person:peter handke

  • Le numéro 2 de la revue Oeuvres ouvertes vient de paraître.

    Voici le sommaire de ce numéro que nous avons intitulé « Kafka n’est pas mort » d’après une note extraite d’un carnet de Peter Handke. On pourra y lire des nouvelles traductions de Kafka et des essais, mais aussi des fictions d’auteurs contemporains.

    SOMMAIRE

    Laurent Margantin - Préface
    Peter Handke - « Kafka ist nicht gestorben »
    Laurent Margantin - Pourquoi une nouvelle traduction du Journal de Kafka ?
    Franz Kafka - Extraits du Journal
    Nelly Engel - Deux lettres de Franz Kafka
    Haggaï Linik - Kafka
    Noëlle Rollet - Milena Jesenska, le regard et le désir
    Sabine Huynh - K comme dékalage
    Franz Kafka - Un entretien d’embauche
    Serge Bonnery - L’auxiliaire
    Jérôme Orsoni - Qualité de lumière
    Pierre Cendrin - Cessation
    Laurent Margantin - Google Death

    http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article4080

  • Le Rapport sexuel existe existera-t-il ? Félicie casse une corde de sa contrebasse, ce qui fait un peu de bruit tout de même, Fred Marty lui prête la sienne de contrebasse du coup elle peut jouer en trio avec Leo Dupleix et Taku Sugimoto, je rentre dans les dernières centaines de pages du Dossier M. de Grégoire Bouillier, Au musée Picasso Rutault fait la crapaud qui voudrait être un boeuf, un vrai nain de jardin, Alexander Calder, en revanche, avait apparemment des choses à échanger avec Picasso, je n’aurais pas cru, Sorry to Bother You de Boots Riley, Deux Fils de Félix Moati, quelques-unes de mes algues sont exposées en Arles avec des oeuvres dOlivia Rosa-Blondel et de L.L. de Mars, une pensée pour Dominique, Les Eternels de Jia Zhangke, la défiguration de Rueuil -Malmaison, Jérôme Noetinger et Lionel Fernandez aux Instants, suivis de Hippie Diktat, Les Etendues imaginaires de Yeo Siew-hua, Drancy, et ses perruches, les oeuvres photographiques de mon ami dentiste, de l’obscénité dans les beaux quartiers, le retour, saine et sauve, d’une jeune manifestante pour le climat, Tallman du Surnat’, la fin du Dossier M., Inculte a quinze ans, Magnolia de J.J. Cale, Robert Frank et Daphné Bitchatch ont des choses à se dire presque tous les jours sur ma table de travail, une merveilleuse jeune femme m’envoie une carte postale de Sainte-Madeleine de Vezelay, j’en suis presque ému jusqu’aux larmes, le trajet en train entre La Défense et Sèvres, tel qu’il est décrit par Peter Handke au début d’Essai sur la journée réussie, un dernier éclat de rire, merci Grégoire Bouillier, Tout ça pour ça ?, Dernier amour de Benoît Jacquot, l’Urgence d’agir, Maguy Marin de David Mambouch, Kandinsky dans la salle d’attente de l’orthophoniste, Vice d’Adam McKay, une petite partie de Mah Jong ? tentative de prolongement du magnifique Msueo Infinito de L.L. de Mars, il n’y a rien de plus dégoûtant au monde que de voir Xavier Dolan être à ce point amoureux de lui-même, rien, venez-voir Au Fil du temps de Wim Wenders au Kosmos le lundi 8 avril à 20H.

    http://www.desordre.net/photographie/numerique/divers/201903.htm

  • « Vous avez changé. » « Oui, pour faire vite, c’est lié au fait qu’aujourd’hui je n’aime plus autant lire Kafka et que je lui préfère Robert Walser. Ce monde grotesque et d’un seul tenant, ce monde disons triste et dépressif de Kafka, il ne me correspond plus. Cette monomanie s’est complètement défaite en moi, je ne suis plus capable de la comprendre. Je me suis considérablement éloigné de ces écrivains monomaniaques comme Céline, Kafka ou Bernhard. Pour moi il est important qu’il existe un désir de vivre, pas simplement proclamé, mais précis, et je le ressens parfois, et ce désir j’aimerais le formuler. »

    Peter Handke, entretien avec André Müller, octobre 1972.

  • « Je suis là, je suis libre, je peux tout m’imaginer. Tous est possible. Je n’ai qu’à lever les yeux et je redeviens le monde. »
    :: : Les Ailes du Désir.

    Als das Kind Kind war...
    Adieu Monsieur Bruno Ganz.
    Et merci.

    Souvenir #photo de la pièce de Peter Handke magnifiquement interprétée par la compagnie Ni Vu Ni Connu, lors du festival éponyme, en 2009 à Ancenis :

    Album complet : https://www.flickr.com/photos/valkphotos/sets/72157637823376724

    ... et puis ce passage, et cette phrase, morceau d’éternité qui a été une des bascules de ma vie :

    Je n’ai jamais été solitaire, ni seule, ni avec d’autres.
    Mais j’aurais aimé être enfin solitaire.
    La solitude, ça veut dire : je suis enfin moi toute entière.
    Je peux le dire maintenant, car ce soir je suis enfin solitaire.
    Il faut en finir avec le hasard !
    Nouvelle lune de la décision ! Je ne sais pas s’il y a un destin, mais il y a la décision : Décide-toi !
    C’est nous le Temps à présent.
    Pas seulement la ville entière, mais le monde entier prend part à notre décision…
    Nous deux, nous sommes désormais plus de deux.
    Nous incarnons quelque chose.
    Nous voilà sur la place du peuple,
    et toute la place est pleine de gens qui rêvent de la même chose que nous.
    Nous déterminons le jeu pour tous !

    #Bruno_Ganz #acteur #comedien #cinema #hommage

    • je mets l’extrait entier, c’est tellement mieux :

      Un jour, ça doit être sérieux…

      J’ai beaucoup été seule,

      Mais je n’ai jamais vécu seule.

      Quand j’étais avec quelqu’un,

      J’étais souvent contente,

      Mais en même temps,

      Je prenais tout pour un hasard.

      Ces gens étaient mes parents, mais d’autres auraient pu l’être.

      Pourquoi ce garçon aux yeux bruns était-il mon frère et non celui aux yeux verts du quai d’en face ?

      La fille du chauffeur de taxi était mon amie,

      mais j’aurais pu aussi bien passer le bras au cou d’un cheval.

      J’étais avec un homme, amoureuse,

      et j’aurais aussi bien pu le planter là et partir avec l’inconnu que nous croisions dans la rue…

      Regarde moi ou pas.

      Donne moi la main ou pas.

      Non, ne me donne pas la main et détourne les yeux.

      Je crois que c’est la nouvelle lune ce soir, il n’y aura pas de sang versé dans toute la ville.

      Je n’ai jamais joué avec quelqu’un et pourtant je n’ai jamais ouvert les yeux et pensé :

      Maintenant c’est sérieux.

      Enfin, ça devient sérieux.

      C’est ainsi que j’ai grandi.

      Moi seule étais-je si peu sérieuse ?

      Le temps est-il si peu sérieux ?

      Je n’ai jamais été solitaire, ni seule, ni avec d’autres.

      Mais j’aurais aimé être enfin solitaire.

      La solitude, ça veut dire : je suis enfin moi toute entière.

      Je peux le dire maintenant, car ce soir je suis enfin solitaire.

      Il faut en finir avec le hasard !

      Nouvelle lune de la décision ! Je ne sais pas s’il y a un destin, mais il y a la décision : Décide-toi !

      C’est nous le Temps à présent.

      Pas seulement la ville entière, mais le monde entier prend part à notre décision…

      Nous deux, nous sommes désormais plus de deux.

      Nous incarnons quelque chose.

      Nous voilà sur la place du peuple,

      et toute la place est pleine de gens qui rêvent de la même chose que nous.

      Nous déterminons le jeu pour tous !

      Je suis prête.

      C’est à ton tour maintenant

      Tu as le jeu en main.

      Maintenant ou jamais.

      Tu as besoin de moi.

      Tu auras besoin de moi.

      Il n’y a pas de plus grande histoire que la nôtre, celle de l’homme et de la femme.

      Ce sera une histoire de géants, invisibles, transmissibles, une histoire de nouveaux ancêtres.

      Vois mes yeux…

      Ils sont l’image de la nécessité, de l’avenir de tous sur la place.

      La nuit dernière, j’ai rêvé d’un inconnu, de mon homme.

      Avec lui seul, je pouvais enfin être solitaire, et m’ouvrir à lui, m’ouvrir toute, toute pour lui,

      le laisser entrer en moi tout entier, l’entourer du labyrinthe du bonheur et de la joie.

      Je sais que c’est toi.

  • https://lintervalle.blog/2018/07/06/robert-frank-la-dissolution-du-moi-par-arnaud-claass-essayiste-photogr

    Je voulais aussi corriger un penchant à assimiler l’œuvre de Frank au seul ensemble Les Américains. Stephen Shore considère qu’il y a des artistes aptes à une recherche continue sur toute une vie, d’autres qui sont ceux d’une seule œuvre géniale. Il place Frank dans cette seconde catégorie. C’est une lourde erreur. Malgré sa très vive intelligence, je crois que Shore reprend ici une idée convenue. Les choses ne sont pas si tranchées. The Lines of My Hands est l’un des autres chefs-d’œuvre de Frank. La temporalité de la production frankienne globale, ses jeux image/mot à partir des années 1970, son travail de cinéaste ont raison de ce cliché. Il faut avoir une vision plus organique, plus « intégrale » des soixante années de production de Robert Frank, y compris dans ses quelques moments plus faibles, qu’il reconnaît d’ailleurs lui-même. En littérature, Peter Handke soutient qu’un écrivain génial à chaque ligne de chaque page de chaque livre ne serait pas un vrai écrivain.

    Si j’osais je dirais que c’est une chose que j’avais déjà comprise en 1989 ! (quand j’écrivais mon mémoire de fin d’études à propos de Robert Frank). Mais vu que c’est Arnaud Claass qui le dit et l’écrit, je ne vais pas faire mon fanfaron, mais en tout cas pour celles et ceux que cela intéresse, c’est là

    http://www.desordre.net/photographie/photographes/robert_frank/robert_frank.html

  • Je suis engagé
    Pour un spectacle comique
    On ne rit pas

    Je me lance dans le créneau
    Spectacle comique
    Musique improvisée

    On a remplacé ma guitare
    Sur laquelle j’ai un talent relatif
    Par une contrebasse, instrument étranger

    Mais je m’en sors
    En rêve, je m’en sors toujours
    Et même l’imposture passe inaperçue

    Enfant étonnamment éveillés
    Au petit déjeuner
    Échange tacite du couteau à beurre

    Cinq minutes d’autoradio
    Des élections générales en Italie
    Mais on s’interroge à propos du gamin-président

    Open space
    Matin ensoleillé
    Désert, j’imprime

    Deux cents pages de rêves
    Les Anguilles les mains mouillées
    Joli tas de papier

    Un peu de tracas
    Un peu d’attente
    Quelle tension en moi !

    Je rapporte au maroquinier
    Une ceinture ayant lâché, article défectueux
    Il assume parfaitement son vol

    Je laisse l’article défectueux
    Sur son comptoir, et je m’en vais
    Et il n’y a rien que vous puissiez attente de ma colère

    Je repars malgré tout
    Humilié, me retenant le froc d’une main
    Comme un justiciable de Roland Freisler

    Il ne suffisait pas que Freisler
    Condamne à mort tous les justiciables
    Qu’on lui présentait

    Il leur faisait également retirer leur ceinture
    Avant de comparaître
    Pour les humilier davantage encore

    C’est bien moi
    J’y pense chaque fois
    Que je perds mon froc

    J’entre chez un concurrent
    Qui m’ajuste la ceinture
    Avec un professionnalisme doux

    Ce tailleur-là
    Serait nettement plus beckettien
    Perfection dans le pantalon

    Au BDP j’assiste aux retrouvailles
    Touchante d’un couple de mon âge
    Il manque tant de douceur dans ma vie

    Je continue de trouver mille défauts
    À Frôlé par un V1
    Tapuscrit constellé de rajouts et de ratures

    Les amoureux
    Ont oublié leur blague à tabac
    Mais je ne les retrouve pas, sans blague

    Je passe devant un magasin
    De farces et attrapes, un bazar
    Et achète des boules puantes

    L’auteur de Raffut
    Règle ses petits comptes minables
    À coup de boules puantes

    Dans l’open space
    J’apprends la disparition
    Du collègue-sosie de Handke

    Par acquit de conscience
    Je vérifie la rubrique nécrologique du Monde
    Peter Handke est encore de ce monde, il écrit peut-être, sans doute

    Rentré à la maison
    Emile me tombe dessus
    Pour des parties d’échecs

    On en fait une très belle
    Menace de mat
    Contre menace de mat

    Rentré à la maison
    J’aide Sarah
    Pour son renouvellement de bourse

    Je prépare la soupe du soir
    Vais chercher Zoé au métropolitain
    Finis la soupe, potimarron et mozzarelle

    Je monte au Kosmos
    Ciné-club, The Red Shoes
    De Michael Powell

    Étrange impression d’un film
    Aux avant-postes pour les scènes de ballet
    Et terriblement casanier pour l’intrigue

    Nous ne serons pas aidés
    Pour en discuter par la spécialiste
    De Michael Powell qui anime le débat

    Gibt mir Das Messer, gibt mir die Macht
    Donnez-moi le couteau, donnez-moi le pouvoir (A.H.)
    Donnez-moi le micro, donnez-moi le pouvoir

    Enfants endormis
    Maison paisible
    Et même rangée !

    #mon_oiseau_bleu

  • Dans mon open space
    Je reçois la visite impromptue
    De Peter Handke. Les rêves de fois

    Petit-déjeuner du dimanche
    Avec Sarah qui se réjouit
    De son croissant comme une enfant

    Il fait un temps radieux
    Sur la route de son travail
    Et un froid polaire

    Je lui achète
    Un pot de cornichons
    Situation amusante

    Au marché
    Le froid pique sévèrement
    Mains blanches

    Le front brûlant de fièvre
    Les mains gelées
    Je déballe mes légumes

    Je me fais un café au lait roboratif
    Je monte avec dans ma tour d’ivoire
    Et je tente d’écrire un peu. Et ça marche. Un peu

    Longs préparatifs
    Pour la mère de toutes
    Les galettes coréennes

    Œufs
    Moules
    Crevettes

    Poivrons
    Poireaux
    Huile de pépins

    Puis retourner
    Œufs cassés
    Moules

    Crevettes
    Poivrons
    Poireaux

    Ecrire une recette à l’envers
    Pour qu’elle devienne
    Un poème

    Bricolage du dimanche
    Dépose de l’ancienne boîte aux lettres
    Qui n’a pas apporté que des bonnes nouvelles

    Si cela se trouve
    Nous vivions dans la terreur
    D’une boîte aux lettres maléfique

    Et pourtant
    Vu ce qu’il reste à affronter prochainement
    Je doute que la nouvelle boîte saura nous protéger

    Il m’arrive parfois
    De me demander
    Quand mettre le mot fin

    Je vois très bien
    Comment j’aimerais
    Finir Mon Oiseau Bleu

    Finir Mon Oiseau bleu
    Par une scène
    De baiser !

    En attendant
    Je crois que je vais profiter
    Du soleil pour aller marcher

    Je sors marcher
    Avec Émile
    Par un froid polaire

    Du parc de la Matène
    Admirable contre-jour
    À perte de vue : Val-de-Marne

    Chemin du retour
    Nous croisons une voisine
    Dont je sais le combat commun

    Longtemps
    Que nous n’avions pas échangé
    Sur le sujet

    Nos divergences de vues
    Se sont émoussées
    Avec l’âge, tant mieux !

    On rigole un peu
    Que nous ayons parfois aussi
    Des difficultés avec nos autres enfants

    Tentative de chicons chauds
    Avec beurre, miel et jus d’orange caramélisés
    Et dès la première bouchée, le dégoût

    Toute ma vie
    J’aurais tenté d’aimer
    Les chicons chauds, sans succès

    C’est dimanche soir
    Et Satoko est venue
    Chaleur de mes enfants

    Emile
    Intraitable aux échecs
    Ce soir, en pleine possession de ses moyens

    Je lis
    La Tablée
    De Pierre Michon

    Sarah
    Le patron
    C’est Pierre

    #mon_oiseau_bleu

    • Je n’ouvre jamais ma boîte à lettres le samedi pour ne pas risquer de me pourrir le we : expérience de lettres d’huissiers, que par ailleurs rien ne justifiaient, reçues systématiquement le samedi et que tu ne peux joindre personne pour arranger les choses, ou essayer.

  • Entrainement de rugby
    Retraite dans les Cévennes
    Voyage organisé en pays amish

    J’emmène Zoé au collège
    Qui fait l’inventaire de tous mes méfaits
    Dans son éducation : éclats de rire

    Je prends un peu les informations
    Sur le ruban périphérique
    Le gamin président est bien protégé, ça va, tout va

    J’invente une histoire capillotractée
    Pour avoir un nouveau badge
    Que j’ai oublié à mon bureau hier soir

    Je croise deux anciens collègues
    Subjugué d’avoir découvert la veille
    Que j’écrivais des romans, début des ennuis en vue

    Je descends dans le bureau d’un patron
    Je m’assois à sa place pour lui montrer un truc
    « Demande-moi une augmentation que je vois ! »

    Je continue d’aller déjeuner
    Dans mon ancienne cantine
    Du coup je croise des amis dans la rue

    Une commerciale dans la rue
    Téléphone de poche et cigarette
    Elle parle de personnes, des objets

    C’est vendredi après-midi
    Et je suis découragé
    Tant à faire en rentrant

    Je discute
    De mes peines de cœur
    Avec ma jeune collègue !

    Je m’ennuie
    Je me fais penser à la petite fille
    Des Ailes du désir : ich langweile

    Dominique Meens
    Chez Manou Farine
    Sur l’autoradio : quel pied !

    La grive grivoise
    Le rossignol nocturne
    Paye tes dettes, paye tes dettes

    Au temple de consommation
    Je fais des règles de trois
    Pour prépare une raclette pour 91/2

    Il n’est pas 17H30
    Et je voudrais
    Déjà me coucher : du nerf !

    Je dépose Zoé au théâtre
    Je prépare des raviolis
    Je joue aux échecs avec Émile

    J’assiste à la fin du cours de théâtre
    Zoé joue une jeune femme catastrophée
    Devant le suicide de son amie : j’explose de rire !

    Zoé explique à son professeur de théâtre
    Que la semaine prochaine
    Elle est mon assistante au TNB ! Tête de Gilles !

    Mes raviolis et leurs petits légumes
    Sont à tomber parterre
    Les poires ne sont pas mûres

    Je reprends
    Trois paragraphes
    De Frôlé par un V1

    Je m’endors
    En lisant
    Peter Handke

    #mon_oiseau_bleu

  • Il n’y a plus de tampon à la maison
    Sarah trouve cela injuste
    Surtout quand on sait le nombre de disques

    Papa n’oublie pas
    De prendre du papier toilette
    Demain aux courses

    Rêve et
    Réalité mêlés
    Comme dans un rêve

    J’aime les petits déjeuners
    Matinaux avec Sarah
    Même ceux silencieux

    Message de Zoé
    Reçu en open space
    « Je suis dans une casserole »

     ? Je te surveille
    Comme
    Le lait sur le feu

    Automne gris
    Automne froid
    Automne sans feuilles

    Pause méridienne
    Grande marche dans Montreuil
    Je ne croise personne

    Grande marche dans Montreuil
    Je m’aventure près de chez elle
    On y démonte une tour

    Je m’aventure près de chez elle
    On démonte une tour
    Que j’ai photographiée de nombreuses fois

    On démonte une tour
    Que je photographiais en sortant du ciné
    Et dont je lui envoyais les images

    Il y avait l’image d’une lune gonflable
    Il y avait une image du film que j’allais voir
    Et une image que la tour qu’on démonte désormais

    Une sorte
    De haïku
    Visuel

    Dans la salle d’attente de l’EMPRO
    Je lis Peter Handke
    C’est son sosie qui finit par m’accueillir

    Bel échange avec
    Psychiatre (Peter Handke), psychologue
    Et Émile

    Je rentre de bonne heure
    Je trouve un peu de courage
    Je nettoie ma table de travail

    Une fois la table nettoyée et rangée
    Il y a de la place pour les deux ordinateurs
    L’ancien et le nouveau

    Le nouveau sur lequel je n’arrive
    À presque rien
    Pas même écrire

    Et du coup l’ordinateur neuf
    Reste neuf pendant que
    Le vieux est de plus en plus vieux

    Je m’interroge à propos
    Du mépris avec lequel
    Je regarde et traite tout ceci

    Je descends préparer la soupe
    Sentiment d’être infiniment plus utile
    Soupe de courges par une courge

    Potimarron
    Patisson
    Butternut

    Huile d’olive
    Fleur de sel
    Poivre

    Émile explique
    Ses nouvelles intentions
    De faire du rap

    Je me demande
    Si Émile n’est pas en train
    De prendre le pouvoir dans le garage

    Émile prend le pouvoir dans le garage
    Comme font tous les garçons
    De son âge !

    Depuis quatorze ans
    Dans le garage, on écoutait du free jazz
    Dorénavant, du rap

    Je tente une nouvelle série
    De photographies
    Intitulée les Moindres gestes

    Je me remets très doucement à la photographie.
    Je me suis donné de nouvelles règles.
    Très peu d’images.

    Toujours arranger un peu les choses.
    S’appliquer sur chaque image.
    Se laisser guider uniquement par le plaisir.

    Ne pas en faire tous les jours.
    En faire autant que je veux.
    Recadrer, modifier, retoucher.

    Pas d’effets de série.
    Pas de collages.
    Pas d’images animées.

    Ne pas dater.
    Ne pas contextualiser.
    Faire le contraire d’avant

    Aller se coucher
    Heureux
    Presque

    #mon_oiseau_bleu

  • Je laisse filer le rêve de ce matin
    Par paresse
    Et parce qu’il m’ennuie !

    Je me mets en chemin
    Mes pas sont lourds, ma tête aussi
    J’ai envie de vivre une belle aventure

    Quand tu croises par hasard cet ami dans la rue
    Et qu’il sent l’alcool à dix heures du matin
    Tu tâches de lui maintenir ta tendresse

    Sarah, excuse-moi je vais avoir
    Un quart d’heure de retard, j’ai eu
    Une discussion pas très fructueuse avec un agent

    De loin dans le couloir du métropolitain
    Tu aperçois la minuscule silhouette
    D’une collègue que tu apprécies

    Et la suivant des yeux
    Tu constates qu’elle croise
    Sarah qui ne te reconnait pas

    Des fois je me demande
    Si ce que j’écris n’a pas quelques pouvoirs
    Sur le réel

    Deux cafés crème
    Et nous sommes assez rapidement
    Dans le vif du sujet avec Sarah

    Deux heures d’un échange
    À la fois touffu et riche
    Puis je m’assombris, je pense à Émile

    Avec une bienveillance
    Pleine de nuance
    Sarah me reconstruit un sourire

    Nous nous quittons, je me dis que je vais aller
    Embêter Tiffanie, chercher de la lecture
    J’oublie que nous sommes le premier novembre

    Je me rends compte
    Que je ne ressens pas la pression habituelle
    Sur ma fesse droite

    Excusez-moi je crois
    Que j’ai perdu mes papiers
    Où vous êtes assise

    Désolée, je don’t speak French
    Sorry to trouble you, I was sitting here
    And I have lost my wallet

    Cette jeune femme est étonnamment
    Jolie et souriante,
    Elle s’excuse que je m’excuse

    Par politesse, ça se fait
    Quand on veut regarder sous les fesses d’une femme
    Je lui demande d’où elle vient ?

    De Grèce des Îles de la Cyclade, vous connaissez ?
    Je n’en connais que les descriptions d’Homère
    Ça a dû changer depuis. Rires

    Trois heures plus tard
    Une salade de haricots
    Et trois cafés plus tard

    Nous avons discuté de politique
    D’urbanisme (qu’elle étudie), de féminisme
    D’autisme, d’éducation des enfants, d’altérité

    C’était merveilleux
    Ses yeux pétillaient d’intelligence et de culture
    Ni elle ni moi n’étions attendus

    Trois heures plus tard
    Je l’ai rendue à son travail
    Je suis reparti j’étais transformé

    Je ne sais même pas
    Comment
    Elle s’appelle

    Pas une fois pendant trois heures
    N’avons-nous reçu d’appels ou de messages
    Ni regardé nos montres. Par quel miracle ?

    Dans le métropolitain je souris bêtement en pensant
    Que ce qui a pu permettre ce petit miracle
    Notre grande différence d’âge

    Et si le début du grand âge
    Me fait de tels cadeaux
    Je bénis l’andropause

    Je passe à la librairie
    Essai sur le fou de champignons
    Une histoire en soi
    . Peter Handke

    Ma fille Sarah m’envoie une photographie d’elle
    Elle a croisé son idole, qu’écrira-t-elle
    Dans trente ans à propos de ces frôlements ?

    Soupe
    Morbier
    Cognac

    Je ressors une vieille galette
    De Larry Coryell
    Barefoot boy

    The killing of a sacred deer
    De Yórgos Lánthimos
    Journée grecque !

    L’étrangeté effrayante
    De Yórgos Lánthimos
    Ses dialogues hachés

    #mon_oiseau_bleu

  • Au réveil
    Impossible de poser le pied par terre
    Je clopine jusqu’aux toilettes. Kafka

    Dans le miroir de la salle de bain
    Ma tête de cévenol
    Et le corps d’un scarabée vouté

    Un peu de lecture, mais rattrapé par
    Du sommeil lourd et sans rêve
    Julia, prévenue, monte et prend peur

    Les Moins que rien

    Pour Mon Oncle Stanley avec lequel j’ai passé l’une des nuits les plus étranges de ma vie et pour la docteure D. qui m’a bien soigné, ma gratitude à tous les deux

    Fontenay-sous-Bois, le 10 août 2017

    Chère Docteure

    Je ne sais pas comment vous remercier. Déjà, pour commencer, cela vous fera plaisir d’entendre que je vais mieux, grâce à vous, grâce à votre équipe. Les heures que j’ai passées aux urgences de lundi à mardi comptent parmi les plus riches de mon existence, qui compte déjà quelques trésors.

    Quand vous êtes entrée dans notre chambre à l’Oncle Stanley et moi, je dois vous dire que je n’en menais pas large et le désespoir guettait. Et j’ai repris espoir en vous voyant beurrer les biscottes de l’Oncle Stanley, je me suis cette toubib qui beurre les tartines du vieux Mr Lawson, je peux d’emblée lui faire confiance.

    Vous ne connaissez peut-être pas un photographe helvético-états-unien qui s’appelle Robert Frank et que j’ai étudié il y a une trentaine d’années. Robert Frank a photographié son voisin d’hôpital à Halifax en Nouvelle Écosse au Canada et dans la gélatine il a écrit sa tendresse pour ce Mr Lawson, l’Oncle Stanley. Et c’est à cette série d’images que j’ai tout de suite pensé quand j’ai fait la connaissance du vieux monsieur avec qui j’ai partagé ma chambre.

    Vous faites un travail admirable. Vous êtes manifestement compétente, mais vous êtes aussi tellement dévouée et attentionnée, je ne sais pas si en haut-lieu on vous le dit de temps en temps, les hauts-lieux sont parfois ingrats, comme nous allons le voir, en tout cas, moi, je vous le dis. Cela ne changera pas grand-chose à pas grand-chose, cela vous fera peut-être plaisir de l’entendre.

    Il y a un peu plus d’un mois, le petit morveux que les veaux de Français ont été guidés d’élire pour président a eu cette parole remarquablement révélatrice, il a parlé des anonymes, en disant « des gens qui ne sont riens ». Vous n’imaginez pas à quel point cela m’a mis en colère. J’ai eu une envie irrépressible de le gifler comme on ne devrait pas gifler un adolescent présomptueux qui vous manque de respect.

    Depuis, je prends note de toutes sortes de situations dans lesquelles des moins que rien étalent des richesses insoupçonnées, surtout d’humanité et, cette nuit, dans votre service, j’ai été servi de très copieuses rations de pareils trésors. Vous, votre confrère infectiologue, Kevin, les infirmiers, les aides-soignantes et Mon (inénarrable) Oncle Stanley. À toutes et tous, merci, du fond du cœur, j’ai l’intuition qu’on ne doit pas vous le dire assez. Vous êtes à la fois des sentinelles et des remparts de ce qu’il y a et doit rester de meilleur en nous.

    Pour vous remercier, toutes et tous, je vous envoie un extrait d’un texte en cours que je suis en train d’écrire. Cela s’intitule Mon Oiseau bleu , ce sont des poèmes très brefs en trois vers librement écrits sans bien suivre des règles japonaises ancestrales eux appellent cela des haïkus , je ne suis pas très sûr que mes petits poèmes en soient de très bons et surtout de très authentiques, mais au moins ils vous raconteront comment un patient vit les choses dans votre service, dans lequel, je dois vous le dire, on dort très mal !

    Avec mon respect, mon amitié et mes remerciements

    Philippe De Jonckheere

    PS : je joins à cet envoi, un exemplaire de mon roman Une Fuite en Égypte pour la bibliothèque du CE (vous pouvez être la première à le lire avant de le verser à la bibliothèque !). Mon prochain livre sorte en 2018, il s’intitulera Raffut et il parle de rugby et de handicap mental, vous pourrez l’offrir à votre mari !

    Aux urgences de Bry-sur-Marne
    Dans la salle d’attente
    Une belle variété de personnes

    Un téléviseur allumé
    Longtemps que je n’en avais vu un
    En fait tout va bien dans le monde

    En fait tout va bien dans le monde
    Macron a déjà tout réparé
    Encore un peu de terrorisme qui fait chier

    Encore un peu de terrorisme qui fait chier
    Mais dans l’ensemble tout va
    Dormez braves gens

    Dormez braves gens
    Et, de fait, personne ne regarde
    Le téléviseur muet

    Le téléviseur muet
    Suis-je le seul à le remarquer ?
    Tous plongés dans leur téléphone

    Une très chouette infirmière
    Me demande si je suis belge
    Son compagnon s’appelle comme moi

    Profession ?
    J’ose (pour rire)
    Écrivain !

    Ah ? dans nos fichiers
    Vous êtes connu comme informaticien
    J’emmerde l’informatique !

    Une chouette docteure
    Se frotte les mains avec intérêt
    Pour mes rougeurs pas ragoûtantes

    Je lui propose de la cartographie expérimentale
    Elle dessine au stylo-bille
    Les contours de mes rougeurs

    Je suis aux urgences
    Et je pense aux cartographes
    De mon Facebook®©™ bio

    Je grelote
    En plein mois d’août
    Autour de moi les gens sont en nage

    On me propose la nuitée
    Je ne refuse jamais
    De dormir ailleurs

    Mon hôte s’appelle Kevin
    Un chouette infirmier
    Qui me parle comme à un vieillard

    Kevin me propose un plateau-repas, j’accepte
    Mais je préviens Kevin que je n’ai pas mangé
    Depuis trois jours, je vais picorer, au mieux

    Kevin, le chouette infirmier
    Me fait remarquer que cela ne le changera
    Pas des autres patients, tous très âgés

    Et, de fait, on amène mon compagnon de la nuit
    Un très vieux monsieur qui me fait penser
    Immédiatement à Mr Lawson de Robert Frank

    Mon Mr Lawson,
    Mon Oncle Stanley à moi
    S’appelle Roger

    Mon Oncle Stanley ne tient plus sur ses jambes
    Ne maîtrise plus ni mains ni sphincters
    Mais il a une bouille. Et un sourire édenté !

    Il n’entend plus très bien
    Du coup il parle
    Très très très, très, très fort

    Et aussi, et ça j’aime
    À un point ! il rit
    Très très très, très, très fort

    Et, le pauvre !
    Il a mal partout
    Dans n’importe quelle position

    Mais il rit
    Il a l’œil
    Qui pétille

    Je comprends mal
    Ce qu’il me dit
    Mais on se comprend bien

    Kevin est un peu las des nombreuses demandes
    De changements de positions de Mon Oncle Stanley
    Alors j’apprends à me servir des commandes du lit

    Mon Oncle Stanley et moi
    On trouve des positions
    Pas toutes dans le manuel

    Et ça le fait rire
    Mais rire
    Très très très, très, très fort

    Je ne vais pas tarder
    À découvrir que Mon Oncle Stanley
    A d’autres talents

    Julia s’égare
    Pour me rapporter mes affaires
    Fine psychologue, sans sens de l’orientation

    Elle a oublié mon respirateur
    On rit très très très, très, très fort
    Fine psychologue, tête en l’air

    Je m’endors
    Je me réveille, Julia a branché mon respirateur
    Et me tend le masque, m’embrasse, s’en va, je dors

    Choses entendues et choses vues
    La nuit sera longue aux urgences
    Et les nerfs de tous très éprouvés

    Des hommes sombres (pompiers ?)
    Poussent un brancard sur lequel
    Git un homme sans vie

    Mais trouvez-nous quelqu’un
    Elle est en train de se maculer
    Avec ses selles !

    Voix de Kevin, paniqué
    Mais Madame où est-ce que
    Vous allez, vous ne pouvez pas marcher ?

    Chute (bruyante)
    Kevin hurle (bruyamment)
    Un numéro codé

    Des collègues rappliquent
    Saint-Lazare à 8 heures serait
    Plus tranquille pour dormir

    Kevin, lampe de poche dans la bouche
    Soulève mon bras, prend mes constantes
    Et répond au téléphone, il est trois heures

    Mais pourquoi ils nous l’amènent
    Il ne va pas passer six heures ?
    Je ne dors plus, je ne veux plus

    Aux toilettes je découvre
    Que les rougeurs ont fraudé les frontières
    Et sont désormais dans l’aine. J’ai peur

    Je prends mon téléphone de poche
    Et je tâche de prendre en note
    Mes poèmes de ma nuit aux urgences

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J’ai passé la nuit
    Avec Phil Minton
    Et Sophie Agnel

    Le vieux monsieur à côté de moi
    A un très étonnant répertoire
    De raclements de gorge

    Et avec la tringlerie de son lit
    Il produit une grande variété sonore
    Nuit aux urgences

    (Tête de Sophie Agnel
    Quand elle a reçu
    Ces neuf lignes !)

    Arrivée de l’équipe du matin, soupirs
    Des aides-soignantes qui doivent passer la wassingue
    Sur les scènes de guerre de la nuit

    La vieille dame qui ne peut plus marcher
    Fait une nouvelle tentative d’évasion
    J’ai de l’admiration pour son opiniâtreté

    Quant à la dame qui fait du Gasiorowski
    Elle a, apparemment
    De nouvelles idées

    Mon Oncle Stanley à moi
    A des accidents de pistolet
    C’est comme ça qu’on dit

    Bref, c’est la foire
    La visite de la docteure
    Arrive avec le petit-déjeuner, tard

    Mon Oncle Stanley à moi
    N’a plus aucune maîtrise de ses mains
    Mais il tente de se débrouiller

    Un jour, peut-être
    Je me battrais avec la cellophane
    D’un duo de biscottes

    La docteure est chouette
    Elle vient en aide à l’Oncle Stanley
    Elle lui beurre ses biscottes

    La docteure est chouette
    Elle beurre les biscottes, pendant que cela
    Continue d’être la guerre pour les aides-soignantes

    La docteure est chouette
    Elle prend beaucoup de précautions
    Pour ménager l’Oncle Stanley

    Elle note deux ou trois trucs
    Mesure une plaie avec un petit décimètre
    D’écolière, bonne élève, débrouillarde (et souple)

    Elle voit que les aides-soignantes sont au clip
    Aide l’Oncle Stanley avec son jus d’orange
    Et d’un très beau sourire, s’excuse

    Vous êtes Monsieur De Jonckheere
    Vous êtes arrivé hier à 1800 avec épisodes fébriles
    Vous avez un érysipèle, dites-moi

    Elle est chouette,
    Elle écoute tout attentivement
    Elle me fait préciser des trucs

    Elle regarde attentivement la cartographie expérimentale
    Les rouges gagnent du terrain, mais reculent pas endroits
    Elle est rassurante, pas d’amputation ? Non pas encore !

    Elle est chouette,
    Elle me rassure
    Ce n’est pas moche, dit-elle

    Elle est chouette
    Elle promet de revenir avec un confrère
    Infectiologue, pour être sûre, dit-elle

    J’échange quelques messages avec Julia
    Avec Clément, je rassure mon monde
    Mais quelle nuit !

    On emmène Mon Oncle Stanley
    À la radiographie, ça l’amuse beaucoup
    Il rit très très très, très, très fort

    http://www.desordre.net/musique/zappa_illinois_ennema_bandit.mp3

    Où je découvre que, par je ne sais quel miracle
    J’ai dû faire un test, que sais-je ? sur mon téléphone
    Se trouve tout Bongo Fury de Frank Zappa

    Je profite de l’absence de Mon Oncle Stanley
    Pour écouter Zappa au téléphone
    Comme Proust écoutait du théâtre

    Sophie Agnel me répond
    Je suis devenu ami avec elle
    On rigole à propos de Phil Minton

    Je lis Les Beaux jours d’Aranjuez
    De Peter Handke, splendide
    Aux antipodes du navet de Wenders

    Dans le couloir j’entends
    La chouette toubib parler de moi
    C’est un Monsieur, la soixantaine

    Arrive l’infectiologue
    Je ne savais pas qu’un jour
    Je serais content d’en voir un

    La chouette toubib lui dit que ma CPS
    Était à 220, je corrige, 227
    C’est bon, j’ai leur attention

    L’infectiologue étudie la cartographie expérimentale
    Inspecte mes pieds, trouve à redire
    Un mois dans les Cévennes, des pieds de Cévenol

    Il montre une région de la carte
    Où il décèle le recul des Rouges
    Je suis confiant, dit-il

    La chouette toubib me sourit
    Cette docteure aime ce qu’elle fait
    Elle est complètement du côté de la vie

    Je vais tout de suite signer
    Vos papiers de sortie
    Appelez votre fils

    Huit heures plus tôt
    Je considérais la vie
    Amputé

    Arrivent Mon Oncle Stanley et son plateau
    Pas d’aide soignante, je lui propose de l’aider
    Je lui coupe sa viande et lui donne une bouchée

    Il a un sourire extraordinaire
    Elle est bonne exulte-t-il
    Cet homme a encore du plaisir

    Il rate une bouchée
    On rit très très très, très, très fort
    Je voudrais l’embrasser

    L’aide-soignante me voit catastrophée
    Je la rassure, j’aime ce que je fais
    Tellement plus que l’ open space , pense-je

    Et je pense justement que si mes collègues
    Me voyaient et m’entendaient
    Rire très très très, très, très fort…

    Avec l’aide-soignante qui a repris les commandes
    Pendant qu’elle donne à manger à Mon Oncle Stanley
    On parle des citronniers de son enfance, en Algérie

    Clément arrive, quand je sors
    La guerre est finie
    Mme Gasiorowski est passée à autre chose

    La chouette toubib me signe les papiers
    Elle me donne des prescriptions
    Et des conseils, elle rayonne

    Elle me demande comment je me sens ?
    Je réponds soulagé, mais très fatigué
    Je n’entrerai pas dans une mêlée, dis-je

    Ah je me disais aussi
    Vous êtes comme mon mari
    Un faux sauvage, un rugbyman

    Je la remercie, j’ai tellement d’admiration
    Pour cette docteure qui beurre les tartines
    De Mon Oncle Stanley, elle est solaire

    Je fais mes adieux à Mon Oncle Stanley
    Je suis obligé de guider sa main dans la mienne
    Cet homme m’a redonné de l’espoir, pour longtemps

    Et quand je pars finalement
    Il dit très très très, très, très fort
    Au revoir mon petit gars !

    Je pourrais pleurer
    D’être le petit gars
    De Mon Oncle Stanley

    Arrivés à la maison
    Clément m’aide
    Je n’ai toujours pas faim

    Je tente de grappiller
    Quelques heures de sommeil
    En pensant à Mon Oncle Stanley

    Cela faisait longtemps
    Que je n’avais pas vécu
    Une telle aventure !

    Le reste de la journée
    Est évidemment
    Très morne

    Cela ne peut pas être
    Urgences à Bry-sur-Marne
    Tous les jours !

    #mon_oiseau_bleu

  • Au saut du lit je note mes rêves en prose
    Puis, en vers, dans Mon Oiseau bleu
    Mais pour qui je me prends ?

    J’entame la lecture du livre de Nicolas Stephan
    De la violence dans les détails , hésitation :
    Dois-je écouter sa musique, ici ?

    Dans les Cévennes, je m’interdis
    D’écouter de la musique, et, de toute façon
    En ce moment je suis fâché avec la musique

    Dans les Cévennes je n’écoute pas de musique
    Mais j’écoute tous les petits bruits
    Dans la vallée, le matin, là, tout de suite

    Dans les Cévennes, je fuis les enregistrements
    Je n’écoute que de la musique fortuite
    Celle inattendue, tel Peter Handke

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/sons/jimi_hendrix.mp3

    Dans les Cévennes, il a trois ans
    Il y avait eu un concert de rock dans la vallée
    Des reprises de Hendrix, c’était très beau

    Dans les Cévennes je préfère rester
    Sur le seuil de l’église pour écouter,
    Entendre, le piano à bretelles

    Dans les Cévennes les ombres des nuages
    Sur les versants du Mont-Lozère
    Font office de partitions visuelles

    Dans les Cévennes
    La musique est considérée
    Comme un poison de la ville

    Pourtant, il y a vingt ans, cette maison
    A abrité un trombone, un violon, un alto
    Un violoncelle, une guitare et un théorbe

    Toute maison qui n’aurait pas un jour
    Abrité en son sein un théorbe
    N’est pas vivable

    Assez avec la musique !
    Il y a des légumes à éplucher
    Pour le pique-nique de ce midi

    Mes plus profitables leçons
    D’éclairage, je les tiens du soleil
    Dans cette vallée

    Ma plus profitable leçon
    D’éclairage : on peut tout faire
    Avec une seule source de lumière

    Puisque je dois mourir un jour
    Je souhaiterai que ce soit à cette table
    Devant cette fenêtre

    Comparant mes ampoules à des tendons d’Achille
    Zoé me resitue l’histoire d’Achille, oui, Marie
    La petite Zoé d’il y a cinq ans dans votre studio

    Pour m’occuper pendant que les enfants
    Feront de l’accrobranche j’emporte
    Le tapuscrit d’ Élever des chèvres en open space

    Le tapuscrit d’ Élever des chèvres en open space
    Le journal de la semaine dernière
    De la violence dans les détails de Nicolas Stephan

    Mes deux filles
    Leurs cheveux également attachés
    Pour affronter les tyroliennes

    Assis à la table de pique-nique
    Dans la forêt du Mas de l’Ayre
    J’écris à l’ombre de grands châtaigniers

    Ça y est, c’est fini
    Je ne touche presque plus
    À Élever des chèvres en open space

    Je reçois l’appel de Hanno
    A mon bureau en forêt !
    Il arrive demain

    Je rêve d’une telle table
    Une table sous un arbre
    Ce serait ma table d’ombre

    Je rêve d’une telle table
    Une table sous un arbre
    En parler à Daniel

    Je rêve d’une telle table
    Sur laquelle il neigerait en hiver
    Une table sur laquelle poser mes feuillets

    Je rêve d’une telle table
    Construite dans un bois
    Imputrescible

    Je rêve d’une telle table
    Qui, été après étés se souviendrait
    De ce que j’y ai écrit

    Je rêve d’une telle table
    Sur laquelle le vent
    Égarerait mes feuillets

    Je rêve d’une telle table
    Où les feuilles de mon arbre
    Dessineraient sur mes feuillets

    Je rêve d’une telle table
    Où j’abandonnerais tout un hiver
    Un tas de feuillets sous une lourde lauze

    Je rêve d’une telle table
    Où il pleuvrait tout l’hiver
    Sur une Remington rouillée

    C’est dimanche
    Octroie-toi le droit
    De ne pas poncer

    C’est dimanche
    Cumule les plaisirs
    Va nager !

    C’est dimanche
    Tu ponceras
    Demain

    Au pont, je croise une très jolie femme
    Nous nous sourions, tous les deux incapables
    De se souvenir d’où nous nous connaissons

    À la rivière la sensation heureuse
    De nager dans une mer de reflets sombres
    Huileux, froids et caressants

    Truite
    Riz
    Melon

    Décharge dans le dos
    La cruralgie reprend ses droits
    Et me foudroie, je suis alité

    Je lis en regardant les reflets
    S’assombrissant du crépuscule
    Sur les montants des fenêtres

    Je suis découragé à l’idée
    Qu’il faut aussi que je peigne
    Les montants des fenêtres

    Le comprimé que je devrais prendre
    Pour soulager mon mal de dos
    Tombe entre deux lames de parquet

    Tramadol qui tombe
    Entre deux lames de parquet
    Bonne nuit et fais de beaux rêves !

    #mon_oiseau_bleu

  • https://morgenbladet.no/sites/default/files/styles/full_width/public/39.jpg?itok=Ic9YSYad

    http://desordre.net/musique/lloyd.mp3

    Journée qui commence
    Sans heurt
    Charles Lloyd

    Pas sûr que l’on puisse construire
    Une journée sur la base
    D’un blues aussi déconstruit

    « Les homosexuels,
    Ça n’existe pas chez nous,
    En Iran »

    Conseil pour jeunes parents d’un enfant autiste
    Méfiez-vous des professionnels qui promettent
    Et soyez confiants envers les modestes

    Il n’est pas huit heures du matin
    Et tu as déjà écrit des mails
    A trois psychiatres !

    D’un mouvement rageur
    J’éteins la radio
    Pour les cinq prochaines années

    D’un mouvement rageur
    J’éteins la radio, j’en ai soupé
    D’éloges du nouveau président

    On nous démontre
    Par a + b
    La nécessité de se faire tondre

    Un café
    Avec Catherine
    Et un verre d’eau

    Éloge de l’amour
    D’Alain Badiou
    Dans l’espoir de guérir

    Les Beaux jours d’Aranjuez
    De Peter Handke, le texte,
    Pas le navet de Wim Wenders

    Une vieille dame s’écrit : « Voilà le 118 ! »
    Toi, tu mets bien plus longtemps
    Avant de voir son numéro

    Une vieille dame s’écrit : « Voilà le 118 ! »
    Son sourire qui me dit :
    « Elle a de bons yeux la vieille ! »

    Dans l’autobus
    Une toute jeune fille
    Lit Prosper Mérimée

    Tu retrouves ta maison
    Vide
    Ne pense plus à elle !

    Tu retrouves ta maison
    Vide et silencieuse
    Pas de nouveaux messages

    Tu retrouves ta maison
    Vide et silencieuse
    Et seul

    Pour aller à cette fête chez des amis
    Fais-toi beau, sens bon
    Souris

    http://desordre.net/musique/coleman.mp3

    D’Ornette Coleman, tu découvres
    Un morceau intitulé
    Rue Monsieur le Prince

    Tu as habité
    Rue Monsieur le Prince
    Où est mort Malik Oussékine

    Malik Oussékine
    Est mort
    Chirac est toujours vivant !

    Chirac est toujours vivant
    Ornette Coleman
    N’est plus

    Ornette Coleman
    Don Cherry
    Billy Higgins

    http://desordre.net/musique/haden.mp3

    Solitude,
    À la contrebasse,
    De Charlie Haden

    Gendarme,
    Jusqu’à la dernière relecture,
    Ta propension à faire le malin

    Hitler est encore vivant !
    Me confie une source sûre.
    Il aurait 128 ans aujourd’hui.

    Pour ne plus penser à elle
    C’est simple
    Tu dois travailler, écrire

    Fête chez Julien et Sabine
    Jeunes gens brillants
    Je suis assurément le plus vieux

    Arrivée de Sarah,
    Jérôme
    Et Karine, avec un K

    Oui, ils ont beaucoup souffert
    Ils ont aussi beaucoup fait souffrir aussi
    L’ex-Yougoslavie par Karine

    Karine t’apprend un nouveau mot
    Cynophobie
    Dont tu as longtemps souffert

    Tu penses trop à elle
    Hitler est vivant
    Les longs cheveux de Karine

    #mon_oiseau_bleu

  • Research backs up the instinct that walking improves creativity — Quartz
    https://qz.com/658725/research-backs-up-the-instinct-that-walking-improves-creativity
    https://qzprod.files.wordpress.com/2016/04/rtr3by3i.jpg?quality=80&strip=all&w=1600

    But in recent years, as lives have become increasingly sedentary, the idea has been put to the test. The precise physiology is unknown, but professors and therapists are turning what was once an unquestioned instinct into a certainty: Walking influences our thinking, and somehow improves creativity.

    Last year, researchers at Stanford found that people perform better on creative divergent thinking tests during and immediately after walking. The effect was similar regardless of whether participants took a stroll inside or stayed inside, walking on a treadmill and staring at a wall. The act of walking itself, rather than the sights encountered on a saunter, was key to improving creativity, they found.

    Dan Schwartz, who conducted the study and is Dean of Stanford Graduate School of Education, says in an interview that there are “very complicated” physiological changes associated with walking. It’s not exactly clear why walking is helpful to so many thinkers, but “it could be that the brain is focusing on doing a task it’s quite good at,” he adds, which then allows it to free up and relax.

    #marche #marcher #penser #créativité

  • J’ai déjà écrit ici (en 2011) à quel point Les Ailes du désir de Wim Wenders a influencé mes jeunes années. Je me rends compte que ce film a 30 ans et, tous les, disons, cinq ans, je traverse une période durant laquelle je suis hanté par des réminiscences du film. Et notamment, la séquence du poème Als das Kind Kind war de (évidemment, me dira @philippe_de_jonckheere) Peter Handke.

    https://www.youtube.com/watch?v=9hhOsoxTrJU

    Séquence qui se termine sur From Her to Eternety du jeune Nick Cave (OK, 30 ans tout de même à l’époque, moi j’avais 17 ans).

  • https://www.franceculture.fr/emissions/poesie-et-ainsi-de-suite/poesie-et-chair

    Aujourd’hui, je cause dans le poste, sur France Culture, à 15 heures, dans l’émission La Poésie et ainsi de suite de Manou Farine. sont également invités à cette émission, Francçoise Decquiert et vincent Labaume, autour des deux expositions de Michel Journiac.

    Je repasserai en fin d’après-midi pour donner le lien du poadcast (notamment pour @monolecte qui préfère 17 heures, le moment où la journée bascule).

    #shameless_autopromo
    #une_fuite_en_egypte

    • Bon alors pour @monolecte qui préfère après 17H :

      https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/14487-19.05.2017-ITEMA_21329596-0.mp3

      Et sinon un extrait d’ Une journée réussie , qui est un texte qui décrit les coulisses de cette journée exceptionnelle :

      Il faudrait que je relise l’ Essai sur la journée réussie de Peter Handke pour me rappeler si, oui ou non, un désagrément, même un seul, même léger, est une manière d’ingrédient nécessaire pour qu’une journée réussie soit effectivement complète, j’ai le souvenir que oui, j’ai l’intuition que oui.

      Le désagrément mineur est advenu dans les couloirs du métropolitain pour rejoindre Mille pages à Vincennes, où, le soir-même, je devais rencontrer des lecteurs, lire des extraits d’ Une Fuite en Egypte , dédicacer et répondre aux questions sagaces de Pascal Thuot, l’excellent libraire et, last but not least , boire un coup et déguster des excellents fromages de la crèmerie de Vincennes, selon la plus pure tradition des rencontres de la librairie. Je venais de passer le portillon, une contrôleuse me demande mon billet, je le lui tends, elle me demande ma carte de famille nombreuse pour justifier de la réduction du prix du billet, ma carte, comme on le sait à la lecture de Le Rapport sexuel n’existe pas (autre texte en cours, ndlr), est expirée et j’ai fait œuvre d’une procrastination hors de propos ces derniers temps, ce que je tente d’expliquer, patiemment, à cette préposée, pas tant la procrastination coupable, mais la lenteur du renouvellement, tout en lui fournissant des preuves manifestes, irréfutables même, du fait que je suis effectivement un père de famille nombreuse. Attestation de sécurité sociale et de mutuelle, sur lesquelles les enfants sont dûment enregistrés, n’adoucissent pas son inflexibilité, je lui fais également remarquer que parmi les enfants en question, elle peut remarquer que l’un d’eux, Émile, est handicapé, non que je cherche à l’apitoyer, mais simplement à lui suggérer que je peux faire face à des contingences un peu extraordinaires qui font passer en arrière-plan le caractère administratif de l’existence, j’exprime vraiment les choses de cette manière, un peu comme un type qui sortirait d’un studio d’enregistrement de la maison de la radio pour une émission littéraire sur France Culture, mais l’inflexibilité demeure, la préposée m’annonce qu’elle ne peut pas prendre, seule, LA décision de la clémence et m’aiguille vers son chef, un homme supérieurement cadastré, qui ne cesse de répéter que son travail est strictement borné à la constatation des infractions et, qu’en la matière, il y a, positivement, infraction constatable, infraction, dont je tente, en vain, de lui faire remarquer qu’elle est, tout de même, limitée à 70 cents ― là aussi je fais l’effort, mal récompensé, de dire soixante-dix cents et non septante cents ―, je tente également de faire valoir que mon existence connait, en dehors de cette écrasante déception amoureuse dont je suis, malgré tout, en train de me remettre, mais dont je ne parle, tout de même pas, au contrôleur retors, auquel, en revanche, je détaille, malgré tout, donc, quelques-unes des vicissitudes irréfragables que connaît mon existence, mais tout cela en vain, je m’en rends bien compte, la sentence tombe, en dépit de tout, trente-cinq euros tout de suite ou quatre-vingt-cinq euros à réception postale de l’amende forfaitaire ! J’oppose à mon locuteur du moment, inutilement je le sais, mais pour le plaisir désormais, et lui montrer que je suis très fort en calcul mental, que la sanction est cinquante fois supérieure au préjudice subi par la Régie Autonome des Transports Parisiens, préjudice par ailleurs virtuel, puisque j’ai véritablement, dans l’absolu, droit au tarif de famille nombreuse. Je pousse un peu plus outre le raisonnement en maintenant tonalité de voix et niveau de langage soutenu du type qui sort de la maison de la radio, et continue de discourir avec la componction de rigueur en pareil cadre, et l’invite, je suis lancé, à une relecture prochaine de Stanley Milgram, et je fais même l’effort d’un peu de vulgarisation, signalant à son intention, que lesdites expériences de Milgram sont au cœur d’un film de fiction célèbre, I comme Icare d’Henri Verneuil, qu’il a peut-être vu à la télévision, ou encore d’ Expérimenter de Michael Almereyda sorti l’année dernière au cinéma, si je continue d’en rabattre comme cela je vais finir par être invité sur France Inter plutôt que sur France Culture, et pendant que je tente de lui expliquer avec ma plus belle voix d’intervenant radiophonique que son entêtement, le mot est lâché, contribue à rendre notre société inhumaine, le raisonnement des conducteurs des trains vers les camps de la mort n’est plus très loin, je sens monter en moi une vague puissante d’un calme inédit, là même où devrait s’enclencher des réflexes de forcené, mais voilà, les bénéfices de trois psychanalyses ― je savais que cela allait resservir ― et des échanges de fond de court avec le John McEnroe de la psychanalyse ce matin, au cours desquels nous sommes gaillardement remontés jusqu’aux origines de mon sentiment d’injustice, me détournent de ma colère ou encore de la tentation, tout lecteur de Stanley Milgram, et tout invité d’émission littéraire sur France Culture que je sois, d’abaisser mon centre de gravité, comme on dit dans les manuels de rugby ― je savais que le rugby allait resservir ― de le raffuter, sans violence excessive ― encore qu’il y ait une différence de masse manifeste entre le contrôleur et moi ― et d’aller prendre ma rame dont j’entends l’approche, mais, est-ce de la sorte qu’on agit en sortant de la maison de la radio, qu’on a devisé à propos des sources mêmes de son écriture, qu’on a écouté Françoise Decquiert et Vincent Labaume parler à propos de Michel Journiac ? Non, sans doute pas. Je paye donc mon amende, non sans ironiser auprès du contrôleur obtus que le montant qui vient de m’être extorqué par la Régie Autonome des Transports Parisiens ― un vrai rapt à la RATP ― dont il est l’agent, et donc, en bon milgramien , la personnalité agentique par excellence, correspond, à cinquante cents près, à celui d’une séance d’orthophonie pour mon fils Émile. Mais je suis un peu déçu, il faut bien l’avouer, de constater que le contrôleur ne m’écoute plus et que je suis en train d’échouer à le convaincre de la nécessité, pour lui, prochainement, de lire Stanley Milgram, dont je me fais la réflexion que je devrais TOUJOURS avoir sur moi un exemplaire de Son Expérience sur l’obéissance et la désobéissance à l’autorité , quand je pense au poids exorbitant de nombre des accessoires photographiques que je transporte quotidiennement, dans ma besace de photographe, et qui ne servent pas tous, pas tous les jours en tout cas, le poids de ce petit livre serait marginal dans la lourde besace et autrement utile dans la vie de tous les jours. Et je perds toute mesure, l’esprit de Michel Journiac souffle violemment sur moi, je me prends à imaginer une manière de performance qui consisterait à faire des lectures publiques d’ Expérience sur l’obéissance et la désobéissance à l’autorité , à quelques encablures seulement, de ces barrages filtrants de contrôles de validité des billets. Je conclus finalement l’échange avec cette personnalité agentique obtuse, au point d’être étroite, en lui faisant remarquer qu’avec lui j’avais surtout eu le droit de me taire et encore qu’on pouvait me l’enlever. Je crois que là, je l’ai vraiment perdu. Et j’en viens même à me demander si je n’ai pas commis l’irréparable, le concernant, en lui inoculant un des vers qui me rongent depuis des dizaines d’années, bousillant prochainement son sommeil et le poussant probablement à la boisson, l’acculant peut-être même au suicide, tentant le soir, en revenant de son travail, si mal considéré, ce dont il porte une responsabilité individuelle et agissante, de comprendre le caractère fondamentalement paradoxal d’une parole, voulue comme une plaisanterie, mais désormais de la dernière toxicité, il n’est pas toujours prudent de guérir des personnalités agentiques contre leur gré, en somme, et sans le nécessaire étayage d’une véritable prise en charge psychanalytique. Quant à moi est-ce que je ne devrais pas borner mes opérations de transfert sauvage dans le cadre strictement identifié des séances de psychanalyse ?

      Et si, pour cette scène, on me demande une archive , comme ils disent à la maison ronde, ce ne sera pas difficile : pendant toute cette scène, dans un couloir voisin, un jeune gars chantait, excellemment, en s’accompagnant à la guitare, I’m Beginning To See The Light du Velvet Underground ― enfin, tel que ce thème ellingtonien est chanté par le Velvet.

      Et dire qu’à l’aller, en taxi, avec Tiffanie, je lui parlais des films de Mariano Cohn et Gastón Duprat, notamment de Citoyen d’honneur et de l’Homme d’à côté comme étant des chefs d’œuvres, s’attachant à la narration de non-rencontres entre des protagonistes équipés d’échelles de valeurs, opposées au point de ne plus pouvoir débattre, et que le camp que choisissent Cohn et Duprat était, souvent, à raison, celui de la dénonciation de la morgue intellectuelle.

      Et sinon aussi, dans l’émission, ils ont quand même pas mal coupé Coltrane, dont voici le morceau complet : Crescent donc

      http://www.desordre.net/musique/coltrane.mp3

      Et l’incroyable interprétation déconstruite de Summertime par Duke Ellington

      http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/duke_ellington_summertime.mp3

    • J’ai décidé de t’écouter en live, faisant une entorse à mes habitudes et tu venais juste de commencer à parler que mon père appelle pour me faire un caca nerveux parce qu’Orange lui plante sa ligne fixe depuis 10 jours et n’ont pas l’air très pressés de rétablir le téléphone à un vieil homme seul de 85 ans…

      C’est moi ou rien ne marche plus depuis un ou deux mois ?

    • Oh, mais @philippe_de_jonckheere nous avons un peu vécu la même chose et presque en même temps :/
      Sauf que je n’ai pas ta verve pour sublimer la rencontre avec ces atroces contrôleurs, véritables robots si fiers de leur soumission au grand capitale RATPesque. J’ai évoqué l’inhumanité aussi, (et j’avoue qu’ils ont eu droit à la comparaison avec les SS lorsque la seule réponse a été qu’il obéissait aux ordres) Bref, le 17 mai à 23h venue à paris par avion puis le bus d’orly pour l’enterrement d’un ami, ils ont bloqué les portes et verbalisé la moitié du bus. J’ai beau avoir spécifier que j’étais troublée, que oui je n’avais pas composté mon ticket pour cette raison, ils n’ont rien voulu savoir. Arf, dégoutée, vraiment
      Quand je pense en plus qu’avec ce pote disparu on organisait des actions pour la gratuité des transports avec un groupe qui se nommait le RATP (Réseau pour l’Abolition des Transports Payants) ça m’a pas fait rire
      Bon allez, la fin est plus drôle, en me baladant dans paname, je devais tirer des sous, et voila que quelqu’un avait oublié ses billets et avait disparu, le mauvais sort a été dissous immédiatement dans l’argent.

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 90 : C’est souvent que je pense et repense au livre de Peter Handke, Essai sur la journée réussie , qui pour moi aura longtemps été une manière de modus vivendi, peut-être pas autant que Mon Année dans la baie de personne , mais malgré tout une référence. J’aime, par-dessus tout, cette idée qu’il faut réussir sa journée. Que c’est une manière d’œuvre. Qu’il faut pour cela déployer les mêmes moyens que ceux que l’on met en branle qui pour un texte réussi, qui pour une sculpture réussie, qui pour une image réussie, qui pour une musique réussie et dans cette forme très singulière de la réussite que l’on soit son seul juge impartial. J’ai même essayé il y a un an, quand j’avais réarrangé ma chambre après le funeste été 2015 et son invasion de punaises de lit, de laisser le livre un peu en évidence, comme je le fais d’autres livres dont j’aime bien soit la couverture en elle-même, c’est par exemple le cas de la Perte de l’image de Peter Handke avec sa photographie d’Arnaud Class, effet de décoration un peu stupide dans mon cas puisque je dispose de l’originale, je sais c’est idiot, ou encore Breakdows d’Art Spiegelman, Les Américains de Robert Frank, Mon Année dans la baie de personne de Peter Handke, naturellement le Temps retrouvé de Marcel Proust, on ne se refait pas, mais aussi Les Saisons de Maurice Pons, La Chambre claire de Roland Barthes et en fait toutes sortes d’objets aussi, parmi lesquels, en plus des œuvres au mur, une immense tête de lièvre en céramique de Martin, et des ailerons de requins dont quelques-uns en céramique, les autres en pâte à modeler et j’espérais que la simple vue du titre de ce livre en me levant agirait chaque fois comme une admonestation à une telle réussite et tout ce que cela demandais finalement d’effort.

    Mais comme l’explique si clairement Peter Handke, c’est souvent le hasard qui réussit la journée pour nous, et ce n’est pas juste une manière d’enchainements heureux, de dispositions des petits astres de notre journée selon des alignements prometteurs qui est la traduction du hasard, je pense qu’au contraire il s’agit d’une disposition d’esprit, quelque chose qui aurait à voir avec notre capacité d’accueil de la nouveauté. Là c’est moi qui extrapole, Handke est plus engagé dans des enjeux littéraires notamment des ingrédients de la journée réussie.

    Par exemple, cela fait quelques temps que j’ai décidé de me moquer éperdument du jour de la semaine, non pas l’ignorer mais décider une mauvaise fois pour toutes qu’il n’y avait pas de journées noires parce qu’elles étaient mangées par le travail en open space ou encore qu’il pouvait se produire que je ne fasse pas grand-chose d’un samedi ou d’un dimanche au cours desquels j’étais seul et sans enfants à la maison et que si cela me chantait d’écouter de la musique ou de bouquiner tout du long du week-end en buvant des hectolitres de café, be it. Il importait en revanche que je sois accueillant de ce qui viendrait qu’un lundi matin en arrivant au travail, au lieu d’être morose de me réjouir d’une joie simple d’être parvenu à me garer dans la dernière place du parking, dans le troisième sous-sol tout au fond, sans manœuvre et en roue libre tout du long. Que cela en soi était une réussite exemplaire, de noter que j’y étais parvenu en écoutant les Variations Golberg de Bach, et du coup de me connecter un peu plus vaillant que d’autres fois à mon poste de travail, après tout pourquoi pas ? en soi ce n’était pas plus idiot comme désir d’une émancipation minuscule que cet autre chantier que je conduisais par ailleurs, à savoir tout ignorer de la campagne électorale en cours, désormais certain que ce qui serait présenté comme des faits immenses seraient en fait des taupinières et qu’au contraire rien de ce qui importe ne serait abordé, juste par acquis de conscience, rassurez-moi, est-ce que le moindre des candidats à cette mascarade aborde quotidiennement le sujet des réfugiés ou encore celui de la politique carcérale ou encore de l’évasion fiscale ou bien encore de la part de la dette odieuse qui écrase els fiances publiques ? non sans doute pas. Je fais donc bien de continuer à ignorer toutes ces gesticulations et à poursuivre mes petites expériences d’émancipation minuscule.

    Et à défaut de réussir toute la journée aujourd’hui, je pense que j’aurais au moins réussi ma pause méridienne, j’ai aimé, comme chaque midi arriver dans les tout premiers et bénéficier de ce fait d »un réfectoire encore calme et non saturé par la brouhaha de discussions qui toutes ne me font pas plaisir pour le peu que j’en capte, j’ai aimé mon filet de poisson et ses carottes bicolores, j’ai aimé la salade de cœurs d’artichaut et la part d’ananas, j’ai aimé ressortir de la cantine au moment même où cette dernière allait bientôt être saturée par le vacarme collectif, j’ai aimé le tour du pâté de maison que j’ai fait, en prenant quelques photographies à l’aide du téléphone de poche offert par Clémence pour mon anniversaire, j’ai aimé m’arrêter au Bistro du Marché pour prendre un café au comptoir, j’ai aimé tomber par hasard — c’est à cet endroit précis que le hasard a frappé avec grâce — lire cet article du journal Libération qui trainait sur le comptoir et que je n’ai pas eu à ouvrir puisque l’article que j’ai lu était le portrait en dernière page de Cédric Herrou, je n’ai pas aimé la photographie mise en scène de ce portrait, l’article lui était plus neutre et meilleur, mais j’ai aimé cette petite lecture le temps d’avaler mon café, j’ai aimé boucler le tour du pâté de maison en photographiant mes premières affiches détournées de cette campagne électorale, c’est idiot mais je ne demande pas de plus grande récréation visuelle que celle de quelques affiches arrachées t les formes qu’elles produisent par hasard à la manière des travaux de Raymond Hains et Jacques Villeglé. J’ai aimé échanger quelques messages textuels avec Madeleine qui m’informe qu’elle n’a pas trop mal réussi son épreuve de bac blanc d’histoire géo, non sans redouter un hors sujet, j’ai ironisé avec elle sur le faut que l’on ne pouvait pas être hors sujet en histoire que l’histoire n’avait ni de début ni de fin, cela nous a bien fait rire.

    Et je suis remonté au travail, prendre note de tout cela. J’ai un peu réfléchi à la question du repas de ce soir, je pense que je vais faire une quiche et je me suis fait toute une joie d’aller au concert ce soir aux Instants écouter Phil Minton, qui plus est en duo avec Sophie Agnel.

    Après tout ce n’était peut-être pas que la pause méridienne qui était réussie.

    #qui_ca

  • J – 132 : J’avais rendez-vous avec Sarah ( http://www.retors.net ) à l ’Industrie , c’est-à-dire là même où nous avions travaillé pendant le premier semestre, un mercredi sur deux, à remettre d’aplomb Une Fuite en Egypte , c’est sans doute le moment où jamais de dire, et de redire, publiquement, ma dette envers Sarah, pour avoir su débarrasser ce texte d’une part qui était trop sauvage, au point d’agresser son lecteur, qui était déjà suffisamment malmené comme cela merci, par cette ponctuation aberrante, mais aussi, et ce n’était sans doute pas facile, d’avoir réussi, en dépit, toujours de cette ponctuation aberrante, à re-cheviller tous mes hypallages coutumiers et autres propositions relatives ou subordonnées, relatives à pas grand-chose et subordonnées à presque rien, et, mieux encore, pour aiguiller ce texte vers la bonne personne, Hélène Gaudy ( http://www.inculte.fr/catalogue/une-ile-une-forteresse ), dont je suis terriblement redevable aussi, c’est une chose de noter tout cela dans la section du livre réservée aux remerciements, c’en est une autre, et j’y tiens, de dire à quel point certaines contributions sont essentielles. Voilà c’est fait.

    Sauf qu’entretemps l’Industrie n’avait pas du tout l’ambiance feutrée et calme d’un mercredi matin, c’était bien pis que cela, la première table où j’étais assis en attendant Sarah était voisine de deux Américains, fort contents d’eux-mêmes, apparemment tous les deux travaillant dans un domaine informatique assez voisin de ceux que je peux fréquenter moi-même, décidément ce n’était pas une très bonne récréation, jusqu’à ce que se fasse jour, dans cette conversation d’informaticiens, que le type même de programmes sur lesquels ces deux Américains forts contents d’eux-mêmes et parlant de tout, avec des accents de domination à peine voilés, par une éducation malgré tout universitaire, il y avait un type de mon âge et un autre plus jeune, les deux également imbuvables, jusqu’à, donc, ce que je comprenne dans cette conversation typique d’Américains en phase de conquête, on parle fort de toute manière toutes les grenouilles autour de nous ne peuvent pas nous comprendre, que je comprenne donc que ces deux Américains informaticiens aux habits de type détendus des pattes arrière, mais néanmoins salaires annuels à six figures, étaient en fait des informaticiens travaillent non pas dans le domaine bancaire comment d’aucuns, mais dans celui de la conception et l’ingénierie des armes, et la société du plus jeune de ces deux Américains en jean à salaire annuel en centaine de milliers de dollars venait de mettre au point une sorte de révolver à balles téléguidées, qui permettaient, en dépit d’être tirées dans des directions différentes, de, toutes, atteindre leur cible, en même temps - at the exact same fuckin’ time . Cela me laissait songeur et Sarah m’a sauvé de cette conversation que je faisais mine de ne pas écouter, ni comprendre, mais dont je perdais pas une virgule, imaginez un peu, et nous sommes allés prendre un thé et discuter un peu plus loin à une table entourée de gens plus normaux, français à tribord, comme à bâbord, de notre table, et dont on pouvait tout ignorer de leur vie professionnelle, en revanche être nettement plus renseignés sur leur vie sentimentale, et c’était bien cela le souci de l’Industrie ce soir-là c’est que tout un chacun parlait fort, les uns de leurs armes du XXIIIème siècle naissant, les autres de leur difficulté à retenir Untel dans l’emprise de leur charme pourtant tellement opérant le mois dernier encore.

    On a donc fini par s’exiler avec Sarah, d’autant qu’avec Sarah, et ce n’est pas la moindre des beautés de notre relation, nos sujets de conversation sont rarement le genre de choses que l’on aimerait brailler à tout bout de champ comme d’aucun des secrets de fabrication d’armes létales et qui littéralement tirent dans les coins, et d’aucunes que les hommes vraiment.

    Et cherchant un restaurant pour dîner tranquillement, intrigués que nous étions, nous sommes passés devant un restaurant chinois dont toute une aile semblait déserte et je me faisais fort d’expliquer au serveur qui nous accueillerait qu’après le vacarme de l’Industrie c’est dans cette aile orientale - je n’invente rien, c’était effectivement la partie la plus à l’Est de ce restaurant - que nous aimerions dîner et discuter tranquillement. Par ailleurs le restaurant en question était équipé de tables étonnantes qui était percées au centre par un cercle contenant une manière de plancha et de plaques en céramique permettant la cuisson d’un bouillon depuis lequel nous pourrions faire une tambouille chinoise de notre cru, allant nous servir, dans un très ample buffet, de toutes sortes d’aliments pas tous connus de nos estomacs ponantais. En revanche les explications de notre serveur étaient sommaires, nous étions les seuls Européens parmi les convives, ce qui dans un restaurant chinois est habituellement un excellent signe d’authenticité, en revanche nous étions complétement largués à propos du protocole, au point qu’ayant moi-même commandé un bouillon de fondue au crabe épicé, est arrivé à ma table un récipient contenant, de fait, de nombreuses gousses de piment éventrées et un demi-crabe qui avait dû être fracassé avec une masse avant d’être jeté dans un court-bouillon, de même quelques légumes croustillants parmi lesquels j’ai tout de même reconnu quelques segments de branches de céleri, et m’enquérant, aimablement auprès du serveur, pas très pédagogue, que je pouvais difficilement cuire les tranches de viande qu’ils m’apportait sans bouillon, il m’indiqua, sans politesse excessive, comme il aurait fait, finalement, envers un convive ayant bu dans un rince-doigts qu’il fallait d’abord que je mange le crabe et qu’il arroserait ensuite, avec un bouillon idoine, les restes de cette libation, qui promettait d’être périlleuse, seulement aidé de baguettes chinoises, je voudrais vous y voir à ma place, et qui promettait aussi d’être d’une vision pénible, dans ce tête à tête avec Sarah, qui pour me mettre à l’aise, me fit remarquer que pour un prochain, et premier, rendez-vous galant, je devrais sans doute éviter un tel restaurant.

    Les marchands d’armes étaient loin, mais les périls n’en restaient pas moins nombreux.

    Sans doute mentionné dans la carte de ce restaurant, mais en chinois que ni Sarah ni moi ne maîtrisons - pourtant si Sarah et mois unissions nos compétences linguistiques, nous pourrions aller dans de nombreux pays en parfaite autonomie, mais pas la Chine - la commande de cette fondue comprenait, d’office, une vingtaine de tranches de viande - Sarah est végétarienne - et une plâtrée abondante de crevettes, seiches et morceaux de poissons. Et naturellement si d’aventure nous manquions de quoi que ce soit, un buffet étonnant d’entrées diverses, parmi lesquelles une salade d’algues délicieuse, des crevettes au sésame, une salade de tripes épicées et tout plein d’autres choses dont nous n’aurions pas nécessairement su dire ce que ces choses étaient.

    Un trio d’hommes chinois s’est installé sans grâce excessive, des joueurs de rugby en tournée arrivant au buffet du petit déjeuner de leur hôtel auraient produit plus ou moins le même effet pas très distingué, et en quelques paroles, qui ne souffraient pas beaucoup la contradiction, ont commandé des montagnes de nourritures, ce qui nous a permis, espionnage industriel aidant, de mieux comprendre comment nous y prendre, Sarah et moi avec toute cette nourriture.

    Grimpant cet Everest de nourritures trop abondantes à pas comptés, Sarah et moi avons eu le temps de cet échange long et approfondi au point qu’à peine redistribués dans la métropole par le métropolitain nous nous envoyons un message textuel à la fois inquiets de la façon dont nos estomacs allaient digérer tout ça, la fondue helvétique à côté c’est de la petite bière, mais ravis, nous l’étions l’un et l’autre, d’avoir pu se parler de la sorte. Et le soir-même, Sarah m’envoie cet extrait de Mon année de la baie de personne de Peter Handke sur lequel elle est retombée récemment :

    « Pour ce qui était du titre, l’éditeur me fit remarquer que le mot "personne", de même que "seuil" ou "fuite" avaient sur la couverture d’un livre un effet négatif, effrayant, et qu’il n’était guère de saison de situer l’action principale - il m’avait deviné - dans une banlieue éloignée, qu’une histoire d’aujourd’hui devait se dérouler au centre-ville, mais que le livre pourrait quand même trouver des lecteurs - parce que c’était moi. »

    ( Mon année de la baie de personne , p.662), je pense que vais garder cet extrait tu de mon éditeur jusqu’à la sortie du livre.

    Mais quand même. Mon année de la baie de personne . Peter Handke. Toutes proportions mal gardées.

    Et je garde quelques regrets, pas trop aiguillonnant, ça va, de n’avoir pas connu ce restaurant, et Sarah, du temps de l’écriture de Chinois (ma vie) , cette scène dans le restaurant de fondue y aurait été parfaite.

    Exercice #59 de Henry Carroll : Prenez un portrait de quelqu’un sans qu’il ne soit sur la photo

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/nick_cave_into_my_arms.mp3

    J – 166 : Wim Wenders ne doit pas être loin d’atteindre le même stade ridicule de la sénilité que celui atteint et dépassé depuis fort longtemps par Woody Allen. Ou comment avec les meilleurs ingrédients, les plus fins qui soient, il est possible de préparer un plat immangeable.

    Ainsi, ce cinéaste qui a enchaîné les navets depuis Les Ailes du désir, - le dernier film en date étant Everything will be fine qui se pose là en matière de navet, avec un acteur, John Franco, dont on a le sentiment qu’il a tout le temps été filmé avec le soleil et ou l’éclairage dans les yeux, tellement il a l’air contrarié - un peu avec la même régularité que Woody Allen depuis, soyons clément, Husbands and wives , Wim Wenders, donc, s’attaque à la mise en scène cinématographique d’une pièce de théâtre de Peter Handke, les Beaux jours d’Aranjuez , un texte sans doute pas facile, sans aucune concession de la part de Peter Handke, une narration lente, faite de la patiente accumulation des images, toutes nées de l’observation extrêmement attentive de la nature qui sert ensuite de boussole du réel - exemple : on reconnaît, de façon infaillible, que l’on est au faite de l’été, de la saison chaude, à la chair presque blanche, et aux pépins quasi noirs, au contraire, des pommes, les lecteurs aficionados de Peter Handke, dont je suis, jubilent dans la salle, ils ne sont pas nécessairement majoritaires, quand bien même le public est extrêmement peu nombreux -, des dialogues qui parlent d’amour physique en maintenant ce dernier absolument garanti de toute vulgarité, laquelle est également reconduite, en toutes choses, par les gestes attentifs de cette homme et de cette femme qui ont pris plaisir à définir antérieurement au dialogue le périmètre de ce dernier, bref un texte aride, anti spectaculaire par excellence, et pour lequel on devine d’emblée que la mise en scène cinématographique sera une gageure, il serait, en effet, plus cinématographique de s’attaquer à un texte de Virginie Despentes, mais Wenders il est copain avec Handke, pas avec Despentes - parce que l’entre soi n’est pas non plus le plus petit défaut de cette entreprise qui n’en manque pas, consanguinité, qui, nul doute, concoure au naufrage, qui pour dire à Wenders au tournage ou au montage que c’est un naufrage ?

    Pour parvenir à une telle adaptation, il aurait fallu un réalisateur, déjà capable de diriger ses comédiens, ce pourquoi Wim Wenders n’aura jamais brillé, souvent sauvé par des talents hors pairs auxquels il n’est pas nécessaire de donner la moindre indication de jeu, ils s’en sortiront toujours, Bruno Ganz ( Les ailes du désir ) ou Harry Dean Stenton ( Paris, Texas ), mais que les comédiens soient plus poussifs, juste un peu moins solaires (Patrick Bachau, dans l’État des Choses , William Hurt dans Until The End Of The World , ou carrément mauvais (Solveig Dommartin dans les Ailes du désir ou dans Until The End Of The World ) et alors le film cale dans tous les virages, c’est ici le cas avec Reda Kateb qui tire vaillamment son épingle du jeu, et obtient une mention passable, mais pour Sophie Semin et Jens Harzer c’est une longue noyade.

    Wenders est plein de tics. Pas une scène, presque pas un seul plan de son film où la caméra n’est pas sujette à un très léger travelling de côté avec une lenteur fort décorative, sans compter que tous les plans de discussions entre les deux personnages principaux sont l’objet d’un panoramique qui tournoie tout autour d’eux, et comme Wenders aime par-dessus tout cet effet, qu’il aime ce qu’il fait, ce qu’il tourne, qu’il est marié à ses images, le spectateur est au bord de rendre pendant tout le film à force de ce très léger mais persistant roulis, qui, naturellement, n’apporte rien au sens. D’ailleurs il sera difficile, impossible, de s’accrocher au sens d’une conversation dont on devine que des pans entiers sont passionnants, c’est quand même du Handke pur sucre, même si directement écrit en Français, mais à aucun moment ce cinéma sans âme, sans éclairage autre que celui du grand jour en plein été, ne viendra apporter le moindre éclat, la moindre surprise.

    Ce sont même une suite ininterrompue de surprises éventées qui adviennent, l’écrivain qui décrit sur le motif cette conversation en regardant par la fenêtre la terrasse sur laquelle il imagine cette conversation a un jukebox de marque Würlitzer dans son salon - comme bourrade dans les côtes pour les lecteurs de Handke, ou même simplement toute personne qui se serait même brièvement penchée sur la bibliographie de Handke, cela se pose là - et de temps en temps, quand l’inspiration manque, tout en allant chercher un verre d’eau dans la cuisine à l’évier et au mobilier fort passéistes, il choisit un titre, changement de galette et là vous pouvez être sûr de tomber au choix sur les fadaises rock’n’roll des débuts de Wim Wenders, Summer in the city , ou soit de sa clique de copains qui écumaient Berlin avant la chute du mur, parmi lesquels Nick Cave, et ô surprise, c’est Nick Cave lui-même qui vient chanter, mal, en s’accompagnant, mal, au piano Into My Arms , d’ailleurs il n’a pas l’air en très grande forme le Nick Cave, on croirait même qu’il va se mettre à pleurer après avoir envoyé, mal, sa fadaise, ou n’est-ce que le maquillage qui masque mal que ce n’est plus le jeune premier dandy des années 80 non plus. De même dans trois petits plans insignifiants, on aperçoit au loin la silhouette vieillissante également du jardinier de cette demeure bourgeoise, le jardinier en question travaille bien au-delà de l’âge de la retraite, il a très exactement, 73 ans, vous avez deviné, le jardinier en veston fort chic et pantalon à pince écru c’est Peter Handke lui-même, si ce n’est pas mignon tout plein.

    On voudrait faire du mauvais cinéma, on ne s’y prendrait pas autrement.

    Je fais grâce des quelques erreurs de script ou de raccord, j’avoue avoir beaucoup de mal à savoir si le changement de couleur de la robe du personnage de la femme est une erreur de script ou si ce changement est infiniment symbolique de rien, en fait. C’est ni fait ni à faire et cela ne pourrait même pas être remonté. Sauf à tout couper.

    Le film commence par un moment voulu de grâce, filmer Paris désert en plein jour, avec ce fameux petit mouvement de caméra en lent travelling latéral, mais on comprend sans mal que ces quelques plans fort coquets sont en fait, les Champs-Elysées, la Concorde et les quais de Seine à cette même hauteur de la place de la Concorde, à six heures du matin d’un 14 juillet quand tout le quartier est bouclé la veille, un Paris de carte postale, une sorte de Paris éternel pour touriste - pour qui exactement les Champs Elysées sont une représentation acceptable et symbolique de Paris ? - et se termine par un time lapse accéléré — que l’accélération de ce time lapse n’est été imprimée au reste de ce film d’un cinéaste devenu fort médiocre et se regardant filmer —, de la chute du jour dans ce décor hautement bourgeois d’une demeure cossue en pleine campagne, mais de laquelle on voit encore la Défense. Aucun stéréotype ne nous sera épargné et surtout pas celui de l’écrivain dans sa grande demeure bourgeoise donc - les écrivains sont riches dans l’imaginaire de Wenders - il écrit sur une machine à écrire - en 2016, j’exige un recensement de savoir quels sont encore les écrivains qui peinent sur leur Remington - il hésite beaucoup devant sa page blanche, se dit les phrases à voix haute avant de les taper et écrit sous la dictée de ses personnages qu’il distingue en entrouvrant les yeux par la fenêtre qui donne sur la terrasse où ils sont assis et quand en fin d’après-midi, il est vraiment trop à la peine sur son Olivetti il part se promener en forêt chercher l’inspiration sans doute. Ainsi va la littérature en 2016. Si c’est Wenders qui le dit.

    #qui_ca

  • Les Inrocks - J’ai traversé la banlieue parisienne à pieds (et je ne regrette rien)
    http://www.lesinrocks.com/2016/09/26/actualite/jai-traverse-banlieue-parisienne-a-pieds-ne-regrette-rien-11867128

    Marcher pour s’approprier la ville. Un collectif d’associations (Enlarge your Paris, Le Voyage métropolitain et A travers Paris) a organisé ce week-end une randonnée de 48 heures tout autour de la capitale pour “donner de la chair au Grand Paris”. 600 randonneurs ont répondu à l’appel.

  • #Peter_Handke | Ce n’est pas la peine d’écrire si on ne sent pas trembler l’univers
    http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article2385

    Peter Handke - quelques propos notés en écoutant l’entretien du 19 juin 2014 avec #Alain_Veinstein (Du jour au lendemain)

    #Peter_Handke

    / #littérature_autrichienne, Peter Handke, Alain Veinstein, #Einsamkeit, #solitude, #imagination

  • Peter Handke ou l’honneur retrouvé des gens de peu

    http://www.marianne.net/theatre/Peter-Handke-ou-l-honneur-retrouve-des-gens-de-peu_a182.html

    Il est assez rare que le théâtre contemporain s’intéresse aux petites gens. On pourrait d’ailleurs en dire autant du cinéma, mais là n’est pas le propos. Il s’agit seulement ici d’insister sur l’originalité de « Par les villages », de Peter Handke, proposée par Stanislas Nordey dans la Cour d’Honneur de la Cité des Papes en ouverture du festival d’Avignon.
     
    Handke et Nordey sont faits l’un pour l’autre. L’écrivain d’origine autrichienne porte une parole aussi singulière que son propos, une parole où chaque mot compte. Le second, l’un des plus brillants acteurs de sa génération, n’a pas son pareil pour interpréter des textes denses. Ici, la rencontre tient du miracle.
     
    « Par les villages » est d’abord l’histoire d’une famille éclatée face à son destin. Gregor (Laurent Sauvage) revient chez lui à des fins très intéressées. Il entend régler le sort de la maison familiale où vivent son frère Hans (Stanislas Nordey), ouvrier, et sa sœur Sophie (Emmanuelle Béart), vendeuse et dont il a hérité en tant qu’aîné, après la mort des parents. Deux mondes qui s’ignorent se retrouvent ainsi face à face : celui de Gregor, écrivain, et celui des deux autres, symboles des exclus, des oubliés, des damnés de la terre.