person:nonna mayer

  • « Gauche blanche », « racisés », « non concernés » : ces clivages qui agitent la lutte et les mouvements antiracistes
    http://www.bastamag.net/Gauche-blanche-racises-non-concernes-ces-clivages-qui-agitent-la-lutte-et-

    « Camp décolonial » pour débattre du racisme sans les « non concernés », « indigènes de la République » en quête d’autonomie face à la « gauche blanche » : autant de termes qui clivent fortement la lutte antiraciste. D’un côté, les mouvements historiques et institutionnels, LDH, Mrap ou SOS-Racisme, donnent à leur combat une portée universaliste. De l’autre, une nouvelle génération d’acteurs, plus radicaux, issus des groupes racisés et où se trouvent une grande partie de femmes. Les premiers reprochent aux (...)

    #Résister

    / A la une, #Politique, #Enquêtes, #Classes_populaires, #Discriminations, #Inégalités

    • « L’antiracisme est devenu la norme depuis la Seconde guerre mondiale et le génocide des juifs », relève Nonna Mayer, chercheuse au CNRS. « Cela ne veut pas dire qu’on ne discrimine pas au quotidien mais on sait que le racisme, c’est mal. Des personnes qui n’ont pas le sentiment d’être racistes l’habillent derrière des valeurs égalitaires, féministes ou laïques. Ceux qui n’aiment pas les juifs n’aiment pas non plus les musulmans, les noirs, les Roms – le groupe le plus rejeté »

  • Présidentielle : les chances de #Marine_Le_Pen observées à la loupe par trois chercheurs
    https://www.mediapart.fr/journal/france/180317/presidentielle-les-chances-de-marine-le-pen-observees-la-loupe-par-trois-c

    Mediapart a demandé à trois chercheurs spécialistes du #FN, Nonna Mayer, Joël Gombin et Valérie Igounet, de livrer leur analyse et aussi leur conviction profonde sur ce que peut réellement espérer Marine Le Pen de l’élection présidentielle.

    #France #2017 #élection_présidentielle #électorats #Front_national

  • « Who were the « Charlie » in the Streets ? A Socio-Political Approach of the January 11 Rallies » par Nonna Mayer et Vincent Tiberj

    Excellent article de sociologie des manifestations, à propos des manifs #JeSuisCharlie. En gros, les manifestants Charlie étaient des manifestants habituels (plus jeunes, plus urbains, plus diplômés, plus masculins, plus à gauche que la moyenne française, comme dans toutes les manifs, quel que soit le thème).

    http://www.rips-irsp.com/articles/10.5334/irsp.63

    [On note que le délire pro-islamiste et non-scientifique de Todd en prend un coup. Ses fumisteries ne tiennent pas.]

    #manifestations #Charlie

  • Malgré les attentats, la CNCDH observe un sursaut de la tolérance en France - | Mediapart

    Par Carine Fouteau

    En 2015, les actes et menaces racistes enregistrés par le ministère de l’intérieur sont en forte hausse, notamment ceux visant les musulmans. En revanche, la Commission nationale consultative des droits de l’homme observe dans son rapport annuel une progression de son indice de tolérance de la société française. Une surprise après une année marquée par une série d’attentats meurtriers.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020516/malgre-les-attentats-la-cncdh-observe-un-sursaut-de-la-tolerance-en-france

    Les attaques terroristes qui ont endeuillé la France en janvier et en novembre 2015 n’ont pas rendu les habitants de ce pays plus intolérants. Contrairement à ce que beaucoup d’observateurs redoutaient, c’est même l’inverse qui s’est produit, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui présente publiquement ce lundi 2 mai son rapport annuel – particulièrement volumineux (744 pages) compte tenu du caractère exceptionnel des événements qui ont jalonné l’année – sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

    Les actes racistes ont augmenté, notamment ceux visant les musulmans ; les discours de peur et de haine, entonnés par certains représentants politiques, n’ont pas cessé ; mais l’opinion publique – telle qu’elle est sondée par cette institution indépendante composée de représentants de la société civile – semble avoir résisté aux pires tentations de repli sur soi.

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    C’est le constat qui ressort de l’outil d’analyse mis en place par la CNCDH depuis les années 1990. « Le caractère sinistre des attentats a eu un effet inattendu sur la société française qui a manifesté son attachement aux valeurs démocratiques. Malgré les discours de certaines personnalités publiques, l’ouverture à l’autre est valorisée, de même que le refus des amalgames. Dans l’adversité, le besoin de cohésion sociale s’affirme. Comme si ce pays avait le sentiment d’avoir touché le fond, et qu’il devait collectivement faire face aux difficultés », indique Christine Lazerges, la présidente de la CNCDH, reconduite pour un deuxième mandat de trois ans en novembre. L’arrivée massive de réfugiés sur les côtes européennes n’a pas non plus fermé les esprits – mais la France en a accueilli si peu qu’elle ne risquait pas d’être accusée d’en faire trop à leur égard.

    L’outil de mesure de la CNCDH est un indice longitudinal de tolérance, créé par Vincent Tiberj, docteur en science politique et professeur des universités associé au centre Émile Durkheim de Sciences-Po Bordeaux, permettant d’évaluer le positionnement des Français à l’égard de la diversité. Sur la longue durée, cet indice qui reflète les réponses des personnes interrogées (1 015 individus représentatifs de la population résidant en France métropolitaine) à une batterie de 69 questions, est en hausse. Comme le rappellent année après année les chercheurs décryptant ses résultats (outre Vincent Tiberj, il s’agit de Nonna Mayer, Guy Michelat et Tommaso Vitale), les Français sont aujourd’hui globalement plus « ouverts aux autres » qu’ils ne l’étaient dans l’après-guerre.

    Mais, récemment, ce mouvement de fond s’est interrompu. Dans le sillage de la crise économique et sociale de 2008, et en écho à la montée des populismes, l’indice de tolérance a reculé dramatiquement. Pendant six années consécutives, la dégradation est apparue irrépressible. En 2014, toutefois, la courbe a cessé de baisser. En 2015 et 2016, elle est repartie à la hausse – vers plus de tolérance – sachant que les personnes ont été interrogées après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’HyperCacher entre le 3 et le 13 mars 2015 et après les attentats de novembre entre le 4 et le 11 janvier 2016. La progression est nette (elle atteint 5 points), ce qui a « rarement » été constaté au cours d’une seule année. « Cela indique bien la spécificité de la période que la France vient de traverser », indiquent les chercheurs. Malgré les tentatives de l’extrême droite, l’amalgame le plus redouté, entre musulmans et djihadistes, semble avoir été évité, au moins pour l’instant.

  • Nonna Mayer : “Reprendre les thèmes du Front national est la pire solution” - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/monde/nonna-mayer-reprendre-les-themes-du-front-national-est-la-pire-solution,135

    Quand, en 2012, j’ai travaillé avec Céline Braconnier auprès de personnes socialement précaires, elles nous disaient que Marine Le Pen ça changeait des « costard-cravate », qu’elle « faisait moins bourge » et que, au moins, quand elle parle, « on comprend ce qu’elle dit ». Les élus de la gauche et de la droite apparaissent coupés des gens, qui ont le sentiment qu’ils allument la lumière de leurs permanences politiques quinze jours avant l’élection et l’éteignent dès que les urnes sont rangées. Ils vont devoir faire de la politique autrement, réinventer la démocratie locale. Et se garder de deux erreurs majeures face au Front national. La première consiste à reprendre ses thèmes, c’est la pire solution. Placer l’immigration et le discours sécuritaire au coeur du débat légitime les idées du Front national. Quand on se bat, on entraîne l’adversaire sur son terrain, on ne va pas sur celui où il veut vous emmener. Aujourd’hui, la droite donne l’impression de courir derrière le FN. La seconde erreur consiste à faire la morale, à diaboliser le FN et ses électeurs. Réduire la politique à un combat contre le mal est absurde, la morale n’appartient à personne, il y a d’évidence des bons et des méchants dans tous les camps. La diabolisation de l’adversaire lui permet de se poser en victime, ce que Marine Le Pen ne manque pas de faire.

    #fn

  • Sociologie politique des précaires : « Il faudrait mettre un pauvre en tant que président »
    http://larotative.info/sociologie-politique-des-precaires-931.html

    Le lundi 30 mars 2015, la sociologue Nonna Mayer était présente à Tours pour présenter l’ouvrage collectif "Les inaudibles : sociologie politique des précaires". Voici l’enregistrement de la conférence.
    Présentation du livre par Nonna Mayer

    « Plus on est précaire, moins on s’intéresse à la politique. Plus on est précaire, moins on exprime une préférence politique (...). La précarité a bien un effet sur le vote. Mais même pour les personnes qui sont hyper précaires, le lien à la politique n’est pas rompu. Plus de 7 sur 10 déclarent une proximité partisane. Plus de 8 sur 10 sont capables de se placer sur une échelle gauche-droite. Elles ont encore des préférences ; le problème, c’est d’aller voter.

    Plus on est précaire, plus on a tendance à voter à gauche, plus on a tendance à détester Sarkozy, plus on a de sympathie pour Marine Le Pen — mais qui ne se traduit pas nécessairement en vote. Là aussi, à notre grande surprise, ce ne sont pas les plus précaires qui votent pour Marine Le Pen, contrairement à ce qu’on raconte : c’est ceux qui sont juste au-dessus de la précarité, ceux qui regardent vers le haut, qui envient les riches et qui ont le sentiment que juste en-dessous d’eux, il y a des gens qui touchent les aides alors que eux ne les touchent pas. C’est là qu’on trouve le vote Marine Le Pen : chez des travailleurs pauvres, mais pas nécessairement précaires.

    (...)

    Il y a le cri du cœur de Leïla, Grenoble, mariée, deux enfants, sans emploi :

    "Faudrait, je sais pas, faudrait mettre un pauvre en tant que président, voilà ce qu’il faudrait. Mettre une personne pauvre en tant que président, car cette personne elle saura ce que les personnes ont besoin exactement. Eux ils ont leur argent, eux ils ont leur nourriture tous les jours. Eux ils peuvent même manger du caviar s’ils en ont envie. Nous on va se promener avec les pantalons à 5 euros du marché qui se déchirent au bout de cinq lavages. Voilà quoi, il faut rester logique. Moi mes enfants ce sont des enfants qui n’ont pas d’argent de poche, parce qu’on peut pas." »

    « Le vote protestataire, c’est la tarte à la crème, parce que dans tout vote il y a une dimension de vote "contre" (...). Ceux qui votent pour Marine Le Pen en 2012, à 95 % ils pensent qu’il y a trop d’immigrés. Donc ce n’est pas n’importe quelle protestation. Heureusement, tous ceux qui pensent qu’il y a trop d’immigrés ne votent pas Marine Le Pen : ça ferait 75 % de votes Le Pen, on n’en est pas là (...). Mais il y a un point qui réunit cet électorat au demeurant complètement divers : c’est la fixation sur l’immigration. Quand on leur demande le problème le plus important au moment de voter, les électeurs Le Pen [répondent] : "C’est l’immigration comme triple atteinte à nos emplois, nos aides sociales, l’identité de la France" et j’en passe. »

    « Ce qui nous frappe plutôt, c’est moins la critique de la démocratie représentative que le sentiment que la classe politique ne les représente pas. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est une critique de leurs représentants, qui ne les représentent pas. Ils ont le sentiment d’être à mille années lumières des politiques pour la plupart. Il n’y a pas seulement celle qui nous dit "le président des pauvres" [1], il y en a une qui nous dit : "Moi je voudrais les prendre par la main les candidats, et leur faire passer une journée comme moi, et qu’ils voient combien ça coûte le métro, et comment je fais pour me débrouiller à la cantine, et comment je fais pour en même temps m’occuper de mes filles et aller chercher du boulot". Et elle voulait leur faire faire un stage. Elle dit : "Tous les candidats à la présidence de la République, ils devraient faire un stage chez nous pour comprendre." Donc ce n’est pas la démocratique qu’elle rejette. Elle dit que ceux qui sont là-haut ne connaissent rien à ce qui se passe en bas. »

    #précarité #politique

  • Les Inaudibles, de Nonna Mayer et Céline Braconnier on Vimeo
    https://vimeo.com/123207646

    Nonna Mayer est directrice de recherche émérite au CNRS, rattachée au Centre d’études européennes de Sciences Po. Céline Braconnier est professeure de science politique à l’Université de Cergy-Pontoise et directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Interview de l’une et de l’autre à propos de leur ouvrage « Les Inaudibles » sur le vote des #précaires en France, publié aux Presses de Sciences Po.

    Avant lecture... Mais pour avoir entendu Braconnier, leur taff pêche d’emblée car les auteures considèrent que le #précariat n’existe pas en raison de l’#hétérogénéité des populations/situations concernées. Or il suffit de faire un peu d’histoire pour constater que « la » classe ouvrière n’a pas eu pour principe de constitution une condition sociale homogène mais une (des) activités pratiques, théoriques communes.

  • Front national, entre précaires et assistés, par Yves Faucoup avec du Nona Mayer
    http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/240315/front-national-entre-precaires-et-assistes

    En réalité, quand on dit que le FN a un fort taux d’électeurs ouvriers, on parle des ouvriers qui vont voter, car ceux qui sont les plus précaires votent peu, ou pas majoritairement FN. Ce sont aussi des jeunes, car les ouvriers plus âgés restent fidèles à la gauche. Ceux qui votent FN sont « ceux qui sont juste au-dessus du seuil de #pauvreté, ceux qui ont un petit quelque chose, ceux qui sont en accession à la propriété, ceux qui payent des impôts, ceux qui ont un #travail et qui en veulent non seulement aux riches, parce qu’il n’y en a que pour les riches, mais aussi à ceux qu’ils voient juste en dessous d’eux. Ils disent : moi je travaille et lui il a le #RSA ! ». « C’est un strabisme social, ils regardent vers le haut et vers le bas, (...) et c’est là que l’on trouve la plus grande tentation du vote Le Pen ». (...)

    On évalue ainsi à 36 % le taux de #précarité : si l’on dresse une échelle des précaires, du moins précaire au plus précaire, le taux d’#abstention est multiplié par 5.

    Tous dépendent des aides, sont confrontés à une #concurrence pour ces aides, à de petits expédients pour survivre, pour se battre au quotidien. Ce qui les caractérise c’est qu’ils ne sont pas solidaires entre eux. « Chacun a son immigré ou son #bouc_émissaire, dit Nonna Mayer. Y compris au sein de l’immigration. Je vois des femmes issues de l’immigration qui en ont marre des jeunes qui ne se comportent pas comme elles quand elles étaient jeunes, ou des Roms qui, selon elles, ont tout, alors qu’elles n’ont rien. D’autres s’en prennent aux Chinois. On a chacun son bouc émissaire ».

    Nonna Mayer termine en constatant ainsi que le discours de « Marine nationale » [sic] sur les assistés traverse toutes les couches de la société, y compris celles des précaires.

    ____

    . Les inaudibles, sociologie politique des précaires : cet ouvrage sous la direction de Céline Braconnier et Nonna Mayer vient de paraître aux éditions Presses de Sciences Po, 2015.

  • Deux #communautés, un destin
    http://www.laviedesidees.fr/Deux-communautes-un-destin.html

    Le livre de Maud Mandel sur les juifs et musulmans en France montre la nécessité d’aborder antisémitisme et islamophobie comme des phénomènes liés l’un à l’autre dans notre société depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Abdellali Hajjat et Nonna Mayer en proposent une lecture croisée.

    #Revue

    / #islam, #judaïsme, communauté, #conflit, #conflit_israélo-arabe

  • Il faut parler d’antisémitisme avec rigueur
    Le Monde.fr | 05.12.2014 à 15h40 | Par Nonna Mayer (Politiste et sociologue, Centre d’études européennes - Sciences Po - Centre national de la recherche scientifique)
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/12/05/il-faut-parler-d-antisemitisme-avec-rigueur_4535515_3232.html#XTOsIZQxy4AHEA
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/12/05/il-faut-parler-d-antisemitisme-avec-rigueur_4535515_3232.html?xtmc=i

    Dix ans après le rapport Rufin sur l’antisémitisme, dans un contexte marqué par la recrudescence des violences et des menaces à l’égard des juifs de France, un double sondage, rendu public le 14 novembre, commandé à l’IFOP par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), entend apporter de « nouveaux éclairages sur l’antisémitisme »(Le Monde du 15 novembre). La première enquête a été administrée en ligne auprès d’un échantillon de 1 005 personnes représentatif des Français âgés de 16 ans et plus ; la seconde, en face-à-face, sur un échantillon de 575 personnes « nées dans une famille de religion musulmane », française ou non, âgées de 16 ans et plus. Pour le directeur général de la Fondapol, Dominique Reynié, les résultats confirment la persistance d’un niveau élevé de préjugés antijuifs chez les électeurs et sympathisants du Front national, battant en brèche l’idée d’une « normalisation du parti », et l’émergence d’un « nouvel antisémitisme » parmi les musulmans vivant en France. L’enquête pose toutefois un certain nombre de problèmes, surtout au niveau du sondage auprès des musulmans.

    Ses effectifs, d’abord, incitent à la prudence. La fiabilité d’un sondage repose sur le nombre de personnes interrogées. Sur un échantillon aléatoire de 4 000, l’intervalle de confiance pour une opinion qui recueillerait 55 % d’approbation est de plus ou moins 1,5 %, il monte à plus ou moins 3,2 % pour un effectif de 1 000, et plus ou moins 4,5 % pour un effectif de 500. Quand une courte majorité des musulmans interrogés (51 %) approuve l’opinion selon laquelle « les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de la politique », la proportion réelle peut varier de 46,5 % à 55,5 %.

    La seconde difficulté tient à la construction d’un échantillon représentatif de la population musulmane. Il existe deux types de techniques : l’échantillonnage aléatoire (tirage au sort de numéros de téléphone, d’adresses, etc.), où toutes les personnes appartenant à la population cible ont les mêmes chances d’être interrogées, ou l’échantillonnage sur quotas. Dans ce dernier cas, il suffit que la structure de l’échantillon (par âge, sexe, profession, catégorie d’agglomération) corresponde à celle de la population cible. Encore faut-il la connaître. Or on ne connaît précisément ni l’effectif ni la structure socio-démographique de la population « musulmane », en raison de l’interdit qui frappe encore la collecte de statistiques dites « ethniques » en France.

    C’est tout sauf clair
    L’IFOP a donc procédé par « quotas indicatifs », en se fondant sur « des statistiques de l’Insee sur l’immigration en France et des données empiriques observées sur la population d’origine musulmane dans ses enquêtes nationales ». C’est tout sauf clair. On voudrait bien connaître ces quotas, et comment on peut extrapoler de la population « immigrée » (définie par l’Insee comme personne née étrangère à l’étranger et résidant en France) à la population « musulmane », notamment ses deuxièmes et troisièmes générations, françaises, car nées en France ?

    Plus préoccupant encore, le fait que le questionnaire ait été administré « dans la rue » contrevient aux règles habituelles de passation d’un sondage. Un entretien exige calme et respect de la confidentialité des propos, surtout sur un sujet aussi sensible. Les personnes qui sont « dans la rue » pendant la journée ont un profil bien particulier – jeunes, retraités, femmes au foyer, inactifs –, non représentatif de celui de la population dans son ensemble. Et s’il s’agit d’interroger des musulmans, comment ces personnes ont-elles été sélectionnées ? Dans certains quartiers ? Sur la base de signes religieux extérieurs (foulard, barbe) ? Au faciès ? Dans tous les cas, cela pose de redoutables problèmes tant méthodologiques qu’éthiques.

    LE CHOIX DE RÉPONSES POSSIBLES DU SONDAGE NE PERMET PAS À LA PERSONNE INTERROGÉE DE NUANCER SON ACCORD
    La manière de formuler les questions est également inhabituelle. Leur indicateur principal d’antisémitisme propose six stéréotypes antisémites pour lesquels la personne interrogée doit juste dire si elle est d’accord ou non (« Les juifs utilisent aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victime du génocide nazi pendant la seconde guerre mondiale » ; « Les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » ; « Les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine des médias » ; « Les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de la politique  » ; « Il existe un complot sioniste à l’échelle mondiale » ; « Les juifs, ces responsables de la crise économique actuelle »), et le degré de préjugé est mesuré par le nombre de réponses positives, de 0 (pas du tout antisémite) à 6 (très antisémite).

    La méthode a le mérite de la simplicité, mais elle a deux défauts. Tous les stéréotypes sont formulés sur le mode négatif. Or on sait depuis l’étude pionnière de Theodor Adorno sur La Personnalité autoritaire (Allia, 2007) qu’il faut présenter en alternance opinions négatives et positives sur la minorité dont on étudie l’image, pour éviter le biais d’acquiescement systématique (« yes saying »). D’autre part, le choix de réponses possibles ne permet pas à la personne interrogée de nuancer son accord. On ne peut donc saisir une dimension essentielle de toute attitude, son intensité, comme le permet la formulation habituelle : « Diriez-vous que vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout avec l’opinion suivante ? »

    Enfin, les données de sondages ne livrent leur sens que dans le croisement systématique des questions entre elles. La méthodologie adoptée interdit d’estimer le niveau d’antisémitisme des musulmans toutes choses égales par ailleurs, par comparaison avec celui des non-musulmans, à sexe, âge, diplôme équivalents. Et la faiblesse des effectifs interdit d’explorer systématiquement la diversité interne de cette population, en fonction de la nationalité, du pays d’origine des parents, de la génération, du milieu social.

    De vieux clichés qui perdurent
    A ces critiques d’ordre méthodologique s’ajoute une interrogation plus générale sur la pertinence du concept de « nouvel antisémitisme ». Central dans la note, il n’est défini que par allusion au rapport Rufin (« Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, 2004 ») et aux travaux de Pierre-André Taguieff. Si l’on se fie à l’ouvrage de ce dernier sur La Nouvelle Judéophobie (Mille et une nuits, 2002), il y voit un antisémitisme masqué derrière la critique d’Israël et du sionisme, au nom de l’antiracisme et des droits de l’homme, et porté tant par l’islamisme radical que par les idéologies tiers-mondistes d’extrême gauche.

    TOUS LES STÉRÉOTYPES ANTISÉMITES SONT FORMULÉS SUR LE MODE NÉGATIF
    Or l’enquête de la Fondapol montre le contraire. Comme le souligne déjà le sondage annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, c’est à l’extrême droite que le niveau d’antisémitisme reste le plus élevé ; chez les sympathisants des Verts qu’il est le plus bas. Quant aux questions sur le sionisme, elles n’évoquent rien pour une part importante des personnes interrogées, si l’on en juge par le niveau particulièrement élevé des « sans-réponse » (de 42 % à 46 %). Ce sont les vieux clichés sur les juifs liés au pouvoir et plus encore à l’argent qui perdurent, tant dans la population musulmane que non musulmane.

    Un sujet aussi sensible exigeait la plus grande rigueur. Loin d’éclairer les transformations de l’antisémitisme en France, ce sondage les obscurcit. C’est d’autant plus dommage que d’autres méthodes existent dont il aurait pu s’inspirer. Pourquoi ne pas avoir répliqué plutôt avec l’enquête pionnière de Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, Français comme les autres ? (Presses de Sciences Po, 2005) ? A partir d’un tirage aléatoire de 28 000 numéros de téléphone, elle sélectionne un échantillon représentatif de trois générations de Français issus de l’immigration maghrébine, africaine et turque, soit 1 003 personnes dont 60 % se définissent comme musulmanes, et un échantillon miroir représentatif de la population française. La comparaison des réponses, notamment sur l’image d’Israël et des juifs, l’antisémitisme, est passionnante et la méthodologie autrement plus robuste !

    Nonna Mayer (Politiste et sociologue, Centre d’études européennes - Sciences Po - Centre national de la recherche scientifique)