person:pierre merle

  • Pierre Merle : Polémiques et fake news scolaires (Le Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/02/22022019Article636864160256278980.aspx

    Sur l’école aussi : des faux-débats au service de diversions idéologiques et d’instrumentalisations politiques.

    Du vol des accents circonflexes au niveau qui ne cesse de baisser, les rumeurs, les fake news ont largement envahi l’univers de l’école. Même quand elles sont folles comme l’enseignement de l’arabe obligatoire ou l’apprentissage de la masturbation en maternelle. Comment peuvent naître et se développer de telles fake news ? Quelles conséquences pour l’École ? Pierre Merle élève le niveau en analysant plusieurs polémiques scolaires. Pour lui, il est urgent d’assurer une éducation aux médias mais aussi de bénéficier d’une évaluation indépendante de l’école. Car derrière ces fake news se distinguent des campagnes politiques et l’assujettissement de l’École au politique.

    #éducation #école #information #débats #rumeurs #fake_news

  • Réformes socio_fiscales, Sentiment d’injustice et révolte sociale , Pierre Merle
    https://laviedesidees.fr/Sentiment-d-injustice-et-revolte-sociale.html

    La connaissance des gains en pouvoir d’achat des catégories les plus aisées doit être complétée par l’analyse détaillée de la situation des catégories populaires et moyennes (Madec, Plane et Sampognaro, 2018). Pour être complète, une telle analyse ne doit pas se limiter à la seule augmentation de la CSG et aux mesures relatives à la détention et aux revenus du capital mais porter sur l’ensemble des dispositions socio-fiscales qui exercent un effet sur le #revenu disponible des ménages (chèque énergie, #prime_d’activité, revalorisation AAH, RSA et ASPA, baisse de la taxe d’habitation et, évidemment, l’effet de fiscalité écologique et de la fiscalité sur le tabac).

    Pour les quatre premiers vingtiles, l’ensemble des mesures prises par le gouvernement exerce en 2018 des effets le plus souvent négatifs sur le niveau de vie moyen des plus #pauvres (-0,6% pour le premier vingtile). L’effet négatif de la fiscalité écologique est particulièrement marqué. Ce calcul de l’évolution du pouvoir d’achat permet de connaître un effet moyen par vingtile (cf. tableau). Il présente toutefois deux limites. D’abord, l’impact des mesures socio-fiscales du budget estimé jusqu’en décembre 2018, c’est-à-dire en année pleine, est plus favorable aux premiers déciles (Madec, Plane et Sampognaro, 2018). Ensuite, pour les #travailleurs_pauvres qui ne bénéficient pas des mesures sociales (revalorisation RSA, ASPA et AL), la baisse du niveau de vie est plus forte (cf. tableau). Cette baisse est encore plus marquée pour les professions aux revenus modestes dont l’usage de la voiture est particulièrement fréquent (aides ménagères, aides à domicile, ambulanciers, artisans, infirmières libérales, VTC ne bénéficiant pas de détaxe sur le carburant, etc.). Il en est de même des populations rurales. Les analyses cartographiques réalisées par Hervé Le Bras montrent que ces populations spécifiques sont surreprésentées parmi les gilets jaunes.

    Impact des mesures socio-fiscales du budget par vingtile de #niveau_de_vie en moyenne (en % du niveau de vie)

    Où va la France populaire ? Nicolas Duvoux & Cédric Lomba
    https://laviedesidees.fr/Ou-va-la-France-populaire.html

    La #classe_ouvrière n’est plus, la France populaire se fragmente entre classes moyennes et #précarisation croissante. Ce nouvel ouvrage de la collection Vie des idées - Puf dresse une cartographie fine et vivante d’un milieu en pleine recomposition qui tente de faire face, individuellement et collectivement, aux #inégalités_sociales.

    Les « gilets jaunes », une transition populiste de droite
    http://theconversation.com/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612

    On peut alors émettre l’hypothèse selon laquelle le mouvement des « gilets jaunes » devient, dans ce cadre, le « passeur » du populisme RN en le désenclavant de la situation de blocage sur laquelle le macronisme a pu élaborer sa stratégie électorale.

    #catégories_populaires #gilets_jaunes #populisme #RN #extrême_droite

  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire »
    https://nantes.indymedia.org/articles/43722

    Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge : « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? » Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas (...)

    #Médias #Resistances #/ #précarité #actions #directes #exclusion #chômage #Médias,Resistances,/,précarité,actions,directes,exclusion,chômage

  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire » Gérard Noiriel - 21 novembre 2018 - Le Blog de Gérard Noiriel
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire

    Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge : « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »

    Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent. Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et de la représentation du peuple en lutte. Le mot « jacquerie » a servi à désigner les soulèvements de ces paysans que les élites surnommaient les « jacques », terme méprisant que l’on retrouve dans l’expression « faire le Jacques » (se comporter comme un paysan lourd et stupide).

    Le premier grand mouvement social qualifié de « jacquerie » a eu lieu au milieu du XIVe siècle, lorsque les paysans d’Ile de France se sont révoltés conte leurs seigneurs. La source principale qui a alimenté pendant des siècles le regard péjoratif porté sur les soulèvements paysans de cette époque, c’est le récit de Jean Froissart, l’historien des puissants de son temps, rédigé au cours des années 1360 et publié dans ses fameuses Chroniques. Voici comment Froissart présente la lutte de ces paysans : « Lors se assemblèrent et s’en allèrent, sans autre conseil et sans nulles armures, fors que de bâtons ferrés et de couteaux, en la maison d’un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et mirent le feu à la maison […]. Ces méchants gens assemblés sans chef et sans armures volaient et brûlaient tout, et tuaient sans pitié et sans merci, ainsi comme chiens enragés. Et avaient fait un roi entre eux qui était, si comme on disait adonc, de Clermont en Beauvoisis, et l’élurent le pire des mauvais ; et ce roi on l’appelait Jacques Bonhomme ».

    Ce mépris de classe présentant le chef des Jacques comme « le pire des mauvais » est invalidé par les archives qui montrent que les paysans en lutte se donnèrent pour principal porte-parole Guillaume Carle « bien sachant et bien parlant ». A la même époque, la grande lutte des artisans de Flandre fut emmenée par un tisserand, Pierre de Coninck décrit ainsi dans les Annales de Gand : « Petit de corps et de povre lignage, il avoit tant de paroles et il savoit si bien parler que c’estoit une fine merveille. Et pour cela, les tisserands, les foulons et les tondeurs le croyoient et aimoient tant qu’il ne sût chose dire ou commander qu’ils ne fissent ».

    On a là une constante dans l’histoire des mouvements populaires. Pour échapper à la stigmatisation de leur lutte, les révoltés choisissent toujours des leaders « respectables » et capables de dire tout haut ce que le peuple pense tout bas. D’autres exemples, plus tardifs, confirment l’importance du langage dans l’interprétation des luttes populaires. Par exemple, le soulèvement qui agita tout le Périgord au début du XVIIe siècle fut désigné par les élites comme le soulèvement des « croquants » ; terme que récusèrent les paysans et les artisans en se présentant eux mêmes comme les gens du « commun », Ce fut l’un des points de départ des usages populaires du terme « commune » qui fut repris en 1870-71, à Paris, par les « Communards ».

    Les commentateurs qui ont utilisé le mot « jacquerie » pour parler du mouvement des « gilets jaunes » ont voulu mettre l’accent sur un fait incontestable : le caractère spontané et inorganisé de ce conflit social. Même si ce mot est inapproprié, il est vrai qu’il existe malgré tout des points communs entre toutes les grandes révoltes populaires qui se sont succédé au cours du temps. En me fiant aux multiples reportages diffusés par les médias sur les gilets jaunes, j’ai noté plusieurs éléments qui illustrent cette permanence.

    Le principal concerne l’objet initial des revendications : le refus des nouvelles taxes sur le carburant. Les luttes antifiscales ont joué un rôle extrêmement important dans l’histoire populaire de la France. Je pense même que le peuple français s’est construit grâce à l’impôt et contre lui. Le fait que le mouvement des gilets jaunes ait été motivé par le refus de nouvelles taxes sur le carburant n’a donc rien de surprenant. Ce type de luttes antifiscales a toujours atteint son paroxysme quand le peuple a eu le sentiment qu’il devait payer sans rien obtenir en échange. Sous l’Ancien Régime, le refus de la dîme fut fréquemment lié au discrédit touchant les curés qui ne remplissaient plus leur mission religieuse, et c’est souvent lorsque les seigneurs n’assuraient plus la protection des paysans que ceux-ci refusèrent de payer de nouvelles charges. Ce n’est donc pas un hasard si le mouvement des gilets jaunes a été particulièrement suivi dans les régions où le retrait des services publics est le plus manifeste. Le sentiment, largement partagé, que l’impôt sert à enrichir la petite caste des ultra-riches, alimente un profond sentiment d’injustice dans les classes populaires.

    Ces facteurs économiques constituent donc bien l’une des causes essentielles du mouvement. Néanmoins, il faut éviter de réduire les aspirations du peuple à des revendications uniquement matérielles. L’une des inégalités les plus massives qui pénalisent les classes populaires concerne leur rapport au langage public. Les élites passent leur temps à interpréter dans leur propre langue ce que disent les dominés, en faisant comme s’il s’agissait toujours d’une formulation directe et transparente de leur expérience vécue. Mais la réalité est plus complexe. J’ai montré dans mon livre, en m’appuyant sur des analyses de Pierre Bourdieu, que la Réforme protestante avait fourni aux classes populaires un nouveau langage religieux pour nommer des souffrances qui étaient multiformes. Les paysans et les artisans du XVIe siècle disaient : « J’ai mal à la foi au lieu de dire j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les gilets jaunes crient « j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout ». Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le fait que les questions économiques sont absolument essentielles car elles jouent un rôle déterminant dans la vie quotidienne des classes dominées. Néanmoins, il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général. Dans l’un des reportages diffusés par BFM-TV, le 17 novembre, le journaliste voulait absolument faire dire à la personne interrogée qu’elle se battait contre les taxes, mais cette militante répétait sans cesse : « on en a ras le cul » , « ras le cul », « ras le bol généralisé ».

    « Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des gilets jaunes n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « Pour lui, on n’est que de la merde ». Le président de la République voit ainsi revenir en boomerang l’ethnocentrisme de classe que j’ai analysé dans mon livre.

    Néanmoins, ces similitudes entre des luttes sociales de différentes époques masquent de profondes différences. Je vais m’y arrêter un moment car elles permettent de comprendre ce qui fait la spécificité du mouvement des gilets jaunes. La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.

    La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.

    Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.

    Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».

    Une étude qui comparerait la façon dont les médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

    Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique – de même les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la communication écrite. Avant la Révolution française, un nombre incroyable de révoltes populaires ont éclaté dans le royaume de France, mais elles étaient toujours localisées, car le mode de liaison qui permettait de coordonner l’action des individus en lutte reposait sur des liens directs : la parole, l’interconnaissance, etc. L’Etat royal parvenait toujours à réprimer ces soulèvements parce qu’il contrôlait les moyens d’action à distance. La communication écrite, monopolisée par les « agents du roi », permettait de déplacer les troupes d’un endroit à l’autre pour massacrer les émeutiers.

    Dans cette perspective, la Révolution française peut être vue comme un moment tout à fait particulier, car l’ancienne tradition des révoltes locales a pu alors se combiner avec la nouvelle pratique de contestation véhiculée et coordonnée par l’écriture (cf les cahiers de doléances).

    L’intégration des classes populaires au sein de l’Etat républicain et la naissance du mouvement ouvrier industriel ont raréfié les révoltes locales et violentes, bien qu’elles n’aient jamais complètement disparu (cf le soulèvement du « Midi rouge » en 1907). La politisation des résistances populaires a permis un encadrement, une discipline, une éducation des militants, mais la contrepartie a été la délégation de pouvoir au profit des leaders des partis et des syndicats. Les mouvements sociaux qui se sont succédé entre les années 1880 et les années 1980 ont abandonné l’espoir d’une prise du pouvoir par la force, mais ils sont souvent parvenus à faire céder les dominants grâce à des grèves avec occupations d’usine, et grâce à de grandes manifestations culminant lors des « marches sur Paris » (« de la Bastille à la Nation »).

    L’une des questions que personne n’a encore posée à propos des gilets jaunes est celle-ci : pourquoi des chaînes privées dont le capital appartient à une poignée de milliardaires sont-elles amenées aujourd’hui à encourager ce genre de mouvement populaire ? La comparaison avec les siècles précédents aboutit à une conclusion évidente. Nous vivons dans un monde beaucoup plus pacifique qu’autrefois. Même si la journée des gilets jaunes a fait des victimes, celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.

    Cette pacification des relations de pouvoir permet aux médias dominants d’utiliser sans risque le registre de la violence pour mobiliser les émotions de leur public car la raison principale de leur soutien au mouvement n’est pas politique mais économique : générer de l’audience en montrant un spectacle. Dès le début de la matinée, BFM-TV a signalé des « incidents », puis a martelé en boucle le drame de cette femme écrasée par une automobiliste refusant d’être bloqué. Avantage subsidiaire pour ces chaînes auxquelles on reproche souvent leur obsession pour les faits divers, les crimes, les affaires de mœurs : en soutenant le mouvement des gilets jaunes, elles ont voulu montrer qu’elles ne négligeaient nullement les questions « sociales ».

    Au-delà de ces enjeux économiques, la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis. Ce rejet existe en effet chez les gilets jaunes. Même si ce n’est sans doute pas voulu, le choix de la couleur jaune pour symboliser le mouvement (à la place du rouge) et de la Marseillaise (à la place de l’Internationale) rappelle malheureusement la tradition des « jaunes », terme qui a désigné pendant longtemps les syndicats à la solde du patronat. Toutefois, on peut aussi inscrire ce refus de la « récupération » politique dans le prolongement des combats que les classes populaires ont menés, depuis la Révolution française, pour défendre une conception de la citoyenneté fondée sur l’action directe. Les gilets jaunes qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération des partis politiques assument aussi confusément la tradition des Sans-culottes en 1792-93, des citoyens-combattants de février 1848, des Communards de 1870-71 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.

    C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de porte-parole qui était socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.

    Mais ce genre d’analyse n’effleure même pas « les professionnels de la parole publique » que sont les journalistes des chaînes d’information continue. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être « récupérés » par les syndicats et les partis, ils poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. En ce sens, ils cautionnent la politique libérale d’Emmanuel Macron qui vise elle aussi à discréditer les structures collectives que se sont données les classes populaires au cours du temps.

    Etant donné le rôle crucial que jouent désormais les grands médias dans la popularisation d’un conflit social, ceux qui les dirigent savent bien qu’ils pourront siffler la fin de la récréation dès qu’ils le jugeront nécessaire, c’est-à-dire dès que l’audimat exigera qu’ils changent de cheval pour rester à la pointe de « l’actualité ». Un tel mouvement est en effet voué à l’échec car ceux qui l’animent sont privés de toute tradition de lutte autonome, de toute expérience militante. S’il monte en puissance, il se heurtera de plus en plus à l’opposition du peuple qui ne veut pas être bloqué et ces conflits seront présentés en boucle sur tous les écrans, ce qui permettra au gouvernement de réprimer les abus avec le soutien de « l’opinion ». L’absence d’un encadrement politique capable de définir une stratégie collective et de nommer le mécontentement populaire dans le langage de la lutte des classes est un autre signe de faiblesse car cela laisse la porte ouverte à toutes les dérives. N’en déplaise aux historiens (ou aux sociologues) qui idéalisent la « culture populaire », le peuple est toujours traversé par des tendances contradictoires et des jeux internes de domination. Au cours de cette journée des gilets jaunes, on a entendu des propos xénophobes, racistes, sexistes et homophobes. Certes, ils étaient très minoritaires, mais il suffit que les médias s’en emparent (comme ils l’ont fait dès le lendemain) pour que tout le mouvement soit discrédité.

    L’histoire montre pourtant qu’une lutte populaire n’est jamais complètement vaine, même quand elles est réprimée. Le mouvement des gilets jaunes place les syndicats et les partis de gauche face à leurs responsabilités. Comment s’adapter à la réalité nouvelle que constitue la « démocratie du public » pour faire en sorte que ce type de conflit social – dont on peut prévoir qu’il se reproduira fréquemment – soit intégré dans un combat plus vaste contre les inégalités et l’exploitation ? Telle est l’une des grandes questions à laquelle il faudra qu’ils répondent.

    #Vocabulaire #Jacques #Jacquerie #Croquants #Communards #Sans-culottes #dîme #taxes #justice #ethnocentrisme_de_classe #réseaux_sociaux #majorité_silencieuse #BFM #opinion #lutte_populaire #GiletsJaunes #guerre_aux_pauvres

  • Sciences économiques et sociales au lycée : une réforme idéologique (Pierre Merle, Libération)
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/08/sciences-economiques-et-sociales-au-lycee-une-reforme-ideologique_1690878

    Les nouveaux programmes de sciences économiques et sociales évacuent tout simplement les principales questions sociales, environnementales et sociologiques. Comment cet enseignement permettra-t-il de comprendre le monde contemporain, condition de la démocratie ?
    […]
    Une inflexion centrale est la montée de la microéconomie caractérisée par une forte simplification des processus économiques. Corrélativement, sont délaissées les analyses macro-économiques consacrées aux questions qui intéressent le plus les élèves : le chômage, les inégalités, la fiscalité, etc.
    […]
    Les thématiques sociologiques sont tout autant réduites. Les catégories socioprofessionnelles, étudiées actuellement en classe de première, ne sont plus étudiées à ce niveau alors même que celles-ci sont indispensables à la connaissance du social, qu’il s’agisse des pratiques culturelles, du risque de chômage, des orientations politiques, de l’espérance de vie, des différences de revenus et de patrimoine, etc.
    […]
    Dans les nouveaux programmes de seconde et première, la place centrale de la microéconomie au détriment de la macroéconomie, ainsi que la place secondaire ou nulle accordée aux groupes sociaux et aux catégories socioprofessionnelles montrent un glissement de type politique.

    #éducation #lycée #réforme #SES #libéralisme

    On l’évoquait déjà à la fin de ce post : https://seenthis.net/messages/732666

  • En haut, en bas
    http://www.laviedesidees.fr/En-haut-en-bas.html

    Au début du XXe siècle, Max Weber a élaboré une analyse de la stratification sociale riche et complexe. En reprenant la différenciation wébérienne des ordres sociaux, Pierre Merle montre l’actualité de cette conceptualisation pour comprendre la société française contemporaine.

    Essais & débats

    / #classes_sociales, #inégalités, propriété, #parti_politique

    #Essais_&_débats #propriété

  • « Il y a bien une islamophobie sociale rampante »
    http://contre-attaques.org/l-oeil-de/article/il-y-a-bien

    Pierre Merle, sociologue, professeur à l’Université européenne de Bretagne, propose son analyse suite à l’appel au boycott de la modest fashion et de la mode dîte "musulmane" par Elisabeth Badinter. Laïcité, islamophobie, discriminations, il décortique les crispations identitaires et politiques de l’Etat français à l’aune de cette polémique. La philosophe Elisabeth Badinter a suscité la polémique par son appel au boycott des marques qui se sont lancées dans la fabrication de « vêtements islamiques ». (...)

    #L'œil_de_Contre-Attaques

    / #carousel, #Ailleurs_sur_le_Web

    "http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/19/il-y-a-bien-une-islamophobie-sociale-rampante_4904922_3232.html"

  • Un nouvel apartheid scolaire ? Trois questions à Pierre Merle
    http://www.scienceshumaines.com/un-nouvel-apartheid-scolaire-trois-questions-a-pierre-merle_fr_353

    En 1985, 35 % des élèves scolarisés dans la filière scientifique sont d’origine populaire et, en 2005, cette proportion d’enfants d’origine populaire a baissé. Inversement, en 1985, dans les filières professionnelles, les enfants d’origine populaire représentent 65 % des élèves, et cette proportion, déjà haute, a sensiblement augmenté depuis.

    En bref, les filières professionnelles, au recrutement majoritairement populaire, se prolétarisent ; et les filières générales, notamment la filière scientifique, au recrutement aisé, s’embourgeoisent.

    Le même phénomène est présent à l’université. Le nombre d’étudiants augmente mais ceux-ci sont moins souvent mélangés socialement. Par exemple, la filière médecine a un recrutement social de plus en plus bourgeois. Il en est de même dans les très grandes écoles (Ena, HEC, ENS, Polytechnique…). Dans ces « écoles du pouvoir », les catégories aisées sont de plus en plus surreprésentées.

    #ségrégation #éducation #discrimination

  • L’école française, démocratique ou élitiste ?
    http://www.laviedesidees.fr/L-ecole-francaise-democratique-ou-elitiste.html

    Alors que la plupart des pays européens ont entrepris des réformes en profondeur de leurs systèmes éducatifs en vue de les démocratiser, l’école française reste une des plus élitistes. Pierre Merle revient sur la mesure des #inégalités scolaires et les réformes nécessaires.

    Essais & débats

    / #école, inégalités, #élites, #démocratisation, #indicateurs

    #Essais_&_débats

  • Faut-il refonder la laïcité scolaire ?
    http://www.laviedesidees.fr/Faut-il-refonder-la-laicite-scolaire.html

    Le sociologue Pierre Merle plaide, en s’appuyant sur des exemples étrangers, pour une refondation de la laïcité scolaire en France. Dans la configuration actuelle, celle-ci avantage de fait les établissements privés qui constituent une forme de séparation sociale aux effets dommageables pour tous, mais surtout pour les plus vulnérables.

    Essais & débats

    / laïcité, #école, #religion

    #Essais_&_débats #laïcité

  • L’affectation des élèves dans les établissements scolaires (La Vie des idées)
    http://www.laviedesidees.fr/L-affectation-des-eleves-dans-les.html

    L’affectation des élèves dans les établissements scolaires est diverse, choix libre dans le privé, carte scolaire dans le public avec dérogations pour une minorité. Le système a connu une réforme récente et passe désormais par internet. Pierre Merle montre comment cette nouvelle procédure renforce dans certaines situations la ségrégation sociale, puis ouvre des voies pour y remédier.

    […]

    D’une part, cette nouvelle procédure d’affectation automatisée des lycéens n’a pas permis d’augmenter globalement la mixité sociale des établissements. D’autre part, pour autant que cette politique parvienne à réduire la ségrégation sociale dans les établissements publics - ce qui est parfois le cas -, la procédure affelnet débouche, par contrecoup, sur une croissance de la ségrégation sociale dans les établissements privés. Une partie des enfants des catégories aisées ne pouvant obtenir l’établissement public souhaité s’inscrit dans un établissement privé. Ce résultat montre qu’une politique de mixité sociale des établissements fondée sur une procédure d’affectation des élèves ne peut être efficace que si elle concerne les deux secteurs d’enseignement afin d’éviter les phénomènes de fuite du secteur public régulé vers le secteur privé non régulé. Lycées publics et privés devraient donc être soumis aux mêmes règles d’affectation de leurs élèves et/ou être contraints à une exigence de mixité sociale.
    […]
    Il existe un autre levier susceptible de favoriser la mixité sociale. Actuellement, le financement des établissements scolaires est essentiellement fondé sur le nombre d’élèves scolarisés et cette dotation-élève est indifférente à l’origine sociale. Un tel système est pervers : il favorise la sélection des meilleurs élèves, spécifiquement dans le secteur privé. Dans la situation actuelle, le modèle économique du secteur privé l’incite en effet à limiter la scolarisation des enfants d’immigrés et d’origine populaire : ceux-ci contribuent moins aux dépenses, nécessitent plus d’encadrement pour réussir, ont en moyenne de moins bons résultats et, pour cette raison, nuisent à sa réputation au fondement de son attractivité scolaire et sociale. […] Pour supprimer l’effet pervers d’une dotation-élève indifférente au niveau scolaire, il est possible de prendre en compte financièrement les spécificités scolaires et sociales des élèves.
    […]
    Toutefois, la ségrégation scolaire des établissements ne relève pas que de la politique éducative car une partie importante de cette ségrégation résulte de la ségrégation urbaine.
    […]
    D’autres politiques éducatives sont également sources d’efficacité et sont pourtant négligées telle que la réduction du nombre d’élèves par classe dans les zones d’éducation prioritaire qui scolarisent les élèves en difficulté scolaire.
    […]
    Le principe d’égalité à la française est étrange : il est sollicité pour ne pas donner réellement plus à ceux qui ont moins, vite oublié pour donner plus, par exemple plus d’options linguistiques, à ceux qui ont plus. C’est pourtant une illusion ou une tromperie de penser que l’école française pourrait devenir plus juste, plus efficace et plus équitable sans supprimer les privilèges dont bénéficient les héritiers…

    #éducation #collège #lycée #affectation #mixité_sociale #inégalités

  • Faut-il en finir avec les notes ?
    http://www.laviedesidees.fr/Faut-il-en-finir-avec-les-notes.html

    La notation des élèves est de plus en plus contestée, notamment par les chercheurs. Pierre Merle fait une synthèse des conclusions de ces travaux au moment où les institutions s’emparent de la question et propose des pistes pour renouveler les pratiques d’évaluation des élèves.

    Essais & débats

    / #école, #évaluation, #enfance, #discrimination, #éducation

    #Essais_&_débats

  • L’affectation des élèves dans les établissements scolaires
    http://www.laviedesidees.fr/L-affectation-des-eleves-dans-les.html

    L’affectation des élèves dans les établissements scolaires est diverse, choix libre dans le privé, carte scolaire dans le public avec dérogations pour une minorité. Le système a connu une réforme récente et passe désormais par internet. Pierre Merle montre comment cette nouvelle procédure renforce dans certaines situations la #ségrégation sociale, puis ouvre des voies pour y remédier.

    Essais & débats

    / égalité , #inégalités, #école, ségrégation

    #Essais_&_débats #_égalité_

    • Pour supprimer l’effet pervers d’une dotation-élève indifférente au niveau scolaire, il est possible de prendre en compte financièrement les spécificités scolaires et sociales des élèves. Une telle politique a été mise en œuvre au Pays-Bas (Ritzen, Van Dommelen et De Vijleder, 1997)et au Chili, en 2008, dans le cas de la Loi de subventions scolaires préférentielles. La scolarisation d’un élève d’origine populaire a fait l’objet d’une dotation supérieure. La différenciation des dotations financières est une façon globale et lisible de donner plus à ceux qui ont moins, principe souvent répété mais dont la mise en œuvre est confuse, discutable, parfois même contraire aux principes qu’il est censé défendre (Dallier, 2011, Cour des comptes, 2011, Merle, 2012a et b). Si la dotation par élève était différenciée selon l’origine sociale et le niveau scolaire des élèves, les chefs d’établissement seraient incités à rechercher de la mixité sociale et scolaire alors que le système actuel incite à scolariser de préférence les bons élèves plus souvent d’origine aisée. Toutefois, la ségrégation scolaire des établissements ne relève pas que de la politique éducative car une partie importante de cette ségrégation résulte de la ségrégation urbaine (Ly, Maurin, Riegard, 2014). Le développement du logement social dans les communes aisées est pour cette raison un levier potentiellement puissant de mixité sociale des établissements scolaires, d’équité et d’efficacité des systèmes scolaires. Prévue par la loi, l’objectif de mixité sociale de l’habitat suscite cependant des résistances fortes et n’est guère respecté [5].

  • Pourquoi les fiches de renseignements des professeurs devraient être abandonnées (Le Point)
    http://www.lepoint.fr/societe/pourquoi-les-fiches-de-renseignements-des-professeurs-devraient-etre-abandon

    Le sociologue Pierre Merle explique comment ces informations n’ont aucune utilité et biaisent la relation entre les enseignants et leurs élèves.
    […]
    « Un prof n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit de personnel sur ses élèves pour enseigner. Il n’existe pas d’étude qui montre que connaître ces informations ait des répercussions positives pour l’élève, alors qu’en revanche certaines démontrent qu’elles peuvent avoir un impact négatif.
    […]
    Il y a deux raisons essentielles d’être réticent à l’égard de ces fiches. La première concerne les professeurs : il est démontré que les professeurs sont influencés dans leur notation par les informations qu’ils ont sur les élèves, par la connaissance de leur origine sociale, par leur niveau scolaire ou leur établissement d’origine. Tout comme la notation, les fiches de renseignements influencent les attentes des enseignants vis-à-vis des élèves. C’est le principe des prophéties autoréalisatrices : on se crée une image de l’élève, on attend moins de l’élève, donc il fait moins de progrès. Ces biais sociaux d’évaluation ont un effet négatif sur les apprentissages. […]
    Ces fiches de renseignements posent également un problème pour les élèves : certains vont vouloir cacher la réalité de leur vie privée. […] Cette fiche constitue souvent le premier contact avec le professeur et la méfiance peut s’installer d’emblée, alors qu’il vaudrait mieux construire une relation basée sur la confiance. C’est particulièrement dommage. L’enfant se sent en insécurité.
    […]
    Le statut familial compte énormément : l’élève n’a pas nécessairement envie de faire état du décès de son père, du divorce de ses parents, de la présence d’un beau-père comme tuteur... Il existe une proportion non négligeable de familles recomposées ou de mères célibataires.

    […]

    Cette habitude typiquement française perdure en dehors de tout texte réglementaire. C’est une sorte d’habitude professionnelle que les profs se sont créée seuls, et qui trouve sa source à la création du collège d’enseignement secondaire, en 1963, et du collège unique une dizaine d’années plus tard. Avant cela, les élèves étant scolarisés dans des établissements différents selon leur niveau et leur origine sociale, le prof savait "à qui il avait affaire", comme me l’a dit un enseignant.

    #éducation #collège #lycée #fichage #relations_enseignant_élèves

    • La Catégorie socio-professionnelle des parents dans les fiches administratives des élèves (Pierre Merle)
      http://socio-logos.revues.org/2719#tocto1n1

      Les statistiques scolaires du ministère de l’Education nationale relatives au recrutement social des différentes filières de l’enseignement secondaire sont fondées sur la déclaration des professions des parents recueillies dans des fiches administratives élèves. Cette source statistique fait l’objet d’un certain nombre de critiques comme en témoigne un article récent publié par Les Déchiffreurs de l’Education. Ces critiques sont suffisamment fortes pour que la fiabilité de ces données soit contestée et leur abandon parfois préconisé afin de leur préférer les données recueillies dans le cadre d’enquêtes nationales. Le présent article a pour objet de montrer que si les statistiques de l’origine sociale des élèves établies par le ministère de l’Education nationale sont légitimement un objet de débats scientifiques, les critiques émises surestiment la mauvaise qualité statistique des informations recueillies, surestiment les effets de cette qualité moyenne des informations sur les exploitations statistiques qui peuvent en être réalisées, et sous-estiment considérablement les différentes utilisations possibles de cette statistique scolaire. Pour exemplifier l’intérêt des statistiques scolaires du ministère de l’Education nationale, quelques recherches récentes sont présentées et permettent d’introduire, à partir de ces exemples, en quoi peut consister le travail statistique confronté à un recueil imparfait de l’origine sociale des élèves.

      #profession #Sociologie_de_l'école #catégories_socio-professionnelles #ségrégation_scolaire #statistique

  • Réforme des retraites et justice sociale - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Reforme-des-retraites-et-justice.html

    Le thème de la justice est très présent dans les discours politiques sur la réforme de la retraite, mais il demeure général et pour cette raison peu opératoire. Pierre Merle définit quatre principes de justice permettant d’évaluer l’organisation actuelle du système de retraite et les projets de réformes proposées pour réduire le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

  • Ecole : comment rendre les notes plus justes - Observatoire des inégalités
    http://www.inegalites.fr/spip.php?article1791

    « L’élève n’est pas une performance qu’il faut évaluer mais une intelligence qu’il faut construire », estime Pierre Merle, professeur de sociologie et auteur de « Les notes, secrets de fabrication », qui explique qu’il serait encourageant de recourir à des barèmes de notation, à des épreuves d’évaluation anonymes, de mieux préserver l’anonymat social et scolaire de l’élève pour éviter les préjugés, préférer la notation encourageante, contractualiser les pratiques d’évaluation... Article tiré du dernier numéro de (...)

    #Éducation

  • Éducation prioritaire - Cinq principes pour une refondation | Pierre Merle (La Vie des idées)
    http://www.laviedesidees.fr/Education-prioritaire.html

    Le sociologue Pierre Merle dresse un constat sans fard des inégalités dans le système scolaire français. Pour redonner du sens à l’idéal, aujourd’hui dévoyé, de l’éducation prioritaire pour les publics défavorisés, il propose cinq principes, assortis à des mesures concrètes. (...) Source : La Vie des idées

  • À quoi servent les notes ? | Pierre Merle (Sciences Humaines)
    http://www.scienceshumaines.com/a-quoi-servent-les-notes_fr_14909.html

    Les premières recherches sur la fiabilité de la notation datent des années 1930. Pour valider les résultats d’un point de vue statistique, les chercheurs ont multiplié les corrections d’une même copie ainsi que le nombre de copies soumises à ces multiples corrections. Le verdict est devenu classique : des copies de français corrigées par un très grand nombre de correcteurs (plus de soixante-dix par copie) obtiennent des notes très différentes. On retrouve une courbe en cloche, comme celle de la distribution du poids ou de la taille dans une population. Conclusion : la note dépend beaucoup plus du correcteur que de la copie ! Même constat en mathématiques mais les écarts entre correcteurs sont moindres. (...) Source : Sciences Humaines

  • Pour en finir avec la ségrégation scolaire (Le Café pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/04/18042012_PMerle.aspx

    En ce début de siècle, le poids des diplômes et des voies de formation pèse sur les familles et nourrit la ségrégation. Or la ségrégation abaisse le niveau scolaire des plus démunis et entraine notre système éducatif vers le bas. […] Pierre Merle propose de lier le financement des établissements à leur mixité sociale.

    Ce n’est pas l’échec du principe du collège unique mais de sa pratique. Ce collège n’a plus d’unique que le nom. Dans la réalité, la mesure du recrutement social des collèges permet de découvrir une différenciation sociale considérable.[…] Dans les faits, le collège unique n’existe pas en raison de la ségrégation urbaine et de la politique de dérogations à la carte scolaire qui a accentué au-delà de la ségrégation urbaine la ségrégation sociale des établissements.
    […]
    Il faut supprimer le label Éducation prioritaire qui s’adapte d’ailleurs mal à une réalité urbaine et sociale changeante. Il y a des établissements qui rencontrent des difficultés importantes et qui ne sont pas classés prioritaires. La différenciation du financement, selon qu’il soit prioritaire ou non, n’est pas non plus satisfaisante. Il serait plus judicieux de mettre en place un financement qui prenne davantage en compte, de façon continue, le recrutement social des établissements.
    […]
    Il faut mener une politique exactement contraire à celle menée sur les dix dernières années. Il ne faut pas différencier l’offre pédagogique mais au contraire la rendre plus homogène. Plus l’offre est diversifiée, plus la concurrence entre établissements est accentuée, plus les logiques de choix des parents sont stimulées, plus la ségrégation scolaire augmente.

    #éducation #inégalité #ségrégation_scolaire #collège_unique #éducation_prioritaire

  • Pierre Merle : Répondre à la promesse républicaine d’égalité (Café pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/04062012Article634743915834585659.aspx

    Côté système, en France, la conception des élèves en ce début du XXIe siècle est encore assez proche de celle du XIXe. Une approche naturaliste est trop souvent présente : certains élèves seraient doués et motivés ; d’autres, dénués de ces qualités, condamnés à des scolarités écourtées. Dans les siècles passés, une telle lecture essentialiste des individus a limité les filles, au prétexte des « devoirs de la maternité » et de leur « habilité », à l’univers domestique et aux travaux d’aiguilles. Que montre aujourd’hui la statistique scolaire ? Qu’elles sont désormais meilleures que les garçons, beaucoup plus souvent bachelières et licenciées ! Les principes d’égalité et d’éducabilité se sont imposés quel que soit le sexe. Ils doivent désormais s’appliquer à tous les élèves et l’emporter sur l’idéologie des dons qui vise, en invoquant les différences individuelles, non à expliquer les inégalités scolaires mais à les justifier. (...) Source : Café pédagogique

  • À qui profitent les dépenses éducatives ? | Pierre Merle (La Vie des idées)
    http://www.laviedesidees.fr/A-qui-profitent-les-depenses.html

    L’éducation a été un des thèmes de la campagne présidentielle de 2012 mais des questions cruciales ont été ignorées. Par exemple, celle-ci : les dépenses publiques d’éducation, celles de l’État et des collectivités locales, plus de 100 milliards d’euros par an, bénéficient-elles de façon égale à tous les jeunes ou davantage à certains ? Progressivement, le premier budget de la nation se répartit-il de façon plus égalitaire ou plus inégalitaire ? Pour répondre à ces questions, il faut connaître, sur une période suffisamment longue, les différences de durée des études entre élèves et étudiants, sachant qu’une année d’étude supplémentaire est un investissement globalement rentable pour l’individu concerné mais aussi un coût pour la collectivité (...) Source : La Vie des idées

  • Pierre Merle : « Plus l’offre est diversifiée, plus les logiques de choix des parents sont stimulées, plus la ségrégation scolaire augmente » (Observatoire des inégalités)
    http://www.inegalites.fr/spip.php?article1591

    Il faut mener une politique exactement contraire à celle menée sur les dix dernières années. Il ne faut pas différencier l’offre pédagogique mais au contraire la rendre plus homogène. Plus l’offre est diversifiée, plus la concurrence entre établissements est accentuée, plus les logiques de choix des parents sont stimulées, plus la ségrégation scolaire augmente. Il faut casser ce cercle vicieux qui aboutit à la constitution d’établissements ghettos. Pour revenir à plus de mixité sociale, il est indispensable de réduire les écarts d’offre scolaire et de revenir sur le modèle de la concurrence inter-établissement. (...) Source : Observatoire des inégalités

  • « L’obsession évaluative », une maladie française ? (LeMonde.fr)
    http://orientation.blog.lemonde.fr/2011/10/20/l%E2%80%99obsession-evaluative-une-maladie-francaise

    L’évaluation a sa propre science : la #docimologie. Des études fondées sur l’exploration de copies d’examen ont par exemple démontré qu’une note n’était « stabilisée » en mathématiques qu’après avoir fait la moyenne de… 78 correcteurs. En philo, il en faut 162. C’est dire la fragilité d’un processus dans lequel la valeur est inévitablement relative. […]
    Le sociologue Pierre Merle soulignait ainsi en 2006 dans son ouvrage "L’élève humilié – L’école, un espace de non‐droit ?" (PUF) que « les humiliations subies par l’élève sont le produit de l’idéologie scolaire du classement qui autorise la mise en exergue de l’élève jugé faible et incapable ».
    Toujours est‐il que ce sujet reste encore tabou alors qu’il est générateur de frustrations et de violence. La plupart du temps, les professeurs n’ont d’ailleurs pas conscience du poids de ces petits mots, petites remarques assassines, […]. C’est la société française tout entière qui doit s’interroger sur le poids de mots qui blessent et sur son incapacité à encourager plutôt qu’à humilier…
    […] En 2003, le professeur des universités André Atibi a inventé le terme "constante macabre" pour expliquer pourquoi et comment il y aura toujours un tiers de bons élèves, un tiers de moyens et un tiers de mauvais dans une classe. Et cela quel que soit la moyenne de la classe !

    #éducation #évaluation #constante_macabre #élève