person:philippe mabille

  • La nouvelle formule de La Tribune : « partageons l’économie »
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/la-nouvelle-formule-de-la-tribune-partageons-l-economie-807690.html

    ÉDITO. La Tribune se transforme. A partir de ce vendredi 15 février, vous retrouverez en kiosques votre hebdomadaire en format berlinois, avec deux cahiers distincts, l’un sur les transformations globales de l’économie et des entreprises, l’autre sur les territoires et ses acteurs. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction et Robert Jules, directeur adjoint de la Rédaction.
    […]
    En ces temps de grande déprime nationale, où le pays cherche dans un Grand débat la sortie d’une très profonde crise politique, notre ambition est de rapprocher les femmes, les hommes et les idées pour chercher des réponses aux mutations que nous sommes en train de vivre. On le voit bien avec la crise des « Gilets jaunes », nos sociétés doivent changer de logiciel. C’est vrai de l’État comme des entreprises : on ne peut plus gouverner en mode vertical. Cette révolution concerne aussi la presse. La Tribune veut être un acteur de cette révolution de l’horizontalité, pour vous faire partager l’économie aussi du bas vers le haut. C’est une promesse exigeante, mais aussi une vraie innovation éditoriale.

  • M. Macron, le bien public, c’est la liberté d’informer
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/m-macron-le-bien-public-c-est-la-liberte-d-informer-806617.html


    DR

    ÉDITO. Qu’Emmanuel Macron invite la presse et les journalistes à faire leur autocritique et à définir un cadre d’autorégulation, pourquoi pas. Mais que l’on imagine créer une sorte de conseil de censure, ou pire, un instrument d’autocensure, nous semble une dérive dangereuse pour la liberté de la presse et potentiellement pour la démocratie.
    Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

    Pour se sortir de la crise des « Gilets jaunes », qui en est déjà à son acte XIII ce samedi, Emmanuel Macron est en train d’inventer un nouveau concept politique, la «  délibération permanente  », qu’il a dit préférer, devant quelques journalistes triés sur le volet reçus dans son bureau à l’Élysée, aux «  commentaires permanents  » auxquels on assiste sur les chaînes d’info. Devant les mêmes journalistes, le président de la République, qui ne comprend pas pourquoi les médias donnent à «  Jojo-le-gilet-jaune  » (on admire l’élégance du propos) les mêmes égards qu’à un ministre ou un expert, s’est livré à une longue diatribe contre les médias, prenant des positions assez stupéfiantes.

    En voici quelques lignes, telles que rapportées par Emmanuel Berretta dans Le Point :
    «  Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer (...) Il faut s’assurer qu’elle soit neutre, financer des structures qui assurent la neutralité.  »

    Et Emmanuel Macron de proposer la création d’une sorte de comité (de salut public ?) chargé « avec des garants qui soient des journalistes » (lesquels ? choisis par qui ?), de la « vérification de l’information ».

    À ce stade, lisant cela, il est permis de se le demander : Emmanuel Macron a-t-il complètement «  pété les plombs  » avec la crise des « Gilets jaunes » ?

    Nombre de brillants éditorialistes ont déjà avec talent dénoncé ce plan de mise sous tutelle des médias, à l’exemple de l’excellent « Macron ou la tentation de la Pravda  » d’Étienne Gernelle, le patron du Point. Comment mieux décrire le «  délire orwellien  » dans lequel semble sombrer notre président de la République. Cette idée qu’il existerait une «  vérité  », une «  vérité d’État  » sans doute dans l’esprit du chef de l’État, nous heurte évidemment.

    Il ne s’agit pas de contester que la presse soit parfois critiquable, mais de dénoncer la tentation autoritaire que cela révèle de la part du pouvoir. D’autres ont dit - comme le député Charles de Courson, dont le père résistant a été poursuivi par le régime de Vichy - que la loi «  anti-casseurs  » votée cette semaine au Parlement inquiète, en ce qu’elle modifie l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le judicaire, et pourrait, comme les textes qui ont institutionnalisé l’état d’urgence, se révéler un instrument redoutable placé en de mauvaises mains.

    C’est la même chose s’agissant des projets du président à propos de la presse qui viennent après la tout aussi ambiguë loi «  anti-fake news  » censée encadrer les réseaux sociaux et censurer «  le faux  » en période électorale.

    Dernière initiative, qui n’est pourtant pas une fake news, l’ex-ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a confié à l’ex-Pdg de l’AFP, Emmanuel Hoog, la création d’un «  conseil de déontologie de la presse  » financé à hauteur de 1,5 million d’euros par moitié (en fait 49 %) par l’État, une instance destinée, selon ses promoteurs, à «  permettre au citoyen d’obtenir des réponses sur le travail des journalistes en dehors de tout ce qui est encadré par la loi (diffamation, calomnie, injure ou incitation à la haine)  ». La création d’un tel conseil, qui existe dans une quarantaine de pays, est réclamée par Jean-Luc Mélenchon dont on connaît les positions particulièrement amicales à l’égard des journalistes.

    Que les choses soient claires entre nous : qu’Emmanuel Macron invite la presse et les journalistes à faire leur autocritique et à définir un cadre d’autorégulation («  Quelque part, cela doit aussi venir de la profession  », aurait-il dit), pourquoi pas. Mais que l’on imagine créer une sorte de conseil de censure, ou pire, un instrument d’autocensure, nous semble une dérive dangereuse pour la liberté de la presse et potentiellement pour la démocratie. C’est encore plus vrai à un moment où le législateur veut protéger le secret des affaires, au risque de dissuader tout travail d’enquête journalistique, lequel repose sur le secret des sources, et où un de nos confrères, Mediapart, subit la menace d’une perquisition dénoncée par les sociétés de journalistes de tous les médias.

    Que les choses soient bien claires : La Tribune et ses journalistes s’en tiennent à l’article 1 de la loi du 29 juillet 1881 qui dit que «  l’imprimerie et la librairie sont libres  », et qui est en quelque sorte notre Premier amendement au sens de la Constitution américaine. Emmanuel Macron peut chercher toutes les voies de contournement possible, son projet est tout simplement mauvais et ne peut qu’inquiéter tous ceux qui voient avec effroi la crise des « Gilets jaunes » alimenter une tentation autoritaire ou bonapartiste.

    Dans leur livre, désormais traduit en français, La Mort des démocraties (Calmann-Lévy), Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, deux chercheurs de Harvard, ont défini quatre signaux d’alerte permettant de reconnaître les autocrates : «  On doit s’inquiéter lorsqu’un politicien
    1) rejette en actes ou en paroles les règles du jeu de la démocratie ;
    2) dénie leur légitimité aux opposants ;
    3) tolère ou encourage la violence ;
    4) affiche une propension à limiter les libertés civiques de l’opposition et des médias.
     »

    Puisqu’Emmanuel Macron nous invite, nous journalistes, à être jugés au regard de la vérité ou du mensonge, prenons-le donc au mot et proposons qu’un conseil de déontologie tout aussi indépendant indique comment évaluer les hommes et les femmes politiques français en fonction de ces quatre critères simples et transparents au sein desquels chacun d’entre eux, lisant ces lignes, pourra aisément se reconnaître.

    À bon entendeur…

  • À Davos, la fin d’un monde
    https://www.latribune.fr/opinions/blogs/inside-davos/a-davos-la-fin-d-un-monde-804925.html


    Reuters

    ÉDITO. Dans ce monde en pleine recomposition, l’Occident, paralysé par l’essor des populismes et tenté par la fermeture des frontières, fait face à l’inexorable montée des pays émergents - Chine et Inde en tête -, qui professent strictement l’inverse. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

    Souvent critiqué comme le sommet des riches et de l’entre-soi, le forum économique mondial de Davos, qui s’est tenu cette semaine, est aussi, par sa dimension internationale, un marqueur unique des tendances de l’époque. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la température polaire qui s’est abattue sur la station des Grisons suisses est en phase avec le climat économique mondial.

    Rien à voir avec l’euphorie qui régnait l’an dernier. Juste à l’ouverture du sommet, Christine Lagarde, la présidente, française, du FMI, a affiché la couleur : « Une récession mondiale n’est pas au coin de la rue, mais le risque d’un recul plus prononcé de la croissance mondiale a augmenté », a-t-elle indiqué en commentant la nouvelle révision à la baisse des prévisions de l’institution.
    […]
    Pour la première fois depuis sa création en 1971 par le professeur Klaus Schwab, qui voulait en faire une plateforme de rencontres entre les politiques, les entreprises et la société civile, le World Economic Forum a été davantage commenté pour ses grands absents que pour ses présents. Donald Trump, le président américain, a annulé son voyage en raison de l’interminable shutdown de l’administration américaine et a refusé la venue du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Seul le secrétaire d’État, Mike Pompeo, est intervenu, en vidéo depuis Washington, une bonne nouvelle pour le climat alors que plus de 1 500 jets privés (200 de plus que l’an dernier, qui avait déjà affiché un record) ont servi à transporter en Suisse les happy few de la planète.

    Deuxième absent de marque, Xi Jinping, le président chinois, qui avait en 2017 vanté le libre-échange comme une forme de contrepied à la nouvelle stratégie américaine, a quand même délégué son vice-président avec une importante délégation chinoise, signe du basculement du monde vers l’Est.

    Du côté européen, Theresa May, empêtrée dans l’impasse du Brexit, a décliné l’invitation, de même qu’Emmanuel Macron, le président français, qui a sans doute pensé que sa présence à Davos, ce temple du capitalisme libéral et de la mondialisation, était peu compatible avec sa tentative de renouer le dialogue avec les Français en pleine crise des "Gilets jaunes".

    Au centre du jeu, la rivalité entre les États-Unis et la Chine
    On dit souvent que les absents ont toujours tort... Et de fait, à Davos, on n’a parlé que d’eux, et plutôt en mal. La rivalité entre les États-Unis et la Chine est au centre du jeu et l’on se préoccupe de la dégradation rapide des relations entre les deux pays, à l’image de l’affaire Huawei, le groupe chinois de télécoms soupçonné d’être le cheval de Troie de l’espionnage chinois, mais très présent pourtant à Davos avec un espace sur la Promenade, la rue centrale, et la venue de son président, Liang Hua.

    L’absence de Trump, de May et de Macron résonne comme un signe supplémentaire du déclin du monde occidental, paralysé par l’essor des populismes et tenté par la fermeture des frontières, face à l’inexorable montée des pays émergents, Chine et Inde en tête, qui professent strictement l’inverse, comme un retournement de l’histoire.

    Comme chaque année, mais plus encore pour cette édition, beaucoup prédisent que le monde de Davos touche à sa fin, que ce forum de la mondialisation malheureuse sera peut-être l’une des dernières éditions

  • Opposer « startup nation » et « Gilets jaunes » est stupide
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/opposer-startup-nation-et-gilets-jaunes-est-stupide-802961.html

    À propos du CES à Las Vegas, l’opinion du directeur de la rédaction de la Tribune, Philippe Mabille

    L’absence des politiques français à Las Vegas, qui tranche avec les années précédentes, est tout aussi stupide que démagogique. Pourquoi se priver de donner une exposition à la France qui gagne et veut conquérir le monde ? C’est la démonstration par l’absurde de l’impact désastreux qu’a eu la crise des « yellow vests » sur l’image de la France à l’étranger depuis la mi-novembre et il est stupéfiant de voir que le gouvernement renforce ainsi le sentiment d’une France en marche arrière. Certes, la présence d’Emmanuel Macron, qui avait organisé au CES une soirée fastueuse un an avant de partir à la conquête de l’Élysée, n’y est sans doute pas indispensable. Le président de la République a bien compris que l’urgence de l’heure est plus de s’occuper des Français qui souffrent que des startups, qui ont, il est vrai, déjà été bien servies par la réduction de la fiscalité sur le capital.

    Mais qu’aucun représentant du gouvernement ne juge bon d’aller au CES est un mauvais signal. Signe des temps, de nombreux présidents de régions seront eux du voyage et accompagneront les jeunes pousses qui cherchent à trouver une exposition, de nouveaux investisseurs et se confronter au meilleur de l’innovation mondiale. De nombreux grands groupes français seront aussi présents avec des startups qu’ils aident à se développer dans des domaines où notre pays excelle, du fait de la qualité de ses ingénieurs et de son système de formation en mathématiques. Intelligence, artificielle, voiture autonome, drones, robots industriels, télémédecine, smart city, transition énergétique : avec ou sans les politiques, c’est la France de demain qui va faire son show à Las Vegas et c’est quand même une bonne nouvelle que de constater que la très profonde crise sociale et politique traversée par le pays ne remet pas en question son dynamisme entrepreneurial.

    Bien sûr, et ce fut sans aucun doute la plus grande erreur d’Emmanuel Macron, il ne faut pas s’occuper seulement de la startup nation. Par son discours, souvent clivant, et par sa politique fiscale, déséquilibrée, le président de la République a pu donner ce sentiment. Il s’en est depuis excusé. Ce que les « gilets jaunes » ont violemment rappelé au pouvoir, c’est que l’attractivité d’un pays ne peut pas reposer sur le seul pilier économique ou sur les seuls « premiers de cordée ». Un pays en marche, et qui marche, c’est un équilibre, et son attractivité est autant sociale qu’économique, sinon la paix civile est menacée. Il ne faut cependant pas accabler Emmanuel Macron : cette crise sociale vient de loin, et résulte de la lâcheté de générations d’hommes politiques qui ne se sont jamais occupés de régler les problèmes, laissant germer une colère qui a pris en cet automne une dimension insurrectionnelle.
    […]
    Emmanuel Macron en avait eu l’intuition : « Ce qui bloque notre société politique, c’est qu’il y a une démocratie qui manque d’adhésion [...]. Tout est encore décidé d’en haut, par le haut, créant une frustration bien souvent légitime des acteurs de terrain », avait-il déclaré à Strasbourg en octobre 2016.

    Le problème vient de ce qu’il a fait le contraire : pour aller vite, en espérant engranger des résultats rapides grâce à une conjoncture très porteuse en début de quinquennat, Emmanuel Macron a oublié ce qui avait fait son succès. Tout en promettant un nouveau monde, il a fait de la vieille politique verticale dans un monde devenu horizontal en laissant la « technocratie » diriger le pays, avec les résultats auxquels nous venons d’assister.

    « Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme trop souvent par le passé dans des crises semblables, sans que rien n’ait été vraiment compris et sans que rien n’ait changé. Nous sommes à un moment historique pour notre pays : par le dialogue, le respect, l’engagement, nous réussirons » ; de toutes les paroles prononcées par le président de la République lors de son allocution du 10 décembre écoutée par 27 millions de Français, ce sont celles-ci, beaucoup plus que le chèque de 100 euros pour les smicards, qui décideront de la suite de son quinquennat.

  • Facebook et les Gafa face à leurs responsabilités
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/facebook-et-les-gafa-face-a-leurs-responsabilites-766680.html

    [ ÉDITO ] Facebook investit en France, merci. Mais ne soyons pas dupes ni naïfs : si le réseau social fondé par Mark Zuckerberg se montre aussi généreux, c’est bien sûr parce que la France brille dans les nouvelles technologies, mais aussi parce que Facebook a un besoin urgent de montrer patte blanche et d’amadouer les pouvoirs publics. Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
    […]
    Mais ne soyons pas dupes ni naïfs : si le réseau social fondé par Mark Zuckerberg se montre aussi généreux, c’est bien sûr parce que la France brille dans les nouvelles technologies, mais aussi parce que Facebook a un besoin urgent de montrer patte blanche et d’amadouer les pouvoirs publics - dans tous les grands pays - après une année 2017 marquée par la multiplication des polémiques à l’égard des Gafa. D’ailleurs, Google aussi investit en France, avec 300 recrutements en 2018, la création d’ateliers numériques dans quatre villes en régions afin de former 100 000 personnes au digital.
    […]
    Tout cela est bel et bon à prendre. Mais cela ne suffira pas pour éteindre les critiques qui montent à l’égard des Gafa. Plus le temps passe et plus il apparaît que Google (Alphabet), Apple, Facebook et Amazon, les quatre géants du Net, dont l’addition des capitalisations frôle les 3 000 milliards de dollars, plus que la production annuelle de richesse de la France, sont devenus trop puissants. Et 2018 pourrait bien être l’année d’un grand tournant dans l’attitude des États à l’égard de ces monstres du numérique.

    L’Europe, qui a été complètement colonisée par les géants de la Silicon Valley, commence à mener cette bataille, sur deux fronts. D’abord, le front fiscal, car le numérique soulève la question de la disparition des frontières. La France est à la pointe de ce combat, menaçant d’une taxe sur le chiffre d’affaires si un accord n’est pas trouvé dans les deux ans. Le deuxième front est celui de la concurrence, avec une offensive principalement ciblée pour l’instant sur Google, qui a conduit la Commission européenne à infliger au groupe une amende record.

    Un autre front est en train de s’ouvrir, celui du danger que font peser des réseaux sociaux comme Facebook pour le fonctionnement de la démocratie. Aux États-Unis, où Facebook est le premier diffuseur d’informations, l’élection présidentielle de 2016 a servi de révélateur.