person:patrick cingolani

  • Sur le mouvement des #Gilets_jaunes - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article386

    La perte de légitimité de l’État-nation

    2 À partir de la fin des années 1970, les restruc­tu­ra­tions indus­triel­les et le pro­ces­sus de glo­ba­li­sa­tion/ mon­dia­li­sa­tion s’enclen­chent alors, dans ce qui n’est pas pour nous une contre-révolu­tion (il n’y a pas vrai­ment eu révolu­tion), mais une révolu­tion du capi­tal. Elle s’initie puis prospère sur les limi­tes du der­nier cycle de lutte de clas­ses et épuise la dyna­mi­que his­to­ri­que de l’égalité portée par l’idéologie uni­ver­sa­liste de la première bour­geoi­sie sou­te­nue par la classe ouvrière au sein de l’État-nation. Désor­mais l’équité rem­place l’égalité, la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions rem­place la lutte contre les inégalités

    3 Des formes précapi­ta­lis­tes de rap­ports sociaux subor­donnés réémer­gent alors : les rela­tions socia­les (« le piston »), l’hérédité sociale, repren­nent de l’impor­tance à l’intérieur même du pro­ces­sus démocra­ti­que comme le montre la situa­tion dans l’éduca­tion où de plus en plus d’élèves entrent dans le cycle supérieur sans que le pour­cen­tage d’enfants d’ouvriers s’élèvent pour autant ; comme le montre aussi une aug­men­ta­tion des taxes qui, dans le système redis­tri­bu­tif français où 50 % de la popu­la­tion ne paie pas d’impôt sur le revenu, est la façon la plus directe de faire contri­buer les pau­vres, comme sous l’Ancien régime fina­le­ment. Toutes ces mesu­res sont à la racine de la révolte fis­cale actuelle. C’est d’autant plus injuste que contrai­re­ment à ce qui se dit sou­vent sur la part res­pec­tive de chacun à la pol­lu­tion, ce ne sont pas les moins aisés qui pol­lue­raient le plus (on accuse l’auto­mo­bile et le diesel), mais les plus riches. Tout cela est posé en termes indi­vi­duels comme si cela était du res­sort de chacun et non pas du rap­port social capi­ta­liste dans son ensem­ble. 

    4 D’après des sta­tis­ti­ques3 récentes, un cadre supérieur sera beau­coup plus pol­lueur et aura une empreinte car­bone supérieure (à cause sur­tout de ses loi­sirs supérieurs et des dépenses en essence bien supérieu­res, en valeur abso­lue, à un ouvrier ou une aide-soi­gnante, mais sa dépense en essence représen­tera une part pro­por­tion­nelle bien moins impor­tante de son budget en valeur rela­tive. Statistiquement en France, les 10 % les plus riches émet­tent quatre fois plus d’empreinte car­bone que les 50 % les plus pau­vres donc chaque foyer des 10 % des plus riches émet­tent vingt fois plus que les plus pau­vres alors que le mode de vie des plus riches (avions, gros­ses voi­tu­res, 4x4) est non seu­le­ment préservé, mais en voie de démocra­ti­sa­tion avec crédit et voya­ges low cost4. Ces données s’ins­cri­vent en faux contre l’image donnée des Gilets jaunes comme de gros beaufs pol­lueurs. Certes, ils accor­dent sûrement moins d’atten­tion idéolo­gi­que à l’écolo­gie que les cadres ou pro­fes­sions intel­lec­tuel­les, mais leurs pra­ti­ques sont moins contra­dic­toi­res que les leurs.

    5 L’aug­men­ta­tion de la CSG avait déjà eu cet effet de taxa­tion de tous (pau­vres comme retraités), mais comme toutes les taxes, elle est pro­por­tion­nelle et non pas pro­gres­sive avec donc elle n’a aucun caractère redis­tri­bu­tif, bien au contraire puis­que cer­tai­nes taxes tou­chent des pro­duits qui représen­tent une plus grande part du budget des famil­les en dif­fi­culté que des famil­les riches (c’est par exem­ple le cas de la TVA). Il ne faut donc pas s’étonner de voir des petits retraités dont beau­coup vivent mal le paie­ment de la CSG, être très actifs sur les bar­ra­ges, d’autant qu’ils ont le temps dis­po­ni­ble pour eux. C’est donc la fonc­tion sociale de l’impôt qui est remise en ques­tion du fait du sen­ti­ment de déclin des ser­vi­ces publics de proxi­mité au profit de leur contrac­tua­li­sa­tion (pres­ta­tions-clients, numérisa­tion) par­ti­culièrement évidente en ce qui concerne la SNCF, ce qui pro­duit une réaction indi­vi­duelle face à l’impôt fai­sant la balance entre ce qui est payé et ce qui est reçu. Toute soli­da­rité, même abs­traite, s’efface devant des réflexes indi­vi­dua­lis­tes qui se por­te­ront faci­le­ment vers et sur des boucs émis­sai­res.

    6 Si toute aug­men­ta­tion des prix sur des pro­duits de consom­ma­tion cou­rante a ten­dance à plus tou­cher les ménages à petit budget, les indi­vi­dus réagis­sent en général moins à ces mou­ve­ments de prix qui leur appa­rais­sent comme quasi natu­rels, au moins dans les pays capi­ta­lis­tes développés. Néanmoins, de plus en plus de prix leur appa­rais­sent comme des prix arti­fi­ciels soit parce qu’ils sont admi­nistrés par l’État et subis comme des prix poli­ti­ques entraînant une aug­men­ta­tion des dépenses contrain­tes, soit comme des prix de mono­pole imposés par les firmes mul­ti­na­tio­na­les et la grande dis­tri­bu­tion. Mais, hormis dans les DOM-TOM et encore aujourd’hui à la Réunion, ces prix sont rare­ment attaqués de front dans des émeutes popu­lai­res qui exis­tent pour­tant dans les pays pau­vres (Tunisie, Égypte). Il n’y a pas d’émeutes de la faim dans des pays comme la France et la lutte contre les prix s’avère indi­recte dans le cadre d’une lutte contre les aug­men­ta­tions de taxes qui appa­rais­sent sou­vent incompréhen­si­bles, du moins en France, vu le prin­cipe de non-affec­ta­tion. Il n’en faut donc pas plus pour que les Gilets jaunes et leurs sou­tiens refu­sent une taxa­tion soi-disant « verte » qui en fait ren­floue la caisse glo­bale de l’État qui ensuite seu­le­ment procède aux arbi­tra­ges budgétaires5. Question sociale et ques­tion envi­ron­ne­men­tale res­tent donc séparées, même si elles sont reconnues comme légiti­mes, car beau­coup de présents sur les bar­ra­ges ou dans les mani­fes­ta­tions refu­sent l’image de « beauf » qui leur a été collée et qu’ils res­sen­tent comme un mépris de caste si ce n’est de classe. Il n’empêche que la phrase énoncée dans les ras­sem­ble­ments : « Les élites par­lent de la fin du monde quand nous par­lons de fin du mois » est peut être la plus forte enten­due parce qu’elle consa­cre cette ten­sion.

    7 La révolte contre l’impôt ou les taxes ne peut donc être assi­milée au refus pur et simple exprimé par de nom­breu­ses cou­ches supérieu­res, pro­fes­sions libérales et autres petits patrons crou­lant sous les char­ges socia­les.

    8 D’où aussi des contes­ta­tions contre les nou­veaux « privilèges », et contre la paupérisa­tion de la vie quo­ti­dienne. Un autre argu­ment joue en faveur de cette thèse d’un soulèvement du peuple fédéré : la carte des révoltes et des soulèvements des Fédérés de l’été 17936 cor­res­pond assez bien à la carte des régions où les blo­ca­ges et les actions des Gilets jaunes sont les plus forts. Mais, là encore, la spécifi­cité de l’État français et de son cen­tra­lisme qui per­dure malgré la crise générale de la forme État-nation, empêche cette révolte de suivre la ten­ta­tion ita­lienne ou espa­gnole de l’auto­no­mie (Padanie) ou de l’indépen­dance (Catalogne) ou encore de la séces­sion européenne comme avec le Brexit7. Il n’empêche que le redéploie­ment de l’État-nation en État-réseau ne se fait pas d’un coup de baguette magi­que. La contra­dic­tion entre le ver­ti­ca­lisme cen­tra­liste de ce qui per­dure d’État-nation dans la ges­tion des rap­ports sociaux se heurte à la forme décen­tra­lisée que prend l’aménage­ment des ter­ri­toi­res. Une forme qui privilégie le dévelop­pe­ment des métro­po­les au détri­ment des villes peti­tes et moyen­nes qui se trou­vent dans le dilemme inso­lu­ble d’avoir à pren­dre plus de choses en charge avec moins de moyens. D’où le mou­ve­ment de démis­sions des maires qui se pro­duit aujourd’hui et un sen­ti­ment de solde pour tout compte qui fait resur­gir un « Peuple » qui n’a pas attendu Marine Le Pen où Mélen­chon et leur notion de « peuple cen­tral » pour être affirmé. Une notion qu’on retrou­vait déjà chez Arlette Laguiller dont on se moquait de la for­mule plus popu­laire que prolétarienne : « tra­vailleu­ses, tra­vailleurs, on vous exploite, on vous spolie8 » et qui semble assez proche de la per­cep­tion actuelle de beau­coup de mani­fes­tants qui ont à la fois l’impres­sion d’être exploités (chômage, CDD, allon­ge­ment des temps de trans­port) et spoliés par des taxes qui por­tent en soi l’injus­tice dans la mesure où elles tou­chent pro­por­tion­nel­le­ment davan­tage les pau­vres que les riches. C’est parce qu’ils sont arrivés à une grande connais­sance intui­tive de cette situa­tion d’exploi­ta­tion (qui ne passe pas par la case « cons­cience de classe ») que la radi­ca­li­sa­tion du méconten­te­ment n’épouse pas les formes d’orga­ni­sa­tion tra­di­tion­nel­les (par exem­ple syn­di­ca­les) et diffère dans sa com­po­si­tion sociale. Mais pour­quoi s’en étonner quand les restruc­tu­ra­tions du capi­tal ont liquidé les ancien­nes for­te­res­ses ouvrières et qu’on est bien loin de l’époque où domi­nait la figure de l’ouvrier-masse de Renault ou de Fiat. L’ouvrier de petite entre­prise, du bâtiment, des ser­vi­ces, l’employé du Mac Do trou­vent à cette occa­sion un lieu d’expres­sion de la révolte qui a du mal a existé sur des lieux de tra­vail frac­turés où les col­lec­tifs de tra­vail pei­nent à s’agréger. L’ancrage local des points de fixa­tion ren­force cette pos­si­bi­lité de ras­sem­ble­ment, hors des cadres struc­turés et ins­ti­tu­tion­na­lisés. Cette connais­sance intui­tive s’appuie sur le fait que la crois­sance des reve­nus en valeur abso­lue qui apparaît dans les sta­tis­ti­ques et qui est répercutée par les médias entre en contra­dic­tion avec une baisse du pou­voir d’achat à cause de l’aug­men­ta­tion des dépenses contrain­tes (char­ges fixes). Mais cette connais­sance intui­tive n’est pas sans matérialité objec­tive. En effet, si ce sont les habi­tants des régions rura­les et périur­bai­nes qui ont ten­dance à mani­fes­ter c’est aussi en rap­port avec un budget dédié à la « cohésion ter­ri­to­riale » qui vient d’être amputé de 1,4 Mds d’euros.

    9 Il y a conjonc­tion entre trois éléments, un « ça suffit » qui ne vise pas seu­le­ment Macron, comme avec le « Dix ans ça suffit » contre de Gaulle, en Mai-68, mais l’ensem­ble du corps poli­ti­que ; une exi­gence d’égalité, de jus­tice et de fra­ter­nité, même si on ne sait pas bien jusqu’où s’étend cette dernière, devant des rap­ports sociaux dont la dureté ne semble plus com­pensée par les acquis sociaux des années 1960-1970 et l’air de grande liberté (“libération”) qui l’accom­pa­gnait ; enfin des condi­tions matériel­les de vie sou­vent dif­fi­ci­les eu égard aux stan­dards en cours dans une société capi­ta­liste avancée.
    La soudaineté de l’événement

    10 Ce mou­ve­ment échappe aussi aux divers cor­po­ra­tis­mes qui ont pu être à la base d’autres mou­ve­ments plus anciens sou­vent désignés comme « inclas­sa­bles » comme l’était celui de Poujade (rat­taché aux commerçants et arti­sans avec l’UDCA9). La preuve en est qu’alors que les syn­di­cats de taxis et des trans­ports rou­tiers (FNTR) res­tent à l’écart ou même condam­nent le mou­ve­ment (la FNTR demande au gou­ver­ne­ment de dégager les routes !) puis­que ce sont des orga­ni­sa­tions qui ont négocié et obtenu quel­ques avan­ta­ges, de nom­breux rou­tiers et des chauf­feurs Uber sont aperçus sur les blo­ca­ges. Les rou­tiers jouant d’ailleurs sou­vent au « bloqué-blo­queur » et conseillant par­fois les novi­ces du blo­cage à déter­mi­ner les bons objec­tifs comme les dépôts d’essence (cf. Feyzin dans le Rhône, Fos-sur-Mer ou Brest). De la même façon, cer­tains s’aperçoivent que les blo­ca­ges des grands axes ont des réper­cus­sions sur l’appro­vi­sion­ne­ment en pièces pour les gran­des entre­pri­ses qui sous-trai­tent au maxi­mum. Ainsi, l’usine Peugeot de Montbéliard s’est retrouvée momen­tanément à l’arrêt.

    11 On assiste bien là à un sur­gis­se­ment événemen­tiel qui se situe en dehors des habi­tuel­les conver­gen­ces ou appels à conver­gence des luttes socia­les tra­di­tion­nel­les, parce qu’il pose, dans l’immédiateté de son expres­sion directe sa capa­cité à faire ras­sem­ble­ment10 en mêlant à la fois le caractère « bon enfant » et une grande déter­mi­na­tion. Il faut dire que beau­coup de mani­fes­tants en sont à leur première mani­fes­ta­tion. Ils s’éton­nent, naïvement de l’écart entre les enga­ge­ments for­mels à par­ti­ci­per qui pleu­vent sur les réseaux sociaux et le nombre rela­ti­ve­ment res­treint des présents sur les bar­ra­ges et aux mani­fes­ta­tions. Le fait de les inter­ro­ger sur leur absence ou indifférence aux mani­fes­ta­tions de ces dernières années les inter­lo­quent, mais ne les aga­cent pas tant ils ont l’impres­sion d’un dévoi­le­ment sou­dain, d’être à l’ori­gine de quel­que chose de nou­veau. Certains res­sen­tent bien la contra­dic­tion entre d’un côté le fait de rester calme et en même temps la nécessité de rester décidés et déterminés dans une ambiance qui ne peut tour­ner qu’à la confron­ta­tion (deux morts, 500 blessés, dont une ving­taine de graves, y com­pris chez un com­man­dant de police11) si ce n’est à l’affron­te­ment vio­lent (le 24 novem­bre à Paris). Il s’en suit un chan­ge­ment de posi­tion pro­gres­sif vis-à-vis des forces de l’ordre qui passe par­fois de la compréhen­sion mutuelle à l’invec­tive ren­forcée par le fait que le mou­ve­ment ne cher­che pas d’abord et avant tout à négocier et ne déclare pas ses points de blo­cage, qu’il développe des moyens de com­mu­ni­ca­tion par réseau et des moyens d’action qui sont plus ceux des asso­cia­tions que des grou­pes poli­ti­ques ou syn­di­cats (les « flash­mob12 », par exem­ple). De la même façon qu’une ligne de par­tage de classe ne par­court pas le mou­ve­ment (nous y revien­drons), les tenants de la ligne amis/enne­mis, comme ceux de la ligne droite/gauche en seront pour leur frais. Certains s’essaient à des varian­tes comme « la France d’en bas contre la France d’en haut » ou, plus ori­gi­nal, comme D. Cormand, secrétaire natio­nal d’Europe-écolo­gie-les-Verts qui retient la sépara­tion entre ceux qui crai­gnent la fin du monde et ceux qui crai­gnent la fin du mois13 ou une déloca­li­sa­tion et le chômage comme les salariés de Renault-Maubeuge qui ont eu le gilet jaune facile avant l’action du samedi 17 car l’exem­ple ne vient évidem­ment pas d’en haut, bien au contraire. La com­mu­ni­ca­tion gou­ver­ne­men­tale, par­ti­culièrement mala­droite parce que peu au fait des stratégies poli­ti­ques s’avère par­ti­culièrement contre-pro­duc­tive. Les phra­ses macro­nien­nes sur le fait de n’avoir qu’à tra­ver­ser la rue pour trou­ver du tra­vail ont fait plus pour réintégrer les chômeurs dans la com­mu­nauté vir­tuelle du tra­vail que tout popu­lisme de gauche. De même la phrase de cer­tains élus de la majo­rité sur les Gilets jaunes « de la clope et du diesel » a exprimé au grand jour que la ciga­rette n’était pas, pour l’État et le pou­voir une ques­tion de santé publi­que, mais de santé morale dans le monde asep­tisé dont ils rêvent14.

    La tarte à la crème de l’interprétation en termes de classes moyennes

    12 On ne sait pas encore si c’est « l’insur­rec­tion qui vient », mais comme dit Patrick Cingolani dans Libération du 21 novem­bre 2018, on a déjà « un peuple qui vient ». Il est tou­jours dif­fi­cile de savoir ce qu’est « le peuple », mais concept mis à part, faut-il encore que ce « peuple » ne soit pas celui cons­titué autour de l’iden­tité natio­nale, fut-elle de gauche qui clôture­rait le choix entre popu­lisme de droite et popu­lisme de gauche, mais un « peuple » qui se cons­ti­tue­rait dans le mou­ve­ment en dépas­sant la coexis­tence de différentes luttes et dans une sorte de coex­ten­sion.

  • Regards sur les #Gilets_Jaunes (14.11.18->23.11.18)

    La république en vrac (Le Monolecte, Blog, 14.11.18)
    https://blog.monolecte.fr/2018/11/14/la-republique-en-vrac

    S’il y a bien une chose que nous apprend l’appel au blocage du 17 novembre, c’est que les fractures sociales évoquées depuis plus de 20 ans par les politiques de tous bords sont à présent bien consommées. La question n’est pas tant de savoir ce qu’il faut faire ce samedi-là que de découvrir ce que cela fait ressortir comme fantasmes et représentations sociales de part et d’autre, des failles à présent béantes qui ont atomisé notre tissu social et qui nous empêchent à présent totalement de faire société.
    […]
    Finalement, que raconte ce mouvement, que nous réclament ces Homos automobilis, si ce n’est que la simple prise en compte de la réalité quotidienne des invisibles de la République, des surnuméraires de l’économie globale, laquelle se veut urbaine, connectée, éduquée et bénéficiaire du meilleur de la mondialisation ?
    […]
    Au final, à quoi ça sert de distribuer de bons ou de mauvais points entre les causes qui mériteraient d’être défendues et les colères qui seraient mal orientées ? À quoi ça sert de renvoyer dos à dos le bouseux enchainé à sa bagnole et son isolement grandissant et l’urbain qui doit pomper comme un Shadock sous amphé pour servir son SMIC mensuel de loyer au proprio ? À quel moment la relégation dans les limbes ou l’entassement dans les citées mortifères ont été des choix raisonnables et consentis par chacun d’entre nous ?
    D’un côté comme l’autre, il y a de plus en plus de colère, de plus en plus de rejet d’une politique toujours plus élitiste et excluante, faite par et pour les 10 % les plus privilégiés contre tous les autres. Qu’importe si l’allumette qui se rapproche de la mèche n’est pas craquée dans les bonnes conditions, de la bonne manière ou pour les bonnes raisons.
    Il n’y a plus qu’un peuple qui en a marre, qui est en colère et qu’on doit — moins que jamais — laisser seul aux mains des forces politiques qui font leur terreau de la haine des autres.

    Pour Gaby, mon gilet jaune (Denis Robert, Facebook, 16.11.18)
    https://yetiblog.org/pour-gaby-mon-gilet-jaune-par-denis-robert

    Je ne sais pas ce qu’il adviendra de ce mouvement basique et populaire, si la stratégie du pouvoir va fonctionner, mais cette colère n’a rien à voir avec le réchauffement climatique et très peu avec le diesel. Les gens à l’origine du gilet jaune le disent depuis le début. Ils en ont assez d’être pris pour des pigeons, des vaches à traire, des décérébrés du bulbe, des sans honneur. Ils veulent se révolter. Il se révoltent.

    Gilets jaunes, un peuple qui vient  ? ( Patrick Cingolani, Libération, 20.11.18)
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/20/gilets-jaunes-un-peuple-qui-vient_1693139

    On aura beau dénoncer la dimension d’arriération du mouvement quant à l’enjeu écologique, c’est bien l’égalité sociale contre l’iniquité du traitement de faveur fait aux plus riches qui est l’objet central de cette contestation.

    Gilets jaunes : la dérangeante odeur du pauvre (Ambroise de Rancourt, Vu du Droit, 20.11.18)
    http://www.vududroit.com/2018/11/gilets-jaunes-derangeante-odeur-pauvre

    Passionnant révélateur des fractures françaises, fascinant témoignage du divorce entre gagnants et perdants de la mondialisation, lumineuse illustration in concreto des travaux des Christophe Guilluy et Gérald Bronner qui nous expliquent, dans le sillage d’économistes aussi avertis que le sont Thomas Piketty ou, mieux encore, Michel Aglietta, la vérité suivante : les classes moyennes sont en train de mourir sous nos yeux.

    Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire » (Gérard Noiriel, Blog, 21.11.18)
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire

    Ces facteurs économiques constituent donc bien l’une des causes essentielles du mouvement. Néanmoins, il faut éviter de réduire les aspirations du peuple à des revendications uniquement matérielles. L’une des inégalités les plus massives qui pénalisent les classes populaires concerne leur rapport au langage public. Les élites passent leur temps à interpréter dans leur propre langue ce que disent les dominés, en faisant comme s’il s’agissait toujours d’une formulation directe et transparente de leur expérience vécue.

    Ce que le big bang entre Macron et gilets jaunes nous réserve (Arnaud Benedetti, Le Huffington Post, 22.11.18)
    https://www.huffingtonpost.fr/arnaud-benedetti/ce-que-le-big-bang-entre-macron-et-gilets-jaunes-nous-reserve_a_23595

    En attendant le neuf, on peut d’ores et déjà extraire plusieurs enseignements de la scène qui se joue sous nos yeux : la naissance d’un objet politique inidentifiable ; une prise de risque à laquelle s’essaie le pouvoir sans paraître en maîtriser la portée potentielle ; une dépréciation toujours plus grande de la figure du peuple dans les catégories de perception des élites dirigeantes, voire parfois même intellectuelles...
    […] Sous les auspices de la désintermédiation se dessine ainsi un mouvement dont l’imaginaire réactive l’un des mythes romantiques d’une histoire de France qui ne se réaliserait qu’à travers de grandes ruptures révolutionnaires.
    […]
    Le pari politique des dirigeants est de spéculer sur une exaspération d’une partie du corps social face à l’agitprop « giletiste », en fouillant et en agitant de manière subliminale un inconscient bourgeois très XIXe siècle associant les « classes laborieuses » à des « classes dangereuses ».
    […]
    La disqualification intellectuelle du mouvement telle qu’elle se dessine parfois sur les réseaux sociaux ou au travers de l’expression de certains professionnels du commentaire, la réduction sarcastique et dévalorisante à un prurit de « beaufs » de la mobilisation participent de la montée en puissance d’un retour à une forme quasi-décomplexée de lutte des classes dont la société de masse nous avait promis la dissolution à travers la consommation et la prospérité.

    Qui sont et que veulent les « gilets jaunes » ? (Benoît Coquard, Contretemps, 23.11.18)
    http://www.contretemps.eu/sociologie-gilets-jaunes

    Se fondant sur ses recherches antérieures et sur une enquête en cours, Benoît Coquard se propose dans cet entretien de décrire et d’interpréter sociologiquement le mouvement des « gilets jaunes », dont le prochain temps fort aura lieu demain 24 novembre.

    Il donne en particulier à voir l’ancrage du mouvement dans les classes et les sociabilités populaires, les raisons d’agir et les logiques d’action des participant·e·s, et plus généralement le caractère éminemment politique de la contestation en cours, non dans un sens restreint – c’est-à-dire partisan – du mot, mais au sens où elle exprime publiquement – à partir de la question des taxes sur le carburant – une fronde généralisée contre la dégradation des conditions de travail et d’existence de la majorité de la population.

    Les gilets jaunes : une protection contre la haine de classe (Franck Lepage, Facebook, 23.11.18)
    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2170395846547335&id=1525946107658982&__xts__[0]=6

    Je suis admiratif des gens que j’ai vus sur les ronds points. A se geler la nuit en ayant conscience de faire cela pour tout le monde, et qu’on ne vienne pas me faire le coup de l’extrême droite...on me l’avait déjà fait pour le traité européen...c’est ne rien comprendre aux gilets jaunes que de ne pas réaliser en quoi il s’agit bien d’une réponse populaire massive à la morgue, la suffisante, et l’imbécillité crasse de la clique qui s’est emparée du pouvoir.
    […]
    La mobilisation populaire des gilets jaunes, c’est pas pour les 6 centimes d’essence, c’est pour le massacre de notre protection sociale, la vente de nos services publics, la démolition de notre hôpital, le prix obscène d’un péage vinci une fois vendues les autoroutes, les salaires de tarés des dirigeants français...

    Attention : derrière la haine de classe : le mépris de classe (Franck Lepage, Facebook, 23.11.18)
    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2170968796490040&id=1525946107658982&__xts__[0]=6

    Je voudrais dire à mes amis et inconnus politiquement conscientisés d’êxtrême gauche, à tous ceux qui savent ce qu’est la permaculture et qui peuvent expliquer les doigts dans le nez le mécanisme de la dette grecque et de la création monétaire, à tous ceux qui réussissent à lire Friot et Lordon dans le texte et qui ne manquent aucun monde diplomatique, qui savent faire une critique pertinente des media et ont l’appli médiapart, qui ne regardent pas la télé, qui voient les films en VO et qui savent articuler l’intersectionnalité des trois dominations sexe-classe-race, bref qui sont redevables à l’école d’avoir pu cesser de croire en Dieu en découvrant Nietzsche en terminale philo, c’est à dire qui sont comme moi, que nous devrions nous méfier de ne pas ajouter du mépris de classe à la haine de classe. Et que si nous carricaturons les gilets jaunes comme des beaufs racistes, amoureux du foot et du tour de France, et incapables d’analyser ou de revendiquer plus loin que leur bouchon de réservoir, nous reproduisons la même représentation du peuple que celle que Macron a dans la tête.

  • « Gilets jaunes », un peuple qui vient  ? Par Patrick Cingolani — 20 novembre 2018 à 12:13

    On aura beau dénoncer la dimension d’arriération du mouvement quant à l’enjeu écologique, c’est bien l’égalité sociale contre l’iniquité du traitement de faveur fait aux plus riches qui est l’objet central de cette contestation.

    Le mouvement des « gilets jaunes » ­demande de réfléchir sur la précarité et sur un processus de précarisation qui fait plus écho à la lutte de la jeunesse contre la loi travail qu’aux manifestations antiparlementaires des droites dans l’histoire nationale. Il appartient à ces mouvements qui, ­depuis 1995, sont préoccupés par une insécurité ­sociale de plus en plus endémique et qui par contrecoup, comme en 1995, sont composés de gens qui se soucient tout autant de leur sort que de celui de leurs proches, enfants ou petits-enfants, qui souvent ne peuvent vivre sans leurs aides. On aura beau dénoncer la ­dimension d’arriération du mouvement quant à l’enjeu écologique, il s’inquiète bien de l’avenir et ne fait que le questionner autrement que ne le font d’autres. Si la jeunesse scolarisée et étudiante confrontée à des transitions professionnelles de plus en plus longues, faites de petits boulots, de travail gratuit, d’espoir frustrés, se préoccupait de son avenir, ce mouvement s’inscrit dans la configuration des sociabilités populaires et des ­solidarités de phratrie, de voisinage et de quartier d’une société française traversée par les inégalités de territoire et où l’on s’alarme de tel voisin chômeur, de telle famille appauvrie, autant que de la fille ou du fils qui n’ar­rive pas à joindre les deux bouts.

    Cette précarisation, cette précarité diffuse sont des expériences endémiques ressenties par les foyers et par leurs réseaux familiers. C’est l’incertitude des emplois, des petits boulots, de l’intérim, quand ce n’est pas du chômage ; les difficultés pour se loger et les fins de mois difficiles, « parce qu’on paie les taxes et que l’on n’a pas droit aux aides ».

    C’est la vie chère et la lésine qui ronge le ­revenu des ménages parce que le salaire n’augmente pas, c’est la maison achetée à crédit que l’on arrive plus à payer, c’est fina­lement le coût des ­dépenses de carburant sur le budget. Car la « fracture sociale » d’hier est aussi devenue une fracture territoriale, non seulement parce que de nombreux ménages modestes vivent à l’écart des grandes métropoles technolo­giques et tertiaires, ne jouissant ni de leurs bassins d’emplois ni de leurs réseaux de transports en commun, mais parce que, pour des raisons économiques, ils ont préféré s’installer dans les zones périurbaines où la vie était moins chère et le logement plus acces­sible, même si parfois l’emploi y était plus rare. Une voiture, voire selon les milieux deux voitures, avec ce que cela suppose comme frais, sont devenus des moyens nécessaires pour ces foyers dont chacun des conjoints doit faire plusieurs dizaines de kilomètres pour rejoindre son lieu de travail, mais aussi les centres commerciaux d’un espace qui s’est progressivement vidé de ses commerces de proximité, notamment à mesure du dumping ravageur de ces mêmes grandes surfaces.

    Besoin d’intégrer le social à l’environne­mental

    Ce n’est pas en ironisant sur ces défilés de ­voitures tonitruantes dans les agglomérations, et sur la résistance contre les taxes sur le carburant, dans un contexte de gravité de la crise environnementale, que l’on renverra ce mouvement à l’arriération. Voilà plus d’un demi-siècle que les impasses de la civilisation de la voiture ont été dénoncées. Qu’est-ce qui a été fait ? Croit-on vraiment que des taxes dont on ne sait pas exactement quels budgets elles abondent suffiront à régler une crise ­environnementale dont le président d’une des nations les plus puissantes nie encore avec outrance l’existence ?

    Que cette machine – l’automobile – qui a hanté l’imaginaire du XXe siècle puisse être encore un moyen de socialisation, et que la mécanique puisse être une activité constituante de certaines sociabilités des cités et des quartiers, qui peut s’en étonner, compte tenu de la profondeur historique et du ­caractère populaire de ce moyen technique ? Qui sont ceux, au demeurant, qui tout au long du siècle précédent ont construit des voitures, sinon les ouvriers ? Le problème n’est pas là. Il est dans la difficulté que nous avons à associer la question sociale et la question environnementale. Il est dans le ­besoin d’intégrer le social à l’environne­mental et dans un imaginaire du lien producteur d’expériences alternatives au regard des modèles contemporains.

    Mais cette double question, qui associe crise écologique et crise de civilisation, et dont l’élite dirigeante ne saurait être à la hauteur, ne peut trouver d’issue que dans un sursaut de la revendication égalitaire. L’égalité sociale contre l’iniquité du traitement de faveur fait aux plus riches, qui en dernier ressort est ­l’objet central de ce mouvement des « gilets jaunes », en lutte contre le mépris d’en haut. L’égalité démocratique dans des modalités de mobilisation et de décision qui prennent effectivement en compte l’avis des citoyens sur les questions écologiques plutôt que de laisser celles-ci à l’arbitraire de décisions technocratiques. Une égalité quant aux ini­tiatives ­sociétales, qui fasse droit aux formes expérimentales de vie sociale et environnementale qui naissent ici et là. On ne se sortira pas de la crise civilisationnelle face à laquelle nous sommes par la verticalité du pouvoir. C’est, au demeurant, moins d’une pensée de la prise du pouvoir que de l’horizontalité de la politique égalitaire dont nous avons aujourd’hui besoin.

    Mouvement éruptif

    On aura beau pointer le caractère conservateur, voire réactionnaire de certains acteurs de ce mouvement, il s’agit de comprendre ­politiquement sa polysémie et les diverses ­dimensions de la révolte dans une politique de la précarité qui ne peut être qu’une poli­tique d’alliance, de convergence et d’hori­zontalité. A tout le moins, plutôt que de ­bouder ce mouvement éruptif, il s’agit de l’éprouver dans sa teneur et dans sa portée. Dans la ­dynamique des mouvements sociaux de ces dernières années, de la lutte contre la loi travail aux occupations de la place de la Répu­blique, qui ont constamment conjoint social et démocratique, on pourrait dire que ce mouvement pose pour la première fois, mais comme à l’envers, la question sociale et celle de l’environnement. Le moment est en ce sens sinon décisif du moins important et ne doit pas être perdu dans la reconduction de contradictions et de divisions qui devraient être surmontées : ­entre métropoles et périphéries, entre villes et campagnes, entre les luttes pour la liberté des styles de vie et les luttes sociales, entre classes populaires et classes moyennes, etc. Si le mot « peuple » a encore un sens, ce n’est pas seulement dans son surgissement événe­mentiel, mais surtout dans sa capacité à dire le rassemblement.

    Patrick Cingolani professeur de sociologie, Laboratoire de changement social et politique université Paris-Diderot

    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/20/gilets-jaunes-un-peuple-qui-vient_1693139

    #giletsjaunes » #peuple #mouvement #écologie #égalité #contestation #précarité #loi_travail #insécurité_sociale #territoire #emploi #chômage #taxes #vie_chère #salaire #carburant #fracture_sociale #fracture_territoriale #métropoles #périurbain #voiture #automobile #horizontalité #alliances #convergence #périphérie

  • Bloc-notes de liens lus ou survolés ou que j’ai envie de lire / écouter parce qu’ils semblent analyser ou déconstruire le mouvement "Gilets Jaunes" du 17 novembre sans tomber pour autant dans un dédain anti-beaufs ou une lutte classes-pauvres vs classes-moyennes, etc.


    Si vous en repérez aussi, ou si une autre compile (sur cette base filtrante) existe, je suis preneuse ;)

    "Chantage vert, colère noire, gilets jaunes" : https://dijoncter.info/?chantage-vert-colere-noire-gilets-jaunes-671

    Entretien avec deux gilets jaunes bretons : « pas de politique ni de syndicats » : https://radioparleur.net/2018/11/16/entretien-gilets-jaunes-bretons

    Un k-way noir chez les gilets jaune, l’histoire d’un vilain petit canard. : https://paris-luttes.info/un-k-way-noir-chez-les-gilets-11047

    Gilets jaunes et écolos, pas le même maillot, mais la même récupération : https://rebellyon.info/L-ecologie-est-t-elle-un-concept-ethere-19782

    Sur le 17 novembre – Les révolutionnaires ne font pas la révolution : https://web.archive.org/web/20200813174527/https://nantes.indymedia.org/articles/43595

    À propos de la manif du 17 novembre  : https://diacritik.com/2018/11/15/a-propos-de-la-manif-du-17-novembre

    C’est jaune, c’est moche et ça peut vous pourrir la vie… : https://defensecollective.noblogs.org/post/2018/11/14/cest-jaune-cest-moche-et-ca-peut-vous-pourrir-la-vie

    17 novembre – Les 8 gilets incontournables Lequel porteras-tu ? : https://rouendanslarue.net/17-novembre-les-8-gilets-incontournables

    Gilets jaunes : en voiture ! Notes sur le 17 novembre : https://rouendanslarue.net/gilets-jaunes-en-voiture-notes-sur-le-17-novembre

    Mouvement du 17 novembre - Que faire ?  : https://nantes.indymedia.org/articles/43450

    Pourquoi il faut parler d’écologie le 17 novembre. : https://nantes.indymedia.org/articles/43520

    Éléments de la Commission Nationale Ecologie du NPA sur la mobilisation du 17 novembre : http://npa29.unblog.fr/2018/11/14/carburant-et-taxtes-npa

    Prix des carburants : des contradictions sociales surmontables : https://www.alternatives-economiques.fr/prix-carburants-contradictions-sociales-surmontables/00086912

    Les petits-commerçants « étouffés par les taxes » : le mouvement Poujade : https://paris-luttes.info/le-mouvement-poujade-11039

    L’idéologie sociale de la bagnole : https://infokiosques.net/lire.php?id_article=346

    ++ Livres :
    Nathalie Quintane "Que faire des classes moyennes ?"
    Alain Accardo "Le Petit Bourgeois-Gentilhomme".

    #mouvement_social #recuperation #poujadisme #colere_populaire #giletsjaunes #gilets_jaunes #gilets #jaunes #17novembre #17novembre2018 #la_revolution_mais_pas_trop mais aussi la force des #medias_Libres #mediaslibres et #automedias

    • Des gouts découlent heurts !

      Des goûts et des couleurs avec Michel Pastoureau (5/5) Le jaune France Culture
      https://www.franceculture.fr/emissions/hors-champs/des-gouts-et-des-couleurs-avec-michel-pastoureau-le-jaune-et-lor-55

      Le #jaune serait donc la couleur la moins appréciée ? Alors que l’ensemble des aux autres couleurs de base ont toutes un double symbolisme, le jaune est la seule à n’avoir gardé que l’aspect négatif.

      Des goûts et des couleurs …, on peut discuter à l’infini, et tout le monde reconnaît la force de la subjectivité dans ces domaines. Mais saviez-vous que les couleurs ont une histoire culturelle, politique et psychique ? Imaginiez-vous qu’il existe des couleurs qui nous font chaud au cœur et d autres qui nous font peur et ce, par delà les latitudes et les origines religieuses ? Toute cette semaine « Hors-champs » tente de faire la cartographie amoureuse des couleurs grâce à un historien amoureux des ours, des emblèmes héraldiques et de … certaines couleurs.

      Comme toujours avec des archives et des chansons, balade dans l’histoire de la peinture, des mentalités et de nous mêmes...

    • https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10155665502096960&set=a.49908841959&type=3&theater

      J’avais un oncle il s’appelait Gaby. Je l’aimais bien. Il était gazier. J’étais gauchiste. Il avait un grand poster de JM Lepen dans son garage. On buvait des bières en réparant des bagnoles. Passons. Des années plus tard, j’avais fait un grand papier dans Libé pour expliquer comment le FN et Lepen arrivait à monter la tête de types bien comme Gaby. Deux pages. July (Serge) le patron m’avait félicité genre : « Enfin un journaliste qui ne les prend pas avec des pincettes ». Pourquoi je parle de Gaby et pourquoi je pense à lui en ce moment ? A cause des gilets jaunes. Gaby bossait à Gaz de France (son cousin, mon pater, bossait à EDF). Ils bossaient 7 jours sur 7 sans trop compter. Il y avait les lignes à réparer, les tuyaux à aligner. La chaleur des pauvres à assurer. Ils étaient fonctionnaires. On partait en vacances dans les tentes bleues de la CCAS. Passons. Pourquoi j’en viens à évoquer ce passé vermoulu ? Le gilet jaune… L’injustice fiscale. La plupart des éditorialistes et des politiques n’y comprennent que dalle à cette colère. Emmanuel Macron et son armée de républicains en marche ont compris eux. Et ils commencent à flipper. A passer des consignes. A jouer de la carotte et du bâton. Vu d’ici, c’est pitoyable. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de ce mouvement basique et populaire, si la stratégie du pouvoir va fonctionner, mais cette colère n’a rien à voir avec le réchauffement climatique et très peu avec le diesel. Les gens à l’origine du gilet jaune le disent depuis le début. Ils en ont assez d’être pris pour des pigeons, des vaches à traire, des décérébrés du bulbe, des sans honneur. Ils veulent se révolter. Il se révoltent. Gaby bossait à Gaz de France donc. Il y a usé sa santé. Il est parti en retraite sans se douter qu’on allait vendre Gaz de France à Suez en 2007. Quand je dis vendre, je déconne. Offrir serait plus adéquat. Une histoire de prédateurs et d’hommes politiques très compromis. Sarkozy, Hollande Villepin, Royale, Coppé, Longuet… Tous vont oeuvrer avec des responsabilités diverses à cette prédation consentie. Je ne vais pas développer ici (lisez notre livre, « les prédateurs » en vente partout). Tonton Gaby casse sa pipe. GDF devient Engie. Méthode Suez, extrême capitalisme. On pressure et on défiscalise à mort. Non seulement, se chauffer devient un luxe mais Engie, avec la bénédiction des politiques, Macron de chez Rothschild en tête, envoie ses bénéfices au Luxembourg (27 milliards en 2015, passez l’info à Google). L’État français se prive de 2 milliards d’impôts. Alors que nous, cochons de payeurs, on raque. On raque. Et on regarde passer les trains et les prédateurs qui se goinfrent. Et on ne doit rien dire. Et on doit – sous prétexte de réchauffement climatique, sous prétexte de récupération politique- fermer sa gueule. Ben non. Ce qui se prépare ici, c’est une Jacquerie. Le message est clair et éminemment politique. Les pauvres en ont marre d’avoir froid, de jouer du crédit le 15 du mois, de faire des demi pleins. Alors qu’à la télé, ils entendent chaque jour se raconter une histoire qui n’est plus la leur. Alors que leur président déroule le tapis rouge à ceux qui ne paient pas d’impôts, Frère, Desmarais, Bolloré, Arnault… Ceux qui font croire qu’ils nous sont indispensables, qu’ils sont des premiers de cordées. Foutaise. Demain, avec le fantôme de Gaby je serai gilet jaune à donf.
      Les beaufs et les cols blancs de Saint Germain n’ont rien compris, ce n’est pas un mouvement marqué à droite. Ni vraiment à gauche. C’est punk. No future dans ce monde-là

      #Denis_Robert
      https://seenthis.net/messages/736344

    • Les « gilets jaunes », ou la révolte de la France des ronds-points

      Jean-Laurent Cassely

      http://www.slate.fr/story/169626/blocage-17-novembre-gilets-jaunes-revolte-ronds-points-france-peripherique-die

      « Nous allons nous rejoindre sur un parking de centre commercial à Sens », témoigne encore le créateur d’un groupe Facebook local appelant au blocage. Dans le territoire marqué par l’étalement urbain, le rond-point devient l’équivalent logistique et symbolique du rôle joué par la place dans les mouvements de protestation de centre-ville, dont l’expression française fut la tenue, place de la République à Paris, du rassemblement Nuit Debout. La place conserve, à gauche, une connotation politique forte, comme en témoignent encore récemment le cas de l’aménagement du quartier de La Plaine à Marseille, ou le mouvement politique lancé par Raphaël Glucksmann, baptisé « Place publique ».

      À l’opposé de cette culture politique, en tout cas assez loin de ses habitudes, l’automobile devient le langage de la protestation des mouvements périphériques. Si les unes et les uns se réunissent en grappes humaines, forment des assemblées et des cortèges, nourrissant une culture politique marquée par les grands mouvements sociaux, les luttes passées qui peuplent l’imaginaire collectif du « peuple de gauche » et un idéal de démocratie directe et participative, les autres, dans un rapport au corps et à l’espace différent, forment des « opérations escargot » et autres figures chorégraphiques d’un grand ballet motorisé qui se danse depuis l’intérieur de son habitacle. C’est par le « périph » que les manifestants ont prévu de rouler (et non de marcher) sur Paris. C’est aussi sur le périphérique des grandes villes que se sont réunis plusieurs groupes locaux pour préparer la journée du 17 novembre.

    • De la France périphérique à la France des marges : comment rendre leur juste place aux territoires urbains marginalisés ?

      https://urbs.hypotheses.org/411

      Samuel Depraz, enseignant-chercheur, géographie, Université Jean Moulin Lyon 3, UMR Environnement, Villes et Sociétés

      La France périphérique, ou la paresse intellectuelle de la dichotomie

      C’est, d’abord, une lecture simpliste qui nie ce qui fait l’essence même de la géographie, c’est-à-dire l’attention à la nuance et à la diversité des territoires. « Décrire la terre », c’est être sensible aux différences et à la pluralité des mondes sociaux. Ainsi, dans les périphéries, les situations de pauvreté ne sont jamais identiques d’un espace à l’autre, et on trouvera tantôt de la pauvreté monétaire, tantôt de la précarité matérielle, parfois aussi un déclassement social et un isolement des personnes. La pauvreté, c’est aussi un rapport social défavorable, souvent entretenu par des politiques publiques défaillantes. Le tout se recoupe souvent, mais pas toujours : on rappelle ainsi les dimensions – complexes – de la pauvreté, au sens de Serge Paugam (2005) ; ceci nécessite une lecture plus détaillée des territoires, comme le propose par exemple Catherine Sélimanovski dans son analyse de « la frontière de la pauvreté » (2008) ou encore l’analyse de Raymonde Séchet sur la relation entre espaces et pauvreté (1996). Et l’idée de périphérie, souvent réduite à sa dimension économique, s’appréhende également par de multiples autres outils : mobilités et transports, flux migratoires, modes de vie alternatifs et contestation sociale ou électorale – sans que l’on puisse raisonnablement combiner tous ces indicateurs thématiques, au risque de produire des corrélations hasardeuses et des indices agrégés absurdes.

    • Le thread d’un journaliste-photographe avec des portraits de vraies tronches de vies jaunes :

      [THREAD] Quelques réflexions à propos des #giletsjaunes. Hier, je ne me suis pas mêlé à mes confrères journalistes pour « couvrir » cette journée du #17novembre2018. Faire des images de cette journée était tout à fait respectable. Mais je m’interroge sur le sens de ces images. Je m’explique. L’action de ces #giletsjaunes échappe aux politiques et marque une défiance à l’égard des médias. Le gilet jaune est devenu un symbole mais un symbole réducteur sur le sens de ce mouvement. Il symbolise la voiture et les carburants. Or, la colère va bien au-delà...

      https://twitter.com/VinceJarousseau/status/1064157135150465026

    • La vie en jaune
      http://www.dedefensa.org/article/la-vie-en-jaune

      18 novembre 2018 – Hier, j’avais très mal au dos, attaque pernicieuse et violente à la fois d’une sciatique irréfragable, une du grand âge.... Alors, j’ai sacrifié pas mal de mon temps sur un fauteuil à dossier très droit et, avec peu de courage pour lire, j’ai laissé aller l’“étrange lucarne”. Il n’était question que de cette “journée en jaune”

      Je me fixe sur le “centre de crise” de la chaîne, Arlette Chabot aux commandes, conduisant un talk-show permanent avec deux vieilles badernes de ma génération, dont l’incurablement pontifiant d’Orcival, de Valeurs Actuelles, avec en arrière-plan les reportages constants sur les divers points stratégiques choisis comme références de cette “journée en jaune”.

      Vers la fin de l’après-midi, l’habituel “tour de France” des correspondants était ramené aux points (...)

      repéré sur https://seenthis.net/messages/736556

    • À qui appartient la mort d’une femme, qui a le droit de l’arracher à l’anecdote d’un accident ? | Slate.fr
      http://www.slate.fr/story/170049/chantal-mazet-gilets-jaunes-morte-savoie-17-novembre

      Elle n’a pas trouvé la force, explique-t-elle, de prendre la route, ni d’annoncer à sa fille que sa grand-mère était morte ; elle a trouvé un « soutien moral » chez les gilets jaunes et ses « amis de l’instant ». Et sa maman, « décédée SUR LE MOUVEMENT », « APPROUVE DONC NOTRE ACTION !!!! ». Ces capitales et ces points d’exclamation sont le cri de l’heure. Ils ne disent pas seulement une souffrance, mais ce que cette souffrance construit politiquement.

      Vers une heure du matin, Alexandrine Mazet, ajoutait ceci, dans le désordre de la nuit : « Qu’ils aillent tous se faire tater les castaner de rugy macreux & co !!echec du rassemblement ??? échec de votre tentative de manipulation !!!VOUS NOUS AVEZ POUSSÉS DANS NOS RETRANCHEMENTS ! VOUS SEMEZ LA DISCORDE AU SEIN MÊME DU PEUPLE FRANÇAIS !VOUS ÊTES LA CAUSE DE CE RASSEMBLEMENT ! DONC DE CAUSE À EFFET VOUS ÊTES RESPONSABLES !!! ».

    • https://soundcloud.com/user-898678423/entretien-avec-deux-gilets-jaunes-bretons-pas-de-politique-ni-de-syndica

      Qui sont les anonymes qui appellent aux blocages samedi 17 novembre et se réclament du peuple ? Loin d’être limitée à la hausse du diesel, leur colère est celle d’une France moyenne, éloignée des métropoles et de la participation politique, et qui croit aux vertus révolutionnaires de Facebook. Rencontre avec deux porte-paroles bretons d’un groupe de gilets jaunes en colère.

      source : radioparleur.net 2nd lien cité par @val_k

    • https://twitter.com/LaMulatresse_/status/1064195118813650945

      Je viens de la case en dessous du prolétaire moyen,

      Le prix de l’essence nous concerne pas vu qu’on a pas de voiture, nous on se tape le bus et les trains dont tout le monde se fout totalement

      Les gilets jaunes = les gens qui nous méprisent le plus. On est des profiteurs et on vole leurs travail de merde sous payé selon eux. Donc si j’ai envie de dire que ce sont de gros beaufs racistes et sexiste personne ne m’en empêchera.

    • À la cour du président des riches, on s’interroge. Qui sont ces gueux sous nos fenêtres ? Pourquoi ces brailleries et ce grabuge alors que nous faisons tout pour leur bien ? Du côté des experts médiatiques et des voyantes ultra-lucides, on se demande quelles sont ces gens-là, des beaufs racistes et violents ou juste des ploucs avec leurs bagnoles qui puent ? Des fachos ou des fachés ? Faut-il les lécher ou les lyncher ?

      Selon les sondages, ils ont la faveur de l’opinion, donc ils ont nos faveurs [1]. Il sera toujours temps de les lâcher ; une bavure, une violence et on les repeint en rouge brun. Mais avant tout, la question est : qui est derrière ça ? Qui ? Le FBI, la Russie ? L’extrême droite ? Le lobby du pétrole ? De la bagnole ? Les Chinois qui fabriquent les gilets jaunes ?

      Et non, les amis, celui qui est derrière ça, c’est Macron lui-même, le Robin des Bois à l’envers, celui qui prend aux pauvres pour donner aux riches. C’est lui qui est à l’origine de tout ça, au départ, la violence, c’est lui. Lui et son monde. La violence de l’injustice et de l’arrogance, c’est eux. Sauf que les gueux ont fini par se lasser. Abusés, humiliés, invisibles et tondus jusqu’à l’os, la goutte d’eau a allumé l’étincelle. Alors que règnent la résignation et le repli, voilà qu’ils se lancent de partout, en jaune, depuis le plus profond du pays. Surprise générale devant ce grand cahier de doléances. Près de 300 000 ce samedi à travers l’hexagone.

      Bon mais, c’est bien joli, spontané, auto-organisé, mais sans structure organisée, vous croyez que ça peut marcher ? On sait en tout cas qu’avec les partis et les syndicats organisés, pour la loi Travail et pour les cheminots, la victoire n’a pas vraiment été au rendez-vous. Alors ? C’est vrai, pas de drapeaux rouges avec les gilets jaunes. Pas de République, ni de Bastille, on fonce tout droit sur l’Élysée en repassant par où la foule était massée lors des funérailles de Johnny. Un hasard, sans doute. Et partout, dans le pays, les ronds-points, les péages, les parkings de supermarchés. D’autres espaces, d’autres lieux de lien.

      La suite ? Un coup d’épée dans l’eau ou la prise de la Bastille ? Un défoulement sans suite ou un mouvement de fond ? Bien sûr, la droite racole à fond et l’extrême droite est à la manœuvre, normal, bien sûr la gauche doit soutenir et porter cet étonnant élan. Oui, un élan aussi étonnant, c’est pas si souvent. Samedi, vers l’Élysée, entre grenades et lacrymos, notre reporter Dillah Teibi a rencontré quelques-unes et quelques-uns de ces gueux.

      Daniel Mermet

      https://seenthis.net/messages/736858

    • Les gilets jaunes à l’épreuve des agressions racistes et homophobes

      https://rouendanslarue.net/les-gilets-jaunes-a-l-epreuve-des-agressions-racistes-et-homophobes

      L’expression terrifiante du sexisme, du racisme et de l’homophobie. Des humiliations, des agressions et parfois des lynchages d’une violence à vomir comme à Saint-Quentin où une femme a été forcée de retirer son voile, ou encore à Bourg-en-Bresse où un couple homosexuel a été attaqué. Précisons que dans le premier cas d’autres gilets jaunes ont tenté d’aider et de protéger cette femme avant d’être pris à partie à leur tour.

      Les organisateurs-administrateurs de page facebook condamnent et se désolidarisent de tels actes, à Saint-Quentin mais aussi à Cognac où c’est une femme noire qui s’est fait agresser. On peut supposer qu’ils sont réellement choqués par de tels gestes. Ils sentent bien aussi, comme beaucoup, que même si ces faits sont minoritaires et qu’ils ne sont pas publiquement assumés (au contraire, les administrateurs suppriment régulièrement les propos racistes sur les pages Facebook), ils fragilisent cette mobilisation en la montrant sous son pire aspect – dont se repaissent évidemment les médias.

      En effet, ce ne sont pas les prétendus casseurs ou les éléments extérieurs qui sont une menace pour ce mouvement. Mais tous ceux qui sont prêts à agresser d’autres personnes pour des motifs racistes, sexistes et/ou homophobes. Nous continuons de penser, avec d’autres (Nantes Révoltée, LaMeute et Dijoncter notamment) que ce mouvement mérite notre attention et que cette lutte est légitime. Les affects racistes et homophobes, s’ils sont bien présents, ne sont ni hégémoniques ni le moteur de cette colère – comme c’était le cas par exemple dans la manif pour tous. Sinon il faudrait effectivement la déserter sur le champ.

    • affordance.info : Les gilets jaunes et la plateforme bleue.
      https://www.affordance.info/mon_weblog/2018/11/gilets-jaunes-facebook-bleu.html
      https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef022ad3a15778200d-pi

      Gilets Jaunes et plateforme bleue.

      Du point de vue qui est le mien sur ce blog, à savoir l’observation des phénomènes culturels et sociétaux liés au numérique, l’opération gilets jaunes est un exemple de plus de la manière dont Facebook en particulier, « les réseaux sociaux » et internet en général, ont « facilité l’organisation des révolutions sociales mais en ont compromis la victoire » comme l’expliquait Zeynep Tufekci il y a déjà 4 ans.

      Le journaliste Jules Darmanin a publié sur Twitter ce qui me semble être, avec celle de Zeynep ci-dessus, l’autre analyse la plus pertinente de ce mouvement de mobilisation en ligne :

      « Les gilets jaunes se sont constitués grâce aux groupes facebook, il est donc logique qu’ils finissent comme des groupes facebook : mal modérés, pourris par des éléments toxiques et remplis de gens qui ont des visions différentes pour le même groupe. »

      Gilets Jaunes et Nuit Debout.

      Cette mobilisation sans réelle revendication claire, semblant ne reposer sur aucune base syndicale ou politique, sans leader ou porte-parolat identifiable (à part Jacline Mouraud ...) est un peu à la France des déclassés ce que le mouvement Nuit Debout avait été à la France des jeunes sur-diplômés. En tout cas du point de vue de la réception médiatique et sociologique du phénomène.

      Personne n’a encore bien sûr conduit d’analyse sur la composante sociologique des gilets jaunes à l’image de ce qui avait pu être fait pour le mouvement Nuit Debout mais il apparaît clair, tant dans le traitement médiatique que dans les ressentis exprimés sur les réseaux sociaux, qu’il y a autant de « beaufs, connards, racistes » dans les gilets jaunes pour les uns qu’il pouvait y avoir de « bobos, gauchos, droitdelhommistes » dans Nuit Debout pour les autres.

    • Merci pour les liens vers l’analyse de #Olivier_Ertzscheid, @unagi, c’est une des personnes qui me fait le plus réfléchir actuellement. Un autre est #André_Gunthert, avec cette excellente analyse de l’image sociale, comme souvent, autour des dessins assez minables de #Xavier_Gorce :

      A l’instar de nombreux éditorialistes, le mouvement des gilets jaunes a inspiré à Gorce une incompréhension et une raillerie mordante. L’épithète d’« abrutis » franchit un seuil de virulence rarement observé dans la presse des classes favorisées

      Il aura suffi du soutien empressé de Marine Le Pen pour effacer la substance du symptôme manifesté par la jacquerie : celui de la paupérisation qui atteint les classes moyennes françaises comme elle a envahi celles des Etats-Unis, portée par les politiques de transfert des ressources vers les plus riches.

      Faut-il aider des pauvres de droite (selon la lecture opportunément politique de leur apolitisme) ? Allons donc ! Il suffit de les insulter.

      « On n’a pas fini de se moquer des pauvres » : http://imagesociale.fr/6717

    • J’étais en train de le lire, @unagi (càd de faire un enregistrement pour @karacole ) mais ce passage m’a vraiment fait bloquer (je mets en gras la partie) :

      L’effondrement de leur foyer, celui de leurs fins de mois, celui de leur niveau de vie, de leurs sorties au restaurant, de leurs cadeaux à leurs enfants, celui de leur quotidien à chaque fois amputé de ces quelques euros qui te maintiennent dans une forme de dignité et d’attention à l’autre et à des causes qui te dépassent, mais qui, lorsqu’ils viennent à manquer, t’enferment dans les plus grégaires de tes instincts, dans les plus vaines de tes colères .

      Je suis très mal à l’aise avec cette partie parce que je la trouve glissante : ce n’est pas perdre des euros qui te fait basculer, c’est paniquer, c’est perdre espoir, c’est se sentir menacé, mais surement pas quelques euros ou même la pauvreté, et c’est la que le glissement est dangereux, même si je ne crois pas que l’auteur pense que les pauvres ne sont pas dignes, je crois qu’il aurait été judicieux de le formuler autrement... Du coup, comme je n’ai pas pu m’empêcher de commenter, j’hésite à mettre en ligne l’enregistrement ... :/ P’t’être que je vais faire une sélection et en mettre en ligne plusieurs en même temps.

    • Gilets jaunes : Le soulèvement de la France d’en-bas
      https://lvsl.fr/gilets-jaunes-le-soulevement-de-la-france-den-bas

      Le mouvement des gilets jaunes se résumerait-il à une « grogne » des Français moyens, qui regardent Auto-Moto et Téléfoot le week-end en attendant le retour de la saison des barbecues ? C’est l’image qu’en donne la majorité des médias et des commentateurs politiques. Cette « grogne » n’est en réalité que la partie émergée d’un iceberg : celui d’une crise profonde qui fracture la société et le territoire français.

    • « Depuis samedi, nous nous sentons un peu moins seuls et un peu plus heureux »

      Avant même que nous agissions, la plupart des médias et de nombreux politiciens nous on décrit comme des gros balourds anti-écologiques qui voulaient préserver le droit à polluer tranquille. Sur quelle planète pensent-ils que nous vivons ? Contrairement à eux, nous avons les pieds sur terre. Non, nous ne réclamons pas le droit à polluer chaque jour un peu plus une planète déjà bien mal en point. Ce que nous refusons c’est ce chantage dégueulasse qui consiste à faire peser sur nos épaules la responsabilité du carnage écologique et son coût. Si la planète est dans cet état, si on n’est même pas certains que nos petits enfants y survivront, c’est pas parce que nous utilisons notre voiture pour aller au boulot mais parce que des entreprises, des dirigeants et des hommes politiques ont jugé pendant des années qu’il fallait mieux faire tourner l’économie à toute blinde plutôt que de se préoccuper des animaux qui disparaissent, de notre santé, de notre avenir.

      https://lundi.am/Depuis-samedi-nous-nous-sentons-un-peu-moins-seuls-et-un-peu-plus-heureux

    • @val_k Je comprends ton questionnement, « et à des causes qui te dépassent » est aussi sujet à interprétations. Il me semble le passage est batit sur une illusion et sur l’absence de connaissance de ce qu’est être pauvre, vraiment pauvre. Si ton enregistrement donne à débattre, ou non, je pense que c’est intéressant de le partager et que tu en exprimes les limites.

    • S’il y a plus de 300 000 fachos actifs dans l’hexagone il est grand temps de prendre son passeport et de quitter le pays. Mais tel n’est pas le cas !

      UNITÉ DE CEUX QUI COMPTENT EN CENTIMES

      CONTRE CEUX QUI COMPTENT EN MILLIARDS

      Ce qui ne passe plus c’est l’injustice, l’incohérence et l’hypocrisie.

      Car la réalité de l’année 2018 est celle-ci : Frais bancaires : +13%, Carburant : +12%, PV stationnement : +130%, Assurances : +3 à 5%, Mutuelle : +5%, Timbres poste : +10%, Carte grise : +15%, Tabac : +10%, Abonnement bus : +3%, Péage routier : +1,3%, Gaz : +7%, Forfait hospitalier : +15%, Abonnement vélib : +30%, Contrôle technique automobile : +23%, Cantine scolaire : +1 à 3%, Fioul domestique : +36%, Électricité : +17%, CSG : +21,7%....

      Quant aux retraites, c’est -1,7% et le smic : +1,2%, tandis que les salaires stagnent globalement.

      http://www.rennes-info.org/Gilets-jaunes-Syndicalement

    • Gilets jaunes : on y va ? Expansive.info
      https://expansive.info/Gilets-jaunes-on-y-va-1282

      Dresser un profil ethnique et générationnel de ce mouvement en moins d’une journée en dit long sur les capacités intellectuelles omniscientes de l’intelligenstia radicalisée pour laquelle ces initiatives sont soit directement pilotées par l’#extrême-droite, soit réactionnaires par essence donc essentiellement le terreau sur lequel l’extrême droite va se renforcer. Étant données les positions qui relèvent d’un marxisme orthodoxe éculé pour lequel le seul vrai sujet révolutionnaire est le prolétariat industriel (et la seule vraie lutte celle liée à la production ou au travail), ou pour les plus "post-modernes" le sous-prolétariat « racisé » qu’on ne cesse d’opposer aux "blancs privilégiés", il semble effectivement que ce mouvement soit du pain béni pour l’extrême droite à laquelle nous laissons, par notre mépris et distance, tout un #espace_politique à prendre.

      « Gilets jaunes », un peuple qui vient  ? Patrick Cingolani
      https://www.liberation.fr/debats/2018/11/20/gilets-jaunes-un-peuple-qui-vient_1693139

      On aura beau dénoncer la dimension d’arriération du mouvement quant à l’enjeu écologique, c’est bien l’#égalité_sociale contre l’iniquité du traitement de faveur fait aux plus riches qui est l’objet central de cette contestation.

      Gilets jaunes : des signaux alarmants, selon les renseignements, #DCRI
      http://www.leparisien.fr/economie/gilets-jaunes-des-signaux-alarmants-selon-les-renseignements-20-11-2018-7

      Radicalisation des Gilets jaunes, convergence des luttes, ou effet d’aubaine ? Observateurs et analystes peinaient à y voir clair ce mardi soir sur l’évolution de ce mouvement hétérogène et non coordonné dont chacun s’accorde sur le caractère inédit.
      Une chose est sûre : pour le ministère de l’Intérieur, le #maintien_de_l’ordre est extrêmement compliqué à organiser...

    • peut-être que ce billet de @lieuxcommuns t’as échappé @val_k

      « Gilets jaunes » : la démocratie directe en germe ?
      Le mouvement populaire en cours, qu’il le sache ou non, défie toute l’organisation de la société et récolte un mé­pris officiel à la hauteur. Le surgissement de cette colère réveille des questions enfouies depuis si longtemps que leur simple formulation effraie. Pourtant la dégradation de la situation générale est telle qu’un choix s’impose entre le chaos qui s’avance et la reconquête, lente et laborieuse, d’une souveraineté véritablement collective.

      https://seenthis.net/messages/737319
      une analyse du collectif @lieuxcommuns en + de leur impeccable #revue_de_presse


      en bonus, leblogalupus.com trouvé sur leur site.
      https://leblogalupus.com/2018/11/19/les-revoltes-du-week-end

    • "Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire »
      http://lenumerozero.lautre.net/Les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-l-histoire

      Néanmoins, ces similitudes entre des luttes sociales de différentes époques masquent de profondes différences. Je vais m’y arrêter un moment car elles permettent de comprendre ce qui fait la spécificité du mouvement des gilets jaunes. La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.

      La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.

    • Gilets jaunes. Affrontements à Langueux : la rumeur [#DCRI / Parisien Libéré, ndc] de l’ultra-gauche démentie
      https://www.letelegramme.fr/france/affrontements-a-langueux-la-rumeur-de-l-ultra-gauche-dementie-21-11-201

      Les « casseurs » langueusiens n’ont aucun lien connu ou déclaré avec l’ultra-gauche. Ils n’expriment aucune accointance politique particulière, au-delà de leur intention de se frotter au système sans ménagement. Et c’est plutôt ce caractère nouveau d’une radicalité plutôt rurale, capable de se donner des moyens d’action (barre de fer, cocktails Molotov) dans une certaine improvisation, qui a fait tiquer les services de renseignement. Leur point commun : ils ont un casier. Mais là encore, pas de quoi en faire des caïds d’habitude. En témoignent les peines dont trois d’entre eux ont écopé, ce mercredi, devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Quatre mois ferme sans mandat de dépôt pour l’un. Des peines de 4 et 6 mois de sursis assorties d’une obligation de travaux d’intérêt général pour les deux autres.

      #punks

    • @vanderling méfiance avec l’article de blog mediapart que tu mets en lien... L’auteur est un abonné qui squatte allègrement les commentaires de pratiquement tous les articles. C’est un obsédé, il a un problème : il voit des totalitarismes partout, jusqu’à l’hallucination, et fait des amalgames absolument infects.

      D’ailleurs si tu lis « l’article » en question, en gros c’est : je copie/colle des bouts d’articles de mediapart et j’en fait mon beurre (insinuations, inférences foireuses, etc.). Pas vraiment une référence le gars...

    • Quand les « gilets jaunes » dérapent...
      https://www.cgtdouanes.fr/actu/article/propos-sur-la-douane-des-manifestants-gilets-jaunes-a-flixecourt
      Les douaniers en colère (et on les comprends)

      Dans un post abject sur Facebook et des vidéos qui circulent sur tous les médias ce jour, des manifestants appartenant au « mouvement » des gilets jaunes se félicitent d’avoir traqué des migrants dans la cuve d’un camion. Ils s’enorgueillissent même de faire « mieux que la douane et de pouvoir (y) postuler, CV et lettre de motivation ». D’autres propos, absolument ignobles, ne peuvent être repris ici.

      Forts de leurs convictions racistes, ils ont préféré appeler la gendarmerie plutôt qu’une association d’entraide pour les secourir. Dans cette vidéo, les protagonistes appellent à « un barbecue géant ». Tout ceci rappelle de bien tristes et peu glorieux événements de notre histoire…mais c’est surtout un appel clair à la haine raciale.
      Est-ce donc de ce monde là que nous voulons ? Un monde de haine, de bêtise, d’ignorance, de division…
      N’oublions jamais que le racisme est un délit.

    • http://mondialisme.org/spip.php?article2714

      Alors que l’extrême gauche (voire au-delà) se pâme devant les « gilets jaunes » (le jaune étant pourtant traditionnellement dans le mouvement ouvrier la couleur des briseurs de grève) quelques voix isolées se dressent devant le consensus médiato-politique comme celle du site « Ligne de crêtes » en avançant des arguments solides. On peut ne pas être d’accord avec tout ce que contient l’article ci-dessous, mais approuver l’essentiel : non à l’union sacrée des autonomes radicaux à Marine Le Pen, en passant par Dupont-Aignan, Laurent Wauquiez, Mélenchon, Lutte ouvrière, le NPA, Besancenot et les Identitaires !
      Celles et ceux qui dénoncent Trump et Bolsonaro ne voient pas que ce mouvement des gilets jaunes repose sur les mêmes bases sociales hétérogènes qui les ont portés au pouvoir, la même confusion idéologique (dans laquelle se reconnaissent l’extrême droite et l’extrême gauche, cette dernière ayant abandonné toute ligne de classe), les mêmes moyens (les réseaux sociaux où les fascistes masqués pratiquent le dévervelage depuis des années), le même programme (en réalité supprimer toutes les conquêtes sociales, résultat de luttes collectives, au nom d’une prétendue critique radicale de l’Etat et de la défense des droits des contribuables), les mêmes théories du complot (Macron et les « banques ») et les mêmes pulsions nationalistes et xénophobes.

      YC, Ni patrie ni frontières, 23 novembre 2018.

      https://www.lignes-de-cretes.org/de-la-difference-entre-boucher-une-artere-et-creer-un-coeur

    • Cela fait plus d’une semaine qu’a débuté le mouvement des « gilets jaunes ». Ce mouvement social prend une ampleur et des dimensions inédites en France depuis de nombreuses années. C’est un mouvement dans lequel il semble difficile de s’impliquer pour une grande partie des militants révolutionnaires, syndicaux, de gauche, écolos… Bien qu’avec les jours qui passent de plus en plus de personnes et de groupes s’y investissent.

      Exploités énervés est jusqu’à ce jour resté muet sur le sujet. Comme tant d’autres nous avons pu être surpris, mais suffisamment curieux pour aller voir. Nous sommes allés sur différents blocages à Alès et ce que nous avons vu, c’est des travailleurs, des chômeurs, des retraités, des lycéens… qui en ont marre de voir leur conditions d’existence se dégrader quotidiennement, de n’avoir aucun contrôle sur les décisions, tandis qu’une minorité s’enrichit toujours plus.

      Il est certain que ce mouvement est traversé de contradictions. Il porte en lui les contradictions du temps présent. Nous pensons que c’est dans l’échange, dans la lutte, que les dépassements pourront se produire.

      https://exploitesenerves.noblogs.org/gilets-jaunes-mobilisation
      https://exploitesenerves.noblogs.org
      https://www.youtube.com/watch?v=gJV1gy9LUBg

    • Incursion en France jaunie où la colère est nourrie et exploitée
      Un article très bien documenté et qui devient indispensable tant le déni se développe chez les « camarades » qui préfèrent tenter le zbeul plutôt que se retenir en pariant, une fois encore, sur le moindre mal. A lire sur Le blog de Sauvergardons bocage : https://blogs.mediapart.fr/sauvergardons-bocage/blog/211118/incursion-en-france-jaunie-ou-la-colere-est-nourrie-et-exploitee

      Réseaux sociaux et médias ont boosté les « gilets jaunes » comme aucune lutte ne l’a jamais été auparavant. Un peu d’investigation révèle à quel point l’extrémisme de droite est dans la place donc ancré dans ce mouvement qu’on respecte parce qu’il porte du déclassement ou par culpabilité ? Pourquoi nous en sommes là ?

    • Classes d’encadrement et prolétaires dans le « mouvement des gilets jaunes »
      https://agitationautonome.com/2018/11/25/classes-dencadrement-et-proletaires-dans-le-mouvement-des-gilets-

      La « colère populaire » qui se fait entendre est un funambule sur une ligne de crête. Tout dépendra de l’abnégation de certains blocages à perdurer dans leur essence, c’est-à-dire une négation de la politique comme pratique collective, syndicale ou autonome, et à leur préférer une horizontalité confuse débouchant sur un commun plus populiste et nationaliste type M5S (malgré de réelles dissemblances) qu’émancipateur. Si c’est cette optique qui l’emporte, le fait d’investir ces espaces donnera à ces derniers une respectabilité déviant toute critique. Alors, le « mouvement » cherchera à se trouver des leaders, tendant la joue à toute une partie du spectre politique parlementaire. A l’inverse, si l’ensemble des franges du « mouvement social » (en particulier syndicales) tentent de mobiliser et de charpenter ce mouvement des gilets jaunes sur des bases saines (notamment antiracistes, comme certaines Union Locales et Fédérations le tentent actuellement), il est fort probable qu’il y ait un intérêt stratégique dans certains espaces pour structurer la contestation sur des bases classistes (prolétariennes).

      Il s’agira de dépasser les objectifs antifiscaux éloignés de notre camp social pour se focaliser dans un premier temps sur les attaques actuelles de la bourgeoisie contre les travailleurs. Cela signifie la grève générale comme premier moyen de lutte.

      La revendication du droit à la mobilité, telle qu’elle, reste bien entendu encore prise au piège dans les filets de la reproduction négociée du capital, et nous ne savons qu’une chose : dans la phase politique actuelle, seules deux perspectives se dégagent. Celle du fascisme, ou celle du communisme.

    • Retour sur le parcours d’un agriculteur star devenu « gilet jaune »
      https://labogue.info/spip.php?article302

      Il n’est pas question ici d’analyser le mouvement des gilets jaunes mais il nous a semblé important de pointer du doigt ceux qui veulent se réapproprier un « mouvement #citoyen » en prenant le masque de la respectabilité.

      Focalisons-nous donc sur l’un des organisateurs autoproclamés des « gilets jaunes » à #Limoges : Christohe Lechevallier.

    • « Gilets jaunes », la nouvelle Jacquerie ?
      26/11/2018
      https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/gilets-jaunes-la-nouvelle-jacquerie

      Les Gilets Jaunes, une révolte populaire ? Une jacquerie 2.0 ?

      Après un week-end de mobilisation, et alors que les blocages se poursuivent aujourd’hui dans toute la France, tentative de clarification d’un mouvement et de ses revendications, avec le grand historien de l’immigration et de la classe ouvrière Gérard Noiriel , auteur d’Une Histoire populaire de la France (Agone, 2018).

      Directeur d’études à l’EHESS, il est aussi l’auteur de Le Creuset français. Histoire de l’immigration (Seuil, 1988) et de Qu’est ce qu’une Nation ? (Bayard, 2015).

      http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/12360-26.11.2018-ITEMA_21902640-1.mp3?track=false

    • La création d’une « délégation » de huit gilets jaunes a été annoncée ce matin dans un communiqué.
      https://www.liberation.fr/checknews/2018/11/26/qui-a-choisi-les-huit-porte-parole-des-gilets-jaunes-que-veulent-ils_1694

      Vu la taille du morceau, très teinté brun, j’ai fais une publication spécifique de l’analyse complète de ces profils : https://seenthis.net/messages/738886

      et sinon, @mad_meg la video marche très bien si on clique sur le lien, je sais pas pourquoi la vignette déconne... et non, justement, ça n’est pas civitas, mais juste des braves gens...

    • Des gilets jaunes à ceux qui voient rouge
      https://agitationautonome.com/2018/11/22/des-gilets-jaunes-a-ceux-qui-voient-rouge

      La diversité des gilets jaunes selon les points de mobilisation a permis à tout un chacun d’y apposer son petit drapeau idéologique en ne retenant que ce qui l’arrange. Ainsi l’Action Française, le Bastion Social (ex-GUD), le Rassemblement National, Les Républicains mais aussi la France Insoumise, divers groupes trotskistes du NPA à Lutte Ouvrière, ou même des anarchistes partis répandre la bonne parole ont tous pu prétendre à la victoire et se galvaniser de la réussite toute relative de cette journée d’actions du 17 novembre – rappelons que 250 000 manifestants dans toute la France, c’est considéré comme une défaite lors d’une mobilisation syndicale, et encore ici ils ne font même pas grève.

      Quoi qu’en disent certains manifestants isolés exprimant leur ras-le-bol de façon désordonnée à des caméras en quête de déclarations choc, le mouvement s’est construit autour d’un discours poujadiste de protestation contre « les taxes » et « les impôts » qui « étouffent le peuple », ce qui est loin d’être un combat de classe (et contrairement à ce qui est avancé, près de 70 % de la hausse du prix vient des fluctuations du cours du pétrole et non pas d’une politique délibérée de l’Etat).

    • Deux sociologues dans les beaux quartiers avec les gilets jaunes
      https://www.humanite.fr/deux-sociologues-dans-les-beaux-quartiers-avec-les-gilets-jaunes-664163

      En ce samedi 24 novembre 2018, nous partons rejoindre le mouvement des gilets jaunes pour nous faire notre propre opinion. Nous pressentons que l’instrumentalisation de l’extrême droite est une manipulation de plus pour discréditer la colère des « gueux », pour reprendre une expression souvent employée par des manifestants qui se sentent dépouillés non seulement financièrement, mais jusque dans leur humanité même. Le mépris et l’arrogance d’Emmanuel Macron reviendront plus souvent dans les témoignages que nous avons recueillis que la hausse des taxes sur le carburant. Cette hausse est en réalité le déclencheur d’une colère beaucoup plus profonde, qui réunit les hommes et les femmes dans une révolte dont ils savent parler. Ils contestent la légitimité d’Emmanuel Macron à l’Élysée, son élection n’étant que le résultat du pouvoir de l’argent sur le monde politique : « Nous ne sommes pas dans une démocratie mais dans une dictature ! » « Nous allons faire en sorte que Macron ne puisse plus se présenter comme le chef du monde libre et de la démocratie. » « Plus rien n’est cohérent, on ne peut plus faire de projets. » Quant aux violences commises, notamment sur les Champs-Élysées, elles sont « la réponse à la violence de l’oppression que nous subissons chaque jour ».

      « C’est nous qui vous engraissons »
      Les gilets jaunes choisissent de manifester dans les beaux quartiers, de façon visible, avec ce jaune fluorescent comme symbole de leur chaleureuse détermination à renverser les rapports de forces, puisque « c’est nous qui vous engraissons : rendez-nous notre pognon ! », comme ils l’ont dit aux clients du restaurant de l’Avenue, à l’angle de la rue de Marignan et de l’avenue Montaigne, juste en face de chez Dior. La préfecture de police voulait les cantonner au Champ-de-Mars, qu’ils ont boudé tout au long de la journée au bénéfice des lieux de pouvoir, le plus près possible de l’Élysée.

      Pour nous deux, la confrontation entre les gilets jaunes et les clients chics de ce restaurant cher du 8e arrondissement a constitué un moment d’observation sociologique exceptionnel. Poussés par les gaz lacrymogènes, les bombes assourdissantes et les canons à eau, nous avons fui par la rue de Marignan avec le slogan repris en chœur : « Macron démission ! » Il est aux environs de 13 heures et la terrasse du restaurant de l’Avenue est pleine à craquer d’hommes et de femmes des beaux quartiers qui portent sur leur corps et leur tenue vestimentaire la douceur et la richesse d’une vie quotidienne embaumée par les pétales de roses. Les gilets jaunes encerclent la terrasse avec leur corps malmené par des conditions de vie difficiles, et ce fameux gilet jaune, symbole du prolétariat et des gagne-petit. Il n’y aura aucune violence physique mais les paroles seront franches dans cette confrontation de classe entre les premiers et les derniers de cordée. « Profitez-en, cela ne va pas durer », « Picolez car vous n’allez pas rire longtemps ! » Les femmes minces et élégantes et leurs maris en costume croisé se lèvent peu à peu pour se réfugier à l’intérieur du restaurant, « Ah bon ! alors on vous dérange ? » demande un gilet jaune. Qu’à cela ne tienne, les manifestants se collent aux baies vitrées et poursuivent leurs invectives de classe : « L’ISF pour les bourgeois ! », « Ils sont en train de bouffer notre pognon ! » C’en est trop, les clients du restaurant ferment alors les rideaux. « Ah ! vous ne voulez plus voir les gueux ? » Ceux-ci se sont peu à peu éloignés pour manifester toujours et encore leur colère.

      Colère de classe contre assurance de classe
      Nous avons été frappés par le calme des grands bourgeois et surtout par leur détermination à déjeuner dans ce restaurant, le lieu où ils avaient décidé de retrouver leurs amis et où ils avaient réservé leur table, dans un entre-soi qu’ils savaient au fond d’eux-mêmes garanti par les forces de l’ordre. Au point même que, vers 13 h 30, quelques clients faisaient la queue à l’extérieur en attendant de pouvoir bénéficier d’une table à l’intérieur. Ils ont affiché une assurance de classe qui ne doit pas présenter de faille, tant que leur vie n’est pas en danger.

      Nous avons été surpris par la reconnaissance de notre travail sur la violence des riches : « Vous avez mis des mots sur notre souffrance et tout ce que vous dites, c’est la vérité ! », « Vous êtes vraiment nos porte-voix ! » Nous avons fait des selfies, il y a eu des embrassades amicales, nous avons échangé et longuement discuté avec les personnes qui nous ont reconnus et abordés. Avant de partir pour le salon du livre de Radio France à la Maison de la radio dans le 16e arrondissement, nous avons rencontré un militant de la fédération CGT des dockers qui leur a conseillé « de rallier les gilets jaunes pour participer à ce mouvement », en disant qu’il « fallait savoir prendre le train en marche pour l’orienter et le soutenir dans ses aspects de confrontation entre les intérêts du capital et ceux du travail ».

      Notre témoignage sûrement incomplet ne se veut pas une analyse péremptoire de ce mouvement des gilets jaunes. Il s’agit plutôt d’attirer l’attention sur les processus de stigmatisation qui ont été mis en œuvre dès le départ afin de masquer une colère de classe en casse séditieuse d’extrême droite. Lorsque nous sommes arrivés à Radio France, la fouille de nos sacs à dos a révélé la présence de nos deux gilets jaunes, dont nous avons dû nous séparer le temps de nos dédicaces mais que nous avons récupérés à la sortie. Nous avons été accueillis par de nouveaux gilets jaunes nous annonçant leur volonté de s’en prendre aux médias publics. Ils avaient le projet d’occuper le lendemain, dimanche 25 novembre, l’esplanade devant France Télévisions.

      Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.

    • Une compilation d’articles pour réfléchir autour de ce mouvement populaire ambivalent et clivant.

      Est-il possible de poser un angle de lutte de classe au sein de ce mouvement ?
      Y-a-t-il possibilité de diffuser au sein de ce mouvement des problématiques autour du genre ou des questions de racisme ?
      Comment ?
      Quels avantages le camp de l’émancipation peut-il tirer de ce moment ?
      Les fachos ont-ils déjà pris le contrôle ?
      Est-il possible de les isoler politiquement au sein du mouvement ?
      Doit-on abandonner tout espoir d’influer positivement sur le cours de ce mouvement ?
      Doit-on le combattre ?
      Comment ?

      https://bourrasque-info.org/home/chroot_ml/ml-brest/ml-brest/public_html/local/cache-vignettes/L271xH200/arton1261-1f408.jpg?1543018951
      https://bourrasque-info.org/spip.php?article1261

    • LE TEXTE que j’attendais : Gilets jaunes : questions pour ceux qui cherchent des alliances : https://carbureblog.com/2018/11/27/gilets-jaunes-questions-pour-ceux-qui-cherchent-des-alliances
      Lecture audio chez @karacole : https://archive.org/details/GiletsJaunes


      Merci @arnoferrat pour le repérage !

      /.../ Et qui va sortir gagnant de cette alliance ? Est-ce que la lutte des classes, c’est seulement entre le « peuple » et le pouvoir ? Est-ce que l’interclassisme ça n’est pas aussi une lutte des classes dans leurs alliances même ? Est-ce que le problème c’est Macron ? Est-ce qu’il faut « dégager Macron » et refaire des élections ? Et dans ce cas qui sera élu à sa place ? Est-ce que les quartiers populaires ont quelque chose à y gagner ? Est-ce que la France blanche-d’en-bas a quelque chose à y gagner ? Est-ce que les plus pauvres ont quelque chose à y gagner ? Pourquoi quand les quartiers manifestent leur colère il y a couvre-feu, alors que quand la France blanche-d’en-bas le fait elle est reçue dans les ministères ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux émeutiers de 2005 de se choisir des représentants ? Est-ce qu’il y a seulement entre les quartiers et la France blanche-d’en-bas de l’incompréhension et de vagues préjugés hérités de la colonisation ? /.../

  • Loi travail : « La jeunesse a amorcé un vrai débat, qui sort de l’idéologie », Patrick Cingolani
    http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/03/31/loi-travail-la-jeunesse-a-amorce-un-vrai-debat-qui-sort-de-l-ideologie_48933

    Il y a une forte sensibilité à l’égalité, une remise en cause du lien de subordination caractéristique du rapport salarial et de la situation en entreprise. Depuis la massification scolaire des années 50 et 60, une majorité de jeunes se socialise en dehors de l’entreprise et de son contexte normatif. L’atmosphère dans laquelle ils vivent est plus égalitaire, plus horizontale. Cela met en contradiction leur aspiration à une certaine réalisation et un milieu du travail qui reste très hiérarchique et contraignant. (...) Les interrogations de cette fraction de la jeunesse sur la relation au travail mériteraient en tout état de cause d’être élargies à d’autres groupes et secteurs de la société.

    #Livre_en_ligne, L’exil du précaire, récits de vies en marge du travail , Patrick Cingolani, 1986
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7840

    #loi_travail #mouvement #précarisation

  • « Notre rapport au travail est en train de changer »
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/01/29/notre-rapport-au-travail-est-en-train-de-changer_4856081_1698637.html

    Le sociologue Patrick Cingolani, auteur de Révolutions #précaires (La Découverte, 2014), invite à réfléchir aux articulations entre #salariat et indépendance.

    Vous affirmez que le terme précaire est porteur d’une multiplicité de sens. C’est-à-dire ?

    Patrick Cingolani.- Sans vouloir monter en épingle la figure du précaire, liée à des formes d’exploitation du #travail, on ne peut pas non plus réduire ce terme à la simple dimension de pauvreté. Ce mot a renvoyé historiquement à autre chose : dès les années 1980 le mot précaire est mis en avant par certains mouvements.

    Dans L’Exil du précaire (Méridiens Klincksieck, 1986), j’évoque des jeunes issus de milieux populaires qui essaient d’échapper au travail et se servent de l’intermittence comme mode de vie alternatif. Le mot précaire est alors l’expression d’une aspiration à l’autonomie et à l’autoréalisation.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces précaires revendiqués ?

    Paradoxalement, on pouvait plus facilement échapper à la contrainte salariale dans les années 1980. Les jeunes risquaient alors plein de choses, mais ils avaient une grande probabilité de retrouver un emploi. Aujourd’hui, les conséquences du travail précaire sont beaucoup plus graves. C’est pourquoi dans mon dernier livre, Révolutions précaires – Essai sur l’avenir de l’émancipation, je m’intéresse aux travailleurs des industries culturelles. On sent chez eux l’ambivalence entre l’aspiration à l’autonomie et la confrontation à de nouvelles formes d’exploitation. Car à travers cette aspiration à l’indépendance, la classe moyenne se précarise.

    J’ai interrogé des personnes qui, à 50 ans, étaient encore dépendantes de leurs parents. Si la résistance à la #précarité dans la société salariale s’appuyait sur des formes de protection sociale et de prise en charge par les institutions, elle tend à reposer aujourd’hui sur l’héritage familial. Mais cette transformation n’en reste pas moins fondamentale. Elle est d’autant plus importante qu’elle se développe à travers les nouvelles technologies : on peut penser aux développeurs ou designers Web qui travaillent irrégulièrement sur une plate-forme, et produisent une valeur intellectuelle et culturelle fondamentale, captée par les entreprises.

    Aujourd’hui, le travail flexible, les espaces de co-working se développent. S’agit-il là d’une des manifestations de cette révolution précaire ?

    La flexibilité existait déjà dans les années 1960 et elle se faisait à l’avantage des ouvriers ! Changer d’usine pour eux était un moyen d’augmenter leur #salaire. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui cherchent à imposer et contrôler la flexibilité. Dans Le Nouvel Esprit du capitalisme (Gallimard), Luc Boltanski explique que le capitalisme a récupéré les idées de 1968. Je pense plutôt que le capitalisme cherche à contrôler la mobilité.

    http://seenthis.net/messages/356217
    http://seenthis.net/messages/339904
    http://seenthis.net/messages/314566

    #contrôle_de_la_mobilité #émancipation #Patrick_Cingolani

  • L’exil du précaire, récits de vie en marge du travail, 1986 - Patrick Cingolani, #livre_en_ligne - CIP-IDF
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7840

    Introduction

    1. Du #travail atypique au #précaire
    1. L’insaisissable travailleur précaire
    2. Trois manières de travailler, une manière de s’y #refuser
    3. Une aversion pour la #discipline_productive, un sentiment d’indignité
    4. Les démarcations du précaire

    2. Le prix du loisir
    1. Une singulière épargne
    2. Liberté existence... une typologie des précaires
    3. Un besoin d’être contre le monde de l’avoir et ses places
    4. L’expérience du quotidien

    3. Une identité vacillante
    1. Échapper au classement
    2. Trouver sa forme d’expression
    3. Une manière d’être qui boite

    4. Les fractures de l’histoire, les partages du présent
    1. Non-conformation au classement et non-conformation aux #normes
    2. Petits #illégalismes et loi
    3. La précarité devant l’inégalité
    4. Le « non » du précaire

    5. La précarité entre l’#égalité et la différenciation sociale
    1. Travailler/Imiter
    2. Les écueils du changement

    Conclusion.
    Annexes

    • En ces temps de grisaille et de #chômage critique où le travail est devenu la valeur suprême et le chef d’entreprise le nouveau kalos kagathos des temps modernes, Patrick Cingolani s’en est allé à la rencontre de ces travailleurs qu’on dit précaires. Ce qui intéresse notre sociologue enquêteur n’est pas la précarité des temps de crise, celle du travailleur intérimaire, de l’employé à temps partiel, du chômeur périodique, tous travailleurs « précarisés », mais la précarité voulue, choisie, de ceux qu’il appelle les exilés volontaires du travail, de ceux qui refusent de se soumettre complètement à l’esclavage salarié, en attendant ou non le « grand soir ». L’enquête, « qualitative » - c’est-à-dire non quantitative au sens où la population enquêtée n’est statistiquement pas représentative d’un ensemble par définition non chiffrable - effectuée à Paris et en banlieue, au hasard des rencontres, porte sur une trentaine de personnes et nous donne à entendre les discours d’hommes et de femmes, plutôt jeunes mais aussi moins jeunes, qui parlent de leur rapport au travail. A partir de ces interviews et de quelques biographies reconstituées, Patrick Cingolani analyse les attitudes, les comportements et les expériences de ces marginaux qui vivent au moindre coût de travail et tente de les classer (eux qui se refusent à tout classement) dans les cadres d’une typologie du précaire axée sur le refus du travail, de l’intégration au monde du travail vécu comme aliénation et perte de soi. Le but du précaire est de retrouver une certaine qualité de la vie au prix d’une situation matérielle que d’aucuns, selon les critères généralement admis aujourd’hui, jugeraient souvent voisine de la misère. Le précaire est bien obligé de travailler pour vivre mais il ne veut pas vivre pour travailler. Vieux dilemme. La dignité du travail, cette dimension fondamentale de l’identité qu’on prête au prolétaire, à l’ouvrier (valeur essentiellement « bourgeoise » : cf. Marx), le précaire la nie. En quoi il est aussi (sans le savoir ?) le continuateur d’une certaine tradition, celle de l’ouvrier qui se veut sans attaches et change, à son gré, de patron et d’emploi (la fixation de la main-d’œuvre fut œuvre de longue haleine...). Aux yeux du précaire, ce qui compte avant tout c’est la réalisation de soi, non dans la richesse matérielle, dans la possession ou la consommation de biens, mais dans l’être en soi, la #disponibilité, la découverte, l’autonomie culturelle, la gamberge, voire le farniente, l’expression personnelle quelle qu’elle soit. Pour atteindre cet idéal de vie, le #temps constitue un superflu vital nécessaire, et ce temps on le gagne sur soi, à travers la réduction des besoins matériels, le mépris de toute promotion sociale, pour ne pas perdre sa vie à la gagner. Etrange pauvreté que celle du précaire qui se cultive, voyage, sort, flâne, libre de son temps, la vraie richesse. Libre de penser par lui-même. Pour vivre comme il l’entend, le précaire bricole et se faufile dans les interstices encore libres de la société, petits boulots temporaires, combines, expédients et emprunts de toutes sortes... Cependant si chambre individuelle et débrouillardise voilent souvent l’aspect collectif de ce petit monde, il n’en constitue pas moins quelque part une micro-société, un milieu fait de réseaux, un espace social comme on dit mais aussi un espace historique, espace que l’on peut situer dans un courant périodiquement invisible, qui conduit de Villon aux subcultures des années soixante et soixante-dix, espaces que l’ouvrage ne met peut-être pas suffisamment en valeur.

      L’intérêt de cet objet de recherche, qui relève paradoxalement de la sociologie du travail (on y parle finalement beaucoup de ce travail qu’on abhorre et plus rarement de ce que l’on vit) c’est qu’il va à contre-courant des préoccupations actuelles des sciences sociales et de la réflexion politique. Mais l’accroissement du chômage nous autorise-t-il à abandonner la critique du travail salarié ? La pénurie du travail doit-elle nous empêcher de penser la perspective d’une société sans travail où l’homme serait enfin libre de se réaliser dans le non-travail ? Ce but lointain, assigné à l’humanité par un certain Marx et quelques autres, les précaires n’ont pas le temps de l’attendre. « Individualisme bourgeois », diront certains... Plus positivement on pourrait dire que les précaires, dans leur recherche d’une vie autre, constituent une sorte de micro-laboratoire de la société future, la question de savoir si ces gens sont des déclassés ou bien s’ils préfigurent le visage du nouveau prolétaire (ce que l’auteur semble croire) restant à l’appréciation de chacun.

      Beaurain Nicole. Patrick Cingolani, L’exil du précaire, Klincksieck, (Coll. Réponses sociologiques), 1986. In : L Homme et la société, N. 85-86, 1987. Les droits de l’homme et le nouvel occidentalisme. pp. 191-192.

  • #Chômage : ces « nouveaux » précaires prêts à travailler gratuitement - L’Express
    http://www.lexpress.fr/emploi/chomage-ces-nouveaux-precaires-prets-a-travailler-gratuitement_1702279.html

    Après avoir mené une enquête auprès de graphistes, guides de musées, scénaristes ou encore pigistes, Patrick Cingolani esquisse le visage de ces nouveaux #précaires, mus par un « désir d’autonomie ». Ils « aspirent à trouver dans le #travail une place pour la créativité et l’expressivité », « quitte à diminuer leurs exigences salariales, voire à travailler gratuitement, et à en payer le prix en termes d’incertitude et d’instabilité ». 

    Le sociologue évoque un « sous-salariat chronique », qui se développe en France mais aussi aux Etats-Unis ou en Amérique latine, en réaction à « un mode de vie standardisé ». Il voit en ces nouveaux travailleurs, qui cumulent souvent de faibles revenus avec des allocations chômage ou le RSA, les héritiers des premiers « précaires », qui vivaient dans des squats au milieu des années 1980 et « cherchaient à échapper au monde ouvrier ». 

    Trouver du sens
    Patrick Cingolani note au passage que les dispositifs de protection sociale se sont adaptés pour devenir des compléments de revenus salariaux. Loin d’apparaître comme un stigmate, « le mot ’précaire’ devient porteur d’alternative et de différence ». On peut désormais se revendiquer « précaire », « une revendication d’indépendance face au caractère délétère d’une forme de travail », selon le sociologue. 

    Mais, pour pouvoir faire, au moins une partie de leur temps, « quelque chose qu’ils aiment, qui a du sens et de la valeur », ces travailleurs jonglent souvent in fine entre les petits #boulots_alimentaires. Et ne comptent plus le temps passé au travail. Parmi les particularités de ce nouveau rapport à l’emploi, « une mutualisation des lieux de travail et des réseaux professionnels » : en témoigne le développement des espaces de coworking, où ces travailleurs indépendants partagent bureaux, matériel et plans boulot. 

    Mais ce désir d’autonomie a son revers : « une disparition des frontières entre vie privée et vie professionnelle, et une nouvelle forme d’assujettissement au travail favorisée par les nouvelles technologies, qui mène parfois à l’épuisement », relève Patrick Cingolani. 

    Pour le chercheur, il existe « désormais plusieurs #précariats ». A ses yeux, « il n’y a rien à voir entre les classes moyennes confrontées à la précarité, et les classes populaires qui subissent des conditions de travail dégradées », notamment de temps partiel subi dans les métiers peu qualifiés.

    un extrait du livre de Cingolani
    http://seenthis.net/messages/314566

  • « Les précaires développent des tactiques pour éviter les dominations » - Entretien avec #Patrick_Cingolani, Libération
    http://www.liberation.fr/economie/2014/12/12/les-precaires-developpent-des-tactiques-pour-eviter-les-dominations_11624

    Qui sont ces « précaires » dont il est question dans votre livre ?

    La plupart sont des jeunes - avec l’idée qu’aujourd’hui on peut être « jeune » jusqu’à l’âge de 40 ans - et souvent célibataires, car la contrainte monétaire sur les conditions de vie est moins lourde. Mais ils ne sont pas seulement issus des classes populaires, une partie des classes moyennes est aussi concernée. Ils considèrent le #travail comme une #atrophie des conditions de réalisation et d’expression de la personne, et développent ce que Michel de Certeau appelait des « #tactiques » pour éviter les #dominations. Confrontés aux désenchantements de la scolarisation de masse, les précaires dont je parle aspirent à des activités pouvant rendre compte de la dimension expressive de la personnalité. C’est ainsi qu’à travers des petits boulots, qui permettent de gagner du temps, ou des actions associatives, ils mènent des activités plus valorisantes et s’opposent à un mode de vie standardisé et consumériste. Il y a, au cœur de l’expérience #précaire, deux dimensions qui prédominent : l’aspiration à l’autonomie et le désir d’autoréalisation. Dans le livre, je me suis plus particulièrement intéressé aux précaires travaillant dans le secteur de la culture ou des médias. Les interviewés sont à la recherche d’un régime d’existence opposé à la bureaucratie et à la technocratie. Ce milieu est emblématique des expérimentations de nouvelles sensibilités, mais aussi de nouvelles formes de domination.

    Pour les intéressés éventuels, un débat a lieu jeudi 2 avril à 18H30 à la Bourse du Travail 3 rue du Château d’Eau à Paris (M° République), avec Cingolani, des salariés grévistes de Paris VIII et d’autres, à l’invitation de stop précarité et stop stress management.

  • L’#émancipation dans la précarité, #Cyprien_Tasset (article repris de La Vie des Idées)
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7574

    La #précarité peut-elle être émancipatrice ? Pour le sociologue Patrick Cingolani, elle ne consiste pas seulement en une forme d’emploi dégradée, mais dessine des possibilités libératrices pour tous les travailleurs. Reste à mesurer ce potentiel révolutionnaire.
    Recensé : #Patrick_Cingolani, #Révolutions_précaires. Essai sur l’avenir de l’émancipation. Paris, La Découverte, 2014, 150 p.

    Cette démarche passe chez P. Cingolani par un dispositif en cercles concentriques. Au niveau le plus extensif, les questions soulevées par les expériences précaires travaillent la société dans son ensemble ; il n’y a pas de limite précise a priori aux échos qu’elles peuvent y susciter. Un cercle plus resserré, celui du « #précariat », est défini à la fois par ses formes d’#emploi dégradées, par les tentatives d’#autonomie qui s’y cherchent, et par sa vulnérabilité économique. Il partage nombre de problèmes et de besoins avec un foyer central : celui des précaires des industries culturelles chez qui la précarité oscille entre assujetissement et libération. C’est dans ce dernier cercle que se concentrent nombre d’expériences qui prolongent « l’héritage lumineux et contestataire des années 1960 » (p. 10), et qui sont qualifiées en introduction de « ferment alternatif » du précariat (p. 14).

  • L’émancipation dans la précarité
    http://www.laviedesidees.fr/L-emancipation-dans-la-precarite.html

    La précarité peut-elle être émancipatrice ? Pour le sociologue Patrick Cingolani, elle ne consiste pas seulement en une forme d’emploi dégradée, mais dessine des possibilités libératrices pour tous les travailleurs. Reste à mesurer ce potentiel révolutionnaire.

    Livres & études

    / #émancipation, précarité, #révolution

    #Livres_&_études #précarité

  • Révolutions #précaires, essai sur l’avenir de l’#émancipation, de Patrick Cingolani (la découverte) vient de sortir en librairie

    On peut lire les 25 premières pages (intro) du livre et la table, là :
    http://widget.editis.com/ladecouverte/9782707181923/#page/8/mode/1up

    Patrick Cingolani, sociologue qui a participé à la revue #Révoltes_Logiques aux côtés de Jacques Rancière (et de ce fait, à une critique de la #sociologie bourdieusienne) avait publié, durant les 80’, un livre remarquable L’exil du précaire ; par la suité il a été l’auteur d’un Que sais-je ? sur la #précarité.

    #livre #échantillon_gratuit (comme tout dealer qui se respecte) #paywall