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  • Centre d’enfouissement de Bure : l’impossible preuve scientifique de la sûreté

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/02/07/centre-d-enfouissement-de-bure-l-impossible-preuve-scientifique-de-la-surete

    « Le Monde » a eu accès à la thèse d’un chercheur qui a étudié la gestion des incertitudes entourant le stockage des déchets nucléaires de la Meuse.

    C’est un document embarrassant pour les promoteurs du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) visant à enfouir, dans le sous-sol argileux du village de Bure, dans la Meuse, les déchets nucléaires français les plus dangereux. Il décrit comment l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), faute de pouvoir démontrer de façon formelle la sûreté de cette installation pendant des centaines de milliers d’années, consacre ses efforts à convaincre les instances de contrôle du nucléaire de la faisabilité d’un tel stockage. Quitte à présenter certains de ses résultats de façon orientée ou lacunaire. Au-delà de cet établissement public, placé sous la tutelle des ministères chargés de l’énergie, de la recherche et de l’environnement, c’est aussi la chaîne d’évaluation de la sûreté nucléaire en France qui est questionnée.

    Ce document, que Le Monde a pu lire, est une thèse de 470 pages, soutenue le 11 décembre 2017 dans le cadre de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et intitulée : « Enfouir des déchets nucléaires dans un monde conflictuel, une histoire de la démonstration de sûreté de projets de stockage géologique, en France ». Son auteur, Leny Patinaux, historien des sciences, a été pendant trois ans, de novembre 2012 à octobre 2015, salarié de l’Andra, qui a financé ce travail et lui a donné accès à ses archives. Parmi les membres du jury figure un membre de la direction de la recherche et du développement de l’agence, ce qui confère à son travail une forme de reconnaissance officielle.

    « Construire un scénario »

    L’universitaire, qui revient sur la genèse du choix de l’enfouissement pour les déchets à haute activité et à vie longue et sur les recherches engagées à cette fin, explique qu’« à partir des années 2000, l’impossibilité épistémique [c’est-à-dire au regard de la connaissance scientifique actuelle] d’apporter une preuve de la sûreté d’un stockage est reconnue par l’Andra », aucun modèle scientifique ne pouvant simuler l’évolution du site sur des centaines de millénaires.

    Dès lors, poursuit-il, « la démonstration de sûreté de Cigéo ne s’apprécie pas en fonction de sa justesse, mais en fonction de sa capacité à convaincre ses évaluateurs ». En particulier la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il s’agit pour l’Andra de produire non pas une preuve de type mathématique, mais « un faisceau d’arguments », voire de « construire un scénario comme on raconte une histoire ».

    Un scénario que, sur certains points, l’Andra semble avoir écrit à sa convenance. C’est du moins ce qui apparaît dans le compte rendu que fait le thésard de plusieurs réunions techniques, dites « revue finale des modèles et des données », auxquelles participaient une vingtaine de salariés de l’agence relevant des directions de la maîtrise des risques, de la recherche et du développement, des programmes, de l’ingénierie et du projet Cigéo. L’auteur a pu assister à plusieurs de ces sessions, entre juillet et décembre 2013, mais n’a pas été autorisé à suivre la dernière.

    Le chapitre relatant ces réunions est celui qui pose le plus question. Lors de la présentation des documents, l’Andra indique qu’« il y a un travail de “toilettage” [à faire] pour mieux expliciter certaines incertitudes, leur mettre un poids relatif et ainsi éviter toutes ambiguïtés d’interprétation ». Cela, analyse l’auteur, parce que « les responsables de la revue anticipent la possibilité d’une controverse publique », au potentiel « effet dévastateur ».

    Lors de l’examen des circulations gazeuses dans la couche argileuse endommagée par les excavations – susceptibles d’entraîner une fracturation de la roche –, un dirigeant déclare : « On a été un peu light dans les docs, volontairement. Si l’IRSN est tatillon là-dessus (…), on est limite. » Commentaire de l’auteur : « Ici, la discrétion est envisagée comme solution pour gérer l’incertitude (…) Omettre la présentation des calculs effectués doit permettre d’éviter de montrer que les salarié.e.s de l’Agence n’ont pas une connaissance très fine de l’évolution de la pression dans les ouvrages de stockage. »

    S’agissant de l’impact radiologique du stockage, un directeur adjoint redoute qu’avec les hypothèses retenues, en se plaçant dans le pire des cas (« worst case »), la limite réglementaire soit dépassée. Ce à quoi un autre responsable rétorque : « Ça se négocie ce worst case. » Autrement dit, décrypte l’auteur, « il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure que l’impact radiologique du stockage dépasse la norme autorisée : les hypothèses retenues dans la pire des évolutions possibles envisagées pour le stockage relèvent d’un choix et, de ce fait, elles peuvent être négociées ».

    A cela s’ajoute une connaissance très imparfaite des « colis » de déchets dévolus à Cigéo, qu’il s’agisse des radionucléides qu’ils contiennent ou de leur conditionnement. Ce qui oblige les chercheurs de l’Andra à affecter un « degré de confiance » aux données communiquées par les producteurs – EDF, Orano (ex-Areva) et le Commissariat à l’énergie atomique – et à déterminer des « facteurs de marge ». Il s’avère, écrit l’auteur, que « pour plus de la moitié des déchets destinés au stockage, les salarié.e.s de l’Agence estiment que les connaissances dont ils disposent sont mauvaises ou nulles ».

    Thèse à charge ? Elle est loin d’être univoque. « Les questions et les doutes présentés ne doivent pas faire oublier que l’Andra a capitalisé un nombre important de connaissances, souligne l’auteur. Il ne s’agirait pas non plus de penser que toutes les connaissances sur le stockage font l’objet d’incertitudes aussi fortes. » Le rédacteur relève du reste que, face à certaines inconnues, les ingénieurs de l’Andra ont fait le choix de « scénarios enveloppe », c’est-à-dire prenant en compte les hypothèses les plus défavorables pour la sûreté.

    « Bricolage »

    « Finalement, écrit-il, l’ensemble de ces éléments apporte des garanties que l’Andra a fait tout ce qu’elle a pu pour concevoir un stockage sûr et évaluer la sûreté de l’ouvrage. » Toutefois, ajoute-t-il, « lorsque l’Agence doit produire une analyse de sûreté globale, l’arrangement des savoirs produits en un ensemble cohérent montre néanmoins un certain bricolage ».

    Sollicité par Le Monde, Leny Patinaux n’a pas souhaité ajouter de commentaires à son travail. De son côté, l’Andra ne conteste pas les éléments rapportés dans cette étude qui, note-t-elle, « s’inscrit dans le cadre d’un travail d’histoire des sciences sur la gestion des incertitudes, qui est au cœur des problématiques et de la vie quotidienne de l’Andra, compte tenu du temps long des stockages ». Selon l’agence, « cette thèse rend compte de la démarche robuste mise en œuvre par l’Andra dans son travail de démonstration de sûreté ». Sur « de telles échelles de temps, développe-t-elle, on ne peut pas se limiter à des démonstrations purement scientifiques ». Il y faut une approche « intégrant un faisceau de connaissances scientifiques mais aussi d’incertitudes ».

    L’agence revient, point par point, sur les passages susceptibles de remettre en question la validité de son travail. « Il est nécessaire que les choix soient pris dans le cadre de débats en interne et en externe avec les évaluateurs et les autorités de contrôle (IRSN, ASN). C’est ce qu’il faut entendre par “convaincre les évaluateurs” », y explique-t-on. Quant au « toilettage » des documents préconisé, avant leur diffusion, elle est ainsi justifiée : « L’objectif des débats menés en interne est de “challenger” la robustesse des argumentaires pour bâtir une évaluation de sûreté solide, et de hiérarchiser les incertitudes au regard de leur impact (…). Cela demande un travail rigoureux d’écriture et de hiérarchisation. C’est sans doute ce qu’il y a derrière le mot “toilettage”. »

    « Certains arguments peuvent être jugés comme insuffisants (ou light), cela ne veut pas dire que l’incertitude n’a pas été traitée, mais qu’elle pourra faire l’objet de demande d’approfondissement par les évaluateurs, poursuit l’Andra. Là encore, rien n’est caché. » Enfin, au sujet des hypothèses sélectionnées dans le « pire des cas », elle affirme que tous les scénarios et hypothèses sont mis « sur la table », ceux retenus comme ceux exclus. Et de préciser : « Ce ne sont pas des scénarios probables qui permettent de dimensionner l’installation, mais des scénarios très improbables qui ont pour but de tester la robustesse, la résilience de la sûreté du stockage en allant aux limites du physiquement possible (…) Ces scénarios donnent lieu à un débat interne comme externe avec l’IRSN et l’ASN. »

    Dossier consolidé

    Reste à savoir, justement, si le contrôle exercé par l’IRSN et l’ASN a pu être pris en défaut par « l’arrangement des savoirs » – pour reprendre une formule de la thèse – construit par l’Andra. En clair, ces deux organismes vont-ils devoir instruire de nouveau le dossier de Cigéo, sachant que c’est sur l’expertise scientifique et technique du premier que s’appuie le gendarme du nucléaire pour rendre ses avis et donner ses autorisations ?

    « En première analyse, non », répond François Besnus, directeur de l’environnement à l’IRSN, qui souhaite néanmoins « prendre le temps d’étudier très attentivement » cette thèse. « Dans le processus interne de débat, il est normal que des avis contradictoires s’expriment, juge-t-il. Nous-mêmes procédons de la même façon sur l’analyse de risques, en mettant le curseur très haut et très bas, puis en retenant les hypothèses les plus raisonnables. »

    Il ajoute de surcroît : « L’IRSN ne se fonde pas seulement sur les dossiers de l’Andra. Les données et les résultats qu’elle met sur la table sont la plupart du temps cohérents avec nos connaissances propres et nos modélisations. Un grand nombre de ces données sont d’ailleurs issues de la recherche publique. » Ce qui écarte donc, a priori, la possibilité de biais délibérés, dans les résultats soumis.

    Au demeurant, la thèse fait état de réunions tenues en 2013. L’Andra a pu, depuis, consolider son « dossier d’options de sûreté », sur lequel l’ASN a rendu, le 15 janvier, son avis définitif. Son président, Pierre-Franck Chevet, a qualifié le dossier de « très bon », tout en demandant à l’Andra de « revoir sa copie » par rapport au risque d’incendie de 40 000 colis de déchets enrobés dans du bitume, et de « l’améliorer » vis-à-vis de la tenue du stockage souterrain, face aux séismes notamment.

    Les opposants au centre d’enfouissement de Bure verront sans doute, dans ce document, la preuve de la « fabrique du mensonge » que constitue, à leurs yeux, le projet Cigéo. Il dévoile, plus simplement, comment la gestion des déchets radioactifs est aussi celle – à haut risque – des incertitudes.

  • Centre d’#enfouissement de #Bure : l’impossible preuve scientifique de la #sûreté
    http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2018/02/07/centre-d-enfouissement-de-bure-l-impossible-preuve-scientifique-de-l

    Ce document, que Le Monde a pu lire, est une #thèse de 470 pages, soutenue le 11 décembre 2017 dans le cadre de l’#Ecole_des_hautes_études en sciences sociales et intitulée : « Enfouir des déchets nucléaires dans un monde conflictuel, une histoire de la démonstration de sûreté des projets de stockage géologique, en France ». Son auteur, Leny Patinaux, historien des sciences, a été pendant trois ans, de novembre 2012 à octobre 2015, salarié de l’#Andra, qui a financé ce travail et lui a donné accès à ses archives. Parmi les membres du jury figure un membre de la direction de la recherche et du développement de l’agence, ce qui confère à son travail une forme de reconnaissance officielle.

    "« Finalement, écrit-il, l’ensemble de ces éléments apporte des garanties que l’Andra a fait tout ce qu’elle a pu pour concevoir un stockage sûr et évaluer la sûreté de l’ouvrage. » Toutefois, ajoute-t-il, « lorsque l’Agence doit produire une analyse de sûreté globale, l’arrangement des savoirs produits en un ensemble cohérent montre néanmoins un certain bricolage ».

    Sollicité par Le Monde, Leny Patinaux n’a pas souhaité ajouter de commentaire à son travail. De son côté, l’Andra ne conteste pas les éléments rapportés dans cette étude qui, note-t-elle, « s’inscrit dans le cadre d’un travail d’histoire des sciences sur la gestion des incertitudes, qui est au cœur des problématiques et de la vie quotidienne de l’Andra compte tenu du temps long des stockages ». Selon l’agence, « cette thèse rend compte de la démarche robuste mise en œuvre par l’Andra dans son travail de démonstration de sûreté ». Sur « de telles échelles de temps », développe-t-elle, « on ne peut pas se limiter à des démonstrations purement scientifiques ». Il y faut une approche « intégrant un faisceau de connaissances scientifiques mais aussi d’incertitudes ».

    Au demeurant, la thèse fait état de réunions tenues en 2013. L’Andra a pu depuis consolider son « dossier d’options de sûreté », sur lequel l’ASN a rendu, le 15 janvier, son avis définitif. Son président, Pierre-Franck Chevet, a qualifié le dossier de « très bon », tout en demandant à l’Andra de « revoir sa copie » par rapport au risque d’incendie de 40 000 #colis de #déchets enrobés dans du #bitume, et de « l’améliorer » vis-à-vis de la tenue du stockage souterrain face aux séismes notamment.

    Les opposants au centre d’enfouissement de #Bure verront sans doute, dans ce document, la preuve de la « fabrique du mensonge » que constitue, à leurs yeux, le projet #Cigéo. Il dévoile, plus simplement, comment la gestion des déchets radioactifs est aussi celle – à haut risque – des incertitudes."

  • Stockage radioactif de Bure : « Une copie à revoir », selon l’ASN

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/01/15/stockage-radioactif-de-bure-une-copie-a-revoir_5241682_3244.html

    Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, souligne le risque d’incendie associé à certains déchets destinés au centre d’enfouissement de la Meuse.

    L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) rend public, lundi 15 janvier, son avis sur le « dossier d’options de sûreté » du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Celui-ci vise à enfouir, dans le sous-sol de la commune de Bure, dans la Meuse, 85 000 m3 de déchets hautement radioactifs et à vie longue. Sa mise en service doit débuter en 2026 ou 2027 et s’étaler jusqu’au milieu du siècle prochain.

    Tout en jugeant globalement « très bon » le dossier présenté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), chargée de ce projet, le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, estime qu’il doit être amélioré.

    A ce stade, la fiabilité du futur site du stockage vous semble-t-elle garantie ?

    Ce dossier est une étape importante, au regard de l’enjeu majeur de sûreté que constitue la gestion des déchets nucléaires les plus radioactifs et à vie longue – on parle ici de centaines de milliers d’années. La France, et je m’en réjouis, a choisi l’option du stockage géologique à grande profondeur, qui est aussi la solution de référence au niveau international. C’est le seul choix responsable, sauf à reporter sur les générations futures la charge de gérer ces déchets sur le long terme. Pour autant, il se peut que des alternatives soient trouvées dans le futur, raison pour laquelle la loi a prévu que le stockage soit réversible pendant au moins cent ans.

    L’Andra nous a soumis un très bon dossier. Il confirme que la zone argileuse retenue possède les caractéristiques géologiques requises. Et il marque des avancées significatives en termes de sûreté. Toutefois, nous avons des réserves sur un sujet important : celui des déchets bitumés. Sur ce point, l’Andra doit revoir sa copie. Si ce sujet n’est pas traité de manière satisfaisante, le stockage de ces déchets ne sera pas autorisé par l’ASN.

    Quel risque ces déchets présentent-ils ?

    Il s’agit de boues radioactives qui, par le passé, ont été conditionnées dans des matrices en bitume. Actuellement entreposés dans les installations du CEA [Commissariat à l’énergie atomique] à Marcoule [Gard] et d’Areva à la Hague [Manche], ces produits de moyenne activité à vie longue représentent un peu plus de 40 000 « colis », soit environ 18 % des conteneurs destinés à Cigéo.

    Or, outre que le bitume lui-même peut s’enflammer dans certaines conditions, ces déchets sont aussi susceptibles, par réaction chimique, de monter en température. Avec, en cas de départ de feu, le risque d’un emballement thermique propageant l’incendie dans les alvéoles souterraines de stockage. Cette éventualité doit pouvoir être totalement écartée.

    J’insiste sur le risque d’incendie, car il est particulièrement problématique en milieu souterrain. Il existe des précédents. En France, celui de Stocamine, le centre de stockage de déchets – non radioactifs – installé dans d’anciennes mines de potasse d’Alsace, où un feu a été provoqué en 2002 par la réaction chimique de produits entreposés, ce qui a conduit à l’arrêt définitif de l’exploitation. Et, aux Etats-Unis, celui du WIPP [Waste Isolation Pilot Plant], site de déchets nucléaires militaires implanté au Nouveau-Mexique, dans une couche de sel, où se sont produits en 2014 un incendie et un relâchement de radioactivité.

    Quelles sont les solutions ?

    La première, que nous privilégions, est de demander aux producteurs de ces déchets – le CEA, Areva et EDF – de les reprendre et de les reconditionner, pour les rendre inertes. Cela exige de développer à l’échelle industrielle un procédé de neutralisation chimique. L’autre voie serait de revoir la conception d’ensemble de Cigéo, en espaçant suffisamment les colis pour éviter la propagation d’un feu, et en mettant en place des moyens de détection très précoce d’une montée de température ainsi que d’extinction d’un feu. Industriellement, c’est sans doute compliqué. En tout état de cause, nous ne transigerons pas avec la sûreté.

    Si, finalement, ces 40 000 colis ne pouvaient trouver place dans le centre de stockage, celui-ci ne perdrait-il pas une partie de sa raison d’être ?

    En aucune façon. Les déchets les plus pénalisants que nous avons à gérer sont ceux de haute activité, issus notamment du retraitement du combustible nucléaire. La vocation principale de Cigéo est de confiner ces produits de façon sûre et durable. Pour les déchets bitumés, il faudra trouver un autre mode de stockage.

    Vous demandez néanmoins à l’Andra d’améliorer son dossier sur d’autres aspects...

    Des questions subsistent en effet, en particulier sur la tenue de l’installation face aux aléas naturels, spécialement aux séismes, ou sur la gestion des situations post-accidentelles. En cas d’accident ou d’incident dans une galerie, quelles sont les dispositions prévues pour intervenir, pour éviter la propagation du sinistre, pour poursuivre les opérations de stockage ? Ces questions sont normales au stade d’un dossier d’options de sûreté. L’Andra devra y répondre. Nos remarques doivent lui permettre d’amender et d’améliorer son projet.

    Qu’en est-il du risque d’actes de malveillance, récemment pointé par Greenpeace pour les piscines d’entreposage du combustible des centrales nucléaires ?

    L’ASN est chargée de la sûreté des installations nucléaires, mais la sécurité n’est pas de son ressort. Cependant, l’Andra devra aussi apporter des précisions sur la façon dont elle pense se prémunir, à Bure, contre des actes tels qu’un incendie d’origine criminelle. Encore une fois, le sujet est particulièrement complexe pour un site souterrain. Et plus encore pour une installation dont l’exploitation est prévue sur cent ou cent cinquante ans.

    L’Andra prévoit de vous soumettre sa demande d’autorisation de création de Cigéo en 2019. Compte tenu de vos demandes, ce calendrier est-il réaliste ?

    Le dossier est très bien avancé. Il est tout à fait possible de tenir le calendrier. Nous jugerons sur pièces, le moment venu.

    L’Andra avait chiffré le coût du centre de stockage à près de 35 milliards d’euros, EDF, Areva et le CEA, qui le financent, à 20 milliards. L’ex-ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a tranché pour 25 milliards. Ne lésine-t-on pas sur la sûreté ?

    La responsabilité de ce chiffrage revient au gouvernement. Le plus important est que l’arrêté signé en 2016 par Mme Royal précise que ce coût sera régulièrement réévalué, à chaque étape-clé du projet. Cigéo est une installation d’un type nouveau. Il est donc logique que l’estimation du coût évolue dans le temps.

    Compte tenu des risques et des incertitudes qui subsistent, certains opposants prônent l’abandon du projet d’enfouissement au profit d’un entreposage en surface. N’est-ce pas la voie de la prudence ?

    Au contraire. Un entreposage en surface, ou près de la surface, est certes concevable pour des déchets dont la durée de vie est de l’ordre du siècle, pas pour des déchets qui resteront radioactifs des centaines de milliers d’années. Qui peut garantir l’existence d’un contrôle humain et sociétal d’une telle installation à un horizon aussi lointain, qui dépasse toute capacité d’anticipation ? Personne. Je le redis, le stockage géologique profond est la seule solution responsable.

  • Nucléaire : EDF va prolonger la durée de vie de ses centrales | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/291117/nucleaire-edf-va-prolonger-la-duree-de-vie-de-ses-centrales?onglet=full

    Si un·e automobiliste oublie le contrôle technique de sa voiture, la police peut l’immobiliser. Si EDF omet de soumettre ses réacteurs nucléaires au réexamen complet de sûreté obligatoire à 40 ans, pourquoi peuvent-ils continuer à tourner ?

    Le vieillissement des centrales nucléaires est le point aveugle de l’annonce par Nicolas Hulot du report après 2025 de l’abaissement de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Construites en rafales à partir de 1977 (Fessenheim), les centrales approchent de la quarantaine. Trente-quatre réacteurs sur un total de 58 auront 40 ans avant 2025. Historiquement, ils ont été autorisés sans limitation de durée de fonctionnement.

    Déjà complexe, ce processus fait aujourd’hui face à une sérieuse difficulté : l’ASN ne pourra pas rendre son avis générique sur la prolongation des réacteurs nucléaires en 2018, comme cela était prévu. « Il doit être rendu en 2020, a expliqué son président, Pierre-Franck Chevet, devant les députés début novembre. Il faudra attendre l’année suivante, 2021, pour qu’il devienne une prescription juridiquement opposable. » Pourquoi ? « C’est un travail de très grande ampleur, explique à Mediapart Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN. Le réexamen dure plusieurs années. EDF nous a transmis des éléments et en transmettra d’autres. Par rapport au planning prévu, cela a pris quelques mois de retard. Ça décale d’autant la fin de l’instruction. » Devant les députés, Pierre-Franck Chevet a expliqué que « les questions se sont avérées particulièrement compliquées, nécessitant du travail d’abord chez EDF. Il y a une partie qu’on attend de leur part. Et c’est l’arrivée de ces dossiers qui conditionne ensuite notre prise de position ».

    Autrement dit, les retards de l’exploitant empêchent l’autorité de sûreté d’assurer le contrôle des centrales nucléaires à la date prévue par la loi. Or, en l’absence de l’avis générique de l’ASN, impossible de conclure les réexamens de sûreté des vieux réacteurs. Pourtant, dans la loi, rien n’oblige EDF à fermer ses réacteurs le temps que leur visite des 40 ans se soit déroulée en entier. Or d’ici à la fin de l’année 2021, 22 réacteurs auront atteint la quarantaine. Et selon le calendrier légal, le réexamen de six d’entre eux devra être terminé : les deux tranches de Fessenheim (censées fermer à l’ouverture de l’EPR de Flamanville), deux autres au Bugey (Ain) et les deux dernières à Tricastin (Drôme et Vaucluse).

    Quelques mois plus tard, en octobre, EDF déclare un autre défaut générique, non identifié jusque-là. Il concerne cette fois-ci les stations de pompage qui servent à refroidir les réacteurs nucléaires. Elles ne résisteraient pas en cas de séisme sur 29 réacteurs du parc. L’incident a, lui aussi, été classé au niveau 2 sur l’échelle INES. « Depuis des mois ou des années, plus des deux tiers du parc étaient sans qu’on le sache sous la menace d’une panne totale d’alimentation électrique ou de refroidissement en cas de séisme de forte intensité », analyse Yves Marignac, pour qui « c’est d’autant plus inquiétant que ces diesels de secours et stations de pompage étaient au cœur des préoccupations dans le cadre des évaluations complémentaires de sûreté qui ont été menées après la catastrophe de Fukushima ».

    Il y a quelques années, EDF prévoyait de les utiliser pendant quarante ans, puis de les remplacer par des réacteurs de nouvelle génération, par exemple des EPR. Mais en 2009, le groupe change de stratégie et annonce vouloir les exploiter « significativement au-delà de 40 ans ».❞

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    « Je n’ai jamais été aussi inquiet d’un risque grave d’accident sur une installation, considère Yves Marignac. Il y a un problème systémique majeur : le système d’évaluation et de contrôle de la sûreté a été pensé et développé dans les années 1970, 1980 et 1990, à une époque où les choses étaient fondamentalement différentes. Avec la loi de 2006, on a créé une autorité indépendante, l’ASN. En même temps, EDF s’est vu doté d’un statut privé de société anonyme. À partir de là, les intérêts de la sûreté et les intérêts industriels sont devenus indépendants les uns des autres. Mais le fonctionnement n’a pas été adapté. Aujourd’hui, l’ensemble de la chaîne de sûreté est défaillante à un point inacceptable. »

    #Nucléaire

  • Pourquoi le gendarme du #nucléaire a décidé de faire du bruit - L’Obs
    http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20161123.OBS1620/pourquoi-le-gendarme-du-nucleaire-a-decide-de-faire-du-bruit.ht

    « La situation est devenue très préoccupante ». Quand ces propos s’appliquent aux centrales nucléaires françaises et qu’ils sont tenus par Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (#ASN), le gendarme de l’atome, il y a de quoi éprouver quelques sueurs froides !

    Dans une interview donnée ce mercredi 23 novembre au « Figaro », Chevet n’y va pas avec de dos de la cuillère, en racontant comment depuis 2015, l’Autorité a découvert que certaines pièces fabriquées par Areva pour les réacteurs nucléaires étaient d’une qualité médiocre, dissimulée par des dossiers falsifiés (voir notre enquête détaillée à ce sujet).
    […]
    Indépendant du pouvoir politique et donc non-virable, Pierre-Franck Chevet n’en est pas moins soumis à une pression énorme. Il en est, d’après ses familiers, très éprouvé. D’autant que depuis 2012, il réclame au gouvernement un accroissement de ses moyens financiers et de ses troupes, trop maigres pour les chantiers considérables dont il a la charge (en plus du flicage des pièces des centrales, de la vérification du respect des standards post-Fukushima, des travaux pour l’allongement de la durée de vie des centrales...) Or, ces moyens lui ont été refusés, ce qui l’a beaucoup atteint.

    Cet homme austère, au sourire rare, a donc compris que les bonnes manières ne servaient à rien pour faire valoir son point de vue.

  • Trente ans après #Tchernobyl, « un accident nucléaire majeur ne peut être exclu nulle part »
    http://www.lemonde.fr/energies/article/2016/04/22/un-accident-nucleaire-majeur-ne-peut-etre-exclu-nulle-part-dans-le-monde_490

    Président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française, Pierre-Franck Chevet a commencé sa carrière quelques mois après la catastrophe de Tchernobyl survenue le 26 avril 1986, au sein du Service central de sûreté des installations nucléaires. Trente ans après, il revient sur le risque nucléaire.
    […]
    Un accident aussi grave reste donc possible en Europe ?
    Un accident majeur, comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima, ne peut être exclu nulle part dans le monde, y compris en Europe. Nous devons en tirer les conséquences. Fukushima a eu un impact radiologique dans un rayon de 100 km. Si vous tracez un cercle de 100 km de rayon autour des centrales nucléaires d’Europe, vous constatez que, pour beaucoup d’entre elles, plusieurs pays sont concernés. Cela nécessite de nous coordonner et d’adopter des règles communes de protection des populations, ce qui n’est pas encore le cas. Nous progressons néanmoins dans ce sens : fin 2014, les autorités de radioprotection et de sûreté européennes ont convenu d’améliorer leur coordination transfrontalière.
    […]
    Vous avez déclaré que le contexte français en matière de sûreté est « particulièrement préoccupant ». Pour quelles raisons ?
    Je ne disais pas cela, il y a un an. Nous sommes entrés dans une période d’enjeux sans précédent. La plupart des 58 réacteurs français, mais aussi des sites d’Areva (combustible et retraitement) et des réacteurs de recherche du CEA, soit quelque 150 installations, ont été mis en service dans les années 1980 et approchent donc de leurs quarante ans de fonctionnement. La question est de savoir, en particulier pour les réacteurs, s’ils peuvent être prolongés, avec des normes de sûreté rehaussées. Pour y répondre, un très gros travail d’analyse doit d’abord être mené. Les travaux d’amélioration des installations nécessitent un investissement industriel considérable et un contrôle renforcé de l’ASN.
    Ce qui est nouveau, ce sont les graves difficultés économiques, financières ou budgétaires des acteurs industriels du nucléaire. Le gouvernement a décidé une réorganisation de cette filière, mais celle-ci est encore en phase de transition. Or, il est essentiel que les opérateurs maintiennent les compétences humaines et les investissements nécessaires à la sûreté.
    Face à ces enjeux, l’ASN et son appui technique [l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire] n’ont actuellement pas les ressources nécessaires pour assurer pleinement leurs missions de contrôle.
    […]
    #Pour_l’instant, il n’y a pas de signaux alarmants qui indiqueraient que la sûreté se dégrade en France. Mais la situation peut dériver dans les années à venir. Il nous faut rester extrêmement vigilants.

  • « Il faut imaginer qu’un #accident de type Fukushima puisse survenir en Europe » - Libération
    http://www.liberation.fr/futurs/2016/03/03/il-faut-imaginer-qu-un-accident-de-type-fukushima-puisse-survenir-en-euro

    Pierre-Franck Chevet préside l’Autorité de #sûreté_nucléaire (#ASN), une autorité indépendante considérée comme le gendarme de l’atome. Cet X-Mines, qu’on ne peut pas soupçonner d’être antinucléaire, alerte pourtant de plus en plus fortement sur la sûreté.

    #nucléaire #areva #edf #prévention_des_risques

  • L’EPR de Flamanville placé sous surveillance | France info
    http://www.franceinfo.fr/actu/economie/article/l-epr-de-flamanville-place-mis-sous-surveillance-668557

    Selon l’Autorité de sureté, la cuve fabriquée par une filiale d’Areva ne serait pas aussi fiable que prévue. Le couvercle et le fond ne résisteraient pas aussi bien qu’escompté aux chocs thermiques et à la pression qu’il peut y avoir dans un réacteur nucléaire. Le patron de l’ASN, Pierre-Franck Chevet l’a déjà dit aux parlementaires, pas question de donner son feu vert à la mise en service de l’EPR avant d’avoir la conviction que ce composant crucial est plus étanche.
    Le métal fragilisé par une concentration importante de carbone

    Car la cuve d’un réacteur est une pièce qui ne se change pas comme ça. Et c’est en son sein que l’on provoque la réaction nucléaire et donc que se trouve concentrée la radioactivité. « Lorsque les calottes ont été forgées, une concentration importante de carbone a fragilisé le métal, explique Yannick Rousselet, chargé des questions nucléaires à Greenpeace. Au regard des normes actuelles, poursuit-il, la sûreté du réacteur est directement en cause. Il aurait fallu soumettre ces pièces à des essais avant de les installer. Le problème, c’est qu’une fois posée - et c’est le cas - on ne peut pas remplacer la cuve sans détruire tout ce qu’il y a autour. Pour nous le résumé est clair : l’EPR, en tant qu’outil industriel, est mort. »

    http://www.franceinfo.fr/player/share?content=1475095

  • Soixante ans, une terra incognita pour la sûreté nucléaire, Actualités
    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0203012470584-soixante-ans-une-terra-incognita-pour-la-surete-607857.php?xt

    « EDF ne doit pas compter sur l’allongement de la durée de vie des centrales à soixante ans pour établir le futur paysage énergétique de la France », a prévenu le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, dans le « Journal du dimanche »