person:paul bétous

  • L’OR de Baldomero Lillo - Créations originales et Traductions de Paul Bétous

    Un matin où le soleil surgissait des abîmes et se lançait dans l’espace, une embardée de son flamboyant chariot, le fit effleurer le sommet de la montagne.

    Dans l’après-midi un aigle, retournant à son aire, vit sur la cime noire, un point si brillant qu’il resplendissait comme une étoile.

    Il piqua son vol et aperçut dans une faille rocheuse un rutilant rayon de soleil emprisonné.

    -- Mon pauvre petit – lui dit l’oiseau compatissant – ne t’inquiète pas, je vais escalader les nuages et je rattraperais le rapide attelage avant qu’il ne disparaisse dans la mer.

    Et le prenant dans son bec, il remonta dans les airs pour voler après l’astre qui se précipitait dans le couchant.

    Mais, alors qu’il était près d’atteindre le fugitif, l’aigle sentit que le rayon, dans une superbe ingratitude, enflammait le bec crochu qui le ramenait au ciel.

    L’aigle irrité ouvrit alors les mandibules et le précipita dans le vide.

    Le rayon tomba comme un étoile filante, percuta la terre et se releva avant de s’effondrer à nouveau. Il erra à travers les champs comme une merveilleuse luciole, et son éclat, infiniment plus intense que celui d’un million de diamants, se voyait au milieu du jour, et scintillait de nuit comme un soleil minuscule.

    Les hommes, ébahis, cherchèrent durant très longtemps l’explication de ce fait extraordinaire. Jusqu’au jour où les mages et les nécromants déchiffrèrent l’énigme. L’étoile vagabonde n’était autre qu’un filament qui s’était détaché de la chevelure du soleil. Et ils ajoutèrent que celui qui parviendrait à l’emprisonner verrait son existence éphémère se changer en une vie immortelle ; mais, pour attraper le rayon sans être consumé, il fallait tout d’abord extirper de son âme tout vestige d’amour et de piété.

    C’est ainsi que tous les liens se brisèrent et qu’il n’y eut plus ni parents, ni enfants, ni frères. Les amants abandonnèrent leurs aimées et l’Humanité toute entière poursuivit, comme une meute déchaînée, le céleste pèlerin tout autour de la Terre. Nuit et jour, des milliers de mains avides se tendaient sans cesse vers la fulgurante braise, dont le contact réduisait à rien les audacieux et ne laissait de leurs corps, de leurs cœurs égoïstes et prétentieux, qu’une poignée de poussière de la couleur du blé mûr, semblable aux rayons du soleil.

    Et pourtant ce prodige, sans cesse renouvelé, n’arrêtait pas la nuée de ceux qui partaient à la conquête de l’immortalité. Nul doute que ceux qui succombaient conservaient encore dans leur cœur un vestige de sentiments contraires, et chacun, confiant dans le pouvoir victorieux de son ambition, poursuivait la chasse interminable, sans relâche ni méfiance, sûrs qu’ils étaient du succès final.

    Le rayon erra donc aux quatre coins de la planète, marquant son pas de cette traînée de poussière brillante et dorée qui, entraînée par les eaux, pénétra dans la terre et se déposa dans les fissures des roches et le lit des torrents.

    Enfin, l’aigle, sa rancœur maintenant évanouie, le prit à nouveau dans son bec et le posa sur la route de l’astre qui montait au zénith.

    Et le temps passa. L’oiseau, plusieurs fois centenaire, vit se noyer dans le rien d’innombrables générations. Un jour, l’Amour déplia ses ailes et remonta vers l’infini. Et, croisant sur son passage l’aigle qui voguait dans l’azur, il lui dit :

    – Mon règne a pris fin. Regarde là, en bas.

    Et la vue pénétrante de l’aigle distingua les hommes occupés à extraire de la terre et du fond des eaux une poussière jaune, blonde comme les épis, dont le contact infiltrait dans leurs veines un feu inconnu.

    Et voyant les mortels, dont l’essence de l’âme avait été bouleversée, se battre entre eux comme des lions, l’aigle s’exclama :

    – Oui, l’or est un métal précieux. Mélange de lumière et de boue, il a la couleur blonde du rayon de soleil ; mais ses carats sont l’orgueil, l’égoïsme et l’ambition.

    texte en pdf : http://p0.storage.canalblog.com/00/02/1087345/111431412.pdf
    plus d’écrits : http://paulbetous.canalblog.com/archives/2016/07/09/34066568.html
    #littérature_latinoamericaine #Chili #Lillo_Baldomero #traduction_originale #inédit

  • L’âme de la machine de Baldomero Lillo - Créations originales et Traductions de Paul Bétous

    De l’aube au crépuscule, la silhouette du machiniste dans son bleu de travail se détache au sommet de la plate-forme de la machine. Il travaille douze heures sans interruption.

    Les ouvriers qui retirent les chariots de charbon des ascenseurs, le regardent avec une envie non dénuée d’animosité. Envie, parce que, brûlés par le soleil d’été ou détrempés par les pluies de l’hiver, ils se démènent sans relâche, poussant les lourds wagonnets depuis la margelle du puits de mine jusqu’à l’aire de stockage, tandis que lui, sous son toit de zinc, ne bouge pas et ne dépense pas plus d’énergie qu’il n’en faut pour diriger la machine.

    Puis, quand les hercheurs courent et halètent dans le vague espoir d’obtenir une seconde de répit après avoir vidé le minerai, à l’envie s’ajoute l’animosité, en voyant l’ascenseur qui les attend, déjà, chargé une nouvelle fois de brouettes pleines à ras bord, alors que le regard sévère du machiniste, du haut de son poste, semble leur dire :

    – Plus vite, fainéants, plus vite !

    La déception, renouvelée à chaque trajet, leur fait croire que, si la tâche les détruit, la faute en revient à celui-là qui n’a qu’à étirer et contracter le bras pour les éreinter.

    Ils ne pourront jamais comprendre que ce labeur, aussi insignifiant qu’il puisse leur paraître, est plus exténuant que celui du galérien attaché à son banc. Lorsque le machiniste prend de la main droite le manche d’acier gouvernant la machine, il fait instantanément partie de l’énorme et complexe organisme de fer. Son être, pensant, se transforme en automate. Son cerveau se paralyse. À la vue du cadran peint en blanc, où s’agite l’aiguille indicatrice, le présent, le passé et l’avenir sont remplacés par l’idée fixe. Ses nerfs en tension, sa pensée, tout en lui se concentre sur les chiffres qui, sur le cadran, représentent les tours de la bobine gigantesque qui enroule seize mètres de câble à chaque révolution.

    Les quatorze tours nécessaires à l’ascenseur pour parcourir son trajet vertical s’effectuent en moins de vingt secondes, ainsi une seconde de distraction veut dire une révolution supplémentaire, et une révolution supplémentaire, le machiniste ne le sait que trop bien, c’est : l’ascenseur qui se fracasse là-haut, contre les poulies ; la bobine, arrachée de son axe, qui se précipite comme une avalanche que rien ne peut arrêter, tandis que les pistons, fous, cassent les bielles et font sauter les bouchons des cylindres. Tout cela peut être la conséquence de la plus petite distraction de sa part, d’une seconde d’oubli.

    C’est pourquoi ses pupilles, son visage, sa pensée s’immobilisent. Il ne voit rien, n’entend rien de ce qui se passe autour de lui, si ce n’est l’aiguille qui tourne et le marteau indicateur qui cogne au-dessus de sa tête. Et cette attention ne connaît pas la trêve. À peine un ascenseur se montre par la margelle du puits de mine que deux coups de cloches lui font savoir que, en bas, l’autre attend déjà, chargé complètement. Il étire le bras, la vapeur pousse les pistons et siffle en s’échappant par les joints, la bobine enroule rapidement le fil de métal et l’aiguille du cadran tourne en s’approchant rapidement de la flèche de fin. Avant qu’elle ne la croise, il le machiniste attire vers lui la manivelle et la machine stoppe sans bruit, sans saccades, comme un cheval qui mâche bien son mort

    Mais alors que le tintement du dernier signal vibre encore dans la plaque métallique, le marteau la blesse à nouveau d’un coup sec et strident à la fois. Le bras du machiniste s’allonge à nouveau sous le mandat impérieux, les engrenages rechignent, les câbles oscillent et la bobine tourne à une vitesse vertigineuse. Et les heures succèdent aux heures, le soleil monte au zénith, redescend ; l’après-midi vient puis décline et le crépuscule, surgissant au ras de l’horizon, élève et étend son immense pénombre de plus en plus vite.

    Tout à coup, un sifflement assourdissant rempli l’espace. Les hercheurs lâchent les brouettes et se dressent étincelants. Le labeur du jour a pris fin. Des diverses sections annexes de la mine sortent les ouvriers en une cohue confuse. Dans leur précipitation à abandonner les ateliers, ils se pressent et se bousculent, mais pas une voix ne s’élèvent pour se plaindre ou protester : les visages sont radieux.

    Petit à petit, la rumeur de leurs pas sonores s’éloigne et disparaît sur le trottoir envahi par les ombres. La mine est maintenant déserte.

    Il n’y a plus que dans la cabine de la machine que l’on distingue une silhouette humaine confuse. C’est le machiniste : assis sur son trône élevé, la main droite appuyée sur la manivelle, il reste immobile dans la demi-obscurité qui l’encercle. Le labeur prenant fin, la tension de ses nerfs a cessé brusquement et il s’est écroulé sur le banc comme une masse inerte.

    Un lent processus de retour à l’état normal s’opère dans son cerveau abruti. Il recouvre difficilement ses facultés annulées, atrophiées par douze heures d’obsession, d’idée fixe. L’automate redevient une nouvelle fois une créature de chair et d’os qui voit, qui entend, qui pense, qui souffre.

    L’énorme mécanisme gît paralysé. Ses membres puissants, surchauffés par le mouvement, se refroidissent en produisant de légers craquements. C’est l’âme de la machine qui s’échappe par les pores du métal, pour allumer dans les ténèbres qui couvrent le haut trône de fer, les fulgurances tragiques d’une aurore toute rouge de l’horizon jusqu’au zénith.

    texte en pdf : http://p0.storage.canalblog.com/09/19/1087345/111577622.pdf
    plus d’écrits : http://paulbetous.canalblog.com/archives/2016/07/09/34066568.html
    #littérature_latinoamericaine #Chili #Lillo_Baldomero #traduction_originale #inédit

  • En commentaire d’un précédent billet Paul Betous mettait un lien vers un article dont il est l’auteur et demandait quelques retours.

    Cet article que l’on peut lire sur http://cazueladepolo.canalblog.com/archives/2015/11/19/32949381.html est présenté comme une ébauche d’analyse sur l’EI.

    Ce billet fait une sorte de parallèle et de contradiction entre un pacte de sécurité et un pacte de stabilité, cite le nombre de décès en France pour cause de maladies professionnelles et d’accidents du travail, bien inférieur, dit-il, au nombre de victimes d’attentats.

    Par ailleurs il nous dit concernant les responsables de ces attentats, je cite « que ce ne sont pas des ennemis de l’extérieur (je précise tout de suite que je ne partage pas l’expression « d’ennemis de l’intérieur », il n’existe que des victimes de l’intérieur) qui ont perpétués les attentas sur le sol français, mais des enfants, des laissés-pour-compte, de la République. »

    Alors je ne rentrerai pas dans ce genre de discussion ni ne la qualifierai. Je rappelle juste à Paul Betous que, certes il y a parmi les responsables des attentats des enfants nés en France, mais pas seulement, d’autres venaient de nombreux autres pays. Ensuite il est plus que réducteur, si l’on veut analyser l’EI, de ne parler que des victimes françaises et oublier les milliers d’autres par ailleurs.

    Pour les motivations de ces jihadistes, là aussi vouloir l’expliquer uniquement sous le prisme d’une pseudo situation économique franco française est une erreur car l’EI touche des pays bien différents, on en veut pour preuve les analyses faites sur les pays d’origine des membres et on y trouve plus de 70 pays aux situations et régimes tout à fait variés.

    Enfin, pour essayer de comprendre l’EI il faut se garder de toute idée préconçue et, peut-être, commencer par lire certains ouvrages rédigés par des personnes ayant étudie le phénomène depuis bien longtemps et continuant à le faire en basant aussi leurs éléments sur des entretiens avec des combattants et responsables jihadistes et anciens jihadistes. Enfin il faut absolument bannir toute démagogie, toute victimisation et tout paternalisme.

    On pourrait citer par exemple Wassim Nasr, pour son dernier livre, État islamique, le fait accompli, qui est basé sur des années de recherche et d’entretiens avec des combattants ou responsables de l’EI. Sans oublier ses autres précédents ouvrages.

    On pourrait voir aussi le livre de David Thomson, Les Français jihadistes, dans lequel il détaille les différents parcours de ces hommes et femmes ayant fait ce choix. Contrairement à beaucoup, il n’essaye pas d’expliquer mais raconte des vies, des faits, des parcours. Et, ce qui est particulièrement rare, il le fait en toute neutralité. Précisons qu’il a vécu en Tunisie et en Lybie.

    On pourrait voir aussi le livre de Farhad Khosrokhavar, Quand Al Qaïda parle, sorti en 2006, qui ne traite donc pas de l’EI mais explique les motivations et les actes de certains terroristes condamnés en France.

    Voilà, c’est un retours, pas forcément celui attendu, mais c’est ma vision des choses et je la partage.

    #EI
    #intelligence_collective

  • Face à l’absence quasi totale de traductions d’œuvres latinoaméricaines par les éditeurs traditionnels, Elizabeth González Altamirano, l’auteure, et Paul Bétous, le traducteur, ont décidé de publier en format numérique et dans une version bilingue espagnol-francais, le texte Un chant pour mon frère. “Les jours de deuils germeront” (Un canto a mi hermano. "Germinarán los días de luto")

    Description de l’œuvre :

     A la fois prose autobiographique empreinte de nostalgie bienheureuse et poésie désenchantée par la torture, la prison et l’exil, Un chant pour mon frère. “Les jours de deuils germeront” retrace pour nous les commencements de la dictature du général Pinochet au Chili à travers les sentiments d’un frère, Carlos, et d’une sœur, Elizabeth, victimes de la répression militaire. Elle a 17 ans quand son frère est détenu après un an et demi de résistance et de clandestinité.

    Pour en savoir plus sur cette autoédition :
    http://paulbetous.canalblog.com/archives/2015/07/14/32354525.html

    #littérature_latinoaméricaine_chili #livres #édition #Chili #ebook

    • Suite à cette expérience, et en complément de celle-ci, j’aimerais mettre en place une #Plate-forme_collaborative pour traducteurs des langues latino-américaines vers le français, vous pouvez voir mes idées ici : https://www.linkedin.com/grp/home?gid=8196473&trk=my_groups-tile-grp

      Vous remarquerez qu’au vu du nombre de participants, c’est pas gagné, mais j’essaie de ne pas lâcher le morceau. Puisque l’idée est de démarchandiser la relation auteur-e-s/lect-rice-eur-s, en permettant d’avoir accès à l’ensemble des œuvres pour un don de son choix, je me demandais si une plate-forme penser sur le modèle de @seenthis ne serait pas pertinente dans un premier temps. Ainsi, on pourrait combiner la visualisation d’extraits pour le public - les non inscrits - et la possibilité d’une assemblée permanente pour les membres, ainsi que l’accès au lien permettant la lecture et/ou le téléchargement de l’ebook bilingue.

      Je remercie par avance celles et ceux qui me donneront leur opinion sur ce sujet.