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  • 200 ans de Karl Marx : « un changement de paradigme vers une société sans exploitation » 5 Mai 2018 - Peter Mertens

    Un chat a paraît-il neuf vies, alors qu’un être humain n’en a qu’une. On ne vit qu’une fois. Et on ne meurt qu’une fois. Karl Marx n’est certes pas un chat, mais aucun être humain n’a été déclaré « mort » autant de fois que lui – de préférence en fanfare et roulements de tambours. Et qui, ensuite, est immanquablement ressuscité, dans tous les coins de la planète. Aujourd’hui pour la deux centième fois. Marx est mort, longue vie à Marx !

    Lors de la journée de la lutte du mouvement ouvrier, le 1er Mai donc, c’est un certain Geert Noels qui a rejoint le long cortège international des fossoyeurs qui sont passés dans l’histoire pour enterrer Marx et dont les noms sont depuis longtemps oubliés. Le gestionnaire de fortune Geert Noels a lancé quelques idées-clés en guise de message du 1er mai 2018. Il a ainsi décrété que « l’opposition entre travail et capital appartient au passé ». Schluss damit, terminé. Il n’existe pas d’opposition. Dixit le gestionnaire de fortune, par ailleurs également gestionnaire des idées des possesseurs des grosses fortunes. Et, après avoir déclaré ce conflit éliminé, le gestionnaire de fortune estime qu’il est enfin temps que nous réalisions que ce sont les entrepreneurs qui apportent « la prospérité pour tous ». Voilà, l’opposition est balayée, Marx est enterré, et le capital prend soin de nous tous.


    « Sans les travailleurs, pas de richesse ». Cette question, d’où provient aujourd’hui la richesse, est une question cruciale dans l’histoire.
    Alors que Geert Noels twittait tout cela depuis sa zone de confort, les travailleuses et travailleurs de Lidl entamaient leur sixième journée de grève. Une grève qui a tout à voir avec la thèse de Noels, et donc aussi avec celle de Marx. D’après Noels, c’est Dieter Schwarz, le grand CEO de Lidl, qui apporte la prospérité à tous. Un peu comme ce patron anglais qui, dans le beau film Le Jeune Karl Marx, lance à Karl Marx : « Sans moi, pas de profit, et pas d’entreprise ». Ce à quoi Marx rétorque judicieusement : « Sans les travailleurs, pas de richesse ». Cette question, d’où provient aujourd’hui la richesse, est une question cruciale dans l’histoire.

    La richesse provient du travail. Marx montre comment le travail apporte de la plus-value, et par quels mécanismes un petit groupe s’approprie cette plus-value. Aux dépens de la collectivité. C’est évidemment on ne peut plus actuel. Dieter Schwarz n’a pas amassé sa fortune de 37 milliards d’euros par son propre travail. Mais bien par le travail de plus de 300 000 travailleuses et travailleurs de Lidl dans 25 pays. C’est par leur labeur que la famille Schwarz est devenue toujours plus riche. Sa fortune est passée de 10 milliards d’euros en 2010 à 37 milliards d’euros aujourd’hui. 27 milliards d’euros supplémentaires en à peine huit années. Cela représente 85 000 euros en plus par membre du personnel, en huit ans de temps. Et ça ne se passe pas comme par magie. Tout est fait pour ça. Car entre-temps, chaque geste du personnel est chronométré. La technologie la plus moderne est mise en œuvre pour éviter le moindre « temps mort » – comprenez : le moindre moment de répit. Le temps de travail est intensifié, jusqu’à l’extrême. Jusqu’à rendre les gens à moitié fous : il faut décharger des palettes, remplir les rayons, cuire les pains, maintenir le magasin et le parking propres, être à la caisse, et avec le sourire s’il-vous-plaît. Trimer pour les uns, 27 milliards d’euros pour quelques autres. Telle est l’opposition entre travail et capital aujourd’hui, et il faut vivre seulement sur la planète Twitter pour ne pas le voir.
    Dieter Schwarz n’a pas amassé sa fortune de 37 milliards d’euros par son propre travail. Mais bien par le travail de plus de 300 000 travailleuses et travailleurs de Lidl dans 25 pays.

    Une lutte pour le temps et pour le salaire
    La lutte pour le temps et la lutte pour le salaire, c’est une lutte entre des intérêts divergents dans la société, c’est une lutte entre des classes différents, explique Marx. Ce n’est pas un point de vue idéologique, ce n’est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, c’est un mécanisme du capital lui-même. « Le capital usurpe le temps qu’exigent la croissance, le développement et l’entretien du corps en bonne santé. Le capital vole le temps qui devrait être employé à respirer à l’air libre et à jouir de la lumière du soleil. Le capital lésine sur le temps des repas (...), sur le temps du sommeil (...). Le capital ne s’inquiète pas de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée », écrit Marx dans Le Capital.

    « Le travailleur isolé succombe sans résistance possible », constatait Marx. Les travailleurs doivent s’organiser, mettre fin à la concurrence entre eux et se battre. C’est ce qui s’est passé lorsque, quelque part chez Lidl, une travailleuse a dit « non » à la pression de plus en plus forte, et que ses collègues se sont jointes à elle, et les syndicats, et tout le magasin, et ensuite les autres magasins. Les travailleuses de Lidl se sont organisées en tant que classe, et elles ont gagné leur lutte. Une lutte pour le temps. Un engagement d’un temps plein par magasin, 305 emplois supplémentaires au total. Cela coûte 9 millions d’euros à la famille Schwarz et aux autres grands actionnaires de Lidl. Neuf millions d’euros, arrachés par la lutte sociale et les nouveaux rapports de force. Marx résumait ainsi le conflit : « Le capitaliste essaie continuellement d’abaisser les salaires à leur minimum physiologique et la journée de travail à son maximum physiologique, tandis que l’ouvrier exerce constamment une pression dans le sens opposé. La chose se réduit à la question des rapports de force des combattants. »

    Cette lutte, nous la voyons aujourd’hui partout. Elle encaisse des coups, elle est écrasée, elle sombre, mais elle revient toujours, immanquablement. Toujours, comme Marx lui-même. En petit et en grand. Chez Carrefour, où les gens exigent 5 minutes de pause supplémentaires. Chez Volvo, où un ouvrier a exactement 71 secondes pour faire sa tâche avant que la voiture suivante arrive, et où les travailleurs demandent quelques secondes supplémentaires. Un peu de répit. Une lutte pour le temps.

    Séparés, les doigts de la main sont fragiles. Ensemble, ils forment un poing
    S’il y a un documentaire sur l’histoire sociale belge qu’il faut avoir vu, c’est bien Misère au Borinage d’ #Henri_Storck et #Joris_Ivens. Celui-ci montre le sort des mineurs après la crise de #1929. Des mineurs extraient le meilleur charbon aux dépens de leurs santé, mais ils ne gagnent même pas assez pour acheter du bon charbon afin de chauffer leur logement. Des mineurs sont expulsés de chez eux à cause de leur participation à la grève générale de 1932. Le documentaire est muet, ce qui le rend encore plus fort. Il se termine sur un grand cortège de mineurs. Dans ce cortège, il n’y a ni drapeau ni calicot, seulement un grand cadre, une peinture : un portrait de Karl Marx. Il symbolise la force du mouvement ouvrier, et la lutte pour une société sans exploitation de l’homme par l’homme.

    Depuis, la situation a changé, direz-vous. Bien sûr. Mais avant tout parce que le mouvement ouvrier s’est organisé, parce qu’il a conscientisé et lutté et qu’il a construit des rapports de force. Le droit de s’organiser, le droit de grève, le droit de vote, les congés payés, la journée des huit heures et la semaine de quarante heures, la sécurité sociale… Rien n’a été obtenu gratuitement. Tout a été arraché d’en bas, dans des conflits souvent très durs. Et, dans le capitalisme, ces acquis sociaux et démocratiques sont en permanence mis sous pression. Les crises de 1973 et de 2008 ont été utilisées par le capital pour lancer une contre-offensive mondiale. Geler les salaires, flexibiliser le travail, contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel travail à n’importe quel salaire, faire travailler les gens de plus en plus longtemps. On peut ainsi encore augmenter la pression sur les conditions de salaire et de travail. Cela aussi, Marx l’avait déjà expliqué.

    « Marx est mort, les oppositions de classe n’existent plus, le capital prend soin de nous tous », écrivent les hérauts du libre-marché. Entre-temps, ils ne savent plus quoi faire des gains phénoménaux engrangés par les toutes grosses entreprises et ils planquent vingt-cinq mille milliards d’euros dans les #paradis_fiscaux. Le capitalisme prend soin de nous tous ? Rien que ces constructions fiscales coûtent chaque année aux trésors publics des États européens 1.000 milliards d’euros en rentrées fiscales, un montant qui est ensuite économisé dans les transports publics, dans l’enseignement, dans le secteur public des soins de santé ou dans la recherche publique.

    Ryanair, Deliveroo, Lidl... La leçon est et reste celle de Marx : c’est seulement en s’organisant que la concurrence au sein de la classe des travailleurs peut être arrêtée. 

     « Il n’existe plus d’opposition entre travail et capital », clament ces hérauts de la classe dominante. Mais, comme ils ne sont pas très sûrs de leur affaire, ils veulent s’assurer que la classe des travailleurs ne puisse pas s’organiser dans des organisations de lutte. D’où la multiplication des attaques sur les droits syndicaux et sur le droit de grève. Si on peut briser la colonne vertébrale de la classe ouvrière, on a alors le champ entièrement libre. Bien évidemment que c’est actuel. Cela se joue sous notre nez. Chez #Ryanair où le personnel se bat pour arracher ses droits syndicaux à des capitalistes comme Michael O’Leary. Chez #Deliveroo où les jeunes découvrent leur force collective et s’organisent. Chez #Lidl, bien sûr. Et la leçon est et reste celle de Marx : c’est seulement en s’organisant que la concurrence au sein de la classe des travailleurs peut être arrêtée. Séparés, les doigts de la main sont fragiles. Ensemble, ils forment un poing.

    Internationalisme
    « Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une #Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot, les radicaux de France et les policiers d’Allemagne », écrivent Karl Marx et Friedrich Engels au numéro 50 de la rue Jean d’Ardenne à Ixelles. Ce sont les mots d’ouverture du Manifeste du Parti communiste.

    Le spectre du communisme rôdait à Bruxelles. Le parcours de Marx est étroitement lié à Bruxelles. De Cologne à Paris, de Paris à #Bruxelles, où il était le bienvenu à la condition de ne rien publier de politique. Ce qui n’a pas été le cas. À Bruxelles, Marx fonde la première Ligue des communistes, et, avec Friedrich Engels, il écrit Le Manifeste du Parti communiste. Quand, en février 1848, la révolution éclate en France, le gouvernement belge en a des sueurs froides et décide d’expulser Marx.

    Marx a été arrêté à cause de sa phrase « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Cette anecdote en dit long. Marx et Engels étaient des internationalistes.

    Un jour avant l’expulsion, la police bruxelloise débarque au deuxième étage de la pension « Bois sauvage », à la place Sainte-Gudule, où loge la famille Marx. Karl Marx veut montrer l’exploit d’huissier lui enjoignant de quitter notre pays le lendemain. Mais, distrait, il se trompe de document et montre le tract de la Ligue communiste sur lequel figure en grand : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Suite à quoi il est arrêté et emmené à l’Amigo, le cachot derrière l’hôtel de ville de Bruxelles.

    L’union des travailleurs et l’apport d’une perspective socialiste, c’en était trop pour le royaume belge #ultralibéral de l’époque, au capitalisme tout neuf. La liberté d’expression, c’était très bien, mais il ne fallait pas d’idées révolutionnaires dans notre pays. Au Parlement, le Premier ministre libéral Charles Rogier – non, pas Charles Michel – a justifié ainsi l’expulsion de Marx : « Tout étranger qui mène en Belgique une vie paisible, une vie tranquille, qui rend hommage à nos institutions libérales et les respecte, ceux qui ne cherchent pas par leur conduite à semer le trouble et l’émeute, ceux-là continueront à vivre libres et tranquilles comme les Belges eux-mêmes. Mais les étrangers qui viendraient susciter des désordres, des émeutes, qui voudraient entraîner le pays au-delà des limites que le pays s’est lui-même tracées, ces étrangers, nous continuerons à agir à leur égard avec sévérité. Qu’ils aillent dans leur pays chercher le triomphe de leurs théories. ».

    L’expulsion de Marx de Bruxelles a certes débouché sur une bonne chose. C’est suite à cela qu’il a abouti dans le centre du capitalisme mondial à l’époque, Londres. Et c’est là qu’il a écrit Le Capital. Marx a été arrêté à cause de sa phrase « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Cette anecdote en dit long. Marx et #Engels étaient des internationalistes. Marx a décrit la manière dont l’extermination et l’oppression de la population autochtone en Amérique latine, le pillage des Indes, la transformation de l’Afrique en territoire de commerce de la population noire ont constitué l’aube de la production mondiale capitaliste. Leur perspective était internationale, et leur réponse était également internationale. Ils se sont consacrés sans relâche à donner forme à un mouvement international des travailleurs et à offrir une perspective de lutte socialiste, avec toutes les langues, lettres, discussions, luttes, débats et voyages que cela nécessitait. Pour forger une classe internationale, qui a conscience d’elle-même et qui se lève contre le capital international organisé. Cent quarante ans plus tard, nous avons besoin de davantage de cette sorte d’internationalisme, et non pas moins.

    Un changement de paradigme vers une société sans exploitation
    Quand Copernic, Kepler, Galilée ont affirmé que la Terre et d’autres planètes tournaient autour du soleil, et donc, que tout ne tournait pas autour de la Terre, ils ont été traités de fous et d’hérétiques. Ils ont produit une révolution dans la pensée, mais leur époque n’était pas mûre pour celle-ci. Ce n’est qu’après plusieurs générations que l’on a admis qu’ils avaient raison. C’est ainsi que la vision qu’avaient les gens à propos de la Terre et de l’univers a été bouleversée. Quand le cadre de pensée dominant est fortement modifié, on parle d’un changement de paradigme. Une rupture avec le cadre de pensée dominant s’opère toujours sur plusieurs générations. 

    Il n’en va pas autrement pour Karl Marx et Friedrich Engels. Ils ont créé un changement de paradigme dans la pensée de l’histoire humaine. Ils ont apporté une réponse à la question sur la manière dont, au cours de l’histoire, on passe d’une forme de société à une autre forme de société. Ils ont observé que les hommes se sont toujours organisés autour de la production : pour vivre, pour manger, pour se loger et pour se développer, les êtres humains devaient produire. Ils ont montré comment le développement de la technique et de la science, de la connaissance de la production et des compétences est une force motrice dans l’histoire humaine. Et ils ont aussi découvert cet autre moteur de la roue de l’histoire humaine : l’action de hommes, les interactions sociales entre les gens et la lutte sociale entre les différents intérêts et classes dans la société.

    Le changement arrive par l’action. « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde ; il s’agit maintenant de le transformer », a écrit Marx sur un papier à Bruxelles. Marx et Engels étaient des révolutionnaires. Ils ont placé leur vie sous le signe de l’émancipation de la classe ouvrière et de la lutte pour une société sans exploitation de l’homme par l’homme.

    La société n’est pas faite par des lois de la nature, elle est faite par des êtres humains. 

    Marx et Engels le savaient : la société n’est pas faite par des lois de la nature, elle est faite par des êtres humains. Et elle peut donc aussi être changée par des êtres humains. Les pharaons en Égypte, les aristocrates athéniens, les empereurs chinois, les nobles du Moyen Âge étaient tous persuadés que leur règne serait éternel et qu’il n’y avait pas d’autre société possible. Jusqu’à ce que leur modèle soit menacé : par de nouveaux développements scientifiques et techniques, par de nouvelles possibilités de production et par des nouvelles conceptions. Jusqu’à ce que les tensions sociales deviennent si fortes que la forme de la société doive changer.

    Une nouvelle forme de #société n’arrive pas de manière soudaine. Le capitalisme aussi a eu besoin d’une très longue période pour s’installer. Il y a eu les premières tentatives dans la Gênes et la Venise de la seconde moitié du quatorzième siècle. Il y a eu le développement de relations capitalistes dans la Hollande et l’Angleterre du seizième siècle. Ce n’est qu’après tout un processus de conflits et de compromis avec le féodalisme usé que le capitalisme a pu réellement s’imposer comme système politique, au dix-neuvième siècle. Le capitalisme n’a pas réussi dès ses premières tentatives. Il faudrait donc être étroit d’esprit pour rejeter le socialisme parce qu’il n’a pas réussi lors de ses premières tentatives de construction. C’est un long processus historique, avec des hauts et des bas. Avec de belles réalisations, mais aussi avec de graves erreurs.

    Le changement de paradigme que Copernic, Darwin et Marx ont opéré, chacun sur leur terrain, ne signifie bien sûr pas que plus rien n’a changé depuis. La science évolue continuellement et de nouvelles perspectives apparaissent. Il n’empêche que le changement de paradigme de Marx et Engels reste aujourd’hui inspirant.
    Face à la #pensée_unique étouffante qui domine aujourd’hui la société, nous avons besoin d’un autre horizon. La crise du climat, la volonté de plus en plus grande de mener des guerres, les gens qui fuient leur pays, les tendances croissantes de l’autoritarisme et de la militarisation de la société, les paradis fiscaux et le caractère parasitaire du capital, tout cela demande une réponse globale. Il ne s’agit pas d’un détail ici et là. Il s’agit de l’avenir de l’humanité et de la planète. Nous avons à nouveau besoin d’un changement de paradigme pour y apporter une réponse. Et une autre société, non pas comme une utopie ou un beau rêve romantique, mais comme une réponse nécessaire aux défis d’aujourd’hui. Plus grandes seront les ruines du capitalisme, plus ceux qui défendent les intérêts de celui-ci affirmeront haut et fort que Marx est mort, que le capital va prendre soin de nous tous, et qu’il n’y a pas d’alternative possible. En même temps, de nouvelles générations de jeunes continueront à rechercher une perspective émancipatoire et libératrice pour l’homme et la planète et, à chaque fois, ils redécouvriront Marx. « La vérité est l’enfant du temps, pas de l’autorité », répondait Galilée à ses accusateurs dans une pièce de théâtre de Bertolt Brecht. La société ne doit pas tourner à la mesure du profit, mais à la mesure de l’humain. C’est pourquoi nous sommes marxistes. Des marxistes de notre temps et à notre manière. Marx est mort. Longue vie à Marx !

    Discours de Peter Mertens, président du PTB, prononcé lors de la soirée « Marx 200 » le 5 mai 2018 à Bruxelles.

    http://ptb.be/articles/200-ans-de-karl-marx-un-changement-de-paradigme-vers-une-societe-sans-exploitati
     #marx #capitalisme #histoire #travail #marxisme #philosophie #économie #karl_marx #socialisme #richesse #dieter_schwarz Peter_Mertens #PTB

  • Bruxelles enquête sur les #prix abusifs des #médicaments #anti-cancer – EURACTIV.fr
    http://www.euractiv.fr/section/concurrence/news/commission-opens-first-investigation-into-excessive-drug-pricing

    Aspen avait menacé de cesser les livraisons d’un traitement oncologique crucial, principalement utilisé pour les enfants et les personnes âgées, si l’Italie refusait de payer davantage.

    Dans un communiqué, l’agence italienne des médicaments indique que l’entreprise, seul fournisseur de ce type de traitements, a abusé de sa position sur le marché et que l’amende concerne des « prix fixes injustes » qui ont été augmenté jusqu’à 1 500 %.

    Je ne vois pas en quoi il faut une enquête : une sanction financière, voire pénale, serait bien plus indiquée.

    • En Belgique, pour les autres médicaments, c’est pas mieux.
      Des médicaments qui coûtent chez nous de cinq à dix fois plus que chez less voisins néerlandais. 400 Belges se sont rendus dans la ville frontalière de Hulst, aux Pays-Bas, pour y acheter des médicaments.
      Exemple : omeprazole 40 mg grand format : son prix est de 52 euros en Belgique, 9 euros aux Pays Bas.

      « Toute ma pension part en médicaments : combien de temps cela va encore durer, madame De Block ? » Peter Mertens - 11 Mai 2017
      http://ptb.be/articles/toute-ma-pension-part-en-medicaments-combien-de-temps-cela-va-encore-durer-madam

      " De plus en plus de Belges s’inquiètent de voir les médicaments toujours plus chers. Des médicaments qui coûtent chez nous de cinq à dix fois plus que chez nos voisins néerlandais. En guise de protestation, 400 Belges se sont rendus ce week-end dans la ville frontalière de Hulst, aux Pays-Bas, pour y acheter des médicaments " écrit Peter Mertens, le président du PTB, dans une carte-blanche parue sur le site du Vif.

      Pourtant, selon le président du PTB Peter Mertens, il pourrait en être autrement si la Belgique appliquait un système d’appel public d’offre, autrement dit le modèle Kiwi. Un système avantageux pour le patient, mais aussi pour la Sécurité sociale. Peter Mertens réfute point par point les arguments de la ministre Maggie De Block.

      Ce week-end, 400 Belges ont envahi la petite ville frontalière de Hulst, non pour y faire du tourisme, mais pour y acheter des médicaments. Ils sont arrivés en car des quatre coins de la Belgique (Deurne, Hoboken, Zelzate, Molenbeek, Schaerbeek, La Louvière, Liège, etc.) dans le cadre d’une action organisée par les maisons médicales de Médecine pour le Peuple et le PTB.

      Georges et Gerda : " c’est un mois entier de pension qui part en médicaments et frais de médecin "

       ?
      J’ai moi aussi participé et ai pris le car à Deurne (Anvers) avec le docteur Dirk Van Duppen, organisateur de l’action. Dans le car, j’ai eu l’occasion de bavarder avec Georges Delombaerde (73 ans), ancien ouvrier chez Renault, et son épouse Gerda Vanderauwera (72 ans). Leur histoire illustre parfaitement toute la problématique des médicaments. Georges et Gerda prennent chacun cinq médicaments différents chaque jour. La plupart de ces médicaments coûtent beaucoup moins cher aux Pays-Bas.

      Prenons par exemple l’antiacide omeprazole 40 mg grand format : son prix est de 52 euros en Belgique. Depuis le 1er avril dernier, Georges et Gerda paient ce médicament au prix plein puisque notre ministre de la Santé Maggie De Block a décidé de ne plus rembourser ce format. Le gouvernement fait des économies pendant que Georges et Gerda, et tous les autres patients, crachent leurs poumons. Aux Pays-Bas, ce même médicament (même format, même dosage et même marque) coûte 9 euros. 9 euros au lieu de 52 euros, je vous laisse faire le calcul.

      Je pourrais citer un tas d’autres exemples comme celui-là. Le spray nasal Flixonase contre les allergies et la sinusite coûte 15 euros chez nous. Depuis le 1er avril, il n’est plus remboursé non plus. Il faut faire des économies, dit madame De Block. Aux Pays-Bas, ce même spray nasal coûte 4,50 euros. 4,50 euros au lieu de 15 euros. C’est du joli.

       « Toute ma pension part en médicaments et frais de médecin, combien de temps cela va encore durer, madame De Block ? »

      Georges a fait le calcul lui aussi. 700 euros, c’est la somme que lui et son épouse auraient pu épargner s’ils avaient pu acheter leurs médicaments aux prix pratiqués aux Pays-Bas. 700 euros par an ! Et s’il ajoute à ce chiffre le coût des séances de kinésithérapie de sa femme, c’est un mois entier de pension qui part en médicaments et frais de médecin sur l’année. D’où le beau succès de cette action. Le prix toujours plus élevé des médicaments est en effet devenu une préoccupation pour beaucoup et l’objectif de cette action est justement de démontrer qu’une politique de médicaments à prix abordables peut fonctionner.
      Comment expliquer ces différences de prix ?

      " Aux Pays-Bas, lorsqu’on a par exemple vingt firmes pharmaceutiques différentes qui fabriquent et commercialisent un même médicament, les organismes d’assurance pour les soins de santé organisent un appel d’offres. La firme qui offre le meilleur prix verra son médicament remboursé. On assiste alors à une chute des prix spectaculaire ", explique le docteur Dirk Van Duppen durant le trajet en car.

      Il y a dix ans, Médecine pour le Peuple avait déjà organisé un voyage en car à Hulst. À l’époque, l’accent était mis sur le paracétamol. Pour le prix d’une boîte de Dafalgan chez nous, on peut acheter aux Pays-Bas de six à huit boîtes de paracétamol. Chez nos voisins, des chaînes de magasins comme Kruidvat achètent leur paracétamol en gros en organisant des appels d’offres. Aujourd’hui, ces appels d’offres s’appliquent également aux médicaments sur ordonnance, avec comme résultat une diminution de prix spectaculaire.

      Nous ne voulons pas du modèle néerlandais, nous voulons le modèle Kiwi

      " Nous ne voulons pas du modèle néerlandais, nous voulons le modèle Kiwi ", poursuit le docteur Dirk Van Duppen. " L’inconvénient avec le système néerlandais c’est la privatisation des caisses d’assurance maladie. Ce sont donc les actionnaires de ces compagnies d’assurance privées qui empochent les bénéfices engendrés par ces diminutions de prix. Sans compter que les entreprises pharmaceutiques réussissent parfois à monter les organismes d’assurance privés les uns contre les autres pour boycotter le système causant par la même occasion des ruptures de stock. En Nouvelle-Zélande, il existe tout comme en Belgique une assurance maladie publique, c’est elle qui se charge d’acheter les médicaments via des appels d’offres publics. Le modèle Kiwi tire donc son nom de ce pays dont le kiwi est le symbole. Contrairement à ce qui se produit aux Pays-Bas avec les appels d’offres privés, les bénéfices générés par les appels d’offres publics profitent aux patients et leur assurance maladie collective. "

      C’est donc le modèle Kiwi que nous réclamons. Cela fait plus de dix ans que le PTB et Médecine pour le Peuple, en collaboration avec les mutualités et les organisations de la société civile, oeuvrent pour que soit appliqué le modèle Kiwi en Belgique. Ce système est d’ailleurs déjà mis en pratique chez nous pour les vaccins. C’est ainsi qu’en 2010, le prix du vaccin contre le cancer du col de l’utérus est passé de 330 euros par séance de vaccination à 52 euros grâce à un appel d’offres public. Aujourd’hui, ce vaccin est administré gratuitement dans toutes les écoles et le taux de vaccination est passé de 10 à 90 %. Si cela est faisable pour les vaccins, pourquoi ne le serait-ce pas pour les médicaments ?

      Débat animé à la Chambre entre Maggie De Block (Open Vld) et Marco Van Hees (PTB)

      Cette question, le parlementaire PTB Marco Van Hees l’a posée jeudi dernier à la ministre Maggie De Block lors d’une séance au Parlement. " Ce n’est pas aux médecins du PTB d’organiser des excursions en car pour aller s’approvisionner en médicaments bon marché aux Pays-Bas ", a attaqué madame De Block. " En effet, c’est à vous de le faire ", a répondu Marco Van Hees. " En tant que ministre de la Santé publique, cela devrait être votre rôle de vous préoccuper du sort des patients. "

      Selon la ministre, une diminution du prix des médicaments chez nous entraînerait des problèmes d’approvisionnement. " Pourtant, lorsque, récemment, nous avons connu en Belgique de sérieux problèmes d’approvisionnement pour le Ledertrexate, un médicament contre les rhumatismes fabriqué par le géant pharmaceutique Pfizer, et qu’avec un groupe de patients nous avons dû intenter une action en justice pour obliger la firme à de nouveau assurer l’approvisionnement, vous n’avez pas bougé le petit doigt. Vous êtes donc très mal placée pour vous prononcer sur le sujet ", a rétorqué Marco Van Hees. Il a également fait référence à la proposition des Mutualités chrétiennes d’agréer via un système d’appels d’offres publics non plus un seul, mais plusieurs fabricants d’un même médicament pour ainsi éviter d’éventuels problèmes d’approvisionnement.
      Pousser les patients à la surconsommation ?

      La ministre reproche également aux médecins du PTB de pousser les patients à la surconsommation en leur proposant d’acheter des médicaments moins chers aux Pays-Bas. Ce serait également pour contrer la surconsommation que madame De Block a décidé d’augmenter considérablement le prix des antibiotiques depuis le 1er mai dernier. Elle a déclaré à la presse que " les Belges consomment trois fois plus d’antibiotiques que leurs voisins hollandais. Augmenter le prix obligera les patients à réfléchir à deux fois avant d’en consommer ". Elle a donc doublé le ticket modérateur, c’est-à-dire la partie que le patient paie de sa poche. Pour les affiliés ordinaires, il passe de 25 à 50 %, autrement dit, il double et pour les patients avec intervention majorée, il triple puisqu’il passe de 15 à 50 %. La ministre espère ainsi économiser 13 millions d’euros.

      Il est donc bien question d’une mesure d’austérité déguisée. Si on veut réellement combattre la surconsommation, il faut avant tout s’occuper du comportement des médecins. Aux Pays-Bas, le patient ne paie pas de ticket modérateur, et pourtant la consommation de médicaments y est bien inférieure à la consommation chez nous. Ce qui démontre clairement que le prix n’a aucun impact sur la consommation des médicaments. C’est le médecin qui prescrit les médicaments aux patients. À cela s’ajoute le fait que pour une grande majorité de gens, la santé n’a pas de prix. Les patients sont prêts à payer de grosses sommes d’argent si, comme ils le croient, c’est pour préserver leur santé.. Seuls les patients les plus précarisés ne prendront pas d’antibiotiques pour des raisons financières. Avec le risque qu’une bronchite se complique et se transforme en pneumonie, ce qui leur coutera plus, ainsi qu’à la société.
      Désormais, les antibiotiques ne sont plus des " médicaments essentiels "

      Pour faire passer ses mesures d’austérité sur les soins de santé, la ministre De Block a déplacé les antibiotiques dans une autre catégorie. Désormais, les antibiotiques n’appartiennent plus à la catégorie de remboursement B, celle des médicaments essentiels, mais à la catégorie C, celle des médicaments dits de confort.

      C’est très grave, car tous les antibiotiques figurent sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette mesure est contraire aux engagements internationaux pris par notre pays. Selon Freek Louckx, professeur de droit social à la VUB, la Belgique s’est engagée, en signant des traités européens, à ce que le ticket modérateur sur les médicaments essentiels ne dépasse jamais les 25 % du prix de revient. Mais, selon la ministre De Block, ces traités ne s’appliquent pas aux médicaments qui relèvent de la catégorie de remboursement C, dont font désormais partie les antibiotiques. Ainsi, par un habile petit tour de magie, abracadabra, Maggie De Block a décuplé le ticket modérateur en déplaçant simplement les antibiotiques dans une autre catégorie.

      Tout cela est très inquiétant, car les antibiotiques sont des médicaments essentiels pour certaines personnes qui en ont réellement besoin. En ne respectant plus la logique des catégories de remboursement, la ministre crée un précédent très dangereux, qui pourrait demain concerner d’autres médicaments essentiels comme les réducteurs de cholestérol, les médicaments contre l’hypertension ou les anti-inflammatoires et ainsi permettre d’autres économies substantielles sur le dos des patients.

      Comment Maggie De Block et Big Pharma ont réduit le kiwi en purée

      Madame De Block a également rappelé à la Chambre que " Rudy Demotte (PS) avait par le passé tenté de lancer le modèle Kiwi chez nous, mais que cela avait été un échec ". C’est très rusé de sa part. Mais ce que la ministre oublie de dire c’est que c’est elle, Maggie De Block, qui est à la base de cet échec.

      Le 22 mars 2005, Rudy Demotte a en effet présenté à la Chambre un projet de loi pour l’introduction du modèle Kiwi. À l’époque, l’objectif était de réaliser une économie de près de 504 millions d’euros. Cette nuit-là, l’industrie pharmaceutique a mis en route, pour reprendre ses propres mots, la "plus vaste machine de lobbying de tous les temps" afin de torpiller cette proposition de loi. Yolande Avontroodt (Open Vld) a alors, avec le soutien de Maggie De Block, à l’époque parlementaire Open Vld, apporté divers amendements à un projet de loi présenté par sa propre majorité.. Des amendements qui, comme l’avait commenté à l’époque le journaliste Tom Cochez dans le quotidien De Morgen, ont transformé le "kiwi en une purée de kiwi". Au final, la version adoptée n’était plus que version ultra allégée du modèle de départ. Malgré tout, l’industrie pharmaceutique n’était toujours pas satisfaite. Elle a donc engagé une véritable bataille juridique contre Demotte lorsqu’il a tenté d’appliquer cette version Kiwi allégée sur le réducteur de cholestérol Simvastatine et sur l’antihypertenseur Amlodipine. Demotte a fini par jeter l’éponge.

      La ministre prétend également que juridiquement, il est impossible d’appliquer le modèle Kiwi en Belgique. Rien n’est moins vrai. La bataille entre Demotte et Big Pharma est relatée dans les moindres détails dans une étude sur la faisabilité juridique du modèle Kiwi en Belgique, réalisée et publiée par le prestigieux cabinet d’avocats CMS De Backer en 2009. Une étude qui avait été commandée par la ministre de la Santé publique de l’époque, Laurette Onkelinx. Cette étude n’a jamais été transmise aux membres de la Chambre. Selon l’hebdomadaire Knack, qui avait pu la consulter (voir l’article "Kiwimodel is juridisch perfect mogelijk", paru le 26 juillet 2009), cette étude conclut très clairement que le modèle Kiwi est parfaitement réalisable chez nous sur le plan juridique, et prend donc à contre-pied le dernier argument de la ministre De Block.

      Georges et Gerda et les 398 autres Belges qui se sont rendus samedi à Hulst l’ont fait pour donner un signal clair. Les médicaments sont trop chers chez nous et pourtant il pourrait en être autrement. Cette excursion en car à Hulst avait pour but d’une nouvelle fois attirer l’attention sur les prix exorbitants des médicaments en Belgique et sur l’alternative proposée par le modèle Kiwi.

      Les réactions dans les médias, sur les réseaux sociaux et dans les maisons médicales montrent que le projet est largement soutenu. Nos représentants à la Chambre travaillent actuellement à une proposition de loi pour l’instauration du modèle Kiwi en Belgique. Les patients n’auraient alors plus besoin de se rendre aux Pays-Bas, du moins pas pour y acheter des médicaments moins chers.

      Ce projet est également important pour notre Sécurité sociale. Dans une nouvelle étude, les spécialistes de la santé du PTB, Dirk Van Duppen et Sofie Merckx, ont calculé que l’application du modèle Kiwi aux 25 médicaments qui coûtent le plus cher à l’INAMI permettrait à l’assurance maladie de réaliser chaque année une économie de 480 millions d’euros.

      Madame la ministre, qu’attendez-vous ?

      Signez la pétition « Choisis le kiwi, Maggie » pour des médicaments moins chers : http://ptb.be/petition-modele-kiwi

  • Un parti de gauche qui progresse partout
    http://ptb.be/articles/sondage-le-ptb-progresse-partout

    Selon le sondage effectué par la RTBF/La Libre, si des élections avaient lieu maintenant, les partis au gouvernement perdraient leur majorité. Le PTB gagnerait 8 sièges, ce qui veut dire que le parti de gauche multiplierait son nombre de sièges par cinq, passant de 2 à 10 sièges : 7 sièges pour la Wallonie, 2 pour la Flandre (pour la première fois) et 1 pour Bruxelles.

    Le PTB, représenté pour la première fois au Parlement, monterait jusque 5,1 % en Flandre, à 7,5 % à Bruxelles et jusque 14,6 % en Wallonie. « Cela fait plaisir d’être le président d’un parti de gauche dynamique qui progresse partout, sourit Peter Mertens, optimiste. En Flandre, c’est notre parti qui, à gauche, progresse le plus, et nous obtiendrions pour la première fois deux sièges. À Bruxelles aussi, nous décrocherions un siège et, en Wallonie, le PTB deviendrait même le troisième plus grand parti. C’est un beau résultat, grâce à l’engagement de nos membres sur le terrain. Cela prouve aussi que, en tant que “petits nouveaux”, nous sommes récompensés pour le travail que nous effectuons tant à la base qu’au Parlement. Même si, évidemment, je suis bien conscient qu’il ne s’agit que d’un sondage et que c’est sur le terrain qu’il faut construire les rapports de force. »

Ces résultats positifs pour le parti de la gauche conséquente surviennent à la veille de ManiFiesta, la grande fête de la Solidarité organisée par le magazine Solidaire et les maisons médicales de Médecine pour le Peuple. Le PTB espère accueillir quelque 15 000 personnes à ce festival de la solidarité qui se tiendra les 16, 17, et 18 septembre à la côte, à Bredene.

    #Possible #gauche #Belgique

  • « Il faut rendre publics les revenus des politiciens » - Belgique - LeVif.be
    http://www.levif.be/actualite/belgique/il-faut-rendre-publics-les-revenus-des-politiciens/article-opinion-494319.html

    "Les hommes politiques qui touchent 10 000 euros par mois sont de plus en plus hors de la réalité, écrit Peter Mertens, le président du PTB. Ils ne vivent pas dans le monde des très chères factures d’électricité, des conditions de travail pénibles et de l’obligation de travailler plus longtemps. Nous voulons que les revenus des politiciens soient rendus publics. Et limiter leur salaire à un montant maximal ne serait par ailleurs pas une mauvaise chose." — Permalink

    #démocratie #politique #revenu #économie

  • « La gauche doit apprendre à communiquer autrement » Entretien entre Peter Mertens et Owen Jones, extrait

    En Grande-Bretagne, Owen Jones est non seulement une des voix les plus importantes de la gauche, il est aussi conseiller de Jeremy Corbyn, le nouveau dirigeant du Labour. à l’occasion d’une visite en Belgique, il a rencontré Peter Mertens, le président du PTB. Tous deux se sont entretenus sur la situation de la gauche et sur la nécessité de renvoyer la droite dans une position défensive. 

    Avec son espièglerie et son visage juvénile, on n’imaginerait pas d’emblée qu’Owen Jones est un intellectuel très écouté dans toute la gauche européenne. A 31 ans, il a déjà écrit deux best-sellers (Chavs et The Establishment, tous deux sur la société de classes britannique), est un des chroniqueurs les plus lus au Royaume-Uni et en outre conseiller de Jeremy Corbyn, l’homme de la gauche au sein du Labour qui, de manière surprenante, a été élu à la tête du parti social-démocrate britannique.

    Peter Mertens. Après la crise de 2008, cela a pris pas mal de temps avant qu’en Europe, des forces de gauche conséquente se lèvent à nouveau pour remettre le système en question. Pourquoi cela a-t-il duré si longtemps ? 
    Owen Jones. En 2008, une partie de la gauche pensait que la situation entraînerait automatiquement un effondrement du capitalisme, ce qui revitaliserait la gauche. Vu dans une perspective historique, c’était naïf. La crise économique des années 1930, par exemple, a finalement mené au fascisme en Europe. La crise économique des années 1970 a mené à la montée du néolibéralisme. La gauche ne profite donc pas automatiquement d’une crise économique. 

    Mais cela ne signifie évidemment pas que la gauche doive baisser les bras. En effet, après la Deuxième Guerre mondiale, les néolibéraux étaient tout à fait isolés. A cette époque, leurs idées constituaient un courant marginal. Et ils en étaient conscients. Mais Milton Friedman, un de leurs leaders, disait : « Seule une crise – véritable ou supposée – amène un réel changement. Et si cette crise se produit, ce qui se passe dépend des idées qui existent déjà. » Et ce qui semblait d’abord « politiquement impossible » devient subitement « politiquement inévitable ». Et c’est bien ce qui s’est passé après la crise de 1973. La droite était prête avec ses idées qui, après la crise, ont su conquérir le monde.

    Mais, après la crise de 2008, la gauche n’avait pas immédiatement une réponse à avancer. Elle était donc dans une position relativement défensive. Le message de la gauche, c’était : « Stop à l’austérité, stop aux privatisations, stop à ceci, stop à cela », sans qu’elle ait une alternative cohérente ou une vision différente pour une autre sorte de société. La gauche manquait en outre totalement de confiance en elle. Mais elle n’avait simplement pas les réponses aux problèmes quotidiens de notre société. 

    Peter Mertens. N’y a-t-il pas aussi un problème de « discours nostalgique » ? Par exemple, en 1945, le mouvement ouvrier britannique a obtenu beaucoup de choses. Un système national de santé a été instauré, les secteurs clés ont été nationalisés, un ambitieux plan de logement social a été établi. Plus tard cependant, la bureaucratie au sein de ces institutions a été de plus en plus critiquée. Ce reproche légitime a été utilisé par les néolibéraux, non pas pour améliorer le système social, mais pour le démanteler et le vendre. La réponse de la gauche ne peut tout de même pas être : retour aux années 1960, retour au passé ?
    Owen Jones  : Il y a là beaucoup de vrai. Pour une grande part, la gauche en Grande-Bretagne est restée bloquée en 1945. Le dernier gouvernement réellement de gauche que l’on ait connu, et de l’avis même de la gauche britannique, c’est le gouvernement de Clement Attlee, de 1945 à 1951. Ce gouvernement a mené de grandes réformes sociales, il a instauré l’Etat-providence avec les soins de santé nationaux, les droits des travailleurs... 

    Mais, de cette manière, la gauche est présentée comme un courant qui veut inverser le cours des aiguilles de l’horloge pour remonter vers une sorte de passé idyllique. Alors que, justement, la gauche a toujours été le courant qui regardait vers l’avant et qui modernisait pour donner forme à la société du futur. 

    Or ce sont précisément les néolibéraux qui ont su se présenter comme ceux qui étaient tournés vers l’avenir et modernisaient les choses. C’est à la gauche qu’ils ont volé des mots comme « réforme ». Auparavant, réforme signifiait une législation progressiste, sociale. Maintenant, c’est souvent un euphémisme pour privatiser, économiser et attaquer les droits des travailleurs. 

    Une partie de la critique était cependant justifiée. Les nationalisations que nous avons connues en Grande-Bretagne, mais aussi ailleurs, étaient très bureaucratiques et « top-down » (hiérarchisées, fonctionnant du sommet vers la base, NdlR). Elles n’allaient pas de pair avec une participation démocratique des travailleurs ou des clients. Les gens n’y étaient quasiment pas impliqués. 

    Peter Mertens. Comment envisagez-vous ce processus de nationalisation démocratique ? Cela signifierait-il que les syndicats participeraient à la gouvernance ? Et, dans le cas des chemins de fer, également les voyageurs ? 
    Owen Jones  : Le syndicat du personnel du chemin de fer en Grande-Bretagne avait une proposition intéressante. Celle-ci suggérait que l’on instaure un conseil d’administration qui serait composé pour un tiers par des représentants des voyageurs, un autre tiers par des représentants du personnel et le dernier tiers par des représentants du gouvernement. On peut ainsi diriger une organisation de manière démocratique où l’on peut concilier à la fois les besoins du personnel et des passagers, sans perdre de vue les intérêts à long terme de la collectivité. 

    Ce que nous ne voulons certainement pas, c’est que les actionnaires soient remplacés par des bureaucrates. Ça, ce n’est pas du socialisme, mais plutôt du capitalisme d’Etat. 

    Peter Mertens. Qu’en est-il de la situation des soins de santé britanniques ? Les plans se multiplient pour privatiser des parties des soins de santé. Ce débat est également en cours aux Pays-Bas, et chez nous, la colère gronde à nouveau dans ce secteur. 
    Owen Jones  : Le National Health Service (NHS, le service national des soins de santé, NdlR) est une des institutions les plus prestigieuses en Grande-Bretagne. Les gens y sont particulièrement attachés. Un ministre a un jour dit que, pour les Britanniques, le NHS était presque une religion. Le gouvernement prétendra donc toujours qu’il ne privatise rien du tout. 

    Sous le New Labour (les sociaux-démocrates britanniques sous Tony Blair et Gordon Brown, 1997-2010, NdlR), il y a eu aussi des privatisations, seulement on appelait ça « private finance initiative », des initiatives pour le financement privé. Construire des entreprises privées, par exemple un hôpital. Via un contrat de location-achat sur trente ans, le bâtiment aboutit finalement dans les mains d’une institution de soins. Les amortissements annuels sont cependant si élevés que certaines institutions de soins se sont retrouvées au bord de la faillite.

    L’actuel gouvernement conservateur a alors instauré une législation qui scinde le NHS en petites entités. Il ouvre ainsi la porte au capital privé. Depuis cette politique de commercialisation et de privatisation, le montant alloué aux services administratifs a augmenté de manière dramatique. Evidemment puisque, si l’on scinde les services, il faut beaucoup plus de bureaucratie pour faire fonctionner le tout. C’est extrêmement inefficace. 

    Peter Mertens. En Belgique, des discussions sont en cours en commission de la Chambre sur la privatisation des chemins de fer ...
    Owen Jones  : Vraiment ? Ça, je vous le jure, il faut vous battre bec et ongles contre cela. En Grande-Bretagne, les pouvoirs publics donnent maintenant quatre fois plus de subsides au chemin de fer qu’au temps où celui-ci était encore public ! Nous avons à peu près les tarifs les plus hauts de toute l’Europe. Et les navetteurs sont entassés comme des sardines dans une boîte ... 

    Il y a plusieurs entreprises de chemin de fer qui sont actives sur le réseau. L’une a tellement mal fait son boulot que les pouvoirs publics ont dû reprendre les lignes en main. Conséquence : les lignes reprises par l’État sont précisément celles qui sont devenues les plus efficaces de tout le réseau. En Grande-Bretagne, chaque sondage d’opinion montre que deux tiers des gens veulent que le chemin de fer soit à nouveau nationalisé. Même les plus conservateurs considèrent la privatisation du chemin de fer comme une catastrophe.

    Peter Mertens. A Anvers, on a laissé les chantiers navals tomber en faillite. On a ainsi laissé disparaître un secteur aux professionnels qualifiés, avec un syndicat fort qui s’impliquait énormément dans la sécurité sur le lieu de travail, et cent ans de savoir-faire... A la place sont venues des entreprises douteuses qui travaillent avec une masse de sous-traitants. Maintenant, ce sont des travailleurs des pays baltes et d’Europe de l’Est qui travaillent pour 5 ou 6 euros de l’heure, sans syndicat, et qui ne disposent quasiment pas de protection. En septembre, il y a encore eu un accident où deux travailleurs bulgares ont perdu la vie, et, un mois et demi plus tard, on ne sait toujours pas pour quelle firme travaillaient ces deux ouvriers...
    Owen Jones  : Nous devons bien sûr combattre ce dumping social. Les salaires et conditions de travail existants sont minés par l’embauche de main-d’œuvre bon marché pour laquelle les syndicats n’ont en outre pas de possibilité d’action. 

    Chaque travailleur doit être engagé selon les mêmes conditions de travail. Il faut qu’il y ait un salaire minimum. En Grande-Bretagne, c’est un grand problème, en particulier pour le secteur de la construction. Les ouvriers polonais veulent venir travailler pour moins d’argent. Ils sont entassés dans des logements et sont exploités par les employeurs et par les propriétaires. Il faut aussi remédier à cela. 

    Le dumping social ne concerne d’ailleurs pas seulement les travailleurs étrangers. Il y a aussi les intérimaires, les travailleurs temporaires, les faux indépendants, les gens sous contrat à zéro heure. Ce n’est pas non plus leur faute, et encore moins celle des immigrés. C’est la faute des employeurs qui engagent de la main-d’œuvre qui vient ou non de l’étranger pour saper les normes salariales existantes. 

    Peter Mertens. Selon une récente étude, la Grande-Bretagne compte 1 million de travailleurs sous contrat de zéro heure : on signe pour un job dont le nombre d’heures n’est pas précisé à l’avance. La flexibilité to-ta-le. Avec, par exemple, une semaine à temps plein puis une semaine sans une seule heure. Vous êtes censé être disponible à tout moment, mais vous êtes payé seulement pour les heures effectivement prestées. Chez nous, on veut maintenant introduire aussi ces flexi-jobs dans l’horeca. Qu’en pensez-vous ? 
    Owen Jones  : Avec de tels contrats à zéro heure, le patron peut décider de manière hyper flexible quand il a besoin de gens ou pas. Le travailleur est livré à son bon vouloir. 

    En Grande-Bretagne, des centaines de milliers de gens dépendent des banques alimentaires. Une des raisons à cela, c’est justement ces contrats à zéro heure, puisque les gens ne savent pas combien d’heures ils vont pouvoir travailler cette semaine. Parfois, ils n’ont rien. Et, en plus, certains de ces contrats stipulent qu’on ne peut pas travailler ailleurs si on n’a pas assez d’heures attribuées. Les gens sont alors coincés. Cette semaine, vous ne pouvez pas payer votre loyer ou donner à manger à vos enfants. Vous n’avez en fait pas de droits, mais, quand on cherche désespérément du boulot, eh bien, oui, alors on accepte même un tel contrat.

    Même chose pour les faux indépendants. En Grande-Bretagne, un travailleur sur sept est actuellement indépendant. Le noyau des travailleurs fixes se réduit donc toujours plus et le groupe des travailleurs temporaires, des contrats à zéro heure et des indépendants ne cesse de grandir. 

    Peter Mertens. Une révolution est en cours sur le marché du travail. En Europe, cela s’appelle joliment « la réforme du marché du travail ». On veut en finir avec les emplois fixes et les remplacer par une armée de contrats individuels à la carte. Pour mon livre Comment osent-ils ?, j’avais examiné les statistiques en Allemagne. Dans ce pays, entre 1999 et 2008, 180 000 emplois à temps plein ont disparu. Et 2,7 millions de petits boulots à temps partiel sont apparus. Dès qu’on travaille une seule heure par semaine, dans les statistiques, vous avez « un emploi ». Les emplois fixes sont donc divisés en 6 ou 7 mini-jobs ou intérims. 
    Owen Jones  : Nous devons lutter pour des emplois fixes. Mais il y a une différence entre des gens pour qui travailler à temps partiel est un choix et ceux pour qui ce ne l’est pas. Pour certaines personnes, c’est plus pratique de travailler à temps partiel. En Grande-Bretagne, par exemple, les crèches sont très chères. En moyenne, les parents dépensent un tiers jusque parfois même la moitié de leurs revenus à la garde des enfants. Le travail à temps partiel est souvent une solution. 

    Mais il est inacceptable que l’on doive être toujours prêt pour son employeur. La flexibilité doit être une chose sur laquelle les deux parties sont d’accord, et ce n’est pas le cas actuellement. Travailler à temps plein reste très important. 

    Peter Mertens. Vous parlez souvent de stratégie politique. Dans le néolibéralisme, les « think-tanks », ces cénacles d’études et de réflexion, jouent là un rôle important. Ils préparent les réformes néolibérales et font en sorte que des idées du genre « le secteur public est inefficace » se répandent dans toute la société. Comment voyez-vous cette bataille des idées ? 
    Owen Jones  : La droite communique souvent mieux que nous. C’est la réalité. Ces think-tanks font passer leurs idées selon une sorte de « Overton window », une « fenêtre d’Overton ». Vous connaissez ? C’est un concept de la droite américaine qui porte le nom de Joseph Overton, un homme qui était à la tête d’un think-tank de droite. C’est une sorte de fenêtre, de cadre qui délimite les idées : tout ce qui tombe dans ce cadre est acceptable et un signe de bon sens ; et tout ce qui n’entre pas dans ce cadre est extrémiste, utopique, trompeur... 

    Mais ce cadre peut toutefois se déplacer. Un exemple : la privatisation des chemins de fer aurait été complètement impensable dans les années 1970 – même pour la droite – parce que trop extrême ; mais depuis, c’est quasiment devenu une politique standard partout. Ce cadre, nous devons le repousser. 

    Je crois que la gauche doit apprendre à communiquer d’une autre manière, par exemple par le « story-telling » (le fait de raconter des histoires, NdlR), une chose que la droite fait souvent. La droite va par exemple raconter des histoires extrêmes sur des chômeurs qui ont plein d’enfants et qui possèdent pourtant une télévision sophistiquée et un smartphone très cher. Et la réponse de la gauche, c’est souvent une chose comme : « Oh, mais seulement 0,7% de tous les allocataires sociaux ont été suspendus l’an dernier. » Cela ne convainc personne, n’est-ce pas.

    Non, on ferait mieux de raconter alors l’histoire de Stephen Taylor de Manchester, un ex-soldat de 60 ans au chômage qui vendait des fleurs pour récolter de l’argent pour les vétérans de guerre blessés ou mutilés. On lui a supprimé quatre fois ses allocations parce qu’il était actif bénévolement pour une organisation caritative. Une telle histoire est bien plus efficace qu’une statistique à la « ces derniers 18 mois, un million de personnes ont perdu leur allocation ». 

    En Grande-Bretagne, il y a maintenant tout un projet de vente des logements sociaux. L’Etat fait cela sous le principe du « right to buy », le droit d’acheter. Et, si vous vous opposez à cela, vous entendez : « Comment ? Vous êtes donc contre le droit des gens ? ». Tout cela est évidemment pensé de manière très intelligente. 
    La droite diffuse des idées vraiment très extrêmes, mais elle les présente comme modérées et logiques. Nous pouvons apprendre de cela. 

    Peter Mertens. Les think-tanks de gauche réalisent des études et écrivent de gros rapports. Mais la droite a aussi des think-tanks qui réfléchissent à la manière dont ils peuvent communiquer au mieux leur message auprès d’un large public. Comment se fait-il que la gauche n’ait pas de tels think-tanks ? 
    Owen Jones  : D’abord, il y a moins de think-tanks de gauche. La droite a beaucoup de think-tanks parce que de grandes entreprises y mettent beaucoup d’argent pour qu’ils fournissent du matériau auquel elles ont un intérêt. Ces think-tanks traitent invariablement de diminution d’impôts, de rabotage des droits des travailleurs, de privatisation. En Grande-Bretagne, un think-tank a sorti un rapport sur la privatisation des prisons. Et qui a payé cette étude ? Tout juste : des entreprises actives dans les services de sécurité et qui exploitent déjà des prisons privées ! 

    Les syndicats ont une responsabilité dans la mise sur pied de bons groupes de réflexion. Il existe des professeurs d’université et des économistes de gauche, mais ils travaillent encore trop chacun dans leur petit coin. De tels think-tanks pourraient rassembler ces gens pour travailler à une alternative bien étayée. Mais alors, dans une langue que les gens peuvent comprendre.

    C’est assez ironique, n’est-ce pas ? Nos adversaires prêchent l’individualisme, mais eux-mêmes travaillent d’une manière très collective. Nous, nous plaidons pour le collectif, mais nous travaillons de manière très individualiste. 

    Peter Mertens. Au sein du PTB, nous avons nous-mêmes longtemps discuté de l’importance de la communication, du langage et des images. L’analyse vient en premier lieu, et ce travail d’étude fondamental doit rester la base, sinon on tombe vite dans le superficiel et l’opportunisme. Mais, à côté de cela, il faut consacrer tout autant de temps à la communication, à la question : comment maintenant transmettre notre message ? Parce que ce n’est pas parce qu’on a raison qu’on vous donne nécessairement raison. Souvent, cette deuxième étape est sautée, parce que beaucoup de gens de gauche trouvent apparemment cela moins important. 
    Owen Jones  : Exactly. Nous devons repousser nos adversaires dans la défensive, car nous-mêmes, nous y sommes trop souvent. Je ne cite pas souvent Ronald Reagan (président des Etats-Unis de 1981 à 1989, NdlR), mais il a dit : « When you’re explaining, you’re losing », quand vous devez commencer à vous expliquer, vous êtes en train de perdre la partie. Il y a beaucoup de vrai là-dedans. Nous devons amener nos adversaires à devoir expliquer pourquoi leur politique devrait marcher. 

    C’est pourquoi nous devons aussi mieux choisir quelle lutte nous entamons, car nous nous investissons souvent dans des thèmes pour lesquels nous savons que nous allons perdre. En Grande-Bretagne, un débat est actuellement en cours sur la diminution des crédits d’impôts. Trois millions de familles vont perdre par là une moyenne de 1.350 livres par an. Ça, c’est un thème sur lequel nous pouvons attaquer la droite : les gens qui travaillent dur sont sanctionnés.

    Peter Mertens. Dans votre dernier livre, The Establishment, vous évoquez le pouvoir des magnats des médias en Grande-Bretagne. Il s’agit d’une presse extrêmement idéologique et agressive, écrivez-vous. Et vous dites ensuite : nous devons développer nous-mêmes une stratégie médiatique. Pour certains, cela peut paraître contradictoire : comment peut-on développer une stratégie de communication dans la presse de l’establishment lui-même ?
    Owen Jones  : Les grands médias nous sont hostiles, et ils le resteront. Et, malheureusement, ces médias sont le lieu où des dizaines de millions de gens s’informent et se forgent une opinion. Mais, que l’on ignore ou pas les médias, vos adversaires vont quand même vous attaquer. Donc, il vaut mieux essayer d’être présent dans les médias, où l’on peut au moins tenter de faire passer son message. 
    Quand Jeremy Corbyn est interviewé en télévision, il passe souvent très bien. Mais, les premiers jours après son élection à la tête du Labour, il est resté loin des médias alors qu’il se faisait tirer dessus à boulets rouges et même à l’artillerie lourde. Le Premier ministre Cameron l’a carrément qualifié de menace pour la sécurité nationale, mais Corbyn n’était pas présent pour répliquer. Je m’arrachais les cheveux, c’était incroyablement frustrant. Il faut passer dans les médias, c’est incontournable. 

    Beaucoup de gens pensent qu’actuellement on y arrive aussi en utilisant les médias sociaux, mais on n’atteint qu’un nombre limité de gens par ceux-ci. On mobilise des gens qui ont déjà dans une certaine mesure de la sympathie pour vous. Les médias sociaux sont un complément pour votre stratégie médiatique. Il est aussi important de construire un mouvement d’en bas, évidemment et on peut ainsi en partie contourner les médias. Mais, à nouveau : c’est un complément.
     
    Il faut passer sur les grandes chaînes des magnats de droite et il faut être interviewé dans leurs journaux. C’est comme si on emprunte un mégaphone à quelqu’un que l’on n’apprécie pas, on préfèrerait ne pas le faire mais, au moins, les gens peuvent vous entendre. Même si ce mégaphone vous est ensuite immédiatement arraché des mains.

    Peter Mertens. Dans une vidéo sur YouTube, vous déclarez que le « sentiment de la Grande-Bretagne » ne peut pas être laissé à la droite. Et vous donnez un contenu à ce sentiment national, avec les fières traditions de la gauche : la lutte des classes. Pourquoi est-il important pour vous d’amener aussi ce thème-là dans le débat public ?
    Owen Jones  : La fierté est importante. Tous les droits et libertés que nous avons maintenant ont été arrachés par la lutte. Des masses de gens ont payé un prix très lourd pour cela, et certains y ont même laissé leur vie. Faire en sorte que les gens soient à nouveau fiers de cette histoire est une manière de lutter contre le patriotisme que la droite manipule pour ses propres buts.  

    Jeremy Corbyn a été attaqué parce qu’il serait antipatriotique, mais qu’y a-t-il de plus patriotique que de vouloir bannir l’injustice de son pays ? Il n’y a rien de patriotique au fait que, dans un des pays les plus riches du monde, on rende des centaines de milliers de gens si pauvres qu’ils n’arrivent même plus à s’acheter à manger. Il n’y a rien de patriotique au fait de faire payer les gens qui travaillent pour une crise avec laquelle ils n’ont rien à voir.

    Pour moi, cette fierté n’est pas en contradiction avec ma perspective internationaliste. Car oui, il faut construire la solidarité internationale. La mondialisation rend cela encore plus nécessaire. 
    Mais la gauche s’est toujours vu reprocher de se montrer hostile envers son propre pays. Or on peut facilement réfuter cela en disant à quel point nous sommes fiers de notre passé de lutte. Nous luttons dans la même tradition que celle de nos aïeux et nous continuerons à lutter jusqu’à ce que nous ayons construit une société qui sert les intérêts de la majorité au lieu de ceux de la couche supérieure. C’est ce pour quoi nos aïeux ont lutté, et nous allons continuer leur travail. 

    Peter Mertens. Etes-vous optimiste ?
    Owen Jones  : Je suis tout à fait optimiste. Toutes les injustices et tous les problèmes peuvent être vaincus avec suffisamment de détermination. OK, dans notre parcours vers un monde plus juste, nous devons certes momentanément passer par des détours, mais nous y arriverons bien. 

    Nous devrions prendre exemple sur les néolibéraux. Dans les années 1940, ils étaient totalement dans les cordes, mais ils ont surmonté cela. C’est l’illusion de chaque époque de croire que cela dure éternellement. Les choses peuvent changer, et parfois même assez vite. Cela ne sera pas facile, certes. La gauche a parfois tendance à se complaire dans les défaites, mais je suis plus intéressé par les victoires et par le réflexion sur la manière de pouvoir gagner davantage. Et, en fin de compte, nous finirons par gagner. Cela peut juste encore prendre un peu de temps.

    Article publié dans le mensuel Solidaire de janvier 2016 - Extrait
    http://solidaire.org/articles/entretien-entre-peter-mertens-et-owen-jones-la-gauche-doit-apprendre-comm

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