person:pierre jouannet

  • Génétique : le mirage du bébé parfait

    http://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2016/08/22/le-mirage-du-bebe-parfait_4986291_3451060.html

    J’étais terrorisée, mais je suis rentrée dans cette pièce où Hitler se trouvait. Il avait un visage de cochon. (…) Il a dit : “Je veux comprendre les utilisations et les implications de cette formidable technologie.” Je me suis réveillée, couverte d’une sueur froide. » Jennifer Doudna a raconté, en novembre 2015, ce cauchemar au New Yorker, qui enquêtait sur Crispr-Cas9, un puissant outil d’édition du génome que la chercheuse à l’université Berkeley a contribué à mettre au point. Un dictateur pourrait-il aujourd’hui ressusciter les délires eugénistes des nazis, produire des lignées de « bébés parfaits » grâce à ces nouveaux outils ? Le « meilleur des mondes » est-il à notre porte ?

    Cette perspective est suffisamment inquiétante pour que Jennifer Doudna et ses pairs, mais aussi de nombreuses sociétés savantes – et même la CIA –, se soient emparés du brûlant sujet Crispr-Cas9, sur son versant éthique. Jamais l’humanité n’a semblé aussi proche de modifier sa propre lignée, son génome et celui des générations à venir.
    Il ne s’agirait plus de science-fiction, d’un scénario dystopique, mais d’une possibilité qui a émergé avec force en avril 2015 : une équipe chinoise publie alors les résultats d’une expérience sur des embryons humains visant à modifier le gène responsable de la bêta-thalassémie, une forme d’anémie d’origine génétique. L’étude fait grand bruit. Certains jugent qu’une barrière éthique a été transgressée. Les chercheurs chinois pensent avoir pris les précautions idoines : ils n’ont utilisé que des cellules dites triploïdes, incapables de se développer pour donner un être viable – ils ont stoppé leurs observations lorsque les embryons ne comptaient que huit cellules.

    De plus, leur étude suggère que Crispr-Cas9 n’est pas l’outil à la précision chirurgicale tant vantée : seul un faible nombre d’embryons ­modifiés porte les mutations souhaitées, et des modifications « hors cibles » ont été mises en évidence. Même constat un an plus tard, lors de la parution d’une nouvelle étude chinoise où Crispr-Cas9 est cette fois utilisé pour offrir une protection contre le VIH : le succès n’a été que partiel, avec de nombreuses mutations non voulues et des ratés dans l’édition des ­embryons, détruits après quelques divisions cellulaires. Les chercheurs chinois voulaient voir si l’on pourrait créer des humains naturellement immunisés contre le sida. Ils ont prouvé qu’on était loin du compte. Le bébé « sur mesure » n’est finalement pas pour demain.

    « Evaluer les aspects éthiques »

    Dans l’intervalle, une équipe de l’Institut Francis-Crick, à Londres, a reçu l’autorisation de procéder, elle aussi, à des manipulations sur des embryons humains. Il s’agit de désactiver de façon sélective certains gènes considérés comme cruciaux dans la différenciation des premières cellules en divers tissus. A Stockholm aussi, une équipe pourra procéder à de tels essais. Comme en Chine, pas question d’implanter ces embryons dans un utérus. Le but est de mieux comprendre certaines formes d’infertilité.

    Ces expérimentations sur l’embryon sont conformes au consensus qui a émergé au fil des réunions internationales et des réflexions conduites par les sociétés savantes nationales, de l’usage sur l’homme des nouvelles techniques d’édition du génome. « Crispr fonctionne si bien et rencontre un tel succès qu’il serait important d’évaluer les aspects éthiques de son utilisation », avait prévenu, dès juin 2014, la Française Emmanuelle Charpentier, co-inventrice de l’outil.

    Au printemps 2015, Nature et Science publient des mises en garde contre la modification des cellules germinales (sexuelles) qui passerait d’une génération à l’autre. Une de ces tribunes est cosignée par le Nobel de chimie, en 1980, Paul Berg. Ce dernier avait organisé, en 1975, la conférence d’Asilomar (Californie), qui avait abouti à la mise en place de protections contre les fuites dans l’environnement des premières bactéries génétiquement modifiées.

    Mais, cette fois, il s’agit de changer le patrimoine héréditaire de la lignée humaine elle-même. Jusqu’où peut-on aller ? Une réunion internationale est organisée, début décembre 2015, à Washington. Après des débats ­enflammés, la déclaration finale juge que la ­recherche fondamentale et préclinique sur l’édition des gènes est nécessaire et doit être poursuivie, ainsi que sur les bénéfices et risques potentiels de leur usage clinique. Mais, « si, dans ce processus de recherche, des ­embryons humains et des cellules germinales subissent des éditions de gènes, les cellules ­modifiées ne devront pas être utilisées pour lancer une grossesse », préviennent les organisateurs. L’usage clinique de ces techniques sur les cellules somatiques (non transmises d’une génération à l’autre) doit s’inscrire dans les dispositifs « existants et évolutifs » qui encadrent les thérapies géniques.

    Convention d’Oviedo

    Cette position est rejointe peu ou prou par diverses sociétés savantes et organismes de recherche, avec des nuances selon les législations nationales. La France, comme la plupart des pays d’Europe, est signataire de la convention d’Oviedo (1997), dont l’article 13 stipule qu’« une intervention ayant pour objet de ­modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ». Une interprétation maximaliste du texte pourrait interdire toute utilisation de Crispr sur les cellules germinales.

    Si les tycoons de la Silicon Valley et l’empire du Milieu s’en mêlent, qui sait jusqu’où ira Crispr ?

    Mais le neurobiologiste Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm, n’en fait pas la même lecture : « Il faut établir une distinction entre la recherche fondamentale autorisée et le transfert vers les applications humaines. » Au-delà, quand la technologie sera éprouvée, s’interroge-t-il, « en quoi cela serait-il une atteinte à l’humanité d’éradiquer des maladies d’une particulière gravité, comme celle de Huntington, en modifiant les embryons ? »
    George Church (Harvard) ne se satisfait pas du consensus actuel. Pour lui, la focalisation sur l’embryon a fait passer au second plan l’édition des cellules sexuelles masculines : « En partant de cellules souches, vous pouvez les modifier ex vivo, en faire des clones, et vérifier celles qui ont les bonnes modifications. On peut s’assurer qu’elles sont parfaites. » Et les utiliser pour éviter d’éliminer des embryons.

    Pour Alain Fischer (Imagine-Necker), « père » des bébés-bulles soignés par thérapie génique, cette vision relève de la « science-fiction délirante ». Crispr constitue un outil de recherche « incontournable » et prometteur pour les cellules somatiques (adultes), mais modifier les cellules germinales revient in fine « à toucher au patrimoine de l’humanité, ce qui n’est pas raisonnable et doit rester interdit ». Le biologiste de la reproduction Pierre Jouannet, qui a corédigé plusieurs rapports de sociétés savantes françaises sur Crispr, estime que George Church a raison d’insister sur le ­potentiel des cellules germinales, même s’« il ne faut pas être naïf » et que les défis à relever sont immenses.

    Obstacles parfois sous-estimés

    Ils le sont aussi pour les thérapies géniques imaginées sur les cellules adultes, moins problématiques d’un point de vue éthique. Là ­encore, la « magie Crispr » se heurte à des obstacles parfois sous-estimés, comme les mutations hors cibles. Keith Joung, du Massachusetts General Hospital, a mis les pieds dans le plat, début juillet, devant la Société américaine d’hématologie, en projetant une diapositive montrant un individu la tête dans le sable. Comme le raconte la revue en ligne Stat, il a souligné les carences des logiciels utilisés pour déterminer les zones du génome susceptibles d’être modifiées par inadvertance par Crispr – ce qui a douché l’enthousiasme général.
    L’autre grand défi, c’est la faculté de faire s’exprimer les cellules mutées par Crispr dans les bons tissus.

    La société Editas cible par exemple des maladies de l’œil, un organe qui se prête à l’injection de virus vecteurs de Crispr. Crispr Therapeutics mise sur une stratégie assez ­similaire. Intellia Therapeutics parie sur des nanoparticules lipidiques pour transporter Crispr jusqu’au foie, où il permettrait de lutter contre diverses maladies comme l’hémophilie. D’autres, comme David Bikard à l’Institut Pasteur, espèrent retourner Crispr contre les bactéries qui l’ont inventé, pour lutter contre les souches résistantes aux antibiotiques – là encore la question du vecteur sera essentielle.
    La pédiatre Marina Cavazzana (Imagine - Necker), qui a vécu les hauts et les bas de la thérapie génique des bébés-bulles, est très enthousiaste sur le potentiel de Crispr. « Je suis amenée à relire les résultats précliniques d’autres groupes dans le monde, encore non ­publiés, qui sont très impressionnants », dit-elle. Mais, de l’animal à l’homme, les embûches peuvent être nombreuses, prévient-elle : « Les chercheurs ne perçoivent pas toujours que l’application clinique est un très long chemin. »

    Conflit d’intérêts

    Les start-up pionnières, basées à Boston, ­espéraient être les premières à passer à ces ­essais cliniques. Elles viennent de se faire ­dépasser par une équipe de l’université de Pennsylvanie, qui a reçu, fin juin, un feu vert des Instituts nationaux de la santé (NIH) américains pour tester une thérapie ex vivo qui ­viserait simultanément trois gènes. L’idée ­reprend avec Crispr la stratégie dite des cellules CAR-T déjà mise en œuvre avec succès avec des outils plus anciens d’édition des gènes. L’un d’eux, développé par la société française Cellectis, a permis de sauver une petite Londonienne d’une leucémie, fin 2015. Cette thérapie consistera à prélever des lymphocytes T, des cellules immunitaires, et de les modifier pour qu’elles s’attaquent à des cellules tumorales une fois réinjectées à des patients souffrant de mélanome, sarcome ou myélome résistants aux traitements classiques.

    Certains se sont émus que la Penn State se ­retrouve aux avant-postes. En 1999, Jesse Gelsinger, un jeune homme de 18 ans, était mort lors d’un essai clinique de thérapie génique conduit dans cette université. On avait ensuite découvert que le directeur de l’étude, James Wilson, possédait des parts dans Genovo, une compagnie qui avait un intérêt direct à hâter sa réussite. Et que le patient, qui n’avait pas été correctement informé des risques, avait reçu des doses plus fortes que prévu. Carl June, le conseiller scientifique de la nouvelle étude, possède des brevets sur la technologie testée, mais il assure que des mesures seront prises pour surmonter ce conflit d’intérêts.

    « Hacker le cancer »

    L’essai sera financé par un institut créé, en avril, par le milliardaire Sean Parker, cofondateur de Napster et associé de Facebook, qui a injecté 250 millions de dollars (223 millions d’euros) dans un vaste programme d’immunothérapie. Cet ancien petit génie de l’informatique, âgé de 36 ans, s’est mis en tête de « hacker le cancer ».
    Mais, encore une fois, la Chine double tout le monde : le 6 juillet, une équipe de l’université du Sichuan a reçu l’autorisation de procéder à un essai clinique du même type, ciblant le cancer du poumon. Il pourrait débuter dès ce mois d’août.

    Si les tycoons de la Silicon Valley et l’empire du Milieu s’en mêlent, qui sait jusqu’où ira Crispr ? Inventé par les bactéries il y a des milliards d’années pour se défendre contre des ­virus, transformé en outil révolutionnaire d’édition des gènes par des chercheurs venus d’horizons aussi divers que l’étude du yaourt, de la peste ou des structures cellulaires, souvent mus par la pure curiosité, mais prêts à en découdre sur les brevets et le Nobel, il est aussi un formidable révélateur : son histoire est celle de la science d’aujourd’hui.

  • grand angle Peut-on avoir un enfant en prison ? Et que répondre quand des détenu(e)s demandent à bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. L’Académie de médecine est divisée.
    Par Sonya Faure Photos Félix Ledru

    C’est une question, venue d’une prisonnière basque. L’entêtement d’une recluse de Fresnes, bientôt quadragénaire, amoureuse d’un homme enfermé lui aussi, dans une prison espagnole. « Puis-je avoir un enfant ? »
    Quand elle sera libérée, cette femme ne pourra peut-être plus tomber enceinte. Question d’âge. Pour contourner l’impossibilité matérielle, elle a demandé à l’équipe médicale de sa prison de pouvoir bénéficier d’une Assistance médicale à la procréation (AMP). Les soignants ont alors décidé de saisir l’Académie de médecine : le groupe de travail qui planche sur le sujet depuis six mois rendra son avis en octobre devant une assemblée plénière composée de pontes qui n’ont rien de gauchistes échevelés. « Je m’attends à quelques remous dans la salle », confie, amusé, le responsable du groupe de réflexion.
    La science doit-elle artificiellement rétablir ce que les murs rendent impossible ? Certes cette question touche peu d’hommes et de femmes - cinq à dix par an selon l’Académie. Mais elle suscite une réflexion éthique majeure : sur la procréation comme sur le sens de la peine de prison.
    « D’emblée, parmi nous, confie le professeur Henrion, gynécologue-obstétricien et rapporteur du groupe de travail, les réactions ont été passionnelles. » Dans les jolis appartements de l’Académie, rue Bonaparte à Paris, deux clans se sont formés. « Quel est le sens de la détention ? questionne Roger Henrion. C’est d’abord une sanction, disent les uns : attention, préviennent-ils, accorder l’AMP aux prisonniers choquera l’opinion publique. C’est une préparation à la réinsertion, disent les autres, la prison doit imposer une limitation de mouvement, pas l’interdiction de bâtir sa vie future et de fonder une famille. Un prisonnier a bien le droit de se marier… »
    « Troubles de l’ovulation »

    Dans les prisons, la question se tranche au cas par cas, au gré de la personnalité du médecin et de la bonne volonté du directeur de prison. « En treize ans, le problème ne s’est posé à moi qu’une fois mais il risque de devenir plus courant avec l’allongement des peines, témoigne André Rémy, médecin-chef de la prison de Perpignan. C’était un délinquant sexuel - je pense que ça a joué dans la décision - d’une quarantaine d’années. L’administration pénitentiaire a refusé de l’extraire de sa prison vers un Cecos [Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humain, ndlr]. » Quand la demande vient d’un homme qui a entrepris des démarches avant son incarcération, certains médecins travaillant en prison se débrouillent pour ne pas en référer à l’administration. Celle-ci n’a pas accès au dossier médical des détenus. « La famille récupère le sperme à la porte de la prison », indique ce soignant.

    L’Académie de médecine devra trancher deux cas de figures. Le premier : faut-il accorder une AMP à un(e) détenu(e) stérile ? « Une question d’autant plus pressante qu’on soupçonne l’enfermement d’entraîner des troubles de l’ovulation », note le professeur Henrion. Or la loi sur les soins en prison de 1994 impose que les détenus soient soignés comme n’importe quel citoyen du dehors.

    « Mais le traitement de l’infertilité est-il un soin médical primaire ? » s’interroge le même Roger Henrion. La plupart des professionnels s’accordent sur la ligne du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue : « Refuser des soins à une personne détenue souffrant d’infertilité serait discriminatoire. » Mais, concrètement, comment prouver l’infertilité ? « Dans le cas des hommes, un spermogramme permet de déterminer beaucoup de choses, dit un médecin. Pour une femme, c’est plus compliqué : quelle légitimité a-t-on pour mener des examens parfois lourds et peut-être inutiles sans savoir s’il y a le moindre risque de stérilité, la femme n’ayant au mieux fait l’amour que trois fois dans l’année ? »

    Arrivent ensuite les dilemmes éthiques et le fameux « intérêt de l’enfant », qui laisse une large place à la subjectivité des soignants. La dernière loi éthique de 2011 précise que la « cessation de la communauté de vie fait obstacle » à l’AMP. Mais la prison fait-elle cesser la vie commune ? « Pour toutes les demandes, dedans comme dehors, l’équipe médicale doit vérifier que le couple est bien un couple, qu’il a un vrai projet d’enfant. Il en va de notre responsabilité, dit le docteur Bujan, le président de la fédération des Cecos, les centres auxquels il revient, après bilan médical et psy, d’accepter ou non l’intervention. Si le père est en prison pour trente ans, ça nous interroge. Les médecins travaillant en prison refusent catégoriquement que la nature du délit entre en ligne de compte dans les soins apportés aux détenus, mais on peut se demander si une condamnation pour violence ou délinquance sexuelle ne doit pas l’être dans sa demande d’AMP. » Cette question préoccupe tout particulièrement les pédopsychiatres du groupe de réflexion de l’Académie : « Il y a quand même un aspect psychologique important à être l’enfant d’un criminel… Et 30% des détenus sont des psychotiques sévères (1). Que dire des pédophiles ? »note Roger Henrion.
    Nés d’une mère incarcérée, les enfants seront élevés durant leurs dix-huit premiers mois entre les murs, puis séparés de leur mère. « Dans quelle mesure un médecin peut-il porter un jugement là-dessus ? s’interroge Pierre Jouannet, spécialiste de l’aide à la procréation (aujourd’hui retraité) et membre de l’Académie. Bien sûr que l’enfermement doit être pris en compte dans notre réflexion. Mais est-il rédhibitoire ? Il n’empêche pas forcément d’avoir une relation avec son père, c’est le cas de tous les enfants de prisonniers. L’éloignement avec un parent, c’est une situation qu’on peut rencontrer pour beaucoup d’autres raisons dans la vie. »
    Outrage à la pudeur au parloir

    La réflexion posée à l’Académie de médecine va plus loin : faut-il permettre l’AMP pour palier une « stérilité sociale » - non volontaire - provoquée par une décision de justice ? En 2010, l’Espagne a autorisé un couple de détenus basques séparés dans deux établissements éloignés, et donc interdits de contact physique, à recourir à la médecine. Mais en France, les lois bioéthiques précisent que pour accorder une AMP « le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

    « Dans les années 70, alors que j’étais l’assistant de Georges David, créateur du premier Cecos au Kremlin-Bicêtre, se souvient Pierre Jouannet, n ous avons reçu la demande d’une femme de détenu - un braqueur célèbre condamné à une longue peine mais qui ne souffrait pas de stérilité. » Aucune loi ne réglementait la procréation médicalement assistée. L’équipe du professeur David se débrouille. « J’ai rencontré cet homme pour comprendre ses motivations. Nous n’avons vu aucun motif de nous opposer à sa demande. Le sperme a été recueilli en détention, transporté puis congelé au Cecos de Bicêtre et sa femme a eu un enfant. » Au fil des ans, les demandes de prisonniers de Fleury se sont multipliées dans les Cecos. « Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une forme de tolérance de l’administration pénitentiaire envers nos AMP et j’y suis progressivement devenu très réticent. On faisait jouer un rôle ambigu à la médecine : permettre à l’administration de ne pas se poser la question de la sexualité de ses détenus. » En France, le droit à la sexualité des prisonniers n’existe pas. « Les relations dans les cellules ou les parloirs ne sont ni autorisées ni interdites, mais susceptibles de sanction pour "outrage à la pudeur" », rappelle François Bès, de l’Observatoire international des prisons (OIP).
    Une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, en 2007, pose le principe d’un droit à la procréation en détention.Celle-ci a condamné le Royaume-Uni qui avait refusé à un détenu et à son épouse de 49 ans la possibilité de recourir à une AMP. « Mais la condamnation ne peut être transposée au cas français, prévient le juriste Daniel Borillo, professeur à l’université de Nanterre. Outre-Manche, l’aide à la procréation n’est pas soumise à un problème médical, et il n’existe pas dans ce pays de "chambres d’amour" en prison, un élément qui a été décisif pour la Cour européenne. »
    Le cas Yigal Amir en Israël
    En France, les prisons ont commencé à se doter d’Unités de vie familiale (UVF). Il s’agit de petits appartements aménagés au sein de l’établissement où les détenus peuvent - pour six, quarante-huit ou soixante-douze heures - passer du temps avec leur famille. La loi pénitentiaire de 2009, qui insiste sur l’importance du maintien des liens familiaux pour la réinsertion et donc la lutte contre la récidive, stipule le droit de tout détenu à bénéficier d’une UVF chaque trimestre. Un droit, cependant, tout à fait théorique : « Seule une dizaine d’établissements en abritent », explique Jean-Marie Delarue, le contrôleur des prisons. Et les permissions, qui relèvent parfois de l’arbitraire du chef d’établissement, ne tombent pas forcément lors des périodes d’ovulation… « Mais donner le droit à l’aide à la procréation pour les détenus qui ne souffre pas de troubles de la fertilité serait une discrimination à rebours, poursuit Jean-Marie Delarue. L’assistance médicale est inutilement compliquée et fait disparaître un peu facilement les obligations qui pèsent sur la pénitentiaire. Elle doit construire des lieux de rencontre familiaux, des parloirs interétablissement dans le cas des couples incarcérés, encourager les permissions de sortie. La normalité, c’est que chacun puisse avoir des relations sexuelles et procréer comme il le souhaite. »
    En 2006, Israël fut confronté à un cas hautement symbolique. Yigal Amir, l’assassin de Yitzhak Rabin, avait demandé à la Cour suprême de Tel-Aviv que sa compagne puisse être inséminée artificiellement. Classé détenu sous haute sécurité, Yigal Amir n’avait le droit à aucune permission ni rencontre privée avec son épouse. « Une société démocratique doit s’empêcher d’user de moyens antidémocratiques, y compris contre ceux qui ont commis l’acte antidémocratique ultime contre la société », plaida son avocat.

    L’administration pénitentiaire israélienne donna son feu vert au transfert de sperme. Et le gouvernement israélien permit finalement au criminel honni de sortir dix heures pour une rencontre intime avec sa femme. « Parties sur une approche de la paternité par le biais d’une AMP, les autorités israéliennes ont finalement permis qu’un enfant soit conçu naturellement, résume Pierre Jouannet. Faire un enfant sous une couette, même dans un UVF, plutôt que par l’intermédiaire d’un docteur et d’une éprouvette, c’est tout de même bien mieux. »
    (1) Les chiffres varient : de 35% à 42% des détenus souffriraient de troubles mentaux, selon une étude du ministère de la Santé de 2005. Mais 8% des entrants seraient psychotiques selon une étude de 2001.

    #prison #femme #AMP

    • ²bonjour nath excuse moi je voudrais savoir a qui doit on demander deja le droit si une administration penitentiaire n autorise pas un spermogramme et peux tu m aider en me disant quel loi autorise d ,aider les familles avec un homme incarcere a feconder un bebe par l aide medicale si bien sur sterilite
      c est urgent car j ai des souci avec mon mari et on voudrait realiser un spermogramme pour savoir deja si ca vient de moi ou de lui ou d aucun de nous deux merci d y repondre si tu peux