vécurent 700 000 Palestiniens expulsés en 1948.

    Le monde de la culture a manifesté le 27 octobre contre ce texte, de nombreux cinéastes israéliens, comme Amos Gitaï ou Ari Folman, sont parmi les signataires d’une tribune parue lundi 12 novembre dans Le Monde pour demander le retrait du texte. En attendant, des députés ont également proposé de punir de sept ans de prison tout appel au boycott et l’entrée du pays est déjà interdite à tout étranger qui soutient activement le BDS.

    Car, pour le gouvernement, c’est la guerre. Au vingt-neuvième étage d’une tour de Bnei Brak, dans la banlieue de Tel-Aviv, une trentaine de personnes travaillent au sein de la National Task Force for Countering Delegitimization (« force d’intervention contre la délégitimisation »), qui dépend du ministère des affaires étrangères.

    « Nous révélons les relations entre le BDS et des organisations terroristes comme le Hamas ou le Front populaire de libération de la Palestine ; comment, sous couvert de droits de l’homme, il s’attaque à la légitimité d’Israël ; comment il bombarde les artistes par des cyberattaques menées par des robots. Nous travaillons avec des centaines d’organisations pro-israéliennes en leur offrant articles, vidéos et autres outils pour affronter les arguments du BDS », résume Tzahi Gavrieli, le directeur.

    Le bureau a lancé la plate-forme 4il sur Internet, Facebook et Twitter : des images de jolies filles montrent la diversité du pays, des vidéos soulignent la réussite de certains « Arabes israéliens ». Des posts saluent la criminalisation du boycott en France (en 2015, la justice a confirmé la condamnation de militants ayant appelé au boycott des produits israéliens) ou en Allemagne (le BDS a été jugé antisémite par l’Office fédéral de la protection de la constitution de Berlin).

    Un post du 23 octobre relaie le rapport de Human Rights Watch sur la torture pratiquée par le Hamas et l’Autorité palestinienne en demandant si la communauté internationale va exercer sur eux les mêmes pressions que sur Israël… Des messages vantent le concours Eurovision de la chanson de mai prochain : avec ses 186 millions de téléspectateurs, la manifestation est une vitrine que le gouvernement ne veut pas voir entachée, malgré l’appel au boycott lancé par 140 artistes internationaux.

    L’« instrumentalisation » du monde de la culture ?

    La lutte contre le BDS est aussi l’affaire d’Adam Shay au sein du Jerusalem Center for Public Affairs, un think tank niché dans un quartier tranquille de la ville sainte. Il « scrute » les militants locaux, conseille les promoteurs de spectacles, essaie de convaincre des artistes ciblés que ce qu’on leur raconte est un tissu de mensonges et qu’ils ne regretteront pas de venir.

    « David Guetta était là la semaine dernière », se réjouit le jeune homme avant de confier qu’il cherchait à faire venir Rachid Taha, peu avant sa mort, en septembre : « Cela aurait été un gros truc » (vu les relations qui liaient le rockeur français à Brian Eno, très impliqué dans le BDS, on imagine mal une réponse positive).

    C’est cette « instrumentalisation » du monde de la culture qui, aux yeux des militants du BDS, justifie les appels au boycott de ceux dont les travaux ou les voyages sont financés par le gouvernement. Ils aident, disent-ils, le pays à soigner son image de démocratie favorable à la liberté d’expression. Les artistes se retrouvent coincés entre le marteau du gouvernement, qui tient (et serre) les cordons de la bourse, et l’enclume des pressions internationales.

    « À l’étranger, nous sommes considérés par certains comme des collaborateurs ; ici, comme des traîtres. Mais l’argent du ministère est aussi celui de mes impôts. Si la solution est de dire non, où va-t-il aller et qui va dire ce que l’on dit ? », demande Hillel Kogan, danseur et chorégraphe de la célèbre compagnie Batsheva, qui dut affronter cet été quelques militants pro-BDS à Montpellier et à Toulouse alors que, invité de la très diplomatique saison « France-Israël », il s’apprêtait, avec le Palestinien d’Israël Adi Boutros, à interpréter sa pièce We Love Arabs.

    Certains dans le pays ont regretté que l’écrivain David Grossman, considéré comme une « conscience » par le camp de la paix, se laisse « enrôler » par le pouvoir en acceptant le prix Israël de littérature 2018 des mains du ministre de l’éducation ou, en 2017, lorsqu’il accompagne à New York une pièce tirée de l’un de ses romans et adaptée par deux troupes israéliennes qui s’étaient produites dans les colonies (ce que l’auteur désapprouve). Ce, sous les yeux de la ministre de la culture qui avait fait le voyage. « Une manière de résister au BDS qui est une nouvelle forme d’antisémitisme », avait dit Miri Regev ce jour-là.

    Car c’est l’argument massue des contempteurs du BDS. Le mouvement a beau condamner racisme et antisémitisme, le public hétéroclite qu’il mobilise laisse parfois suinter des attaques haineuses, voire négationnistes. Dans le petit théâtre de Jérusalem où il travaille avec de jeunes comédiens juifs et arabes, Arik Eshet se souvient du festival de théâtre d’Édimbourg de 2014, lorsque des militants « agressifs » avaient fait annuler son spectacle : « Tu entends des gens crier qu’Israël ne devrait pas exister. C’est traumatisant… »

    La nécessaire mobilisation de la société civile

    Roger Waters est systématiquement accusé d’infamie. Du coup, Gideon Levy, le journaliste de Haaretz qui se démène inlassablement pour évoquer le sort des Palestiniens, ne cesse de défendre le chanteur. « J’ai passé de longues nuits à discuter avec lui, rien ne lui est plus étranger que les sentiments antisémites, ces accusations sont intolérables », assène-t-il dans le salon de sa maison, dont un mur est orné d’une vieille publicité ensoleillée où est inscrit : « Visit Palestine ».

    Un BDS efficace, ajoute-t-il, serait le seul moyen d’en finir avec les bains de sang : « Le changement ne viendra pas de l’intérieur d’Israël, la vie est trop bonne ici. Or les Etats-Unis soutiennent le pays et l’Europe est une plaisanterie : le seul espoir est la mobilisation de la société civile. La gauche sioniste appelle depuis des lustres à deux Etats mais n’a rien fait pour ça, nous devons en payer le prix. La criminalisation du BDS est un scandale : pourquoi serait-il légitime de boycotter l’Iran et pas Israël ? »

    En les réduisant au rang de producteurs de « biens culturels » ou d’instruments du soft power d’un Etat dont ils n’approuvent pas la politique, le BDS interroge les artistes de manière inconfortable sur leurs responsabilités de créateurs et de citoyens au cœur d’une opinion publique au mieux indifférente, au pis de plus en plus xénophobe. Et dans les conversations un nom revient souvent, comme s’ils étaient orphelins d’une figure capable d’indignation, de « courage », disent certains.

    « Il nous manque un penseur comme Leibowitz », glisse le photographe Miki Kratsman, l’un des fondateurs de l’ONG Breaking the Silence qui recueille les témoignages des soldats sur les exactions auxquelles les contraint l’occupation. C’est aussi ce que dit Zeev Tene, un vieux rockeur dont Ari Folman utilisa une chanson pour son film Valse avec Bachir et qui, depuis deux ans, part, le 6 juin, date anniversaire de la guerre des Six-Jours, le long du mur de séparation avec quelques musiciens et un camion en guise d’estrade pour jouer devant une banderole qui proclame « Make Israel small again ».

    Yeshayahu Leibowitz, mort en 1994, grand penseur et moraliste, religieux convaincu et sioniste affirmé, fut un critique féroce de l’occupation qui « détruit la moralité du conquérant ». Outré par la torture, il alla jusqu’à employer le terme de « judéo-nazis »… Or, constate l’historien « post-sioniste » Shlomo Sand, qui fait lui aussi référence à Leibowitz, « je n’ai pas vu l’Université se mettre en grève lorsqu’une succursale a été ouverte dans la colonie d’Ariel. Je n’ai entendu aucune de nos voix de la gauche sioniste prôner l’objection de conscience dans les territoires ou soutenir les refuzniks [qui refusent de servir dans l’armée]. Le BDS les met devant leurs contradictions… »

    Mais le malaise, explique-t-il, vient aussi du fait que, « en posant le droit au retour des réfugiés, le BDS questionne les conditions mêmes de la naissance d’Israël dans un pays encore hanté par la Shoah. Ce droit au retour ne peut être ignoré, mais il faut être honnête : on ne pourra pas accueillir 5 millions de réfugiés. Je soutiens le BDS à condition qu’il ne mette pas en danger l’existence d’Israël. »

    Une situation parfois absurde

    L’historien déplore aussi la « stupidité » de certains appels au boycott culturel. Les musiciens d’Apo and the Apostles, un Arménien de Jérusalem et trois Palestiniens de Bethléem, partagent sûrement son avis. Lorsque ces talentueux garçons qui mêlent leur folk-rock à des nuances orientales doivent se produire dans un festival de musique alternative arabe à Tel-Aviv, le BDS décrète que ce n’est pas acceptable parce qu’ils ne sont pas des « Palestiniens de 48 », ceux restés en Israël…

    Shady Srour aussi a quelques remarques à faire sur les censeurs du BDS : cinéaste palestinien de Nazareth, il a tourné un très joli film dans sa ville natale, Holy Air, où comment un homme essaie de s’en sortir en vendant de l’« air saint » aux touristes venus sur les traces de Jésus. C’est drôle, féministe, sexy, acide, « beckettien », plus grave lorsque les rêves sont empêchés par le seul fait de n’être pas un citoyen comme les autres.

    Mais le BDS ne rit pas : il a demandé son retrait d’un festival du film israélien à Londres, puis du Festival des cinémas arabes de l’Institut du monde arabe, à Paris, qui a congédié le réalisateur d’un bref courrier. « Je suis palestinien, mon père fut l’un de ceux chassés vers le Liban. Me boycotter, c’est m’empêcher d’affirmer mon propre récit face à celui des Israéliens. Le BDS vient chez moi pour me couper la langue… Aucun financement arabe ne m’est accordé parce que j’ai un passeport israélien, où est-ce que je trouve l’argent ? » On comprend que son film soit teinté de tristesse et d’absurde.

    #Palestine #Culture #Apartheid #BDS #Boycott_culturel

  • L’article d’une DJ israélienne à propos des annulations récentes. Quelques points à noter :
    1) elle n’est pas surprise de l’annulation de Lana del Rey
    2) elle est surprise en revanche de l’annulation de DJs, car ce milieu n’était pas touché par la politique et BDS, et elle se demande si ce n’est pas le début de quelque chose...
    3) elle cite Gaza, la loi sur l’Etat Nation, les arrestations d’activistes à l’aéroport, mais aussi la proximité entre Trump et Netanyahu, qui influence surtout les artistes américains
    4) on apprend que tout le monde sait qu’il y a des artistes, et non des moindres, qui même s’ils ne le disent pas ouvertement, ne viendront jamais en israel : Beyoncé, The Knife, Grizzly Bear, Arcade Fire, Deerhunter, Sonic Youth, Lil Yachty, Tyler the Creator, Kendrick Lamar, Chance the Rapper, Vince Staples, Moodymann, Kyle Hall, the Martinez Brothers, Ben UFO, DJ Ricardo Villalobos, Matthew Herbert, Andrew Weatherall... C’est ce qu’on appelle le boycott silencieux...
    5) il y a aussi le cas de ceux qui ne viennent que si les concerts sont organisés par des Palestiniens : Acid Arab et Nicolas Jaar
    6) même si cela me semble faux, le fait d’accuser certains artistes de boycotter parce que c’est à la mode est un aveu que BDS a le vent en poupe dans le milieu de la musique

    The Day the Music Died : Will BDS Bring Tel Aviv’s Club Scene to a Standstill ?
    Idit Frenkel, Haaretz, le 7 septembre 2018
    https://www.haaretz.com/israel-news/.premium.MAGAZINE-the-day-the-music-died-will-bds-halt-tel-aviv-s-club-scen

    Lana Del Rey should have known better. And if not Del Rey herself, then at least her managers, PR people and agents.

    As the highest-profile artist who was scheduled to appear at the Meteor Festival over the weekend in the north, it was clear she’d be the one caught in the crossfire , the one boycott groups would try to convince to ditch an appearance in Israel. That’s the same crossfire with diplomatic, moral and economic implications that confronted Lorde, Lauryn Hill and Tyler, the Creator: musicians who announced performances in Israel and changed their minds because of political pressure.

    Del Rey, however, isn’t the story. Her cancellation , which included some mental gymnastics as far as her positions were concerned, could have been expected. Unfortunately, we’ve been there many times and in many different circumstances.

    Tsunami of cancellations

    The ones who caught us unprepared by drafting an agenda for the Israeli-Palestinian conflict turned out to be DJs like Shanti Celeste, Volvox, DJ Seinfeld, Python and Leon Vynehall, who also dropped out of Meteor. Why was this unexpected? Because Israel’s nightlife and clubbing scene – especially in Tel Aviv – had been an oasis regarding cultural boycotts, an extraterritorial hedonistic space with no room for politics.

    The current tsunami of cancellations, while it might sound trivial if you’re untutored in trance music, could reflect a trend with effects far beyond the Meteor Festival. In the optimistic scenario, this is a one-off event that has cast the spotlight on lesser-known musicians as well. In the pessimistic scenario, this is the end of an era in which the clubbing scene has been an exception.

    Adding credence to the change-in-direction theory are the cancellations by DJs who have spun in Tel Aviv in recent years; Volvox, Shanti Celeste and Leon Vynehall have all had their passports stamped at Ben-Gurion Airport. And those times the situation wasn’t very different: Benjamin Netanyahu was prime minister, the occupation was decades long and there were sporadic exchanges of fire between the sides.

    Moreover, two of the DJs spearheading the struggle on the nightlife scene regarding Mideast politics – the Black Madonna and Anthony Naples – have been here, enjoyed themselves, been honored and promised to return, until they discovered there’s such a thing as the occupation.

    Americans and Brits cancel more

    So what has changed since 2015? First, there has been a change on the Gaza border, with civilians getting shot. These incidents have multiplied in the past three months and don’t exactly photograph well.

    Second, news reports about the nation-state law and the discrimination that comes with it have done their bit. Third, the arrests and detentions of left-wing activists entering Israel haven’t remained in a vacuum.

    Fourth, and most importantly, is Donald Trump’s presidency and his unconditional embrace of Netanyahu, including, of course, the controversial opening of the U.S. Embassy in Jerusalem. As in the case of Natalie Portman’s refusal to accept a prize from the state, the closeness between the Trump administration and the Netanyahu government – under the sponsorship of evangelical Christians – has made Israel a country non grata in the liberal community, of which Hollywood is one pole and nightlife the other.

    It’s no coincidence that the DJs canceling are either Americans or Brits on the left; that is, Democrats or Jeremy Corbyn supporters in Labour – people who see cooperation with Israel as collaboration with Trump and Britain’s Conservative government.

    Different from them is Honey Dijon, the black trans DJ from Chicago who in response to the protest against her appearance at the Meteor Festival tweeted: “All of you people criticizing me about playing in Israel, when you come to America and stand up for the murder of black trans women and the prison industrial complex of black men then we can debate. I play for people not governments.” Not many people tried to argue with her. Say what you will, contrarianism is always effective.

    The case of DJ Jackmaster

    Beyond the issue of values, at the image level, alleged collaboration can be a career killer, just as declaring a boycott is the last word in chic for your image nowadays. That’s exactly what has happened with Scotland’s DJ Jackmaster, who has gone viral with his eventual refusal to perform at Tel Aviv’s Block club. He posted a picture of the Palestinian flag with a caption saying you have to exploit a platform in order to stand up for those who need it. The flood of responses included talk about boycotting all Tel Aviv, not just the Block.

    Yaron Trax is the owner of the Block; his club is considered not only the largest and most influential venue in town but also an international brand. Trax didn’t remain silent; on his personal Facebook account he mentioned how a few weeks before Jackmaster’s post his agent was still trying to secure the gig for him at the Block.

    “Not my finest hour, but calling for a boycott of my club at a time when an artist is trying to play there felt to me like crossing a line,” Trax says. “Only after the fact, and especially when I saw how his post was attracting dozens of hurtful, belligerent and racist responses – and generating a violent discourse that I oppose – did I realize how significant it was.”

    Trax talks about the hatred that has welled up in support of Jackmaster’s Israel boycott – just between us, not the sharpest tool in the shed and someone who has recently been accused of sexual harassment. As Trax puts it, “The next day it was important to me to admonish myself, first off, and then all those who chose to respond the way they responded.”

    In a further well-reasoned post, Trax wrote, “I have always thought that people who take a risk and use the platform that is given to them to transmit a message they believe in, especially one that isn’t popular, deserve admiration and not intimidation or silencing.” Unsurprisingly, the reactions to this message were mostly positive.

    Notwithstanding the boycotters who have acceded to the demands of Roger Waters and Brian Eno – the most prominent musicians linked to the boycott, divestment and sanctions movement – there are plenty of superstar musicians like Lady Gaga, Justin Timberlake and the Rolling Stones who have come to Israel as part of their concert tours, even though they suffered the same pressures. The performers most vocal about their decision to appear in Israel have been Radiohead and Nick Cave.

    At a press conference on the eve of his concert, Cave expressed his opinion on the demand to boycott Israel: “It suddenly became very important to make a stand, to me, against those people who are trying to shut down musicians, to bully musicians, to censor musicians and to silence musicians.”

    Radiohead frontman Thom Yorke took the message one step further and tweeted: “Playing in a country isn’t the same as endorsing its government. We’ve played in Israel for over 20 years through a succession of governments, some more liberal than others. As we have in America. We don’t endorse Netanyahu any more than Trump, but we still play in America.” As Yorke put it, music, art and academia are “about crossing borders, not building them.”

    There’s a lot of truth in Yorke’s declaration, but whether or not musicians like it, appearances in Israel tend to acquire a political dimension; any statement becomes a potential international incident. Thus, for example, after Radiohead’s statement, Public Security Minister Gilad Erdan saluted the band, and after Cave’s press conference, Foreign Ministry spokesman Emmanuel Nahshon tweeted “Bravo Nick Cave!”

    The trend continues when we step down a league from the A-listers, like Beyoncé, who doesn’t intend to perform in Israel despite her annual declaration that she’ll come “next year.” There’s the second level, the cream of international alternative rock and pop – refusals to appear in Israel by bands “of good conscience” like the Knife, Grizzly Bear, Arcade Fire and Deerhunter.

    The most prominent voice from this territory is that of former Sonic Youth guitarist and vocalist Thurston Moore. Yes, he appeared with his band in Tel Aviv 23 years ago, but since then he has become an avid supporter of BDS, so much so that he says it’s not okay to eat hummus because it’s a product of the occupation.

    ’Apartheid state’

    At the next level of refusers are the major – and minor – hip-hop stars. In addition to Lil Yachty and Tyler, who canceled appearances, other heroes of the genre like Kendrick Lamar, Chance the Rapper and Vince Staples have refused from the outset to accept invitations to Israel. It’s quite possible that the connection between BDS and Black Lives Matter is influential. As early as 2016, Black Lives Matter published a statement supporting BDS and declaring Israel an “apartheid state.”

    Which brings us to electronic music and the cultural phenomenon that goes with it – the club culture. In numerical terms, club culture is smaller, but the information that flows from it on the ground or online flows much faster.

    Moreover, not only is club culture more sensitive to changes and far more alert to ideas and technological advances, its history is marked by struggles by oppressed groups. It can be said that African-Americans, Hispanics and gay people were the first to adopt the “night” way of life, back in the days of New York’s clubs and underground parties in the ‘70s. Accordingly, these groups have been the ones to nurture this lifestyle into today’s popular culture. Hence also the association with movements like BDS.

    Boiler Room Palestine

    Indeed, the current trend points to a step-up in the discourse; in the past year the top alternative culture magazines – of which the electronic music magazines play a key role – have published articles surveying musical and cultural happenings in Palestinian society.

    The online music magazine Resident Advisor has had two such stories, the first about a workshop for artists with the participation of the Block 9 production team, musicians Brian Eno and Róisín Murphy (formerly of Moloko) and American DJ the Black Madonna. The workshop, which included tours, discussion groups and joint musical work, was held at the Walled Off Hotel in Ramallah, also known as Banksy’s hotel because of the street artist’s involvement in its planning in the shadow of the separation barrier.

    The second article surveyed the Palestinian electronic scene and its leading players – promoters, DJs and producers who are operating despite the restrictive military regime. In addition, the writer accompanied the production of Boiler Room Palestine in Ramallah in June. (The wider Boiler Room franchise has been the world’s most popular pop party for the past five years.)

    Another example includes the style magazine Dazed, which wrote about the cultural boycott movement immediately after the cancellation of Lorde’s concert, and just last month New York Magazine’s culture supplement Vulture set forth its philosophy on the boycott (also in the context of Lana Del Rey). It predicted that the awakening we’re seeing today is only in its infancy.

    This partial list isn’t a clear declaration about “taking a stance” – after all, progressive media outlets in culture laud Israeli artists (for example Red Axes, Moscoman and Guy Gerber) or local venues, like the Block club. But if you add to these the scores of Facebook battles or Twitter discussions (like the one Del Rey found herself in), you’ll get noise. And noise generates questions, which generate more noise and raise consciousness. And from there to change on the ground is a modest distance.

    ’These are people who slept on my sofa’

    Refusals of invitations or cancellations of concerts in Israel by artists didn’t begin with BDS or the increasing volume of the past two years. After all, a visit to Israel all too often requires an intrusive security check. It’s hard to complain about a DJ who isn’t keen to have his underwear probed.

    Also, there’s a stratum of artists who’ve appeared in Tel Aviv, Jerusalem or Haifa and have decided to stop coming – unless there’s a Palestinian production. Two examples are the French band Acid Arab (Parisians Guido Minisky and Hervé Carvalho) and the American producer – and darling of the hipster community – Nicolas Jaar . Jaar appeared in Tel Aviv a bit under a decade ago, just before he became a star, while Acid Arab not only performed in Tel Aviv but was also involved in projects with Israeli musicians – so plenty of people called the duo hypocrites.

    “I have no problem with strong opinions, but in the case of Acid Arab it annoyed me at the personal level – these are people who slept on my sofa, recorded with local musicians, and the day they put up their post announcing they wouldn’t play in Tel Aviv, they also asked me to send them some music,” says Maor Anava, aka DJ Hectik.

    “I have no problem with people changing their minds on the go; it’s clear to me that a visit to the separation fence can do it, but what bothered me is that it’s entirely a PR and image move, apparently at the advice of their agent,” he adds.

    “We’ve reached a situation in which a boycott of Israel is the trendiest thing and situates you in the right place in the scene – as a supporter of the Palestinian freedom fighters against the terrible Zionist occupier, something that can get you to another three big festivals. If you performed in Tel Aviv, apparently they’d do without you.”

    Thus at the end of last year, Acid Arab and Nicolas Jaar appeared in Haifa and Ramallah at parties produced by Jazar Crew, the only electronic collective in Israel that isn’t afraid to mix in politics.. So it surprised no one when Jazar received laudatory – and justified – coverage not only in Bar Peleg’s Haaretz piece but also in Resident Advisor.

    Is the party over?

    So are we seeing the onset of the electronic boycott of Tel Aviv, one of the world’s clubbing capitals? Well, the city is still a flourishing center of parties and club events every week. “ As of today it hasn’t yet happened that we’ve directly encountered an attempt by the cultural boycott to influence artists who are slated to appear at the club,” Trax says.

    “But we’re definitely seeing a change in the surrounding behavior. Nasty responses that people are leaving for a DJ who announced an upcoming gig with us have led to fewer famous DJs announcing appearances at the Block – even those who always promote themselves.”

    He notes a slowdown in the past two years. “A number of DJs who used to appear with us – Moodymann, Kyle Hall, the Martinez Brothers – have announced they won’t be returning, ” Trax says, referring to three American acts. “But there isn’t any set reason why. If the cultural boycott has an influence here I wouldn’t be surprised, because the Detroit junta is very political. And this also applies to UFO,” a successful British DJ and a high-profile voice in the European underground arena.

    Not all DJs who have chosen not to come to Israel have taken their stance amid the strengthening of the BDS movement. Some of the top people in the dance industry – including star Chilean-German DJ Ricardo Villalobos and British DJs and producers like Matthew Herbert and Andrew Weatherall – have for years been refusing to spin in Israel. They’ve made clear that this is their way of opposing Israel’s activities in the territories.

    Another great DJ, Tunisian-born Loco Dice who lives in Germany, is also considered a vocal opponent of Israel. But in December he played at the Block, and Trax doesn’t recall any signs that his guest was hostile to the country. This shows that a change of awareness works both ways.

    There’s a similar story: the decision by DJ Tama Sumo of the Berghain club in Berlin to play in Israel after a long boycott. She and her partner DJ Lakuti, a pillar of the industry, donated the proceeds of her Tel Aviv set to an organization for human rights in the territories.

    “As of now I don’t feel that the names who have decided to stop coming will change anything regarding the Block, because our lineup of VIPs isn’t based on them,” Trax says. “But if the more commercial cream of the clubs – DJs like Dixon, Ame and Damian Lazarus, or the big names in techno like Nina Kraviz, Ben Klock, Jeff Mills or Adam Beyer – change their minds, that will be a real blow to us, and not just us.”

    Amotz Tokatly, who’s responsible for bringing DJs to Tel Aviv’s Beit Maariv club, isn’t feeling much of a change. “The cancellations or refusals by DJs and artists based on a political platform didn’t begin just this year. I’ve been encountering this for many years now. There are even specific countries where we know the prevailing mood is political and tending toward the boycott movement. For example England. The rhetoric there is a priori much stronger,” Tokatly says.

    “But take Ben UFO, who has played in Tel Aviv in the past. When we got back to him about another spinning gig he said explicitly, ‘It simply isn’t worth it for me from a public relations perspective, and it could hurt me later on.’ DJs like him make their own calculations.”

    Tokatly doesn’t believe in a “Meteor effect” that will send the visiting DJ economy to the brink of an abyss. “I’m giving it a few weeks to calm down, and in the worst case we won’t be seeing here the level of minor league DJs who have canceled due to the circumstances,” he says.

    “In any case, they’re names who would have come here – if at all – once a year. Regarding artists who have a long-term and stable relationship with the local scene, we haven’t seen any change in approach yet.”

    Unlike Trax and Tokatly, Doron “Charly” Mastey of the techno duo TV.OUT and content director at Tel Aviv’s Alphabet Club says the recent goings-on haven’t affected him too much; his club is unusual in that doesn’t base itself on names from abroad.

    “I don’t remember any case of a refusal or cancellation because of political leanings,” he says. “But with everything that’s happening now regarding Meteor, and if that affects the scene down the road and the airlift to Tel Aviv stops, I’m not at all sure that’s a bad thing.”

    Mastey has in mind the gap between the size of the audience and the number of events, parties and festivals happening in Israel right now. “The audience is tired, and indifferent,” he says.. “And if this kick in the pants – of cancellations – is what’s going to dismantle the scene in its current format, then it will simply rebuild itself. I hope in a way that’s healthier for everyone.”

    In any case, if the rest of the world has realized that it’s impossible to separate politics from anything, and definitely not from club culture, which started out as a political and social movement, then the best thing we can do is try to hold the discussion in an inclusive a way as possible. An Israeli DJ working in Berlin who requested anonymity thinks that these ideas should be taken one step further.

    “Nowadays, for artists who want to go to Israel, two proposals are on the table,” he says. “Support the boycott or support the occupation. These two things are depicted even if they aren’t accurate, and between the two options there are a thousand more levels.”

    He believes there is scope for taking action. “The local scene must know how to fill the vacuum and craft alternatives to the boycott’s demands,” he says. “For example, by showing artists other ways to take a stand, whether by cooperating with Palestinians or suggesting that they donate the proceeds of their Tel Aviv appearances to a human rights group.”

    The voices calling for a cultural boycott of Israel, whether in sports, concerts or the subfield of electronic music, aren’t going to disappear. If anything, they’re only going to grow louder.

    Moreover, if we take into account the complexity of the conflict, maybe we should seek to communicate these insights in a way that drops the imagery of absolutes like left-right, bad-good, Zionist-anti-Semitic. The club culture exists to connect extremes, not separate people. Our demand to continue a vibrant electronic scene is just as legitimate as that of the boycott supporters’ attempts to create awareness.

    Even if we don’t agree with the idea of the boycott, it’s still possible to accept the realization that there are people who think differently – who want to perform for the other side as much as they want to perform for us. This doesn’t make them an existential danger.

    Moreover, as the Israeli DJ working in Berlin says, the Israeli scene needs an arsenal of proposals for constructive activism; it must provide alternatives to the BDS call to boycott – and not automatically flex an insulted patriotic muscle. This might not be the easiest thing to do, but hey, this is Israel. It’s not going to be easy.

    #Palestine #BDS #Boycott_culturel

  • 2017
    http://www.radiopanik.org/emissions/foc-la-radio/2017

    Les fêtes de fin d’année offrent traditionnellement l’occasion de faire les bilans de l’année écoulée.

    Le mois de janvier marque quant à lui les projections pour l’année à venir.

    Fidèle à sa tradition d’avant-garde, le FOC fera en ce mois de janvier les bilans de l’année à venir et répondra donc à cette question : « que s’est-il passé tout au long de cette année 2017 ? »

    Dans la playlist :

    Good life, Brassroots Pas contente, Vaudou Game Harder Stronger Faster Better, remix de Daft Punk par Bost & Bim What my last girl put me throught, Nicolas Jaar

    #anticipation
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/foc-la-radio/2017_03181__1.mp3

  • www.tsugi.fr - Podcast 129 : Nicolas Jaar
    http://www.tsugi.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=2254&Itemid=39

    Ce 129e podcast à beau s’intituler « Un dîner chez Jeanne », « In Bed With Tsugi » aurait été tout aussi approprié. Votre magazine ne pense pas qu’à vos virées sur le dancefloor, mais aussi aux afters d’afters, lorsqu’au petit matin vous succombez à vos songes. Plus qu’un mix, Nicolas Jaar vous a concocté une tisane à la pop « sédative » où vous croiserez entre autres Cinematic Orchestra, Cat Power, Mos Def, Animal Collective, Can ou Grizzly Bear. Pas tout à fait dans ses terres, mais jamais très loin, ce mix en suspension, du New Yorkais, rejoint son habituelle house nonchalante par sa capacité à faire fondre le plus glacial des loulous. Un premier essai paru chez Wolf + Lamb en ce début 2010 qui devrait être prescrit sur ordonnance, tant il est addictif et apaisant.

    #musique