person:philippe mangeot

    • « Je pense qu’il faut qu’on commence à faire des listes. De la même façon que je commence à faire des listes des personnes qu’il faudrait accuser. De la même façon que je fais des listes de mesures pour s’assurer que l’oligarchie perde le pouvoir très rapidement. »

      (pas vu la vidéo d’où est tiré cet extrait cité par rebellyon, 1h40 de monologue en gros plan fixe...)

    • Il y a quelques mots qui sont de vrais repoussoirs à mon goût au moment de lire un texte, et quand on souhaite penser clairement :
      pseudo-truc
      bobo
      confusion-niste/nisme
      – ...

      Le mot « confusionnisme » utilisé pour ostraciser, c’est lourdingue et ça n’apporte rien à la réflexion, surtout quand l’éventuelle confusion n’est trop souvent pas explicitée.

      Donc, voilà, j’ai pas lu le texte au-delà du mot « confusionnisme ». Tant pis pour moi. Et pourtant, j’ai pas grand chose à foutre de Juan Branco. Et pourtant, je pense qu’on gagnerait à réfléchir et échanger avec plus jeune que soit. Et pourtant, je n’ai pas la sensation qu’on demande à ce livre et à son auteur, autre chose que de nous édifier sur les mœurs délétères de nos « premiers de cordées ».

      Je causais de ce qui faisait que les gens professionnellement bossent avec telle ou telle société, plutôt qu’avec telle ou telle autre. Une conclusion était : les gens bossent avec d’autres gens plutôt qu’avec une société en particulier. Parfois, la société joue... mais souvent, c’est bien l’individu qui compte, même s’il se révèle in-fine moins compétent que d’autres sociétés. C’est pénible, mais la rationalité a parfois bien du mal à se frayer un chemin dans nos choix de délégation, ... et notre nature première d’être humain.

    • J’ai lu le paragraphe suivant, là où on trouve des « parce que ».

      Maxime Nicole, combien de divisions ?
      Etienne Chouard, combien de divisions ?

      Encore une réflexion centrée sur les individus. Encore une réflexion supposément stratégique, où l’enjeu serait « l’alliance » blablabla, avec celui-ci ou celui-là.

      Ce qui les emmerde, les anti-confusionnistes-prout, c’est qu’on ne les lit pas assez... Ils produisent de la super-réflexion-stratégique-anti-capitaliste-vraiment-utile, mais personne ne les lit. Pas comme Maxime Nicole ou Etienne Chouard, qui sont invités et lus, dont on se fout de ce qu’ils produisent, à partir du moment où... merde, ils vont là où on souhaite débattre avec eux. Et qu’ils ne sont pas au courant qu’il y a des endroits cacas. Parce que le monde il est fait d’endroits cacas-confusionnistes et d’endroits bien sous tous rapports conformes à la lutte des classes Label Rouge.

      J’avoue avoir toujours autant de mal avec l’ostracisme de certains milieux militants. Je me sais terriblement pragmatique, et soucieux d’opérationnalité, et j’entends les critiques faites à chacun de ces individus. Mais... un peu de sérieux dans la façon de critiquer bon sang. Qu’on sorte de l’ostracisme « prout ».

    • @biggrizzly je suis assez d’accord, c’est problématique ce genre d’attitudes pour rester « pur » (et puis mettre Lancelin, Chouard et Michéa dans le même sac c’est assez risible). Pourquoi ne pas inviter Branco et lui dire tout ça en face ? Je pense que ça dégonflerait la baudruche en plus de pouvoir préciser notre propre pensée politique (peut-être que ça aiderait Juan Branco à clarifier la sienne, qui sait ?). Parce que bon c’est facile de dire « c’est confus » mais je ne suis pas certain que beaucoup de militants sont capables d’expliquer très clairement leur pensée politique et leurs objectifs à court et moyen terme.
      En plus il y a des choses intéressantes à retenir dans son bouquin et toutes les personnes qui nous disent « on savait déjà » sont un peu présomptueuses, tout le monde n’est pas aussi bien informé que le militant d’extrême gauche lambda (ou toute autre personne « conscientisée »). Branco décrit bien la logique de classe à l’œuvre dans la bourgeoisie française, un sociologue écrirait tout ça en langage universitaire qu’on n’y trouverait rien à redire mais c’est juste que personne ne le lirait à part un petit milieu bien éclairé.
      Sur l’outing de Gabriel Attal je suis partagé, évidemment qu’outer quelqu’un est problématique mais à partir du moment où il y a un intérêt public à savoir, parce que cela touche à l’attribution de postes de pouvoir (et qu’a priori tout un milieu est au courant sauf le bas peuple), je serais moins catégorique sur le fait de ne pas outer, l’outing devenant en quelque sorte une question secondaire. Cela ne choque personne quand c’est fait pour des hétéros dans ce même cadre. On parle d’un homme qui a des responsabilités, qui a du pouvoir, qui fraye dans la bourgeoisie parisienne où l’homophobie est globalement plutôt mal vue désormais (enfin je crois), pas d’un mec au fond de son village pour qui un outing serait potentiellement catastrophique dans sa vie personnelle. Je n’ai pas d’avis définitif sur la question mais disons que je ne suis pas scandalisé outre mesure.
      Au final, on retient donc juste les choses qui déplaisent et on excommunie, on finit un jour par traiter de facho tous les sympathisants plus vite que son ombre, belle stratégie pour envoyer tout droit un tas de gens (ceux qui auront lu et apprécié le bouquin sans avoir tout l’appareil critique pour soulever tous les points problématiques) vers l’extrême droite, qui elle accueille à bras ouverts sans sourciller.

    • Non merci. L’outing est une méthode dégueulasse, pas seulement « problématique » !
      Cette interview de Philippe Mangeot à l’époque de la « menace » d’outing faite par Act Up (et d’ailleurs, sauf erreur de ma part, jamais mise en œuvre) délimite assez bien les contours du truc et les dangers qu’il y a à le manipuler :
      https://www.liberation.fr/france/1999/03/16/le-president-d-act-up-justifie-la-menace-d-outing-contre-un-depute-ceux-q

      Tu sembles vouloir retourner la culpabilité en disant qu’on enverrait les gens vers l’extrême-droite lorsqu’on critique ce genre de méthodes — mais ho ! S’ils en sont là c’est qu’ils y vont déjà de leur propre chef. Il faudrait accepter racisme, antisémitisme, homophobie etc pour « garder les gens à gauche » ? Ça n’a aucun sens…

      On pourrait se demander s’il n’y a pas aussi un léger soupçon de racisme social dans ton message, comme quoi l’homophobie serait plus grave au fond du village que chez les bourgeois parisiens. Merci de préciser d’où sort cette fulgurance, alors que ce qui est critiqué ici c’est justement cet acte homophobe avéré de la part d’un bourgeois parisien…

    • @fil je trouve juste que c’est aller vite en besogne que de qualifier d’extrême droite ou même d’homophobe Juan Branco. Encore une fois, l’outing en question est circonstancié, on en parle comme si c’était quelque chose d’abstrait mais Branco a juste dénoncé le fait qu’Attal a eu son poste en partie grâce à son compagnon, dévoilant au passage son homosexualité (c’est pour ça que je dis qu’il s’agit d’un point secondaire dans cette histoire). Et oui je pense et je maintiens que c’est plus simple et moins dangereux d’être homosexuel quand on est un bourgeois parisien que quand on est un prolo qui vit à la campagne (c’est bien pour ça que la plupart vont se réfugier dans les grandes villes) ce qui ne veut pas dire que ça ne pose aucun problème et que les bourgeois ne seraient aucunement homophobes. Mon opinion est peut-être faussée par le fait que je viens de la campagne et que je suis un prolo hein, je ne suis pas homosexuel mais j’ai bien vu la différence de traitements entre les deux environnements cités et le fait que le virilisme soit une valeur largement plus sollicitée à la campagne qu’en ville (et moi aussi c’est pour ça que je me réfugie en ville).

    • Rhétorique complotiste et sémantique extrême-droitiste : Rebellyon remet le couvert :

      https://rebellyon.info/Le-best-seller-de-Juan-Branco-un-opuscule-20685

      On a lu le bouquin de Juan Branco qui fait tant parler. C’est avec un vocabulaire d’extrême droite, une rhétorique du sous-entendu et des concepts bien foireux (l’oligarchie et ses « êtres ») que Crépuscule prétend nous dévoiler la marche du monde. Sauf qu’on y découvre pas grand-chose à part les obsessions de son auteur .../...

      Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bourdieu ?

      Certain·es lecteur·ices ont sans doute découvert, grâce au livre de Branco, qu’il existe une classe dominante et qu’elle travaille à maintenir sa position par un système d’entre-soi bien rodé. Cela dit, il est très présomptueux de la part de l’auteur de prétendre en faire la révélation. Sans tous les citer, on peut penser aux travaux de Bourdieu et Passeron qui font aujourd’hui autorité, et que beaucoup connaissent sans les avoir lus, ou aux ouvrages des Pinçons-Charlot (qu’on aurait du mal à qualifier de « confidentiels »).

      Mais peut-être que ce qui séduit, c’est d’avoir cette fois le point de vue d’un insider un vrai, qui aime à se dépeindre en « traître à sa classe ». Pourtant, Branco ne semble guère doué pour la traitrise, puisque ce fils de la haute bourgeoisie est à présent un avocat de personnalités (ex-avocat de Mélenchon, défenseur d’Assange et Nicolle) et un polémiste médiatique... S’il veut réussir dans cette entreprise, on lui conseille de changer de méthode et de s’intéresser aux inspirantes réflexion développées sur le refus de parvenir.

      Cela dit, si l’on aime voir un milieu dépeint par ceux qui en proviennent, on regardera avec plus d’intérêt Les bonnes conditions de Julie Gavras, documentaire qui suit sur une période de treize ans huit jeunes du 7e arrondissement de Paris, du lycée à la trentaine. Documentaire lui-même réalisé par une « fille de » qui met son milieu d’origine à nu. Les mécanismes de reproduction sociale y sont très bien expliqués et on notera que le documentaire a été diffusé sur Arte, et qu’il est toujours disponible en ligne. On peut difficilement parler de censure.

    • Et on peut faire le lien avec Denis Robert, l’auteur de sa préface, qui n’hésite pas, d’après ce que j’en lis, à œuvrer par licenciement pour faute lourde, vis à vis de ses prédecesseurs·ses. Entre gens du même monde politique, ça a quelque chose de choquant (moi en tout cas, ça me choque, peu importe ce que ses prédécesseurs·ses ont fait). Mais quand on agit avec ses « couilles », comme il aime à parler, ça a du sens. Les couillus ont décidé de prendre les affaires politiques en main, et ça va déménager ! Z’allez voir...

      En fait, nous là, les gauchistes douillets, on les emmerde les gauchistes couillus, ils se sentent bridés.

  • Mémoire vive. Politique et #Sida dans « 120 Battements par minute ». Entretien avec Philippe Mangeot
    http://www.vacarme.org/article3087.html

    En un été, un récit presque oublié devient légende. 120 Battements par minute, de Robin Campillo, a été à la fin de l’été 2017 un choc mémoriel pour des anciens d’Act Up-Paris en même temps que pour des jeunes qui découvraient la lutte contre le sida. Son récit a été produit vingt-cinq après par des militants de l’#Act_Up-Paris du tout début des années 1990, s’instituant ainsi « appeleurs de mémoire ». Confrontant notre expérience du film avec celle singulière d’un de ses auteurs, nous avons souhaité interroger la façon dont s’éclairent mutuellement mémoires individuelles et intentions d’écriture. Il y est question de cette écriture vingt-cinq ans après d’un scénario, mais aussi, de l’élaboration d’un récit qui commence sans doute avec Act Up-Paris le 9 juin 1989.

  • Philippe Mangeot détaille dans cet article la référence différenciée à #Foucault par trois associations de lutte contre le #sida dans les années 1990.

    Sida : angles d’attaque | @Vacarme (2005)
    http://www.vacarme.org/article456.html

    La richesse d’une pensée se mesure souvent à l’aune des usages distincts voire contradictoires qu’on peut en faire. Une telle profusion d’usages fut en tout cas le propre de la pensée foucaldienne. Et la lutte contre le sida en France dans les années 1980-1990 en est un exemple frappant. Ses trois plus grandes associations — AIDES, ARCAT-SIDA et Act Up-Paris — ont pu ainsi s’y nourrir différemment, consciemment ou non mais à chaque fois à bon droit, tout en s’opposant, se déchirant, s’alliant à l’occasion. Foucault plurivoque ? C’est une vérité de fait.

    120 battements par minute, un film de Robin Campillo, dont Philippe Mangeot a contribué à l’écriture, a été présenté le 20 mai 2017 en sélection officielle du festival de Cannes

    https://www.youtube.com/watch?v=q4Jgg4uUVqI

  • Une vie non fasciste, nouvelle introduction
    https://coutoentrelesdents.noblogs.org/une-vie-non-fasciste-nouvelle-introduction

    par Vincent Casanova, Joseph Confavreux, Laurence Duchêne, Dominique Dupart, Carine Fouteau, Stany Grelet, Paul Guillibert, Thibault Henneton, Xavier de La Porte, Aude Lalande, Philippe Mangeot, Petra Neuenhaus, Carole Peclers, Lise Wajeman & Pierre Zaoui Illustrations d’Antoine Perrot On vit tous, depuis plus d’un siècle, sur une ligne de crête : un pas de plus, un pas trop … Continue reading →

    #ACAB #ANTICAPITALISME #ANTIRACISME #ANTISEXISME #JOURNAUX #fascisme #vacarmes

  • Forensics Architecture : documenter la violence d’État - Entretien avec Eyal Weizman, Christina Varvia et Lorenzo Pezzani (@Vacarme)
    http://visionscarto.net/forensics-architecture-entretien-vacarme

    vous avez déjà pu lire cet entretien sur http://www.vacarme.org/article2751.html ; il était tellement intéressant et mobilisateur que nous avons voulu le faire circuler également sur visionscarto :

    À l’intersection de la cartographie, de l’expertise judiciaire, de l’archéologie, de l’océanographie, de l’écologie, de l’iconographie, dans tous les lieux où s’exerce une violence d’État contre des citoyens, ils redéfinissent les notions de preuve, de crime, et contribuent à modifier le droit international tout en révélant la violence sous-jacente.

    Eyal Weizman est le fondateur de Forensic Architecture, où travaillent également les chercheur·e·s Christina Varvia et Lorenzo Pezzani ; entretien réalisé par Philippe Mangeot & Laure Vermeersch

    • C’est dur a lire, prétentieux, et le propos c’est juste deux mecs qui ne veulent pas se prendre la tête avec les demandes faites par la « minorité » femme et continuer de traiter les flics de putes sans se faire emmerder par des féministes. Tout ca enrobé dans des référence péteuses pour bien avoir l’air de parler du haut de leurs couilles.
      #insupportable #non-mixité

    • Contexte : une affiche féministe avertit les camarades que s’ils continuent à proférer des injures sexistes aux flics sur les barricades, il ne devront pas s’étonner de recevoir une pierre derrière la tête.

      L’entretien (non contradictoire) défend au fond une seule et unique idée : il ne faut pas (se) censurer car la parole invente à chaque fois sa forme, et relève au final de ce qu’on chérit le plus au monde : la poésie et la liberté. En m’interdisant d’insulter à ma guise, vous révélez le flic qui sommeille en vous.

      Or, ce qui est critiqué me semble-t-il, ce n’est pas la liberté et la poésie de l’insulte, mais son indigence et son systématisme dans l’emploi d’expressions discriminatoires.

      Tous les mots, y compris les mots en question, peuvent être (et sont) employés pour l’humour, la poésie, la liberté, le retournement, et l’insulte — mais c’est le fait de ne défier le flic qu’à travers ces mots qui pose problème, et de ne le faire qu’à travers ces mots-là qui relève du sexisme.

      ☆ ☆ ☆

      Sur le politiquement correct comme repoussoir, ce texte de Philippe Mangeot chez @vacarme a peut-être un peu vieilli (1997), mais il s’applique assez bien ici :

      puritanisme, censure, dogmatisme, dictature des minorités, réduction de toute forme de singularité à une loi communautaire, écrasement du devenir minoritaire sous un fantasme de pouvoir et de normalité. L’inventaire est fait d’avance et récité par coeur. Dites « politiquement correct », ce paysage surgit instantanément : il a été élaboré dans les colonnes de tous les journaux, de droite comme de gauche. Il est immédiatement répulsif.

      http://www.vacarme.org/article77.html
      http://www.vacarme.org/article78.html

    • Super cette émission @intempestive et pour celle rapporter par @rastapopoulos sur « lafâm de Zad » j’ai pas réussi à l’écouter en entière.
      C’est trop moche aussi bien dans le contenu que dans la manière de le dire.

      J’ai bien aimé l’optimisme des féministes de Radio Canut quant elles disent que la remise en cause de la langue hétero-patriarcale est une chance, un bienfait, une opportunité de renouveler la poésie, et d’étendre la liberté d’expression.

    • @mad_meg

      On ne peut pas dire que cette disqualification d’emblée ...

      C’est dur a lire, prétentieux, et le propos c’est juste deux mecs qui ne veulent pas se prendre la tête avec les demandes faites par la « minorité » femme et continuer de traiter les flics de putes sans se faire emmerder par des féministes. Tout ca enrobé dans des référence péteuses pour bien avoir l’air de parler du haut de leurs couilles.

      ... soit très porteuse.

      Dur à lire je ne vois pas bien où est la difficulté, c’est pas limpide à toutes les lignes, mais ce n’est pas incompréhensible loin s’en faut, c’est juste aussi que les idées qui y sont développées ne sont pas de simples opinions, alors forcément il y a argumentation.

      prétentieux je pense au contraire qu’il est assez agréable de lire des personnes réfléchir tout haut et penser que l’on peut réfléchir avec eux, sans verser dans la vulgarisation systématique et les simplifications fautives inévitables en pareil cas.

      Je crois que le propos ce n’est précisément pas juste deux types...

      Quant aux références péteuses et les couilles des susdits, inutile d’aller si loin, on n’aura compris que vous n’êtes pas en parfait accord avec ce qui y est dit, tout du moins ce que vous en avez compris.

    • @Philippe_De_Jonckheere
      Pour les péteux et les couilles, je trouve que j’ai été sobre. Le machisme ca me met vite en colère. J’insiste deux hommes qui s’entretiennent entre hommes d’une question qui concerne les femmes et de prendre à la légère les revendications féministes (en les traitant au passage de facho et de flic) c’est des paternalistes, soit des couilles péteuses en langue poète.

      Leur revendication de poésie et d’usage libre des mots, c’est le droit de pouvoir continuer à blesser des personnes déjà blessées et qui ont fait la demande explicite de ne plus être blessées à nouveau.

      Si ils sont si libres qu’ils le prétendent avec les mots, pourquoi utiliser leur liberté pour continuer à blesser des personnes qui leur ont déjà fait savoir qu’elles étaient mal à l’aise avec ce choix de vocabulaire ?
      C’est pas comme si on était face à deux personnes en manque de mots, d’imagination ou de créativité. Ils n’ont pas d’excuse pour camouflé leur machisme.

      "Il y a un moment où il faut sortir les couteaux. C’est juste un fait. Purement technique. Il est hors de question que l’oppresseur aille comprendre de lui-même qu’il opprime, puisque ça ne le fait pas souffrir : mettez vous à sa place. Ce n’est pas son chemin. Le lui expliquer est sans utilité. L’oppresseur n’entend pas ce que dit son opprimé comme langage mais comme un bruit. C’est la définition de l’oppression [....] L’oppresseur qui fait le louable effort d’écouter (libéral intellectuel) n’entend pas mieux. Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont radicalement différentes . C’est ainsi que de nombreux mots ont pour l’oppresseur une connotation-jouissance, et pour l’opprimé une connotation-souffrance.
      Christiane Rochefort
      http://lmsi.net/Rupture-anarchiste-et-trahison

      sur ce bonne nuit.

    • Bon, je découvre cette série de commentaires en rentrant chez moi, perplexe, me demandant ce que je dois faire de toutes ces demandes — au fond — de typologies ... Je reviens d’un chantier collectif intense où il ne vient à l’idée de personne de demander à qui tient le tourne-bille dans la journée s’il est légitimement bûcheron, ni à qui parle d’Aristote le soir à la table commune s’il est légitimement philosophe. C’est bienvenu, car il s’agit souvent de la même personne, qui peut aussi bien m’accompagner au tango le lundi et m’aider à écorcer les troncs le jeudi. Son sexe est évidemment indifférent dans toutes ces activités. J’ai donc un peu l’impression d’avoir dérapé dans une grosse flaque de civilisation huileuse à mon retour.

      Devrais-je essayer de répondre dans le détail ? Voyons ... Il y a par exemple, là, des guillemets autour d’une phrase « la langue ne peut pas être sexiste en soi, tout comme elle ne peut pas être philosophe en soi »
      Aaah, les guillemets qui font tellement vrai, tellement Ouest-France, tellement proche de la vraie bouche de ceux qui causent. . Je l’ai cherchée, cette phrase. Si elle n’existe pas, les guillemets ne sont qu’une tentative d’intimidation. Mais la phrase incriminée est en fait celle-ci : « On peut dire ça très clairement ; on a ausculté autrefois les langues comme essentialisées par des types de rapports au monde, on a pu dire de certaines langues qu’elles philosophaient mieux que d’autres... Non, ce ne sont pas les langues qui philosophent, ce sont les sujets qui philosophent ; ce ne sont pas les langues qui mentent, ce sont les sujets qui mentent. Une langue n’a pas le pouvoir de mentir ni de philosopher...ni d’être sexiste ». Pour critiquer l’articulation entre les termes de la relation, il ne serait pas inutile de s’y tenir au lieu d’en trousser une autre. Mais il est plus simple d’abattre un dragon, qui n’existe pas, qu’un chien présent.

      Aborder par le concept ? Difficile d’une façon générale de répondre à des fantasmes ; notre discours serrait post tiqqunien par exemple. Ah ? Mais d’’où ? D’un point de vue historique, il serait fatalement pré tiqquniennes, jusqu’à la fossilisation même, Jean-François et moi (nous sommes des sortes de vieux) ayant une dizaine d’année de décalages avec les camarades forgés à Tiqqun dans nos travaux et notre socle de formation intellectuelle. Ce n’est pas anecdotique dans les rapports théoriques car c’est là, surtout, que se dessine un ligne franche de rupture : nous nous nous en prenons précisément à la pensée essentialisante de la langue et à la pensée purement historique du langage ce qui place, par exemple, Heidegger (socle tiqqunien s’il en est) du côté le plus violemment opposé à nos propositions (Benveniste, Meschonnic). Mais il est précisé ici que la conversation n’est pas « linguistique », en ces termes « c’est beaucoup d’honneur de faire comme si la discussion était linguistique, puisque c’est loin d’être l’objet (c’est une de mes compétences, je l’aurais reconnue) ». Faut-il en rire ? Sans doute. Que le travail de Savang soit encore peu connu, c’est un fait. Que ses positions (comme celles de Meschonnic) ne fassent pas l’unanimité, c’est une certitude. Qu’on lui dispute un de ses objets, c’est juste bête.
      Tout le reste est à l’avenant ; pur fantasme. À aucun moment je n’ai eu l’impression qu’il m’était dit quelque chose, qu’on me parlait, qu’on parlait de cet entretien, mais qu’on parlait juste un peu au-dessus de mon épaule, en s’adressant à un ectoplasme désiré, formalisé avant même que d’être apparu ; un fantasme, donc.
      Outre les remarques sexistes qui accompagnent les commentaires à propos de « deux mecs » qui donneraient des leçons (des leçons, vraiment ? De quelle autorité nous réclamerions-nous ? Il est vrai qu’on nous suppose, en terme d’autorité, pas assez grammairiens, pas assez agrégés - donc pas assez profs — : quelle ironie, pour qui voulait se soustraire aux rapports de force, que d’y recourir argumentairement de façon aussi grossière) , ça imagine sec notre arrière-plan et notre connexion au monde, aux actions, etc.
      Les trois camarades femmes qui nous accompagnaient dans la caravane de radio-klaxon, et qui furent demandeuses directement de cette émission n’ont pas souhaité prendre la parole en tant qu’elles étaient partie prenante dans ces problèmes actuels qui, contrairement à ce qui est supposé et dit ici, n’opposaient pas hommes et femmes, mais diverses formes de féminisme. Ces camarades ne manquent jamais de coffre ni de présence aux assemblées, et sont écoutées avec attention, considération, quand elles nous parlent, où qu’elles parlent. Il faut dire que je vis dans une partie du monde dans laquelle parlent ceux qui ont envie de parler, quand ils ont envie de le faire. C’est un monde bienveillant, débarrassé d’à peu près toutes les saloperies de rapports et de fixations que je retrouve là, intacts, bellicistes et niais, bourrés de complexes intellectuels en prétendant les avoir tous surmontés, et désireux de maintenir les séparations si précieuses pour continuer à être, ensemble, des brutes hostiles. Ça va bon sang me faire un putain de bien d’aller me laver de tout ça à la sueur des camarades (dotés d’un nombre indescriptible de sexes ne figurant à aucun catalogue à ce jour) et de reprendre un petit bain d’humanité bienveillante sur les chantiers en hissant des bordels à queue de poutres et en bavardant de ce putain d’Hugues de Saint Victor.

      S’il fallait reprendre point par point toutes les conneries que j’ai lues ici, j’y perdrais très inutilement mon temps ; pourquoi inutilement ? Parce que notre travail a été jugé avant même que d’être lu, et bien avant qu’on ait tenté d’en comprendre la position singulière. Il était entendu, d’emblée, que les deux-mecs parlaient de là, et pas d’ici. Je n’ai donc rien à dire de plus à qui ne veut, au fond, rien entendre.

    • Peut-être (peut-être !) que tout (ou une partie) n’est que « pur fantasme » justement parce qu’il n’y a aucun exemple concret durant toute l’émission (ni dans cette réponse). Alors même que les théoriciens name-droppés — Meschonnic n’étant pas le dernier ! — n’en sont pas avares, eux. Le fantasme ne sortirait donc pas de nulle part.

      Théoriser des choses, c’est tout à fait bien, aucun problème, mais ça se fait en relation avec la vie de tous les jours, et à mon avis d’autant plus lorsqu’on part d’une situation conflictuelle très précise : on se doit de faire le lien entre nos théories et la situation de départ de la discussion. Sinon ça ressemble fortement à du vent, malheureusement, et on peut alors difficilement se plaindre de se faire accuser de péteux.

      Ici il s’agissait apparemment d’au moins deux choses :
      1) les demandes de ne plus utiliser des insultes qui blessent certaines des personnes du même côté de la barricade que nous lorsqu’elles sont prononcées ;
      2) la volonté de rendre plus neutre (et non pas vraiment « féminiser », en fait) certains mots lorsqu’on parle d’un groupe hétérogène.

      Ça ne me choque pas que certains (plus souvent certains que certaines, parmi les gens que j’ai entendu ou lu sur ce sujet) argumentent contre cela. Mais encore faut-il qu’un lien soit fait entre les arguments théoriques et ces points précis.

      Mais peut-être est-ce vain…

  • Politique des minorités, politique du style
    Entretien avec Philippe Mangeot sur la revue Vacarme
    Drôle d’époque n°20, automne 2007
    http://www.christiane-vollaire.fr/index.php?/vacarme

    Entre désirs de fuite et rapports de force, c’est sans doute l’un des espaces de la politique telle que nous la concevons à Vacarme qui se déploie. (...)

    Vacarme occupe une drôle de position au sein de la gauche de gauche : nous avons beau en faire évidemment partie, nous ne nous sommes jamais reconnus dans le discours de l’anti-libéralisme, qui ne décrit souvent ni les expériences politiques dont nous procédons, ni certains de nos affects. Nous avons consacré il y a plusieurs années un dossier qui proposait une critique de la critique anti-libérale, en montrant notamment comment les luttes minoritaires auxquelles nous participions, ou dont nous nous sentions proches, pouvaient prendre appui sur des possibilités ouvertes par le libéralisme pour lui résister. Je pense notamment à la bataille des malades du sida contre les brevets pharmaceutiques, mais aussi aux stratégies mises en œuvres dans les luttes de certains peuples autochtones, auxquelles nous avons récemment consacré un « chantier ». De ce point de vue, nous sommes souvent beaucoup plus loin qu’on ne le pense souvent de ce qui se travaille à Attac par exemple, ou de ce qui s’écrit dans les colonnes du Monde Diplo. Je me souviens qu’au tout début du projet de Vacarme, certains d’entre nous définissaient cette revue qui n’existait pas encore a contrario du Monde Diplomatique. Quand je sors de la lecture du @mDiplo, j’ai souvent l’impression que le système qui nous accable est tellement fort et tellement cohérent que je ne peux y opposer qu’un savoir désarmé. Notre question, c’est plutôt : quelles sont les échelles, quels sont les leviers, quelles sont les marges de manœuvres dont on peut se saisir pour continuer de faire de la politique : d’où l’intérêt que nous portons à la politique des usagers, par exemple, et la façon dont cela nous conduit à démultiplier les lieux-mêmes de l’action politique : c’était le sens d’un dossier déjà ancien sur les DDASS, où l’on administre une large part de nos vies : quelle politique inventer au guichet des DDASS ? voilà le type de question que nous nous posons. Quelle peut-être une politique des gouvernés dans tous les lieux où s’exerce un « gouvernement », au sens classique du terme : une salle de classe, une prison, une entreprise, un cabinet médical, etc. ? Il n’y a pas si longtemps, le Diplo a fait une brève assez sympathique à propos de la sortie d’un numéro de Vacarme, qui saluait un article en notant qu’il tranchait, pour une fois, dans une revue globalement « fumeuse ». C’était rigolo, parce qu’ils mettaient le doigt sur ce qui nous distingue fondamentalement d’eux.

    Puisque nous en sommes aux définitions de la façon dont Vacarme conçoit la politique – politique des usages plutôt que des principes, politique des gouvernés, etc. – il faut rappeler aussi la façon dont Vacarme s’est opposé, dès l’origine, à la crispation de la gauche républicaine contre les « communautarismes ». C’étaient les années 1990, à l’époque du triomphe du concept droitier de "politiquement correct", pourtant inventé aux Etats-Unis pour discréditer la gauche. Il y avait alors une crispation républicaine très forte contre les « communautarismes ». Nous y voyions un faux débat, inapte à rendre compte de la façon dont les communautés peuvent être des lieux d’invention de savoirs et de modes de résistance à des formes de domination majoritaire : selon nous, il fallait au contraire favoriser le développement des structures communautaires, seule façon, du reste, d’empêcher qu’elles ne se closent sur elles-mêmes. Je parle d’expérience : je sais comment la lutte contre le sida, dans son ensemble, s’est construite au sein de la communauté homosexuelle.

  • "La lutte anti "politiquement correct" procède de la rencontre entre des traditions politiques et culturelles trop diverses : des républicains fervents, de francs conservateurs, une gauche traditionnelle qui croit que les questions minoritaires détournent l’attention des vrais problèmes économiques, une droite familialiste qui voit de la décadence dans toute montée en puissance des minorités, des anarchistes de droite qui confondent l’exercice de la liberté de parole avec l’expression de leur seule vulgarité et des « aristocrates » (des femmes, des gays, des noirs etc.) qui ne comprennent pas la nécessité d’une solidarité communautaire. Mettez des noms sur chacune de ces catégories. Entre eux, pas de front commun ; mais une petite musique partagée, un air du temps et de l’époque. On croit se distinguer et on chante la même chanson ; on veut différer à tout prix et on ne s’est jamais tant ressemblé."

    [ Philippe Mangeot ]