person:olivier corten

  • Le factchecking de VEWS : Jérusalem, « capitale historique » d’Israël ?
    https://www.rtbf.be/info/monde/detail_factchecking-jerusalem-capitale-historique-d-israel?id=9783476

    "Ce n’est pas Donald Trump qui a déclaré Jérusalem comme capitale du peuple juif mais c’est le roi David qui l’a fait, il y a 3000 ans !" Voilà les propos tenus par l’ambassadeur d’Israël en Belgique, Simona Frankel, sur La Première. Dans cette phrase, ainsi que dans le reste de son interview, plusieurs éléments doivent être vérifiés à la lumière du #droit international. "Ce type d’argument n’est pas acceptable en droit international", explique Olivier Corten, professeur de droit international. Imaginez plutôt : sur cette base historique, la Grèce se mettrait à réclamer des territoires sous prétexte des frontières que connaissait la Grèce antique ou encore l’Italie revendiquerait Paris en invoquant l’étendue de l’Empire romain. "En droit international, on se réfère aux textes les (...)

    #israël #palestine

  • La Cour pénale internationale ne perd-elle pas toute crédibilité en refusant de se saisir du dossier palestinien ? Carte blanche de Olivier Corten et François Dubuisson (Centre de droit international, U.L.B.) dans Le Soir . Texte complet actualisé :

    Cela fait maintenant un certain temps que la Cour pénale internationale est critiquée en raison de la sélection dont elle fait preuve dans le traitement de ses affaires. En consultant son site internet, on constate que les 21 affaires mentionnées au rôle renvoient toutes à des crimes qui auraient été commis sur le continent africain. Pourtant, des crimes de guerre, contre l’humanité voire de génocide sont commis dans bien d’autres parties du monde, sans que la Cour ne s’en saisisse. Certes, elle est liée par ses règles de compétence, qui ne lui permettent de se saisir de situations que si ces dernières concernent (que ce soit via son territoire ou la nationalité de l’accusé) un Etat partie au Statut (art. 12 §2), un Etat non partie qui aurait déposé une déclaration spéciale (art. 12§3) ou une situation qui lui est déférée par le Conseil de sécurité (art. 13b). Sachant que de nombreux Etats (Etats-Unis, Chine, Russie, Inde, Israël, …) refusent de devenir parties au Statut, les possibilités sont donc limitées. Mais ces règles de compétences ne l’empêcheraient pas de se saisir d’un dossier emblématique susceptible de contrer les accusations de « deux poids, deux mesures » qui lui sont adressées : nous voulons parler de la Palestine, et plus spécifiquement des crimes qui ont été commis à Gaza depuis plusieurs années. En 2009, dans le contexte de l’intervention militaire israélienne « Plomb durci », la Palestine a en effet formellement déposé une déclaration comme Etat non-membre, en invoquant l’article 12 § 3 du Statut. La Cour, comme le soutiennent de nombreux juristes depuis lors, serait donc juridiquement fondée à agir d’initiative, comme elle l’a déjà fait dans d’autres situations, et à se saisir du dossier palestinien.

    Cependant, la Cour se refuse jusqu’ici à s’engager dans cette voie, y compris après l’opération « Bordure protectrice » de cet été, laquelle s’est révélée, on le sait, particulièrement meurtrière. Pour quelles raisons la Cour reste-t-elle passive alors que l’occasion lui est donnée de démontrer son indépendance et son impartialité ? Certains estiment que c’est en raison de fortes pressions dont elle ferait l’objet de la part des alliés d’Israël, qui craignent des verdicts fustigeant la manière dont les opérations militaires ont été menées à Gaza. Le 2 septembre dernier, la Cour, bien consciente du malaise, a tenu à écarter cette hypothèse. Dans un communiqué de presse, la procureure Fatou Bensouda a voulu livrer sa « vérité sur la compétence de la CPI concernant la Palestine » . Selon elle, le Bureau du procureur « n’a jamais été en mesure d’ouvrir une telle enquête car la Cour n’est pas compétente ». Il existerait donc un obstacle technique insurmontable qui l’empêcherait de se prononcer, et ce indépendamment de toute pression ou volonté politique. La Procureure admet que l’Autorité palestinienne a fait une déclaration reconnaissant la compétence de la CPI en janvier 2009, au titre de l’article 12 § 3 du Statut. Cependant, seuls les Etats peuvent se prévaloir de cette disposition. Or, en 2009, la Palestine n’était pas un Etat, selon le communiqué de presse. Le 3 avril 2012, le Bureau du Procureur avait d’ailleurs estimé ne pas pouvoir se fonder sur cette déclaration, le statut étatique de la Palestine n’ayant alors pas été reconnu par l’ONU. La situation a évolué avec la reconnaissance, en novembre 2012, de la Palestine comme « Etat non-membre » des Nations Unies par l’Assemblée générale. Mais, toujours selon la Procureure, cette résolution ne pourrait avoir de portée rétroactive : elle permettrait de considérer la Palestine comme Etat, mais seulement à partir de novembre 2012, de sorte que la déclaration palestinienne de janvier 2009 resterait invalide. Dans ces conditions, la Cour ne pourrait exercer sa compétence que si une nouvelle déclaration était formulée par la Palestine, ou encore si cette dernière devenait officiellement partie au Statut.

    Cette position est-elle réellement la seule qui soit juridiquement possible, comme l’affirme la Procureure ? Nous ne le pensons pas, la Cour tentant de justifier son inaction par des arguments techniques destinés à masquer une politique judiciaire délibérée d’attentisme. Sans entrer trop dans le détail de ce raisonnement juridique, il faut en particulier mentionner les points suivants.

    1°. L’article 12 § 3 permet à « un Etat qui n’est pas partie au présent Statut » de faire une déclaration, afin de donner compétence à la Cour. Aucune condition tenant à une reconnaissance ou une qualification quelconque par un organe de l’ONU n’y est énoncée. En exigeant qu’une telle condition soit remplie, la procureure de la Cour dresse donc elle-même un obstacle juridique à sa compétence qui ne se retrouve pas dans le texte du Statut.
    2°. La question qui se pose consiste donc à déterminer si, en janvier 2009, la Palestine était un Etat au sens du droit international. Et on peut parfaitement considérer que tel était le cas. Comme la Cour l’admet elle-même, plus de 130 Etats l’avaient déjà reconnue à ce moment, essentiellement en raison de l’existence d’un territoire, d’une population et d’un gouvernement palestiniens, lequel n’était empêché d’exercer effectivement ses compétences qu’en raison d’une occupation étrangère, contraire au droit international.
    3°. Par sa résolution de novembre 2012, l’Assemblée générale a décidé d’accorder à la Palestine le « statut d’Etat non-membre observateur auprès de l’ONU ». Cette résolution n’avait nullement pour effet —comme le suggère la Procureure— de « créer » l’Etat de Palestine, mais bien de constater son existence.
    4°. La déclaration de la Procureure du 2 septembre 2014 est enfin en contradiction avec la position du Bureau du Procureur publiée le 3 avril 2012. Ce dernier, après avoir soulevé le problème de la qualité d’Etat de la Palestine, concluait en effet de la manière suivante : « Le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause ». Si l’on s’en tient à ce texte, la CPI subordonnait alors l’ouverture de la procédure à l’adoption d’une position claire d’un « organe compétent de l’ONU » sur la qualité étatique de la Palestine. Or, comme on vient de le voir, l’Assemblée générale a adopté, quelques mois plus tard, une résolution qui impliquait bel et bien que la Palestine soit considérée comme un Etat. La récente déclaration de la Procureure adopte un tout autre point de vue, en évoquant une « invalidité » initiale de la déclaration de janvier 2009, thèse clairement incompatible avec la position émise en avril 2012.

    Au vu de ces éléments, le moins que l’on puisse dire est que cette dernière semble pour le moins réticente à ouvrir le dossier palestinien. La position qu’elle défend est loin d’être la seule possible : comme on vient de le voir, une autre interprétation de son statut, conforme à la fois à sa lettre et à son esprit, permet à la Cour se saisir de ce dossier. Mais encore faut-il qu’elle en ait la volonté. Or, on ne peut s’empêcher de penser que le temps considérable qu’elle a mis pour se prononcer est en tant que tel évocateur : il lui a fallu plus de trois ans pour réagir à la déclaration de la Palestine faite en janvier 2009, puis près de deux ans pour se prononcer sur les effets de la résolution adoptée par l’Assemblée générale en novembre 2012. Pendant ce temps, les crimes continuent d’être commis en toute impunité sur le territoire palestinien et — mais faut-il s’en étonner au vu de la position qu’elle a choisi d’adopter ?— la CPI continue à faire l’objet de virulentes critiques sur la sélectivité dont elle fait preuve dans le choix de ses dossiers… Au-delà de ses spécificités factuelles et des délicates questions juridiques qu’il soulève, le cas de la Palestine semble donc bien confirmer que, jusqu’à preuve du contraire, la Cour ne peut prétendre à l’universalité, comme on le lui reprochera sans doute encore souvent.

    #CPI