person:otto frisch

  • Informatique, astronomie ou chimie : toutes ces inventions de femmes attribuées à des hommes - Politique - Numerama
    https://www.numerama.com/politique/469570-informatique-astronomie-ou-chimie-toutes-ces-inventions-de-femmes-a

    Le Wi-Fi, la fission nucléaire ou le pulsar : quel est le point commun entre ces inventions ? Elles ont toutes été créées par des inventrices, éclipsées dans l’ombre de leurs confrères masculins. Nous rappelons leur histoire ce 8 mars 2019.

    Où sont les femmes dans les technologies et les sciences ? Dans l’ombre de leurs homologues masculins, pour nombre d’entre elles. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2019, nous avons décidé de revenir sur le parcours d’inventrices éclipsées par l’Histoire, dont les exploits ont été notamment attribués à des hommes.

    On parle d’effet Matilda pour désigner la manière dont la contribution de nombreuses femmes scientifiques a été minimisée, voir attribuée à des confrères masculins.

    Son manuscrit en atteste encore aujourd’hui : Ada Lovelace, née en 1815 et décédée à 37 ans, a réalisé le premier programme informatique. Entre 1842 et 1843, la comtesse traduit en anglais un article du mathématicien Federico Luigi, qui décrit la machine analytique de Babbage. Sur les conseils de ce dernier, elle va enrichir cette traduction avec ses propres notes, dont le volume est plus imposant que le texte de départ.

    Dans la note G, elle présente un algorithme particulièrement détaillé. Ce travail est considéré comme le premier programme informatique du monde, rédigé dans un langage exécutable par une machine. Charles Babbage, qui a consacré sa vie à la construction de cette fameuse machine analytique, a bien bénéficié du travail sur l’algorithme mené par Ada Lovelace.
    Ada Lovelace. // Source : Wikimedia/CC/Science Museum Group (photo recadrée)
    Hedy Lamarr et le Wi-Fi

    On ne doit pas seulement à Hedy Lamarr, actrice autrichienne naturalisée américaine, une trentaine de films. L’inventrice, née en 1914 et décédée en 2000, a aussi joué un autre rôle important dans l’histoire de nos télécommunications. Le brevet qu’elle a déposé en 1941 (enregistré l’année suivante) en atteste encore : Hedy Lamarr avait inventé un « système secret de communication » pour des engins radio-guidés, comme des torpilles. La découverte, à l’origine du GPS et du Wi-Fi, était le fruit d’une collaboration avec George Antheil, un pianiste américain.

    Le brevet ainsi déposé permettait à l’Armée des États-Unis de l’utiliser librement. La technologie n’a pourtant pas été mobilisée avant 1962, lors de la crise des missiles de Cuba. La « technique Lamarr » a valu à l’actrice un prix en de l’Electronic Frontier Foundation… en 1997.
    Hedy Lamarr en 1944. // Source : Wikimedia/CC/MGM (photo recadrée)
    Alice Ball et le traitement contre la lèpre

    Pendant 90 ans, l’université d’Hawaï n’a pas reconnu son travail. Pourtant, Alice Ball a contribué au développement d’un traitement efficace contre la lèpre au cours du 20e siècle. Cette chimiste, née en 1892 et morte en 1916 à l’âge seulement de 24 ans, est devenue la première afro-américaine diplômée de cet établissement. Plus tard, elle y est devenue la première femme à enseigner la chimie.

    Alice Ball s’est penchée sur une huile naturelle produite par les arbres de l’espèce « Chaulmoogra », réputée pour soigner la lèpre. En isolant des composants de l’huile, elle est parvenue à conserver ses propriétés thérapeutiques tout en la rendant injectable dans le cops humain. Décédée avant d’avoir eu le temps de publier ses travaux, Alice Ball est tombée dans l’oubli tandis qu’Arthur L. Dean, le président de l’université d’Hawaï, s’est attribué son travail.
    Alice Ball (1915). // Source : Wikimedia/CC/University of Hawaii System
    Grace Hopper et le premier compilateur

    En 1951, Grace Hopper a conçu le premier compilateur, c’est-à-dire un programme capable de traduire un code source (écrit dans un langage de programmation) en code objet (comme le langage machine). Née en 1906 et décédée en 1992, cette informaticienne américaine a fait partie de la marine américaine où elle s’est hissée au grade d’officière générale.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a travaillé sur le Harvard Mark I, le premier grand calculateur numérique construit aux États-Unis. Le mathématicien John von Neumann est présenté comme celui qui a initié l’un des premiers programmes exécutés par la machine. Grace Hopper faisait pourtant partie de l’équipe des premiers programmateurs du Mark I.
    Grace Hopper (1984). // Source : Wikimedia/CC/James S. Davis (photo recadrée)
    Esther Lederberg et la génétique bactérienne

    Cette spécialiste de microbiologie était une pionnière de la génétique microbienne, une discipline croisant la microbiologie (l’étude des micro-organismes) et le génie génétique (l’ajout et la suppression de l’ADN dans un organisme). La génétique microbienne consiste à étudier les gènes des micro-organismes.

    Esther Lederberg est née en 1922 et décédée en 2006. Elle a découvert ce qu’on appelle le « phage lambda », un virus qui infecte notamment la bactérie E.coli. Le phage lambda est très étudié en biologie et il est utilisé pour permettre le clonage de l’ADN. Esther Lederberg l’a identifié en 1950. Elle collaborait régulièrement avec son mari Joshua Ledeberg : c’est lui qui a obtenu le prix Nobel de médecine en 1958, récompensant ces travaux sur la manière dont les bactéries échangent des gènes sans se reproduire.
    Esther Lederberg. // Source : Wikimedia/CC/Esther M. Zimmer Lederberg
    Jocelyn Bell et le pulsar

    En 1974, le prix Nobel de physique est remis à l’astronome britannique Antony Hewish. Pourtant, ce n’est pas lui qui a découvert le pulsar, un objet astronomique qui pourrait être une étoile à neutrons tournant sur elle-même. Antony Hewish était le directeur de thèse de Jocelyn Bell : il s’est contenté de construire le télescope nécessaire à ces observations. C’est bien l’astrophysicienne, née en 1943, qui a identifié la première le pulsar.

    En 2018, elle a finalement reçu le Prix de physique fondamentale. Elle a choisi d’utiliser les 3 millions de dollars qui lui ont été offerts pour encourager les étudiants sous-représentés dans le domaine de la physique.
    Jocelyn Bell (2015). // Source : Wikimedia/CC/Conor McCabe Photography (photo recadrée)
    Chien-Shiung Wu et la physique nucléaire

    Chien-Shiung Wu, née en 1912 et décédée en 1997, était une spécialiste de la physique nucléaire. En 1956, elle démontre par l’expérience la « non conservation de la parité dans les interactions faibles », au cours de ses travaux sur les interactions électromagnétiques. C’est une contribution importante à la physique des particules.

    Deux physiciens théoriciens chinois, Tsung-Dao Lee et Chen Ning Yang, avaient mené des travaux théoriques sur cette question. Tous deux ont reçu le prix Nobel de physique en 1957. Il faut attendre 1978 pour que la découverte expérimentale de Chien-Shiung Wu soit récompensée par l’obtention du prix Wolf de physique.
    Chien-Shiung Wu en 1963. // Source : Wikimedia/CC/Smithsonian Institution (photo recadrée)
    Rosalind Franklin et la structure de l’ADN

    La physico-chimiste Rosalind Franklin, née en 1920 et décédée en 1958, a joué un rôle important dans la découverte de la structure de l’ADN, notamment sa structure à double hélice. Grâce à la diffraction des rayons X, elle prend des clichés d’ADN qui permettent de faire cette découverte. Elle présente ses résultats en 1951 au King’s College.

    Un certain James Dewey Watson assiste à cette présentation. Ce généticien et biochimiste informe le biologiste Francis Crick de la découverte de Rosalind Franklin. En utilisant les photos de la physico-chimiste, ils publient ce qui semble être leur découverte de la structure de l’ADN. En 1953, ils publient ces travaux dans la revue Nature. Ils obtiennent un prix Nobel en 1962, sans mentionner le travail pionnier de Rosalind Franklin.
    Rosalind Franklin. // Source : Flickr/CC/retusj (photo recadrée)
    Lise Meitner et la fission nucléaire

    Nommée trois fois pour recevoir un prix Nobel, cette physicienne autrichienne n’a jamais reçu la précieuse distinction. C’est pourtant une collaboration entre Elise Meitner et Otto Frisch, son neveu, qui permis d’apporter la première explication théorique de la fusion, en 1939.

    La scientifique, née en 1878 et décédée en 1968, n’a jamais reçu du comité remettant la distinction la même estime que celle que lui portaient ses collègues. En 1944, le prix Nobel de chimie fut donné à Otto Hahn, chimiste considéré à tort comme le découvreur de la fission nucléaire.
    Lise Meitner (1906). // Source : Wikimedia/CC (photo recadrée)
    Katherine Johnson et la navigation astronomique

    L’action déterminante de Katherine Johnson dans les programmes aéronautiques et spatiaux de la Nasa a fait l’objet d’un film, Les Figures de l’ombre. Née en 1918, cette physicienne et mathématicienne a calculé de nombreuses trajectoires et travaillé sur les fenêtres de lancement de nombreuses missions. Véritable « calculatrice humaine », elle a vérifié à la main des trajectoires de la mission Mercury-Atlas 6, qui a envoyé un homme en orbite autour de la Terre.

    En 1969, elle calcule des trajectoires essentielles lors de la mission Apollo 11. C’est à cette occasion que des humains — des hommes — se sont posés pour la première fois sur la Lune. En 2015, elle est récompensée et reçoit la médaille présidentielle de la Liberté.
    Katherine Johnson en 1966. // Source : Wikimedia/CC/Nasa (photo recadrée)

    #femmes #historicisation #effet_Matilda #sexisme #discrimination #invisibilisation #science

  • Le prix Nobel, science inexacte

    http://www.lemonde.fr/prix-nobel/article/2017/10/01/le-nobel-science-inexacte_5194474_1772031.html

    Alors que l’académie suédoise entame, lundi, la campagne 2017 de remise de ses prix, « Le Monde » revient sur quelques épisodes passés où les lauréats n’auraient pas dû être récompensés.

    Fallait-il attribuer le Nobel de littérature à Bob Dylan ? Faudrait-il retirer celui de la paix à Aung San Suu Kyi ? Le plus célèbre des prix suscite régulièrement des controverses.

    Pourtant, ces polémiques épargnent le champ scientifique. En médecine, en physique, en chimie ou encore en économie, les lauréats retenus depuis 1901 font presque toujours l’unanimité. Tout juste regrette t-on l’absence de découvertes majeures – la théorie de la relativité n’a jamais été primée – ou de grands noms de ces disciplines.

    Le panthéon scientifique érigé par l’académie suédoise cache pourtant quelques erreurs notables, sur lesquelles ses responsables actuels, sollicités par Le Monde, ont refusé de revenir. Elles apparaissent toutefois révélatrices tout autant de la puissance des mandarins que des cahots inévitables de la recherche ou simplement de l’écart qui peut exister entre théorie et expérience.

    La double faute de 1927

    Patrick Berche, microbiologiste et directeur de l’Institut Pasteur de Lille, n’hésite pas à parler d’« année terrible » pour évoquer 1927.

    Cet automne-là, les membres de l’Académie Nobel n’annoncent pas un, mais deux prix en médecine : celui de 1926, resté sans lauréat, est attribué au Danois Johannes Fibiger pour la découverte de Spiroptera carcinoma, un ver nématode capable de provoquer le cancer. Pour 1927, ils récompensent l’Autrichien Julius Wagner-Jauregg, pionnier de la malariathérapie, un traitement de la syphilis par injection du paludisme. On le sait aujourd’hui : l’un relevait de l’erreur intégrale, le second d’un raccourci hasardeux.

    Johannes Andreas Grib Fibiger, Prix Nobel en 1926.
    La « découverte » de Fibiger tient presque du mirage. En 1907, cet éminent professeur décèle des lésions dans l’estomac de trois rats gris. Convaincu depuis des années des causes parasitaires du cancer, il multiplie les autopsies de rongeurs. D’abord sans résultat. Mais il finit par trouver, dans le ventre de rats ramassés dans une sucrerie, des vers nématodes. Quant aux lésions, certaines ont dégénéré en tumeurs cancéreuses, affirme-t-il. Publiés en 1913, ses résultats font sensation : pour la première fois, on a fabriqué expérimentalement un cancer ! En 1918, les Américains Frederick Bullock et George Rohdenburg mettent en doute la malignité des lésions. Mais, à l’époque, la connaissance du cancer reste lacunaire.

    De 1922 à 1927, Fibiger est « nominé » à seize reprises par des scientifiques de renom chargés de proposer des lauréats potentiels au Nobel. Les quatre premières années, sa candidature est écartée par des rapporteurs sceptiques. En 1926, les jurés renoncent au dernier moment, au point qu’aucun plan B n’est prévu. Mais, en 1927, le Suédois Folke Henschen, ami et thuriféraire de Fibiger, convainc ses pairs de primer le Danois.

    Il faut attendre 1935 pour voir pâlir son étoile. Cette année-là, l’Anglais Richard Passey reproduit son expérience et découvre que la cause des tumeurs ne tient nullement en la présence des nématodes, mais provient d’une carence en vitamine A. Pis : les lésions sont de simples métaplasies, aucunement cancéreuses. En 1952, une équipe américaine retrouvera les clichés microscopiques de Fibiger et confirmera le diagnostic. De tous les acteurs de cette histoire, le seul à avoir succombé à un cancer fut… Johannes Fibiger lui-même, en janvier 1928, un mois après la réception de son prix.

    Julius Wagner-Jauregg.
    Le naufrage de 1927 ne s’arrête pas là. Stockholm s’entiche d’« une triste figure de l’histoire de la médecine », selon Patrick Berche : l’Autrichien Julius Wagner-Jauregg. Toute sa vie, ce neurologue et psychiatre a défendu l’eugénisme et l’euthanasie des « crétins ». Pendant la première guerre mondiale, il a préconisé le traitement des « névrosés de guerre » par électrochocs – ce qui lui a valu un procès, dont il est sorti blanchi. A titre personnel, enfin, il a soutenu le parti nazi, échouant à y adhérer car sa première femme était juive.

    Mais, en 1927, l’Académie Nobel le récompense pour tout autre chose : la malariathérapie. Dans sa clinique de Graz, en Autriche, Wagner-Jauregg a en effet remarqué que les patients souffrant d’une paralysie générale causée par l’évolution de leur syphilis voient leurs symptômes réduits lors des épisodes fébriles. Et, pour provoquer une forte fièvre, quoi de mieux qu’une crise de paludisme ? Le parasite a l’avantage d’être contrôlable par la quinine.

    Bien que le chercheur déplore quelques victimes dans son laboratoire, sa méthode est finalement reconnue. Elle finit même par s’imposer pour traiter des schizophrènes. Elle ouvrira la voie à d’autres thérapies dites « de choc », censées sortir, par des comas ou des crises d’épilepsie provoqués, les malades mentaux de leurs états extrêmes. « Ce Nobel a été attribué sans réels fondements scientifiques, ni études systématiques, regrette Patrick Berche. Heureusement, la découverte des antibiotiques a mis un terme à cette pratique. »

    La bourde de Fermi

    Enrico Fermi.
    Le 10 novembre 1938, l’Académie Nobel annonce avoir décerné son prix au physicien italien Enrico Fermi « pour sa découverte de nouveaux éléments radioactifs, développés par l’irradiation de neutrons ». Le communiqué précise : « Enrico Fermi a réussi à produire deux nouveaux éléments, dont les numéros d’ordre sont 93 et 94, auxquels il a donné le nom d’ausénium et d’hespérium. » Brillante découverte.

    Jusque-là, l’uranium et ses 92 protons font figure de plafond, sinon théorique, du moins expérimental… Seulement voilà : il n’y a ni ausénium ni hespérium dans l’expérience du savant transalpin ! Fermi s’est trompé dans son interprétation, et le monde de la physique s’est rallié à son panache.

    L’homme, il est vrai, dispose d’une aura immense. Il a déjà mis en évidence une nouvelle forme de radioactivité – ce qui, en soi, aurait pu lui valoir un Nobel. Fort de ce résultat, il décide de bombarder de neutrons des noyaux d’uranium. Si tout se passe comme le veut sa théorie, il créera ainsi un nouvel élément, à 93 protons. Voire un autre, à 94.

    Ces deux merveilles, Fermi croit les identifier, dans l’article qu’il publie en 1934, dans la revue Nature. Pas directement, par la chimie, mais grâce à des propriétés physiques indirectes. Quelques voix timides ont beau émettre des doutes, la prudence légendaire de M. Fermi et sa renommée mondiale emportent l’adhésion. Le 12 décembre 1938, il reçoit son prix. Et en profite pour quitter l’Europe – sa femme est juive.

    Un mois plus tard, deux chimistes allemands, Otto Hahn et Fritz Strassmann, annoncent avoir reproduit son expérience. Les produits n’en sont pas des éléments superlourds, mais au contraire plus légers. L’explication est fournie en février, toujours dans la revue Nature, par les Autrichiens Lise Meitner et Otto Frisch : les noyaux d’uranium n’ont pas été enrichis… mais coupés en deux. Ce que Fermi a réalisé, sans le savoir, c’est la première réaction de fission nucléaire.

    Hahn, Strassmann et Frisch décrocheront la récompense suprême en 1944 (La seule femme a été oubliée !). Deux autres chimistes américains seront à leur tour primés en 1951 pour la découverte des vrais éléments 93 et 94, le neptunium et le plutonium. Pour le chimiste allemand Martin Quack, auteur d’un article sur cette aventure, la science ne peut se réduire à la « nouveauté » : « La répétition, la reproduction, l’extension ou le rejet des résultats précédents sont au cœur du bon travail scientifique. »

    Le Nobel de la honte

    Egas Moniz
    C’est assurément le prix le plus controversé de l’histoire du Nobel. Comment le gotha de la médecine a-t-il pu, en 1949, honorer le Portugais Egas Moniz pour ses travaux sur « la leucotomie préfrontale appliquée au traitement de certaines psychoses et troubles mentaux » – rebaptisée plus tard lobotomie ? Comment cette sinistre ablation d’une partie du cerveau a-t-elle pu passer tous les filtres de l’Académie ?

    Pour le neurochirurgien Marc Lévêque, la réponse est « une conjonction de circonstances : la personnalité de Moniz, un intense travail de lobbying, le manque de recul sur ces pratiques et l’absence de thérapeutique alternative pour certaines pathologies graves – le premier neuroleptique sera découvert trois ans plus tard, sans jamais, du reste, être récompensé par un Nobel ». Peut-être faudrait-il ajouter un peu de mauvaise conscience… En 1928 et 1936, Moniz a raté le prix de peu pour une autre découverte, majeure celle-là : l’artériographie cérébrale.

    En 1935, ce médecin au destin peu commun – il a aussi été ambassadeur du Portugal à Madrid, puis ministre des affaires étrangères – s’inspire d’observations réalisées sur les singes pour proposer un traitement novateur de certaines pathologies mentales : déconnecter partiellement les lobes préfrontaux du reste du cerveau.

    Le 11 novembre 1935, une première patiente – une ancienne prostituée de 63 ans souffrant de mélancolie et de paranoïa – est opérée. Dix-neuf autres suivront. Sur les vingt personnes traitées, le médecin annonce sept « guérisons », sept « améliorations », six patients « inchangés ». L’échantillon est bien faible, mais il va suffire à lancer une pratique.

    Dans la plupart des pays occidentaux, la lobotomie s’impose : des milliers de malades sont opérés, malgré les protestations de nombreux psychiatres. Aux Etats-Unis, Walter Freeman la « perfectionne » : en lieu et place des ouvertures réalisées des deux côtés du crâne, il passe par le globe oculaire.

    Star mondiale, salué par la presse américaine pour ses prouesses, Freeman milite, après la Libération, pour que son aîné portugais obtienne le Nobel. Il rêve évidemment de partager les lauriers. Espoir déçu. En 1949, l’autre moitié de la récompense échoit au Suisse Walter Hess, qui a mis en évidence le rôle du cerveau dans la gestion des organes.

    En 1952, la découverte du premier neuroleptique change la donne : la chirurgie cède la place à la chimie. Du moins pour la grande masse des patients. Des héritiers du Dr. Moniz sévissent encore çà et là. Dans certains pays, comme la Chine, la chirurgie du cerveau reste d’usage courant. En France, la dernière lobotomie « officielle » date de 1991.

    Lire aussi : Pratiquée jusque dans les années 80, la lobotomie visait surtout les femmes

    La faillite des stars de la finance

    Robert C. Merton en 2006 et Myron Scholes en 2008
    Avouons-le : installer Robert Merton et Myron Scholes dans ce triste palmarès peut paraître cruel. « Mais leur mésaventure a provoqué chez les économistes un éclat de rire général et demeure un cas d’école », s’amuse Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP Europe.

    Le 15 octobre 1997, les deux économistes américains sont en effet primés pour avoir « ouvert de nouveaux horizons au champ des évaluations économiques ». Leur spécialité : appliquer les probabilités aux marchés financiers afin de prévoir le comportement des produits dérivés. Sur toutes les places boursières, le modèle dit de « Black et Scholes » (décédé en 1995, Fischer Black n’aura pas le prix) fait déjà fureur.

    Les deux lauréats conseillent d’ailleurs le prestigieux fonds d’investissement LTCM, coqueluche de Wall Street. En 1997, la crise asiatique fragilise ses positions. Mais le modèle mathématique prévoit un retour à l’équilibre. LTCM mise en ce sens, notamment en Russie. Et patatras ! En 1998, Moscou dévisse et LTCM prend l’eau.

    « Aucun autre fonds n’a fait aussi mal », raconte Jean-Marc Daniel. Les pertes avoisinent les 4 milliards de dollars. La Réserve fédérale (Fed, banque centrale) convainc les banques américaines d’intervenir pour éviter la faillite du fonds spéculatif.

    L’ensemble de la planète financière échappe à la contagion. Mais les marchés s’en trouveront affectés pendant plusieurs mois. Si les deux chercheurs restent, selon Daniel Cohen, professeur à l’Ecole normale supérieure, « de grands économistes, qui ont créé un champ dans la discipline », leur étoile brille un peu moins fort au firmament des Nobel.

    • _ Cet article du journal Le Monde est effectivement douteux. *

      Par exemple, Robert C. Merton en 2006 et Myron Schole n’ont pas reçu de prix Nobel, mais le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques.
      Un hochet pour les économiste néo libéraux, pas un prix Nobel.

      On remarquera, que parmi les lauréats qui n’auraient pas dû être récompensés, l’absence d’Henry Kissinger, le « Prix Nobel de l’humour noir. » (Françoise Giroud).

      Ce quotidien Le Monde, douteux. qui ne vérifie même pas ce qu’il imprime, sur wikipédia.

    • (adressé au Monde, 9/10)

      Je prends connaissance d’un article paru dans votre journal sous le titre « Le prix Nobel, science inexacte » et dans lequel est indiqué à propos d’Enrico Fermi : Le 12 décembre 1938, il reçoit son prix. Et en profite pour quitter l’Europe – sa femme est juive .

      Dieu merci le monde n’est pas fait que de sans-dignité, de journalistes-au-Monde et de gens qui... profitent.
      Ce couple ne tombait pas sous le coup des lois dites raciales de 1938.
      Ce fut simplement parce qu’il ne voulut pas profiter-sic de cette exemption, et ne voulait pas que ses enfants grandissent dans un pareil climat, qu’il décida de ne pas rentrer en Italie.